Les carrières exploitant la pierre grès calcaire (dite chekhech) à
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Les carrières exploitant la pierre grès calcaire (dite chekhech) à
UNIVERSITÉ PARIS 1 - PANTHÉON SORBONNE UFR d'Histoire / Département d'Histoire des Techniques Master Erasmus Mundus TPTI Techniques, Patrimoine, Territoires de l’industrie : Histoire, Valorisation, Didactique Mémoire de Master Les carrières de grès calcaire tyrrhénien à Korba et ses environs (Cap Bon, Tunisie): pour une meilleure connaissance et valorisation des atouts patrimoniaux, paysagers et environnementaux. The tyrrhenian calcareous sandstone quarries in Korba and its surroundings (Cap Bon, Tunisia): for a better knowledge and valuation of heritage, landscape and environmental assets. Chayma WESLATI Sous la direction de Mme Anne-Françoise GARCON Année académique 2014/2015 REMERCIEMENTS L’achèvement d’un travail de recherche est un moment particulier. Mais c’est aussi une occasion pour les remerciements et la reconnaissance envers tous ceux qui ont contribué, d’une façon ou d’une autre, à sa réalisation. C’est, pour moi, une occasion agréable pour remercier, tout d’abord, Mme Anne-Françoise Garçon, Professeur d’Histoire des Techniques de l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne. Je lui dis toute ma reconnaissance pour avoir accepté de m’encadrer et pour ses conseils, orientations et encouragements. Je suis également reconnaissante au Comité qui veille sur la sélection des candidatures TPTI pour la confiance qui m’est faite et la chance qui m’a été donnée pour profiter d’une formation très bénéfique et réaliser ce travail dans un cadre et des conditions encourageants. J’exprime aussi toute ma gratitude à l'équipe administrative ainsi qu'à tous les professeurs du Programme TPTI pour leurs conseils et pour les méthodes de travail auxquelles ils m'ont initiée et qui m'ont été d’un grand apport. Mes remerciements s'adressent aussi à Mr Miguel Saez Garcia et à Mr Carlos Barciela López, professeurs au Département d'Economie à l'Université d'Alicante, pour les conseils et l’encadrement qu’ils m’ont prodigués ainsi que pour les sorties d'études et les enseignements dispensés au cours de la mobilité de spécialisé en économie des biens culturels. En Tunisie, j’ai bénéficié de l’aide et de l’encouragement de différents départements, services et personnes auxquels je veux dire mes vifs remerciements: A l’Institut National du Patrimoine (INP), Mr Ali Drine, archéologue Maître de recherches, a bien voulu répondre à mes questions concernant des vestiges archéologiques rencontrés sur le terrain. Il m’a également facilité l’accès à la bibliothèque et apporté une aide très utile au niveau de la bibliographie. A l’APAL (Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral), Mr Adel Abdouli a manifesté un grand intérêt pour mon sujet. Il m’a accueilli dans son bureau où une réunion a été organisée en présence d’autres membres de l’Observatoire du Littoral qu’il dirige. Les différents documents, et plus particulièrement les photos aériennes, qu’il a bien voulu me fournir m’ont été d’un grand secours. Au Ministère de l’Equipement et de l’Aménagement du Territoire, c’est d’abord au service des carrières et des explosifs que je pense. La responsable, Mme Nihel Guermit n’a ménagé aucun effort pour me mettre en contact avec les documents d’archives et me faciliter leur exploitation. Dans le service de l’urbanisme du même Ministère, j’ai pu consulter différents documents dont le Plan d'Aménagement Urbain (PAU) de Korba. 1 Mr Mohamed Naceur Omrane, professeur de cartographie à l’Université de la Manouba, a bien voulu me communiquer des références bibliographiques et surtout des cartes qui m’ont permis de mieux mener la partie consacrée à la présentation du cadre géographique de mon terrain de recherche. Ces cartes sont sa production personnelle et publiées sur un site internet, mais il a tenu à me fournir les originaux pour une meilleure qualité et lisibilité. Au Service géologique de Tunis, relevant de l’Office des Mines, Mr Wissem Marzougui, géologue ingénieur en chef, m’a aidé dans l’obtention de documents et cartes utiles, à la fois, pour les aspects géologiques et pour les carrières. Mme Sarah Mebazaa qui m’a reçue dans son bureau à COMETE International. Par sa formation d’architecte et sa grande expérience dans les études en rapport avec l’environnement et l’aménagement, elle m’a prodigué des conseils et orientations qui m’ont été très utiles. Dans la région de Korba, différentes personnes m’ont rendu service tant par les informations orales que par les documents fournis. Il s’agit des services de l’urbanisme et de l’environnement à la municipalité de Korba, du service de la CES (Conservation des Eaux et des Sols) au CRDA (Commissariat Régional au Développement Agricole) de Nabeul et du Club éco-culturel de Korba. Je tiens aussi à exprimer tous mes remerciements pour toutes les personnes rencontrées, sur le terrain à l’occasion de mes déplacements à Korba et ses environs. Les discussions à bâton rompu et les réponses spontanées étaient souvent très suggestives. Enfin, je souhaiterais remercier mes parents et mon frère qui m’ont toujours soutenu et leur dédier ce travail. 2 SOMMAIRE REMERCIEMENTS........................................................................................................................1 SOMMAIRE................................................................................................................................. 3 INTRODUCTION GENERALE.................................................................................................. 8 ETUDE DE CAS: INTRODUCTION.......................................................................................... 9 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................11 PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET METHODOLOGIE........................................................ 20 PREMIERE PARTIE KORBA DANS SA REGION ET ANCIENNETE DE L’EXPLOITATION DE LA PIERRE CHEKHECH Premier chapitre Korba dans sa région I. Introduction....................................................................................................................................26 II. Une région caractérisée par la variété de son environnement naturel............................... 26 III. L'une des régions les plus anciennement et densément occupées par l'Homme en Tunisie............................................................................................................................ 27 A. Sous les puniques............................................................................................................. 27 B. Sous les romains................................................................................................................ 28 C. Après les romains............................................................................................................. 30 De nos jours, l’une des régions les plus attrayantes et dynamiques de la Tunisie........... 30 IV. A. Sur le plan démographique.............................................................................................. 30 B. Sur le plan socio-économique........................................................................................... 32 Conclusion....................................................................................................................... 35 V. Deuxième chapitre Le chekhech, une pierre recherchée depuis l'Antiquité I. Introduction..................................................................................................................... 36 II. Cadre naturel et caractéristiques géologiques du cordon tyrrhénien............................... 36 A. Le cadre naturel du cordon tyrrhénien............................................................................. 36 3 B. Principales caractéristiques géologiques du cordon tyrrhénien....................................... 38 Ancienneté de l’utilisation de la pierre chekhech et de l'exploitation des carrières.......... 39 III. A. Une pierre présente dans des ruines et constructions de différentes époques du passé.. 39 1. Au cours de l’Antiquité...................................................................................... 39 2. Après l'Antiquité et avant nos jours.................................................................... 44 B. Des carrières de différentes époques, les plus anciennes remontent à l’Antiquité.......... 45 1. Les carrières anciennes, souvent peu profondes et limitées en superficie......... 45 2. Des preuves de l’ancienneté de l’exploitation de par l’état des carrières et les caractéristiques des négatifs des blocs extraits......................................................46 3. Des preuves de l'ancienneté de l'exploitation de par les techniques de taille..... 48 Conclusion....................................................................................................................... 51 IV. Troisième chapitre Une pierre encore recherchée de nos jours I. Introduction..................................................................................................................... 52 II. De quand date le passage à l’exploitation à un rythme industriel ?................................. 52 III. Pourquoi cet engouement pour la pierre chekhech ?....................................................... 56 IV. Des techniques d'extraction et des usages variés............................................................. 58 58 A. Une extraction aux explosifs.................................................................................................. 59 B. Une extraction à la scie mécanique........................................................................................ Conclusion....................................................................................................................... 60 V. DEUXIEME PARTIE: LE CADRE NATUREL ET URBAIN DES CARRIERES Premier chapitre La ville et les carrières I. Introduction..................................................................................................................... 62 II. Korba: l'une des villes les plus importantes de la région................................................ 62 A. Par son poids démographique.......................................................................................... 62 B. Par son emprise spatiale et ses activités........................................................................... 63 III. Des insuffisances et des difficultés ................................................................................. 64 4 A. Une insuffisance au niveau du foncier............................................................................. 64 B. Une insuffisance au niveau de certains équipements....................................................... 64 Une ville à évolution inégale dans le temps.................................................................... 65 IV. A. Une lecture à travers les documents cartographiques....................................................... 65 B. Une lecture à travers les photos aériennes........................................................................ 67 Conclusion........................................................................................................................ 74 V. Deuxième chapitre Le cadre immédiat des carrières I. Introduction..................................................................................................................... 75 II. Les environs des carrières: des atouts qui n’ont pas été toujours valorisés..................... 75 A. Des deux côtés du cordon tyrrhénien : une opposition paysagère très marquée................75 B. Un contenu indéniable pour le patrimoine naturel et culturel........................................... 77 1. De nombreuses carrières anciennes et des ruines inconnues et non répertoriées........................................................................................................ 77 2. Une faune et une flore naturelles variées dans le domaine des carrières et du cordon tyrrhénien............................................................................................... 78 3. Dans la lagune et ses berges................................................................................ 82 III. Conclusion....................................................................................................................... 84 TROISIEME PARTIE: POUR UN MEILLEUR SORT DES CARRIERES ABANDONNEES DE KORBA Premier chapitre Des expériences riches en enseignements I. II. Introduction..................................................................................................................... 86 Le cas des carrières de Mahdia-Rejiche en Tunisie....................................................... 86 A. Une exploitation ancienne et plus avancée de la même formation géologique rencontrée à Korba.......................................................................................................... 86 B. Des problèmes liés à une exploitation intensive.............................................................. 87 C. De la préoccupation aux possibilités d'interventions....................................................... 88 D. Enseignements pratiques pour les carrières de Korba...................................................... 91 5 Perderas de s'Hostal: un cas de réhabilitation et de valorisation par la création d’un parc public...................................................................................................................... 92 III. A. Des similitudes avec les carrières de Korba.................................................................... 92 B. Interventions paysagères et architecturales....................................................................... 93 C. Les activités organisées au sein des Pedredas de s'Hostal............................................... 96 D. Une implication des responsables locaux et un apport pour l’économie de la région...... 96 E. Enseignements pratiques pour les carrières de Korba..................................................... 97 El Clotet: un exemple de réhabilitation et de valorisation pour l'agriculture................... 97 IV. A. Une intervention par une approche intégrée..................................................................... 97 B. Un profit économique dans le cadre d’un développement durable................................. 98 99 C. Enseignements pratiques pour les carrières de Korba.......................................................... Conclusion........................................................................................................................ 99 V. Deuxième chapitre Quel avenir pour les carrières de Korba? I. Introduction.......................................................................................................................101 II. Deux types de situations.................................................................................................. 101 A. Le secteur n°1: Analyse des atouts, faiblesses, menaces et opportunités.........................103 1. Des atouts variés...................................................................................................103 107 2. Des faiblesses.......................................................................................................... 107 3. Des menaces.......................................................................................................... 109 4. Des opportunités pour une valorisation intégrée..................................................... 113 B. Le secteur n°2: Analyse des atouts, faiblesses, menaces et opportunités............................ 114 1. Un atout majeur : plusieurs carrières sont encore à l’abri de formes de de dégradation.......................................................................................................... 2. Une situation qui risque de ne pas durer............................................................ 115 116 3. Des opportunités pour des interventions valorisantes.............................................. III. Conclusion........................................................................................................................118 SYNTHESE..................................................................................................................................120 6 LE PROJET COLLECTIF 123 Introduction.......................................................................................................................... I. II. Le travail d'équipe........................................................................................................ 124 A. Organisation du travail.................................................................................................... 125 1. Au cours du premier semestre............................................................................ 125 2. Au cours du deuxième semestre..........................................................................128 3. Au cours du troisième semestre.......................................................................... 129 B. Bibliographie....................................................................................................................130 Le travail réalisé individuellement.................................................................................. 132 III. A. Au cours du premier semestre..........................................................................................133 133 B. Au cours du deuxième semestre.......................................................................................... 1. Approche adoptée................................................................................................133 133 2. Etude du pont de l'Académie, Venise...................................................................... C. Au cours du troisième semestre....................................................................................... 138 1. Approche adoptée.............................................................................................. 138 2. Etude du pont 25 Avril, Lisbonne...................................................................... 138 D. Des contraintes mais surtout des acquis et des enseignements....................................... 142 Analyse critique des résultats...........................................................................................143 IV. 143 A. Aspects positifs et objectifs atteints....................................................................................... B. Reste à développer........................................................................................................... 144 V. Conclusion.........................................................................................................................145 CONCLUSION GENERALE.................................................................................................. 146 ANNEXES.................................................................................................................................. 147 7 INTRODUCTION GENERALE Après une formation en architecture, la participation au Master TPTI a été une occasion précieuse pour acquérir de nouvelles connaissances, théoriques et pratiques, en rapport avec l'histoire, le patrimoine et l’environnement dans son sens le plus large. Ces dimensions ont souvent été d’un grand apport pour bien des œuvres et interventions architecturales et leur ont permis de convaincre et de s’imposer au temps. Elles occupent également une place devenue de plus en plus importante dans la réflexion sur bien des sujets dont la gestion territoriale et l’exploitation des ressources naturelles. Leur considération favorise des approches intégrées et est même indispensable pour toute œuvre ou intervention visant la durabilité. Elle est, en tout cas, indispensable pour l’étude d’un thème comme celui des friches liées à l’exploitation des ressources naturelles, que nous tentons d’aborder dans ce mémoire à travers le cas des carrières de grès-calcaire des environs de la ville de Korba, en Tunisie. En effet, par ses enseignements variées et pluridisciplinaires, le Master TPTI, nous a offert une ouverture sur l'histoire et l'anthropologie des techniques ainsi que la conservation, la gestion et la valorisation du patrimoine industriel, historique et culturel. En plus des séminaires et des contacts directs avec des professionnels de différents domaines et pays, une place importante a été accordée aux visites de terrains. A tout cela s'ajoute une mobilité de spécialité, qui dans notre cas, a eu lieu au Département d'Economie à l'Université d'Alicante. Le premier volet de ce mémoire sera consacré au projet personnel qui traite, comme évoqué plus haut, des carrières de Korba et ses environs. Il est le fruit d'un travail au cours duquel nous avons essayé, sur les deux années du Master, de tirer profit des différents enseignements dispensés afin d’enrichir notre réflexion sur le thème. Le deuxième volet sera dédié à la présentation d'un projet collectif que nous avons développé au sein d'une équipe de six étudiants du Master et qui est consacré à l'étude de six ponts situés en France, Italie et Portugal et leur valeur patrimoniale. 8 ETUDE DE CAS: INTRODUCTION Les activités industrielles qui ont généré des friches sont variées en Tunisie. Mais les plus nombreuses et importantes par leur emprise spatiale sont en rapport avec les travaux d’extraction et d’exploitation des ressources naturelles. Parmi ces activités figurent les carrières qui sont souvent situées à proximité des agglomérations urbaines et qui, une fois abandonnées suite à l’arrêt de l’exploitation, donnent lieu à des terrains vus comme de faible valeur foncière et comme sources de problèmes à différents niveaux: dégradation des paysages, naissance de zones d’insécurité, transformation en zones de décharges sauvages ou de constructions anarchiques. Or, certaines de ces carrières revêtent une grande importance historique et sociale. Elles appartiennent aussi, dans bien des cas, à des sites de grande valeur pour le patrimoine tant naturel que culturel de par la nature des matériaux exploités et les techniques d'extraction illustrant l’évolution des rapports de l’Homme avec son environnement. Non moins important, est le fait que certaines d’entre elles occupent des sites de grande valeur paysagère et que la nouvelle topographie, née de l’exploitation, peut montrer des formes originales. Nous avons donc jugé opportun d’essayer de creuser cette question des carrières, à l’occasion de notre appartenance au Master TPTI qui, par la nature de la formation qu’il donne et l’esprit dans lequel celle-ci est prodiguée, nous a paru offrir un cadre bien adapté. Mais pour parvenir à des résultats pratiques et susceptibles d’aider à une meilleure considération de la question, il fallait bien choisir le terrain. Notre choix est fait sur les carrières du secteur compris entre la sortie nord de la ville de Korba et Oued Chiba, situé dans la façade orientale de la péninsule du Cap Bon en Tunisie (fig.1). Ces carrières, pour la plupart abandonnées, sont ouvertes dans une formation géologique du type grès-calcaire, connue localement sous l’appellation de chekhech, appellation qui revient dans différentes régions côtières de la Tunisie mais pour laquelle nous n’avons pas trouvé d’explication tranchée. Elle paraît, cependant, être en rapport avec les caractéristiques de la roche ; le terme chekhech renvoie généralement à un corps vacuolaire et peu dense. Ce sont en effet, des caractéristiques qu’on trouve dans la formation géologique qui nous intéresse. Cette pierre chekhech est bien connue et prisée, depuis l'Antiquité, dans les régions littorales de la Tunisie orientale. Elle provient d’une ligne de collines allongées le long de la côte et interprétées, par les géologues, comme une ancienne plage consolidée et désignée par des appellations différentes : cordon littoral consolidé, cordon littoral fossile ou cordon tyrrhénien. Son exploitation, qui jadis se faisait de manière artisanale, a connu, pendant la deuxième moitié du vingtième siècle, à cause de la forte demande en matériaux de construction, une accélération remarquable donnant lieu, dans bien des cas, à de vastes carrières. Korba et ses environs est l’un des secteurs concernés par une telle évolution. Aujourd'hui, on y compte plusieurs carrières abandonnées où on reconnait des traces d'extraction datant de différentes époques allant de l'Antiquité jusqu’à nos jours. De plus, ces carrières se situent dans un cadre naturel et paysager des plus attractifs dans le pays et jouxtent une importante zone 9 humide à savoir, la lagune de Korba classée comme réserve naturelle et l’un des sites Ramsar1 littoraux de la Tunisie. Mais en l'absence d’un effort visant à les intégrer dans leur environnement, plusieurs de ces carrières se présentent plutôt comme une plaie au niveau du paysage. Certaines d'entre elles, notamment les plus proches de la ville, commencent à devenir des terrains propices au développement des constructions anarchiques ou encore des décharges sauvages. Des menaces pèsent alors sur un patrimoine naturel et archéologique et commencent à poser bien des problèmes à différents niveaux. Dans un tel contexte, se pose la problématique d'une meilleure connaissance et gestion de ces carrières afin de les protéger des formes de dégradation et des utilisations non adaptées aux besoins de la ville et des espaces qui les côtoient. Figure 1: Localisation de la ville de Korba en Tunisie et dans la péninsule du Cap Bon et extension du cordon tyrrhénien (trait gras noir) qui fournit la pierre grès (d’après les travaux de Paskoff et Sanlaville, 1983) 1 La Convention de Ramsar est un traité international adopté le 2 février 1971 pour la conservation et l'utilisation durable des zones humides d'importance internationale 10 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE - Les sources - Les archives de la Direction des Carrières et Explosifs du Ministère de l'Equipement de Tunisie Il était tout d'abord important de chercher une documentation permettant de comprendre le cadre réglementaire et juridique dans lequel est exercée l'activité d'exploitation des carrières en Tunisie. La direction des carrières et explosifs était le contact le mieux indiqué puisqu’il s’agit de l'autorité administrative chargée de l’octroi, à travers sa Commission consultative, des autorisations d’exploitation. Les archives de cette direction donnent une information intéressante concernant les carrières ouvertes au cours des deux dernières décennies. Elles contiennent des documents, d'ordre juridique, cartographique et technique, classés, dans des boites d’archives, par numéro d'opération. Ont été consultés les dossiers suivants, qui se rapportent à notre terrain d'étude: - Carrières n°125054, Mohamed B.HASSEN GHAOUI, Korba - Carrières n° 125084, Sadok B. ALI JERBI, Korba - Carrières n°125097, Jamil B.AMOR JERBI, Korba - Carrières n°125187, Jamil B.AMOR JERBI, Korba - Carrières n°125228, Leila B.KAMAL GHAMMAM, Korba - Carrières n°125239, Sadok B.ALI JERBI, Korba - Carrières n°125313, Ste Ennajah carrières, Mabrouk, B.KHALED, Korba - Carrières n°125481, Ste carrières Houissa frères "S.C.H.F", Khemais B. MILED, Korba Dans la même direction, ont été consultés les documents refermant des textes juridiques régissant le secteur, à savoir : -Loi N°89 – 20 en date du 22 février 1989 réglementant d'exploitation des carrières telle que modifiée par la loi n°98 – 95 du 23 novembre 1998 et complétée par la loi n° 97 – 2000 du 20 novembre 2000 -Décret 1631 – 93 en date du 2 août 1993 réglementant les commissions consultatives -Arrêté des Ministres de l'économie et des finances du 31 mai 1990 réglementant l'exploitation des carrières - Les sources orales Pour le côté scientifique, des contacts ont eu lieu avec différents spécialistes pour les questions 11 se rapportant au thème de façon générale ainsi qu'au cadre géographique et à l’histoire de la région qui s’est avérée contenir, dans l’espace des carrières et ses environs immédiats, un patrimoine archéologique parfois encore non bien étudié, voire inconnu. Pour ce qui est des responsables locaux et des institutions chargées de la gestion du milieu naturel et l’environnement, on cite en particulier le service d'urbanisme de la Municipalité de Korba, le Commissariat Régional pour le Développement Agricole de Nabeul, le Club EcoCulturel de Korba, les services et départements chargés de la gestion des carrières et de l’aménagement du territoire au Ministère de l’Equipement de Tunisie et enfin, l’Agence de la Protection de l’Aménagement du Littoral (APAL). Les contacts ont permis un échange d'idées intéressant mais aussi l’obtention de plusieurs documents qui ont été utiles pour répondre à des questions importantes sur le sujet. Il s’agit en particulier de documents cartographiques et photographiques. Enfin, les visites du terrain ont été l’occasion pour un contact direct avec la population vivant au voisinage des carrières. En fait, on n’a pas réussi à mener une enquête sur la base d’un questionnaire détaillé. Mais des questions ont été posées au gré des rencontres et ont porté surtout sur l’origine géographique des personnes interrogées, la date et la raison de leur installation dans la région ainsi que leurs perceptions des carrières et leurs environs - Les sources cartographiques Les documents cartographiques et d’imagerie utilisés sont de quatre types principaux : des cartes géologiques, des cartes topographiques, des cartes archéologiques et enfin des plans produits pour l’aménagement. -Pour les cartes géologiques, la carte de la Tunisie (échelle, 1 : 500 000) a constitué la base. Elle est fournie par différents sites internet et est consultable à l’Office National des Mines et de la Géologie. Pour les informations nécessitant une échelle plus grande, elles ont été obtenues grâce à la cartographie figurant dans différentes publications (thèses, articles, rapports, …). -Pour les cartes topographiques, le terrain objet d'étude est couvert par les deux feuilles de Menzel Bou Zelfa et de Nabeul (1 : 25 000 et 1 : 50 000). Ces feuilles ont pu être consultées dans la cartothèque du département de Géographie de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis. -Les cartes archéologiques, on les doit d’une part à l’Atlas archéologique de la Tunisie, publié à la fin du XIXème siècle et d’autre part, aux travaux produits, , à l’Institut National du Patrimoine (INP), dans le cadre de la Carte Nationale des Sites Archéologiques et des Monuments Historiques. - Enfin, le Plan d’Aménagement Urbain (PAU) de Korba a été obtenu au département d'urbanisme du Ministère de l'Equipement. Un plan relatif à la protection des terres agricoles du gouvernorat de Nabeul a également été obtenu au Commissariat Régional de Développement Agricole (CRDA) de Nabeul (échelle 1 : 500.000). 12 - Les sources photographiques et d’imagerie Il s’agit principalement des photographies aériennes et des images Google Earth. Le recours à ce type de documents était l’une des solutions les plus efficaces pour dépasser le manque d’information cartographique à grande échelle et sur des intervalles de temps significatifs concernant certains aspects, comme l’extension des espaces bâtis et des zones d’extraction, notamment pour la deuxième moitié du vingtième siècle. Aussi, a-t-il été possible d’utiliser, grâce à l’Observatoire du Littoral de l’APAL, sept missions de photographies aériennes: -mission de 1948 à l’échelle 1/25 000 (Tebourba-Menzel Heur-1948-49) -mission de 1962 à l’échelle 1/12 500 (XXX-125) ; -mission de 1974 à l’échelle 1/25000 (74 TU 359/250 UAG 412) ; -mission de 1985 à l’échelle 1/80 000 (L12-34) ; -mission de 1989 à l’échelle 1/20 000 (film 8959 Maps UAE) ; -mission de 1996 à l’échelle 1/10 000 (TU 604/100) ; -mission de 2000 à l’échelle 1/7 000 (TU 48_12, TU 48_13 et TU 49_11) - Bibliographie - Ouvrages, thèses et mémoires -ADAM, Jean-Pierre, La Construction romaine : matériaux et techniques, Editions A & J Picard, 2005. -APAL-URAM, Etude des plans de gestion des sites MEDWETCOAST, Ecosystèmes lagunaires de Maamoura à Kelibia, 2003. -BABELON, Ernest, CAGNAT, René Louis Victor, REINACH, Salomon, Atlas archéologique de la Tunisie. Edition spéciale des cartes topographiques accompagnée d’un texte explicatif, Paris: E. Leroux, 1893. -BACCAR, Lotfi, MAHMOUD, Moussa, BEN HAMZA, Chedly, Conservation des Zones Humides Littorales et des Ecosystèmes côtiers du Cap-Bon, Rapport de diagnostic, Partie relative à l’hydraulique des zones humides de Maamoura Tazarka et Korba, APALMedWetCoast, 2001 -BELGACEM, Asma., Les carrières de Rejiche : problèmes de l’environnement et propositions de réhabilitation (mémoire PFE) ; Université de Sousse, 2007. 13 -BEN YOUNES, Habib, carte nationale des sites archéologiques et des monuments historiques feuille de Mahdia, 1998. -BRUN, Stephane, De l’erg à la forêt et dynamique des unités paysagères d’un boisement en région littorale. Forêt des dunes de Menzel Belgacem, Cap Bon, Tunisie (thèse), Université Paris-Sorbonne - Paris IV, 2006. -CAMPS, Gabriel, GRAGUEB, Abderrazzak, HARBI-RIAHI, Mounira, M'TIMET, Ali et ZOUGHLAMI, Jamel, Atlas préhistorique de la Tunisie, feuille 3, Cap Bon, Institut National d'Archéologie et d'Art de Tunis, École Française de Rome, 1987. -CAMPS, Gabriel, GRAGUEB, Abderrazzak, HARBI-RIAHI, Mounira, M'TIMET, Ali et ZOUGHLAMI, Jamel, Atlas préhistorique de la Tunisie, feuille 6, La Goulette, Institut National d'Archéologie et d'Art de Tunis, École Française de Rome, 1987. - CHABBI, Morched, Conservation des Zones Humides Littorales et des Ecosystèmes côtiers du Cap-Bon, Rapport de diagnostic des sites, Partie relative à la Population, économie locale et utilisation de l’espace, APAL-MedWetCoast, 2001. - CHAIEB, Mohamed, BOUKHRIS, Makki, Flore succinte et illustrée des Zones arides et sahariennes de Tunisie, Association pour la protection de la nature et de l'environnement; L'Or du temps, 1998. -CHENITI, Taher Lamine, Conservation des Zones Humides Littorales et des Ecosystèmes côtiers du Cap-Bon, Rapport de diagnostic des sites, Partie relative aux mammifères, APALMedWetCoast, 2001. -Direction Générale de l’Aménagement du Territoire, Etude d’élaboration du schéma directeur d’aménagement de la région économique du Centre-Est, 2011. -Direction Générale de l’Aménagement du Territoire, Etude du schéma directeur d’aménagement de la région économique du Nord-Est, Rapport final de 3ème phase, 2011. -EL HAMROUNI, Abdelmajid, Conservation des Zones Humides Littorales et des Ecosystèmes côtiers du Cap-Bon, Rapport de diagnostic des sites, Partie relative à la flore et végétation, APAL-MedWetCoast, 2001. -GAFSI, Henda, BEN HADJ, M.Sami, Destinations: Développement de stratégies pour un tourisme durable dans les nations méditerranéennes, Tunisie: Rapport final, Agence d'Aménagement et de Protection du Littoral (APAL) et Centre d'Activités Régionales pour le Programme d'Actions Prioritaires (CAR/PAP) du PNUE/PAM, 2009. -GHALIA, Taher, Carte nationale des sites archéologiques et des monuments historiques, Kelibia 016, Publications de l'Institut National du Patrimoine, Tunis, 2004. 14 -GINOUVES, René, MARTIN, Roland, Dictionnaire méthodique de l'architecture grecque et romaine. 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Il vise à une meilleure connaissance de ces terrains et du patrimoine naturel et culturel qui leur est associé, d'une part, et à penser, avant qu’il ne soit trop tard, à des interventions permettant de les intégrer dans leur cadre tout en valorisant leurs potentialités. Notre lecture de ce terrain ne sera pas limitée au regard de l'architecte que nous devons à notre formation de base. Un recours à bien d’autres disciplines (géologie, archéologie, histoire, …), par la bibliographie ainsi que par des contacts directs avec différents spécialistes, sera nécessaire. - Principaux objectifs du travail Dans le cadre de ce travail nous essayerons de: présenter la région à laquelle appartient le terrain de recherche ainsi que la formation géologique (cordon littoral tyrrhénien) exploitée par les carrières et les avantages de la pierre chekhech qui a été recherchée par l’Homme depuis de nombreux siècles ; comprendre l’histoire de l’exploitation du chekhech. Ceci se basera essentiellement sur un travail de terrain permettant d’identifier et de caractériser les anciennes formes d’exploitation et d’utilisation de cette pierre. Un tel travail permettra aussi de dégager la valeur patrimoniale aussi bien des carrières que des vestiges archéologiques utilisant le chekhech ; étudier les carrières récentes dans le but de comprendre leur évolution dans le temps et de les caractériser par leur forme et extension spatiale ainsi que par les techniques et moyens utilisés dans leur exploitation ; étudier les environs immédiats des carrières dans le but de mieux dégager les caractéristiques et potentialités paysagères, naturelles et patrimoniales du site, d'une part, et de comprendre les tendances de l’évolution de la ville de Korba et ses répercussions, d'autre part. Ajouté à une connaissance des besoins de cette ville et une prise en compte des plans d’aménagement, ceci doit permettre de mieux définir les usages possibles des carrières ; présenter des cas de réutilisation et de réhabilitation de carrières abandonnées en Tunisie et ailleurs afin d'en tirer des enseignements utiles pour notre terrain d'étude. En Tunisie, c’est à l’expérience de la région du Sahel, notamment à Mahdia-Rejiche, qui renferme la même formation géologique, que l’appel sera fait. La situation a atteint, dans cette région, un niveau particulièrement préoccupant dont il faut tirer plus d’une leçon. Pour ce qui est des terrains non tunisiens, on aura recours à des cas méditerranéens. Le choix a été fait sur l’expérience espagnole pour laquelle nous 20 avons consacré un travail bibliographique à l’occasion de la mobilité de spatialité à l'Université d'Alicante ; partir de l’analyse détaillée des différents types des carrières abandonnées dans l’ensemble du terrain de recherche pour proposer les interventions qui nous paraissent être les mieux adaptées. - Méthodologie Mener un travail sur des carrières situées au contact d’une ville importante, comme Korba, et dans un terrain riche par son environnement et son histoire, exige une méthodologie appropriée. Celle-ci doit permettre de réunir une information textuelle la plus variée possible. Mais elle exige aussi, par la nature du sujet, une recherche et une exploitation des documents cartographiques et photographiques et surtout des déplacements sur le terrain ainsi qu’un contact avec la population et les différentes instances chargées de l’aménagement du territoire et de la gestion et de la protection de l’environnement et du patrimoine. La recherche bibliographique, qui a permis de réunir la liste donnée plus haut, est faite d’abord dans les bibliothèques et sur internet. Ceci nous a permis une information variée mais souvent générale sur les questions en rapport avec le sujet traité. Mais étant donné le manque de sources traitant de Korba en particulier et de ses carrières, le recours a été fait aux départements compétents et susceptibles de fournir des données propres au terrain d'étude (archives, études, cartes, plans...) et permettant ainsi de mieux nous éclairer sur ses spécificités, atouts et contraintes. L’exploitation des documents cartographiques et photographiques de différentes dates permet un travail diachronique et donc des reconstitutions pour différentes tranches de temps. Cette approche est très importante puisqu’elle aide aussi à mieux dégager les tendances de l’évolution des éléments étudiés et leurs variations dans le temps. Ceci est particulièrement vrai pour les photos aériennes qui permettent une production traduisant une image fidèle de la situation. Car, de telles photos, à la différence des cartes, ne portent aucune intervention ou indice d’interprétation pouvant influencer l’utilisateur. Nous avons eu la chance de pouvoir disposer de cet outil ce qui a permis de produire des cartes et de dépasser certaines lacunes de la bibliographie. En ce qui concerne le travail de terrain, nous avons tenu à ce que les visites aient lieu, dans la mesure du possible, au cours des différentes saisons. L’objectif était d’avoir une idée des variations du paysage et de la dynamique à Korba et ses environs immédiats au cours de l’année. Les visites en période estivale ont permis d’apprécier l’importance de la vocation touristique, notamment par l’animation qui caractérise la plage et le noyau commercial de la ville. Les visites automnales et hivernales nous ont par contre permis de mesurer l’importance de la place qu’occupe la lagune, alors bien envahie par les eaux marines, dans le paysage mais aussi par ses colonies d’oiseaux. Le visites printanières, ont été l'occasion pour apprécier la place de la flore dans le paysage tant du côté de la lagune que du côté des carrières et dans les champs qui séparent ces deux domaines. 21 Ces visites, ont visé aussi de répondre à différents points pour lesquels la bibliographie est muette ou s’avère insuffisante. Elles nous ont permis, en particulier : de nous retrouver par rapport à la bibliographie, notamment en ce qui concerne les données, urbaines, naturelles et paysagères ainsi que les différentes formes de l’occupation du sol dans la ville et autour des carrières ; des observations sur la formation géologique exploitée, ses caractéristiques et son contenu ; un travail de prospection à la recherche des indicateurs d’anciennes formes, à valeur patrimoniale, d’exploitation de la pierre chekhech. La caractérisation des vestiges archéologiques a nécessité tout un travail de mesures et d’analyse des structures, tâches que seul le travail de terrain permet de réaliser ; une appréciation directe de l’état des lieux dans les carrières et un examen des formes résultant de l’exploitation ainsi que des traces des différentes techniques de taille utilisées ; mener les contacts directs nécessaires avec la population et les services et responsables locaux. - Plan du mémoire Le travail sera organisé selon les trois parties suivantes : - La première partie sera consacrée à la présentation de la région dans laquelle se situe notre terrain de recherche. Dans un deuxième temps elle traitera des différentes formes, anciennes et récentes, de l'utilisation et de l'extraction de la pierre chekhech. Trois chapitres y seront distingués: Le premier chapitre permettra, dans le but de placer le terrain d’étude dans son cadre naturel et humain, un aperçu général sur la péninsule du Cap Bon et plus précisément sa façade orientale où se situe la ville de Korba. Le deuxième chapitre sera consacré aux vestiges archéologiques employant la pierre chekhech ainsi qu'aux carrières anciennes encore conservées dans notre terrain de recherche. L'étude des traces d'extraction, basée sur les observations directes du terrain et un retour à la bibliographie, permettra de mieux comprendre les techniques utilisées. D'un autre côté, un va et vient entre les carrières et les vestiges archéologiques permettra une comparaison entre les éléments en pierre utilisés dans les constructions d'une part, et les traces d'extraction d'autre part ; ce qui aidera à dater ces dernières. Ce dernier point revêt un intérêt patrimonial encore absent dans la bibliographie consacrée aux carrières de la région. 22 Le troisième chapitre: traitera des carrières récentes qui ont été, en grande partie, ouvertes au cours la deuxième moitié du XXème siècle et dont la majorité sont déjà abandonnées. Seront alors présentées les techniques d'extraction, les domaines d'utilisation de la pierre ainsi que les formes de terrains générées. Les données obtenues auprès de la direction des carrières et explosifs ne permettent pas d’avoir une idée complète sur l’historique de ces carrières. C’est alors le travail sur différentes missions de photos aériennes et de cartes qui nous permettra d’apprécier l'évolution de la situation et surtout de préciser la période à partir de laquelle s’est fait le passage vers l’exploitation à un rythme industriel. - La deuxième partie portera sur une étude des environs immédiats des carrières. Ceci a pour objectif de mieux placer ces dernières dans leur cadre naturel et humain et d'avoir une idée plus claire sur leur avenir possible. Deux chapitres y seront distingués: Le premier chapitre vise, à travers une étude de la dynamique urbaine, à dégager les tendances de l'évolution de la ville de Korba ainsi que la perception de l'Homme des entités naturelles voisines telles que la lagune, les terres agricoles ainsi que le cordon tyrrhénien et ses carrières. Ce chapitre sera également l'occasion pour définir les besoins de la ville en termes de foncier et d'équipements. Seront considérées les informations figurant dans la bibliographie et le plan d'aménagement de la ville ainsi que les informations recueillies à travers les contacts effectués auprès des services et autorités locales et régionales. Le deuxième chapitre: sera l'occasion pour dégager la valeur des environs immédiats des carrières et leur intérêt à différents niveaux (paysage, patrimoine naturel, culturel et scientifique, ....). Ceci doit permettre en effet, d'éviter de considérer les carrières comme espaces isolés et d'aller, en ce qui concerne leur réhabilitation et mise en valeur, dans le sens d'une approche intégrée. L'information proviendra des références bibliographiques disponibles mais aussi d'un travail de terrain. - La troisième partie portera sur la question de la réutilisation et de la réhabilitation. Elle comportera deux chapitres : Le premier chapitre sera consacré à la présentation d'interventions dans des carrières abandonnées en Tunisie à travers le cas de Mahdia-Rejiche dans la région du Sahel tunisien, à quelque 200 km au Sud de Korba. Nous présenterons également les cas espagnols étudiés au cours de la mobilité de spécialité à l'Université d'Alicante. Il s'agit de Pedreres de s'Hostal et de el Colotet, des carrières réhabilitées pour des usages variés et présentant plusieurs points communs avec notre terrain de recherche, tant au niveau des matériaux exploités que des techniques employées et de l’appartenance à un environnement méditerranéen. Ces exemples nous permettront des enseignements utiles pour le cas des carrières de Korba. 23 Le deuxième chapitre: sera consacré à une analyse détaillée des carrières abandonnées de notre terrain de recherche en considérant leurs atouts et faiblesses ainsi que les menaces qui les guettent et les opportunités qu'elles offrent en termes de réhabilitation, mise en valeur et réintégration dans leur environnement. 24 PREMIERE PARTIE KORBA DANS SA REGION ET ANCIENNETE DE L'EXPLOITATION DE LA PIERRE CHEKHECH L’objectif de cette partie est de donner, en un premier temps, une idée sur le cadre général, naturel et humain, de la péninsule du Cap Bon, région dans laquelle se trouve Korba. L’accent sera mis sur la façade orientale de la péninsule où se situe notre terrain de recherche. Nous nous intéresserons, en un deuxième temps, à la présentation des caractéristiques géologiques du cordon tyrrhénien et les témoins de l’ancienneté de son exploitation. Seront également étudiées les techniques d'exploitation, anciennes et récentes ainsi que les différents usages de la pierre. Ceci sera fait dans le but de montrer l'intérêt patrimonial des carrières ainsi que la pierre qu'elles fournissent. 25 Premier chapitre Korba dans sa région I. Introduction Korba est l’une des nombreuses villes de la péninsule du Cap Bon. Située au Nord-Est du pays, cette péninsule couvre une superficie de l’ordre de 2822 km2 et correspond administrativement au gouvernorat de Nabeul. Elle est aussi considérée comme « l’une des régions les mieux individualisées de la Tunisie » (Sethom et Kassab, 1981). Ceci se dégage à travers différentes caractéristiques touchant aussi bien au cadre naturel qu’au cadre social et économique. Dans ce chapitre, nous allons essayer de présenter cette région avec l’objectif de mieux comprendre le cadre du site objet de notre recherche. Ceci nous aidera à mieux dégager les éléments pouvant avoir des liens avec la problématique de notre sujet et qui nous serviront dans les chapitres suivants. II. Une région caractérisée par la variété de son environnement naturel C’est d’abord par sa forme et son milieu naturel que la péninsule du Cap Bon s’individualise le mieux. Elle se distingue par son allure allongée SW-NE pénétrant sur environ 90km dans la mer (Grosse, 1969). Ceci, ainsi que la disposition des unités majeures du relief sont à l’origine d’une opposition très nette entre deux domaines, la façade orientale d’une part et la façade occidentale d’autre part. La séparation est assurée par un alignement montagneux luimême orienté SW-NE et dont l’élément principal est le Jbel Sidi Abderrahmen dont les altitudes dépassent souvent 500m et culminent à 637m (fig.2). La façade occidentale a un relief souvent accidenté, proche de la côte ou dominant directement la mer. Elle se distingue aussi par son exposition aux vents les plus forts et les Figure 2: Carte du relief de la péninsule du Cap Bon (Brun, plus fréquents en Tunisie qui soufflent du 2005). On reconnaît bien l’alignement montagneux qui Nord-Ouest et du Nord. Ceci influe sur les sépare les deux façades. Le trait rouge discontinu indique l’extension du cordon tyrrhénien. conditions maritimes ; la mer est fréquemment agitée. L’importance des vents est aussi à l’origine de l’extension des champs de dunes qui pénètrent parfois sur plusieurs kilomètres dans le continent constituant l’un des éléments marquants du paysage (Grosse, 1969). - 26 La façade orientale, à laquelle appartient Korba, est bien différente. Elle est abritée, grâce aux reliefs montagneux précités, des vents des secteurs septentrionaux. D’autre part, ces reliefs se trouvent généralement à plus de 10 km à l’intérieur des terres. L’espace qui les sépare de la mer correspond à une topographie parfois très régulière de bas plateaux et de plaines alluviales fertiles traversés par des oueds peu profonds. Un élément vient toutefois rompre cette régularité et occupe, de ce fait, une place particulière dans le paysage, grâce à sa disposition et à sa continuité. Il s’agit d’un alignement de collines allongées parallèlement à la côte et qui correspondent à un ancien cordon littoral connu sous l’appellation de cordon tyrrhénien. Cette façade orientale se distingue aussi, de la précédente, par ses sableuses étendues et sa mer plus calme. De plus, l’espace qui sépare ces plages du cordon tyrrhénien correspond à une dépression où s'installe un chapelet de lagunes qui constitue l’une des spécificités de cette partie du Cap Bon. L’une de ces lagunes est celle de Korba sur laquelle nous reviendrons dans la deuxième partie du mémoire. De tels aspects n'ont pas été sans impact sur la vie économique et sociale. La façade orientale a été, de tout temps, la plus attractive et celle qui regroupe les activités les plus variées et les plus importantes pour l’économie de la région. Mais la disposition du relief n’a pas favorisé la frange littorale en matière de pierres utiles pour la construction puisque les principaux reliefs, où on trouve une géologie renfermant des formations dures, se situent relativement loin à l’intérieur des terres. Le cordon littoral tyrrhénien est alors la seule formation géologique à remédier à cette carence. III. L'une des régions les plus anciennement et densément occupées par l’homme en Tunisie L’examen des cartes archéologiques ainsi que des cartes topographiques (à l'échelle 1:50000) couvrant la péninsule du Cap Bon montre une densité relativement élevée de sites d’époques variés témoignant de l’ancienneté de la présence de l’homme dans la région. Les vestiges sont situés aussi bien dans les secteurs proches de la mer qu’à l’intérieur des terres. Des périodes les plus anciennes, la région a hérité des pièces taillées dont les plus fréquentes sont attribuéesau Néolithique. Pour ce qui est de l’Antiquité, les vestiges archéologiques se rencontrent également dans différentes parties de la péninsule. Mais les concentrations les plus importantes et les grandes villes appartiennent à la façade orientale. C’est dans cette façade qu’on trouve les sites les plus célèbres et qui reviennent le plus dans les cartes dressées par des archéologues. Il s’agit notamment, de Pupput (Hammamet), Neapolis (Nabeul), Clupea (Kelibia), Kerkouane et Curubis (Korba). (fig. 2) A. Sous les puniques Les vestiges attestant d’une présence antique antérieure à l’époque romaine, appelée carthaginoise ou punique, sont relativement peu nombreux. Le site de Kerkouane, situé au NordEst de la presqu’île et découvert en 1952 en constituent le témoignage le plus important. Une coupe ionienne découverte à Kerkouane a permis de dater la fondation de la cité approximativement vers 600 av. J.C. Cette trouvaille est, en plus, considérée comme le 27 témoignage des relations commerciales avec l’extérieur, notamment avec la Grèce et la Sicile. (Fantar, 1987). Des chambres creusées dans les parois rocheuses, appelées haouanet et interprétées comme des tombes ont également été datés de l'époque punique. On en trouve en particulier dans les environs de Menzel Temime (Fantar, 1987) où elles sont creusées dans le matériel du cordon littoral tyrrhénien. Figure 3: Tombes punique taillées dans le cordon tyrrhénien dans sa partie située à Menzel Temime, au Nord de Korba (indiquées par des flèches rouges) (C. Weslati, mai 2014). En 310 avant notre ère, l'historien Diodore de Sicile donnait une description très expressive pour témoigner de la prospérité de la région à l'époque sous les carthaginois : "Tout le pays (…) était entrecoupé de jardins et de vergers, arrosés par de nombreuses sources et de nombreux canaux (…) le terrain était cultivé en vigne, en oliviers et en une foule d'arbres fruitiers. Des deux cotés, la plaine nourrissait des troupeaux de bœufs et de moutons et aux environs des marais, on voyait des haras de chevaux." Cette prospérité agricole et artisanale du Cap Bon punique ainsi que ses rapports commerciaux avec l'extérieur étaient centrés sur un certain nombre de villes et surtout au niveau des ports (Sethom, 1977 in Brun, 2005). B. Sous les romains Les vestiges attribués à l’époque romaine sont nombreux. Le Cap Bon « figure parmi les premières régions recevant des colons romains en Afrique, dès 111 av. J.-C. » (Modéran, 1987). Ceci en a fait une très forte concentration d'installations romaines dès le Ier siècle av. J.-C. témoignant d'un effort de romanisation exceptionnel (Modéran, 1987). L’importance qui lui est accordée se dégage à travers le fait que sur une dizaine de colonies juliennes connues en Tunisie, quatre sont localisées dans le Cap Bon. Il s’agit de Carpis, Clupea, Curubis (l'actuelle Korba) et Neapolis (Brun, 2005) (fig.4). La concentration des villes les plus importantes sur le littoral doit être en rapport avec un important trafic maritime. L’importance de la côte se devine aussi du réseau routier de l’époque (fig. 4). Mais la presqu’île avait aussi une vocation agricole et les vestiges archéologiques antiques sont nombreux à l’intérieur des terres. Plusieurs centaines de ruines rurales sont répertoriées sur l'Atlas archéologique dont «le semis suffit à prouver que la pénétration dans la péninsule a été profonde» (Modéran, 1987). Cet intérêt porté par les anciens à la région se lit aussi de la carte des centuriations (fig. 5). Ces dernières intéressent près de la moitié de la péninsule et sont loin de se limiter à la frange littorale (Caillemer A. et Chevallier R., 1954). 28 Les résultats du travail mené récemment dans le cadre de la Carte Nationale des Sites Archéologiques et des Monuments Historiques, commencé en 1992, confirment ce qui vient d’être cité et révèlent une grande densité des vestiges. Pour les cartes de Nabeul et de Kelibia, les seules prospectées et qui ne couvrent qu’une partie de la façade orientale du Cap Bon, l’inventaire fait état, respectivement, de 142 et 164 sites archéologiques (Ghalia, 2004). Korba, mentionnée par plusieurs inscriptions comme « col(onia) Iulia Curubis » (Trousset, 1994), est évoquée comme l’une des cités importantes. Parmi ses vestiges, a été signalé un aqueduc situé à la limite de la ville (Guérin, 1862). Ont été également mentionnées des carrières anciennes à ciel ouvert au Sud de la ville sur une colline, nommé MaktaHasin-Bou-Maza, dans lesquelles avaient été taillées des chambres voûtées (Guérin, 1862). Figure 4: Le Cap Bon dans l’Antiquité (Modéran, 1987). Korba Figure 5: Les centuriations romaines en Tunisie (indiquées par les hachures) (Caillemer A. et Chevallier R., 1954). 29 C. Après les romains La forte empreinte romaine s'est maintenue jusqu’à des périodes tardives de l’Antiquité. Mais avec l'invasion vandale (432- 533), la période de prospérité romaine prend fin. De l’époque byzantine (533-633), la région a hérité surtout des fortifications militaires, comme le Fort de Kelibia. Ce qui témoigne plutôt d’une période d’insécurité. La région est même décrite comme "un pays sans cohésion, abandonnant peu à peu les institutions romaines pour revenir aux traditions ancestrales" (Ch. A. Julien, in Brun, 2005). Plus tard, comme dans le reste du pays, le Cap Bon a connu les invasions arabes (hilaliennes) du XIème siècle (Poncet, 1967). Ceci a entrainé un repli de la population vers l'intérieur des terres. Les dynasties arabes reprirent les aménagements urbains anciens avec des finalités nouvelles (Brun, 2005). La région va toutefois profiter de l’arrivée des andalous, chassés d’Espagne au 17ème siècle par Philippe III et qui étaient principalement des agriculteurs. Presque tous les environs des villes où se sont installés les andalous « sont remplis de jardins, garnis d'arbres fruitiers et d'herbes potagères, bien entretenues et bien travaillées » (Peyssonnel, 1838, in Sethom, 1977). L’écho d’une telle évolution va marquer la région jusqu’à nos jours. Le Cap Bon est considéré aujourd’hui comme l’une des régions les plus actives de la Tunisie et surtout l’une des régions où l’agriculture est la plus rentable. Malgré toute cette évolution, les sites occupés par les grandes villes sont souvent restés les mêmes. Les grandes agglomérations antiques, comme en témoignent les nombreux vestiges puniques et romains, ont pu être revivifiées par les apports historiques successifs. IV. De nos jours, l’une des régions les plus attrayantes et dynamiques de la Tunisie Le Cap Bon est aussi, de nos jours, l’une des régions les plus attrayantes. « Placé en plein cœur de la Tunisie littorale orientale, il correspond à la zone la plus vivante et la plus densément peuplée du pays » (Sethom, 1977). Mais, tout comme pour les périodes antérieures, une nette opposition s’observe entre la façade occidentale et la façade orientale. Cette dernière est la plus peuplée et celle qui compte les activités économiques les plus importantes. C’est à cette façade qu’appartient notre terrain de recherche. Nous lui accorderons, par conséquent, plus de place dans cette présentation. A. Sur le plan démographique La population de la péninsule du Cap Bon est, selon le recensement de 20042, de l’ordre de 693 890 habitants représentant plus de 7% de l’ensemble de la population tunisienne alors estimée, par le même recensement, à 9 910 872 habitants. Les chiffres sont encore plus expressifs au niveau des densités. Selon des estimations de l’Institut National des Statistiques (I.N.S.) pour l’année 2011 ; le gouvernorat de Nabeul a, avec 269 hab/km² contre 68 hab/km² pour la moyenne nationale, une densité des plus élevées du pays. C’est en fait, la densité la plus élevée après celles des gouvernorats du district de Tunis la capitale. La répartition de la population présente une nette opposition entre les deux façades de la péninsule. A part la délégation de Soliman, qui prolonge le district de Tunis du côté Est, l’ensemble de la façade occidentale a une densité 2 Les résultats détaillés du recensement de 2014 ne sont pas encore publiés. 30 comprise entre 25 et 100 hab/km². Par contre, dans la façade orientale à laquelle appartient notre terrain de recherche, cette densité faible n’est enregistrée que dans une seule délégation, celle d’El Mida. Ailleurs, les valeurs sont toujours supérieures à 100 et dépassent 400 pour les délégations de Nabeul, de Dar Chaabane et de Kelibia. Pour la délégation de Korba, elles se situent entre 200 et 400. Il s’agit aussi d’une population qui n’a cessé d’augmenter à un rythme relativement rapide. Ceci est dû à l’accroissement naturel dont le taux se situe au niveau de 1,4 contre 1,29 pour la moyenne nationale (Ministère de la Santé, 2013). Figure 6: Densité de la population par délégation en 2004 (Omrane, 2015). Mais il est dû aussi au caractère attractif de la région. Le solde migratoire est positif ; les entrées et les sorties étant respectivement évaluées par l’Institut National des Statistiques (INS) en 2011 à 35 502 et 28 447. Une telle tendance va continuer ainsi que le suggèrent les projections. Le gouvernorat de Nabeul comptera 835 000 et 871 100 habitants respectivement en 2019 et 2024 contre 693 890 de nos jours (Ministère de la Santé, 2013). Le Cap Bon est aussi, malgré l’importance de sa vocation agricole comme on le verra, l’une des régions de la Tunisie où la part de la population vivant dans les villes est élevée. L’effectif de la population communale est passé de 374 259 hab. en 1994 à 457 484 hab. en 2004, représentant ainsi plus de 65% de la population totale, soit une valeur du même niveau que la moyenne nationale (INS, 2004). Là aussi, la différence entre les deux façades de la presqu’île est bien marquée. Les villes ayant les effectifs les plus importants et qui ont enregistré la croissance la plus importante de leur population appartiennent à la façade orientale (fig.7). C’est ainsi par exemple, que les villes de Kelibia, Menzel Temime et de Korba ont vu leur population passer respectivement de 19 279 hab., 18 857hab. et 13 171hab en 1975 (Sethom et Kassab, 1981) à 43 209 hab., 34 528 hab. et 34 807 hab. en 2004 (I.N.S, 2005). 31 Figure 7: A gauche, une carte donnant la taille des villes en Tunisie et permettant de voir la place qu'occupe le Cap Bon sur le plan démographique (Belhedi, 2004). A droite, une carte détaillant la situation dans la péninsule et permettant d’apprécier l’importance de la croissance des villes entre 1994 et 2004. Elle montre l’opposition entre les deux façades (Omrane, 2015). B. Sur le plan socio-économique Le Cap Bon est traditionnellement connu comme « une région de culture maraîchère et fruitière intensive, qui fournit environ 16 % de la production agricole nationale, avec seulement 4 % de la surface agricole utile totale du pays. Il s’agit principalement de la production d’agrumes, de tomates, de pommes de terre et de la viticulture » (Gana, 2013). Mais ceci ne doit pas laisser entendre que les autres secteurs de l’économie sont absents ou secondaires. On distingue, trois parties bien différenciées par leurs activités (Sethom et Kassab, 1981). La partie sud-ouest, correspond à « la plaine de Grombalia et ses marges » et est appelée « le Cap Bon arboricole ». La deuxième partie, ou « la Dakhla des Maouine » est centrée autour de la montagne de Sidi Abderrahmen qui, comme vu plus haut, constitue l’épine dorsale de la péninsule. Elle est connue surtout pour l’importance des grandes cultures et appelée « le Cap Bon céréalier et pastoral ». Enfin, la troisième partie s’étend sur la côte orientale et septentrionale. Elle est désignée comme « le Cap Bon maraîcher et arboricole, artisanal, touristique et urbanisé ». 32 C’est à cette dernière partie que nous accorderons le plus de place dans cette présentation ; car c’est à elle qu’appartient notre terrain de recherche. Vue de près, elle présente, à son tour, des différences sensibles du Nord au Sud. Trois sous-parties y sont distinguées: 1 - La partie septentrionale (n°1 de la figure 8) se présente comme « une 2 nouvelle région maraîchère » (Sethom et Kassab, 1981). Les piments, les tomates et les arachides sont les principales cultures irriguées. Mais si les deux premières se rencontrent dans d’autres régions de 3 la Tunisie, la troisième est une spécialité de la plaine de Haouaria. Ce maraîchage intensif est en réalité une activité récente. Auparavant, la Figure 8: Les trois sous-parties de la façade orientale de la péninsule du Cap Bon (figure élaborée en considérant le contenu de la population était majoritairement bibliographie citée, notamment Sethom et Kassab, 1981). constituée de pasteurs et de céréaliculteurs. Ce qui explique le caractère dispersé des habitations. Jusqu’à nos jours, les agglomérations sont de petite taille. La région bénéficie toutefois d’un important atout paysager grâce à sa côte restée peu aménagée et au caractère sauvage. Elle renferme aussi des sites archéologiques parmi les plus visités de la région. C’est le cas en particulier des anciennes carrières de Haouaria qui avaient fourni une partie importante de la pierre utilisée dans la construction de Carthage. C’est le cas aussi du site punique de Kerkouane. Une bonne partie des visiteurs vient des zones touristiques situées plus au Sud (Kelibia et surtout Nabuel-Hammamet) et passe donc par Korba. - La côte comprise entre Kelibia et Tazarka (n°2 de la figure 8) concerne le plus directement notre zone d’étude. Elle est présentée comme « le royaume du piment, de la tomate et des condiments » (Sethom et Kassab, 1981). Mais ceci ne doit pas cacher la variété des activités tant sur le domaine agricole que pour les autres secteurs de l’économie. Mieux abrité des vents, que la partie septentrionale, le terrain est en réalité favorable à différentes activités agricoles. Alors que la céréaliculture a une place subordonnée, l’arboriculture est bien développée avec toutefois une nette prépondérance pour l’olivier et la vigne. Les autres cultures arbustives correspondent à des arbres fruitiers et n’occupent que des superficies relativement limitées. Elles constituent une spéculation importante, mais leur « place est loin d’égaler celle du maraîchage intensif » (Sethom et Kassab, 1981) qui a connu un progrès spectaculaire depuis l’indépendance du pays et n’a cessé de prendre de l’importance avec l’introduction de nouvelles cultures. 33 L’industrie moderne est surtout en rapport avec la transformation des produits agricoles. Elle est représentée par différents établissement implantés le long de la route côtière principale ou dans de petites zones industrielles localisées. La ville de Korba, surtout dans sa partie sud et son prolongement vers Tazarka, se distingue par un nombre relativement important d’établissements industriels. L’artisanat occupe une place modeste surtout en comparaison avec la ville de Nabeul située immédiatement au Sud. Il est en bonne partie, une activité féminine et est représenté surtout par la broderie, la confection et la sparterie. Malgré ses potentialités touristiques indéniables ainsi que ses plages étendues et son climat méditerranéen, la région ne compte que très peu d’hôtels avec une faible capacité d’accueil. Quelques hôtels existent à Korba et Kélibia. - La partie comprise entre Tazarka et Hammamet (n°3 de la figure 8) renfermant la ville de Nabeul, siège du gouvernorat, cette partie est la plus urbanisée de l’ensemble de la presqu’île du Cap Bon. Ceci est le résultat d’une évolution, relativement récente, faite aux dépens des terres agricoles et des activités rurales. Déjà vers les années 1980, « les activités artisanales, industrielles et tertiaires faisaient travailler la plupart des habitants des agglomérations de Nabeul, de Hammamet, de Beni Khiar et de Dar Chaabane » (Sethom et Kassab, 1981). La région est très connue pour son artisanat, notamment la poterie de Nabeul. Par contre, l’industrie moderne reste relativement modeste et largement en rapport avec la transformation des produits agricoles. Le tourisme, phénomène récent, a par contre connu une véritable explosion. Il est devenu, comme dans d’autres régions du pays, l’un des piliers de l’économie. Le littoral qui s’étend depuis Nabeul jusqu’à la partie sud de Hammamet renferme la plus grande concentration d’hôtels du pays, souvent de haut de gamme. Cette concentration constitue de nos jours, avec une capacité d’accueil de l’ordre Figure 9: Les unités hôtelières de la presqu’île du Cap Bon (Dlala, de 51000 lits (Ministère du 2007). On note l’importante concentration à Nabeul et surtout à Développement Régional et de la Hammamet. Planification (MDRP), 2011), la plus grande zone touristique de la Tunisie. Les excursions qui en partent pour la découverte et la visite des vestiges archéologiques du Nord de la presqu’île, mentionnés plus haut, passent par Korba. 34 V. Conclusion Au total, la péninsule du Cap Bon à laquelle appartient notre zone d’étude se présente, malgré une superficie relativement limitée, comme une région qui ne manque pas de richesses et de variété à différents niveaux. Ceci apparait d’abord à travers les données naturelles et les paysages. Il apparait aussi à travers un patrimoine archéologique couvrant différentes civilisations et présent dans différentes parties de la péninsule. L’histoire du peuplement et du rapport de l’homme avec le sol et son environnement ainsi que les tendances de l’évolution récente sont également importants. Tout cela a fait que la région soit aujourd'hui considérée comme l’une des plus attractives et disposant des conditions de vie parmi les plus enviables dans le pays. L’opposition entre les deux façades de la presqu’île est également importante. Cette opposition a marqué la présence de l’homme et ses activités tout au long de l’histoire de la région. Mais elle a, dans l’ensemble, favorisé la façade orientale, à laquelle appartient Korba, qui a été de tous temps la plus peuplée et celle qui a l’économie la plus vivante. Les facteurs de la dynamique dans cette façade sont toutefois loin d’être homogènes et ont connu des mutations indéniables au cours des temps récents. L’idée selon laquelle « le Cap Bon est surtout une grande région agricole, une région d’agriculture intensive » (Sethom et Kassab, 1981) mérite désormais d’être nuancée. Si, dans la façade orientale, elle reste assez valable dans la partie centrale et s’est confirmée dans la partie septentrionale, elle ne l’est plus dans la partie méridionale où l’urbanisation, les activités industrielles et surtout le tourisme se sont parfois largement développés aux dépens de l’agriculture. La partie centrale de cette façade orientale, continue à se distinguer par la prépondérance des activités agricoles intensives mais elle est le lieu d’un nouveau dynamisme lié, en partie, à sa position. Elle constitue un lieu de passage obligé pour les échanges de plus en plus nombreux qui se font entre les différentes régions de la péninsule. Les interactions qui s’y produisent peuvent avoir un impact direct sur la vie dans ville de Korba et l’évolution de son tissu urbain. Ce sont autant de données qui méritent d’être considérées dans les réflexions que nous consacrerons au site objet de notre recherche. 35 Deuxième chapitre Le Chekhech, une pierre recherchée depuis l'Antiquité I. Introduction Dans ce chapitre, nous commencerons par la présentation du cadre général ainsi que les caractéristiques du cordon tyrrhénien. En un deuxième temps, nous chercherons à identifier les anciennes formes d’utilisation de la pierre chekhech, depuis l’Antiquité, afin d'apprécier sa valeur dans la région. Aussi, la comparaison des éléments rencontrés dans les ruines et les constructions anciennes aux traces d’extraction conservées dans les carrières doit-elle permettre une contribution à la connaissance de la chronologie de ces dernières et de reconnaitre les différentes techniques d’extraction. II. Cadre naturel et caractéristiques géologiques du cordon tyrrhénien A. Le cadre naturel du cordon tyrrhénien Les terres qui jouxtent le cordon littoral tyrrhénien, dans la façade orientale de la péninsule du Cap Bon, se caractérisent par la faiblesse de leur topographie. Les altitudes sont le plus souvent inférieures à trente mètres. Ceci n’a pas favorisé une grande variété au niveau du relief. Si bien qu’à première vue, c’est plutôt à un paysage monotone qu’on a affaire. Cette impression est quelque peu dissipée lorsqu’on observe le terrain de près. Il apparait alors que différents milieux se juxtaposent. Ils sont à la fois d’ordre naturel (plans d’eau, oueds, …) et anthropique (espaces bâtis, champs agricoles, voies de circulation, …) et sont reconnaissables tant sur le terrain qu’à partir des documents cartographiques et d’imageries (fig. 10). Mais c’est surtout le cordon tyrrhénien qui rompt la monotonie par sa place privilégiée dans la topographie. D’une part, ses altitudes se situent entre 20 et 30m et sont toujours plus hautes que les terrains voisins. D’autre part, sa forme en bourrelet allongé parallèlement au rivage actuel, dont il n’est séparé que par quelques hectomètres, lui permet de bien se détacher des autres éléments qui l’encadrent. Un transect perpendiculaire à la côte permet de donner une idée sur la zonation des principaux milieux et topographies qui encadrent le cordon et de mieux montrer la place que ce dernier occupe par rapport à l’ensemble. Le cordon domine, du côté oriental, une plaine littorale étroite, basse et dont la frange la plus proche de la mer renferme un milieu lagunaire installé derrière la plage actuelle. Du côté du continent, il est relayé par une topographie plane localement découpée par des cours d’eau (fig. 11). 36 Nord Oued Chiba Extension approximative du cordon là où il n’est pas entièrement envahi par le bâti La lagune de Korba Terres agricoles Route régionale C 27 La ville de Korba Oued Bouldine 1 km Figure 10: Les unités naturelles et anthropiques encadrant le cordon tyrrhénien (sur un extrait d’une image Google). 1 2 4 5 3 6 Figure 11: Localisation du cordon tyrrhénien (dans son état naturel à l’écart des carrières) parmi les éléments principaux de son cadre. 1: plaines de l'intérieur ; 2: le cordon tyrrhénien ; 3: petite plaine littorale ; 4: lagune ; 5: plage actuelle; 6: la mer. 37 B. Principales caractéristiques géologiques du cordon tyrrhénien Le cordon est considéré, selon les travaux des géologues et les géomorphologues, comme l’une des formations quaternaires les plus importantes du littoral tunisien. Daté d’environ 100 000 ans, il a été mis en place lorsque le niveau marin était plus haut que de nos jours (cycle tyrrhénien ou dernier interglaciaire). Il est connu dans la bibliographie, surtout dans les travaux de Paskoff et Sanlaville (1983), sous l’appellation de Formation Rejiche ou de cordon littoral tyrrhénien. Consolidé, son matériel est décrit comme un grès ou un grès-calcaire. Chez la population des régions côtières, il est désigné sous l’appellation de chekhech. La connaissance de la structure interne du cordon a été favorisée par les observations faites, par les spécialistes, sur des coupes révélées par les carrières, d’où un premier point d’intérêt à accorder à ces dernières. On apprend qu’il s’agit d’une structure loin d’être homogène mais dans laquelle on distingue généralement deux parties bien distinctes. La partie inférieure correspond à un matériel souvent riche en coquilles marines. Elle est interprétée comme étant la partie du cordon déposée par les vagues. La partie supérieure se distingue par son matériel fin, sans coquilles marines, très homogène et homométrique. Il s’agit en fait de la partie du cordon déposée par le vent. Elle est qualifiée, par les spécialistes, de membre éolien ou dunaire. C’est cette partie que les carriers ont toujours, comme on le verra, le plus recherchée. Figure 12: Coupe le long de la vallée de l'Oued Chiba montrant la place du cordon tyrrhénien parmi les autres éléments du paysage côtier. On reconnait aussi les deux membres du cordon (2a: membre inférieur coquillier ; 2b: membre supérieur représenté par des points homogènes (Paskoff et Sanlaville, 1983). Figure 13: Détail du matériel du membre marin du cordon tyrrhénien. On voit une importante densité de coquillages et, dans l’encadré, un strombe (C. Weslati, août 2013). 38 Les chercheurs, géologues et géomorphologues, voient dans ce cordon littoral, grâce à sa position, un repère de grande importance pour l’étude de l’histoire géologique de la région et des côtes tunisiennes d’une façon générale. Cette importance est doublée par les fossiles contenus dans le membre marin qui aident à caractériser le milieu dans lequel s'est formé le cordon et donc à la reconstitution des paléo-environnements. L’attention a été particulièrement retenue par l’existence d’une faune dite « chaude ». C’est le cas en particulier des coquilles de strombe (Strombus bubonius). Il s’agit d’une faune caractéristique des eaux des mers chaudes et qui ne vit plus, de nos jours, en Méditerranée (Paskoff et Sanlaville, 1983). III. Ancienneté de l’utilisation de la pierre chekhech et de l'exploitation des carrières Nous n’avons pas trouvé, dans la bibliographie archéologique, des travaux relatifs à l’histoire de la pierre et son utilisation dans la région de Korba. Mais le terrain ne manque pas de témoins indiquant que le chekhech a toujours été une pierre très prisée. Ces témoins sont nombreux, variés et datent de différentes époques. De plus, le cordon littoral porte différentes traces d’exploitation qui peuvent, en même temps, renseigner sur les techniques utilisées à travers le temps. A. Une pierre présente dans des ruines et constructions de différentes époques du passé 1. Au cours de l’Antiquité Les formations géologiques quaternaires du type grès calcaires sont bien représentées sur les côtes de la Tunisie. Le cordon tyrrhénien en fait partie et en est la formation la plus importante sur la façade orientale grâce à son épaisseur, sa continuité et sa proximité de la mer (Paskoff et Sanlaville, 1983). Il a été très exploité par les anciens. L’une des illustrations les plus significatives est donnée par le grand amphithéâtre romain d’El Jem situé à environ 40 km à l’intérieur des terres et construit, en bonne partie, par de gros blocs de chekhech provenant du cordon littoral tyrrhénien de la région du Sahel. La carrière qui a livré la pierre se trouve à Rejiche même, à côté de Mahdia, la ville qui a donné son nom à la formation géologique représentée par le cordon tyrrhénien (formation Rejiche). Un recours à la même pierre s’est fait récemment dans le cadre de la restauration du monument. Mais la carrière de Rejiche n’étant plus fonctionnelle, l’approvisionnement est désormais assuré par les carrières de Chebba (près de Mahdia) et de Korba (Karoui, 2010). Dans de pareilles situations, la bibliographie est abondante, justifiée par l’importance des monuments. Les choses sont différentes pour le secteur de Korba. La bibliographie est très indigente et c’est surtout à nos observations directes sur le terrain que nous devons les informations que nous développerons dans ce qui suit. 39 - Dans le noyau ancien et l’aire de la ville de Korba La ville antique (Curubis) a largement disparu sous les constructions récentes suite à la grande extension de l'espace urbain. Les vestiges encore visibles sont faits de gros blocs taillés. En vérifiant sur le terrain, nous avons trouvé que ces derniers sont toujours faits dans le chekhech. D'autre part, la bibliographie (Guérin, 1862) ainsi que la carte archéologique de Nabeul signalent l’existence d’un aqueduc romain à Korba que nous n’avons pas pu retrouver sur le terrain. Cet ouvrage qui renfermerait des blocs provenant du cordon aurait disparu suite à l’extension de la ville. Figure 14: Vestiges d’une porte romaine conservée dans la masse récente du bâti de la ville (rue de Monastir). Les blocs taillés ont une nature chekhech (Mejri, 2008). Nord - Dans les environs de la ville En dehors du périmètre de l'actuelle ville de Korba, existent différents vestiges d’occupations anciennes. Il s’agit de sites parfois assez étendus et dans lesquels nous avons toujours trouvé des pierres chekhech. Au nombre de sept, les sites, que nous avons examinés, sont spatialement répartis comme suit (fig. 15): trois sur ou au contact du cordon tyrrhénien (1,2,3), deux au bord de la mer (4,5) et deux dans les lagunes allongées en arrière de la plage actuelle (6,7). - Le site N°1 se trouve au pied du cordon tyrrhénien à envion 2km de la sortie nord de Korba, au Route C 27 Figure 15: Localisation, sur un extrait de Google maps, des sites archéologiques examinés à l'extérieur de la ville de Korba. 40 bord de la route côtière C 27. Son âge romain nous a été confirmé par Mr.onsieur Ali Drine archéologue à l’Institut National du Patrimoine (INP). En effet, ce site n’est pas mentionné par l’Atlas archéologique de la Tunisie ; mais un travail de dégagement dans le cadre des activités de l’INP a révélé des structures et des mosaïques indiquant qu’il s’agit d’un établissement thermal romain. Slim et al., (2004), qui en ont donné une description avant les travaux de dégagement précités, signalent « une structure en blocage en forme d’hémicycle présentant un enduit étanche montrant la présence de cuves et de piscines ». Ils concluent qu’on « peut penser à des thermes ou encore à un établissement industriel traitant les produits de la pêche ». 25 cm Figure 16: La position des vestiges archéologiques du site N° 1 par rapport au cordon tyrrhénien. La mosaïque (au premier plan de la photo) témoigne de l’âge romain du site (C. Weslati, août 2014). Quant aux éléments provenant du cordon, ils sont variés. Ceux de petite taille sont utilisés en moellon. Les blocs taillés occupent une place importante et sont de dimensions variables ; les plus gros dépassent 1m de longueur. Ils sont utilisés sur les bordures des bassins et surtout comme des harpes dans les murs et les angles selon la technique de l’Opus africanum bien connue dans les constructions anciennes en Afrique du Nord. 25 cm Figure 17: Exemple des gros blocs taillés de chekhech dans le site N° 1 (C. Weslati, août 2014). 41 - Le site N° 2 se trouve dans les environs de Oued Chiba. Il est signalé par l’Atlas archéologique sous le N° 272 de la carte de Menzel Bou Zalfa où il est commenté comme étant les « restes considérables d’un point fortifié ; l’enceinte est encore très nette au nord et à l’est » (Babelon et al., 1893) Ce site est également cité par un travail récent (Slim et al., 2004) qui confirme l’idée d’une forteresse et qui note l’existence d’un élément de mur en Opus africanum. Mais ces différents travaux ne donnent aucune indication sur la nature de la pierre utilisée. Nos observations nous ont permis de trouver qu’il s’agit essentiellement de la pierre chekhech. Figure 18 et 19: Photos de vestiges archéologiques du site N° 2 et leur place dans le paysage (on reconnait le cours de Oued Chiba et, au dernier plan, la mer). La photo de détail montre le matériel chekhech-utilisé-selon-latechnique de l'Opus-africanum- (C. Weslati, décembre_2013). - Le site N° 3 est signalé par l’Atlas archéologique sous le N°112. Mais ce document n’en donne pas de description dans sa partie texte. Ce site occupe le sommet du cordon tyrrhénien qui a fourni la pierre ayant servi à sa construction. Nos observations nous ont permis de reconnaitre des restes de murs ainsi que des bassins creusés dans la roche du cordon et dont 25 cm les parois portent un enduit étanche. La carrière qui a donné cette pierre et sur laquelle on reviendra, dans les passages Figure 20: Détails de murs antiques montrant les différents usages de la pierre chekhech : en moellons et en gros blocs taillés (C. Weslati, décembre consacrés aux carrières, existe 2013). juste à côté. L’examen des murs permet de retrouver la même technique que dans les sites précédents, à savoir l'Opus africanum (fig. 20). 42 - Les sites N° 4 et 5 se trouvent au bord de la mer. Signalés sous les N° 138 et 139 par Slim et al. (2004) , ils sont reconnaissables même de loin puisqu’ils forment de petits monticules plus hauts que le reste de la plage. Leurs matériel archéologique est largement enseveli pas le sable de la dune actuelle. Mais les éléments visibles laissent toujours Figure 21: Exemple de matériel archéologique enseveli par le sable de la plage actuelle apparaitre la pierre dont des blocs taillés dans le chekhech (C. Weslati, août 2014). chekhech soit en petit module ou sous la forme de blocs taillés (fig. 21). Les descriptions données par Slim et al. (2004) rapportent, pour le site N° 138, des « éléments de murs en blocage en place et des affleurements d’un pavement en opus figlinum, constitué de fragments d’amphores ». Dans le cas du site N° 139, « les ruines les plus visibles sont constituées par des alignements de blocs en grands appareil ». - Les sites N° 6 et 7 correspondent en fait à des chaussées antiques traversant les lagunes. Ces chaussées permettaient d’atteindre les sites n°4 et 5 de bord de mer déjà cités. La carte archéologique les signale comme « voie romaine ». Leurs parties encore visibles correspondent à des alignements de gros blocs issus du grès du cordon tyrrhénien. Dans la description qui leur est réservée par 25 cm Figure 22: Exemples de chaussées romaines traversant la lagune de Korba; les blocs proviennent du cordon tyrrhénien. On distingue, au dernier plan, l’un des sites archéologiques de bord de mer (site 4) indiqué par la topographie plus haute que le reste de la plage (C. Weslati, aout 2014). 43 Slim et al. (2004), on lit en particulier que là où elles sont les mieux conservées, ces chaussées montrent « des parements latéraux constitués de blocs taillés de calcaire gréseux, assez fortement corrodé » (fig.22). 2. Après l'Antiquité et avant nos jours Les vestiges archéologiques rapportés aux périodes plus récentes que l’Antiquité sont attribués à la période islamique (Mejri, 2008) et se rencontrent dans le vieux noyau de la ville de Korba. Mais l’observation n’est pas toujours aisée parce qu’il s’agit le plus souvent de constructions privées. D’autre part, ces dernières portent un Figure 23: Korba, la vieille ville : on reconnaît la pierre chekhech (indiquée par des flèches) dans les murs et l’arcade (photo : http://www.tripmondo.com/tunisia/tunisiageneral/korba/). enduit cachant la pierre utilisée. Quelques occasions permettent toutefois de voir l’intérieur des murs. Elles nous sont données par quelques constructions qui ne bénéficient pas d’un entretien continu ce qui entraine la destruction d’une partie de l’enduit, ou encore par quelques nouveaux chantiers de construction. Il se Figure 24: Exemples de façades d’habitations du vieux noyau islamique de la ville de dégage aussi des Korba. Les gros blocs (indiqués par des flèches) matérialisant les bordures des entrées proviennent du cordon tyrrhénien (C. Weslati, août 2014). différentes observations que le chekhech, sous la forme de gros blocs taillés, est réservé aux façades et à certains ouvrages tels que les encadrements des portes d'entrée et les arcades qui couvrent certaines ruelles. Ce qui témoigne de la valeur ornementale qu'on lui accorde. 44 Dans le reste des murs, le chekhech est surtout utilisé sous forme de moellons. On reconnaît toutefois des blocs taillés ; mais ils sont toujours dispersés ce qui laisse penser à un remploi d’éléments provenant de vestiges plus anciens. Cette idée du remploi revient aussi dans le travail de Mejri (2008) à propos d’éléments taillés rencontrés dans les mosquées et marabouts de la ville. Figure 25: Intérieur d’un mur qui a perdu son enduit. On reconnaît des blocs taillés (indiqués par des flèches) qui correspondent vraisemblablement à un remploi (C. Weslati, août 2014). B. Des carrières de différentes époques, les plus anciennes remontent à l’Antiquité Les différents usages de la pierre chekhech ne pouvaient pas ne pas laisser de traces au niveau du cordon tyrrhénien. Ces traces sont nombreuses et leur confrontation avec les éléments trouvés dans les sites archéologiques et les constructions et ouvrages de différentes époques ne permet pas de tout dater mais autorise à dire que l’exploitation a bel et bien commencé au cours de l’Antiquité. Leur examen aide aussi à connaitre certaines des techniques utilisées, par les anciens, dans le travail d’extraction de la pierre. Nous nous limitons ici à l'étude des carrières anciennes qui nécessitent confirmation au niveau de leur âge et pour lesquelles nous n’avons pas de données directes concernant les techniques d’exploitation. Les carrières actuelles seront traitées plus loin. 1. Les carrières anciennes, souvent peu profondes et limitées en superficie Les carrières qu’on peut rapporter à l’Antiquité sont fréquentes mais dispersées et très souvent de petite taille ou de taille modeste en comparaison avec les carrières d’aujourd’hui. Les plus nombreuses n’ont que quelques dizaines de mètres de longueur. Dans certains cas, celle-ci dépasse la centaine de mètres, comme c’est le cas d’une carrière jouxtant le site archéologique N° 3 évoqué plus haut. Leur profondeur, encore visible de nos jours, se situe le plus souvent entre deux et quatre mètres. Le fait que leur fond soit souvent occupé par une végétation spontanée les rend relativement faciles à identifier sur les photographies aériennes. Elles apparaissent alors comme des taches sombres contrastant avec la roche du cordon, plutôt claire (fig. 26). 45 Nord lagune de Korba mer méditerranée 500 m Fond d'une ancienne carrière Figure 26 : Exemples de carrières anciennes reconnaissables sur les photos aériennes (de la mission 1962). Ces carrières, matérialisées par les tâches sombres, sont indiquées par des flèches rouges. Le trait blanc tireté donne l’extension du cordon tyrrhénien. Le contraste est dû à la végétation qui occupe le fond des carrières comme le montre la photo prise au sol (C. Weslati, mai 2014). 2. Des preuves de l’ancienneté de l’exploitation de par l’état des carrières et les caractéristiques des négatifs des blocs extraits Pour ce qui est de l’âge, deux raisons principales nous ont paru militer en faveur de l’idée de l’ancienneté de ces carrières et de l’attribution d’une partie d’entre elles, au moins, à l’Antiquité. D’une part, les fronts de taille montrent souvent-différentescavités. Celles-ci ont 25 cm Figure 27 : Cavités formées dans le front de taille d’une petite carrière ancienne au niveau de la sortie nord de Korba (C. Weslati, août 2014). 46 parfois une profondeur supérieure à une vingtaine de centimètres et un diamètre de quelques décimètres (fig. 27). Leur existence témoigne d’une dégradation avancée par des phénomènes d’érosion qui ont dû nécessiter du temps surtout que le grès chekhech est assez dur (Younes et Ouaja, 2009). D’autre part, l’examen de ces carrières permet de retrouver les négatifs des pierres extraites. Les mesures que nous avons effectuées sur ces négatifs témoignent de l’extraction de gros blocs. Dans plusieurs cas, il s’agit de blocs de longueur supérieure à 1m, voire 1,5m. Or, de telles dimensions rappellent les blocs rencontrés et décrits dans les constructions anciennes, notamment les sites archéologiques antiques. 25 cm 25 cm Figures 28 et 29: La photo à gauche (site N° 1) présente des pierres dont les dimensions rappellent les traces d’extraction qu’on trouve dans des carrières vosines (la photo à droite) (C . Weslati, août 2014). Le site archéologique N° 3 mentionné plus haut est sans doute le plus expressif en offrant des éléments permettant d’affirmer l’âge antique de l’extraction. D’une part, il jouxte une carrière étendue et utilise la pierre que cette dernière fournit. D’autre part, les murs anciens recouvrent parfois des fronts de taille de cette carrière. Figure 30: Photo prise dans le site N° 3: on voit l’un des murs du site antique recouvrir un front de taille de la carrière (indiqué par la flèche) (C. Weslati, décembre 2013). 47 3. Des preuves de l'ancienneté de l'exploitation de par les techniques de taille Les observations effectuées sur les anciennes traces d’extraction rencontrées dans les carrières apportent d’autres indications intéressantes sur l'âge de ces dernières. Mais pour mieux comprendre de telles traces, nous sommes d’abord revenus à différentes références bibliographiques permettant de donner une idée précise sur les anciennes techniques d’extraction de la pierre. - De l’apport de la bibliographie Les études relatives à l’exploitation ancienne de la pierre chekhech manquent pour la région de Korba. Nous nous sommes référé à des travaux consacrés à d’autres terrains, notamment le Sahel où le même cordon tyrrhénien est bien représenté et les traces de son exploitation ont fait l’objet de différents travaux, notamment par Ouaja et Ben Younès (2009). Nous avons également consulté des travaux d’ordre général (Adam, 1984) sur l’extraction de la pierre par les anciens. Le but est toujours de connaitre les techniques et de mener une comparaison avec ce qu’on trouve dans notre terrain d’étude. On apprend de ces travaux que l’extraction se faisait par étapes. Le travail commence par une opération de nettoyage en enlevant la couche superficielle. Celle-ci, connue aussi sous l’appellation de niveau de recouvrement (Adams, 1984), touche à la partie supérieure de la roche altérée et fragmentée sous l’effet des agents naturels (intempéries, végétation, …). Cette phase, considérée aussi comme un travail de « découverte », peut déjà fournir un matériel utilisable comme les cailloux d’empierrement. Elle est suivie par la mise au nu de la roche saine puis l’extraction proprement dite. Celle-ci peut déjà être facilitée par la nature de la roche. En effet, dans certains cas, cette dernière présente un réseau de fissures et/ou des strates bien individualisées et pouvant guider le travail de l’extraction. Car « il suffit d’extraire en forçant des coins métalliques en exerçant des pesées de leviers » (Adams, 1984 ). Mais en l’absence de telles conditions géologiques, c’est à la technique des rainures qu’on fait appel. Le travail consiste à creuser dans la roche en place, à l’aide du pic et escoude 3 dont les traces sont généralement bien conservées sur les parois rocheuses, des rainures selon les caractéristiques des blocs à extraire (Dworakowska, 1975 et Bessac, 1999, in Adam, 1984). Les rainures sont de largeurs variables et d’une façon générale d’autant plus ouvertes que l’élément à extraire est volumineux. Elles sont creusées verticalement autour du bloc désiré et à la même profondeur que ce dernier. Une dernière rainure est aménagée sous le bloc. Une fois, les rainures sont suffisamment profondes, il suffit d’exercer une pression de levier pour détacher le bloc. Dans d’autres cas, « des coins métalliques (cunei) sont forcés à la masse » (Adam, 1984). Mais on cite aussi le recours à des coins en bois, procédé utilisé jusqu’au XVIIIème siècle. Ces derniers sont introduits, très secs, dans les rainures. Puis, on provoque, par leur imbibition d’eau, une augmentation de leur volume qui finira par entrainer le détachement des blocs. 3 Le mot escoude, du latin escudere, désigne un pic spécial utilisé pour le creusement de tranchées étroites dans la pierre (Bessac J.C, 2002). 48 Grâce à ces techniques, les blocs auront « dès l’extraction, une forme et des dimensions voisines de celles qu’ils doivent avoir pendant leur emploi ; ce procédé permet à la fois une économie de matériaux et un gain de temps considérable sur la taille » (Adam, 1984). En fait, il faut préciser aussi que ces blocs sont détachés dans le cadre d’assises successives pouvant donner lieu à une topographie de gradins. Une fois le pied de la pente naturelle atteint par cette technique de gradins, les carriers qui décident de poursuivre l’exploitation descendaient verticalement. Ceci se faisait par enlèvement d’assises successives dont les empreintes restent marquées sur le front de taille. - Illustrations dans les environs de Korba Les observations effectuées à Korba ne nous ont pas permis de retrouver des indices d’utilisation de la première des deux techniques évoquées plus haut. Car, le grès chekhech ne présente pas des conditions de fissuration et de strates 25 cm nettes. Elles nous ont, au contraire, permis d’itentifier de nombreuse traces de la technique des rainures et des gradins. En effet, les rainures Figure 31: Photo prise dans la carrière jouxtant le site N° 3 ; exemples de rainures constituent l’élément indiquées par les flèches (C. Weslati, décembre 2013). le plus fréquemment trouvé dans les carrières anciennes dans notre terrain de recherche. Elles marquent les limites des blocs et permettent de retrouver des éléments qui rappellent les descriptions faites par des archéologues dans d’autres terrains, selon les sources bibliographiques précitées. Larges de quelques centimètres à une dizaine de centimètres, ces rainures sont loin d’être parfaitement régulières et témoignent d’un travail manuel utilisant pic et escoude. Les carrières ne sont pas profondes ; fait qui doit s’expliquer, au moins en partie, par la nature de la roche. Les anciens ont préféré exploiter la partie sommitale du cordon tyrrhénien qui, comme précisé dans la partie géologique, offre le matériel le plus homogène puisqu’il est d’origine éolienne et se prête donc le mieux à la taille. La partie inférieure du cordon est par contre riche en coquillages marins et ne permet pas une taille aussi facile et des blocs réguliers. On reconnait également, dans certaines carrières anciennes, un étagement de niveaux d’extraction. Ce qui rappelle la technique de l’exploitation selon un système de gradins, 49 également signalée dans la bibliographie. Mais, dans notre terrain, ce dernier reste peu marqué car l’exploitation se limite à deux ou trois assises (fig.32). Figure 32: Exemple d’une ancienne carrière située à 2 km au Nord de Korba ; flèche rouge: traces d’extraction en gradins, flèche bleue : front de taille régulier (C. Weslati, décembre 2013). Figure 33: Photo prise dans la carrière qui jouxte le site archéologique N° 3. Sur les parois d’un négatif d’un bloc taillé, on reconnait les sillons (traces du pic indiquées par les flèches noires) (C. Weslati, décembre, 2013). 50 IV. Conclusion Il apparait ainsi que le cordon littoral tyrrhénien, dont la formation remonte à il ya environ 100 000 ans, constitue un élément important dans la région tant par sa forme et sa position dans la topographie d’ensemble que par sa nature géologique. Celle-ci correspond à un grès calcaire et a permis de fournir une pierre très prisée depuis longtemps puisqu’elle occupe une place importante dans les différentes générations de constructions et est souvent dominante, notamment dans les constructions anciennes. Ce chapitre a également permis de montrer que les traces de l’exploitation sont nombreuses et datent de différentes époques. Les plus anciennes, identifiées, remontent à l’Antiquité. Ceci est confirmé d’abord par une comparaison entre les éléments de pierre chekhech trouvés dans les ruines, d’une part, et les négatifs conservés dans les carrières anciennes, d’autre part. Il est confirmé aussi par les traces d’extraction qui rappellent des techniques rapportées dans la bibliographie relative aux carrières anciennes. Nous nous intéressons, dans ce qui suit, au passage à l'exploitation mécanisée qui a permis l'apparition d'autres types de carrières et paysages. 51 Troisième chapitre Une pierre encore recherchée de nos jours I. Introduction La pierre chekhech est toujours recherchée et répond à différents besoins. Mais l'exploitation qui se faisait auparavant de manière artisanale, a laissé la place à une exploitation mécanisée. Cependant la bibliographie ne permet pas de fixer avec précision la date du passage d'un type d'exploitation à l'autre. Même les d’archives du service des carrières et explosifs du Ministère de l'Equipement et de l'Aménagement du Territoire restent lacunaires à ce niveau. Afin de dépasser cet handicap, nous avons opté pour l’utilisation de photos aériennes de différentes dates. Les données des archives consultées, nous permettront toutefois des informations sur les techniques et méthodes d'extraction, les exploitants ainsi que les domaines d'utilisation de la pierre pour la période récente. Enfin, une partie importante de l’information utilisée dans ce chapitre est le fruit d’observations directes sur le terrain et, pour les carrières encore actives, de contacts avec les exploitants. II. De quand date le passage à l’exploitation à un rythme industriel ? Ni la bibliographie, ni les archives du service des carrières du Ministère de l’Equipement ne nous ont permis d’avoir une information précise sur l’historique des carrières exploitant la pierre chekhech des environs de Korba. On ignore en particulier la date de démarrage de l'exploitation qui a donné lieu à de vastes carrières. Nous n’avons pas, non plus, trouvé de cartes détaillées et étalées sur une tranche de temps suffisamment importante pour permettre des comparaisons significatives. Deux générations de cartes topographiques existent certes pour la région, mais elles sont à des échelles différentes (1: 50 000 et 1: 25 000) et ont été réalisées à des périodes bien séparées dans le temps (années 1950 et années 1980) ce qui ne permet pas de dégager une évolution claire. Toutefois, la plus récente d’entre elles, qui a aussi l’échelle la plus grande, montre que des carrières importantes ont déjà commencé à prendre place. Aussi, avons-nous jugé utile, et afin de dépasser une telle insuffisance au niveau de l’information, de recourir aux photos aériennes. Le but est de déterminer, en comparant les différentes missions disponibles, la période au cours de laquelle s’est produit le passage de l'ère de l’exploitation artisanale à celle de l’exploitation à un rythme industriel. Le critère utilisé, lors de la comparaison de ces photos, est la taille des carrières. Un tel travail a été rendu possible, en bonne partie, grâce au soutien du Conservatoire du littoral de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL), à travers sa photothèque. Nous avons réussi à examiner sept missions de photos aériennes couvrant une période de plus d’un demi siècle (missions de 1948, 1962, 1974, 1985, 1989, 1996 et 2000). Il en ressort que jusqu’à 1962 (fig.34), les carrières fonctionnelles, qui se détachent généralement par leur teinte claire, sont restées peu nombreuses et surtout de petite taille. Ceci est encore vrai sur les photos 52 de 1974 (fig.35). Le vrai changement va apparaître avec les photos de 1989 (fig.36) ; si bien qu’on peut affirmer que le passage vers le nouveau rythme d’exploitation se place après les années 1970 et daterait plutôt des années 1980. C’est ce qui confirme aussi ce qui a été dit plus haut concernant la carte topographique réalisée au cours des années 1980 à l’échelle 1 : 25 000. Une telle date n’est d’ailleurs pas sans signification. Elle coïncide avec le développement du tourisme en Tunisie ainsi que la ruée vers les plages et la grande accélération de l’immobiler qui l’a accompagnée dans les zones littorales. Nord Korba 200 m Figure 34: Photo aérienne de la mission de 1962 couvrant la sotie nord de Korba et le cordon littoral au niveau de sa partie attenante à la ville. Les carrières en activité, marquées en rouge, sont rares et de taille limitée ; le trait blanc tireté donne la délimitation du cordon tyrrhénien. Les zones en bleu correspondent à des carrières non actives et dont une partie, au moins, date de l’Antiquité. 53 Nord Korba 200 m Figure 35: Photo aérienne de la mission de 1974 couvrant la sotie nord de Korba et200 une m partie du cordon littoral. Les carrières en activité, en rouge, sont plus importantes par leur taille. 54 Korba Korba 200 m symbole utilisé pour représenter les carrières 200 m Figure 36: Photo aérienne de la mission de 1989 couvrant une partie du cordon littoral au niveau de la sortie nord de la ville de Korba. Les carrières en activité, marquées en rouge, sont déjà nombreuses et leur taille prend de l’importance ; certaines ont une logueur plurihectométrique. A côté, un extrait de la carte topographique de Menzel Bou Zelfa (1 : 25 000) publiée en 1988. On peut voir également que les carrières commencent à prendre de l’importance. 55 III. Pourquoi cet engouement pour la pierre chekhech ? Si les anciens ont opté pour l’exploitation du chekhech c’est parce que cette pierre ne manque pas d’avantages. L’un de ces derniers, et sans doute le plus important, est le fait qu’il s’agit d’une roche qui se prête bien à la taille. C’est aussi une roche assez vacuolaire d’où sa faible densité relative et donc son poids relativement léger. Enfin, le cordon tyrrhénien est souvent isolé au milieu de terrains à géologie dominée par des alluvions ou des matériaux tendres ; il n’est donc pas concurrencé par d’autres formations locales au niveau de la fourniture de la pierre à bâtir. Ces mêmes avantages ont continué à être perçus de nos jours. Les habitants, les carriers et les maçons que nous avons réussi à contacter, assurent que cette pierre est toujours bien recherchée pour ses avantages notamment en termes de facilité d’emploi et au fait qu'elle assure une bonne isolation thermique et phonique. Elle est préférée à la brique industrielle malgré son coût sensiblement plus élevé. Enfin, cette pierre continue à fournir, comme nous l’avons déjà mentionné, des éléments à valeur esthétique, au moins au niveau des façades des habitations. Une recherche sur les autorisations accordées par le service des carrières, pour l’exploitation de la pierre chekhech dans le Cap Bon apporte d’autres éléments significatifs quant à l’intérêt toujours accordé à cette pierre. Les données, synthétisées dans le tableau n°1 (page 57) permettent au moins quatre conclusions importantes: - La première est que la pierre visée par l’exploitation est appelée « pierre de Korba » ce qui témoigne de l’importance de notre terrain comme référence par la qualité de son matériel. - La deuxième est que toutes les autorisations concernent, à l'exception de celui de Haouaria, des terrains situés dans les environs de Korba. Les sites de Gasser Ghaleb, de Gassr Saad et de Boubkir sont tous situés dans l’aire de notre terrain de recherche ; entre la sortie nord de Korba et Oued Chiba. - La troisième conclusion est relative au statut foncier des terrains. Elle révèle qu’à part le cas de Haouaria, d’ailleurs le seul situé en dehors de notre terrain de recherche, il s’agit toujours de terres privées. Ceci pourrait constituer une source de difficultés, notamment en matière de récupération et de réhabilitation, après l’abandon des carrières. - La dernière conclusion relève de l’origine des exploitants. Il s'agit d'entrepreneurs qui louent le terrain auprès des propriétaires et ne sont pas originaires de Korba. Certains viennent d’autres régions du Cap Bon (Beni Khiar, Beni Khalled, Menzel Heurr), mais d’autres viennent de la région du Sahel, précisément de Mahdia et de Rejiche. Ceci est très significatif lorsqu’on sait que ces deux localités possèdent la même formation géologique. En réalité, les carriers sont en train de chercher un nouveau terrain après avoir épuisé les réserves dans ces villes du Sahel où la demande pour la pierre chekhech reste importante. C’est aussi dans ces deux villes qu’on a les carrières les plus anciennes, les plus vastes et celles qui ont jusque là le plus attiré l’attention du fait des nombreux dégâts environnementaux qu’elles ont occasionnées (Poullaouec-Gonidec, 2008). Nous y reviendrons, avec plus de détails, dans la dernière partie du mémoire, dans le but d'en tirer des enseignements utiles pour notre terrain de recherche. 56 Gouvernorat Délégation Lieu de la carrière Tefelfert Nabeul Haouaria Nabeul Korba Nabeul Korba Nabeul Korba Nabeul Korba Nabeul Korba Gassr Ghaleb Gassr Ghaleb Gassr Saad Nabeul Korba Gassr Saad Nabeul Korba Boubkir Nabeul Korba Gassr Saad Nabeul Korba Boubkir Gassr Ghaleb Gassr Saad matéri au Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba Pierre Korba adresse de l’exploitant Haouaria Statut foncier N° du terrain autorisation étatique 125021 Date autorisation - Date expiration 01/01/2000 Superficie Mahdia privé 125054 1993 01/01/2000 - Menzel Heurr Beni Khalled Beni Khalled Rejiche privé 125084 1995 01/01/2000 - privé 125097 1994 01/01/2000 - privé 125187 1999 19/10/2008 37650m² privé 125228 2011 14/06/2013 12254m² Menzel Heurr Mahdia privé 125239 2000 14/06/2005 8009m² privé 125313 2008 29/01/2013 20000m² Beni Khiar privé 125481 2009 14/04/2014 23900m² Mahdia privé 125599 - 19/12/2018 - - Tableau 1: Les autorisations des carrières exploitant la pierre chekhech dans le Cap Bon (document réalisé à partir des données des archives du service des carrières et explosifs du Ministère de l’Equipement). 57 IV. Des techniques d'extraction et des usages variés Au cours des temps les plus récents, l'extraction s’est faite de deux manières : aux explosifs et à la scie mécanique. A. Une extraction aux explosifs Elle permet d'obtenir de grosses masses rocheuses utilisées surtout dans les digues de ports ou de protection de certaines parties du littoral contre l’érosion marine. La partie plutôt fine ou faite de particules de petite taille résultant de cette méthode d’exploitation est généralement connue sous l’appellation de tuf. Elle est utilisée pour couvrir des pistes et les bas côtés des routes. blocs de chekhech Figure 37: Exemple de digue de protection contre l’érosion marine à Kelibia utilisant, en partie, de gros blocs chekhech (C. Weslati, décembre, 2013). Figure 38: Exemple de carrière abandonnée suite à une extraction aux explosifs (C. Weslati, mai 2014). 58 Cette technique était utilisée, au cours des années 1970 et 1980. Selon des données trouvées dans les archives du service des carrières et explosifs elle fut, abandonnée par la suite vu les risques qui lui sont liées et au fait qu'elle causait des gaspillages de matériau. B. Une extraction à la scie mécanique Connue aussi sous l’appellation de « havage au disque », cette méthode a connu un grand essor depuis les années 1990 avec la demande de plus en plus importante en pierre à bâtir dans la région. Elle permet d’obtenir des pierres de modules variés 50x20x20cm ou 50x30x20cm. Aussi, la réglementation précise-t-elle la démarche à suivre ainsi que la profondeur à respecter. Un document relatif à une étude d’impact, que nous avons trouvé dans les archives du service des carrières et explosifs, donne une idée sur une telle démarche qui commence par le décapage de la terre végétale et sa mise en dépôt. Viennent ensuite les étapes suivantes : - un nivellement horizontal du sol ; Figure 39: Documents relatifs à la méthode dite « havage au disque » (source : archives du service des carrières et explosifs). - une mise en place des rails de chemin de fer et du traceur-scie; -un sciage vertical du sol sur une trame bidimensionnelle dans un sens puis perpendiculairement dans l'autre sens; - un sciage horizontal latéral pour décrocher les blocs de pierre. Pratiquée selon le procédé des assises successives et des terrasses, cette méthode permet d'avoir des blocs de formes régulières. Elle permet aussi un approfondissement relativement rapide des carrières (fig.40). Ceci finit par donner lieu à des excavations grandes et bien marquées dans le paysage surtout que les autorisations d’extraction sont données pour des superficies importantes (tableau n°1). 59 Il faut préciser toutefois qu’il y a une profondeur à ne pas dépasser et qui est indiquée dans les contrats ou les autorisations d’exploitation ; elle varie généralement entre 5 et 6 m. C’est en fait une profondeur à laquelle s’arrêtent les exploitants d’eux-mêmes. Car, d’une part on franchit la partie dunaire du cordon qui, comme mentionné plus haut, offre le matériel le plus homogène. D’autre part, en s’éloignant en profondeur, on touche à la nappe phréatique. Figure 40: Extraction de pierre à la scie mécanique dans le secteur des Ayayda : des parois régulières et une profondeur importante. Le front de taille porte différentes traces permettant d’avoir une idée sur l’épaisseur des assises (accolades). Quelques blocs extraits sont visibles à côté du rail (flèche) (C. Weslati, août 2014). V. Conclusion Ce chapitre a permis de caractériser l’évolution récente mais aussi de fixer la période du passage au rythme industriel de l’exploitation responsable de l'apparition des grandes carrières. Un tel passage a eu lieu avec les années 1980, période qui a en fait connu, en Tunisie, le développement du tourisme et l’accélération de l’urbanisation surtout dans les zones littorales. C’est ce changement de rythme, aussi bien au niveau de l’exploitation du cordon qu’au niveau de l’urbanisation, qui va engendrer les problèmes auxquels nous nous consacrons dans la partie suivante du mémoire. Auparavant, le cordon a bien été exploité mais sans que cela ne constitue vraiment une menace ni pour l’environnement ni pour le cordon en tant qu’entité naturelle. Aujourd'hui la situation est autre. L’exploitation excessive de cette formation géologique risque de mettre en péril le patrimoine naturel et archéologique qui lui est associé. 60 DEUXIEME PARTIE LE CADRE NATUREL ET URBAIN DES CARRIERES Dans la première partie, nous avons essayé de donner une idée sur la péninsule du Cap Bon. Ceci a permis de placer le site objet de notre étude dans son cadre régional. Dans cette deuxième partie, nous nous approchons plus de notre site. La démarche adoptée dans les différents chapitres est celle de privilégier les aspects qui nous ont paru avoir le plus de lien avec notre problématique et dont la connaissance est importante pour toute réflexion cherchant une meilleure gestion et valorisation des carrières. L'objectif de cette partie sera donc de mettre en valeur de tels aspects dans une perspective de gestion intégrée. Le premier chapitre sera consacré à la ville afin de connaître, en plus de son contenu, sa dynamique, les caractéristiques de son évolution et ses besoins auxquelles une bonne valorisation de l’espace des carrières pourrait apporter des réponses. Le deuxième chapitre traitera du cadre immédiat des carrières et de ses potentialités 61 Premier chapitre La ville et les carrières I. Introduction Les documents et références bibliographiques disponibles permettent d’avoir une idée sur l’extension de la ville et son contenu. Ils fournissent un diagnostic de la situation actuelle. L’histoire qui a conduit à cette situation, l’évolution des rapports de l’homme avec son milieu et sa perception de ce dernier, ainsi que de la dimension patrimoniale restent cependant peu abordées. Ceci est également vrai pour la question des carrières et leur place dans la ville. Or, ces dernières questions sont essentielles pour notre sujet ; leur connaissance doit nous éclairer quant aux interventions que nous proposerons dans les carrières. Nous tenterons de contribuer à combler cette lacune, à travers l’exploitation de documents cartographiques et photographiques de différentes dates. Mais nous commencerons par la présentation de l’état actuel de la situation. II. Korba: l'une des villes les plus importantes de la région Korba est considérée, de nos jours, comme l’une des plus importantes villes du Cap Bon. Ceci apparaît surtout au niveau démographique et des activités urbaines ainsi qu’au niveau des services qu'elle procure pour sa région. A. Par son poids démographique La commune de Korba a une superficie de 1555ha (PAU, 2007) et compte 34 807 habitants en 2004, presque à égalité entre les deux sexes (17 782 pour les hommes et 17 025 pour les femmes). Cet effectif peut paraître plutôt faible, mais il est l’un des plus importants dans la région. Il permet, en tout cas, à Korba d’occuper la deuxième place, sur le plan démographique, parmi toutes les villes de la côte orientale du Cap Bon, au Nord de Nabeul. Les données des recensements de 1984 et de 1994 témoignent d’une augmentation indéniable de la population passée de 21894 à 28518 habitants. Ce qui donne un taux de croissance assez élevé, de l’ordre de 2,70. Ce taux est de 2,00% pour la période 1994-2004 (INS, in Plan d'aménagement urbain de Korba , 2007). Cette croissance est le résultat d’un accroissement naturel. Mais elle est aussi le résultat du mouvement migratoire. La ville a, sur ce plan, un solde positif. Elle est considérée, on l’a vu à l’occasion de la présentation de l’ensemble de la façade orientale du Cap Bon, comme l’une des plus attractives. La population étrangère qui vient s’y installer est constituée d’une main d’œuvre à la recherche de l’emploi dans le domaine agricole et dans les unités industrielles qui commencent à se multiplier. Mais elle est également constituée de gens aisée attirés par le cadre naturel et la vocation touristique. Ceci apparait, entre autres, à travers les résidences secondaires, notamment au bord de la plage. 62 L’un des résultats significatifs qui se dégagent de la lecture du recensement de 2004 apparait à travers la comparaison du nombre des ménages et des habitations. Les dernières (9 020) sont sensiblement plus nombreuses que les premiers (7 959). Une telle constatation n’est toutefois pas propre à la ville de Korba. On la remarque pour toutes les villes littorales de la façade orientale du Cap Bon. La différence entre le nombre des ménages et des logements n’a cessé d’augmenter. Pour Korba, elle est passée de +146 en 1984 à +950 en 1994 (MEAT et APAL, 2001) et à +1061 en 2004. On pourrait penser dans un premier temps à un indicateur de départs. Il n’en est rien, la région a, au contraire, un solde migratoire positif. Cette différence traduit en réalité une confirmation de la vocation touristique ; la ville est de plus en plus Figure 41: Comparaison population/ménages/logements et de leur évolution de 1984 à 2004 (Plan d'Aménagement Urbain de la sollicitée, grâce à son environnement commune de Korba, 2007). naturel et ses plages étendues, par le tourisme intérieur. Les logements vacants « sont destinés à une utilisation balnéaire » (APAL, 2001). L’idée se dégage aussi d’une étude récente consacrée à l’évolution des paysages dans la région (Legoff, 2010). De notre côté, nous l’avons bien noté à l’occasion de nos différentes visites du terrain à des saisons différentes. La ville est beaucoup plus animée en été. Le reste de l’année est une longue saison basse, voire morte surtout en hiver, sur le plan touristique. De plus, le quartier de la plage, connu sous l’appellation de lotissement AFH (fig. 45 et 46 pages 69 et 70) est largement constitué de résidences secondaires fermées durant la plus grande partie de l’année. Cette vocation de tourisme intérieur pourrait être renforcée par une valorisation adaptée des espaces offerts par les carrières. Ceci permettrait aussi de réduire la saison morte précitée ; un point à considérer dans les propositions que nous formulerons pour l’utilisation de ces carrières. B. Par son emprise spatiale et ses activités Les données de la bibliographie indiquent que la ville est toujours bien attachée à sa campagne et qu’une partie de sa population est active dans l’agriculture. Celle-ci, souvent intensive et accordant une place privilégiée aux cultures maraîchères, intervient de façon importante dans l’économie. La région de Korba concentre 40% des cultures irriguées de la façade orientale du Cap Bon, comprise entre Maamoura et Kelibia. Quant aux activités urbaines, la carte de synthèse réalisée dans le cadre du Plan d'Aménagement Urbain (PAU) de la commune de Korba (fig. 1 des annexes) révèle qu’elles sont variées. Mais le commerce et l’industrie y occupent la première place. Ces activités sont par ailleurs présentées, dans différents travaux, comme celles qui ont connu le développement le plus important au cours de la période récente et qui marquent le plus, de nos jours, la dynamique urbaine (APAL, 2001). 63 Le commerce doit son développement à la position de Korba comme point passage entre différentes agglomérations du Cap Bon. Il est concentré le long des voies de communication et dans la partie centrale de la ville et accapare une place importante dans les superficies revenant aux activités économiques. La ville commence aussi à occuper une place indéniable dans le secteur de l’industrie. Elle compte déjà 98 unités offrant 4323 emplois, soit près de 50% des emplois industriels de la façade orientale du Cap bon. De plus, comparé à l’emploi total de la ville, l’emploi industriel représente 78% (MEAT et APAL, 2001). Les établissements industriels, souvent grands consommateurs d’espace, sont principalement localisés, isolés ou concentrés, le long des principales voies de circulation à l’entrée de la ville tant du côté ouest que du côté nord et sud. III. Des insuffisances et des difficultés Le PAU permet d’avoir une idée sur l’état de l’affectation du sol et sur les équipements. Il soulève aussi différents problèmes en insistant sur trois questions prioritaires à savoir, l’insuffisance en matière du foncier et au niveau de certains équipements. La connaissance de telles insuffisances est importante. Elle sera considérée dans les réflexions sur les carrières. Car, les propositions d’interventions dans ces dernières seront d’autant plus utiles et pratiques qu’elles répondent à des attentes de la ville. A. Une insuffisance au niveau du foncier On retient en particulier que le périmètre communal est déjà largement occupé et que les quelques terrains encore disponibles correspondent essentiellement aux discontinuités dans l’espace bâti mais qui ne dépassent pas, dans leur totalité, 80ha. Or, rien que les demandes annuelles en terrains pour les logements, qui se maintiennent à un niveau élevé, est évaluée à 15ha. Ce chiffre peut être porté à 20ha s’il est pondéré par les besoins en équipements et infrastructure. Si bien que, le PAU ne pourrait pas dans sa configuration et ses limites actuelles contenir l’urbanisation au-delà d’un horizon de dix ans (PAU, 2007). Une telle situation est expliquée d’abord par le site contraignant de la ville. Celle-ci est coincée entre la lagune d’un côté et les terres agricoles de l’autre. Dans les deux directions, les possibilités d’extension sont impossibles ou non souhaitées et difficiles. L’explication se trouve aussi dans le statut foncier et le type de propriétés, les terres étant toujours propriétés privées et souvent très morcelées et de petite taille. Enfin, le mode de construction adopté n’a pas toujours permis une utilisation rationnelle du terrain. Le mode dominant est celui des constructions du type pavillonnaire. Ce qui donne une densité faible estimée à 20 à 30 logements par hectare. De plus, la frange littorale est occupée sur une longueur de l’ordre de 4700m par des résidences secondaires du type villas à jardins et donc à faible densité. B. Une insuffisance au niveau de certains équipements L’examen de la partie cartographique et la lecture des chiffres du PAU permettent aussi de formuler d’autres remarques qui nous paraissent importantes pour notre recherche. L’attention est en particulier retenue par la faiblesse des superficies revenant aux activités culturelles (3 de la 64 figure 42). La place qu’occupent les zones d’animation (10 de la figure 42) peut paraître relativement importante. En réalité, elle est plutôt limitée ; surtout lorsqu’on sait que la superficie qui leur est réservée est répartie sur sept zones dont certaines ont une superficie de l’ordre de 3000 à 4000 m² seulement. Enfin, la superficie qui revient au tourisme (8 de la figure 42) ne doit pas laisser penser à l’importance de cette activité. Il s’agit d’un espace réservé à une seule unité hôtelière. Figure 42: Superficies par activités (graphique réalisé à partir de chiffres données par le PAU de la ville de Korba (2007): -Equipements publics-(106180m²):-1--.Equipements.-administratifs-0(31605m²),-2--Equipements--sportif...(41945m²), 3--.Equipements--culturels-.(10065m²),-.4--Equipements-.de culte-(8620m²),-5--Equipements-sanitaires-(13945m²). 1 10 3 4 5 9 -Secteurs d’activités (145930m²): 6- Commerce (47210m²), 7- Usines et huilerie (60175m²), 8- Tourisme (60020m²), 9- Parcs administratifs et dépôts (38545m²), 10- Zones d’animation.(89840m²). IV. 2 6 8 7 Une ville à évolution inégale dans le temps Afin de mieux comprendre l’évolution spatiale du tissu urbain ainsi que ses facteurs et ses tendances, nous avons, en l’absence de travaux académiques et de rapports officiels, fait recours à des documents cartographiques de différentes dates. Ces documents seront utilisées dans le but de dégager les éléments qui sont en rapport avec notre sujet et qui nous serviront au niveau des propositions à faire pour une meilleure valorisation des carrières. A. Une lecture à travers les documents cartographiques Ce travail se base sur des cartes topographiques qui permettent d’avoir une idée sur l’évolution de la ville pour les périodes antérieures à 1962 date à partir de laquelle nous avons des photos aériennes et images de différentes missions permettant une lecture plus aisée des caractéristiques du terrain. Ont été utilisées des cartes à l’échelle 1 : 50 000 (fig. 43) dont les plus anciennes permettent de donner une idée sur la situation vers la fin du XIX ème siècle, au plus tard, puisqu’elles ont été utilisées dans l’Atlas archéologique de la Tunisie publié en 1893. On peut alors voir, clairement, que la ville de Korba était peu étendue et qu’elle a gardé une distance par rapport à la mer et aux terres humides qui la bordent. La forme de la ville, allongée et orientée parallèlement à la côte, est très significative. C’est que l’espace bâti est installé en fait sur le relief qu’offre le cordon tyrrhénien. 65 Feuille de Nabeul Feuille de Menzel Bou Zelfa Oued Chiba Figure 43: La ville de Korba vers la fin du dix-neuvième siècle : sur un extrait des cartes de Nabeul et de Menzel Bou Zelfa à l’échelle 1/50 000 (in atlas archéologique de la Tunisie ; Babelon et al., 1893) : L’extension de la ville de Korba est représentée en rouge. Les traits discontinus bleus marquent les limites de l’extension actuelle de la ville vers le Nord et vers le Sud. 66 Cet emplacement correspond au tout premier noyau de la ville de Korba (Qurubis), remontant à l'époque romaine. La continuité dans l’occupation du même site traduit en fait la valeur du cordon dans le paysage et les vues panoramiques qu’offre une localisation à son sommet. Mais elle doit être également liée au fait qu’on voulait éviter les terres basses situées du côté de la mer et de la lagune où l’humidité du sol peut poser des problèmes aux constructions. On peut y lire aussi une volonté de protection des terrains fertiles situés au pied du cordon pour les réserver à l'activité agricole. Par son caractère perché et sa nature rocheuse, la partie supérieure de ce dernier permet en effet de répondre à de tels objectifs. Ce sont là autant de signes d’une adaptation judicieuse aux données du milieu ; un aspect que nous essayerons de valoriser dans les recommandations que nous donnerons dans la dernière partie du mémoire consacrée à l’utilisation de l’espace des carrières. Les cartes utilisées montrent aussi une absence quasi-totale des constructions dans tout l’espace qui s’étend au Nord de la ville jusqu’à Oued Chiba. L’aire du cordon tyrrhénien est reconnaissable grâce aux courbes de niveau fermées disposées parallèlement à la côte. Quant aux cartes du milieu du vingtième siècle, elles ne révèlent pas un grand changement. La ville est toujours peu étendue et a continué à garder une distance par rapport à la mer et à la lagune. Une légère extension s’est faite dans le sens de son allongement N-S, ce qui témoigne d’une continuité dans la perception des avantages et des contraintes du milieu. B. Une lecture à travers les photos aériennes Cinq missions de photos aériennes ont pu être consultées : les missions de 1962, de 1974, de 1989, de 1998 et de 2000. Mais le travail en rapport avec la question de l’extension des espaces bâtis a été réalisé à partir des photos de 1962, 1974 et de 1989 ayant l’échelle la plus grande et permettant donc de mieux voir les détails du terrain. Nous avons aussi, afin de tenir compte de l’étape la plus récente, utilisé une d'une image Google datant de 2014. Ainsi, l’ensemble des documents, à savoir les photos aériennes et l’image Google d’une part et les cartes topographiques d’autre part, permettent de considérer la dimension temporelle avec une bonne répartition chronologique. A la différence des cartes topographiques utilisées, les documents photographiques et d’imagerie nous ont permis de faire une cartographie qui tient compte, en plus de l’évolution des espaces bâtis, de différents éléments de l’occupation du sol ainsi que des carrières anciennes et récentes dont l’identification est souvent aisée. Ce travail a donné lieu à trois cartes (fig. 44, 45 et 46) dont la lecture permet un certain nombre de remarques importantes pour notre sujet. 67 Figure 44: Extension de la ville, localisation des carrières et occupation du sol au début des années 1960: carte réalisée sur la base des photos aériennes de 1962. 68 Figure 45: Extension de la ville, localisation des carrières et occupation du sol à la veille des années 1990: carte réalisée sur la base des photos aériennes de 1989. 69 Figure 46: Extension de la ville, localisation des carrières et occupation actuelle du sol: carte réalisée sur la base du PAU (2007) et d’une image Google de 2014. 70 - La première remarque est relative à l’extension de l’espace bâti dans la ville La comparaison des différents documents révèle l’importante accélération de l’extension de la ville au cours de la période récente. Cette accélération a commencé à être claire surtout depuis les années 1980 (fig. 45) Les photos des années 1960 ne permettent pas de noter un vrai changement par rapport aux anciennes cartes. Certes, la ville a continué à s’étaler. Mais ceci n’a pas été particulièrement important. De plus, elle est restée dans l’aire du cordon tyrrhénien. Les seules exceptions sont commandées par les voies de communication, notamment la route principale. Avec les années 1980, l'étalement de la ville s'est fait à un rythme beaucoup plus accéléré et dans différentes directions. L’espace bâti s’est étendu le long des voies de communication, avec toutefois une prépondérance pour la route côtière et la route vers Tunis. C’est la première fois aussi que la ville descend vers les topographies basses tant du côté de la mer et de la lagune que du côté des terres agricoles. Depuis le début du XXIème siècle, la ville a connu une extension, de son espace bâti, inconnue auparavant. Si bien qu’on est en droit de penser à une nouvelle perception du milieu ou à la naissance de nouvelles contraintes qui ne se posaient pas jadis. L’explication se trouve en réalité dans les deux facteurs. En fait, une telle tendance peut être imposée déjà par la forte demande foncière qui doit accompagner l’important accroissement de la population et la diversification récente des activités économiques démontrés plus haut. Mais une part importante de l’explication nous paraît revenir aussi à une nouvelle perception du milieu, encouragée par le développement du tourisme. Tout comme pour le reste de la côte orientale du Cap Bon, Korba a une plage étendue qui est de plus en plus fréquentée surtout dans le cadre du tourisme intérieur, comme mentionné plus haut. Figure 47: Etapes de l’extension de l’espace bâti de la ville de Korba entre 1962 et 2014. 71 - La deuxième remarque est relative à la relation espace bâti-carrières La ville a, en s’étendant progressivement, envahi des carrières qui ont été successivement ouvertes dans le cordon tyrrhénien. L’emplacement de ces carrières a pu donc être couvert par le bâti et intégré à l’espace urbain. Toutes les carrières situées à la sortie sud de la ville, bien reconnaissables sur les photos de 1962 (fig.44) ou sur les photos de 1989 (fig.45), n’apparaissent plus sur l’image de 2014 (fig.46). La même chose est vraie pour les premières générations de carrières, artisanales, de la sortie nord de la ville. Considérés comme des espaces de faible valeur foncière, les carrières abandonnées sont en train de constituer une solution pour ceux à la recherche d’un terrain à bas prix. Mais les constructions sont anarchiques et sont réalisées sans permis à bâtir. Le phénomène est à son début ; mais il pourrait s’accélérer si des mesures ne sont pas prises. Au contact de la ville, c’est plutôt à des bâtisses et des aménagements en rapport avec une activité commerciale ou industrielle qu’on a affaire. La situation change quand on s'éloigne de la ville. Figure 48: Installation industrielle implantée dans le domaine des carrières les plus proches de la ville qu'on voit au second plan (C. Weslati, août 2014). - La troisième remarque est relative à la relation espace bâti-carrières-cordon tyrrhénien en dehors de la ville : L’élément qui retient le plus l’attention est l’apparition de plusieurs nouveaux points d’occupation par des constructions sur le cordon tyrrhénien. Ce qui pourrait laisser penser à un retour à l’ancienne forme d’occupation du sol mentionnée dans le chapitre précédent et dans laquelle on a vu le témoignage d’une adaptation aux conditions du milieu. 72 En réalité, les observations de terrain et le contact avec la population révèlent une situation qui n’a rien à voir avec le passé. Les constructions correspondent majoritairement à des habitations modestes. Les propriétaires sont souvent des gens à faible revenu venus s’installer récemment dans la région à la recherche d’un emploi, souvent dans le secteur agricole, industriel, du bâtiment ou encore dans les carrières. Le choix de la localisation sur le sol rocheux du cordon tyrrhénien est expliqué par le prix du terrain relativement abordable. L’occupation s’est également faite dans les carrières. Sur le terrain, nous avons pu voir que de vrais quartiers se sont formés dans certaines carrières. La zone des Ayayda ainsi que celle de Kssar Saad situées dans la partie nord de notre zone d’étude sont parmi les illustrations les plus significatives à cet égard. Figure 49: quartier spontané (Kssar saad) développé sur le site de carrières artisanales abandonnées (C. Weslati, août 2014). - La quatrième remarque est relative aux interventions rompant la complémentarité entre les différents composantes paysagère Elément dominant dans la topographie de la frange littorale, le cordon tyrrhénien offre des sites perchés et des vues panoramiques. C’est un atout qui n’a pas manqué d’être exploité à différentes époques de l’histoire de la région. Aujourd’hui, avec le développement du tourisme ainsi que l’amélioration du niveau de vie et l’intérêt accordé à l’environnement qui se lie notamment à travers le classement de la lagune de Korba, cet atout devrait être valorisé davantage. Mais les données du terrain indiquent le contraire. Les constructions ne cessent de se multiplier le long de la route côtière qui mène vers Kelibia. Leur densification finira par couper la vue sur la mer ainsi que sur la zone humide et les terres agricoles qui la bordent. Une telle évolution qui est la plus avancée au niveau de la sortie nord de 73 la ville de Korba risque de compromettre la continuité entre les différents composants du système côtier. Sa continuation finira par rendre difficile, voire impossible, toute tentative de réhabilitation des carrières dans le cadre d’une gestion intégrée du site et d’une valorisation des différents éléments du patrimoine de l’ensemble de l’espace qui s’étend depuis la mer jusqu’au cordon tyrrhénien. Le sommet de ce dernier nous parait, en tout cas, constituer le meilleur mirador naturel pour l’observation du paysage y compris celui de la lagune et ses oiseaux migrateurs. Heureusement que tout l’espace n’est pas encore envahi par le bâti. Des fenêtres assez larges existent et méritent une attention particulière pour une meilleure valorisation des atouts du site. V. Conclusion Il apparaît donc que la ville de Korba, l’une des plus importantes de la façade orientale de la péninsule du Cap Bon, connait une évolution importante. Celle-ci se dégage de l’étude de son poids démographique ainsi que de son espace bâti. Mais c’est aussi une ville qui souffre de différentes lacunes au niveau de certains équipements et services et qui occupe un site qui n’offre pas de grandes possibilités en matière de terrain à bâtir. Les carrières abandonnées, souvent vues comme des friches sans valeur, peuvent être une cible très fragile. Ceci est particulièrement vrai pour celles situées au contact de la ville. Mais la pression démographique et le caractère attractif de la région ont fait que même les carrières situées en dehors de l’espace communal n’échappent pas à la menace. Une continuation d’un tel type d’évolution ne peut qu’être que préjudiciable au potentiel qu’offrent ces carrières mais aussi aux différents composants à valeur patrimoniale qui leurs sont associés comme il a pu se dégager dans la première partie de ce mémoire et qui sera encore mis en exergue dans les chapitres suivants. 74 deuxième chapitre Le cadre immédiat des carrières I. Introduction Dans ce chapitre, l'objectif est de dégager, d’abord, les atouts des carrières et de leur cadre immédiat (paysage, patrimoine naturel, culturel et scientifique, …). L’information sur laquelle nous nous appuierons provient de références bibliographiques variées mais aussi d’un travail direct sur le terrain. Enfin, nous essayerons d’identifier l'impact des carrières sur leur environnement ainsi que les risques et problèmes qui leurs sont liés. Comme dans les chapitres précédents, l’accent sera mis sur les aspects dont la connaissance et la considération nous paraissent aider à une meilleure réflexion sur les propositions à avancer pour faire de ces carrières des espaces utiles pour la ville et son environnement. Les environs des carrières: des atouts qui n’ont pas été toujours valorisés II. A. Des deux côtés du cordon tyrrhénien : une opposition paysagère très marquée C’est à partir du sommet du cordon tyrrhénien qu'on a les meilleures vues panoramiques permettant d’embrasser une grande partie du paysage de la façade orientale du Cap Bon. Depuis sa crête et en regardant vers l'est, le paysage est dominé par le bleu: c’est la mer et la lagune de Korba (fig. 50). Cette dernière constitue l’un des éléments de l’originalité du paysage sur laquelle nous reviendrons dans les paragraphes suivants. Figure 50: Photo prise depuis le sommet du cordon, à la sortie nord de Korba, montrant la lagune et sa communication avec la mer (indiquée par la flèche bleue). On reconnait aussi, une partie des terres agricoles et des habitations éparses dans l’espace compris entre le cordon tyrrhénien (au premier plan) et la lagune. Dans le coin inférieur et à gauche de la photo, l’une des carrières antiques est encore bien conservée (indiquée par le flèche rouge) (C. Weslati, mai 2014). 75 Vers l'ouest, ce sont plutôt le vert et le brun, couleurs des plantes et des sols, qui l’emportent. Car, il s’agit d’un domaine agricole qui se prolonge loin vers l’intérieur des terres en direction de Jbel Sidi Abderrahmen qui se dessine à l'horizon (fig. 51). Figure 51: Photo prise au niveau d'une carrière antique située à la sortie nord de Korba: Vue sur l’ensemble du paysage qui s’étend à l’Ouest du cordon tyrrhénien (visible au premier plan) jusqu’au premier relief important (Jbel Sidi Abderrahmen indiqué par la flèche). (C. Weslati, mai 2014). Regardant vers le Nord, on a la meilleure vue sur le cordon, encore largement inoccupé, ainsi que sa place par rapport aux deux domaines avoisinants, à savoir, la mer et la lagune, d’une part, et les champs de culture d’autre part. Vers le Sud, la situation change considérablement. On aperçoit la ville de Korba devenue très proche des grandes carrières. Un vrai front du bâti très suggestif quant à la tendance qui caractérise l’évolution récente (fig. 52). Figure 52: Vers le Sud: photo prise dans l’axe du cordon tyrrhénien en direction de la ville de Korba et montrant le front de constructions en progression en direction de la zone des carrières. Le premier noyau de la ville est érigé au sommet du cordon (flèche rouge), l'espace bâti commence à s'étendre aussi aux dépens des terres agricoles (flèches bleues) (C. Weslati, mai 2014). 76 B. Un contenu indéniable pour le patrimoine naturel et culturel L’intérêt des carrières aussi bien anciennes que récentes, pour la connaissance des techniques de taille de la pierre ainsi que la connaissance du contenu géologique du cordon tyrrhénien et sa valeur patrimoniale, a été développé dans la première partie. Dans les passages suivants, nous allons essayer de montrer les indices d’une richesse archéologique encore inexploitée ainsi que l’intérêt du site en matière de biodiversité. Nous nous attarderons davantage sur la lagune qui constitue un élément important dans la région et dont la valorisation peut être renforcée par des interventions dans les carrières. 1. De nombreuses carrières anciennes et des ruines inconnues et non répertoriées L’atlas archéologique et les références bibliographiques ne mentionnent pas des traces en rapport avec l’exploitation du cordon tyrrhénien. Nos observations nous ont pourtant permis d’identifier de nombreuses carrières qu’on peut rapporter à l’Antiquité. Ces carrières anciennes dont une partie, au moins, aurait fourni la pierre nécessaire à la construction de l’antique Curubis doivent être considérées comme un élément qui mérite une étude archéologique en vue de mieux révéler leur vraie valeur patrimoniale et les avantages de leur préservation. En attendant, nous les considérons comme des éléments valorisants pour notre site d’étude et nous les considèrerons dans les propositions que nous formulerons dans la dernière partie de ce travail. En plus des sites archéologiques cités dans la première partie du mémoire, nos déplacements sur le terrain nous ont également permis de rencontrer, en différents points, dans les environs immédiats des grandes carrières modernes, des vestiges de constructions anciennes dégagés par des fouilles clandestines ou partiellement mis au jour suite à des travaux agricoles (fig. 53). Nous avons également trouvé dans le même secteur un puits dont les parois montrent l’utilisation de gros blocs chekhech comparables à ceux qu’on trouve dans les sites archéologiques antiques (fig. 54). Tout, laisse donc supposer que le secteur attend encore une exploration minutieuse de son patrimoine. Celle-ci est importante sur le plan scientifique et elle permettra de mieux valoriser le site. Figure 53: Des vestiges archéologiques défoncés par des fouilles clandestines (C. Weslati, août 2014). 77 25 cm Figure 54: Un bassin associé à un puits ancien fait de gros blocs taillés de chekhech dans l’espace qui s’étend entre les grandes carrières et la lagune. Au deuxième plan, on reconnait la lagune de Korba et l’une des chaussées antiques qui la traversent (C. Weslati, août 2014). 2. Une faune et une flore naturelles variées dans le domaine des carrières et du cordon tyrrhénien La topographie perchée de ce cordon et sa nature rocheuse n’ont pas favorisé une vie végétale naturelle importante. A cela s’ajoutent les contraintes du climat qui est du type méditerranéen caractérisé par des saisons contrastées et surtout par une longue saison chaude et sèche au cours de l’année. La moyenne pluviométrique annuelle à Korba est de l’ordre de 454 mm (Baccar et al., 2001). Mais la pluie peut faire totalement défaut des mois de suite notamment au cours de la période comprise entre mai et septembre. Enfin, le milieu a sans doute été, à l’image des régions anciennement occupées par l’homme, fragilisé. Les formes de vie sont alors d’une grande sensibilité et correspondent souvent aux espèces qui ont réussi à survivre ou à s’adapter aux contraintes du milieu ; d’où leur intérêt. - Concernant la flore La reconnaissance des espèces a été faite en nous aidant par un catalogue illustré sur la flore de la Tunisie (Chaieb et Boukhris, 1998). Une partie de l’information est également recueillie dans le rapport de diagnostic relatif à la flore et végétation réalisé dans le cadre d’une étude sur la conservation des zones humides littorales et des écosystèmes côtiers du Cap-Bon (El Hamrouni, 2001). - Au niveau de la crête du cordon tyrrhénien La crête du cordon est la moins fournie en végétation. Ceci se comprend compte tenu de la nature du sol puisqu’il s’agit très souvent d’un matériel rocheux: des grés durs qui apparaissent 78 directement en surface. La grande faiblesse, voire l’absence totale sur d’importantes superficies, de toute terre meuble pouvant servir de sol pour la végétation est sans doute due à l’érosion par les eaux pluviales. Les parties supérieures du cordon étant logiquement les plus exposées à une telle érosion. Le paysage végétal est constitué principalement par des espèces qu’on peut classer dans deux catégories : - Les plantes permanentes sont dominées par le thym et la passerine auxquels s’ajoutent quelques genets et palmiers nains. Ces plantes, qui existent seules sur de grandes superficies nous ont paru être les plus adaptées à ce terrain. Elles poussent dès qu’un minimum de sol leur est offert. Sur les bordures des carrières, surtout là où ont été accumulés des déchets d’extraction, se sont également multipliées des espèces comme le Lycium (fig.55). Les deux espèces les plus fréquentes, le thym et la passerine, sont importantes pour la population. La première jouit d’une place particulière dans la mémoire collective. Elle est bien connue pour son usage « comme aromatique des aliments » et est utilisée, en médecine traditionnelle « comme tisane contre les maladies du tube digestif et contre l’avortement » (Chaieb et Boukhris, 1998). Quant à la passerine, elle a été longtemps exploitée pour servir de balai dans les foyers. On continue à la voir utilisée, même par des agents de la municipalité, dans le travail de nettoyage des rues de certaines villes du pays. Lycium passerine thym Figure 55: Le Lycium (indiqué par les flèches rouges) est l’espèce qui marque le plus le paysage des espaces occupés par des stériles et déblais de carrières situées à la sortie nord de Korba (C. Weslati, mai 2014). - Les annuelles sont bien plus nombreuses et variées et se multiplient surtout dans les parties en creux comportant une terre meuble. Leur présence est éphémère puisque souvent limitée au printemps, surtout lorsque l’année est bien arrosée. Mais elles donnent une dimension paysagère parfois unique grâce à leur caractère discontinu sous la forme de bouquets aux fleurs variées par leur forme et leur couleur, ponctuant la surface du cordon tyrrhénien (fig. 56). 79 Enfin, cette partie sommitale du cordon est localement ponctuée par quelques buissons et arbres. Des palmiers et figuiers sauvages ont poussé dans les sols qui occupent les fonds des carrières abandonnées. (Fig.57) plantes annuelles dans une petite carrière antique thym Figure 56: L’une des petites carrières anciennes. On voit bien la différence, au niveau de la densité de la végétation par rapport au reste du cordon. Prise vers le Nord, la vue permet de voir le cordon et les domaines qui le bordent (C. Weslati, mai 2014). front de taille d'une ancienne carrière Figure 57: Les rares arbres dans le domaine du cordon tyrrhénien se rencontrent dans les parties en creux qui ont permis de retenir un sol. C’est le cas en particulier dans les carrières anciennes (C. Weslati, mai 2014). - Sur les flancs du cordon tyrrhénien La situation change en raison de l’existence d’un sol plus important. Ce deuxième domaine, à l’inverse du premier, a été largement gagné par des travaux agricoles notamment des cultures 80 maraichères irriguées grâce aux puits exploitant l’aquifère formé dans le cordon. Ceci n’a pas permis la conservation d’une végétation naturelle significative. Les plantes naturelles se réduisent à quelques pieds dispersés avec une place prépondérante aux annuelles. Elles se manifestent dans le paysage surtout au cours de la saison printanière grâce à leurs fleurs qui émaillant les champs et les bordures des sentiers qui mènent vers la zone des carrières. Figure 58: Une vue printanière depuis le pied du cordon tyrrhénien qu’on aperçoit au dernier plan, ainsi que l'une des grandes carrières (indiquée par la flèche). On voit la nette opposition sur le plan végétal: le cordon est occupé par une végétation naturelle ; les terrains plus bas sont exploités par l’agriculture. La photo donne une idée sur le type de paysage qu’on traverse lorsqu’on se rend dans les carrières pendant la saison la plus propice à l’observation de la flore (C. Weslati, mai 2014). - Concernant la faune Les données font défaut, dans la bibliographie, pour le cordon tyrrhénien, pour sa partie située dans notre zone d’étude. Mais le site ne manque pas d’intérêt à ce sujet. Lors de nos visites nous avons pu noter la présence ou les indices de présence de différents reptiles (lézards et peaux de serpents) et d’animaux fouisseurs (gites de différentes tailles creusés dans les déblais des carrières ou dans les niveaux tendres de la roche). Nous avons également rencontré certaines des espèces rapportées par la bibliographie se rapportant à la faune du Cap Bon. C’est le cas par exemple, de lièvres et de rats qui seraient le lièvre Lepus capensis et les rats du type Rattus norvegicus et Rattus rattus répertoriés par une étude réalisée dans le cadre des travaux de MedWCoast consacrés au Cap Bon (Cheniti, 2001). Quoi qu’il en soit, il semble que la faune a reculé. Ceci est dû à la forte fréquentation du site notamment au niveau des carrières. Les espèces qui ont pu continuer à exister doivent avoir une importante valeur de biodiversité. Leur protection pourrait se faire dans le cadre d’une intervention dans la zone des carrières considérant les différents atouts et contraintes. 81 3. Dans la lagune et ses berges La lagune de Korba est considérée, à la fois, comme le milieu humide le plus étendu de la façade orientale de la péninsule du Cap Bon et comme un écosystème de valeur pour la biodiversité. Ceci lui a valu d’être inscrite, en 2007, sur la liste Ramsar des zones humides d'importance mondiale. La richesse de cet écosystème apparait tant au niveau de la flore que de la faune. La première occupe les berges du plan d’eau et est constituée par différentes espèces, adaptées aux conditions du milieu, halophiles et parfois hygrophiles. Parmi ces dernières, on trouve Tamarix africana, considérée comme espèce rare. L’attention est également attirée sur la présence d’un herbier dense d’Althenia barrandonii, espèce protégée en Méditerranée, et qui constitue un potentiel écologique intéressant (Qninba, 2001 ; in URAM-APAL, 2003). Au niveau de la faune, le site doit son importance en particulier au fait qu’il constitue un relais traditionnel pour les oiseaux migrateurs. Le plan d’eau et sa ceinture végétale offrent aussi, à différents amphibiens et reptiles, des conditions très favorables pour leur reproduction et leur protection contre les prédateurs. Mais l’intérêt a surtout été porté sur l’avifaune. La lagune est utilisée comme "site d’hivernage (surtout par des mouettes) ou durant la migration prénuptiale (surtout par des limicoles). Il semble aussi que, le site soit fréquenté par les canards durant la nuit, en hiver" (Qninba, 2001 ; in URAM-APAL, 2003). Les habitants de la région attachent toutefois une attention particulière au flamand rose devenu l’emblème de la ville de Korba. Cordon tyrrhénien Figure 59: Une colonie de flamants roses (flèche rouge) dans la partie, de la lagune, la plus proche de la ville. On reconnait le cordon tyrrhénien en arrière plan (flèche noire) (C. Weslati, août 2014). La lagune, qui a longtemps été le réceptacle des eaux usées et un dépotoir non contrôlé d'ordures ménagères, a récemment fait l’objet d’interventions visant sa protection. Aujourd’hui, la dimension écologique est doublée d’une autre, récréative. Un centre éco-culturel est en effet aménagé par l'Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral qui, outre la sensibilisation, il 82 intervient au niveau du suivi des conditions physico-chimiques et biologiques du plan d'eau. L’espace concerné par cette valorisation couvre une superficie totale de 24,5 ha. Pour encourager et orienter les visites, ont-été installés des panneaux de signalisation, une passerelle à travers le plan d’eau permettant de se rendre à la plage, un parcours de découverte écologique ainsi que des îlots artificiels de nidification pour les oiseaux. Le nombre des visiteurs témoigne de l’intérêt que peut avoir ce type d’aménagement (fig. 60 et 61). L’un des messages importants des statistiques réside dans le fait que les visiteurs sont d'origines variées et surtout dans le fait que les enfants et les jeunes sont les plus nombreux puisqu’ils représentent, ensemble, plus des deux tiers des visiteurs. En fait, ceci s’inscrit, en partie, dans le cadre de groupes d’écoliers et d’étudiants témoignant de la valeur éducative et scientifique du terrain. La prise en compte de telles données, dans le travail à faire sur les carrières, permettra de rendre ces dernières plus utiles pour le projet et renforcera la dimension scientifique, écologique et patrimoniale du terrain. Figure 60: Nombre et origine des visiteurs, en 2008, du centre éco-culturel associé à la lagune : 1-locaux ; 2-habitants du gouvernorat de Nabeul ; 3-autres régions de la Tunisie ; 4-étrangers. (graphique réalisé à partir des statistiques du rapport national sur l’état de l’environnement, 2008 ; http://www.environnement.gov.tn/filead min/medias/pdfs/etat_env/rnee_2008.pdf ) Figure 61: Les visiteurs de la réserve selon l’âge en 2008 (graphique réalisé à partir des statistiques du rapport national sur l’état de l’environnement, 2008 ; http://www.environnement.gov.tn/fileadmin/med ias/pdfs/etat_env/rnee_2008.pdf 83 III. Conclusion Les carrières abandonnées, ainsi que leurs environs immédiats, renferment un patrimoine varié. Outre le contenu géologique et archéologique, différents écosystèmes se juxtaposent sur de courtes distances (fig. 62). Ceci devrait plutôt constituer une chance pour la ville et peut l’aider à répondre à différents besoins. Malheureusement, plusieurs constituants de ce potentiel ne sont pas valorisés ou sont encore inconnus, du moins dans la bibliographie que nous avons pu consulter. La lagune est la seule à avoir bénéficié d’un certain intérêt. Figure 62: Zonation des différents écosystèmes selon un transect depuis la mer jusqu'aux carrières: 1- la mer ; 2- la plage ; 3- le plan d’eau de la lagune ; 4- terres humides occupées par une végétation naturelle adaptée ; 5- terres agricoles ; 6- le cordon tyrrhénien de ses carrières. Les carrières et leurs environs immédiats offrent donc un potentiel considérable pour une mise en valeur. Mais une telle chance risque de ne pas durer en l’absence d’interventions urgentes. Ces dernières doivent se faire selon une approche intégrée qui tient compte des différents atouts et contraintes. C’est dans cet esprit que nous comptons formuler des propositions d’interventions dans la dernière partie du mémoire. 84 TROISIEME PARTIE POUR UN MEILLEUR SORT DES CARRIERES ABANDONNEES DE KORBA Cette partie comportera deux étapes principales. Dans la première, nous présenterons des cas, en Tunisie et ailleurs, d’interventions dans des carrières abandonnées. Ceci sera mené dans le but d’être mieux informé sur la problématique et le thème. Mais il vise aussi la recherche de termes de comparaison, à travers d'autres expériences, permettant des enseignements utiles pour le cas de Korba. Ainsi, le premier chapitre traitera, en un premier temps, des carrières de la région de MahdiaRejiche situées dans le Sahel, à quelque 200 Km au Sud des carrières de Korba, toujours en position littorale et exploitant la même pierre, à savoir le chekhech du cordon tyrrhénien. Des similitudes existent aussi au niveau des techniques d'extraction ainsi que les problèmes liés à l'abandon et à la dégradation. Mais, à Mahdia et surtout à Rejiche, l'état de délabrement des carrières est plus prononcé et leur envahissement par le bâti est très avancé ce qui pose de sérieux problèmes et réduit, dans bien des cas, les possibilités d’interventions, de protection ou de réhabilitation. Ceci pousse à tirer des enseignements et permet d’imaginer le sort qui attend les carrières de Korba si rien n’est fait tant que les conditions le permettent encore. En un deuxième temps, on présentera deux cas de réhabilitation de carrières abandonnées en Espagne, auxquels nous avons eu l'occasion de nous intéresser durant notre stage, à l'Université d'Alicante, en économie de biens culturels. Le choix de ces exemples nous permettra de rester dans le cadre méditerranéen ; de plus, des analogies existent avec le cas de Korba en ce qui concerne le type de matériau exploité. Le premier cas espagnol est celui des Pedreres de s'Hostal situées à Minorque dont la transformation en espace public polyvalent constitue un exemple architectural et paysager intéressant. Ces carrières ont également des points communs avec celles de Korba notamment en termes de techniques de taille et localisation par rapport à l'espace urbain. Le deuxième cas donne une illustration de réhabilitation pour l'exploitation agricole. Il s'agit d'el Clotet, une ferme créée à Alicante à l'emplacement d'une ancienne carrière de calcaire. Ce cas est choisi pour son approche innovante et son impact positif tant sur un plan économique qu'environnemental. Enfin, le deuxième chapitre sera consacré, à une analyse des carrières de Korba selon la méthode SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats) en vue de développer des propositions d'interventions adaptées. 85 Premier chapitre Des expériences riches en enseignements I. Introduction Ce chapitre est consacré, comme annoncé dans l’introduction, à la présentation de cas de carrières abandonnées qui ont fait l’objet d’interventions ou de réflexions dans le but de leur réhabilitation. Notre objectif est de chercher des termes de comparaison avec notre terrain mais aussi et surtout des éclairages et des enseignements utiles pour le sujet et susceptibles de nous aider dans les propositions que nous avancerons pour le cas de Korba. II. Le cas des carrières de Mahdia-Rejiche en Tunisie A. Une exploitation ancienne et plus avancée de la même formation géologique rencontrée à Korba Le cordon tyrrhénien est, comme déjà mentionné, présent dans de nombreux segments du littoral du Sahel tunisien. Parmi ces segments figurent ceux de Mahdia et de Rejiche où il constitue l’un des éléments les plus importants du paysage. Ceci, il le doit, comme à Korba, à sa forme allongée parallèlement à la côte et à ses altitudes qui avoisinent localement les 30m alors que tout autour, à part les petites collines de Ksour Essaf du côté Ouest, il s'agit de plaines très basses (fig. 63) Celles-ci ont des altitudes fréquemment inférieures à 5 m et se situent parfois au-dessous du niveau de la mer. C’est même à cette partie du Sahel que la formation Figure 63: Extension du cordon tyrrhénien dans la région de Mahdia-Rejiche (carte réalisée à partir des travaux de Paskoff et Sanlaville (1983) et du géologique doit le nom que lui mémoire de PFE de Belgacem (2007). attribuent les géologues puisqu’elle est connue sous l’appellation de « Formation Rejiche ». Ce cordon a, et depuis longtemps, fait l’objet de différentes formes d’exploitation. Son matériel a constitué «un terrain favorable pour le creusement de tombes puniques selon les traditions funéraires des populations de cette région au cours d'une grande partie de la période 86 préromaine » (Bedoui et al., 2002). Les chambres funéraires ont retenu l’attention des archéologues et ont fait l’objet de fouilles (Ben Younès, 1995 et 1998). L’exploitation du cordon s’est faite aussi dans le but de répondre aux besoins de la région en matériaux de construction. Le chekhech est reconnaissable, sous des formes variées (moellons, blocs taillés, tufs) dans des constructions et des aménagements de différentes époques. Il a même servi pour la construction de grands édifices loin du littoral. L’exemple le plus significatif reste l’amphithéâtre romain d’El Jem situé à environ 40 km à l’intérieur des terres. Les ressemblances avec la zone de Korba sont donc importantes. Mais dans le Sahel l’exploitation est bien plus avancée. Les carrières sont beaucoup plus nombreuses, souvent plus grandes et ont été parfois atteintes ou franchies par les espaces bâtis. Si bien que, les problèmes et les réflexions visant à trouver des solutions ont commencé à se poser plus tôt. B. Des problèmes liés à une exploitation intensive Tout comme à Korba, l’exploitation du cordon tyrrhénien n’a commencé à causer des problèmes préoccupants qu’au cours des dernières décennies. Ceci est dû à la multiplication rapide des carrières et leur agrandissement suite l'introduction de nouvelles techniques d'extraction telle que la scie mécanique. Pour la seule ville de Mahdia, on signale environ 127 carrières en majeure partie inexploitées depuis plusieurs années (Direction Générale de l’Aménagement du Territoire –DGAT-, 2011). Ce nouveau rythme d'exploitation a donné lieu à des cavités vastes, profondes et souvent bordées par des fronts de taille de hauteurs importantes pouvant avoisiner les 20m. Ainsi tel que le signale Paskoff (1999), les carrières « ont été davantage élargies et approfondies au cours des vingt-cinq dernières années qu’elles ne l’avaient été pendant vingt siècles ». De plus, avec leur approfondissement on a, dans certains cas, atteint la nappe phréatique. Abandonnées, les carrières ont souvent évolué vers des espaces nuisibles tant au niveau paysager qu’au niveau environnemental. Le cordon est assez Mahdia Rejiche Figure 64: Position des carrières (en rouge pointillé en blanc) par rapport aux agglomérations de Mahdia et de Rejiche. A Mahdia, les carrières constituent un obstacle pour une extension harmonieuse du tissu urbain. A Rejiche, elles ont été atteintes par le bâti (en noir) ; le prolongement du cordon sous cette ville est suggéré par les deux traits blancs discontinus représentés en se référant à la cartographie de Paskoff et Sanlaville (1983). (fond de carte: Plante M.E., 2006). 87 disloqué et parfois comparé à un gruyère. De plus, ces carrières sont, dans bien des cas, surtout dans les parties proches des espaces urbains, envahies par des décharges sauvages et parfois même par des décharges publiques. Ceci est le cas de la décharge communale de Hbira, dans l’une des carrières à l’Ouest de la ville de Mahdia où elle constitue une source de « risques d’hygiène et une gêne aux riverains ainsi qu’une source de contamination de la nappe phréatique et d’inondation par obstruction à l’écoulement des eaux lors des périodes pluviales » (DGAT, 2011). De leur côté, les riverains voient dans ces friches une source possible de danger pour leurs enfants et leur bétail. Comme à Korba, l’exploitation industrielle menace le patrimoine archéologique associé au cordon tyrrhénien ainsi que des coupes d’intérêt pour la connaissance de l’histoire géologique. En fait, dans la région de Mahdia-Rejiche, la menace pèse sur l’ensemble du cordon qui a déjà perdu une grande partie de son corps. Continuer à l’exploiter et à Figure 65: Une tombe ancienne creusée dans le matériel du cordon tyrrhénien dans l’envahir par le bâti avec le le secteur d’El Hkamara au Sud de Mahdia. Les traces de la scie mécanique même rythme qu’au cours témoignent du fait que le patrimoine archéologique a été touché (Ben Younes, 1995). des dernières décennies risque d’entrainer sa disparition. Témoignent de cette évolution au moins deux indicateurs. D’une part, la restauration du monument d’El Jem qui a nécessité le recours, comme déjà signalé, aux carrières de la région de Korba. D’autre part, une partie des carriers exerçant à Korba viennent, comme il se dégage des autorisations d’exploitation déjà évoquées, du Sahel. Ce qui prouve bien un certain épuisement des réserves dans le secteur de Mahdia-Rejiche. C. De la préoccupation aux possibilités d’intervention En plus des scientifiques, la question des carrières dans la région a déjà commencé à retenir l’attention des responsables depuis, au moins, les années 1990. En témoigne un séminaire International organisé conjointement par l’UNESCO et le Ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire de Tunisie entre le 21 et le 24 juin 1999 à Mahdia sous le titre « Développement Urbain Durable en Zone Côtière ». En fait, si elle a permis des idées intéressantes et parfois originales quant à la question des carrières, cette rencontre n’a pas eu d’impacts réels sur le terrain. Les interventions qui seront mentionnées ci-dessous relèvent le plus souvent d’initiatives privées et diffèrent selon qu’on est en milieu urbain ou en milieu rural. 88 - A l’écart des villes Les interventions correspondent très souvent à un effort de récupération pour l’agriculture et le domaine forestier. Les résultats sont parus dans l’ensemble satisfaisants. Ce qui a poussé les spécialistes à penser à privilégier une réhabilitation par l’agriculture et par des espaces verts. « La plantation d’arbres fruitiers rustiques, tels le figuier ou le grenadier, semble donner de bons résultats. La meilleure solution, pour améliorer la qualité du paysage, est le reboisement. La plantation d’arbres fruitiers implique d’abord, si le plancher de la carrière a été abaissé audessous de la nappe phréatique, un remblaiement très partiel, puis un apport de terre végétale » (Paskoff, 1999). On a même lancé l’idée d’une ceinture verte ou « ceinture botanique » (Ouaja, 2005). Figure 66: A l’ écart de l’espace urbain, l’aménagement agricole prédomine. Ici un exemple, au Nord de Mahdia, d’un fond de carrière transformé en une exploitation agricole avec habitation. On reconnait une rampe d'accès aménagée dans le front de taille (flèche bleue). On reconnait également l’affleurement de la nappe phréatique (flèche rouge) (C. Weslati, août 2013). - Dans les villes et au contact de leur espace bâti La situation est différente et est très variable d’un endroit à l’autre. Une distinction nette existe entre l’agglomération de Mahdia d’une part et celle de Rejiche d’autre part. Dans cette dernière, la situation est la plus délicate. Il est parfois même devenu trop tard pour intervenir efficacement suite à une extension urbaine très rapide et non toujours contrôlée au cours des dernières décennies. De quelques habitations au milieu du vingtième siècle, on est passé à une agglomération abritant une dizaine de milliers d’habitants selon le recensement de 2004. Les carrières proches du noyau initial de la ville ont été envahies par des constructions anarchiques pour l’habitat ou pour servir d’enclos pour le bétail. 89 Le résultat est non seulement un paysage dégradé mais aussi des espaces à risques. Ces derniers sont surtout en rapport avec la qualité de l’environnement et de l’hygiène. Plusieurs habitations, en occupant le fond des carrières, se sont trouvées dans une cuvette fermée. A l’occasion des fortes pluies les eaux sont piégées et les constructions sont facilement exposées aux inondations. La situation est aggravée par l’impossibilité d’infiltration des eaux. Ceci est dû d'une part, à l'imperméabilisation du sol par le bâti, et d'autre part, au fait que le fond des carrières a souvent atteint la nappe phréatique. D’ailleurs, celle-ci affleure parfois de façon quasi continue comme dans la carrière d’El Bouhaira, appellation qui ne manque pas de signification puisqu’elle veut dire lac ou étang en arabe. En été, les habitations sont soulagées par rapport aux inondations mais la place est donnée aux moustiques à cause de l’humidité que conserve le sol ainsi que la végétation. Des plantes d’eau douce ont en effet colonisé le fond de certaines carrières. Dans une pareille situation, surtout là où le bâti est devenu dense, les possibilités d’intervention sont délicates et, en tout cas, difficiles à mener par les seuls moyens de la commune. D’ailleurs, dans les réflexions menées sur les carrières de la région l’attention a porté surtout sur les carrières de Mahdia ; le cas de Rejiche a souvent été évité. C’est ce qu’on peut relever par exemple, des travaux menés à l’occasion d’un Workshop organisé en 2006 à Mahdia et sur lequel on reviendra dans les passages suivants. Figure 67: Un vrai quartier en formation au fond de la carrière d’el Bouheira à Rejiche. On voit bien le front de taille (flèches noires) qui sert désormais comme limite de la cuvette formée suite à l’exploitation, ainsi que l’affleurement de la nappe phréatique (flèche rouge) et la végétation d’eau douce (flèche blanche) (Belgacem, 2007). A Mahdia, la situation est bien différente et laisse encore la place à des interventions efficaces. Car, si le bâti s’est bien étendu en direction des carrières, celles-ci demeurent en grande partie en dehors de la ville. De plus, les responsables locaux sont sensibilisés au sujet et ont, à différentes reprises, favorisé un travail de réflexion sur la question environnementale dans la ville y compris les carrières. 90 Après le séminaire de 1999, déjà mentionné, la ville a abrité en novembre 2006 un séminaire international portant sur les "Carrières en périphérie de villes: Enjeux et projets de paysage", ainsi qu’un Workshop/Atelier/Terrain (WAT_UNESCO) sous le thème "Mahdia-Carrières en projet de paysage" qui a rassemblé des étudiants et professeurs de neuf institutions du réseau scientifique de la CUPEUM (Chaire UNESCO en Paysage et Environnement de l’Université de Montréal) avec une représentation d’universités de la Tunisie, de l'Italie, du Maroc, du Liban et du Canada. Le workshop a donné lieu à dix projets dans lesquels une priorité nette fut accordée à la dimension paysage qui est une dimension centrale vis-à-vis de la thématique abordée dans le cadre de l'atelier. Ces projets sont présentés par des étudiants, mais ils portent certainement l’empreinte de leurs professeurs ainsi que la formation donnée à l’occasion de la rencontre. Ils nous ont paru, en tout cas, apporter des idées forts intéressantes. La première idée est relative à la nécessité de considérer le cadre général et les rapports entre les carrières et les milieux urbains ou ruraux qui les encadrent. Aussi les différentes propositions ont-elles insisté sur des travaux de réhabilitation avec une place importante pour les espaces verts et récréatifs. Ont également été considérés les interventions faites jusqu’ici dans certaines carrières récupérées par l’agriculture ou ayant fait l’objet de plantations forestières. De telles interventions étant souvent spontanées et l’œuvre de la population vivant au contact des carrières, leur considération est importante. Car, elles sont significatives des attentes de cette population et doivent renseigner sur des formes d’interventions adaptées au contexte. Ceci constitue normalement un gage de réussite et de durabilité. Les spécialistes ont d’ailleurs, on l’a vu, insisté sur ce point. Enfin, notre attention a été également retenue par le fait que le cas de Rejiche n’a pas été abordé par tous les candidats. C’est sans doute à cause de la situation quasi irréversible dans laquelle se sont trouvées les carrières de cette ville. D. Enseignements pratiques pour les carrières de Korba La présentation du cas de Mahdia-Rejiche montre bien que la question des carrières attend encore un grand travail en Tunisie, notamment dans les villes littorales qui connaissent une extension rapide. Elle donne aussi une illustration encore plus avancée et plus expressive que celle fournie par Korba en termes de problèmes environnementaux générés par les carrières. Ceci doit être vu plutôt comme une chance pour cette dernière qui doit tirer des enseignements de ce qui se passe ailleurs, dans un contexte très comparable au sien. Mais c’est une chance qui risque de ne pas durer longtemps si des mesures ne sont pas prises à temps. On reteint également, l’expérience menée, de façon spontanée, par la population locale et qui a conduit à la réhabilitation de certaines carrières en terres agricoles. Tout pousse à penser que ce type d'interventions ainsi que celui visant à valoriser la dimension paysagère des carrières sont les mieux adaptés à la situation et méritent d’occuper une place importante, voire de premier ordre, dans les réflexions sur le sort des carrières abandonnées. 91 Perderas de s'Hostal: un cas de réhabilitation et de valorisation par la création d’un parc public III. A. Des similitudes avec les carrières de Korba Perderas de s'Hostal, tout comme celles de Korba, se situent au voisinage d'une agglomération urbaine ; il s'agit de Ciutadella située au Nord Ouest de l'île de Minorque en Espagne (fig. 68). D’un autre côté, le matériau exploité est similaire, par sa lithologie, à celui de Korba. Nord Pedreres de s’Hostal Ciutadella de Menorca 500m Figure 68 : Localisation des Pedreres de s’Hostal (Google Maps). En effet, ces carrières espagnoles sont ouvertes dans une formation géologique décrite, dans la bibliographie, comme un grès calcaire d’âge miocène. Il s’agit aussi d’une formation qui se caractérise par sa perméabilité et qui a été utilisée dans la construction depuis longtemps. L’extraction de la pierre s’est faite par le biais de différentes techniques ; on distingue: Carrières artisanales Carrières industrielles Figure 69: Vue en plan d’une maquette des Pedreres de s’Hostal (http: //www.menorcareisen.eu/steinbruch-pedreres-des-hostal.htm). La technique artisanale qui était employée il y a maintenant deux siècles et dont les moyens obligeaient les carriers à s'adapter aux variations de résistance de la roche dans 92 leur quête vers la meilleure qualité de pierre ; ce qui a généré des paysages caractérisés par les nombreuses irrégularités de leur topographie. A la fin de l'extraction, une deuxième vie reconquiert les lieux: les fonds des carrières sont souvent couverts de terre végétale pour donner lieu à des jardins potagers et des arbres fruitiers. Quant aux surfaces rocheuses recouvertes par les stériles, elles sont progressivement recolonisées par une végétation spontanée. Une extraction à la scie mécanique qui a commencé au milieu du XXème siècle et qui a, tout comme à Korba, généré des espaces caractérisés par leur régularité. L'extraction se fait de manière horizontale et engendre des carrières profondes et des fronts d'abatage de tailles impressionnantes. Aujourd'hui, Perderas de s'Hostal se présentent comme des espaces chargés d’histoire où la diversité des techniques d’exploitation de la pierre a donné lieu à des formes variées, bien marquées dans le paysage et ne manquant pas d’originalité et d’intérêt sur le plan esthétique. En les louant, l'Association Lithica, fondée en 1994 et composée de 250 partenaires, originaires aussi bien de Minorque que d'autres régions, a réussi à les sauver de la disparition sous les décombres et a permis de les réhabiliter et de promouvoir leur patrimoine tant naturel que culturel. Traces d'extraction artisanale Totem, symbole des carrières, né des travaux d'extraction Traces d'extraction à la scie Figure 70: Point de rencontre des deux techniques d'extraction (http://www.lithica.es/encuentro-tecnicas.html). B. Interventions paysagères et architecturales Le travail a commencé par débarrasser les carrières des décombres et déchets d'exploitation. Un plan fut, par la suite, dressé afin d'adapter le site aux visites publiques, tout en le sécurisant et en mettant en place un système de signalisation adaptée. Ont été également aménagées des espaces destinés à accueillir des événements et des activités culturelles et sportives variées. 93 Figure 71: Etat des carrières avant l’intervention de l’Association Lithica (http://sig.urbanismosevilla.org/Sevilla.art/SevLab/r006ES1_files/MIN_final.pdf). - Un amphithéâtre à l’emplacement des grandes aires de l’exploitation mécanisée Les carrières exploitées à la scie mécanique et caractérisées par leur grandeur et par leur géométrie régulière, ont été transformées en un amphithéâtre pour la célébration de concerts. Les différentes aménagements (murs de sécurité, escaliers et rampes d'accès, espaces couverts, ...) ont été fait au moyen de la pierre locale afin de garder une harmonie avec le cadre naturel. - Des circuits en labyrinthe Afin de valoriser les différents aspects de la roche ainsi que les motifs et les formes originales résultant de l’exploitation (rainures, sculptures, variations de couleurs, …), l’idée était de créer des circuits en labyrinthe ; un jeu amusant où le visiteur peut se trouver perdu et essaye de se retrouver. Mais il s'agit surtout d'un type de circuit de nature à retenir le plus possible celui qui s'y engage en lui permettant de voir le maximum d’éléments révélés par les carrières dont les secrets de la roche. Le premier labyrinthe, celui de los Vergeles, a été conçu et aménagé, en 1996, dans les anciennes carrières exploitées de façon artisanale. Les parois irrégulières y forment, en plus de la végétation spontanée et des jardins aménagés, un Figure 72: Labyrinto de los Vergeles: flèche rouge: traces d'exploitation selon la technique de gradins ; flèches jaunes: traces indiquant la succession des assises par un travail d’exploitation dans le sens horizontal (http://www.lithica.es/laberint-vergers.html). 94 spectacle conjuguant minéral et végétal (fig.72). Un deuxième labyrinthe fut aménagé au pied du totem au fond d'une carrière exploitée à la scie mécanique, d'où son nom Laberinto del Tótem (fig. 73). Il se caractérise par sa régularité en accord avec la morphologie des fronts de taille qui l'entourent. Figure 73: Laberinto del Tótem (indiqué par la flèche) (http://www.panoramio.com/photo/81874116). - Des jardins et des circuits verts pour une valorisation paysagère et patrimoniale L'association Lithica visait à faire des Perderas de s'Hostal un lieu de grande variété et richesse naturelle. La végétation existante a été donc préservée et renforcée. Les parties en relief ont été reboisées en utilisant des espèces forestières méditerranéennes adaptées à l’environnement et au climat. Des arbres fruitiers, comme le vignoble, ont été plantés à l’intérieur même des carrières. Cette intervention s'inscrit dans la continuité de la tradition des anciens carriers qui transformaient les fonds des carrières, après leur exploitation, en jardins et vergers. Un circuit botanique fut également créé entre 2000 et 2003. Une telle action visait à favoriser la conservation de la flore locale et à offrir une occasion pour la sensibilisation aux questions environnementales. Des espèces indigènes ont été Figure 74: Vue sur une partie du circuit botanique (http://www.lithica.es/circuitoplantées le long d'une botanico.html). promenade aménagée à travers les anciennes carrières. Dans ce cadre, et afin d’assurer la fourniture en plantes nécessaires au circuit et aux autres actions en rapport avec l’aménagement paysager, une pépinière fut créée. Cette action a évolué et a permis, en 2006, le passage d’un circuit botanique à un circuit de biodiversité. L’espace a été, en plus, divisé, en fonction de ses composantes, en quatre sous-circuits consacrés aux aspects botaniques, zoologiques, géologiques et ethnologiques. 95 Enfin, un jardin médiéval fut aménagé. Il est conçu pour les visiteurs à la recherche de tranquillité et de moments de méditation. En effet, il a été créé dans les carrières Proas qui sont parmi les plus calmes de l’ensemble des Pedreres de Figure 75 : Vue sur le jardin médiéval (http://www.lithica.es/jardin-medieval.html). s'Hostal. Il est en plus agrémenté par une fontaine faite dans la roche exploitée par les carrières et des plantes médicinales et culinaires appartenant au cortège floristique local. C. Les activités organisées au sein des Pedredas de s'Hostal Réhabilités, les carrières interviennent désormais dans la vie et l’économie de la région. Grâce aux efforts de l’Association Líthica et d'autres associations, elles abritent différentes activités culturelles: les activités nocturnes consistent en des soirées, événements et concerts ; les activités diurnes s'organisent en trois thèmes majeurs. Le premier porte sur la protection et la préservation du milieu naturel des carrières. Des activités didactiques et scientifiques sont organisées dans une perspective de promotion d'une conscience environnementale commune. Le second s'intéresse aux rencontres sociales et culturelles au sein des espaces aménagés à cet effet. Enfin, le troisième est consacré à la promotion de la pierre, son utilisation et les activités qui lui sont associées, notamment la sculpture à travers des ateliers d'initiation et de perfectionnement. La Líthica organise les cours de formation en collaboration avec différentes institutions. D. Une implication des responsables locaux et un apport pour l’économie de la région Le projet est financé par quartes sources principales ; il s'agit des entrées de visite du site (3€ par personne, sauf enfants et personnes âgées), des aides gouvernementales, des cotisations des membres de l'association Líthica et les revenus des événements et des activités organisés. En 1996, le projet a été déclaré comme bien d'intérêt social par le CIM (Consell Insular de Menorca). D'un autre côté, le soutien continu offert par les institutions publiques de la ville de Cituadella et de l'île témoigne de la reconnaissance du projet comme élément d'intérêt culturel. Témoignent également de cette reconnaissance, l'intérêt porté par les organismes privés du domaine de la culture, de l'éducation et du tourisme. En effet, en 2000, Pedreres de s'Hostal 96 reçurent le prix de la meilleure initiative touristique et furent intégrées dans le réseau des monuments de Minorque, promu par le CIM (Consell Insular de Menorca). Elles accueillent chaque année les visites de 1000 à 1500 étudiants et 15 000 touristes. E. Enseignements pratiques pour les carrières de Korba Pedreres de s'Hostal donnent un bon exemple d’un passage d’un milieu abandonné et dégradé à un milieu attractif et intégré dans son environnement grâce à un travail associatif réussi. Parmi les idées dégagées et qui seraient utiles pour le cas de Korba, on retient en particulier: une valorisation efficace des carrières abandonnées ne passe pas obligatoirement par la recherche d’un profit matériel immédiat. L’exploitation adéquate et bien étudiée des dimensions naturelle, paysagère et patrimoniale permet des interventions originales et durables ; l'exploitation de l’espace par des activités adaptées à la topographie du terrain (théâtres aménagés dans de grands espaces ouverts, rampes et escaliers d'accès exploitant les irrégularités du site, ...) a joué un rôle important pour la réussite du projet. D'un autre côté, les interventions minimales en termes d'aménagements ont permis de mettre en valeur des atouts du site (végétation locale, traces d'extraction de la pierre, ...) ; l'implication des locaux, depuis l’enfant à l’école jusqu’aux décideurs et investisseurs, a assuré de bons résultats et contribué à la durabilité du projet. IV. El Clotet : un exemple de réhabilitation et de valorisation pour l’agriculture A. Une intervention par une approche intégrée Exploitant une formation calcaire, la carrière el Clotet a été ouverte dans le but fournir une matière première pour l'usine de ciment d'Alicante située juste à côté. Le projet de sa transformation en une ferme, en 1985 par la société CEMEX spécialisée dans l'industrie et la construction, a permis non seulement de la sauver des méfaits de l’abandon et de la dégradation, mais aussi d'en faire une nouvelle source de richesse pour la région. Tout comme les carrières de Korba, elle se situe dans une zone de grande tradition agricole. Figure 76: Vue sur la ferme d'el Clotet (partie centrale de la photo) au pied des gradins d'extraction de la pierre (à droite de la photo) (https://www.flickr.com/photos/cemexspain/13264735155/in/set-72157642586504895). 97 L'idée du projet de création d’une ferme est née du fait que l'ancienne carrière se situe dans un terrain idéal pour la culture des arbres fruitiers. Afin d'atteindre une production de haute qualité, CEMEX a fait appel, après une connaissance approfondie des caractéristiques du milieu, à des technologies des plus modernes utilisées en horticulture. Ainsi, et puisque la région était caractérisée par une forte aridité, un usage responsable des ressources en eau disponibles s'est imposé. Un recours a été donc fait à l'eau recyclée provenant de la station d'épuration de Rincón de León. Des réservoirs de 90.000 et 25.000 m³ de capacité furent installés pour assurer une irrigation par un système de goutte à goutte. Ces mêmes réservoirs ont permis de fournir l'eau nécessaire aux usines de ciment d'Alicante et de San Vicente. Tout cela a, en réalité, permis de donner au projet une envergure dépassant la simple idée de la réhabilitation d'une carrière, pour prendre une dimension environnementale intégrée. Aujourd'hui, le projet d'el Clotet est considéré comme une réussite. Il a donné lieu à la première carrière espagnole réhabilitée en terrain agricole avec une prépondérance aux arbres fruitiers. Innovant, il a permis aussi de démontrer qu'il est possible de concilier activités agricole et industrielle sur un même terrain. L'intervention a également contribué à améliorer l'image des carrières ainsi que l'environnement de l'usine existante, surtout avec la création d'une ceinture verte entourant cette dernière (fig. 77). En guise de témoignage d’une telle réussite, el Clotet dispose, depuis 6 ans, du certificat international GAP (Good Agricultural Practices) qui reconnait l'utilisation des meilleures techniques de production, la sécurité au travail, le respect de l’environnement et la haute qualité de la production. Figure 77: Les 3 éléments du nouveau paysage: la ferme (1), l'usine (2) et le front de taille de l'ancienne carrière (3) (https://www.flickr.com/photos/cemexspain/13264890605/in/album-72157642586504895/). B. Un profit économique dans le cadre d’un développement durable La ferme n'a cessé de croitre depuis sa création. Sa superficie est de 138 hectares destinés principalement à la production d'agrumes. De moins d'un millier, en 1985, le nombre d'arbres fruitiers est passé, aujourd'hui, à plus de 45 000. La production annuelle est estimée à plus de 98 1000 tonnes de fruits destinés aux marchés espagnol, français, italien, anglais, allemand et américain. Ainsi, et selon les statistiques de 2013, en 28 ans de production, la section agricole de CEMEX a pu recueillir plus de 24 000 tonnes d'agrumes et d'autres fruits comme les prunes et les pêches. Un tel résultat implique nécessairement un impact sur la société. Le projet a contribué, à la création d'emplois notamment en période des récoltes ou à la l’occasion des travaux d'extension de la ferme. D'un autre côté, les résidents et les écoliers d’Alicante ont, au cours des 28 ans de vie de la ferme, collaboré dans la plantation de 13000 orangers. Ceci est important tant pour la sensibilisation de la population aux questions environnementales que pour le développement d'une dimension citoyenne participative. Une population engagée est indiscutablement un atout majeur pour la durabilité du projet. Ce dernier a également impliqué décideurs et actifs de la société civile locale. Les représentants des districts ruraux d'Alicante, des municipalités de San Vicent del Raspieg et d’Alicante ainsi que de différentes associations des quartiers ont visité la ferme et ont pu apprécier les résultats des différentes actions de CEMEX. C. Enseignements pratiques pour les carrières de Korba L'exemple d'el Clotet permet d’apporter des éléments de confirmation et de complémentarité par rapport à ceux dégagés de la présentation des Pedreres de s'Hostal. Sa réussite, il la doit surtout au fait: qu’on a accordé une grande importance à la connaissance approfondie du site et de son cadre avec ses spécificités, ses contraintes et ses atouts ; V. d’avoir adopté l'introduction de techniques éco-responsables et des démarches environnementales intégrées de manière à permettre des résultats de haut niveau ; que le projet a impliqué société et autorités locales, ce qui est de nature à favoriser sa durabilité. Conclusion Cette présentation portant sur des exemples de carrières dans différents contextes nous a permis une ouverture enrichissante sur des expériences variées. Bien des idées nous paraissent utiles pour la réflexion sur les carrières de Korba même si les terrains sont éloignés. Les exemples espagnols permettent de mieux mesurer l'importance que peut revêtir la réhabilitation lorsqu’elle est bien conduite, chose dont on n’a malheureusement pas encore d’exemples aussi parlants en Tunisie comme en témoigne le cas de Mahdia-Rejiche. Les acquis et les principaux points qui méritent une attention particulière et dont il faut tenir compte pour la réussite des interventions que nous proposerons ont été cités à la fin des différentes parties consacrées aux cas présentés. Ils diffèrent d’un site à l’autre mais ils nous ont paru s’articuler autour d’axes principaux. Le premier se rapporte à la nécessité d’une bonne connaissance de la nature et de l’histoire du site d’intervention ainsi que de ses spécificités et des 99 besoins et attentes de la région à laquelle il appartient. Le second est relatif d’une part, à la considération des principes de la durabilité en intégrant les projets dans leurs différents contextes (environnemental, économique, social, …) et d’autre part, à l’importance de l’approche participative. Ce sont autant de points que nous considèrerons pour notre terrain de recherche, mais tout en tachant de tenir compte de ses spécificités et sans aller vers un simple travail de transposition. 100 Deuxième chapitre : Quel avenir pour les carrières de Korba? I. Introduction La tendance urbaine actuelle de Korba, caractérisée par un étalement rapide de l'espace bâti qui commence à empiéter sur des terres agricoles et des carrières abandonnées, n'est certes pas le meilleur modèle à encourager pour l'avenir. Car comme nous l'avons montré dans les parties précédentes, elle ne tient pas toujours compte des caractéristiques du site et risque de mettre en péril tout un patrimoine naturel et culturel, digne de préservation et de mise en valeur. Le plan d'aménagement urbain de Korba a déjà permis de soulever certains problèmes et proposé quelques orientations intéressantes. Celles-ci visent surtout à préserver les berges de la lagune et d'interdire la construction sur ses bords, d'une part, et à densifier le tissu urbain à travers le bâti vertical et l'occupation des parcelles interstitielles d'autre part. Quant aux carrières abandonnées, elles sont plutôt mentionnées comme contraintes, même si on peut lire parfois que leur réintégration et exploitation est l’un des objectifs futurs de la ville. Ceci nous a paru, en tout cas, peu précis et risque de reporter la réflexion à des dates indéfinies. Entre temps, les carrières sont, comme on l’a vu, en train de subir des interventions anarchiques. La question nous parait donc plutôt urgente. Des potentialités offertes par le site pourraient disparaître rapidement et les chances d’interventions permettant leur valorisation seront réduites avec le temps si l’évolution continue comme de nos jours. Le deuxième chapitre de la partie précédente avait déjà permis d’aborder les caractéristiques générales des carrières et leurs environs. Le présent sera l'occasion de développer une analyse plus rapprochée et détaillée des atouts, faiblesses et menaces spécifiques pour les différents types de carrières ainsi que les opportunités qui se présentent en termes d'interventions adaptées et de valorisation. II. Deux types de situations Par leurs localisations et caractéristiques (extension, densité, techniques d'exploitation, topographie, utilisation actuelle, …), les carrières étudiées peuvent être classées dans deux grands ensembles appartenant à deux secteurs distincts. Le premier correspond aux grandes carrières situées au contact de la sortie Nord de la ville. Le deuxième est plus étendu puisqu’il commence avec la fin de l’ensemble précédent et se prolonge jusqu’à Oued Chiba, situé à quelque 7 km au Nord (fig. 78). 101 Oued Chiba Nord Mer méditerranées La lagune de Korba Secteur n°2 Secteur n°1 Rocade projetée Korba Axes routiers principaux Carrières du secteur n°1 Carrières du secteur n°2 500m Espace bâti dans/ou à proximité des carrières Figure 78: Localisation des secteurs des carrières sur une Image Google maps. 102 A. Le secteur n°1: Analyse des atouts, faiblesses, menaces et opportunités S’étendant sur une longueur d’environ 1Km, ce secteur couvre une superficie de l’ordre de 3 hectares. Ses carrières sont toutes abandonnées. Elles sont vastes et le plus souvent communicantes les unes avec les autres, si bien qu'à première vue on se croirait en présence d'une seule et immense carrière. Ce secteur présente des atouts variés et des potentialités intéressantes. Mais il est aussi le lieu de différentes dégradations. Carrières artisanales (fig. 56 et 57 pages 80) Nord Secteur n°1 Carrières portant les traces d’une exploitation aux explosifs (fig..38 page 58 et 80 page 104) Fond des carrières (fig..81 page 104 ) Bassins de margine (fig..86 page 108) Carrière exploitée à la scie mécanique (fig.82 page 104) Rocade projetée Route régionale C 27 Quartiers périphériques de Korba Points culminants: sites pour-vues-panoramiques Anciens-puits-et-habita-tions abandonnés. Parties encore intactes du cordon tyrrhénien Fronts de taille marquant et méritant protection 250 m Extension des carrières industrielles Figure 79: Carte du secteur n°1 réalisée sur la base d'une image Google maps. La localisation des différents éléments représentés s’appuie sur les photos aériennes, le PAU de Korba et des observations directes sur le terrain. 1. Des atouts variés - Une concentration de techniques d'extraction datant de différentes époques Ce secteur renferme les différents types de traces d'extraction de la pierre rencontrées dans notre terrain de recherche, à savoir l'extraction à la dynamite (fig. 80), à la scie mécanique (fig. 82) ainsi que l'extraction artisanale. Cette dernière est identifiée dans des petites carrières considérées comme d’âge antique et dont une présentation et des illustrations sont données dans 103 des chapitres précédents (fig. 56 et 57 page 80). Il s'agit donc d'un secteur qui concentre, dans un espace limité, des traces de différentes époques et permet ainsi d’illustrer l'évolution des techniques d'extraction de la pierre dans la région. Figures 80: Grandes carrières exploitées aux explosifs: une topographie accidentée et un front de taille imposant et permettant de dominer le paysage depuis son sommet (C. Weslati, août 2014). Figure 81: Des fronts de taille portant des traces variées. Celui à droite, dont le sommet est occupé par des habitations abandonnées, porte les traces d'une extraction à la dynamite. Celui à gauche porte des traces de scie mécanique. On note aussi le caractère régulier de la topographie du fond de la carrière (C. Weslati, août 2014). Figures 82: Des traces d'exploitation à la scie mécanique (C. Weslati, août 2014). - Une topographie originale offrant des points pour des vues panoramiques Les carrières de ce secteur constituent aujourd’hui des éléments marquants dans le paysage. Elles se distinguent par leur extension ainsi que par l’importance des discontinuités qu’elles ont causées au niveau du cordon tyrrhénien. La nouvelle topographie apparait, en comparaison avec celle des environs immédiats, comme bien accidentée à cause surtout des nombreux fronts de taille dont la hauteur dépasse parfois les dix mètres. Bien considérée et valorisée, elle peut devenir un acquis pour le site: elle est à l'origine d'une diversification au niveau du paysage et vient rompre la régularité qui caractérisait la surface du cordon tyrrhénien. Les parois rocheuses conservant différents types de traces d'extraction confèrent à leur tour une qualité esthétique originale au site. D'un autre côté, le cordon tyrrhénien continue à offrir, depuis le sommet des parties qui ont échappé au travail des carriers, des vues panoramiques sur l'ensemble du paysage 104 (figures 50 et 51 et 52 pages 75 et 76) L’exploitation a même permis d’individualiser des points d’observation particuliers et d’une grande originalité. - Des espaces praticables et faciles d'accès Bien que renfermant de nombreux fronts de taille verticaux et de hauteur importante, les carrières récentes de ce secteur se caractérisent souvent par ses fonds réguliers. Ces derniers se présentent, dans l’ensemble, comme des espaces où il est possible de se déplacer, à pied, sans grandes difficultés. Il est même possible de les traverser en vélo et en voiture (fig. 81). Quant aux carrières antiques qui ont échappé à la destruction, elles occupent des positions perchées, dans la partie supérieure du cordon tyrrhénien. Mais elles restent facilement accessibles car se trouvent dans une partie du cordon non particulièrement haute et où les versants de ce dernier se caractérisent par des pentes douces. L'ensemble du secteur est, de nos jours, encadré par des terres agricoles. On y accède par des sentiers et de petites pistes. Mais une telle situation ne va pas, semble-t-il, durer puisqu’une nouvelle rocade, projetée par le plan local d'urbanisme, passera juste à son niveau. Ceci permettra d'y accéder plus facilement et doit inciter à une bonne valorisation des potentialités offertes. - Des témoins des anciennes formes d’occupation et d’utilisation du terrain L’exploitation récente de la pierre chekhech s’est toujours faite, comme nous l’avons déjà précisé dans la première partie du mémoire, dans le cadre de location de terrains auprès de propriétaires locaux. Mais ces derniers, surtout ceux dont les habitations se trouvent dans la zone d'exploitation, ont, en grande partie, quitté les lieux. Avec l’abandon des carrières on est en présence d’un paysage défiguré mais qui renferme bien des traces qui constituent en réalité d’intéressants témoignages sur les anciennes formes d’occupation et d’utilisation du sol et des ressources naturelles. Les habitations abandonnées sont dans des états variés. Certaines sont dans un état de délabrement avancé ou sont déjà tombées en ruines. Mais d'autres se maintiennent encore et permettent d'avoir une idée sur l'architecture typique des habitations rurales de la région et se présentent parfois, du fait de la nouvelle topographie, comme des éléments parmi les plus marquants du paysage. La considération de tels aspects, dans un travail de réhabilitation, pourrait permettre de valoriser certaines de ces habitations surtout celles qui occupent des positions perchées, originales et permettant des vues panoramiques. Figures 83: Exemples d’habitations (indiquées par des flèches) conservées entièrement ou partiellement sur de petites collines épargnées par les carrières : un paysage qui ne manque pas d’originalité (C. Weslati, août, 2014). 105 Parmi les témoins de l’ancienne utilisation du sol et des ressources figurent aussi des puits abandonnés. Car, le cordon tyrrhénien a, par sa géologie, favorisé la formation d’un aquifère qui a longtemps joué un rôle important pour la région tant pour l’eau potable que pour l’agriculture. Certains de ces puits ont disparu sous l’effet de l’extraction de la pierre, leurs traces sont parfois bien reconnaissables. C’est le cas par exemple, des parois cylindriques de 2 à 3m de diamètres (fig.84) qu’on rencontre dans certains fronts de taille. Figure 84: Puits, indiqué par la flèche, tronqué par un front de taille. Au sommet de la butte, on reconnaît une habitation abandonnée et tombée en ruines (C. Weslati, août 2014). Quant aux puits abandonnés et non directement affectés par les carrières, ils sont souvent dans un état de délabrement avancé. Pourtant ils ne manquent pas d’intérêt tant par leur architecture que par ce qui reste de leur équipement ancien. L’un des points qui retiennent l’attention est le fait que certains sont accompagnés, sur leurs bordures, de deux murs parallèles appelés aussi ailes du puits servant à fixer tout un équipent que nécessitait l’ancienne méthode du dlou ou dalou. Il s’agit d’un système pratiqué dans le cas de puits assez profonds « à poulie, dans lequel un animal, s’éloignant du puits sur un plan incliné, tire la corde qui hisse le grand sac de cuir (dlou) » (Hassainya, 1991). Cette technique a régressé en Tunisie à partir des années 1950 avec le « passage du procédé traditionnel, à base de traction animale (le dalou) à la motorisation » (Perennes, 1993). Mais sa présence est signalée jusqu’aux années 1970 (Sethom, 1977) dans certaines parties du Cap Bon. Aujourd’hui elle a disparu ; en tout cas, nous ne l’avons pas retrouvée dans notre terrain de recherche. Les puits qui portent ces traces nous paraissent dignes d’intérêt et méritent d’être considérés comme à valeur patrimoniale dans notre site. Figure 85: Un puits situé au contact d'une carrière exploitée à la scie mécanique. Il se caractérise par ses « ailes » indiquées par des flèches rouges et constitue un témoin de l’ancienne technique d'extraction de l'eau. Aujourd'hui, la place est donnée à la motopompe indiquée par la flèche bleue (C. Weslati, mai 2014). 106 - Une richesse naturelle et scientifique Ce secteur constitue aussi l’un des rares terrains à avoir conservé une végétation et une faune naturelles au contact de la ville. Les fronts de taille des carrières offrent, de leur côté, de bonnes occasions pour la connaissance de la structure interne du cordon tyrrhénien. Certaines coupes géologiques sont très pédagogiques et méritent d’être préservées. Enfin, les environs immédiats de ces carrières offrent deux types de milieux bien différents. Il s’agit, comme nous l’avons déjà montré dans le deuxième chapitre de la deuxième partie, des champs agricoles du côté du continent et de la lagune su côté de la mer. 2. Des faiblesses - Une perception plutôt négative Le nouveau paysage des carrières est déploré par la population habitant dans leurs environs et est souvent vu comme un espace sans grande valeur. On évoque en particulier le caractère accidenté du terrain ainsi que le risque qu’il peut constituer pour les enfants et même pour le bétail. On craint également la transformation de ces friches en lieux de crime et d'insécurité. Les nombreuses habitations abandonnées et non reprises, même après l’arrêt de l’exploitation, ainsi que la multiplication des décharges sauvages et le début d’apparition de constructions anarchiques en constituent des témoignages directs. - Le manque d’approches permettant une vision globale de l’environnement Ceci nous a paru aussi constituer une forme de faiblesse indéniable. L’effort fait sur la lagune aurait pu être plus significatif et rentable s’il avait été mis dans un cadre plus large permettant d’intégrer d’autres atouts du site (paysagers, patrimoine culturel, …), dont notamment ceux offerts par les carrières. Bien des éléments témoignent d’une complémentarité entre les deux milieux à différents niveaux : historique, environnemental et paysager. C’est l'exemple, des chaussées qui permettaient aux anciens de traverser la lagune et qui sont faites de blocs issus du cordon tyrrhénien. D’un autre côté, couper la lagune des espaces qui l’encadrent ne vient pas en faveur de l’approche intégrée que nécessite un travail sur les écosystèmes. Des liens au niveau de la faune et de la flore pourraient exister, surtout que les distances sont très courtes. Enfin, la complémentarité est bien évidente au niveau paysager. Depuis la lagune, la vue bute contre le cordon. Depuis ce dernier, on a les meilleures vues sur la lagune. 3. Des menaces - Une pollution variée et une multiplication des décharges sauvages N’ayant pas fait l’objet d’un suivi, surtout après l’arrêt de l’exploitation, les carrières de ce secteur sont devenues le lieu de différentes formes de nuisance. Le bruit des machines et, dans une étape donnée, des explosifs ont dû avoir un effet perturbateur aussi bien sur la population que sur la faune sauvage qui est devenue de plus en plus rare. Les poussières qui se dégageaient ont dû nuire à la végétation surtout au cours des longues périodes sans pluies. Ceci se voit de façon claire dans les carrières encore en cours d’exploitation dans le secteur N° 2 qui sera 107 présenté plus loin. Les touffes de végétation sont parfois entièrement couvertes par une couche blanchâtre que seules les pluies de l’hiver enlèvent efficacement. D'autre part, et en plus des restes du matériel d’exploitation, les carrières abandonnées de la sortie nord de Korba renferment, fréquemment, des décharges sauvages, nombreuses et parfois importantes en volume et en extension. On reconnaît, en plus des restes de chantiers de constructions, toutes sortes de déchets d’activités aussi bien urbaines que rurales (produits industriels, ferrailles, déchets d’étables, déchets de poulaillers, …). Mais l’élément le plus marquant est lié à l’aménagement de grands bassins utilisés pour le stockage des margines produites par les huileries locales (fig. 86). Ces différentes décharges sont à l’origine d’une dégradation environnementale et paysagère importante. Certaines d’entre elles peuvent entrainer une pollution grave et des problèmes d’hygiène. Il est possible aussi que des substances chimiques dangereuses s’infiltrent en profondeur, le matériel géologique étant perméable et les fond des bassins de margine ne montrant pas des indices d’interventions pouvant assurer une étanchéité. Ceci peut avoir des effets négatifs sur la nappe phréatique. Or, cette dernière a joué un rôle important dans l’histoire agricole de la région comme en témoignent les nombreux puits. La question est d’autant plus importante à considérer que différentes études insistent sur l’importance de la question de l’eau dans la région et sur les problèmes que connait déjà cette nappe du fait de sa salinisation et de sa contamination par les fertilisants chimiques utilisées dans l’agriculture (Sethom, 1977 ; El Ayni et al., 2011 ; Zghibi et al, 2014). Figure 86: Grands bassins de stockage de margine creusés au fond des carrières de la sortie nord de Korba. On aperçoit, au second plan, la lagune de Korba (C. Weslati, août 2013). - Une multiplication des constructions anarchiques Ce point a été déjà évoqué dans le premier chapitre de la deuxième partie (fig. 48 page 72). Le nombre de telles constructions est encore relativement faible, mais une continuation du phénomène pourrait rendre difficiles les interventions de valorisation. Le cas de Mahdia et surtout de Rejiche doit servir de leçon. D’un autre côté, les constructions qui se multiplient le 108 long de la route côtière pourraient finir par entraver toute tentative de gestion intégrée considérant les carrières et la lagune. - Un impact sur le patrimoine archéologique Dans les parties précédentes, l’attention a été attirée sur l’importance du patrimoine archéologique dans la frange littorale qui s’étend depuis Korba jusqu’à Oued Chiba. Au niveau du cordon tyrrhénien, ce patrimoine correspond principalement à des carrières artisanales dont plusieurs datent de l'Antiquité. La comparaison des photos aériennes de différentes missions permet de noter qu'elles sont devenues de mois en moins nombreuses. Ceci est dû à leur envahissement par le bâti, mais aussi et surtout à leur destruction par les grandes carrières industrielles récemment ouvertes. Les quelques carrières antiques qui subsistent, et dont les plus importantes illustrant les différentes techniques de taille artisanales se trouvent dans ce premier secteur. Elles méritent donc protection et mise en valeur. Figure 87: Exemple d’une carrière ancienne (indiquée par la flèche) tronquée par une carrière récente (C. Weslati, mai 2014). 4. Des opportunités pour une valorisation intégrée En tenant compte de ce qui vient d’être présenté quant au contenu et atouts du site et en considérant les besoins de la ville, identifiés par le PAU et par nos propres observations, il apparait que les carrières peuvent offrir une opportunité réelle pour la concrétisation de différentes attentes. Par leur extension et leur proximité par rapport à la ville, elles peuvent d’abord offrir à cette dernière l’occasion de réduire les contraintes liées au manque du foncier. L’acquisition de ces terres ne devrait pas présenter des difficultés particulières. Le site est sans grande valeur pour l’agriculture et est dans une situation d’abandon quasi total. L’intervention qui pourrait paraître pratique et rentable dans l'immédiat et celle d'aménager les carrières en terrains constructibles. Mais, une telle option, détruirait, si choisie, les potentialités 109 du site et son patrimoine et serait fortement préjudiciable pour l’effort mené dans la région en matière d’environnement et de développement durable. Elle témoignerait aussi d’une ignorance de ce qui se passe dans des terrains similaires comme Rejiche où les conséquences d’une évolution qui a privilégié les espaces bâtis ont été parfois désastreuses. L’intervention qui nous parait donc la plus adaptée et pouvant avoir d’intéressantes retombées consiste à réhabiliter les carrières par la création d’un parc paysager et de découverte. La ville pourrait ainsi trouver dans cet espace l’opportunité de remédier à certaines insuffisances en termes d'espaces récréatifs et d'équipements cultuels. Ceci est d’autant plus intéressant que le passage de la rocade prévue autour de la ville coïncide avec la localisation des carrières. Avec l’existence d’une telle rocade on pourrait penser à un relai avec des aménagements permettant d’exploiter les atouts du site, notamment ceux en rapport avec les paysages et le patrimoine. L’autre opportunité, non moins importante, est celle du développement de la dimension environnementale pour laquelle la ville est déjà assez sensibilisée à travers la réserve naturelle de la lagune. Ceci donne plus de chances pour une gestion intégrée du milieu. L’expérience des Pedreres des'Hostal et celle d'el Clotet présentées plus haut nous paraissent très suggestives et riches d’enseignements à ce niveau. Aussi, la création d’un parc doit-elle permettre de: - Assainir le site et valoriser son potentiel naturel et culturel Le travail à entreprendre sera l'occasion, tout d'abord, d'assainir le sol et de valoriser la végétation naturelle du site et de l’enrichir par des espèces locales adaptée au terrain et au climat. Les interventions paysagères se voudront aussi naturelles et minimalistes que possible afin de ne pas altérer les points constituant l'originalité du site: Les traces d'extractions de la pierre seront conservées et mises en valeur par des aménagements paysagers adéquats (végétation dont la hauteur ne cache pas les fronts de taille, éclairages mettant en valeur les topographies du terrain le soir, ...). Des parcours piétons et cyclables permettront aux visiteurs d'explorer aussi bien la richesse naturelle (coupes géologiques, fossiles conservés dans les fronts de tailles, flore typique de la région, ...) que patrimoniale et archéologique du site (traces d'extraction de la pierre, anciennes traces d'occupation du terrain, ...). Certains conduiront les visiteurs jusqu'aux points les plus hauts. Ces derniers serviront de miradors permettant de profiter des vues panoramiques sur l'ensemble du paysage et notamment la lagune, l’un des principaux éléments de l’originalité de milieu surtout au cours de la saison d’immigration des oiseaux. Des aires de repos et de rencontre seront également aménagées. Des panneaux d'information seront implantés le long des parcours et donneront des éclairages sur les techniques de taille et les spécificités du site. Un centre d'interprétation pourrait également être créé afin de fournir l'information aux visiteurs et accueillir des clubs culturels ayant comme but la sensibilisation aux 110 dimensions patrimoniales et environnementales du site. Ces espaces permettraient également d'impliquer la population locale à travers des activités et événements variés. - Un poumon vert pour la ville et un meilleur contrôle de l'étalement urbain Situé à proximité de la ville, ce parc se présentera comme un poumon vert, notamment pour les quartiers souffrant d'une pénurie en termes d'espace vert et de loisirs. Par sa localisation entre la ville et le domaine agricole, il constituera une zone tampon limitant l'étalement incontrôlé de l'habitat spontané et d'aidera à appliquer les orientations du PAU qui visent déjà à limiter l'extension urbaine vers le Nord. - Un parc ouvert favorisant une redynamisation économique et culturelle La régularité et la platitude qui caractérisent une grande partie de la topographie du site doivent permettre, à l’image du cas des Pedreres de s'hostal présentées plus haut, d'accueillir une multitude d'activités. Le parc offrirait donc l'occasion de recréer le lien perdu entre l’espace envahi par les carrières et les habitants. Il ne s'agit pas, pour autant, de faire perdre au site sa valeur patrimoniale et culturelle au profit des gains économiques. L’effort doit être fait de façon à concilier les deux dimensions, tout en préservant le cachet originel et la valeur patrimoniale des lieux. Ainsi les interventions et les installations se verront légères, utilisant des matériaux et des couleurs se fondant dans le contexte local. - Promouvoir l'écotourisme Le parc doit être intégré à son cadre. Des communications, par des voies bien identifiées, avec les autres composantes de l’environnement peuvent être aménagées. On pense en particulier à des communications avec la lagune. L’état actuel du site permet encore des interventions dans ce sens. L’idée est d’autant plus intéressante que le cordon offre, comme on l’a déjà souligné, des vues panoramiques sur la lagune et que les distances entre les deux milieux ne sont pas grandes. Parcourir cet espace, dans le cadre d’itinéraires bien définis et étudiés, permettra de découvrir une variété d’éléments intéressant: faune et flore de la lagune, vestiges archéologiques et activité agricole au pied du cordon tyrrhénien, flore et archéologie de la partie supérieure du cordon, …. La promotion de l’écotourisme peut aussi se faire par la création de liens entre le parc à créer et les terrains qui l’encadrent du côté du continent. Ces terrains sont le lieu d’une activité agricole qui accorde une place prépondérante, comme on l’a vu dans les parties précédentes, au maraîchage. Les interventions dans les carrières pourraient être l’occasion pour la création d’un espace d'interaction entre les visiteurs et les paysans. Ces derniers peuvent présenter leurs produits à l'occasion de saisons de récoltes ou de manifestations gastronomiques, ... - Intégrer le parc dans un réseau touristique régional Korba est, comme souligné dans le premier chapitre du mémoire, une ville de passage des voyageurs et de différents circuits touristiques, notamment ceux reliant la grande zone hôtelière de Hammamet-Nabeul et les sites archéologiques très fréquentés de Kerkouane et de Haouaria. Le parc, proposé, pourrait alors se présenter comme une halte de repos permettant en même temps-de-profiter-des-atouts-paysager-et-patrimoniaux-du-site. 111 Montagne de Sidi Abderrahmane Domaine agricole Parcours de découverte donnant sur le domaine agricole Espace vert et de repos, colonisé par une végétation locale Installations légères pour accueillir les événements organisées Parcours de découverte du contenu des fronts de taille Point d’observation sur la lagune et le paysage encadrant les carrières Végétation locale intégrant les fronts de taille au parc Lagune protégée : un écosystème de découverte directe et admiré depuis le sommet du cordon tyrrhénien Parcours reliant la zone de la lagune au sommet du cordon tyrrhénien Figure 88: Coupe schématique montrant des possibilités d'interventions au niveau des grandes carrières industrielles (C. Weslati, juin 2015). Montagne de Sidi Abderrahmane Domaine agricole Passerelle permettant de découvrir les carrières artisanales Végétation naturelle renforcée par des espèces locales adaptées au climat et au sol rocheux La lagune protégée Figure 89: Coupe schématique montrant des possibilités d'interventions pour une valorisation des carrières artisanales (C. Weslati, juin 2015). 112 B. Le secteur n°2: Analyse des atouts, faiblesses, menaces et opportunités Ce secteur se trouve dans le prolongement du précédent, mais il en diffère à différents niveaux. Il est d’abord plus étendu puisqu’il s'étire sur une longueur de l’ordre de 7 km. D’un autre côté, il n’est pas directement intéressé par l’extension de la ville et se trouve plutôt dans une ambiance rurale. De plus, il compte un nombre plus important de carrières dont certaines sont encore en exploitation. Enfin, ses carrières, qui sont de tailles très variables, ne sont pas rapprochées. La distance qui les sépare dépasse parfois plusieurs hectomètres. Il s’agit donc d’un contexte sensiblement différent de celui du premier secteur. Les propositions d’interventions doivent tenir compte d’un tel constat. Pour ce, nous nous baserons sur une analyse des différents atouts, faiblesses et menaces ainsi qu'une identification des différents cas de figure. Ces propositions concerneront uniquement les carrières abandonnées. Nord Carrière reconnaissable sur la figure 96 page 118 Carrière reconnaissable sur la figure 92 page 114 Carrière reconnaissable sur la figure 91 page 114 Carrière en cours d’exploitation 500 m ?? Carrières abandonnées encore à l’abri d’une dégradation avancée Carrières menacées et/ou l'envahie par des constructions Espace bâti dans /ou au contact des carrières Figure 90: Carte des carrières du secteur n°2 réalisée sur la base d'une image Google maps. La localisation des différents éléments représentés s’appuie sur les photos aériennes et des observations directes sur le terrain. 113 1. Un atout majeur : plusieurs carrières sont encore à l’abri de formes de dégradation A la différence de celles du premier secteur, la plupart des carrières de ce secteur, surtout les plus étendues et accidentées d’entre elles, sont restées à l’abri d’interventions pouvant causer une importante dégradation. Dans bien des cas, les seuls éléments étrangers au corps rocheux correspondent aux restes du matériel qui a servi dans l’exploitation (pelle mécanique, bulldozers, citernes, rails, …) (fi. 91). Figure 91 : Carrière située à l'écart de la ville renfermant les restes du matériel utilisé dans l’exploitation (C. Weslati, août 2014). Il est également important de souligner que certaines carrières ont fait l’objet d’interventions témoignant d’une volonté de les réintégrer au milieu agricole (fig. 92). Ceci, ainsi qu’une reprise de certaines des habitations situées dans leurs contacts (fig. 93), ne peuvent que nous interpeler. Figure 92: Carrière abandonnée aménagé en terrain agricole. Le fond de cette carrière porte les traces de labours ainsi que le chaume d’une récolte de céréales (C. Weslati, août 2014). 114 Figure 93: Au contact d'une carrière abandonné: on reconnaît une habitation abandonnée (flèche discontinue) mais aussi une autre reprise (flèche continue) témoignant d’un attachement au terrain et au site (C. Weslati, août 2014). Nous pensons avoir là des indicateurs importants sur les attentes de la population riveraine et des propriétaires des terrains et partant, sur l’une des vocations possibles de ces carrières. On retrouve en fait, une situation qui rappelle les carrières situées à l’écart de l’espace urbain à Mahdia et Rejiche. Rappelons aussi que la réussite de l’expérience d'el Clotet à Alicante est due, en bonne partie, à la prise en considération de la tradition agricole qui caractérisait le site ainsi qu’une implication de la population locale. 2. Une situation qui risque de ne pas durer Certes, les carrières de ce deuxième secteur sont encore à l’abri de bien des problèmes dont souffrent les carrières situées au contact de l’agglomération de Korba. Elles ne semblent pas, non plus, faire l’objet d’une grande pression ou d’une convoitise par des aménageurs. Mais une telle situation risque de ne pas durer. Des interventions inadéquates ou non étudiées commencent à voir le jour et pourraient, si elles continuent, mener vers des situations préoccupantes. Elles sont surtout en rapport avec la multiplication des décharges sauvages et une l'extension de l'habitat spontané: deux menaces pour la qualité de l’environnement ainsi que pour des éléments importants du patrimoine. - La menace de la pollution Certaines des carrières de ce secteur ne renferment aucune trace de décharge sauvage. Dans d’autres, il s’agit le plus souvent de restes, peu importants par leur volume, de chantiers de constructions ou de matériaux provenant d’un travail d’entretien des champs agricoles ou de déchets organiques. Mais on commence à noter l’arrivée de matériaux provenant d’activités industrielles, notamment celles en rapport avec la transformation des produits agricoles. Ceci risque de prendre de l’ampleur suite à la pression qui sera exercée par le développement des villes de la région ainsi que la multiplication des usines qu’on observe le long de la route qui longe la côte orientale de la péninsule du Cap Bon. 115 Cette évolution risque de dégrader l’environnement des grandes carrières récentes et menace en même temps les carrières anciennes dont on a vu l’importance pour le patrimoine archéologique. L’une des illustrations les plus expressives de cette évolution se trouve au niveau de la carrière antique du site archéologique N° 3 évoqué dans la première partie du mémoire (fig. 94). Figure 94: Décharge sauvage dans la carrière antique du site N° 3 évoqué dans la première partie du mémoire. (C. Weslati, décembre 2013). - Les dangers d’une extension de l'habitat anarchique Le développement de l’habitat anarchique est également une question sérieuse. Car, non maitrisé, il peut conduire à des situations très préoccupantes et pourrait se solder par une dégradation à différents niveaux. Or, nous l’avons déjà noté sur la base d’une exploitation de photos aériennes de différentes dates: certaines des carrières abandonnées de ce secteur ont commencé à accueillir des constructions depuis quelques décennies. Ceci a parfois fini par donner lieu à des concentrations indéniables d’habitations. Ces concentrations d’habitations non planifiées sont souvent, de par leur localisation et le niveau social de leurs propriétaire, sous équipés et posent tout le problème de leur intégration dans le paysage et l’environnement. Ceci est d’autant plus vrai qu’une grande partie d’entre elles annoncent une évolution linéaire du bâti sur le cordon tyrrhénien qui ne serait pas sans problèmes, dont l’empiètement sur les carrières antiques et l’accentuation des difficultés dans une perspective d’intervention pour la réhabilitation. Laisser faire c’est aussi favoriser une évolution peu harmonieuse et un tissu urbain éclaté dans lequel se poseront des difficultés variées au niveau de la desserte, des transports et du raccordement aux différents réseaux. 3. Des opportunités pour des interventions valorisantes Par leurs caractéristiques et localisation, les carrières du deuxième secteur offrent différentes chances de valorisation. Mais, dispersées linéairement sur environ 7 Km, elles ne constituent pas une entité spatiale comme dans le premier secteur. L'idée serait donc de les intégrer à leurs différents domaines, notamment agricole et éventuellement urbain, tout en préservant leurs atouts. Ainsi on pourrait penser à: 116 - Une réintégration dans le domaine agricole Ces carrières se situent en plein milieu agricole et se caractérisent souvent par une grande platitude de leurs fonds. Ceci doit faciliter une reprise pour l’agriculture. L’idée nous parait d’autant plus facile à concrétiser, et avec efficacité, que, comme on l’a noté, il y a déjà des tentatives dans ce sens par la population locale. Cette forme de réhabilitation sera l’occasion de préserver les carrières encore non aménagées des différentes formes de dégradation et offrira une chance supplémentaire pour le développement agricole et économique ainsi que pour la préservation du patrimoine archéologique connu ou qui attend encore d’être découvert. Dans cette réhabilitation, les travaux doivent être adaptés aux caractéristiques topographiques des terrains: les fonds des carrières pourraient, compte tenu de leur régularité et de la proximité de la nappe phréatique suite aux travaux d'extraction, être réservés aux cultures maraîchères. Ceci est bien adapté à la région dont on a vu l’importance dans ce domaine. Les fronts de taille sont parfois hauts et verticaux. Un reprofilage en gradins permettrait de réduire les risques d’accidents évoqués par les riverains ainsi qu’une exploitation par des la plantation d'arbres fruitiers pour lesquelles la région a également une grande tradition. Les parties supérieures, exposées au vent et au niveau desquelles affleure la roche intacte du cordon tyrrhénien, peuvent être réservées à la végétation naturelle (fig. 95). Terre végétale (apportée) Cultures maraîchères Arbres fruitiers Végétation naturelle Figure 95: Exemple d’aménagement possible dans le cadre de la réhabilitation des carrières abandonnées du secteur n°2. Ce travail nécessitera bien entendu, comme suggéré par l’expérience de Mahdia, des apports de terre végétale. Logiquement, celle-ci doit se trouver sur place puisque, les cahiers de charges d'exploitation des carrières imposent que le sol naturel couvrant la zone à exploiter soit conservé pour réutilisation après l’arrêt des travaux. Malheureusement, ceci n’est pas toujours respecté, ce qui obligera à des efforts supplémentaires. 117 Figure 96: Premiers travaux dans la création d’une nouvelle carrière. On reconnaît le sol naturel accumulé en bordure de la zone à exploiter (indiqué par la flèche). Malheureusement, très souvent ce sol finit par être dispersé avec l’avancement de l’exploitation (C. Weslati, août 2014). - Une éventuelle intégration à l'espace urbain Une telle action pourrait se faire sur le long terme mais tout en préservant les travaux de réhabilitation qui auront été réalisés, entre temps, y compris ceux des carrières de la sortie nord de Korba. Elle intéresserait donc les carrières qui ont déjà connu un niveau avancé d’envahissement par le bâti. Ceci aura l’avantage de développer des noyaux urbains répondant à une planification étudiée et permettra, par la même occasion, de lutter contre l’étalement non contrôlé des constructions aux dépens du cordon et du patrimoine qui lui est associé et dont on ne connait pas encore de façon précise l’étendue et le contenu. III. Conclusion Les carrières ayant exploité récemment, à un rythme industriel, le cordon tyrrhénien dans sa partie comprise entre la ville de Korba et Oued Chiba, se distinguent, en comparaison avec celles d’autres terrains tunisiens où on retrouve la même formation géologique, par le fait qu’elles sont restées encore à l’abri d’interventions susceptibles de rendre leur récupération impossible ou très difficile. Ceci constitue une chance pour la région mais risque de ne pas durer compte tenu de l’accélération des aménagements. Ces carrières se distinguent aussi par leur variété, tant au niveau de leur taille que de leur morphologie, de leur place dans le paysage et des caractéristiques des terres qui les encadrent. Une distinction nous a paru s’imposer toutefois entre au moins deux grands types de situations : les carrières concentrées et attenantes à la ville de Korba d’une part, et les carrières plutôt dispersées qui caractérisent l’espace situé en direction de oued Chiba. Les propositions d’interventions ont été faites en tenant compte de l’information accumulée tout le long des parties précédentes du mémoire. Nous avons aussi tenu à ne pas rester isolée et 118 renfermée dans un espace limité. Ceci a été fait par une recherche de termes de comparaisons avec d’autres terrains et expériences susceptibles d'apporter des idées utiles pour notre terrain. Enfin, nous avons, essayé de considérer une approche prospective tenant compte des grands aménagements programmés dans la région et dans lesquels la présence des carrières doit être considérée. En somme, et compte tenu de tout ce qui précède, deux principaux types de propositions ont été faites. Mais aussi bien dans la première que dans la seconde, c’est la réhabilitation et la valorisation des potentialités patrimoniales et naturelles qui a primé: un parc paysager et de découverte à la sortie nord de la ville de Korba et un travail de réhabilitation permettant une reprise principalement par l’agriculture plus loin. 119 SYNTHESE Entrepris en considérant à la fois notre formation de base en architecture et les acquis de la formation dans le cadre du programme TPTI, ce travail, consacré à aux carrières de grès calcaire tyrrhénien de Korba et ses environs, nous a permis d’abord de placer le terrain choisi dans son cadre général. Il s'agit en fait d'un terrain qui occupe une place importante, surtout dans sa région, grâce à son poids démographique et économique et à sa position sur une voie de communication reliant les principales villes et aires économiques de la côte orientale de la péninsule du Cap Bon. Celle-ci est, à son tour, une région de premier ordre à l'échelle de la Tunisie d’aujourd’hui, tant par sa localisation géographique que par son histoire, son économie et son attractivité touristique. C’est aussi une région qui a connu une présence humaine depuis, au moins, l'ère néolithique. Cette présence a pris de l’importance notamment depuis l’Antiquité et ses traces sont nombreuses et variées. Certaines de ces dernières, dont des carrières, sont restées jusque là inconnues dans la bibliographie. Leur identification dans le cadre de ce travail a permis de confirmer davantage la valeur patrimoniale du site. En effet, à cette présence humaine ancienne correspond une ancienneté de l’exploitation des ressources dont celles d’ordre géologique, tel que le cordon tyrrhénien qui a été exploité sous différentes formes et ce, depuis l'Antiquité. Sa nature lithologique, qui en fait un matériau qui se prête bien à la taille, a encouragé d’y creuser des chambres funéraires sous les puniques dont plusieurs sont encore bien conservées et a aussi permis de fournir de la pierre à bâtir. Des carrières anciennes, de différentes générations et dont les plus anciennes remontent à l'Antiquité, sont encore bien reconnaissables. Certes, elles se caractérisent par leur taille relativement limitée mais elles sont nombreuses et portent des traces significatives éclairant sur le savoir faire des anciens en termes d'extraction de la pierre et des techniques artisanales qui ont été employées. De par les avantages qu’elle procure, la pierre que fournit la formation géologique du cordon tyrrhénien a continué à être prisée jusqu'à nos jours. Elle a permis de répondre aux besoins de la région en termes de matériaux de construction ; besoins accrues surtout depuis les années 1980, période pendant laquelle Korba a connu, comme dans la plupart des villes littorales du pays, une forte croissance urbaine. Mais l’exploitation va désormais se faire à un rythme industriel utilisant la dynamite avant de passer à la scie mécanique, techniques dont les empreintes sont également toujours bien marquées dans les nombreux fronts de taille dont la hauteur dépasse parfois les 10m. Ceci a, à la différence de ce qui s’est passé sur de nombreux siècles, généré de grandes cavités très marquées dans le paysage. Abandonnées suite à la fin de l'exploitation, ces carrières se sont souvent trouvées sous la menace de différentes formes de dégradation et sont devenues des terrains propices à différentes formes de dégradation, notamment par la prolifération des constructions anarchiques et la multiplication des décharges sauvages. Ce travail a permis aussi de montrer que les carrières étudiées et leurs environs immédiats forment un terrain riche, outre le patrimoine archéologique, en potentialités pour le patrimoine naturel. Celles-ci sont en rapport avec, d'une part, la formation géologique exploitée qui 120 constitue un repère important pour l’histoire géologique du littoral tunisien et la reconstitution des paléoenvironnements, grâce aux fossiles incrustés dans son matériel et d'autre part, les différents fronts de taille qui offrent des occasions très intéressantes pour la connaissance de la structure interne de cette formation. Elles sont aussi en rapport avec la faune et une flore actuelles peu variées mais importantes et d’intérêt pour l’histoire écologique de la région, la biodiversité et les rapports de l’homme avec son milieu. Tout cela est augmenté par le fait que les carrières jouxtent la lagune de Korba classée comme réserve naturelle et l'un des 25 sites RAMSAR en Tunisie et à laquelle un travail de mise en valeur a été consacré. Mais ces carrières, ajoutées à l’extension des espaces bâtis, risquent avec la mécanisation du travail et la forte demande, de constituer une menace pour la formation géologique exploitée qui reste, en fin de compte, peu importante par son volume. Elles se trouvent aussi au contact d'une ville avide de foncier et qui présente plusieurs insuffisances en en termes d'équipement culturels, de loisirs et d'espaces verts. Ce sont autant de données qui doivent logiquement faire des carrières un espace qui mérite un travail de mise en valeur et qui peut apporter des réponses à différentes attentes de la population riveraine mais aussi pour la ville et la région. Un tel travail n’étant pas encore fait, différentes formes de dégradation commencent à se multiplier. Ceci pourrait évoluer rapidement et réduire les possibilités d’interventions utiles, efficaces et tenant compte des différents atouts du site et sa complémentarité avec son environnement. Considérant l’état des lieux et les différentes potentialités évoquées ainsi que les besoins de la ville et le cadre proche et régional du site, nous avons tenté de contribuer à une réflexion pour une meilleure utilisation de ces carrières. Ceci n’a pas été fait en ne tenant compte que du seul terrain de notre recherche. Nous avons, dans l’objectif de chercher des termes de comparaison et des enseignements, considéré d'autres expériences tant en en Tunisie qu’ailleurs. En Tunisie, le cas de Mahdia-Rejiche est paru particulièrement parlant. De nombreuses carrières abandonnées, ouvertes dans la même formation géologique qu’à Korba et situées au contact de villes qui ont connu une extension importante et rapide de leur espace bâti, ont atteint un niveau avancé de dégradation et de destruction de leur patrimoine. La situation a été parfois telle que différents risques ont émergé et que les possibilités d’intervention sont devenues très limitées, voire quasi nulles. Ce qui constitue une alerte pour des sites comme le notre. Pour les cas situés en dehors de la Tunisie, c’est sur des, carrières espagnoles que le choix a été fait pour montrer, cette fois, des exemples d’interventions faites avec grands succès et pour dégager les facteurs de la réussite. Nous avons, en somme, tenu, dans les propositions faites pour les carrières abandonnées de notre terrain de recherche, à adopter, tant que possible, une approche intégrée et qui considère la dimension développement durable. Nous avons donc essayé de considérer les différents composants du site et ses alentours ainsi que les interactions avec les terrains environnants pour proposer des intervention qui sont de nature à favoriser la valorisation du patrimoine culturel et naturel tout en faisant des carrières des espaces apportant des réponses aux besoins de la ville notamment en termes d'espaces verts, de culture et de loisirs. Les propositions considèrent aussi la nécessité de valoriser l’intégration de ces friches et leur complémentarité avec les espaces 121 environnants y compris le domaine agricole et en particulier la réserve naturelle que constitue la lagune. 122 LE PROJET COLLECTIF I. Introduction Ce projet collectif est le résultat d'un travail d'une équipe de six étudiants dans le cadre du Master TPTI. Il porte sur l'étude de la valeur patrimoniale de six ponts situés dans les trois pays du consortium du Master (la France, l’Italie et le Portugal). Le travail s'inscrit en fait, dans la continuité d’un autre entamé par la promotion V et dans lequel trois ponts ont déjà fait l'objet d'étude. Il s'agit du Viaduc d’Austerlitz situé à Paris en France, du pont Paderno d’Adda situé dans la région de Lombardie en Italie et du pont Almansor situé à Montemor o Novo en Alentejo au Portugal. Le rôle de notre équipe était donc de continuer ce travail tout en l'enrichissant par l'étude d'autres ouvrages ainsi que par nos connaissances et visions personnelles variées. L'ensemble des recherches est publié sur internet sous forme de galerie virtuelle dont l'adresse est la suivante: https://ouvresdegenie.wordpress.com/ - Cadre chronologique et géographique Deux ponts ont été choisis par pays. Ces ouvrages, dont une présentation sera donnée dans les paragraphes suivants, datent de différentes périodes. Si le choix a été fait sur des cas non contemporains les uns des autres et à travers une période de temps qui s'étend du XVIème jusqu'au XXème siècles, c'est dans le but de varier les exemples et d’exposer différentes expériences afin de mieux dégager l’évolution, dans le temps, des techniques et du savoir faire en rapport avec l'architecture, l'ingénierie et la construction. Le choix de ponts situés dans les trois pays où nous avons eu l’occasion de nous déplacer, devait également offrir l’avantage d'avoir un accès plus aisé à une bibliographie variée, mais aussi et surtout d'avoir un contact direct avec le terrain. Ceci nous nous a donné l’occasion de constituer une appréciation personnelle des ouvrages étudiés et de leurs environnements. - Problématique, intérêt du sujet, objectifs et démarche adoptée Le terme pont est plein de significations. Ne renvoie-t-il pas à des notions aussi importantes que liaison, transfert, échange, franchissement d’obstacle, dépassement d’une contrainte, voire même la création d’une continuité qui n’existait pas? Des expressions comme « rompre les ponts » ou « rétablir les ponts » ne signifient pas obligatoirement une action physique ; elles sont plutôt en rapport avec une évolution dans des relations humaines. L'importance du terme a fait qu’il revêt à la fois un sens matériel et immatériel. Les ponts, en tant qu'ouvrages d'art, ont existé depuis longtemps. Ils ont été édifiés à chaque fois que l’homme a éprouvé le besoin de créer un lien entre des espaces séparés pour rendre plus facile la communication. Les créations se sont multipliées et diversifiées à travers les temps et ont impliqué des technologies de plus en plus perfectionnées. Les ponts enjambant des plans d’eau ont souvent occupé une place de premier ordre et nécessité des travaux importants et une ingénierie innovante. Plusieurs sont devenus de ce fait, des ouvrages emblématiques. 123 Dans notre travail, nous nous sommes intéressés aux ponts implantés sur des voies navigables, avec comme problématique de fond celle de comprendre l’intérêt de ces ouvrages et de chercher à savoir dans quelle mesure ils peuvent revêtir une valeur pour l’histoire et le patrimoine industriel. Mais parce qu’il s’agit d’un travail qui s’inscrit dans le prolongement d’un autre antérieur et parce que la forme finale du projet est une galerie virtuelle, cette problématique s’articulera autour de deux points principaux: Le premier tente de démontrer, à travers les exemples choisis, la variété des techniques et des matériaux employés, à travers le temps, ainsi que l'évolution qu'a connue le domaine de l'ingénierie et de la construction. Il implique, en même temps, de considérer l'impact des ouvrages choisis sur le paysage et l'environnement. Un intérêt particulier sera également accordé aux ingénieurs et leurs écoles. Des aspects qui nous sont parus intéressants tant en termes de patrimoine industriel que scientifique. - Le deuxième consiste en la publication des résultats de nos recherches sous forme de galerie virtuelle ; un travail, comme cité précédemment, déjà entamé par les étudiants de la promotion V. Le but est donc d'essayer d'apporter des améliorations en termes de facilité de navigation, de qualité de présentation et de contenu éditorial. - - Plan adopté La présentation de ce travail sera faite à travers les trois chapitres suivants: - Le premier chapitre vise à rappeler le déroulement du travail en équipe ainsi que la bibliographie consultée. - Le deuxième chapitre sera consacré à la partie réalisée individuellement. Nous reviendrons, dans un premier temps, sur l'approche adoptée. En un deuxième temps, sera présenté le travail réalisé. Ceci sera fait de manière synthétique, le détail étant consultable sur le site web. Enfin, dans un dernier temps, nous nous consacrerons aux acquis de cette expérience ainsi qu’aux difficultés rencontrées. - Le troisième chapitre sera l’occasion pour une analyse critique en développant les points de force du projet et les aspects qui restent à améliore. II. Le travail d’équipe Le projet a été réalisé sous la direction d'un professeur tuteur, Mr. Alexandre Dos Ramos. Le groupe comptait, au départ, six étudiants de formations différentes: - Abiboulaye Niang : animateur culturel (Sénégal) - Boubacar Thioye : animateur culturel (Sénégal) - Chayma Weslati : architecte (Tunisie) - Irene Giusti : historienne (Italie) 124 - Tania Alexandra Anica Fernandes : historienne (Portugal) - Lilian Pereira Dutra : architecte (Brésil) Cet effectif ne sera plus que cinq à partir du deuxième semestre, après que Lilian ait quitté le Master. Dans ce qui suit, seront d’abord, présentées les différentes tâches effectuées par semestre ainsi que les critères de sélection des ponts objet d'étude. Puis, une dernière partie sera consacrée aux sources bibliographiques. A. Organisation du travail 1. Au cours du premier semestre Cette étape a eu lieu à Paris. Une fois le thème choisi, des réunions ont eu lieu afin de définir les principaux objectifs du travail. A l'issue de chaque réunion, un rapport était transmis à Mr. Alexandre Dos Ramos qui, en réponse, nous orientait dans nos démarches. Lors de cette première étape, ont été réalisées les tâches suivantes: - Développement d'une analyse critique de la galerie virtuelle existante Des fiches énumérant les points forts et les axes d'amélioration du site web ont été élaborées par chaque membre de l'équipe. Leur contenu a été synthétisé dans le tableau suivant qui nous a servi, par la suite, de guide orientant nos réflexions aussi bien pour le contenu éditorial que pour l’organisation et l’esthétique du site: Aspects positifs du site existant Axes d'amélioration -Esthétique et choix des couleurs -Iconographie variée -Lisibilité et clarté du contenu -Possibilité d'interactions avec les visiteurs grâce aux espaces proposés pour des commentaires -Réorganisation des menus pour simplifier et faciliter la navigation -Indiquer.les.sources.des.éléments.iconographiques -Présenter-les.-informations-de.-façon-synthétique en remplacement les longues fiches d'inventaires proposées. -Rajouter des liens vers d'autres sites - Enrichir et réorganiser le glossaire -Rajouter une version anglaise du site pour viser un public plus nombreux et varié - Définition des critères de sélection des ponts Les ponts sont nombreux dans l'aire géographique choisie pour notre projet et plusieurs sont bien intéressants. Le choix n’était donc pas toujours aisé et il a fallu, afin de faire une sélection significative, recourir à des critères bien déterminés. Aidés par notre tuteur, nous sommes parvenus à définir les sept critères suivants: 125 - Critères proposés par le tuteur: Disponibilité d’une bibliographie: ceci est un critère primordial pour bien mener nos recherches. Chronologie: les ponts sélectionnés doivent dater de périodes différentes pour les raisons déjà évoqués dans l'introduction. - Critères proposés par les étudiants: Variété des typologies des ponts et intérêt technique: La variété doit permettre une richesse au niveau de la galerie virtuelle, elle pourrait donner lieu à une éventuelle étude comparative des ouvrages sélectionnés. D'autre part, ces derniers doivent présenter un intérêt, voire une innovation pour le milieu et/ou l’époque où ils ont été construits: par exemple au niveau des techniques de construction, des matériaux utilisés, … Type d’usage: il a été jugé préférable que les ponts soient d'usages différents: piétons, véhicules, chemins de fer, ... ; toujours dans le but de la variété et l'enrichissement de la galerie virtuelle. Impact sur l’environnement et le paysage: il est important de considérer la valeur paysagère et l'impact des ouvrages sélectionnés sur leurs milieux. Ceci doit être appuyé par la recherche d'une iconographie variée, ancienne et récente. Valeur patrimoniale: il est nécessaire de sélectionner des ouvrages ayant à travers différents aspects (symbolique, place dans le paysage local, valeur pour l’histoire da la région, originalités techniques et morphologiques, …) un intérêt patrimonial afin de répondre aux objectifs de notre projet. - Sélection des ponts En se basant sur les critères évoqués plus haut, des fiches ont été développées, par chaque membre du groupe, dont le but est de présenter un pont, ses caractéristiques et son intérêt pour le projet. Deux ponts seulement devant être choisi par pays, les différentes propositions ont fait donc l'objet de votes à la suite desquels ont été retenus le pont Charles De Gaules et le pont Alexandre III. Ces ponts permettent de répondre au mieux aux critères de sélection. Ils ont, en plus, l’avantage de présenter des différences architecturales et techniques nettes, l’un des objectifs les plus recherchés dès le départ. - Le pont Charles de Gaule offre, par son allure légère et sa structure en béton et acier, un exemple intéressant d'une architecture moderne, simple et épurée des fins du XXème siècle. Il franchit la Seine et relie les 12ème et 13ème arrondissements de Paris ; répondant ainsi à un besoin en termes de mobilité qui s'est accru avec les mutations qu’a connues cette partie de la capitale 126 française surtout avec la construction de plusieurs édifices importants (Palais Omnisports de Paris-Bercy, Bibliothèque Nationale de France, ...). La construction du pont fut décidée en 1986. Le concours, lancé en 1987, a été remporté par les architectes Louis Arretche et Roman Karasinski. Achevé, l’ouvrage est long de 207.75m et large de 35 m. Il offre une chaussée de 18m de large ainsi que des pistes cyclables et des passages piétons. L’ensemble repose sur deux piles en béton et quatre chapiteaux en acier. - Le pont Alexandre III est l’autre exemple jugé intéressant pour notre projet, notamment de par la variété des aspects que son étude permet d’aborder. Considérée comme une prouesse technique à son époque, ce pont est l'un des premiers édifices préfabriqués au monde. Ses éléments furent forgés dans les usines du Creusot et leur transfert a été assuré par des péniches et leur montage a nécessité une méga-grue. Le résultat est une arche métallique reliant les deux berges de la Seine, sur une étendue de 107m, sans support intermédiaire. Les dimensions du pont sont proportionnelles avec celles des avenues avoisinantes permettant ainsi une bonne intégration de l'ouvrage son contexte. Ce dernier devait également être plat autant que possible pour ne pas boucher les vues de part et d'autre du fleuve. De telles conditions ont nécessité des innovations techniques et constructives qui ont trouvé leur écho au niveau de l'architecture de l'ouvrage. Quant à sa décoration, le pont représente un exemple unique grâce à sa minutie et élégance. Le pont est également doté d'une forte dimension symbolique. Celle-ci est d’abord en rapport avec la célébration de l'amitié Franco-russe. Mais il s’agit aussi d’un projet prestigieux dont la construction a été liée à l'exposition universelle de 1900. Plus d'informations et de détails sur les deux ouvrages sont fournis dans la galerie virtuelle. - Répartition des tâches Suite aux orientations du professeur tuteur, une répartition des tâches a eu lieu. Elle s'est déroulée comme suit: - Insertion des données: Tania et Chayma - Rédaction: Irène et Abiboulaye - Recherche bibliographique: Boubacar - Prise et sélection des photos: Lilian Vers la fin du premier semestre, notre bilan nous a permis de noter que l’organisation retenue n’était pas aussi efficace qu'on le souhaitait. Les recherches bibliographiques ne se sont pas déroulé dans le temps prévu, ce qui causé un retard dans la phase rédaction et par conséquent l'insertion des données dans le site internet. Il ne s’agit pas, pour autant, de mettre ce retard sur la responsabilité du seul membre chargé de la bibliographie. C’est en fait davantage la conséquence d’une insuffisance au niveau des échanges entre les différents membres encore sans expérience suffisante pour ce type de travail, chacun ayant plutôt travaillé isolé sur la tâche qui lui revient. On en a, en tous cas, tiré des enseignements pour les semestres suivant. 127 2. Au cours du deuxième semestre - Réattribution des tâches Nous sommes à Padoue. Tirant leçons de la première expérience de Paris, l'organisation du travail et l'attribution des tâches ont été reconsidérées. Lors d’une première réunion, une évaluation du premier semestre a eu lieu dans l'objectif de surpasser les problèmes d'organisation rencontrés. Il a été alors décidé de répartir les tâches de façon à créer plus d'interaction et de collaboration entre les différents membres de l’équipe: - Insertion des données: Tania - Choix du pont I+ bibliographie: Abiloulaye et Bubacar Irène et Chayma - Choix du pont II + bibliographie: Irène et Chayma Cette nouvelle organisation a permis plus de concertations entre les membres chargés de la rédaction et de la recherche bibliographique. Des réunions ont également continué à être organisées et supervisées par notre professeur tuteur. - Choix et critères de sélection Les principaux critères de sélection adoptés pour cette étape n'ont pas beaucoup différé de ceux du premier semestre. Ils se rapportent toujours à la dimension patrimoniale des ouvrages ainsi que leurs caractéristiques architecturales et techniques. L’étude des ponts sélectionnés doit également nous permettre une meilleure connaissance des concepteurs et leurs écoles. Pour cette étape, et tout comme à Paris, deux ponts ont été sélectionnés: le pont degli Alpini et le pont de l'Académie. - Le pont degli Alpini, proposé par Boubacar et Abiboulaye, est situé à Bassano del Grappa à Vicence. Ce pont qui franchit le fleuve de Brenta, fut construit en bois pour la première fois en 1209 par Gerardo Maurisio. Il s'agit d'un ouvrage unique de par son architecture en bois et sa parfaite intégration dans son environnement. Malgré les nombreuses interventions et reconstructions dont il fait l’objet suite aux différents événements vécues par la ville, il a réussi à garder ses caractéristiques d'origine et son cachet architectural typique. Suite à un effondrement causé par une importante crue, survenue en 1567, Andrea Palladio fut chargé de sa reconstruction. L'architecte, tout en respectant les caractéristiques architecturales d'origine et la dimension historique, apporta des solutions techniques et structurelles afin de renforcer la stabilité de l'ouvrage. Ce dernier a effectivement réussi à résister pendant environ deux siècles avant de s'effondrer à nouveau suite à une nouvelle crue en 1748. Depuis, il a connu plusieurs événements menant soit à son endommagement soit à sa destruction totale. Mais il a toujours été reconstruit selon le modèle Palladien. Il se présente aujourd'hui comme un élément architectural authentique et de grande valeur patrimoniale. Une présentation plus détaillée est publié sur le site web. - Le pont de l'Académie, proposé par Irène et moi même, est situé à Venise. Cet ouvrage a connu, lui aussi, une évolution intéressante à travers deux étapes marquantes qui seront développées dans le troisième chapitre consacré à la partie réalisée individuellement. 128 3. Au cours du troisième semestre Nous sommes à Evora. La même organisation adoptée au cours du 2ème semestre a été gardée. Les réunions avec notre tuteur ont été moins fréquentes qu’au cours des deux semestres précédents ; mais ceci ne nous a pas empêchés de nous rencontrer de façon régulière. Toutefois, nous avons continué à approfondir notre réflexion sur le sujet. Nous avons également tenu, profitant de la bibliographie disponible et des données du terrain, à adapter nos critères de sélection à notre nouvel environnement, à savoir le Portugal. C’est ainsi qu'on a décidé d’enrichir ces critères en considérant celui des transferts technologiques entre les écoles et les pays et leur écho dans les ouvrages étudiés. Deux ponts ont été alors intégrés à la liste: le pont D.Maria Pia et le pont 25 Avril - Le pont D.Maria Pia, proposé par Boubacar et Abiboulaye, est un viaduc ferroviaire franchissant le Douro à Porto et conçu par Gustave Eiffel et Théophile Seyrig dans le cadre d’un concours lancé, en 1857, par la compagnie portugaise royale des chemins de fer. Inauguré en 1877, il n’a pas manqué de retenir l’attention. Ceci, il le doit à la place qu’il occupe dans le paysage par sa structure métallique imposante mais aussi par une technologie adoptée qui a permis à la fois une grande économie au niveau des moyens de construction ainsi qu’une bonne adaptation aux contraintes du site. Devant relier les deux rives d'une rivière caractérisée par un flux rapide, une profondeur importante pouvant atteindre les 20m et un fond peu ferme à cause de sa nature graveleuse, le pont ne pouvait avoir de supports dans la partie utilisée par les eaux. La forme en arche métallique fut donc adoptée. Ainsi, avec une portée principale de 160m, le pont est supporté par des piliers de part est d'autre de la rivière. Ceci en a fait le pont qui a la plus grande travée au monde à l'époque. D’un autre côté, la construction fut une occasion pour mettre en œuvre les dernières innovations en termes de construction et d'ingénierie. Etant donné qu'il est impossible d'avoir recours aux étaiements, l'arche principale fut construite progressivement du côté des rives, en l'attachant à des câbles accrochés au tablier. Enfin, par son allure et architecture, le pont s'intègre harmonieusement dans son cadre en permettant de garder une vue dégagée sur la rivière et ses bords. On retient également que ce pont est souvent décrit comme un ouvrage à caractère extraverti. Car, il témoigne de transferts de technologie et porte l’empreinte de la présence de l’entreprise française Eiffel au Portugal au cours du XIXème siècle. Cette société avait déjà une expérience dans les constructions métalliques. Précisons enfin, que ce pont qui a fonctionné durant 114 années et qui fut désigné en 1982 comme un monument national par l'IGESPAR (the Institute for the Management of Architectural and Archaeological Heritage, a federal agency), fut fermé en 1991 et remplacé par le pont de São João. Ce sont là autant d’éléments qui nous ont paru faire de cet ouvrage une vraie prouesse technique et auxquels nous ne pouvions pas être indifférents. Plus de détails sont disponibles sur le site web. - Le pont 25 Avril, proposé par Irène et moi même, est situé à Lisbonne. Il nous a paru constituer un exemple très intéressant de par son importance à l'échelle du pays ainsi que sur le plan urbain, 129 architectural et technique. Une présentation sera donnée dans le chapitre suivant consacré au travail individuel. B. Bibliographie Depuis les premières semaines du premier semestre, une séance d'initiation à la recherche bibliographique nous a été consacrée. Les moteurs de recherche présentés permettent la consultation, en ligne, de certains documents et le repérage de nombreuses références (livres, thèses, revues...) dans les bibliothèques. De plus, et à chaque fois que l’occasion se présentait, nos professeurs nous prodiguaient des conseils complémentaires pour nous aider à mieux profiter de ces outils et pour nous rappeler l’existence d’autres, ceci étant fondamental pour des étudiants qui se préparent à la recherche scientifique. Nous n'avons pas bénéficié du même type d’initiation à Padoue et à Evora. Mais, on était déjà assez bien armé grâce au premier semestre. Le travail bibliographique nous est devenu assez familier et on trouvait plus d'aisance à demander de l'information directement auprès de nos professeurs. En ce qui concerne les sources, nous nous sommes basés, en premier lieu, sur les ouvrages disponibles dans les bibliothèques des villes que nous avons fréquentées durant le Master. Une place a été également occupée par des ouvrages consultables en ligne. - Pont Alexandre III, Paris, France - Ouvrages: JOLIN, Jean-Louis, Le pont Alexandre III et les ponts de Paris, Metz : Serge Domini Editeur, 2014. LEVY, Maurice, Contribution à l'étude du projet du pont Alexandre III, Paris: Imprimerie nationale, 1896 ; 1 vol. PLUM, Gilles, Les palais des Beaux-Arts et le pont Alexandre III : un ensemble architectural et urbain en 1900, entre éclectisme et renouveau classique (thèse), Université Paris-Sorbonne, 1995. - Webobraphie http://www.lcpc.fr/english/information-sources/lcpc-bridges-of-paris/ http://www.pariswater.com/ponts/p_alex.htm http://www.planete-tp.com/article.php3?id_article=98 http://www.lrmh.fr/Metal.html - Pont Charles de Gaulle, Paris, France PORRIN, Jean-Marie, MILLER, Michel, MONTHIOUX, Jacques, XERCAVINS, Pierre, CART, Pierre-Denis, ESPADA, Jean-Luc, EPINOUX, Jean-Pierre, DE MALHERBE, 130 François-Xavier, HONORAT, Christian, FUCHS, Jacques, HURE, Jean-Michel, «le pont Charles de Gaulle à Paris», in Bulletin ponts métalliques N°18, 1996, p. 5-62. - Pont degli Alpini, Bassano del Grappa, Vicence, Italie BRENTARI, Ottone, Guida storico-alpina di Bassano, Sette Comuni (rist. anast. Bassano, 1885), Forni, 1996. Guide à la découverte de Bassano del Grappa, divers auteurs, Bibliothèque de Déméter, 1997. LE MUET, Pierre, Traité des cinq ordres d'architecture dont se sont servi les anciens, traduit du Palladio, Amsterdam, H. Wetstein, 1682. PERBELLINI, G.,RODEGHIERO, F., Città murate del Veneto, Cierre Edizioni, 2011. Scapin Carla Alberta, «Ponte vecchio bridge in Bassano: An historical excursus», in Proceedings of the First International Congress on Construction History, Madrid, 20th24th January 2003. - Pont de l'Académie, Venise, Italie DE MIRANDA, Mario, BARBISAN, Umberto, POGACNIK, Marko, SKANSI, Luca, Bridges in Venice - Architectural and Structural engineering aspects (http://www.iuav.it/Ricerca1/ATTIVITA-/aree-temat/costruttiv/arte-delc/materiali/iabse/iabse-scalzi.pdf). DE MIRANDA, Mario, BARBISAN, Umberto, POGACNIK, Marko, SKANSI, Luca, considerations on the Accademia Bridge in Venice (http://www.iuav.it/Ricerca1/ATTIVITA-/aree-temat/costruttiv/arte-delc/materiali/iabse/iabse-accademia.pdf). LUPO, Giulio, «Neville e i suoi ponti in ferro sul Canal Grande di Venezia: innovazioni tecnologiche, affari e trasformazioni urbane», in La cultura architettonica nell’età della Restaurazione, a cura di G.Ricci, G. D’Amia, Mimesis, Milano 2002, pp.1-20. MANCUSO, Franco, Venezia è una città. Come è stata costruita e come vive, ed. Corte del Fontego, Venezia, 2009. POPULIN, Elisabetta, Il ponte dell’Accademia a Venezia, Venezia, 1843-1986, il cardo 1989. 131 - Pont Donna Maria Pia, Porto, Portugal - Ouvrages EIFFEL, Alexandre-Gustave, Mémoire Présenté à L’Appui du Projet Définitif du Viaduc de Garabit, Paris : Librairie Polytechnique, Baudry & Cie., éditeurs, 1889. SEYRIG, Théophile, Le Pont sur le Douro à Porto, Paris : impr. de E. Capiomont et V. Renault, 1878. THRALL, Ashley, P., BILLINGTON, David P., BREA, K.L., «The Maria Pia Bridge: A Major Work of Structural art», in Engineering Structures 40, 2012, 479-486. -Webographie http://www.iesf.fr/upload/pdf/dossier_ponts_viaducs.pdf http://structurae.info/ouvrages/pont-maria-pia - Pont 25 Avril, Lisbonne, Portugal - Ouvrages BOUCHET, André, «Le pont Salazar, sur le Tage, à Lisbonne, pont suspendu le plus long d'Europe», in La Technique des Travaux, mars 1967, n. 3-4 v. 43. BOUCHET, André, «Le pont Salazar, sur le Tage, à Lisbonne, pont suspendu le plus long d'Europe», in La Technique des Travaux, mars 1967, n. 3-4 v. 43. Le pont Salazar, Ministério das Obras Públicas, Gabinete da Ponte sobre o Tejo, Lisboa : GPST, 1966. MUZEAU, Jean-Pierre, Rénovation du pont du 25 avril sur le Tage à Lisbonne, in "Bulletin ponts métalliques, n°21, 2002. - Webographie http://baybridgeinfo.org/history http://structurae.info/ouvrages/pont-du-25-avril III. Le travail réalisé individuellement Ce chapitre est consacré à la présentation de la partie réalisée individuellement. Il s'agit, pour le premier semestre, d'un travail de réorganisation et de développement de la galerie virtuelle. Pour les deux derniers semestres, il s'agit d'une étude des aspects en rapport avec l'architecture, la structure et l'intégration urbaine et paysagère des ponts de l'Académie et du 25 Avril. D'autres aspects, notamment en rapport avec les écoles d'ingénierie et les transferts technologiques et 132 scientifiques ont été développés par Irène Giusti. Le tout se complétant, a été publié sur le site web. A. Au cours du premier semestre Au cours du premier semestre, Tania Fernandes et moi même étions chargées de l'insertion des données sur le site web. En un premier temps, et en se basant sur les critiques développées par rapport au site de départ réalisé par la promotion V, une nouvelle maquette a été développée dans le but de: - Clarifier le contenu et les objectifs de la galerie virtuelle dès la page d'accueil: rappeler la structure du Master, préciser le cadre du travail, ... - Réorganiser les menus et rajouter des liens afin de permettre une navigation plus aisée entre les différentes pages. - Améliorer l'ancienne organisation du site qui se basait sur de longues fiches d'inventaires. Notre objectif était plutôt d'éviter cette configuration qui nous paraissait trop statique et non adaptée à une galerie virtuelle. Les éléments graphiques et les textes fruits de nos propres recherches ont été donc mis en valeur. La maquette a trouvé par la suite son application directe sur le site web. B. Au cours du deuxième semestre 1. Approche adoptée Au cours de ce semestre, j'étais chargée, avec Irène Giusti, d'étudier un pont situé en Italie. Le choix s'est fait sur celui de l'Académie à Venise. Outre le fait qu'il répondait aux différents critères établis et évoqués plus haut, cet ouvrage a connu deux versions, ce qui donne l'occasion d'étudier deux approches constructives et architecturales différentes et d'estimer leurs impacts respectifs sur un même site. Dans ce travail, nous avons eu recours aux ouvrages disponibles dans la bibliothèque de l'Université IUAV de Venise ainsi que des publications sur internet. Les paragraphes suivants seront l'occasion de donner une présentation générale du pont et d'aborder, de façon synthétique, les aspects développés de façon individuelle. L'ensemble du travail, en plus de celui réalisé par Irène figure avec plus de détail dans la galerie virtuelle. 2. Etude du pont de l'Académie, Venise Venise, ville portuaire située au Nord-est de l'Italie, est constituée d'un ensemble de 118 îles agencées autour d'un réseau de canaux et connectées par des ponts dont le pont de l'Académie. Celui-ci permet de franchir le Grand Canal et relie le Campo de San Vidal au Campo de la Carità. Il fut construit, dans sa première version, en 1852, par l'ingénieur Alfred Neville. En 1932, il a été repris par l'ingénieur Eugenio Miozzi. 133 - Raisons d'être et contexte urbain Le XIXe siècle a marqué, en Italie comme en l'Europe, le début d'une grande transformation urbaine et territoriale. Venise, étant alors sous domination autrichienne, a connu, à son tour, ce genre de transformations qui étaient, en plus, accompagnées de l'émergence de nouvelles technologies industrielles et de construction. Les travaux de réaménagement et de requalification urbaine avaient non seulement porté sur l'immobilier et l'asainissement, mais également sur la facilitation d'accès aux différentes parties de la ville. L'idée était aussi de faire sortir Venise de son isolement par rapport au continent ainsi que du polycentrisme fonctionnel qui l'avait toujours caractérisée. C'est ainsi qu'a été identifiée la zone de San Marco, Rialto, San Polo et la Salute, traversée par le Grand Canal comme centre ville. De plus, entre 1830 et 1848, un projet visant à faciliter la circulation piétonne entre les différentes parties de la ville fut entreprit. Il s’ést basé sur l'enterrement de cerains canaux ainsi que la construction et la restauration de plusieurs ponts. La construction du pont ferroviaire translagunaire, entre 1841 et 1846, reliant Venise au continent, fut un tournant, non seulement sur un plan politique, économique et social, mais aussi sur un plan spatial et a engendré de nouveaux chagements urbains. Plusierus projets de taille ont vu le jour grâce au nouveau pont. C’est le cas de la gare ferroviaire de Santa Lucia créée dans la même année de l'inauguration du pont ferroviaire et qui va, dans les années suivantes, permettre de libérer la zone de San Marco du trafic maritime pour lui conférer une vocation plutôt commerciale et touristique. C'est le cas aussi de deux nouveaux ponts construits par Alfred Neville pour traverser le Grand Canal et fluidifier la circulation piétonne. Il s'agit du pont degli Scalzi reliant le sestiere de Cannaregio à celui de Santa Croce et du pont de l'Académie, retenu pour notre travail, reliant le sistiere de San marco à celui du Dorsoduro. - Une première version par Alfred Neville Mesurant 50m de longueur sur 7m de large, le pont est formé d'une poutre métallique en treillis. Il constitue, à l'image d'autres ponts réalisés par Alfred Neville en Angleterre, en Autriche et en France, une véritable innovation technique, dans le cadre vénitien qui n'a connu jusqu'alors, que des ponts en bois ou en pierre. La réalisation du pont, qui a commencé en 1852 et qui devait s'achever deux ans plus tard, s'était prolongée jusqu'à 1859. La construction a été ralentie pour différentes raisons. Ces dernières étaient d’abord en rapport avec les engagements qu’avait Neville envers d'autres projets de constructions en Europe. Mais elles tiennent aussi à des controverses au sujet de la surélévation du pont par rapport au niveau de l'eau ainsi que sa décoration qui selon certains n'était pas adaptée au cadre Vénitien. A tout cela s'ajoute le fait que les éléments de l'ouvrage étaient construits à l’étranger. 134 Figure 1: Le pont de Neville dans son environnement (Fondo Fotografico Giacomelli in Populin E., 1989). Cependant, et bien qu’ayant permis de répondre aux besoins des Vénitiens en termes de mobilité, le pont n’a pas été sans poser quelques problèmes. L’un de ces derniers était en rapport avec la stabilité de l’ouvrage, et ce à cause de ses poutres jugées insuffisamment dimensionnées. D’un autre côté, le fait d’opter pour un tablier plutôt horizontal qu’arqué n’a pas permis d'avoir une hauteur pratique au dessus du niveau de l'eau. N’étant que de l'ordre de 4.2m seulement, la hauteur du pont s’est avérée non adaptée au trafic maritime dans le Grand canal en période de haute marée. Les bateaux, et notamment les vaporetti ne pouvant pas passer à tout moment, les passagers étaient donc contraints à des transferts d'un bateau à l'autre. Précisons enfin, que durant 80 ans de service, le pont a souvent nécessité des opérations d’entretien couteuses. Dans les années 1930, il était déjà bien affecté par la corrosion due au climat et à l'environnement Vénitien ; ce qui a posé de vrais problèmes de stabilité et de résistance mettant en danger la sécurité des usagers. Il fut donc déclaré précaire et la zone de passage était réduite à seulement 1m de large afin de pouvoir contrôler la structure et sa stabilité. - Une deuxième version par Eugenio Miozzi En plus des problèmes structurels évoqués plus haut, le pont de l'Académie, dans sa première version, n'a jamais été pleinement accepté par les Vénitiens. Il a souvent été perçu comme un corps étranger et mal intégré dans le contexte local. En juillet 1930 et suite à de nombreuses études et discussions, trois solutions ont été avancées pour résoudre les problèmes qui se posaient notamment ceux en rapport avec la stabilité. La première consistait à construire un tunnel en béton armé sous le grand canal pour remplacer le pont délabré. Cette proposition trouva une forte opposition et fut abandonnée car elle présentait l’inconvénient de ne pas permettre de profiter du paysage remarquable qu’offre le grand canal. Les deux autres propositions étaient une restauration du pont Neville ou bien son remplacement par un nouveau pont. C’est la dernière qui fut choisie. 135 L'ingénieur italien Eugenio Miozzi fut chargé de la construction d'un pont temporaire en attendant la construction d'un pont permanent. Il proposa donc un pont à travée libre de 48m d’ouverture. La structure était composée de deux nervures en bois, arquées et en treillis. Elles furent assemblées par un système de poutres réticulaires en bois, des plaques métalliques et des boulons. Les fondations ont été réalisées en béton et insérées au sol par le biais de pieux en bois, une solution innovante, typique de Venise et bien efficace car elle permet d'éviter tout affaissement important. Les travaux n'ont pas duré longtemps. L'assemblage n'a duré que quelques jours et a eu lieu entre le 10 décembre 1932 et le 15 janvier 1933. Le pont temporaire fut testé le 15 févier 1933 pour être inauguré le 19 février 1933. Figure 2: A gauche, plan d'insertion du pont de Miozzi dans son environnement (indiqué par la flèche rouge) à côté du pont de Neville qui a été par la suite démonté (indiqué par la flèche bleue). A droite, coupe montrant les fondations en béton et pieux en bois (indiqués par la flèche noire) et le principe structurel du pont (AMV 1931-35, X 2/3 in Populin E., 1989). Figure 3: Vue montrant le pont de Miozzi dans son environnement et la poutre métallique de l'ancien pont de Neville transportée en bateau après son démantèlement (Fondo Fotografico Giacomelli in Populin E., 1989). 136 - La vie du pont Le pont de Miozzi, conçu au départ pour être provisoire, a fini par continuer d'exister jusqu'à nos jours. Mais, construit presque à la hâte si on considère la durée très courte des travaux, il a nécessité de nombreux travaux de maintenance et d’amélioration. Les premières interventions ont eu lieu sept mois seulement après son inauguration. Elles ont consisté en des travaux de maintenance des gradins et de revêtement du sol ainsi que d’adoption d’une main courante de sécurité en plus de la vérification et le maintien de la structure. En 1948, d’autres travaux d’entretien ont eu lieu suite à la dégradation de plusieurs parties de l’ouvrage. Quatre arches en acier ont été montées pour consolider la structure initiale en bois. Cette combinaison bois/métal a permis au pont de continuer à exister jusqu’à nos jours. Mais les signes de faiblesse n’ont pas totalement disparu. C’est ainsi que des travaux de renforcement, par des épingles et bielles transversales, ont été entrepris de 1963 à 1965 et d’autres travaux de restauration se sont imposés en 1983 et 1984. Une telle situation se comprend du moment où il s’agit d’un ouvrage qui n’était pas fait pour durer ; un ouvrage provisoire en attendant la construction du vrai nouveau pont. Mais celle-ci ne semble pas pour bientôt même si l’idée n’a pas été abandonnée. En effet, un premier concours fut lancé le 24 mars 1932. Le projet retenu par la Commission désignée par la ville de Venise et considéré répondre aux critères techniques et architecturaux établi fut celui de l’équipe associant l’architecte Duilio Torres (qui fut aussi l'architecte du Pont de l'Arsenal et du Pont dei Giardini), l’ingénieur Ottorino Bisazza et le sculpteur Antonio Marini. Mais ce projet offrant une structure franche et élégante et respectant l’environnement Vénitien n'a pas été concrétisé. En 1983, un projet de pont en verre a été proposé par le sculpteur Luciano Vistosi. Une étude de faisabilité a été réalisée et un modèle fut même présenté à l'Exposition japonaise Tsukuba de 1985. Mais c’est, encore une fois, un projet non concrétisé. Figure 4: Photo-montage montrant le pont gagnant du concours de 1932 dans son environnement (Biblioteca del Museo Civico Correr, Venezia in Populin E., 1989). Il semble donc que ce pont en bois va continuer à exister pour un autre bout de temps. Son utilité est en tout cas indiscutable. Il la doit à son emplacement et au service qu’il rend aux visiteurs et habitants de la ville. Le nombre de personnes qui l’utilisent quotidiennement, évalué à plus de 137 1500 selon une étude portant sur les ponts de Venise réalisée en 1998, en est un témoignage bien parlant. - Quelle valeur patrimoniale? En plus de sa valeur intrinsèque liée surtout à son histoire ainsi qu’aux techniques utilisées dans sa construction et qui ont privilégié, comme noté plus haut, le bois et l’adaptation à la nature du sol, ce pont présente bien des aspects qui lui permettent de bénéficier d’un intérêt patrimonial. L'ouvrage donne au piéton non seulement l’occasion de traverser l’un des plus importants canaux de Venise mais aussi, grâce à sa hauteur, l’occasion de dominer un espace relativement étendue et de profiter d’un paysage remarquable. Depuis le sommet de sa voûte on peut apercevoir certains des plus beaux monuments de la ville dont le Palais des Doges et la Basilique Santa Maria della Salute. Mais l’ouvrage tire également son importance du fait qu’il assure la liaison entre deux parties de Venise parmi les plus chargées en histoire et qui comptent de nombreux palais et monuments historiques. C. Au cours du troisième semestre 1. Approche adoptée La même méthode de travail qu’au cours du deuxième semestre a été adoptée à Evora. En travaillant par équipe de 2, Irène et moi avons choisi d'étudier le pont 25 Avril situé à Lisbonne. Pour ce qui est de la recherche bibliographique, nous avons fait recours aux publications scientifiques consultables sur internet ainsi que les ouvrages disponibles dans la bibliothèque nationale de Lisbonne. Dans ce qui suit, sera présentée, de façon synthétique, la partie réalisée individuellement et qui est en rapport avec les aspects structurels et architectoniques du pont ainsi que son impact sur le paysage. 2. Etude du pont 25 Avril, Lisbonne - Raison d'être et contexte urbain Le pont 25 Avril se situe à Lisbonne, capitale portugaise traversée par le Tage, le fleuve le plus long de la péninsule ibérique et qui se jette dans l'océan Atlantique du côté ouest de la ville. Cette dernière a été pour longtemps marquée par une croissance inégale et déséquilibrée de son espace urbain et périurbain: tandis que sa partie nord se caractérisait par l’existence des plus grandes concentrations d'activités et de population, sa partie sud était relativement peu peuplée et présentait plus de disponibilités territoriales. La construction du pont 25 Avril s'inscrivait donc dans une politique, adoptée depuis la deuxième moitié du XXème siècle, visant le développement d'infrastructures reliant les deux rives du fleuve. Cet ouvrage doit ainsi assurer une liaison rapide et continue remplaçant les réseaux de ferry-boats lents et vulnérables aux intempéries. Sa réalisation visait aussi à aider à mieux exploiter la Péninsule de Setúbal et à y encourager la création de nouvelles agglomérations urbaines ainsi que le développement d'activités industrielles. 138 Mais si la construction du pont n'a été officiellement décidée qu'en 1958, l’idée est bien plus ancienne. Relier les deux rives du Tage a, en effet, constitué une aspiration depuis au moins le XIXème siècle. L'ingénieur Miguel Pais fut le premier à proposer, en 1876, la création d’une liaison routière et ferroviaire entre Grilo et Montijo. Mais la proposition n’a pas eu de suite pratique malgré le fait qu’elle a bénéficié d’un soutien de la part de l'opinion publique et de plusieurs ingénieurs. Parmi ces derniers figure l'américain Lye qui proposa, en 1888, une liaison entre Tesourou Velho et Almada. Les ingénieurs français Bartissol et Seyrig ont, à leur tour proposé, en 1989, un pont constitué d'une série d'arches reliant Almada à Rocha do Conde de Obidos. Toutes ces propositions ont contribué à faire évoluer la conscience publique concernant l'importance de la question. Le couronnement de ces efforts était le lancement, en 1933, d'un concours public pour la construction d'un pont mixte reliant Beato et Montijo. Le concours a malheureusement été annulé car aucun des projets présentés ne répondait aux exigences du cahier des charges. - Le lancement d'un concours international Le 16 juin 1953, les ministères des travaux publics et des communications nommèrent conjointement une commission chargée de l'étude d’un projet de liaison entre Almada et Lisbonne. Cette commission était composée de plusieurs ingénieurs et spécialistes en génie civil et en urbanisme ainsi que des représentants des municipalités de Lisbonne et d'Almada et des ports de la région. Elle mena un travail important en vue d'examiner tous les aspects permettant d'évaluer la viabilité technique et financière du projet: planification spatiale, géologie et géotechnique, rentabilité technique et financière pour la région de Lisbonne et le pays,... Le 25 novembre 1958, la construction d'un pont mixte pour la circulation routière et ferroviaire fut approuvée par l'assemblée nationale et incluse dans le plan du développement économique. Un concours public international fut donc lancé le 27 avril 1959. La réalisation du projet nécessitait de grands investissements techniques et financiers. En effet, le pont doit franchir une distance de l'ordre de 2 km. D'autre part, les berges du fleuve sont basses et inondables ; contraintes auxquelles s'ajoute le fait que le lit soit essentiellement constitué d'alluvions et que le sol dur et stable se trouve à des profondeurs importantes. Il a été d'ailleurs, jugé utile que le Cabinet du pont sur le Tage et un groupe de techniciens hautement qualifiés mènent des études théoriques approfondies dans le but d’être mieux averti des conditions et des exigences du site. Ceci devait préparer à une évaluation plus fondée des propositions des candidats et aider à une meilleure définition du plan général ainsi que des caractéristiques techniques auxquelles doit obéir l'ouvrage. Le concours a donné lieu à quatre propositions. Celle du pont suspendu, proposée par l'United States Steel Export Company, fut adjugée de façon provisoire. Outre le fait qu'elle offrait la possibilité de créer une circulation mixte, routière et ferroviaire, elle prévoyait une réalisation de l'ouvrage dans des délais plus courts que celles donnés par les autres offres. De plus, elle émane du concurrent qui a le plus d’expérience dans le domaine de construction des ponts métalliques, qui s’est engagé à revoir son avant-projet à la lumière des remarques de la commission du concours et qui a promis un financement extérieur assurant la couverture des frais de réalisation de l’ouvrage. Une fois les modifications apportées, répondant à l’avis de la commission, le projet 139 fut adjugé définitivement le 9 mai 1962 par le Conseil Supérieur des Travaux Publics. La construction commença le 5 novembre de la même année. Les travaux étaient tellement bien planifiés que le pont a été ouvert au public le 6 août 1966 ; soit 6 mois avant la date prévue. - Caractéristiques architecturales et structurelles Tours principales Câbles porteurs Viaduc d'Alcântara Poutre de rigidité Pilier de la rive Sud Figure 5: Le pont 25 Avril tel qu'il se présente aujourd'hui (http://structurae.info/ouvrages/pont-du-25-avril). - La poutre de rigidité est continue et a une longueur de 2277.64m. Sa largeur et sa hauteur sont respectivement de 21m et de 10,65m. Elle est soutenue par des tours de 190.47m de haut, des câbles et des suspentes. Sur sa face supérieure, repose un tablier routier composé de 6 voies de circulation. Sa partie inférieure accueille une double voie ferrée (fig. 6). La continuité de la poutre aidait à réduire les Figure 6: Coupe schématique sur la poutre de rigidité (Ministério das Obras déformations engendrées Públicas, Gabinete da Ponte sobre o Tejo, Le pont Salazar, 1966). par le passage des véhicules et les coûts de construction. Les parties les plus sollicitées ont été fabriquées en acier caractérisé par une grande élasticité. D’un autre côté, et considérant que la longueur importante pouvait favoriser des dilatations et contractions sous l'effet des changements 140 de température, il était nécessaire de recourir à un système de joints capables d'amortir les effets d’éventuels changements. - Les tours principales ont été implantées à près d'un demi kilomètre des berges du fleuve et sont séparées, l'une de l'autre, par une distance de 1013m. Leurs fondations sont métalliques et construites en plein fleuve accrochant une couche basaltique situées à 92.5m de profondeur, sous une importante couverture de sable (30m) et de graviers (30m). A tout cela, s'ajoute la couche d’eau, épaisse de 32,5m. La réalisation de ces fondations a nécessité un système de caissons ouverts. Il s'agit de moules métalliques perdus fabriquées, en un premier temps, sur le rivage et ancrés par la suite, dans le lit du fleuve, au fur et à mesure qu'on les remplit de béton. Afin de faciliter leur enfoncement dans le matériel géologique de surface, ces structures ont été dotées d’une forme tranchante au niveau de leur partie inférieure. Figure 7: Dessin schématique expliquant le principe constructif des fondations des tours (Ministério das Obras Públicas, Gabinete da Ponte sobre o Tejo, Le pont Salazar, 1966). - Le viaduc d'Alcântara s’inscrit dans le prolongement du pont du côté de la rive nord. A la première proposition présentée par l'adjudicataire et qui consistait à réaliser une structure métallique, on a préféré une structure en béton. Les piliers du viaduc furent alors construits en béton armé et le tablier en béton précontraint. Ce dernier supporte une structure métallique pour recevoir la voie ferrée. Les piliers, dont la hauteur atteint 10m, ont été construits en utilisant des moules à coulisses. A son tour, le tablier fut construit par section de 3.65m en utilisant des coffrages suspendus qu'on déplaçait au fur et à mesure que les travaux avançaient. Le résultat est un viaduc peu encombrant dans un contexte urbain caractérisé par l’importance de ses activités et la densité de sa population. - Les piliers de rives: Le pilier métallique situé du côté de la rive sud repose sur des fondations en béton armé de 57m de profondeur encastrées de 1.7m dans la couche basaltique. Le pilier de la rive nord est construit en béton armé et constitue un appui, à la fois, pour le pont suspendu et 141 pour le viaduc de Alcânara. Des câbles lui sont intégrés et la profondeur des fondations n’est pas constante (de 7 à 34m) vu que la nature du sol est très variable. - Les câbles porteurs: La poutre de rigidité est suspendue à deux grands câbles fixés aux tours et piliers précités. Chaque câble fait 58.6cm de diamètre et est constitué de 11248 fils en acier galvanisé de 5mm d'épaisseur chacun. - L’importance de l’intégration du pont dans son cadre Le côté esthétique était également une priorité de premier ordre. Des simulations et des photos montages ont été réalisées en vue d'étudier l'intégration de l'ouvrage dans le paysage. Une dizaine de couleurs furent donc essayées et la discussion a impliqué des artistes et des critiques de l'art. Le choix a été fait sur le rouge-orange qui s'intègre harmonieusement dans le cadre général. La volumétrie a aussi fait l'objet de plusieurs études afin de répondre au mieux aux paramètres structurels et constructifs et aux données topographiques du site. Avec son image finale, le pont se présente aujourd'hui comme un élément enrichissant du paysage et comme une icône dans la ville de Lisbonne. D. Des contraintes mais surtout des acquis et des enseignements - Au cours du premier semestre Les cours d'informatique dispensés dans le cadre du Master ont été d'un grand apport . Ils ont complété ma formation de base, par des connaissances utiles à la fois pour le projet ainsi que pour l'avenir. D'un autre côté, Les différences culturelles et de formations des membres de l’équipe ont permis un enrichissement des idées, mais ceci n’était pas immédiat. Le passage réel au travail a nécessité du temps. Ce dernier n’a pas été, heureusement, long ; la leçon a été tirée relativement vite ; ce qui a d’ailleurs permis de mieux avancer à partir du deuxième semestre. Si bien, qu’en somme, le premier semestre nous a paru constituer davantage une phase de découverte, voire de tâtonnement parfois. C’était aussi une étape importante pour l’acquisition d'une nouvelle méthodologie de travail ainsi que de nouvelles compétences. - Au cours du deuxième semestre Les cours de la langue italienne m'ont permis une ouverture importante sur les ouvrages traitant du thème. Aidée par ma collègue Irène, qui est italienne, la contrainte de la langue ne s'est pas réellement posée. D'un autre côté, durant ce semestre je me suis sentie plus impliquée dans le travail de recherche, ceci a été d'un grand apport pour mes travaux personnels, notamment le projet de mémoire. D'un autre côté, et comme évoqué plus haut, le sens de l'échange et de la coopération, chez les membres de l’équipe, s'est développé en comparaison avec le premier ; ce qui s’est répercuté sur le rythme et la qualité du travail. De plus, nous avons tiré profit de notre présence à Padoue pour avoir plus de contact avec nos professeurs et profiter de leurs conseils quant aux choix des ponts et l'accès à la bibliographie. Les différentes visites de terrains, notamment à Venise dans le cadre des séminaires, nous ont permis de repérer les ponts qui nous ont paru répondre aux exigences de 142 notre projet. Si notre choix s’est fait sur cette ville c'est parce qu'elle compte plus de 400 ponts et qu’elle se situe à seulement 40 Km de Padoue où nous étions basées. Ceci avait l’avantage de multiplier le contact direct avec le terrain ; même en dehors des séminaires. C’est ainsi que fut sélectionné le pont de l'Académie. Tout cela nous a fait gagner beaucoup de temps et nous a permis de finir le travail dans les délais et le publier sur le site à la fin du semestre. - Au cours du troisième semestre La langue a été la principale contrainte, notamment au niveau de la recherche bibliographique. Les cours de langue n'ont commencé qu'en octobre et nous n'avons malheureusement pas pu acquérir toutes les compétences nécessaires pour une exploration rapide et facile des ouvrages disponibles. Mais là intervient l'intérêt du travail en groupe ; Tania, portugaise, était toujours disponible pour aplanir les difficultés. D'un autre côté et contrairement au semestre passé en Italie, où plusieurs séminaires, animés principalement par des architectes et traitant du patrimoine industriel et architectural, les cours que nous avons suivis à Evora ont traité de sujets sans lien aussi directs avec le thème du projet tutoré. Mais nous n’avons pas vu en cela un aspect négatif. Ça a été plutôt une occasion pour compter sur nous mêmes dans nos choix et être plus responsables et autonomes. En effet, grâce aux mois déjà passés au sein du Master TPTI, nous sommes devenus plus habitués aux déplacements, au travail de terrain ainsi qu’à la recherche de la documentation.. Ceci a toutefois été le plus aisé pour le cas du Pont 25 Avril, car situé à Lisbonne et donc facilement accessible depuis Evora. IV. Analyse critique des résultats A. Aspects positifs et objectifs atteints - Mise dans le contexte Le travail réalisé a permis d’enrichir et de compléter celui entamé par la promotion V que nous avons pris comme point de départ. Les objectifs du site sont devenus mieux renseignés dès la page d'accueil. On aurait néanmoins pu fournir plus d'informations sur le Master TPTI. Ceci aurait pu donner à l’utilisateur un éclairage utile sur le cadre du travail et la structure au sein de laquelle ce dernier est accompli. - Des informations variées Au cours des trois semestres nous avons réussi à réunir et à utiliser des sources d'informations variées et enrichissantes aussi bien pour la galerie virtuelle que pour notre formation (ouvrages, sites internet, sources iconographiques anciennes et récentes ...). 143 - Une navigation plus facile et interactive Grâce à sa nouvelle structure et configuration, le site web permet maintenant une navigation plus aisée. Ceci était l’un des objectifs que nous nous étions fixés dès le début. Le passage entre les différentes pages est plus facile, l'espace d'échange et de commentaires est également conservé. De plus, l’utilisateur trouvera un contenu mieux fourni en informations et en documents iconographiques. - Des présentations synthétiques et une harmonisation du contenu du site Tout au long du travail effectué, nous avons essayé de favoriser une approche privilégiant les présentations synthétiques. Les informations sont également présentées sous formes de fiches, moins longues que celles offertes par l’ancienne version. L’intervention à ce niveau a permis aussi d’harmoniser davantage le site. Enfin, nos sources sont renseignées dans le menu "bibliographie" auquel peut se référer le visiteur en quête d’une information plus détaillée. - Un glossaire plus étoffé Ceci était également l'un de nos objectifs de départ car on avait vite noté que dans son état initial, le glossaire n'était pas suffisamment fourni. Concernant les aspects techniques, une initiative a été prise, dès les premières séances de travail, par Lilian, architecte de formation, qui nous a assuré une séance de présentation des différentes typologies des ponts. B. Reste à développer - Favoriser l'accès à un public plus large Nous n'avons malheureusement pas assez d'informations concernant le nombre de visiteurs de notre site web. Mais celui-ci n'est pas des premiers à apparaître sur la toile pour celui qui mène une recherche en utilisant des mots clés se rapportant aux sujets qu'il traite. Ceci reste donc un aspect qui mérite plus de considération. - Traduction en anglais Malgré le fait que c’était l’un de nos objectifs de départ, nous n'avons malheureusement pas, toujours faute de temps, réussi à créer une version anglaise du site. Un point important qui reste également à développer. - Vérification de l'orthographe Nous attirons l’attention sur l’existence d’une faute d'orthographe dans le titre du site, elle sera corrigée. Tout le contenu éditorial devrait également faire objet d'une relecture. 144 V. Conclusion Cette expérience était originale et formatrice tant sur le plan scientifique qu’humain du fait qu'elle a permis de regrouper sur un même sujet des personnes de cursus et de cultures variés et qui se rencontrent pour la première fois. Elle était une occasion pour découvrir un monde nouveau, celui des ponts avec tout ce qui l’accompagne en termes d’histoire, de techniques, d’esthétique et de valeur patrimoine. Elle nous a également permis de mieux apprécier l’importance de l’approche pluridisciplinaire et du travail en équipe et l’adaptation qu’ils nécessitent. L'organisation dans le groupe a été reconsidérée à différentes reprises et ce, justement pour s'adapter au terrain et pour dépasser les contraintes sans s'éloigner des objectifs de départ. Le fait de publier les résultats sous forme de galerie virtuelle a été aussi un acquis très important pour une ouverture sur de nouvelles méthodes de travail et un nouveau style de communication et de diffusion. Il a constitué l’un des points essentiels dans la valorisation de cette expérience et nous a poussés à être à la fois le plus créatif et le plus synthétique possible. Enfin, le fait que le travail ait été en partie réalisé, sous la direction d'un professeur tuteur et par webconférence, nous a donné l’occasion de s’habituer au travail à distance. Ceci nous servira pour continuer à collaborer même après la fin du Master et le départ de chacun d’entre nous vers d’autres destinations. Au cas où le projet doit être confié à une prochaine promotion, on serait intéressé par une concertation. Ceci permettrait de créer une nouvelle synergie dans le Master TPTI par l'interaction entre ses promotions. 145 CONCLUSION GENERALE Etalé sur quatre semestres, le programme TPTI dispense une formation qui exige une présence importante ainsi que des déplacements dans différents pays. En plus des cours et des formations théoriques, l’étudiant suit et participe, pendant les trois premiers semestres, à différentes activités (visites de terrains, projet tutoré, conférences, stage de mobilité, …) et doit en rendre compte par des rapports écrits soumis à l’évaluation. Parallèlement, il doit mener une réflexion sur son projet personnel auquel sera consacré le dernier semestre. Il s’agit donc d’un rythme soutenu et impliquant un travail important, mais bien formateur et bénéfique tant sur le plan théorique que sur le plan pratique. L’expérience terminée, on sort bien mieux armé au niveau connaissances et méthodologies de travail et bien mieux préparé pour la recherche scientifique. La formation reçue et le travail réalisé dans le cadre de ce mémoire ont été très enrichissants pour l’architecte que je suis et qui commence à bien sentir l’angle de sa vision des choses s’ouvrir et s’élargir. Il s’agit d’un acquis qui ne manquera pas d’influencer mes travaux futurs dans lesquels des dimensions comme le patrimoine, l’approche intégrée, le travail pluridisciplinaire, le travail de terrain et la durabilité s’imposeront. C’est peut être aussi, si l’occasion m’est donnée, dans le cadre d’une thèse de doctorat, que ce profil se confirmera davantage. En tout cas, les différents acquis de cette expérience trouveront un champ d’application, je l'espère, dans différents projets de mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel à l'échelle du bâtiment et du territoire. J’espère également que l'ouverture internationale, à l’image de celle dont j’ai pu bénéficier grâce à TPTI, continuera à m’être offerte dans l’avenir. 146 ANNEXES Début de la zone des carrières abandonnées Figure 1: Plan d'aménagement urbain de Korba 147 148