Appropriation de l`espace et expérience de consommation : le cas

Transcription

Appropriation de l`espace et expérience de consommation : le cas
Session 6 - 49
Appropriation de l’espace et expérience de consommation : le cas des
rassemblements de joueurs en réseau
Candy KOLENC
ATER
IAE de Lille - EREM
LEM UMR CNRS 8179
[email protected]
Résumé
Cet article, fondé sur une approche exploratoire inspiré de la « grounded theory » propose une
investigation des processus d’appropriation de l’environnement physique dans le cadre des
expériences de consommation, représentées par les rassemblements de joueurs en réseau. Les
principaux résultats soulignent qu’au-delà des processus d’appropriation de base, les individus
développent, à mesure de la participation à des expériences successives, des stratégies
complexes d’anticipation, d’adaptation et d’appropriation, destinées à maximiser la qualité de
l’expérience vécue. Dans une perspective managériale, il s’agit d’appréhender les risques et
les sources d’insatisfaction liées à la participation de manière à y pallier par des actions
opérationnelles.
Abstract
This article, based on an exploratory approach inspired of the «grounded theory" investigates
the appropriation processes of the physical environment in the context of the consumption
experiences, represented by the gatherings of network video gamers. The main results shows
that beyond the basic processes of appropriation, the individuals develop, during the
participation in successive experiences, complex strategies of anticipation, adaptation and
appropriation, in order to maximize the quality of the lived experience. From a managerial
point of view, risks and sources of dissatisfaction related to the participation are apprehended
so as to minimize them by operational actions.
Session 6 - 49
Appropriation de l’espace et expérience de consommation : le cas des
rassemblements de joueurs en réseau
Introduction
Ce travail de recherche propose de mettre l’accent sur l’appropriation de l’espace dans le
contexte de l’expérience des rassemblements de joueurs en réseau (les LAN pour Local Area
Network), du point de vue du participant. Il s’agit, en ce sens, d’appréhender la problématique
de l’impact de l’antériorité (c'est-à-dire, des expérience passées) sur les processus
d’appropriation mis en place par les acteurs. Se posent alors des questions relatives aux
modalités d’apprentissage des stratégies d’adaptation, destinées à maximiser la qualité de
l’expérience vécue par les participants. Le développement de cette recherche suit un schéma
classique. Après la présentation du cadre conceptuel, les principales caractéristiques de la
méthodologie sont détaillées avant d’exposer puis de discuter les résultats.
Cadre conceptuel de la recherche
Si le concept d’appropriation a abondamment été étudié dans le contexte du magasinage et
des expériences d’achat (Aubert-Gamet 1996 ; Bonnin 2000, 2002, 2003, 2006),
l’appropriation d’une expérience de consommation a fait l’objet d’une attention moindre.
Parmi les travaux de recherche fournissant des éléments clefs de l’appropriation de
l’expérience, Ladwein (2002), souligne le rôle fondamental de la composante praxéologique
dans le contexte de la consommation d’un hôtel club.
Plus généralement, force est de constater que la manière dont les individus se représentent les
éléments de la situation et la situation globale de consommation est étroitement liée : 1) au
positionnement de soi (Bongkoo et Shafer 2002), 2) aux comportements (les interactions
individus-objets et individus-situation, les pratiques – Holt 1995), et 3) à la satisfaction
(l’extraction de valeur – Aurier, Evrard et N’Goala 2004).
Par conséquent, avant d’aborder la notion d’appropriation dans la perspective d’une
expérience de consommation, il s’agit de revenir brièvement sur les conceptions de la
situation de l’expérience.
1. La situation de consommation et la définition de l’environnement de l’expérience
Concernant les situations de consommation, deux courants théoriques se distinguent sans
toutefois s’opposer. Il s’agit de la situation objective (Belk, 1974, 1975) et de la situation
objective (Lutz et Kakkar 1975). Ces différentes approches permettent d’appréhender
l’environnement de l’expérience en catégorisant les différents éléments le constituant. Après
l’exposition des principales caractéristiques de ces conceptions, leur complémentarité sera
soulignée dans le cadre des approches marketing.
1.1. La situation objective
La situation objective se compose de « l’ensemble des facteurs particuliers à un moment et à
un endroit d’observation, qui ne provient pas de la connaissance d’attributs personnels
(interindividuels) ou des attributs du stimulus (alternatives de choix), et qui ont un effet
démontrable et systématique sur le comportement actuel » (Belk 1974, p. 157). Elle peut être
définie à partir de cinq composantes (Belk 1975) : 1) l’environnement physique (les
caractéristiques les plus apparentes), 2) l’environnement social (les caractéristiques, les rôles
et - les interactions entre - des individus), 3) la perspective temporelle (la spécification en
unités de temps ou mesurée par rapport à des évènements passés ou futurs), 4) la définition
des tâches (les rôles d’acheteur ou de consommateur assumés) et 5) les états antécédents (les
états émotionnels ou conditions momentanées précédant immédiatement l’expérience).
Session 6 - 50
Cependant, bien qu’elle soit facilement opérationnalisable, cette approche a fait l’objet de
nombreuses critiques (Lemoine 2000). Pour Barker et Wicker (1975), définir les états
antécédents revient à introduire une confusion entre les caractéristiques de la situation et de
l’individu. Conjointement, ils insistent sur la prise en compte d’éléments plus spécifiques en
fonction des activités de consommation, tels que les conditions climatiques dans le cadre du
golf. Enfin, Lutz et Kakkar (1975) proposent de considérer la subjectivité de la situation.
1.2. La situation subjective
Lutz et Kakkar (1975, p. 441) définissent la « situation psychologique subjective » comme
relevant des « réponses internes de l’individu à – ou à l’interprétation de – tous les facteurs
particuliers à un endroit et à un moment d’observation qui ne sont pas des caractéristiques
individuelles ou environnementales stables, et qui ont un effet systématique et démontrable
sur les processus psychologiques de l’individu et/ou sur le comportement apparent ». Ils
proposent de recourir aux travaux de la psychologie environnementale, qui considèrent que
les réponses émotionnelles médiatisent l’impact de la situation sur le comportement
individuel. En ce sens, l’échelle PAD de Mehrabian et Russell (1974) permet de décrire les
réponses émotionnelles individuelles selon trois dimensions : 1) le plaisir (Pleasure), les états
émotionnels, 2) l’excitation (Arousal), les stimulations sensorielles (Berlyne 1960) et 3) la
domination (Dominance), le sentiment de contrôle sur l’environnement. Ces trois dimensions,
susceptibles de se combiner, composent les réponses émotionnelles des individus à
l’environnement.
1.3. La complémentarité des approches objectives et subjectives de la situation
Comme Lutz et Kakkar (1975) le précisent, leur approche ne s’oppose pas à celle de Belk
(1975) mais se propose de la compléter. Belk (1976) reconnaît d’ailleurs la complémentarité
des perspectives objectives et subjectives de la situation. Les travaux plus récents de Lemoine
(2000, 2003) confirment également la pertinence d’une approche « hybride » de la situation.
Cependant, dans une perspective plus globale, il semble délicat de discriminer les réponses
émotionnelles liées spécifiquement à la situation de celles relatives au vécu de l’expérience de
consommation (Havlena et Holbrook 1986 ; Havlena, Holbrook et Lehman 1989). Par
conséquent, il s’agit de revenir sur les processus d’immersion et d’appropriation de
l’environnement dans le cadre des activités de consommation, afin d’envisager les stratégies
comportementales individuelles destinées à la maximisation de la qualité de l’expérience
vécue.
2. Immersion, état de flux, appropriation et composante praxéologique de l’expérience de
consommation
De manière générale, les approches expérientielles soulignent la variété des états émotionnels
individuels dans le contexte de la consommation (Holbrook et Hirschmann 1982). D’un point
de vue plus managérial, le marketing expérientiel vise à la proposition de dispositifs de
production permettant aux individus de vivre des expériences gratifiantes (Pine et Gilmore
1999 ; Schmitt 1999 ; Hetzel 2002 ; Filser 2002 ; Petr 2002 ; Dupuis et Lejean Savreux 2004 ;
Puhl, Bourgeon-Renault et Bouchet 2005 ; Ochs et Rémy 2006 ; Carù et Cova 2003).
Néanmoins, quels que soient les leviers opérationnels proposés, il n’en demeure pas moins
que la participation du consommateur, qu’elle soit active ou passive/réactive (Pine et Gilmore
1999, Holbrook 1999), plus ou moins intense (Bitner et ali. 1997), est une condition
indispensable à la production de l’expérience. En ce sens, l’individu devient un élément du
dispositif et co-produit voire co-crée l’expérience (Firat, Dholakia et Venkatesh 1995 ; Carton
2007). Or, il s’avère que les interactions individu-objet et individu-situation sont à l’origine de
processus d’immersion, d’appropriation, et de la mise en œuvre d’actions (composante
Session 6 - 51
praxéologique) susceptibles de générer des états de flux (flow experience - Csikszentmihalyi
1990 ; Hoffman et Nowak 1996), engendrant une forte valeur de consommation pour le
participant. Ces processus, sources de nombreux travaux de recherche, méritent néanmoins
d’être distingués. En effet, ils ne recouvrent pas forcément des notions identiques. Précisons
toutefois qu’il ne s’agit pas ici de proposer une synthèse exhaustive des conceptions
théoriques, mais d’en clarifier les principaux éléments de définition afin de les mobiliser de
manière appropriée.
2.1. Immersion et état de flux
L’immersion signifie l’action de plonger ou d’être plongé partiellement ou totalement dans
l’eau, et plus généralement dans une atmosphère quelconque1. En marketing, ce concept
particulièrement mobilisé par les approches expérientielles, souligne la quête d’immersion
dans les expériences des consommateurs contemporains (Firat et Schultz 2001, p.113). Les
individus chercheraient alors à s’évader de leur quotidien, en « plongeant » dans des
expériences de consommation proposant des cadres enclavés, sécurisés, et thématisés (Firat et
Dholakia 1998 ; Kozinets et ali. 2002 ; Goulding, Shankar et Elliott 2002). Conjointement, les
études portant sur les environnements virtuels - disposant d’un potentiel immersif important ont révélé l’existence de moments d’expériences optimales (Hoffman et Nowak 1996 ;
Douglas et Hargadon 2001) aux caractéristiques similaires aux états de flux (flow) au sens de
Csikszentmihalyi (1990).
L’état de flux, est pour Csikszentmihalyi (1990), un état mental, un état de conscience
fortement focalisé ne demandant presque pas d’effort. L’individu est alors totalement
immergé dans ce qu’il fait et il est possible de dénommer les principales caractéristiques de
cet état (Csikszentmihalyi 1997, p. 9) :
- la poursuite de buts précis,
- la rétroaction immédiate de ses propres actions,
- un équilibre entre niveau de défi et niveau de compétence,
- la fusion de l’action et de la conscience,
- l’exclusion des distractions de la conscience,
- l’absence de la peur de l’échec,
- la disparition de la conscience de soi,
- la distorsion de la perception du temps,
- l’activité devient une fin en soi, elle est gratifiante et l’action ne demande pas
d’efforts.
La totalité de ces « symptômes » n’est pas indispensable à l’expérience de flux cependant, ces
éléments permettent de décrire les principales caractéristiques des expériences de flux. Plus
globalement, « l’état de flux est le résultat d’une concentration intense sur le présent, qui
implique que nous nous déchargions des peurs habituelles qui engendrent anxiété et
dépression dans la vie quotidienne » (Csikszentmihalyi 1997, p. 10).
Les approches expérientielles combinent fréquemment les notions d’immersion et d’état de
flux. En ce sens, certaines activités de consommation sont susceptibles de provoquer des états
de flux, l’optimum de l’expérience de consommation, par l’immersion de l’individu dans une
atmosphère ou un environnement particulier (Schmitt 1999 ; Pine et Gilmore 1999 ; Hetzel
2002 ; Carù et Cova 2003). Cependant, l’accès à ces état de flux et plus généralement aux
expériences de consommation, « n’est ni évident, ni systématique et requiert des compétences
ou des aptitudes dont le consommateur ne dispose pas nécessairement » (Ladwein 2002, p.
61). Par conséquent, il est indispensable de considérer la composante praxéologique de
l’expérience et les processus d’appropriation qui en découlent, de manière à envisager les
1
Source : Trésor de la Langue Française (http://atilf.atilf.fr/tlf.htm).
Session 6 - 52
moyens et les méthodes mises en œuvre par les individus pour maximiser la qualité de
l’expérience vécue.
2.2. L’appropriation
La définition de l’appropriation renvoie à deux notions différentes : l’adaptation et la
propriété. D’une part, l’appropriation désigne l’adaptation de quelque chose à un usage
déterminé, et peut, dans ce cadre, être synonyme d’ajustement. D’autre part, l’appropriation
signifie l’action de prendre possession de quelque chose, d’en faire sa propriété (Trésor de la
Langue Française). En marketing et en comportement du consommateur, ce concept
particulièrement mobilisé dans le cas des services et de la distribution, s’attache à expliciter
comment les individus utilisent, manipulent et agissent sur des objets physiques, des lieux,
des idées (Aubert-Gamet 1996 ; Filser 2002 ; Bonnin 2002, 2003, 2006 ; Ladwein 2002,
2003 ; Carù et Cova 2003, 2006).
En psychologie environnementale, l’expérience du lieu repose sur les interactions entre
l’individu et l’environnement (Moles et Rohmer 1982, De Certeau 1980, Fischer 1981). En ce
sens, toute action sur l’environnement (ou réaction à l’environnement, Moles 1976) s’inscrit
dans un processus d’appropriation (Moles et Rohmer 1977). Pour Fischer (1992, p. 91),
l’appropriation est « un processus psychologique fondamental d’action et d’intervention sur
un espace pour le transformer et le personnaliser : ce système d’emprise englobe les formes et
les types d’intervention sur l’espace qui se traduisent en relation de possession et
d’attachement », composé de quatre principaux types d’opérations :
- Le regard : l’opération d’appropriation la plus basique, mais susceptible de générer des
émotions, notamment esthétiques et d’éveiller la curiosité (Berlyne 1960).
- L’exploration : l’individu repère le territoire à partir d’informations diverses, des
produits ou d’activités pour développer des « points d’ancrage et de contrôle
(balises) » (Carù et Cova 2003, p.50), et étend ainsi son champ d’action dans l’espace.
- L’aménagement : l’individu inscrit un caractère personnel dans toute ou partie de
l’expérience, il délimite alors des frontières (physiques ou symboliques), dont la
manifestation la plus observable est le « marquage » de l’espace (Ladwein 2002).
- La nidification : l’individu crée un chez-soi, « fait son nid » en isolant une partie
familière de l’expérience, et constitue un espace stable sur lequel il exerce un contrôle.
L’individu, pour Carù et Cova (2003), à la suite de ces processus d’appropriation se trouverait
en situation d’immersion, ce qui favoriserait l’état de flux (Csikszentmihalyi 1990, 1997) et
permettrait de prolonger la durée de la consommation par un état d’excitation ou de
stimulation optimal (Berlyne 1960 ; Holbrook et Gardner 1993).
Il apparaît donc que les notions d’immersion, d’appropriation et d’état de flux sont
étroitement liées dans le cadre des expériences de consommation. L’état de flux semble en
effet conditionné par les processus d’appropriation concomitants à l’immersion. Or, les
individus ne disposent pas forcément des compétences ou des aptitudes nécessaires à l’accès à
l’expérience, et/ou, peuvent manquer de connaissances concernant l’objet ou la situation de
consommation (Ladwein, 2002). Ce potentiel manque de connaissances invite naturellement à
s’interroger sur les processus d’apprentissage et d’acquisition des connaissances par les
consommateurs. Cette recherche poursuit donc deux principaux objectifs : 1) appréhender les
modalités de participation à une expérience de consommation sous l’angle des processus
d’appropriation, et, 2) envisager les processus d’apprentissage sous-jacents à la mise en œuvre
des processus d’appropriation de l’environnement physique.
Session 6 - 53
Approche empirique
Compte tenu des objectifs poursuivis, il a été question de s’appuyer sur une étude exploratoire
de type qualitatif, inspirée de la théorie enracinée ou « grounded theory » (Glaser et Strauss
1967; Goulding 1998, 2002). Cette approche s’inscrit dans la continuité de travaux déjà
entrepris auprès des utilisateurs de jeu vidéo en réseau (Ladwein et Kolenc 2006, Kolenc et
Ladwein 2006), mais propose un focus particulier sur l’appropriation de l’espace de
consommation dans l’élaboration de l’expérience (Ladwein 2002, 2003).
Il a ainsi été question de combiner des techniques d’enquêtes par récits de pratique (Rouleau
2003) par des observations participantes et non participantes. Après une description des
modalités du recueil des informations, la démarche analytique est présentée.
1. Choix du terrain et recueil des données
Face à la démocratisation du sport électronique ou e sport, les pratiques compétitives du jeu
vidéo en réseau se multiplient et offrent de nouvelles perspectives de développements pour les
éditeurs et les développeurs vidéoludiques, dans un marché déjà très porteur2. Dans ce cadre,
il apparaît que certains joueurs en réseau participent à des rassemblements (les LAN – Pine et
Gilmore 1999), réunissant parfois des centaines d’individus.
A ce titre, cette étude repose sur une démarche exploratoire qualitative, combinant des
techniques d’enquêtes par récits biographiques (21 entretiens – Rouleau, 2003) et par
observation (4 séances d’observations participantes et 1 séance d’observation non
participantes – Groleau 2003 ; Dion et Ladwein 2005).
1.1. Les récits biographiques
Les récits biographiques, à l’instar d’entretiens individuels semi directifs, sont menés à l’aide
d’un guide d’entretien ne comportant qu’un nombre très restreint de thèmes à aborder, aucune
question n’étant rédigée. Il s’agit de proposer un thème de réflexion (la pratique du jeu vidéo
en réseau), servant d’inducteur au déroulement de l’entretien, puis, d’encourager les
répondants à s’exprimer à propos de leurs différentes expériences, tout en préservant une
grande liberté de discours. Au total, 21 entretiens individuels ont été réalisés entre janvier
2004 et janvier 2005 auprès de divers utilisateurs de jeux en réseau, qui participent ou ont déjà
participé à des rassemblements en LAN (Annexe A1 – Présentation de l’échantillon). Les
individus interrogés ont été recrutés de diverses manières : par convenance (entourage,
recrutements sur des sites et des forums Internet, recrutement direct en LAN) ou encore de
proche en proche.
1.2. Les séances d’observation
Les observations participantes et non participantes réalisées reposent sur des techniques
d’observations flottantes globales et non standardisées (Groleau 2003 ; Dion et Ladwein
2005). Pour réaliser les enquêtes, le chercheur a pris contact avec les organisateurs des LAN
(via les sites ou les salons de discussion sur Internet) afin d’obtenir l’autorisation de mener
des investigations. Les organisateurs n’ont manifesté à cet effet, aucune résistance. Les
séances d’observation se sont déroulées au cours des rassemblements suivants :
- BTF 7 - Arras (62) du 5 décembre 2003, 18H au 7 décembre 20H : 150 personnes
- BTF 8 - Arras (62) du 23 janvier 2004 18H au 25 janvier 20H: 200 personnes
- Nexen 15 - Wattrelos (59) du 27 février 2004 17H au 29 février 19H : 400 personnes
- Baua 5 - Béthune (62) du 2 avril 2004 17H30 au 4 avril 18H : 200 personnes
(observation non participante)
2
Par exemple, voir http://www.afjv.com/press0701/070115_chiffres_marche_jeux_video_us_2006.htm
Session 6 - 54
-
Team Attack Arena 5 - Cambrai (59) du 21 octobre 2005 18H au 23 octobre 2005
19H : 200 personnes
Outre les notes d’observation, environ 250 photographies ont été réalisées au cours de ces
rassemblements. Au-delà de l’éclairage supplémentaire qu’elles ont apporté à l’étude, elles
ont permis de repérer a posteriori des éléments qui auraient pu échapper in situ, mais aussi
d’illustrer certains aspects de l’expérience du jeu vidéo en réseau (Badot, 2000). La
photographie a été privilégiée par rapport au film vidéo dans la mesure où de nombreux
participants prennent des photographies lors des regroupements. Cela a permis d’éviter une
présence trop visible ou remarquée par les joueurs. Les informations obtenues par le biais des
techniques d’observations ont été examinées conjointement aux entretiens qualitatifs et ont
enrichi l’analyse globale. De plus, elles ont fourni un éclairage supplémentaire, propice à la
vérification et à la confirmation des conclusions de l’enquête par entretiens.
2. Traitements et analyses des données
Après transcription des entretiens individuels, un corpus de 21 témoignages composés
d’environ 220 000 mots, représentant un peu plus de 18 200 lignes (interventions de
l’enquêteur incluses) a été obtenu.
Le seuil de saturation sémantique a été atteint dès le 13ème entretien, dans la mesure où les
entretiens suivants n’ont apporté que peu nouvelles informations, ou anecdotiques. Les
photographies ont quant à elle été analysées selon une démarche standardisée (Collier et
Collier 1967 ; Dion et Ladwein 2005). Pour analyser l’ensemble du corpus de données, une
démarche interprétative a été privilégiée, car elle offre un cadre théorique favorable aux
investigations qualitatives et à l’utilisation de différentes méthodes d’enquêtes (observation et
entretiens), susceptible de circonscrire de manière plus exhaustive les différents aspects du
phénomène étudié (Holbrook et O’Shaughnessy 1988). La démarche générale d’enquête et
d’analyse suivie dans cette approche relève de processus itératifs permanents entre la collecte,
le codage et l’analyse des données. Conformément aux méthodes inspirées de la grounded
theory, l’analyse comprend trois principales étapes (Glaser et Strauss 1967 ; Miles et
Huberman 1984 ; Goulding 1998, 2002) : 1) lecture flottante et codage manuel ouvert dit « in
vivo » (codage ouvert), 2) confrontation du codage ouvert à la littérature, catégorisation et
constructions théoriques (codage axial) et 3) identification des catégories centrales et
formulations théoriques (codage sélectif). Enfin, les techniques d’analyses de contenu ont
permis de réaliser un codage par thème et d’identifier a posteriori 4 grandes catégories :
 1) L’équipement du participant : les objets nécessaires à la participation aux
rassemblements.
 2) L’appropriation de l’environnement physique : les modalités de base de
l’appropriation de l’espace dans le cadre des rassemblements
 3) L’adaptation aux contraintes du rassemblement : la manière dont les participants
mettent en œuvre des stratégies d’appropriation plus complexes, destinées à maximiser
leur confort.
 4) L’anticipation des problèmes techniques : le rôle de l’antériorité dans la préparation
d’une future expérience.
Ces quatre catégories seront traitées selon deux axes majeurs : 1) les modalités de
participation et l’appropriation de l’espace (équipement du participant et appropriation de
l’environnement physique), et, 2) les stratégies d’adaptation aux contraintes des
rassemblements et la maximisation de la qualité de l’expérience (adaptation aux contraintes
du rassemblement et anticipation des problèmes techniques).
Session 6 - 55
Résultats : des modalités de participation aux stratégies de maximisation de la qualité
l’expérience : appropriation de l’espace et expériences vidéoludiques en LAN
L’enquête réalisée a révélé l’importance de la composante praxéologique de l’expérience
vidéoludique en réseau. Il apparaît en effet que participer à ce type de rassemblements ne
s’improvise pas, et que les individus développent une diversité de stratégies adaptatives
destinées à s’approprier l’espace et à maximiser la qualité de l’expérience. L’approche
mobilisée a ainsi permis d’identifier quatre principales catégories : 1) équipement du
participant, 2) processus d’appropriation de l’environnement physique, 3) stratégies
d’adaptation aux contraintes et 4), anticipation des problèmes techniques. Les analyses
amènent à constater que l’antériorité (la participation à des expériences successives) semble,
dans ce cadre, représenter un paramètre essentiel dans le déroulement et la maximisation de la
qualité de l’expérience. En ce sens, plus l’individu a accumulé d’expériences passées, plus il
développe de stratégies d’adaptation et d’anticipation des contraintes praxéologiques lors
d’une nouvelle expérience. Il acquiert alors des aptitudes lui permettant d’optimiser sa
satisfaction, en réduisant les sources et les risques potentiels d’insatisfaction. Il apparaît en
effet que la participation aux LAN nécessite l’acquisition de connaissances spécifiques. Ces
connaissances concernent les modalités de participation aux rassemblements, ainsi que les
stratégies individuelles mises en place pour s’approprier l’environnement physique de
l’expérience.
1. Modalités de participation aux rassemblements en LAN et appropriation de l’espace
Pour participer à un rassemblement de joueurs en réseau, il s’agit d’accéder à l’information,
c’est-à-dire, d’être informé de l’organisation d’un(e) LAN. Les individus ont généralement
accès à ces informations soit, par le biais du réseau Internet (sites Internet, forums de
discussion, messageries instantanées, pratiques vidéoludiques), soit par le bouche-à-oreille.
Outre ces informations, l’enquête révèle une forte composante praxéologique, qui concerne à
la fois l’équipement nécessaire à la participation et les méthodes d’appropriation de
l’environnement physique.
1.1. L’équipement du « Laneur3 »
La participation à une LAN nécessite fondamentalement le transport d’un équipement
informatique. Celui-ci est en effet indispensable à la pratique vidéoludique. Chaque
participant, doit au minimum disposer des éléments suivants : 1) matériel : une unité centrale,
un moniteur, un clavier, une souris, un casque audio, les câbles d’alimentation et une
multiprise, un câble pour se connecter au réseau (RJ-45 droit) ; 2) logiciel : un système
d’exploitation, des logiciels de jeu vidéo en réseau et un anti-virus, voire un pare-feu (photo
1). L’oubli ou le non fonctionnement d’un de ces éléments rend toute pratique vidéoludique
impossible ou quasi. Précisons qu’à ce jour, la plupart des associations organisatrices
rappellent via leurs sites Internet l’équipement requis pour la participation.
L’équipement informatique (matériel et logiciel) représente un élément essentiel et
indissociable de l’activité vidéoludique en réseau. Cependant, par les caractéristiques
environnementales (physiques, temporelles et sociales) des rassemblements en LAN, la
participation requiert généralement, en plus de l’équipement informatique, un équipement de
camping, les LAN « officielles » (organisées par des associations) durant plusieurs jours et se
déroulant généralement dans des salles communales. Cette forme de camping est différente du
camping « traditionnel » dans la mesure où il s’agit de camper « en intérieur », sur le lieu du
3
L’expression « Laneur », utilisée par certains individus interrogés, renvoie ici à l’équipement spécifique des
participants aux rassemblements de joueurs en réseau, comparable à un équipement de campeur.
Session 6 - 56
rassemblement. Les participants s’équipent en conséquence de matériel destiné à séjourner
plusieurs jours sur place (photo 2).
Photographie 1.Transport du matériel nécessaire à la participation au LAN (TAA 5, Cambrai)
L’équipement de camping des participants aux rassemblements en LAN est composé de
matériel destiné au couchage (sacs de couchage, matelas, couvertures, oreillers…), de
boissons et de nourriture. Dans ce cadre, apparaît la notion d’appropriation de
l’environnement physique, qui est dans ce contexte, un espace partagé simultanément par
plusieurs participants.
Photographie 2. L’équipement de camping (TAA 5, Cambrai)
1.2. L’appropriation de l’environnement physique
Compte tenu de l’équipement nécessaire à la participation aux regroupements, il est question
non seulement de s’approprier un espace personnel de jeu, mais aussi un espace personnel de
couchage. Le déroulement de l’expérience des rassemblements en LAN permet d’observer les
méthodes mises en œuvre par les participants pour s’approprier l’environnement physique. La
Session 6 - 57
photo 3 illustre le marquage des espaces personnels de jeu. En pratique, dès leur arrivée sur le
lieu de la LAN, les participants occupent les tables libres en y positionnant une marque de
présence. L’unité centrale ou le moniteur représentent à cet égard les instruments les plus
usités pour effectuer ce marquage de territoire. En effet, en tant qu’objets personnels, leur
manipulation par d’autres individus serait perçue comme une violation de la sphère privée.
« Les conventions sociales n’autorisant pas les conquêtes sauvages, toute place marquée
devient une place acquise » (Ladwein 2002, p.7) pour la durée de la participation.
Photographie 3. Marquage des tables (BTF 8, Arras)
Cependant, les tables (et chaises associées à chaque place) ne représentent pas les uniques
espaces et objets de l’environnement physique appropriables par les participants. En effet, le
sol, si possible à proximité de la place acquise, représente également un espace « à
conquérir » où pourront être entreposés divers objets personnels. Cet espace au sol est
également utilisé pour la préparation d’un espace personnel de couchage (photo 4), renvoyant
à des opérations de nidification. Certains participants s’approprient même d’autres objets de
l’espace public non utilisés (en particulier d’autres chaises et/ou tables non marqués) de
manière à augmenter leur confort (photo 5).
L’espace approprié peut enfin être utilisé à des fins de stockage eu/ou d’entreposage des effets
personnels (photo 6). Le déroulement des rassemblements en LAN révèle donc divers
processus comportementaux destinés à s’approprier l’environnement physique. Les
participants utilisent en effet, diverses opérations d’aménagement (marquage) et de
nidification (personnalisation) au sein des espaces publics partagés. Cependant, force est de
constater que ces connaissances procédurales ne peuvent s’acquérir que par la participation à
des expériences successives de rassemblements.
Session 6 - 58
Photographie 4. Marquage et appropriation du sol (BTF 8, Arras)
Photographie 5. Appropriation des objets non marqués de l’espace public (BTF 8, Arras)
La participation à rassemblement en LAN nécessite donc de multiples connaissances
spécifiques. Elles sont principalement relatives aux modalités de participation à l’expérience
et aux modalités d’appropriation de l’espace public partagé. Par ailleurs, les observations ont
amené à constater que certains individus développent des stratégies d’adaptation plus
complexes dans le cadre des expériences de LAN.
2. Stratégies d’adaptation aux conditions des rassemblements et maximisation de la qualité de
l’expérience
Comme cela a été souligné, en participant à divers rassemblements en LAN, les individus sont
susceptibles d’acquérir des connaissances leur permettant d’anticiper les futures expériences.
Par conséquent, ils développent et mettent en place des stratégies destinées principalement à
s’adapter aux conditions environnementales des LAN, et à parer aux éventuels
dysfonctionnements de l’équipement matériel, dans le but de maximiser la qualité de
l’expérience vécue.
Session 6 - 59
Photographie 6. Appropriation et stockage des effets personnels (BTF 7, Arras)
2.1. Adaptation aux contraintes du séjour en LAN
Les rassemblements en LAN, par leurs caractéristiques environnementales, sont sources
d’inconfort.
«C’est les gros inconvénients de la LAN, tu dors comme un clochard, la plupart du temps.
Enfin, bon, sauf si tu… t’accommodes ou si t’as des techniques heu, spécifiques,
quoi, mais autrement heu… C’est… l’inconfort…heu… […] T’as faim, ben…tu
te retrouves comme un guerrier, faut que tu chasses ta nourriture, si y’a pas de
buvette, quoi, si y’a rien… Faut vraiment que t’ailles en ville, tout…que tu luttes
heu, si t’as une voiture, tu prends la voiture… Si t’as pas de voiture, là, c’est
encore pire, quoi, parce que t’es obligé de…faire des plans avec des potes et
tout…Vas-y, tu veux pas aller en ville, patati, quoi » [E18, M, 27 ans, en
concubinage, BAC+2, technicien]
Les individus ayant déjà participé à ce type d’expériences, sont alors susceptibles d’anticiper
les besoins survenant pendant la manifestation. Ils chercheront par conséquent à palier aux
éventuelles sources d’ennui ou d’inconfort, en se munissant de divers objets destinés à
séjourner sur place pendant plusieurs jours (3 jours et 2 nuits en général). Ces objets sont
donc destinés comme cela a été souligné, d’une part, à dormir (sacs de couchage, couettes et
matelas en tout genre) et d’autre part, à manger et à boire (biscuits sucrés et salés, bonbons,
gâteaux, boissons alcoolisées ou non, etc. – photo 7).
Certains participants améliorent leur confort en personnalisant leur espace de couchage, et
prévoient, par exemple, plusieurs couvertures. Ce type d’amélioration révèle des stratégies
plus complexes, combinant des processus d’anticipation avant l’expérience et d’appropriation
de l’espace pendant l’expérience, renvoyant à nouveau à des opérations de nidification (photo
8).
Session 6 - 60
Photographie 7. L’anticipation des besoins (TAA 5, Cambrai)
Photographie 8. Appropriation de l’espace et opérations de nidification (BTF8, Arras)
La participation à différentes expériences de rassemblement en LAN confronte donc les
joueurs en réseau à des situations dans lesquelles le confort est rudimentaire. Face à ces
conditions d’expériences, les participants sont susceptibles de développer des stratégies
destinées à améliorer leur confort durant l’expérience de LAN. L’anticipation et
l’amélioration des contraintes du séjour constituent le premier aspect de la maximisation de la
qualité des expériences de LAN. Le second aspect de cette maximisation concerne quant à lui,
plus spécifiquement, l’anticipation des éventuels problèmes techniques.
2.2. Anticipation des problèmes techniques
Le matériel informatique, indispensable aux pratiques vidéoludiques en LAN, n’est pas
infaillible. Les problèmes techniques peuvent être la conséquence d’un disfonctionnement de
l’équipement (matériel et logiciel) soit lié au dispositif expérientiel mis en place par les
associations organisatrices, soit lié à l’équipement des participants.
« Mais entre temps, on a fait une LAN, parce qu’on avait vu sur un site web qui avait eu
une LAN à Rouen, 150 personnes. Bah c’était déjà pas mal comme première
Session 6 - 61
LAN. C’était tellement galère, c’était pannes de courant, organisation des
tournois foireuse et tout, et les versions, nous on découvrait, fallait installer les
patchs pour jouer avec les autres etc. La galère ! Une fois qu’on est au parfum, ça
va mieux mais c’est tout un tas de choses à… » [E1, M, 26 ans, célibataire,
BAC+2, technicien]
« Ah, ouais, ouais, je crois que… j’avais pu jouer que deux heures à cette LAN là parce
que je m’étais choppé un virus… Donc heu, voilà… J’ai vu les autres jouer
mais… moi, je savais pas pourquoi ça marchait pas, et, j’ai trouvé deux heures
avant la fin… (Rire) Voilà… Ca calme quand même » [E11, M, 21 ans,
célibataire, BAC, employé]
« Ma première grosse LAN, ça a été ça, quoi, j’ai… réinstallé ma machine heu, je pense 5
heures ou 6 heures d’affilée, quoi… Entre les coupures de jus, et les virus…qui
me, qui me niquaient, je crois, sur heu… allez hop, on va dire, heu, sur heu, 25 ou
30 heures de LAN heu, j’étais amputé de 7 heures, quoi… Je bouillonnais à
l’intérieur, mais bon, comme c’était ma première très grosse LAN, 200 personnes
environ, 150-200 personnes environ… Je veux dire, j’étais aux anges quand
même, quoi, parce que… parce que, ce que je faisais avant avec des potes à 3-4
dans une pièce, là, on était 150, quoi… C’est plus les mêmes mesures, quoi… »
[E18, M, 27 ans, en concubinage, BAC+2, technicien]
Les divers sites d’observation ont amené à constater que pour palier aux éventuels
disfonctionnements et/ou oubli de matériel, il arrive que les organisateurs de LAN proposent
des stands de vente de matériel informatique. Certains joueurs ayant déjà participé à ces types
de rassemblement ont cependant connaissance des différents problèmes techniques pouvant
survenir lors de l’expérience. Ils prévoient alors différents éléments en surplus pouvant se
révéler forts utiles en cas de disfonctionnement de leur matériel informatique. Généralement,
il s’agit de transporter des éléments supplémentaires : clavier ou souris, logiciels et
programmes d’installation de système d’exploitation ou de jeu… Aussi, les individus
participant fréquemment à ces expériences peuvent s’équiper d’un matériel plus adapté aux
contraintes des LAN (tels que les transports).
« Je me suis carrément aménagé le matériel qu’il faut pour… pour que ce soit un
minimum contraignant. J’ai laissé un écran dans mon coffre. Un vieil écran
heu… qui craint plus les transports. Heu… heu… prendre un PC transportable
aussi, heu, un PC, enfin un shuttle… Et comme le PC transportable est très en
vogue, enfin, très à la mode en ce moment, parce que ça se range dans une
sacoche heu, comme un caméscope heu, même taille… je me ballade heu, voilà,
sous, à la main quoi. Et puis, j’ai presque rien à ranger, j’ai tous mes câbles et
tout dans la voiture, des fois, des fois, avec des potes, on l’appelle la LAN car
(rire) » [E1, M, 26 ans, célibataire, BAC+2, technicien]
Les rassemblements en LAN exposent également les participants aux risques de dégradations
du matériel ou de vols, pour lesquels les organisateurs se dédouanent explicitement de toutes
responsabilités dans les règlements.
« La LAN, vous quittez votre ordinateur, y’en a un qui peut aller dessus, et vous volez
votre ordinateur, le matériel que vous avez. Ca, c’est assez dangereux mais bon,
en général y’a… Enfin, y’a pas… de vol. Mais bon…On se méfie quand
même… » [E7, M, 29 ans, célibataire, BAC, ouvrier]
« Et après, t’as le gros trucs, le gros phénomène avec heu… Tout ce qu s’ensuit, les files
d’attentes au début, les badges, les t-shirts, les machins et ça prend heu perpette
pour pouvoir s’installer heu… Au début, y’a personne heu, quand t’as un
problème heu, forcément ça met cinq heures à être réglé, et puis, c’est pas […]
T’as tout le temps, le danger, de te faire voler ton matériel quand tu l’abandonnes
Session 6 - 62
un peu, c’est un peu stressant heu… y’a énormément de gens que tu connais
pas… » [E6, M, 26 ans, célibataire, BAC+5, enseignant]
Le second extrait d’entretien, illustre à la fois deux éléments : 1) plus le nombre de
participants est élevé, plus les individus ressentent de l’insécurité ; 2) la participation à des
expériences successives amène à nouer des relations avec d’autres joueurs déjà rencontrés lors
de précédents rassemblements. Notons toutefois que le sentiment d’insécurité concernant les
vols lors des rassemblements en LAN est rarement verbalisé. Sur l’ensemble des joueurs
interrogés, seuls deux individus ont évoqué le risque de vol. Cela étant, les observations
réalisées ont tout de même amené à constater que les participants adoptaient des stratégies
comportementales destinés à minimiser ce risque. A l’occasion de ces rassemblements, les
participant se déplacent fréquemment en groupes et/ou se retrouvent sur place. Par conséquent
de nombreux participants se connaissent ou font connaissance via différentes situations
(« voisins de table », rencontre lors d’une partie…). Ainsi, lorsque les participants s’éloignent
de leur matériel ou quittent provisoirement le lieu de l’expérience, ils demandent à d’autres
joueurs un service de surveillance. De manière similaire, de multiples échanges de biens et de
services peuvent être réciproquement consentis entre participants (prêt de matériel ou de
logiciels, aide à l’installation du participant, aide à la configuration de l’équipement
informatique, partage de nourriture et/ou de boisson…).
Ces stratégies révèlent non seulement des processus d’adaptation individuels, mais aussi
collectifs. D’une part, elles sont destinées à minimiser les risques et les contraintes liées aux
LAN, et donc à maximiser la qualité de l’expérience vécue. D’autre part, ces stratégies font
partie de systèmes d’interdépendances stables, qui structurent les fondements du
fonctionnement d’un groupe d’individus au sens d’Anzieu et Martin (1968).
Les stratégies d’appropriation et d’adaptation utilisées par les participants soulignent la
composante praxéologique des expériences de LAN. Or, il apparaît très nettement que
l’observation et/ou l’imitation ne suffisent pas dans ce cas à acquérir ces connaissances. C’est
en effet la participation à des expériences successives qui va être à l’origine de l’acquisition
de connaissances procédurales, c'est-à-dire de compétences spécifiques à ces pratiques de
consommation (Holt 1995). L’accroissement de la familiarité aux rassemblements en LAN
semble ainsi s’accompagner de l’acquisition d’expertise (Alba et Hutchinson 1987). Les
participants pourront alors utiliser leurs connaissances (déclaratives et procédurales) pour
maximiser la qualité de l’expérience, en anticipant d’éventuels besoins et en réduisant les
risques et les contraintes liés aux LAN.
3. Synthèse et conclusions des résultats de l’analyse
L’enquête réalisée auprès des joueurs en réseau ayant déjà participé à des rassemblements en
LAN a permis d’appréhender les processus d’appropriation mis en œuvre par les individus
dans le cadre d’une expérience de consommation. D’une part, il a été question de définir les
modalités de participation à l’expérience par le biais : 1) des éléments personnels nécessaires
à la participation (comparables à des inputs clients dans le contexte des services) et, 2) des
processus d’appropriation de base de l’environnement physique. D’autre part, les résultats ont
amené à constater l’existence de stratégies d’adaptation destinées à maximiser la qualité de
l’expérience vécue consistant en : 1) des stratégies d’adaptation aux contraintes
environnementales et de processus complexes d’appropriation de l’espace et, 2) des stratégies
d’anticipation des éventuels problèmes techniques, spécifiques aux activités vidéoludiques en
réseau.
En définitive, cette approche amène à formuler plusieurs constats globaux quant aux relations
entre appropriation de l’environnement et expérience de consommation :
Session 6 - 63
-
-
1) Les représentations individuelles de la situation se modifient et se complexifient à
mesure de la participation à des expériences successives.
2) La participation à une expérience est susceptible d’affecter les attentes (et plus
généralement les expectations, Teas 1993 ; Buttle 1995) concernant les futures
expériences, mais aussi être au fondement des processus d’apprentissage (Lave et
Wenger 1991)
3) L’antériorité de la participation à des expériences passées semble affecter
l’anticipation de futures expériences, et conduire les individus à mettre en œuvre des
stratégies d’anticipation, d’adaptation et d’appropriation de manière à maximiser la
qualité de l’expérience vécue.
Apports théoriques, implications managériales, limites et voies de recherche
A un niveau théorique, cet article s’inscrit dans les approches mettant en évidence
l’importance de la composante praxéologique de l’expérience (Ladwein, 2002). Il souligne le
rôle des stratégies (individuelles et collectives) mises en œuvre dans l’appropriation de
l’environnement physique, et l’adaptation aux contraintes, dans l’optimisation de la qualité de
- et donc de la maximisation de la satisfaction vis-à-vis de - l’expérience vécue. Dans ce
cadre, il semblerait que le renouvellement des expériences puisse être à l’origine de la
transformation voire de l’apparition de nouvelles sources de valeurs de consommation
(Holbrook, 1999). En outre, l’acquisition des connaissances paraît fondamentalement soustendue par des processus d’apprentissage situé (Lave et Wenger 1991), dans la mesure où
c’est la pratique, la participation aux expériences qui permet l’apprentissage. Cela peut
contribuer pour l’individu, d’une part à renouveler les motivations de participation à
l’expérience (Becker 1963 ; Ladwein et Kolenc 2006 ; Ladwein, Kolenc et Ouvry 2008), mais
aussi, d’autre part, à anticiper les futures expériences en envisageant la personnalisation des
modalités de participation, et donc au-delà de l’environnement physique, de s’approprier
davantage l’expérience.
D’un point de vue plus managérial, cette approche permet d’appréhender l’expérience comme
une coproduction (Firat, Dholakia et Venkatesh 1995 ; Carton 2007) combinant différents
types de participation (active/réactive, individuelle/collective). En ce sens, les participants les
plus experts (présentant du moins le plus d’antériorité) semblent participer de manières plus
actives et personnalisées au déroulement de l’expérience. Ainsi, la valeur de l’expérience (et
la satisfaction) peut être décomposée en fonction des succès ou des échecs que les participants
attribuent aux différents acteurs et/ou éléments de l’expérience. Par conséquent, il s’agit pour
l’entreprise, que l’individu attribue les sources de satisfaction, mais pas les sources
d’insatisfaction, à l’offre proposée.
En ce sens, il est question pour les offreurs à l’origine du dispositif de production,
d’appréhender et de palier aux sources potentielles d’insatisfaction quant à la qualité de
l’expérience vécue :
- 1) incombant à ou aux entreprise(s) organisant l’expérience : par exemple, les
problèmes liés à l’organisation tels que l’accès à – ou le manque de repérages sur - un
site physique ou virtuel, les attentes trop longues, l’absence de considération pour le
participant.
- 2) liés au comportement du ou des participants : en proposant par exemple, la
disponibilité sur place des éléments indispensables à la participation, voire d’éléments
augmentant le confort, l’accompagnement des novices (pour éviter un taux d’attrition
important au cours des premières expériences – à l’instar des guides pour Carù et
Cova 2006), une présence visible mais non intrusive des organisateurs de l’expérience.
Dans le cadre des services, le modèle de la disconfirmation de la qualité, comporte trois
résultats possibles : 1) l’insatisfaction (la qualité perçue est inférieure aux attentes), 2) la
Session 6 - 64
satisfaction (adéquation entre qualité perçue et attentes) et 3) l’enchantement (la qualité
perçue est supérieure aux attentes). Ces conceptions renvoient à la notion de seuil de
tolérance, borné par une limite basse et une limite haute. La limite basse se réfère aux
expectations adéquates (le niveau de performance que l’individu accepte) tandis que la limite
haute se réfère aux expectations désirées (le niveau de performance que l’individu croit devoir
être fourni par un excellent prestataire – Zeithaml, Berry et Parasuraman 1993). Appliqué au
contexte de l’expérience de consommation, l’anticipation des sources d’insatisfaction
incombant au producteur permettrait d’atteindre au minimum un état de satisfaction, c'est-àdire la limite basse du seuil de tolérance, tandis que l’anticipation des sources d’insatisfaction
liés au comportement des participants permettrait d’atteindre la limite haute de ce seuil, en
visant l’enchantement de l’individu. Plus globalement, il s’agit bien de faire vivre des
expériences à la fois gratifiantes et mémorables aux consommateurs, approche qui s’inscrit
dans le cadre du marketing expérientiel et du réenchantement de la consommation (Badot et
Cova 2003).
Il importe cependant de nuancer les résultats obtenus, notamment en ce qui concerne les
limites méthodologiques de l’approche empirique. Le recrutement des interviewés s’est en
effet déroulé par convenance ou de proche en proche. Conjointement, la structure de
l’échantillon, composé essentiellement de jeunes hommes, n’avait pas vocation à une
représentativité statistique. La stratégie d’échantillonnage était fondée sur un principe
d’échantillonnage théorique (Schatzman et Strauss 1973), recherchant la saturation
sémantique de manière à renforcer la catégorisation émergeante. Néanmoins, d’une part, les
caractéristiques de l’échantillon sont conformes aux statistiques sociodémographiques de
l’activité vidéoludique, et d’autre part, l’utilisation conjointe de différentes techniques de
recueil de données, auprès de différents individus et sur différents sites d’observation
concourt à la confirmation des résultats par triangulation (Miles et Huberman, 1984).
Il convient également de préciser que, compte tenu de l’objet spécifique de l’approche
(l’appropriation de l’environnement physique), ni les caractéristiques rituelles des
rassemblements, ni la nature communautaire des groupes participant aux expériences
vidéoludiques n’ont été développées. De même, il était ici question des rassemblements
« officiels » ou publics, ce qui exclue les rassemblements organisés par des particuliers (le
particulier devenant alors producteur). Enfin, l’approche adoptée dans cette recherche ne
considère pas la question plus spécifique de l’appropriation des environnements virtuels
simulés par les jeux vidéo en réseau. Ces différents aspects constituent ainsi de premières
voies de recherche. Ce travail ouvre également d’autres pistes de réflexion, concernant en
premier lieu, un suivi des participants selon une segmentation par rapport à l’antériorité des
pratiques, dans le but notamment de comprendre les risques d’attrition, en particulier pour les
novices. En second lieu, une approche plus spécifique des liens entre pratiques de
consommation et valeurs de consommation en résultant dans le cadre des rassemblements
pourrait permettre d’appréhender à la fois la constitution des buts de consommation et des
motivations à renouveler l’expérience (Ladwein, Kolenc et Ouvry 2008).
Session 6 - 65
Bibliographie
Alba Joseph W. et Hutchinson Wesley J. (1987), « Dimensions of Consumer Expertise,
Journal of Consumer Research », Vol. 13, n°4, pp. 411-454.
Anzieu Didier et Martin Jean.-Yves (1968, [2007]), La dynamique des groupes restreints,
PUF, collection "Quadrige", 10 e Ed, Paris.
Aubert-Gamet Véronique (1996), Le design d’environnement dans les services : appropriation
et détournement par le client, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université de
Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix Marseille III.
Aurier Philippe, Evrard Yves, N’Goala Gilles (2004), « Comprendre et mesurer la valeur du
point de vue du consommateur », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 19,
n°3, pp. 1-20.
Badot Olivier (2000), « Le recours à la méthode ethnographique dans l'étude de la fonction
latente d'une entreprise de distribution : le cas McDonald's », Actes de la 5e Journée
de Recherche en Marketing de Bourgogne "Distribution, Achat et Consommation",
Dijon.
Badot Olivier et Cova Bernard (2003), « Néo-Marketing, 10 ans après : pour une théorie
critique de la consommation et du marketing réenchanté », Revue Française du
Marketing, n°195, nov., pp. 79-94.
Barker Roger G. et Wicker Allan W. (1975), « Commentaries on Belk, Situational Variables
and Consumer Behavior », Journal of Consumer Research, Vol. 2, n°3, pp. 165-167.
Becker Howard S. (1963, [1985]), Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Métailié,
Leconschoses, Paris.
Belk Russell W. (1974), « An exploratory assessment of situational effects in buyer behavior,
Journal of Marketing Research », Vol. 11, pp. 156-163.
Belk Russell W. (1975), « Situational variables and consumer behavior », Journal of
Consumer Research, Vol. 2, pp. 157-164.
Belk Russell W. (1976) « Situations Mediation and Consumer Behavior: A Reply to Russell
and Mehrabian », Journal of Consumer Research; Dec, Vol. 3, n°3, pp. 175-177.
Berlyne Daniel E. (1960), Conflict, Arousal and Curiosity, McGraw-Hill, London.
Bitner Mary Jo, Faranda William T., Hubbert Amy R. et Zeithaml Valarie A. (1997),
« Customer contributions and roles in service delivery », International Journal of
Service Industry Management, Vol. 8, n°3, pp. 193-201.
BongKoo Lee. et Shafer Scott C. (2002), « The dynamic nature of leisure experience: An
application of affect control theory », Journal of Leisure Research, Vol. 34, pp. 290310.
Bonnin Gaël (2000), Conceptualisation et exploration des rôles du comportement physique et
de l’aménagement de l’espace, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université
de Bourgogne, Dijon.
Bonnin Gaël (2002), « Magasin et expérience de magasinage, le rôle de l’appropriation,
Décision Marketing », n°28, oct-dec, pp. 65-76.
Bonnin Gaël (2003), « La mobilité du consommateur en magasin : une étude exploratoire de
l’influence de l’aménagement spatial sur les stratégies d’appropriation des espaces de
grande distribution », Recherche et Application Marketing, Vol. 18, n°3, pp. 7-29.
Bonnin Gaël (2006), « Physical environment and service experience: An appropriation-based
model », Journal of Services Research, Special Issue, Vol. 6, pp. 45-65.
Buttle, Francis A. (1995), « What Future for SERVQUAL? », in Bergadaà, M., Proceedings
of the 24th European Marketing Academy Conference, Cergy-Pontoise: ESSEC,
pp.211-230.
Session 6 - 66
Carton A. (2007), « La participation du consommateur : coproduction, définition et enjeu »,
in, Marketing : Analyses et perspectives, Salerno F. et Colas H. (coord.), Paris
Vuibert, pp. 297-314.
Carù Antonella et Cova Bernard (2003) « Approche empirique de l'immersion dans
l'expérience de consommation : les opérations d'appropriation », Recherche et
Applications en Marketing; Vol. 18, n°2, pp. 47-65.
Carù Antonella et Cova Bernard (2006), « Expériences de marque : comment favoriser
l'immersion du consommateur ? », Décisions Marketing; Vol. 20, jan.-mar., pp. 43-52.
Collier John, Jr. et Collier Malcolm (1967), Visual anthropology - photography as a research
method, University of New Mexico Press.
Csikszentmihalyi Mihaly (1990), Flow, the Psychology of Optimal Experience, Harper and
Row, New York.
Csikszentmihalyi Mihaly (1997), « Happiness and creativity : Going with the flow », Futurist,
Vol. 31, n°5, Special report on happiness, pp. 8-11.
De Certeau Michel (1980), L’invention du quotidien, les arts de faire, Folio Essais, Paris.
Dion Delphine et Ladwein Richard (2005), « La photographie comme matériel de
recherche », 10èmes Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, Dijon.
Douglas J. Yellowlees et Hargadon Andrew (2001), « The pleasures of immersion and
engagement: schemas, scripts and the fifth business », Digital Creativity, Vol. 12, n°3,
pp. 153-166.
Dupuis Marc et Le Jean Savreux Dominique (2004), « Marketing expérientiel et performances
des enseignes de distribution », Revue Française de Marketing, n°198, pp. 89-106.
Filser Marc (2002), « Le marketing de l’expérience : statut théorique et implications
managériales », Décisions Marketing, n°28, oct-déc, pp. 13-21.
Firat A. Fuat et Dholakia Nikhilesh (1998 [2003]), Consuming people: From political
economy to theatres of consumption, Routledge, London & New York.
Firat A. Fuat, Dholakia Nikhilesh et Venkatesh Alladi (1995), « Marketing in a postmodern
world », European Journal of Marketing, Vol. 29, n°1, pp. 40-57.
Firat A. Fuat. et Shultz Clifford J. (2001), « Preliminary metric investigations into the nature
of the postmodern consumer », Marketing Letters, Vol. 12, n°2, pp. 189-203.
Fischer Gustave-Nicolas (1981), La psychosociologie de l’espace, Paris, PUF.
Fischer Gustave-Nicolas (1992), Psychologie Sociale de I'Environnement, Privat: Toulouse,
France.
Glaser Barney G. et Strauss Anselm L. (1967), The Discovery of Grounded Theory: Strategies
for Qualitative Research, Aldine de Gruyter, New York.
Goulding Christina (1998), « Grounded theory: the missing methodology on the interpretivist
agenda », Qualitative Market Research: An International Journal, Vol. 1, n°1, pp. 5057.
Goulding Christina (2002, [2006]), Grounded theory: a practical guide for Management,
Business and Market Researchers, Sage Publications, Thousand Oaks.
Goulding Christina, Shankar Avi et Elliott Richard (2002), « Working Weeks, Rave
Weekends: Identity Fragmentation and the Emergence of New Communities »,
Consumption, Markets & Culture, Vol. 5, n°4, pp. 261-284.
Groleau Carole (2003), « L'observation », in Conduire un projet de recherche. Une
perspective qualitative, Giordano Y. (coord.), Paris, Editions Management & Société,
pp. 211-244.
Havlena William J. et Holbrook Morris B. (1986), « The Varieties of Consumption
Experience: Comparing Two Typologies of Emotion in Consumer Behavior », Journal
of Consumer Research, Vol. 13, n°3, pp. 394-404.
Session 6 - 67
Havlena William J., Holbrook Morris B. et Lehmann Donald R. (1989), « Assessing the
Validity of Emotional Typologies », Psychology & Marketing, Vol. 6, n°2, pp. 97112.
Hetzel Patrick (2002), Planète conso : Marketing expérientiel et nouveaux univers de
consommation, Editions d'Organisation, Paris.
Hoffman Donna L. et Novak Tom P. (1996), « Marketing in hypermedia computer-mediated
environments: Conceptual foundations », Journal of Marketing, Vol. 60, n°3, pp. 5068.
Holbrook Morris B. et Gardner Meryl P. (1993), « An Approach to Investigating the
Emotional Determinants of Consumption Durations: Why Do People Consume What
They Consume for as Long as They Consume It ? », Journal of Consumer Psychology,
Vol. 2, n°2, pp. 123-142.
Holbrook Morris B. et O’Shaughnessy John (1988), « On the scientific status of consumer
research and the need for an interpretative approach to studying consumption behavior
», Journal of Consumer Research, Vol. 15, pp. 398-402.
Holbrook Morris. B. (1999), Consumer Value. A framework for analysis and research,
Routledge, London and New York, NY.
Holbrook Morriss. B. et Hirschman Elizabeth. C. (1982), « The experiential aspects of
consumption: Consumer fantaisies, feelings and fun », Journal of Consumer Research,
Vol. 9, n°2, pp. 132-140.
Holt Douglas B. (1995), « How consumers consume: a typology of consumption practices »,
Journal of Consumer Research, Vol. 22, n°1, pp. 1-16.
Kolenc Candy et Ladwein Richard (2006), « La dynamique de l'expérience de
consommation : le cas du jeu vidéo en réseau », Actes des 5èmes Journées Normandes
de Recherche sur la Consommation : Société et consommations, IAE de Caen.
Kozinets Robert V., Sherry Jr John F., DeBerry-Spence Bénet., Duhachek Adam,
Nuttavuthisit Krittinee et Storm Diana (2002), « Themed flagship brand stores in new
millennium: theory, practice, prospects », Journal of Retailing, Vol. 78, n°1, pp. 1729.
Ladwein Richard (2002), « Voyage à Tikidad : de l’accès à l’expérience de consommation,
Décisions Marketing », n°28, oct.- déc., pp. 53-63.
Ladwein Richard (2003), « Les modalités de l’appropriation de l’expérience de
consommation : le cas du tourisme urbain », in Sociétés, consommations et
consommateurs, Remy E., Garubuau-Moussaoui I., Desjeux D., Filser M. (coord.),
L’Harmattan, Paris, pp. 85-98.
Ladwein Richard et Kolenc Candy (2006), « La construction sociale des motivations : le cas
du jeu vidéo en réseau », Actes du 22ème Congrès international de l’Association
Française du Marketing, 11 et 12 Mai, Nantes.
Ladwein Richard, Kolenc Candy et Ouvry Mélanie (2008, à paraître), « Expérience de
consommation télévisuelle et médiation sociale : le cas de la Star Academy »,
Recherche et Applications en Marketing, Vol. 23, n°3 (Numéro Spécial 2008).
Lave Jean et Wenger Etienne (1991, [2006]), Situated learning, legitimate peripheral
participation, Cambridge University Press, New York.
Lemoine Jean.-François. (2000), « Vers une proposition d'intégration de l'approche objective
et subjective de la situation d'achat dans l'étude du comportement du consommateur »,
Cahier de recherche, LEG CERMAB / Centre de Recherche en Marketing de
Bourgogne.
Lemoine Jean.-François. (2003), « Vers une approche globale de l’atmosphère du point de
vente », Revue Française de Marketing, n°194, pp. 5-11.
Session 6 - 68
Lutz Richard J. et Kakkar Pradeep (1975), « The psychological situation as a determinant of
consumer behavior », Advances in Consumer Research, Vol. 2, n°1, pp. 439-454.
Mehrabian Albert et Russell James A. (1974), An approach to environmental psychology, The
MIT Press, Cambridge, MA.
Miles Matthew B. et Huberman Michael A. (1984, [1994]), Qualitative data analysis: an
expanded sourcebook, Sage Publications, 2 e Ed, Thousand Oaks.
Moles Abraham et Rohmer Elisabeth (1982), Labyrinthes du vécu. L’espace: matière
d’actions, Librairie des Méridiens, coll. « Sociologies au quotidien ».
Moles Abraham, (1976), Micropsychologie et vie quotidienne, Denoël/ Gonthier, Paris,
Ochs Adeline et Rémy Eric (2006), « Marketing stratégique et distribution à l'aune du
marketing expérientiel : Porter aux pays des merveilles », Décisions Marketing, n°42,
pp. 75-81.
Petr Christine. (2002), « La gestion de l’expérience : De la recherche au contrôle », Décisions
Marketing, n°28, pp. 77-84.
Pine-II Joseph B. et Gilmore James H. (1999), The experience economy: work is theatre and
every business a stage, Harvard Business School Press, Boston.
Pulh Mathilde, Bourgeon-Renault Dominique et Bouchet Patrick (2005), « Spectacles vivants,
logiques de consommation et construction d’expériences : le paradoxe d'une offre à la
fois unique et plurielle », Décisions Marketing, n°37, pp. 57-66.
Rouleau Linda. (2003), « La méthode biographique », in Conduire un projet de recherche.
Une perspective qualitative, Giordano Y. (coord.), Paris, Editions Management &
Société, pp. 133-171.
Schatzman Leonard et Strauss Anselm (1973), Strategy for getting organized field research:
strategies for a naturalsociology, Englewood Cliffs, Prentice Hall.
Schmitt Bernd H. (1999), Experiential Marketing. How to get Customers to Sense, Fell, Think
and Relate to your Company and Brands, The free Press, New York.
Teas, Kenneth R. (1993), « Expectations, Performance Evaluation, and Consumers’
Perceptions of Quality », Journal of Marketing, Vol. 57, n°4, pp.18-34.
Zeithaml Valarie A., Berry Leonard L. et Parasuraman A. (1993), « The Nature and
Determinants of Customer Expectations of Service », Journal of the Academy of
Marketing Science, Vol 21, n°1, pp. 1-12.
Session 6 - 69
Annexe
A1 - Présentation de l’échantillon
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
Sujet
Genre
Age
Niveau d’études
Profession répondant
Situation
familiale
Lieu d’habitation
Département
E.L.
C.L.
J. V.A.
R.L.
F.C.
Q.K.
C.M.
L.D.
M.L.
F.H.
S.N.
W.C.
J.B.
R.L.
I.P.
G.L.
J.O.
M.S.
J.G.
D.D.
S.B.
M
M
M
M
M
M
M
F
M
M
M
M
M
M
M
M
M
M
M
M
M
26
18
21
27
21
26
29
21
19
26
21
18
18
18
18
22
20
27
31
19
21
BAC+2
BAC
BAC
BAC+5
BAC+4
BAC+5
BAC
BAC+3
BAC+2
BAC+5
BAC
BAC
BAC+1
BAC
BAC+2
BAC+3
BAC+2
BAC+2
BAC+5
BAC+2
BAC+2
Technicien
Lycéen
Employé
Cadre
Etudiant
Enseignant
Ouvrier
Etudiante
Etudiant
Employé
Menuisier
Etudiant
Etudiant
Etudiant
Etudiant
Etudiant
Etudiant
Technicien
Cadre
Etudiant
Etudiant
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Concubinage
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Pacsé
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Concubinage
Célibataire
Célibataire
Célibataire
Issy-Les-Moulineaux
Sequedin
Hersin-Coupigny
Rosny-sous-Bois
Hersin-Coupigny
Lomme
Lomme
Labeuvrière
Vendin-Les-Béthune
Béthune
Villeneuve d’Ascq
Lens
Beuvry
Bernissart
Tournai
Saint Laurent Blangy
Monchy au Bois
Haubourdin
Sin Le Noble
Proville
Bouvignies
92
59
62
93
62
59
59
62
62
62
59
62
62
Belgique
Belgique
62
62
59
59
59
59
Médiane :
21 ans
Durée
entretien (en
minutes)
105
90
60
30
45
130
90
20
20
75
65
40
70
70
75
100
65
100
75
35
40
Moyenne :
67 minutes
Ecar-type :
29,7 minutes