Suivi nanomètrique de particules pour l`électrochimie
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Suivi nanomètrique de particules pour l`électrochimie
Suivi nanomètrique de particules pour l’électrochimie Frédéric Kanoufi, Directeur de recherches CNRS, Laboratoire Itodys (UMR), Université Paris Diderot Gilles Tessier, Professeur, Laboratoire de Neurophotonique (UMR 8250), Université Paris Descartes Intentionnellement ou fortuitement, les nanoparticules (NPs) envahissent notre quotidien. Dans la recherche comme dans l’industrie, pour notre santé (nanoparticules d’argent antibactériennes, cremes solaires, agents de contraste, détection/diagnostic plasmonique) ou parfois contre elle (polluants, résidus de combustion), mais aussi en chimie, optique, ou encore pour l’environnement, elles permettent d’accéder à des propriétés nouvelles. En premier lieu, c’est un rapport surface/volume très élevé qui en est la clé : des objets nanométriques constitués d’éléments pourtant connus depuis des siècles sous leur forme massive peuvent acquérir des propriétés inhabituelles, essentiellement pilotées par la réactivité de leur surface. Mais leur petite taille leur confère également une grande mobilité : à cette échelle, les impacts individuels de molécules de gaz ou de liquide animent ces particules d’un mouvement Brownien aléatoire. Ce sont précisément ces deux aspects, réactivité de surface et mobilité des nanoparticules individuelles, que vise à étudier l’instrument développé conjointement par nos laboratoires. La compréhension de processus stochastiques est plus qu’une question fondamentale relative à la description ultime de l’acte élémentaire chimique, c’est aussi un prérequis à la miniaturisation des dispositifs de mesures, notamment en microfluidique. Dans ce contexte, l’électrochimie permet de disposer de paramètres de pilotage et de caractérisation de processus physico chimiques. L’usage de microélectrodes associées à un potentiostat permet depuis quelque temps déjà de révéler des impacts électrochimiques discrets de NPs. Cependant, Figure 1. Description de l’instrumentation combinant microscopie à l’échelle de l’évènement unique, la chimie holographique et activation électrochimique pour suivre les processus est intrinsèquement stochastique. Une de transport et transformation chimique associés à l’oxydation de NPs d’Ag à une électrode d’or. Exemples de clichés de la surface d’électrode mesure purement électrochimique n’est que enregistrés optiquement pendant la mesure de la courbe intensitépartielle si elle n’est pas associée à une potentiel correspondant à l’activation électrochimique. Pendant cette microscopique orthogonale activation des NPs (spots diffusant la lumière) apparaissent puis observation disparaissent : il est possible de suivre l’évolution temporelle de la permettant de s’assurer avec précision de la lumière diffusée au cours de l’activation électrochimique. rencontre étroite, et stochastique, entre réactifs, particules ou encore électrodes. Ces processus, évidemment tridimensionnels, requièrent une précision de suivi qui soit au moins du même ordre de grandeur que la taille des particules envisagés, donc de l’ordre de quelques nanomètres. La superlocalisation optique a modifié profondément les techniques optiques de microscopie. Si chaque nano objet a pour image une tache comparativement large, car limitée par la diffraction, il est possible de déterminer le barycentre de cette image, et ainsi de localiser une particule isolée avec une précision très inférieure à la limite de diffraction. Ainsi, le prix Nobel de Chimie 2014 a récompensé la superlocalisation d’objets fluorescents. Depuis peu, quelques équipes, dont les nôtres, ont entrepris d’étendre ce concept à la détection d’objets métalliques non-marqués diffusant la lumière. Cette diffusion étant cohérente, contrairement à la fluorescence, elle présente l’avantage majeur d’autoriser l’utilisation de techniques interférométriques. Là où la plupart des microscopies de localisation (STORM, PALM) sont essentiellement limitées à un plan (ou au mieux quelques micromètres de part et d’autre de ce plan [JON]), nous avons proposé d’utiliser l’holographie digitale, qui permet d’étendre à 3 dimensions le concept de superlocalisation, sur de grands volumes. L’instrument que nous avons développé propose donc une approche en rupture pour la lecture d’évènements discrets chimiques de nanodomaines individuels en combinant (i) une localisation optique sensible, précise et tridimensionnelle de nanoobjets et (ii) une caractérisation/actuation électrochimique précise d’événements physico-chimiques individuels. L’objectif est de fournir une description complète des réactions/interactions de nanodomaines ou nanoparticules (NPs) individuels avec une interface. Comme en témoigne le développement récent de plusieurs produits commerciaux basés sur la localisation 2D, ceci devrait engendrer des applications et développements industriels dans des domaines allant de la chimie à l’optique avec des implications fortes pour l’environnement, l’énergie ou les sciences de la vie. Le montage optique développé se base sur un laser monomode (=532 nm, adapté à la résonnance plasmon des particules métalliques dont le diamètre est de quelques dizaines de nanomètres) dont le faisceau est séparé en deux voies. La première, la voie objet, permet l’illumination de la zone étudiée, en Figure3:2Digital : Schéma du système holographique. chambre microfluidique Figure holography setup. Inset : detail ofLathe microfluidic chamber. réflexion totale interne à travers un illuminée par l’onde evanescente la semi surface de l’électrode semi NPspeut can être be either illuminated directly, through àthe transparent electrode prisme : l’essentiel de l’illumination est transparente, comme représenté ici,evanescent ou bien enwave simple transmission, en or, as depicted here, illuminated by the at the s’assurant qu’une réflexion se produit à labydernière interface verre-air electrode/water interface. Onlytotale the light scattered the NPS is collected, thus ainsi réfléchie, et seuls les rares photons avoiding camera saturation. pour éviter d’éblouir la caméra CCD. diffusés par les nanoparticules, dont la section efficace de diffusion est très faible, sont collectés par un objectif de microscope. Ainsi, il est possible d’observer ces particules sur fond noir sans éblouir le capteur [WAR, ABS]. La deuxième voie, dite référence, est également dirigée vers le capteur CCD (Andor iXon3 885, refroidie à 10° C, déclenchée à une cadence de 40 Hz pour des images 512 × 512 où chaque pixel correspond to 0.08 µm). La figure d’interférence mesurée, ou hologramme, porte alors une information sur l’amplitude et la phase de la lumière diffusée par les particules. A partir de cette information, il est possible de reconstruire numériquement la propagation de l’onde dans n’importe quel plan, donc d’obtenir une image tridimensionnelle de l’échantillon. laser Celui-ci se compose dans notre cas d’une cellule microfluidique transparente, munie d’une électrode plane transparente (ITO) ou semi transparente (Au) et de canaux permettant d’introduire électrodes et solution. Le liquide contient typiquement des nanoparticules métalliques d’un rayon de 5 à 50 nm (la limite de détection du système, pour un RSB proche de 1, est de l’ordre de 5 nm) en concentration suffisamment faible pour que l’espacement typique entre particules ne soit pas inférieur au micromètre. En effet, la résolution de ce système de microscopie holographique Figure 3: Image holographique et localization d’un objet diffusant (gros plan sur un volume de 5x5x5 µm3). (a) représentation 3D des isosurfaces d’intensité diffuse, (b) coupe (xy), et (c), coupe sur l’intensité : l’image de l’objet est limitée par la diffraction. La partie claire sur le haut de (a) figure la position de l’électrode plane. est évidemment limitée par la diffraction, et ne permet pas de distinguer des particules trop proches pour satisfaire le critère de Rayleigh. En revanche, pour des particules plus espacées, l’image tridimensionnelle reconstruite à partir d’un seul hologramme, contient autant de taches correspondant à la réponse impulsionnelle du microscope qu’il y a de particules visibles (figure 2). Nous avons développé un algorithme permettant de localiser le barycentre x Nb of Z de plusieurs dizaines de ces taches planes de diffraction dans chaque volume 1) Localization along z optique reconstruit. L’ensemble de 2) Refined re-localization in (x,y) x Nb of nanoparticles l’algorithme implique 1 transformée GPU x Nb of holograms (for each moment, t) de Fourier de l’hologramme acquis, Figure 4: Algorithme de superlocalisation parallelisé sur GPU puis une étape de propagation ikz numérique dans différents plans z=cte (multiplication par e ,où z est la distance à laquelle on souhaite reconstruire un plan) jusqu’à obtenir un volume complet puis, pour chaque plan, une transformée de Fourier inverse. A partir de ce volume, la localisation du point d’intensité maximale est effectuée en 3 étapes : localisation grossière en z, puis localisation en x,y, et enfin une localisation plus fine suivant la direction z. L’ensemble de ces étapes représentent évidemment un temps de calcul conséquent, d’autant qu’il est nécessaire de répéter chacune d’elles à chaque instant du film holographique qui peut comporter des milliers d’images. Pour cette raison, nous avons adopté (en collaboration avec M. Gross, U. Montpellier) un calcul massivement parallélisé sur carte graphique (Graphical processing Units, GPU). Le calcul, ainsi accéléré d’un facteur proche de 100 par rapport à un calcul sur processeur unique, est effectué en quelques dizaines de millisecondes, actuellement en post-traitement, mais permet d’envisager, à terme, une superlocalisation 3D en temps réel. 1 Hologram 1. FFT 2. Spatial filtering 3. Z Propagation 4. (FFT)-1 5. thresholding Particle detection (x,y) 6. Localization Les performances de localisation ainsi atteintes (écart type noté ) dépendent essentiellement du bruit de photons, donc du nombre N de photons collectés : N 1 2 [THO]. La précision de localisation a été mesurée pour des nanoparticules d’or de rayon 30 nm, éclairées avec un faisceau de puissance 14 mW. Comme illustré par les histogrammes présentés ci-contre (fig.5), la précision de localisation est alors de 3x3x10 nm3 [MAR]. En raison de la forme allongée de la réponse impulsionnelle (cf. figure 3), on notera que la précision suivant z (10 nm) est moins bonne que dans le plan de l’échantillon (3 nm). De plus, cette précision décroit évidemment pour des particules plus petites, puisque le nombre de photons diffusés décroit comme le carré du volume de la particule. Il est alors possible d’augmenter la puissance (ici très modérée) du laser de manière à maintenir cette précision, la seule limite étant alors imposée par les effets thermiques (destruction de la particule ou ébullition du liquide). Il est délicat de mesurer la précision de localisation de particules mobiles, mais des performances peu dégradées sont attendues pourvu que le déplacement moyen au cours d’une exposition de la caméra (typ. quelques ms) soit inférieur à cette précision, ce qui est le cas en pratique si l’illumination est suffisamment intense. Figure 5 : Histogrammes des positions obtenues sur des particules d’or immobiles de rayon 30 nm. La precision de localisation, mesurée à mi-hauteur, est 3 nm dans le plan (x,y) et 10 nm suivant z. L’algorithme présenté plus haut permet de suivre plusieurs dizaines de particules simultanément, avec une cadence d’acquisition de l’ordre de 40 Hz. Dans le contexte d’études menées en milieu liquide, ceci présente l’avantage de permettre une estimation du volume hydrodynamique des particules grâce à leur déplacement quadratique moyen (MSD). Un exemple de suivi est présenté à la figure 6. Plusieurs études ont déjà été effectuées à l’aide de ce système. Ainsi, ce dispositif a notamment permis de mettre en évidence les processus de transport et de réaction associés à la sollicitation électrochimique de NPs d’argent [BAT]. Les clichés présentés sur la Figure 1 illustrent l’état de la surface d’électrode (en or) pendant que son potentiel E est modifié et tandis que le courant qui la traverse est mesuré. L’observation de la surface d’électrode montre que l’oxydation de l’électrode (apparition d’un courant vers E>0.6V) s’accompagne de Figure 6 : Exemple de suivi 3D d’une trajectoire Brownienne sur 8 s (temps: echelle de couleurs), jusqu’à adsorption sur l’électrode l’attraction (et adsorption) préférentielle de NPs située en haut du volume. d’argent à sa surface. Cette adsorption est corrélée au passage du courant à l’électrode qui traduit sa transformation en oxyde d’or. Le suivi dynamique 3D de ce processus de transport de NPs est associé à l’accélération des NPs vers la surface. Il rend compte de l’attraction de NPs par diffusiophorèse vers l’électrode. On montre ainsi que la transformation électrochimique de l’électrode d’or permet la génération de gradient d’espèces chimiques (H+) depuis l’électrode assurant dans son voisinage l’établissement de gradient de pression osmotique. Les NPs d’Ag présentes dans ce voisinage sont soumises à ce gradient de pression osmotique et sont donc attirées vers l’électrode. L’électrochimie se révèle ici un moyen extrêmement simple de contrôler le transport et la capture de nanoobjets à des surfaces. L’apport majeur des techniques de suivi holographique est ici de valider un scénario de transport et de réaction en suivant l’attraction puis l’adsorption sur l’électrode. L’étendue de cette méthode, alternative à l’utilisation de champs magnétiques, semble prometteuse dans de nombreux domaines utilisant la capture, la reconnaissance ou ségrégation de taille de nanoobjets. A des potentiels plus élevés, 0.834 V sur les clichés de la Figure 1, les NPs d’Ag qui sont apparues sur la surface d’électrode disparaissent une à une. On met alors en évidence la dissolution par oxydation (selon la réaction : Ag-> Ag+ + e-) de NPs individuelles. Le suivi dynamique de ce processus peut aussi se faire au moyen de la microscopie optique. La modélisation des propriétés de diffusion de lumière par des NPs d’Ag en contact avec une électrode d’or permet de déduire la taille des particules de leur diffusion optique (ou si nécessaire de leur transformation chimique, via leur indice de réfraction). On accède ainsi à l’analyse quantitative du processus de dissolution de NPs. 2µm Figure 7. Image (fond noir) d’une microélectrode, image holographique (la flèche indique la particule étudiée), et suivi électrochimique (courant électrode, en noir) et optique (intensité diffusée, bleu) simultané. L’utilisation de microélectrodes obtenues par microfabrication permet de s’assurer que la totalité de la scène électrochimique est observée, en adaptant le champ de l’électrode à celui du microscope (cf Figure 7). Ainsi, il est possible d’obtenir un lien univoque entreles observations optique et électrochimique à l’échelle de NPs individuelles. La Figure 7 illustre la complémentarité des deux méthodes de caractérisation : l’observation optique (trace bleue : intensité lumineuse diffuse) confirme l’adsorption de la NP à la surface de l’électrode (à t=4.1s) bien avant sa dissolution (disparition à t=5.7s). La trace électrochimique (trace noire) représente le courant traversant la microélectrode au cours de ce processus et met en évidence que le phénomène de transfert d’électron est concomitant à la dissolution de la NP (et non pas forcément à son adsorption à l’électrode comme cela était postulé auparavant). Outre plusieurs articles sur l’instrument holographique, une partie des résultats obtenus dans des travaux initiés en 2013 et présentés dans ce résumé ont fait l’objet de 2 publications. La première comme Frontiers article dans Chemical Physics Letters (article en couverture du magazine, ci contre). La seconde, en cours de révision avant re-soumission prochaine à Nano Letters, est fournie en annexe avec les commentaires des rapporteurs. Les résultats obtenus au travers de ces exemples sont tout à fait prometteurs quant à l’étendue des champs d’application de cette instrumentation pour la chimie, l’électrochimie, la biochimie ou biophysique de nanoobjets individuels. Elle a des implications évidentes dans de nombreux domaines (électrochimie, capteurs, physico-chimie, biologie,…), notamment par le suivi 3D dynamique avec une résolution nanométrique (i) de transformations électrochimiques (dissolution, transition de phase ou électrocatalyse) de NPs individuelles métalliques ou d’oxydes métalliques ou de nanogels immobilisées ou impactant une électrode, (ii) de la visualisation de défauts d’électrodes, (iii) de comportements (électro)chimiques collectifs. [JON] S. A. Jones, S.-H. Shim, J. He, and X. Zhuang, Fast, three-dimensional super-resolution imaging of live cells, Nat. Methods 8, 499–505 (2011). [THO] R. E. Thompson, D. R. Larson, and W. W. Webb, “Precise nanometer localization analysis for individual fluorescent probes,” Biophys. J. 82, 2775–2783 (2002). [BAT] C. Batchelor-McAuley, A. Martinez-Marrades, K. Tschulik, A. N. Patel, C. Combellas, F. Kanoufi, G. Tessier, R. G. Compton, Chem. Phys. Lett. 597 (2014) 20. Frontiers article [MAR] A Martinez-Marrades, J-F. Rupprecht, M.Gross, and G. Tessier, Stochastic 3D optical mapping by holographic localization of Brownian scatterers, Optics Express 22, 23, 29191 DOI:10.1364/OE.22.029191 (2014) [WAR] N. Warnasooriya, F. Joud, P. Bun, G. Tessier, M. Coppey-Moisan, P. Desbiolles, M. Atlan, M. Abboud, M. Gross, Imaging Gold Nanoparticles in Living Cell Environments using Heterodyne Digital Holographic Microscopy. Optics Express 18, 4, 3264 (2010). [ABS] E. Absil, G. Tessier, M. Gross, M. Atlan, N. Warnasooriya, S. Suck, M. Coppey-Moisan and D. Fournier, Photothermal heterodyne holography of gold nanoparticles, Optics Express 18, 2, 780 (2010)