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Jambonews.net „ Apatrides « : „ Les Rwandais ont encore des
„ Apatrides « : „ Les Rwandais ont encore des raisons de fuir «
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Kigali, rwanda, 2013-02-03 (Jambonews.net) - Untitled 3
„ Apatrides « : „ Les Rwandais ont encore des raisons de fuir «
Source: Jambonews.net
31. jan 2013
Dans le cadre d’une vaste campagne contre la clause de cessation du
statut de réfugié des rwandais qui devrait être prononcée le 30 juin
2013, Scott Erlinder, un cinématographe américain, a publié un film
intitulé „ Stateless «( Apatrides ). Ce film a été réalisé en collaboration
avec plusieurs réfugiés rwandais, des experts américains et des
membres de l’ONU.
Sur le site internet consacré au film, on peut lire que l’ONU
prononcera, en accord avec les pays hôtes, la clause de cessation du
statut de réfugié. Ceci aura pour effet d’ôter le statut de réfugié et de
rendre apatrides les personnes qui ont demandé l’asile entre 1959 et
1998, si ces derniers ne retournent pas au Rwanda.
Le producteur, ainsi que ceux qui ont participé à la réalisation du film
sont en désaccord avec le projet du HCR de prononcer la clause de
cessation. Ils sont d’avis qu’en agissant ainsi, ‘le HCR mettra
beaucoup de personnes en danger car les changements nécessaires et
indispensables pour invoquer la clause de cessations n’ont pas encore
été opérés’.
Critiques
„ Apatrides « est un film composé d’une série d ‘interviews données
par des Rwandais ordinaires, exilés tant dans des pays africains, dans
des pays européens qu’en Amérique. On peut trouver des
personnalités telles que Paul Rusesabagina, auteur du film à succès
Hotel Rwanda. Il y a également une interview de l’ancien ambassadeur
rwandais aux Etats-Unis, Théogène Rudasingwa. Les personnes
interviewées donnent leur avis sur la situation actuelle du Rwanda et
parlent de leur expérience avec le HCR et/ou le gouvernement
rwandais.
Ont également participé au film des fonctionnaires de l’ONU tel que
l’ancien chef du HCR à Goma, Masako Yonekawa. Le film fait
souvent référence aux différents rapports internationaux publiés sur le
sujet. On y mentionne aussi différentes citations de personnages qui
jouent un rôle important tel que le président rwandais Paul Kagame.
Le film est très critique envers la politique de rapatriement du HCR
ainsi que de la collaboration dont font preuve les différents pays
africains hébergeant des réfugiés rwandais.
Le narrateur du film, Hetty MacDowell, nous apprend que depuis
2009, le HCR a essayé par quatre fois de prononcer la clause de
cessation. Mais des éléments sur le terrain ont fait changer le HCR de
tactique. D’après MacDowell, la dernière date annoncée pour la
prononciation de cette clause est le 30 juin 2013. Dans le film on
apprend également que les gouvernements rwandais et ougandais
auraient signé, en date du 23 juin 2003, un accord sur le rapatriement
de 20.000 réfugiés vivant en Uganda. Cet accord a échoué étant donné
que depuis la signature, seul 850 réfugiés ont pu être rapatriées. Entre
2004 et 2006, il y a eu plusieurs tentatives de rapatriement de réfugiés
vivant en Ouganda mais la plupart d’entre eux s’échappaient et
retournaient immédiatement vers l’Ouganda et racontaient à ceux
restés en Ouganda leur terrible mésaventures au Rwanda.
Hetty MacDowell dit qu’en raison d’une légère contradiction dans la
clause de cessation, des Etats peuvent abuser de cette clause et obliger
des réfugiés à rentrer chez eux. En effet les lignes directrices de la
clause sont très vagues. Ainsi il y a un paragraphe qui stipule qu’aucun
réfugié ne peut être forcé à retourner chez lui et un autre paragraphe
dit, paradoxalement, que pour être effective la clause de cessation ne
requiert pas le consentement de la personne réfugiée (article 7,
paragraphe A, considérations générales)
Le narrateur questionne également la manière dont le HCR a évalué
les différentes raisons qui ont poussé des personnes à fuir le Rwanda
ainsi que l’image que le HCR donne du Rwanda concernant son
progrès et sa situation actuelle. Par ailleurs, il est souvent dit que les
réfugiés ont plusieurs fois fait des pétitions pour empêcher la
prononciation de la clause de cessation, mais que ces pétitions ont été
rejetées par le gouvernement rwandais. Le narrateur du film dit qu’il
existe un profond décalage entre la réalité telle qu’elle est perçue par
les réfugiés, par le HCR et ce que le gouvernement rwandais prétend
être la réalité.
Rôle des pays hôtes
Certains insinuent que les pays hôtes tels que la Zambie et l’Uganda
n’ont pas fait grand-chose pour intégrer les réfugiés rwandais et qu’ils
attendent la première occasion pour les renvoyer chez eux. En plus,
d’aucuns disent que le lourd fardeau placé sur les épaules des pays
hôtes est la raison principale de la prononciation de la clause de
cessation. Le Haut Commissaire pour les réfugiés en Uganda, David
Kazunga, argumente en disant que „ la clause de cessation s’applique à
tous ceux qui ont quitté le Rwanda en 1959 suite aux conflits
politiques liés à la monarchie. Est-ce qu’au Rwanda, les gens se font
encore tuer à cause de la monarchie ? . La clause de cessation
s’applique aux personnes qui ont fui leur pays suite au génocide de
1994. La clause de cessation s’applique à ceux qui ont fui l’insécurité
qui régnait au Rwanda dans les années 1997 et 1998. L’insécurité
est-il encore là ? (…). C’est une obligation du gouvernement
ougandais, de tous les gouvernements qui ensemble avec le HCR
s’occupent des réfugiés rwandais, d’encourager ces derniers à rentrer
chez eux et à participer au développement de leur pays «
Le film montre que l’Europe ne considère pas le Rwanda comme un
pays où il y a de la sécurité et que donc il est peu probable que
l’Europe coopère à la prononciation de la clause de cessation. La
différence entre les réfugiés en Europe et en Afrique, c’est que les
réfugiés en Afrique doivent faire face à des restrictions très sévères de
moyens de subsistances comme les terrains ou le bétail. Beaucoup de
ces réfugiés se retrouvent dans des situations de séjour illégal et sont
obligés d’accepter des emplois précaires. Plus loin dans le film, on
relate plusieurs cas de rapatriements violents et forcés de réfugiés
rwandais en Uganda. Kazunga fait un commentaire sur l’incident
ougandais de 2010 : „ (..) Certains d’entre eux sont ici tout seuls (…).
Une personne peut aller voir son frère et décider de rester chez son
frère. C’est la même chose avec les Rwandais (…) et je crois qu’en
tant que gouvernement, on a le droit de dire d’une personne qu’elle ne
doit pas rester sur notre territoire et qu’on l’encourage à rentrer chez
elle «
Le film „ Apatrides « fait également état d’une situation selon laquelle
le gouvernement rwandais refuse de procurer aux réfugiés des
documents qui pourraient faciliter leur demande de statut de réfugié.
La situation au Rwanda
Le Rwanda n’est pas considéré comme étant un pays où règne la
sécurité pour qu’un éventuel retour puisse être envisagé. Le film
pointe du doigt des cas de violation des droits de l’homme tels que
l’emprisonnement de journalistes ou de membres de l’opposition et la
politique répressive du parti au pouvoir, le FPR. Le narrateur du film
dit que l’approche du FPR par rapport aux questions liées à la
réconciliation et au déni du génocide violent les droits de l’homme et
ne donne aux rwandais que la possibilité de „ baisser la tête et de se
taire «. Plus loin, sont posées des questions sur l’égalité des Hutus et
des Tutsis au Rwanda (ceci malgré les normes gouvernementales qui
ont banni l’évocation d’ethnies au Rwanda).
Suite à l’article 14 de la Constitution qui évoque le génocide des
Tutsis, le narrateur pose – légitimement – la question suivante : „ s’il
n’y a plus d’ethnies, pourquoi, en parle-t-on dans la Constitution ? Si
seuls les Tutsis reçoivent de l’aide pour se reconstruire, qu’arrive-t-il
aux autres qui restent ? «. Le film montre également la différence
frappante de richesse et de modernité à Kigali et dans les zones
ruraux. Le narrateur conclut le film en disant que concernant la clause
de cessation, les conditions de sécurité nécessaires pour un retour de
réfugiés ne sont pas remplies au Rwanda.
Après 1998
‘Pour pouvoir invoquer la clause de cessation, il faut que la raison
pour laquelle une personne est devenue refugiée n’existe plus et que
des changements fondamentaux et durables aient eu lieu dans le pays.
Or, en total contradiction avec de tels changements fondamentaux, le
HCR admet lui-même, que les réfugiés qui ont fui le pays après 1998
ont toujours une raison bien-fondée de craindre la persécution.
La clause de cessation
La clause de cessation concerne les Rwandais qui ont fui le pays entre
1959 et 1998 et résulte de négociations entre les gouvernements
rwandais et ougandais ainsi que le HCR. Déjà en 2009, le Rwanda,
l’Uganda et le HCR affirmaient que l’accueil des réfugiés rwandais
n’était plus justifié et ont décidé de mettre en œuvre la clause de
cessation. Des milliers de réfugiés vivent toujours en dehors du
Rwanda. La majorité d’entre eux se trouvent dans les pays avoisinant
le Rwanda tels que l’Uganda, la Tanzanie et la RDC.
Jane Nishimwe
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