Equilibre concurrentiel. Modele d`Arrow-Debreu
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Equilibre concurrentiel. Modele d`Arrow-Debreu
L’équilibre concurrentiel Le modèle d’Arrow-Debreu Yves Balasko 27 février 2003 c Yves Balasko 2003 1. Introduction Les économistes considèrent qu’une caractéristique essentielle des marchés concurrentiels est qu’aucun agent économique n’est en position de modifier les prix du marché. Cette propriété n’est pas vérifiée dans le cas de monopoles, ou encore d’oligopoles controlant une part suffisante du marché pour que de telles manipulations soient possibles. Dans un marché concurrentiel, les prix du marché s’imposent comme des données exogènes aux différents agents économiques. Ces prix égalisent par hypothèse l’offre et la demande des différents biens. Le modèle d’Arrow-Debreu est la représentation mathématique du marché concurrentiel. 2. Le marché: biens et prix 2.1. Biens Chaque bien (sur un marché) correspond à une grandeur mesurable (définition de l’égalité et de la somme de deux quantités de cette grandeur). Choix d’une unité de mesure arbitraire. Chaque bien est divisible. Nombre fini de biens ` Espace des biens: R` Le vecteur x = (x1 , x2 , . . . , x` ) ∈ R` s’appelle souvent un complexe ou un panier de biens. Noter que les coordonnées du vecteur x ne sont pas nécessairement positives. Interprétation économique? 2.2. Prix Une fois que le choix d’une unité est fait pour chaque bien, on considère le prix pj de l’unité du bien j. C’est un nombre > 0. Le vecteur p = (p1 , p2 , . . . , p` ) ∈ R`++ est appelé le vecteur prix. Le numéraire est un bien qui est choisi comme bien de référence à l’aide duquel on exprime les prix des autres biens. Le numéraire est-il la même chose que la monnaie? On choisit le `-ième bien comme numéraire. C’est la même chose que poser p` = 1. On note S = R`−1 ++ × {1} l’ensemble des prix normalisés par la convention de numéraire. 2.3. Valeur d’un complexe de biens Soit x = (x1 , x2 , . . . , x` ) ∈ R` un complexe de biens. Soit p ∈ S un vecteur prix. La valeur du complexe de biens x ∈ R` pour le vecteur prix p ∈ S est le produit scalaire p · x = p1 x1 + p2 x2 + · · · + p` x` . 3. Un premier agent économique: le consommateur 3.1. La fonction de demande individuelle La fontion de demande du consommateur i est une application fi : S × R → R` . Le vecteur fi (p, wi ) représente le panier de biens demandé par le consommateur i pour un vecteur de prix affichés p ∈ S and une richesse wi ∈ R. Interprétation économique de fi (p, wi )? Une propriété économique de la fonction de demande : La loi de Walras p · fi (p, wi ) = wi . Interprétation économique de la loi de Walras? 3.2. Comprendre la fonction de demande La notion d’ensemble de consommations On note Xi le sous-ensemble de l’espace des biens R` qui représente l’ensemble des consommations possibles pour le consommateur i. On dit que Xi est l’ensemble de consommation du consommateur i. Plus haut, on avait implicitement Xi = R` . Très souvent, on fait l’hypothèse Xi = R`+ ou R`++ . Interprétation économique? La notion d’utilité La fonction d’utilité du consommateur i est une application ui : Xi → R. On dit que le complexe de biens yi est préféré au sens large au complexe de biens xi si l’on a ui (xi ) ≤ ui (yi ): xi i yi ⇐⇒ ui (xi ) ≤ ui (yi ). La relation binaire i est une relation de préordre sur Xi . Quelles sont les propriétés caractéristiques d’une relation de préordre? On dit que i représente le préordre de préférence du consommateur i. Un consommateur peut-il avoir plusieurs fonctions d’utilité différentes représentant le même préordre de préférence? Interprétation économique? 3.3. Hypothèses sur les préférences des consommateurs Les préordres de préférences des différents consommateurs d’une économie satisfont un certain nombre de propriétés. Les plus fréquemment utilisées sont les suivantes: 1) Les fonctions d’utilité ui sont définies sur Xi = R`++ et C ∞ ; 2) Dui (xi ) > 0 (monotonicité); 3) Le système XiT D2 ui (xi )Xi ≥ 0 et Dui (xi )T Xi = 0 avec Xi ∈ R` ne possède que la solution Xi = 0 (stricte quasi-concavité); 4) L’ensemble d’indifférence {yi ∈ Xi | ui (yi ) = ui (xi )} est fermé dans R` pour tout xi ∈ Xi . Interprétations économiques des quatre conditions précédentes? Exercice: Déduire de la Propriété (3) la propriété suivante de la matrice dite hessienne bordée de la fonction d’utilité: Proposition 1. La matrice hessienne bordée 2 D ui (xi ) Dui (xi ) Dui (xi )T 0 est inversible. Illustration graphique dans le cas ` = 2. 3.4. Maximisation des préférences sous contrainte budgétaire et fonctions de demande Soit ui : Xi → R une fonction d’utilité représentant le préordre de préférences du consommateur i. Soit p ∈ S un vecteur prix donné. On admet que si le consommateur i dispose de la richesse wi > 0 (donnée arbitrairement), ce consommateur cherche à maximiser l’utilité ui (xi ) de la consommation xi ∈ Xi sous la contrainte de budget p · xi ≤ wi . Montrer que le problème Maximiser ui (xi ) sous la contrainte de budget p · xi ≤ wi et xi ∈ Xi admet une solution unique. On note cette solution fi (p, wi ). Montrer que la contrainte de budget est saturée, c’est à dire que l’on a p · xi = wi pour xi solution du problème. Montrer que la fonction de demande fi déduite de la maximisation d’un préordre de préférence satisfaisant les propriétés indiquées plus haut vérifie la relation de Walras. Quelle est la propriété essentielle pour la validité de la relation de Walras? Conditions du premier ordre Les conditions nécessaires du premier ordre de ce problème de maximisation sous contrainte s’obtiennent à partir du Lagrangien de ce problème. Ce Lagrangien s’écrit ui (xi ) − λi (p · xi − wi ). Les conditions du premier ordre s’obtiennent en écrivant que les dérivées partielles du premier ordre du Lagrangien sont égales à 0. Ces conditions sont donc Dui (xi ) = λi p et p · xi − wi = 0. Comme xi = fi (p, wi ), la première égalité s’écrit aussi sous la forme Dui (fi (p, wi )) = λi p, avec λi > 0. Proposition 2. Les conditions du premier ordre sont aussi suffisantes. 3.5. Différentiabilité de la fonction de demande individuelle Proposition 3. La fonction de demande fi : S × R++ → R`++ obtenue par maximisation d’un préordre de préférence vérifiant les hypothèses (1) à (4) sous contrainte budgétaire est de classe C ∞. Démonstration. On applique le théorème des fonctions implicites aux conditions du premier ordre. On a xi = fi (p, wi ) si xi est la solution du problème Maximiser ui (xi ) sous la contrainte p · xi = wi . Ceci est équivalent à l’existence d’un λi > 0 tel que le couple (xi , λi ) est solution du système d’équation défini par les conditions du premier ordre, à savoir Dui (xi ) − λi p = 0 , p · xi − wi = 0 Notons F (xi , λi , p, wi ) = 0 ce système d’équation où les inconnues sont le couple (xi , λi ) tandis que (p, wi ) sont de simples paramètres. (On note que la fonction F est évidemment C ∞ .) Le théorème des fonctions implicites dit qu’une condition suffisante pour que la solution (xi , λi ) soit une fonction C ∞ des paramètres (p, wi ) est que la matrice jacobienne DF D(xi , λi ) soit inversible. Calculons donc cette matrice jacobienne: On trouve 2 D ui (xi ) p J= pT 0 On sait que l’on a Dui (xi ) = λi p. Par conséquent, en multipliant la dernière ligne et colonne de la matrice jacobienne par λi 6= 0 (Pourquoi sait-on que λi est 6= 0?) on obtient la matrice hessienne bordée de l’utilité 2 D ui (xi ) Dui (xi ) Dui (xi )T 0 matrice que l’on sait inversible. Il en résulte que (fi (p, wi ), λi ) est fonction C ∞ de (p, wi ). Ceci implique que fi (p, wi ) est aussi fonction C ∞ . (Pourquoi?) 4. Le modèle de l’économie d’échange Une économie d’échange consiste en la donnée d’un certain nombre de biens `, d’un certain nombre de consommateurs m, le consommateur i (avec i variant de 1 à m) étant caractérisé par sa fonction de demande fi : S × R++ → R`++ et par un vecteur de ressources individuelles ωi ∈ Xi = R`++ . On admet que les fonctions de demande fi sont obtenues par maximization de fonctions d’utitité ui (vérifiant les propriétés (1) à (4) vues plus haut) sous contrainte budgétaire. 4.1. Définition de l’équilibre concurrentiel Soit p ∈ S un vecteur prix arbitrairement choisi, la demande du consommateur i est égale à fi (p, p · ωi ). La demande totale (la somme des demandes individuelles) est égale à m X fi (p, p · ωi ). i=1 L’offre totale est la somme des offres individuelles, i.e., m X i=1 ωi . Definition 4. Le vecteur prix p ∈ S est un vecteur prix d’équilibre de l’économie ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωm ) s’il y égalité entre offre et demande totale: m X fi (p, p · ωi ) = i=1 m X ωi . m X ωi m X ωi i=1 Exercice: Montrer que les inégalités m X fi (p, p · ωi ) ≤ i=1 et m X i=1 sont nécessairement des égalités. Interprétation économique? i=1 fi (p, p · ωi ) ≥ i=1 5. La notion d’optimum de Pareto On dit que l’allocation x = (x1 , x2 , . . . , xm ) est un optimum de Pareto s’il n’existe pas d’allocation y = (y1 , y2 , . . . , ym ) vérifiant les deux propriétés suivantes: ui (yi ) ≥ ui (xi ) pour tout i, une inégalité au moins étant stricte m m X X yi = xi . i=1 i=1 Montrer que si x = (x1 , x2 , . . . , xm ) est un optimum de Pareto, alors x est la solution du problème de maximization sous contraintes suivant: Maximiser u1 (z1 ) sous les contraintes u2 (z2 ) ≥ u2 (x2 ) ... ≥ ... um (zm ) ≥ um (xm ) m m X X 1 zi = x1i i=1 i=1 ... = ... m X ` zi = x`i m X i=1 i=1 Réciproque? Peut-on remplacer les inégalités dans les contraintes par des égalités? Expliquer. 5.1. Optimums de Pareto et prix supports On dit que le vecteur prix p ∈ S supporte le panier de bien xi ∈ Xi si l’égalité suivante est vérifiée: fi (p, p · xi ) = xi . Interprétation économique? Soit x = (x1 , x2 , . . . , xm ) une allocation de biens entre les m agents de l’économie. On dit que le vecteur prix p ∈ S supporte l’allocation x si le vecteur prix p supporte chaque composante xi de l’allocation x. Proposition 5. Soit x = (x1 , x2 , . . . , xm ) un optimum de Pareto. Alors il existe un vecteur prix p ∈ S qui supporte l’allocation x = (x1 , x2 , . . . , xm ). Démonstration. Si x = (x1 , x2 , . . . , xm ) est un optimum de Pareto, alors x est solution du problème de maximisation Maximiser u1 (z1 ) sous les contraintes u2 (z2 ) = u2 (x2 ) ... = ... um (zm ) = um (xm ) m m X X zi = xi i=1 i=1 Expliquer pourquoi? Les conditions nécessaires du premier ordre de maximisation de ce problème d’optimisation sous contraintes prennent alors la forme où on a le Lagrangien u1 (z1 ) + λ1 (u2 (z2 ) − u2 (x2 )) + · · · + λm (um (zm ) − um (xm ))+ m m m m X X X X µ1 ( zi1 − x1i ) + · · · + µ` ( zi` − x`i ) i=1 i=1 i=1 i=1 Il suffit alors d’écrire que les dérivées partielles d’ordre un par rapport aux inconnues du problème sans contraintes (i.e., les z1 , . . . , zm , λ2 , . . . , λm , µ1 , . . . , µ` ). Cela donne en particulier à l’optimum x les égalités suivantes: Du1 (x1 ) = λ2 Du2 (x2 ) = · · · = λm Dum (xm ) = (µ1 , µ2 , . . . , µ` )T . Les vecteurs Dui (xi ) sont tous colinéaires. Soit p ∈ S l’unique vecteur prix (normalisé par la convention de numéraire) qui est colinéaire avec ces vecteurs gradients. La condition Dui (xi ) colinéaire avec p ∈ S devient équivalente à l’égalité xi = fi (p, p · xi ). Pourquoi? Ceci démontre que le vecteur prix p ∈ S supporte l’optimum de Pareto x = (x1 , x2 , . . . , xm ). 6. Les deux grandes propriétés classiques de l’équilibre concurrentiel 6.1. Existence d’un vecteur prix d’équilibre pour toute économie d’échange Pour tout ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωm ) ∈ Ω, il existe au moins un vecteur prix d’équilibre p ∈ S. 6.2. Efficacité de l’allocation d’équilibre concurrentiel: Les deux théorèmes de l’économie du bien-être Proposition 6 (Premier théorème de l’économie du bien-être). Toute allocation d’équilibre concurrentiel x = (x1 , x2 , . . . , xm ) est un optimum de Pareto. Démonstration. On raisonne par l’absurde. On suppose que x = (x1 , x2 , . . . , xm ) n’est pas un optimum de Pareto. Il existe donc y = (y1 , y2 , . . . , ym ) tel que ui (yi ) ≥ ui (xi ) m m X X yi = xi i=1 pour tout i, stricte pour au moins un i, i=1 L’inégalité ui (yi ) ≥ ui (xi ) implique l’inégalité p · yi ≥ p · xi . Pourquoi? De même, l’inégalité stricte ui (yi ) > ui (xi ) implique l’inégalité stricte p · yi > p · xi . Encore une fois, pourquoi? On en déduit la série d’inégalités (dont une au moins une est stricte) p · yi ≥ p · xi pour tout i Additionnons membre à membre toutes ces inégalités; ça donne l’inégalité stricte (pourquoi?) m m X X p·( yi ) > p · ( xi ). i=1 i=1 D’où une contradiction avec la condition m X i=1 yi = m X xi . i=1 Proposition 7 (Deuxième théorème de l’économie du bien-être). Soit x = (x1 , x2 , . . . , xm ) un optimum de Pareto. Il existe alors un ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωm ) ∈ Ω tel que x soit une allocation d’équilibre possible pour l’économie ω. Démonstration. Puisque x = (x1 , x2 , . . . , xm ) est un optimum de Pareto, il existe un vecteur prix p ∈ S qui supporte l’allocation x, i.e., xi = fi (p, p · xi ) pour i = 1, 2, . . . , m. Il en résulte que le vecteur prix p ∈ S (qui supporte l’optimum de Pareto x) est aussi un vecteur prix d’équilibre pour l’économie ω = x. Pourquoi?. On a donc trouvé un exemple d’économie ω pour lequel l’optimum de Pareto x est une allocation d’équilibre concurrentiel. Existe-t-il d’autres économies ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωm ) pour lesquelles x = (x1 , x2 , . . . , xm ) est aussi une allocation d’équilibre concurrentiel? Décrire avec précision l’ensemble de ces économies. Une observation concernant les optimums de Pareto Proposition 8. Soit x = (x1 , x2 , . . . , xm ) un optimum de Pareto (pour les m consommateurs définis par les fonctions d’utilité u1 , u2 , . . . , um et les ressources totales x1 + x2 + · · · + xm . Alors (xi1 , xi2 , . . . , xik ) est un optimum de Pareto pour les consommateurs définis par les fonctions d’utilité ui1 , ui2 , . . . , uik et les ressources totales xi1 + xi2 + · · · + xik . Démonstration. On raisonne par l’absurde. Supposons que (xi1 , xi2 , . . . , xik ) n’est pas un optimum de Pareto. Il existe donc une allocation (x0i1 , x0i2 , . . . , x0ik ) qui est Pareto supérieure à (xi1 , xi2 , . . . , xik ) et telle que xi1 + xi2 + · · · + xik = x0i1 + x0i2 + · · · + x0ik . On complete cette allocation en une allocation des m consommateurs en posant x0j = xj pour j 6= i1 , i2 , . . . , ik . Ceci définit une allocation x0 = (x01 , x02 , . . . , x0m ) qui est Pareto supérieure à l’allocation x = (x1 , x2 , . . . , xm ), d’où une contradiction. 2 02 1 Du1 (x1 ) u2 M = (x1 , x2 ) u1 Du2 (x2 ) 01 1 2 Figure 1: Optimum de Pareto: deux consommateurs Illustration géométrique: le cas de deux consommateurs et la boite d’Edgeworth. 2 02 1 u2 M0 M ω u1 1 01 2 Figure 2: Equilibre général et optimums de Pareto 7. Un second agent économique: le producteur 7.1. Ensembles de production Une firme j transforme certains biens en d’autres biens. Ceci se représente très facilement à l’aide du concept du vecteur d’activité de la firme. Plus précisément, le vecteur y = (y 1 , y 2 , . . . , y ` ) a pour coordonnées les quantités des différents biens produits ou transformés par la firme. On note positivement les quantités effectivement produite, négativement les quantités de biens servant à la productions d’autres biens. On note Yj l’ensemble de toutes les activités possibles de la firme j. Cet ensemble est l’ensemble de production de la firme j. Soit yj un vecteur d’activité de la firme j. Pour le vecteur prix p ∈ S, la valeur p · yj de l’activité yj s’appelle le profit de la firme j pour l’activité yj et le vecteur prix p ∈ S. On admet que, étant donné le vecteur prix p ∈ S, la firme j maximise le profit p · yj sujet à la contrainte de production yj ∈ Yj . 7.2. La fonction d’activité du producteur On admet que l’activité de la firme est une fonction gj (p) qui dépend du vecteur prix p ∈ S. La fonction d’activité gj : S → Yj de la firme j représente l’activité de la firme j pour le vecteur prix p. Le profit de la firme est alors égal à p · gj (p). On admet que la firme j détermine l’activité gj (p) qui maximise son profit. Une partie de la théorie de la firme consiste à étudier dans quelles mesures des hypothèses économiquement raisonnables sur l’ensemble de production Yj permettent de définir une fonction d’activité gj (p). Hypothèses classiques concernant les ensembles de production Les hypothèses les plus traditionnelles concernant les ensembles de production sont les suivantes: L’ensemble de production Yj est fermé dans R` . 0 ∈ Yj (l’inactivité est toujours possible.) Si yj ∈ Yj , alors yj − R`++ ⊂ Yj (hypothèse de libre disposition). Si l’ensemble de production Yj est un cône, on dit que la production a lieu à rendements constants. Interprétations économiques? On dit que la production yj est efficace si on a (yj + R`++ ) ∩ Yj = {yj }. Interprétation économique? On appelle frontière efficace ∂Yj,eff de l’ensemble de production Yj l’ensemble des productions efficaces de la firme j. La frontière efficace est évidemment la partie la plus intéressante de l’ensemble de production. Souvent, on se contente de décrire la frontière efficace par un système d’équation souvent qualifié de «fonctions de production». On revient sur ce sujet un peu plus loin. Hypothèse de rendements décroissants On dit que la production a lieu avec des rendements décroissants si l’ensemble de production Yj est convexe. On dit que la production a lieu avec des rendements strictement décroissants si l’ensemble des productions efficaces est la frontière d’un ensemble strictement convexe. Pratiquement, cela signifie que si y et y 0 sont deux productions efficaces, alors y + y 0 /2 est une production possible, mais n’est pas efficace. Elle est dominée par une production efficace. Le profit associé à un vecteur d’activité Comme pour le consommateur, la fonction d’activité gj : S → R` de la firme j peut être définie à partir de l’ensemble de production Yj et de l’hypothèse de maximisation du profit si l’ensemble de production vérifie un certain nombre de propriétés. En particulier, on a Proposition 9. Supposons que l’ensemble de consommation Yj soit borné supérieurement, et que la frontière efficace ∂Yj,eff soit strictement convexe, alors la fonction d’activité gj est définie pour tout vecteur prix p ∈ S. Démonstration? La fonction d’activité ainsi obtenue est-elle continue? Montrer que le profit est toujours ≥ 0. Le cas d’un seul produit Dans un certain nombre de questions, la notion d’ensemble de production est trop générale. C’est en particulier le cas pour une firme qui ne produit qu’un seul bien. Supposons que ce soit le bien 1, les autres étant des facteurs de productions. Soit h(y 2 , y 3 , . . . , y ` ) la quantité maximale du bien 1 qui peut être produite avec les inputs (y 2 , y 3 , . . . , y ` ) des différents facteurs de productions (comptés négativement). L’ensemble de production devient Yj {y ∈ R` | y 1 ≤ h(y 2 , y 3 , . . . , y ` )} L’équation de la frontière efficace est y 1 = h(y 2 , y 3 , . . . , y ` ). On dit aussi dans ce cas que la fonction h est une fonction de production. (Attention: la fonction h n’est pas, au sens strict, l’équation de la frontière efficace!) On fait maintenant l’hypothèse que la fonction h est strictement concave et différentiable. On a alors: Proposition 10. Pour y = gj (p), il vient ∂h pk =− . k ∂y p1 Démonstration. Par hypothèse, y = gj (p) maximise le profit p·y sous la contrainte y 1 −h(y 2 , . . . , y ` ) = 0. Ce profit s’écrit sous la forme p1 h(y 2 , . . . , y ` ) + p2 y 2 + · · · + p` y ` . Les dérivées du premier ordre sont nécessairement égales à zéro, ce qui donne p1 ∂h + pk = 0. ∂y k Expliquer pourquoi ces dérivées partielles sont négatives. Pourquoi la propriété de stricte concavité de la fonction h suffit pour entrainer que la solution qui maximise le profit soit unique? Proposition 11. Soit y = gj (p). Le vecteur prix p ∈ S est alors normal en y à l’hypersurface ∂Yj,eff définissant la frontière efficace. Démonstration. En effet, l’hypersurface d’équation y 1 − h(2 , . . . , y ` ) a pour normale le vecteur défini par les dérivées partielles (d’ordre un) de l’équation de l’hypersurface, c’est à dire le vecteur (1, − vecteur colinéaire au vecteur prix p ∈ S. ∂h ∂h ,...,− `) 2 ∂y ∂y Coût marginal Soit y 1 une quantité du bien 1 que la firme j veut produire. Pour cela, il faut qu’elle trouve des inputs y 2 , . . . , y ` de façon à ce que l’on ait y 1 = h(y 2 , . . . , y ` ). Le coût de ces inputs est égal à −(p2 y 2 +· · ·+p` y ` ). On définit la fonction coût c(y 1 ) pour produire la quantité y 1 (compte tenu du vecteur prix p ∈ S) comme le minimum du coût de ces inputs. C’est une fonction différentiable de y 1 . Le profit de l’entreprise j est alors égal à p1 y 1 − c(y 1 ). Proposition 12. Pour y = gj (p), on a p1 = c0 (y 1 ). Démonstration. Pour y 1 = gj1 (p), le profit p1 y 1 − c(y 1 ) est maximal, donc la dérivée par rapport à y 1 nulle: p1 − c0 (y 1 ) = 0. Interprétation en termes de coût marginal. 8. Le modèle de l’économie de propriété privée Une économie de propriété privée consiste est définie par la donnée de ` biens, m consommateurs, et n firmes (ou producteurs). Le consommateur i est caractérisé par sa fonction de demande fi , ses ressources ωi , et par la possession de la part θij ≥ 0 de la firme j. La firme j est caractérisée par sa fonction d’activité gj . On parle du modèle de l’économie de propriété privée de la production quand les parts θij sont fixées une fois pour toute, mais les ressources individuelles ω = (ω1 , ω2 , . . . , ωm ) variables. 8.1. Définition de l’équilibre Etant donné le vecteur prix p ∈ S, l’activité de la firme j est égale à gj (p), et son profit à p · gj (p). La firme j distribue la part θij p · gj (p) de son profit au consommateur i. La richesse du consommateur i est donc égale à la valeur de ses ressources augmentée des profits qui lui sont distributés par les différentes firmes dont il est (partiellement) propriétaire. Cette richesse est donc égale à p · ωi + n X p · gj (p). j=1 La demande du consommateur i est donc égale à fi (p, p · ωi + n X p · gj (p)). j=1 La demande totale est alors égale à m X fi (p, p · ωi + i=1 n X p · gj (p)). j=1 L’offre totale est égale à m X i=1 ωi + n X gj (p). j=1 Le vecteur prix p ∈ S est un vecteur prix d’équilibre de l’économie de propriété privée précédem- ment définie si l’égalité m X i=1 fi (p, p · ωi + n X p · gj (p)) = j=1 m X i=1 ωi + n X gj (p) j=1 est satisfaite. 8.2. Notion d’optimum de Pareto Dans le cas d’une économie avec production (comme c’est le cas pour une économie avec propriété privée de la production), une allocation est un m + n-uple (x, y) = (x1 , x2 , . . . , xm , y1 , y2 , . . . , yn ). On dit que l’allocation (x, y) est faisable si l’on a m X i=1 xi ≤ m X i=1 + n X . j=1 On dit que l’allocation (x, y) est un Pareto optimum s’il n’existe pas d’allocation faisable (x0 , y 0 ) qui vérifie les inégalités ui (xi ) ≤ ui (x0i ) pour tout i, une inégalité au moins étant stricte Comparer avec la définition d’un optimum de Pareto pour une économie d’échange. Enfin, si le vecteur prix p ∈ S est un vecteur prix d’équilibre de l’économie de propriété privée définie par les ressources ω = (ωi ) et les parts θ = (θij ), l’allocation (x, y) où xi = fi (p, p · ωi + n X p · gj (p)) j=1 et yj = gj (p) est l’allocation d’équilibre correspondante. 8.3. Les deux grandes propriétés classiques des économies avec propriété privée de la production Existence de l’équilibre Proposition 13. Toute économie avec propriété privée de la production admet au moins un vecteur prix d’équilibre. Les deux théorèmes de l’économie du bien-être Proposition 14 (Premier théorème de l’économie du bien-être). Toute allocation d’équilibre (x, y) dans une économie avec propriété privée de la production est un optimum de Pareto. Démonstration. Par définition, il existe un vecteur prix p ∈ S tel que l’on ait: xi = fi p, p · (ωi + n X j=1 θij yj ) yj = gj (p) m X xi = i=1 m X i=1 ωi + n X j=1 Supposons qu’il existe (x0 , y 0 ) faisable tel que ui (xi ) ≤ ui (x0i ) une inégalité au moins étant stricte. yj Le vecteur prix p ∈ S supporte le panier de biens xi . Par conséquent, l’inégalité précédente sur les utilités implique l’inégalité p · xi ≤ p · x0i une de ces inégalités au moins étant stricte. En outre, il resulte de la définition de yj que l’on a p · yj0 ≤ p · yj . On a p · xi = p · ωi + p · n X θij yj j=1 d’où p · ωi + p · n X θij yj ≤ p · x0i j=1 Additionnons membre à membre ces inégalités. On obtient m n m X X X p·( ωi + yj ) < p · ( x0i ) i=1 j=1 i=1 Comme on a aussi m m n m n X X X X X 0 0 p·( xi ) ≤ p · ( ωi + yj ) ≤ p( ωi + yj ) i=1 il vient i=1 j=1 i=1 j=1 m n m n X X X X p·( ωi + yj ) < p( ωi + yj ), i=1 j=1 i=1 j=1 d’où une contradiction. Proposition 15 (Deuxième théorème de l’économie du bien-être). Pour tout optimum de Pareto (x, y) dans le modèle avec propriété privée de la production, il existe une économie avec propriété privée de la production définie par les ressources individuelles ω = (ωi ) (on rappelle que les parts de propriétés θij sont données) dont l’allocation (x, y) est une allocation d’équilibre. Démonstration. On se limite au cas où les frontières efficaces des ensembles de production Yj sont définies par des équations du type Hj = y 1 − hj (y 2 , . . . , y ` ) = 0. Montrons qu’en un tel optimum de Pareto, les vecteurs Dui (xi ) et DHj (yj ) sont tous colinéaires auxquel cas ces vecteurs sont alors colinéaires avec un vecteur prix p ∈ S. On applique des idées vues un peu plus haut, à savoir que si (xi , yj )i,j est un optimum de Pareto, si on fixe les composantes xi ou yj correspondant à un sous-ensemble des agents, les composantes qui restent variables définissent encore un optimum de Pareto pour l’ensemble restant des agents, consommateurs et producteurs. Par conséquent, en fixant les composantes de tous les consommateurs sauf un, et les composantes de tous les producteurs sauf un, on est ramené au cas particulier d’un couple formé d’un seul consommateur et d’un seul producteur. Comme on sait que les composantes d’un optimum de Pareto relativement aux consommateurs sont toutes supportées par un même vecteur prix p, il en résulte que la composante relative au producteur considéré dans l’exemple «un consommateur-un producteur» est aussi supportée par le vecteur prix p. Cette propriété étant vraie pour chaque producteur dans l’économie, ceci termine la démonstration du cas général du théorème. Etude du cas particulier: un consommateur et un producteur Le couple (x1 , y2 ) est un optimum de Pareto s’il n’existe pas de couple (x01 , y20 ) tel que x01 − y20 ≤ x1 − y2 , y2 et y20 ∈ Y2 , et u1 (x01 ) > u1 (x1 ). Il en résulte que y2 est une production efficace. Sinon, il existe y20 ∈ Y2 avec y2 < y20 . Il suffit alors de prendre x01 = x1 + (y20 − y2 ). Posons x1 − y2 = r. Le couple (x1 , y2 ) est un optimum de Pareto si (x1 , y2 ) est solution du problème: Maximiser u1 (y2 + r) sous la contrainte y 2 ∈ Y2 . On peut écrire ce problème sous la forme équivalente Maximiser ui (x1 ) sous la contrainte x 1 ∈ r + Y2 , problème dont l’interprétation géométrique est immédiate. 2 DH2 (y2 ) Du1 (x1 ) M (x1 = y2 + r) Y2 + r u1 1 0 Le lagrangien s’écrit u1 (x1 ) − ν y21 − h(y22 , . . . , y2` ) ce qui donne à l’aide des conditions du premier ordre Du1 (x1 ) = νDH2 (y2 ), ce qui établit la colinéarité des vecteurs Du1 (x1 ) et DH2 (y2 ). Nous avons donc démontré que si (xi , yj )i,j est un optimum de Pareto, les allocations xi et yj sont toutes supportées par le même vecteur prix p. Le profit p · yj de l’entreprise j est réparti entre les différents consommateurs suivant la clé de répartition définie par les θij . Le consommateur i reçoit n X θij p · yj . j=1 Il suffit alors de poser ωi = xi − n X θij yj . j=1 On a clairement X i xi = X i ωi + X yj , j ce qui combiné avec la définition de yj = gj (p) et xi = fi (p, p·xi ) entraine que p est bien un vecteur prix d’équilibre de l’économie avec propriété privée de la production, et ressources individuelles définies par le vecteur ω = (ωi ). 9. Conclusions L’étude du modèle d’Arrow-Debreu ne se limite pas aux seules propriétés que sont l’existence et les deux théorèmes de l’économie du bien-être. Ceci étant, la plupart des enseignements de microéconomie se limitent à la partie du modèle d’Arrow-Debreu qui traite de ces seules propriétés. En effet, l’étude des autres propriétés comme la stabilité de l’équilibre, le nombre d’équilibres et les implications de ce nombre sur la stabilité structurelle de ces équilibres, et plus généralement l’étude des propriétés dites de statique comparative exigent un investissement mathématique beaucoup plus important. Outre cet aspect essentiellement technique, le modèle d’Arrow-Debreu est plutôt discret quant aux mécanismes par lesquels le ou les marchés atteignent ces fameux prix d’équilibre. Ces questions sont certes considérées comme relativement secondaires dans certaines questions, en macroéconomie par exemple. Mais il n’en est pas de même pour les thèmes de la théorie microéconomique moderne comme la théorie des enchères, la théorie des contrats, et l’organisation industrielle, thèmes pour lesquels l’importance de la formation des prix est centrale. Références Debreu. Théorie de la Valeur, Dunod. Malinvaud. Leçons de théorie microéconomique, Dunod.