Culture, contre-cultures, inculture

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Culture, contre-cultures, inculture
Colloque
au
Théâtre
95
Culture, contre-cultures, inculture
Théâtre / 31
Un intitulé polémique et politique pour réfléchir à une question essentielle à l’heure de la mondialisation et de profondes mutations sociétales et culturelles : la place
de la culture au sein de notre monde et de notre vie, au point sensible de l’articulation entre l’individuel et le collectif. A l’heure de l’hégémonie télévisuelle et autres technologies qui massifient la culture, et la dépossèdent de son pouvoir innovant et épanouissant, à l’heure aussi où la politique semble de moins en moins susciter espoir
et réflexion mais davantage méfiance et défiance, il apparaît nécessaire voire urgent de s’interroger, de créer des espaces de liberté, où l’esprit de l’homme cultive l’art
et la singularité.
arts vivants, qui ont cette qualité remarquable
d’être un art de l’éphémère, représenté devant
un public dans un temps et un espace déterminés, voué ensuite à habiter les mémoires et
l’histoire artistique de façon plus ou moins prégnante. Cette qualité éphémère, où une équipe porte un projet par définition unique,
devrait permettre aux arts vivants de résister à
la standardisation, de questionner le monde,
d’être en tout cas plus qu’un produit. Quelle(s)
culture(s) pour quel(s) public(s) ?
Élus, acteurs culturels
et philosophe : une interrogation
forte sur le monde contemporain
Cette interrogation est au cœur du débat. Une
création artistique est aussi partie intégrante
de l’économie de marché, et doit naturellement rencontrer le public pour exister. Le
public ou plutôt les publics, dont souvent on
déplore le non renouvellement, sont donc aussi
au centre des interrogations soulevées par les
intervenants, car la création artistique lie nécessairement la production et la diffusion de
l’œuvre, et son appropriation par le public. Le
Théâtre 95, centre des écritures contempo-
raines, et la communauté d’agglomération de
Cergy-Pontoise, sont à l’origine de ce débat, qui
donne la parole à des élus : Dominique Lefebvre,
Président de la communauté d’agglomération
de Cergy-Pontoise et Francis Parny, vice-président chargé de la culture du conseil régional
d’Ile-de-France ; à des acteurs culturels : Joël
Dragutin, directeur du Théâtre 95, Emmanuel
Demarcy-Mota, directeur du Centre Dramatique
National de Reims, Jérôme Lecardeur, directeur
de la Scène Nationale de Dieppe, Christophe
Blandin-Estournet, chef de projet du Parc et de la
Grande Halle de la Villette, David Noir, metteur
en scène, et Jean-Gabriel Carasso, homme de
théâtre auteur d’un ouvrage qui ouvre le débat
de façon pragmatique, Nos enfants ont-ils droit à
l’art et à la culture ?, sur le rôle de l’éducation
artistique et culturelle au sein de notre société.
Une réflexion tournée vers l’avenir
Participe aussi Bernard Stiegler, philosophe,
directeur de l’IRCAM (Institut de Recherche
Coordination Acoustique Musique), qui livre ses
réflexions sur les industries culturelles et
l’Europe, dénonce la « misère symbolique »
imposée par le capitalisme culturel et invite à
une nouvelle utilisation européenne des techno-
Joël Dragutin
Barrage réflexif au pessimisme
Photos : Lionel Pagès
La culture ici concerne particulièrement les
Stéphanie Lanier est La Spectatrice
de Joël Dragutin, en intermède,
à la mi-journée du colloque.
logies de l’esprit, afin d’élever les modes d’existence et non de les avilir. Anita Weber, inspectrice générale au ministère de la Culture, est la
modératrice du débat, devant une salle comble
qui compte beaucoup d’acteurs culturels, en
particulier metteurs en scène et directeurs de
salle, ainsi que des spectateurs désireux de participer à la réflexion. Elle souligne les vertigineuses définitions qui recouvrent le mot culture,
celle « monopolisée par les élites », celle « populaire, émergente, éruptive », celle « des grandes
œuvres d’art de l’humanité », celle encore des
industries culturelles. Seront évoquées les pratiques culturelles de chacun, l’évolution des
publics, des formes artistiques, la place de la culture ou des cultures dans la cité, la démocratisation culturelle, la décentralisation, la question
des budgets, autant de thèmes ancrés dans une
spécificité française, et qui pourtant la dépassent. D’ores et déjà, le Théâtre 95 a indiqué son
désir de renouveler l’expérience chaque premier
samedi du mois de juin, afin de tenter de
construire des pistes pour l’avenir, en évitant
tout pessimisme généralisé. Signe de la convivialité de la maison, à mi-journée, un impromptu,
La Spectatrice de Joël Dragutin, avec Stéphanie
Lanier, dit à travers une prise de parole humoristique tous les désirs et les attentes d’une jeune
femme en quête d’œuvres théâtrales fortes…
Agnès Santi
Joël Dragutin
et Anita Weber, la modératrice
« L’idée d’organiser cette table ronde est née à
la lecture d’un article publié par Bernard
Stiegler dans Le Monde, après le 21 avril 2002.
Il y évoquait le divorce consommé entre politique et esthétique, entre le « vivre ensemble »
et le « ressentir ensemble ». Il évoquait aussi
une population « vexée » par les élites et les pratiques culturelles. Il m’a semblé nécessaire alors
d’engager le débat sur ces notions de culture,
contre-cultures et inculture. J’ai choisi ces mots
pour leur charge symbolique forte. Michel
Wieviorka dit du monde actuel qu’il est entré
dans une « jungle conceptuelle », et de fait, les
concepts de culture et d’inculture ont évolué.
Neurosciences, biotechnologies, mondialisa-
tion : nous sommes dans un monde en pleine
mutation où il n’y a pas une seule culture mais
des cultures, comme il y a des publics. Il faut
renoncer au fantasme d’une population acculturée à évangéliser.
« On s’en tient aux clichés
si on se limite à dénoncer
le déclin de la culture
sans interroger ses mutations. »
De nos jours, la population est cultivée, d’autant
que le marché a fortement investi, notamment
Photo : Lionel Pagès
Auteur et metteur en scène, directeur du Théâtre 95, Joël Dragutin inscrit depuis
longtemps sa réflexion et son action théâtrale au cœur des enjeux de civilisation. Dans une société en pleine mutation, à l’époque des crises politiques et
éthiques, il fait le pari de la clarté contre la confusion, du dialogue contre les
crispations et les incompréhensions, invitant en son théâtre acteurs de la vie
culturelle et spectateurs-citoyens à débattre ensemble pour tâcher de produire des analyses porteuses de réponses concrètes aux questions du monde
contemporain.
par les nouvelles technologies, le champ culturel. De plus, la notion de spectateur a évolué. Le
spectateur n’est plus cet assoiffé qui attend que
les institutions assouvissent ses besoins. Il est
devenu volatile, fluctuant, nomade, en même
temps que l’offre culturelle s’est multipliée. La
question cruciale est alors celle de la prise en
compte de cette mutation. Le monde de l’art
doit se réapproprier le politique et le social. Si le
public ne se reconnaît plus sur nos scènes, pourquoi viendrait-il dans nos salles ? En tant que
créateur, je crois que demeurer essentiellement
dans la critique et le catastrophisme a un aspect
démoralisant. De surcroît, on s’en tient aux clichés si on se limite à dénoncer le déclin de la
culture sans interroger ses mutations. Il s’agit
d’éviter à la fois l’autoflagellation et l’autosatisfaction et nous interroger sur le fait que 93 %
des Français ne fréquentent pas les salles de
spectacle, même si nous ne sommes pas les
seuls responsables de cette situation. Un théâtre
trop formaliste, trop psychologisant, otage d’une
pensée binaire, transforme la représentation en
un cérémonial auquel on participe un peu
comme à une messe dont on connaîtrait par
avance le déroulement. Il faut que les théâtres
soient les lieux de la contradiction, à l’image des
paradoxes de la modernité. Il est nécessaire que
soient abordés sur scène les vrais mythes
contemporains et les problèmes de 32 / Théâtre / Colloque au Théâtre 95
l’époque qu’évoque par exemple la télévision même si elle y répond mal ou souvent de
façon démagogique. Nous ne devons pas être
enfermés dans nos certitudes culturelles, louvoyant entre militantisme et angélisme kitch.
« Nous ne devons pas être
enfermés dans nos certitudes
culturelles, louvoyant entre
militantisme et angélisme kitch. »
Dans cette perspective active, je veux, pour ma
part, faire un théâtre plus vivifiant, plus libertaire,
plus humain, où le rôle et la place du comique
soient renforcés. Moi qui étais tenant d’un
théâtre critique et dénonciateur, j’esquisse un
virage en souhaitant aménager des perspectives
plus réjouissantes où l’humour démystificateur
ait sa place. Les théâtres sont trop souvent des
cathédrales du pouvoir et de la distinction.
Manquer d’humour, se prendre au sérieux, c’est
s’installer dans le carcan des postures culturelles
et des comportements de pouvoir. Il y a dans l’humour une gravité que les larmes n’atteignent pas.
Il faut des théâtres qui soient des lieux conviviaux
de la surprise, du surgissement, à l’image de la
vie, imprévisible et complexe. Si au théâtre on
sait par avance ce que l’on va voir, l’esthétiquement correct rejoint le politiquement correct.
Sans forfanterie, je veux un théâtre de la question
qui ne prétend pas détenir la vérité. »
Propos recueillis par Catherine Robert
Emmanuel Demarcy-Mota et Jérôme Lecardeur
Pour une culture transversale du dialogue
Emmanuel Demarcy-Mota, à la tête de la Comédie de Reims – Centre Dramatique National – et Jérôme Lecardeur, directeur
de la Scène Nationale de Dieppe, situés tous deux au cœur des politiques culturelles, sont interrogés sur le développement de
la culture depuis une trentaine d’années, à travers les compagnies implantées sur le territoire. Comment la relation de la
population à la culture se construit-elle ?
Emmanuel Demarcy-Mota : Je dirige le Centre
Dramatique de Reims depuis deux ans et demi, et
je travaille avec un collectif d’artistes. Je désapprouve cette idée de l’échec du théâtre dans son
rapport au public au cœur même de la décentralisation. Ce qui compte, c’est aller de l’avant quand
France. Ici, depuis la fin des années 80 jusqu’au
début des années 90, s’est mise en place une
organisation prodigieuse qui fait la richesse de
notre pays. C’est le maillage du territoire avec le
réseau des CDN, des théâtres missionnés, des
scènes conventionnées. Pour ce qui est de la
Emmanuel
Demarcy-Mota
on est motivé par le profond désir de faire. Depuis
l’époque Malraux jusqu’à la fin des années 80,
s’est imposée une grande volonté de théâtre avec
la mission de service public. J’ai l’occasion de travailler beaucoup à Budapest et à Lisbonne : la réalité théâtrale est fort différente en Hongrie et au
Portugal de celle que nous connaissons en
Photo : Jean Piard
question des responsabilités, on peut regretter un
manque de hauteur de vue et de pensée politique
sur la question de l’art. Culture et loisirs, les deux
concepts ont été amalgamés. Faut-il plaire au plus
grand nombre ? Non. Faut-il prôner un élargissement des publics ? Oui. Les pratiques artistiques
ne sont pas toutes prises en compte : il faut
La parole aux élus / Dominique Lefebvre
La culture comme outil d’aménagement du territoire
Président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, qui regroupe 185 000 habitants, et maire de Cergy,
Dominique Lefebvre met en œuvre une politique culturelle pleinement ancrée dans la vie, développant partage et ouverture.
« La culture est un levier
pour construire l’identité
de ce territoire. »
A l’encontre de beaucoup d’endroits en France,
du ghetto français décrit récemment par Éric
Maurin, Cergy est plutôt un exemple de mixité
sociale, c’est-à-dire de capacité à faire vivre
ensemble de manière décloisonnée des gens
de condition différente et de grande diversité
me, que de réfléchir à la manière dont on
accompagne le projet d’un territoire comme le
nôtre, une ville de mixité sociale et d’échanges.
L’urbanisme particulier de Cergy peut être
convivial et aussi impersonnel.
Photo : Lionel Pagès
La culture occupe une place particulière dans
une ville et une agglomération comme la nôtre,
où la population, dont 70 % a moins de 39 ans,
a triplé en trente ans. La culture est au cœur du
débat démocratique pour deux raisons essentielles. D’abord elle constitue un espace de débat
et de liberté de pensée qui donne la possibilité de
s’interroger sur soi-même et la société qui nous
entoure, sur les enjeux collectifs qui sont les
nôtres. La fonction de l’artiste est d’interpeller
librement la société, de poser les débats. La
deuxième chose, c’est que la culture est un levier,
un outil d’épanouissement personnel et un espace d’échanges entre individus. Dans notre ville,
cet enjeu d’épanouissement et de partage entre
dans le concept démocratique, qui appelle la
démocratisation, l’égalité des chances, la possibilité offerte à chacun d’ouvrir ses talents. C’est
sur cette double fonction que l’action de Joël
Dragutin est déterminante, avec le Théâtre 95 et
sa mission de centre d’es écritures contemporaines. Ce questionnement démocratique et
artistique est au cœur de sa démarche de directeur et d’auteur. C’est pour cela que ce projet
nous est commun.
Dominique Lefebvre
culturelle. La culture est un levier pour construire l’identité de ce territoire et des populations
qui y sont rassemblées, qui y habitent depuis
moins de dix ans pour la moitié d’entre eux.
C’est un outil nécessaire de convivialité, de
prise de recul et de réflexion, et un outil très fort
de démocratisation, d’ouverture et de construction de l’avenir. Comme le prouve par exemple
le succès du festival des cultures urbaines, 100
Contests, ou du Furia Sound Festival, qui a rassemblé fin juin 50 000 personnes à la Base de
loisirs de Cergy-Pontoise, la culture sert de
levier à des publics particuliers pour qu’ils prennent toute leur place au sein de la cité, et en
même temps interpelle, crée une dynamique et
des interactions. Le décloisonnement des pratiques culturelles, – théâtre, danse, cultures
actuelles – est intéressant, et nous tentons
aussi grâce au Passe-culture étudiant de développer l’implication des 20 000 étudiants de
l’agglomération dans la vie culturelle. Dans ma
fonction d’élu aujourd’hui, il s’agit moins de préserver une culture patrimoniale ou un esthétis-
« La culture aide à traverser
et à résoudre les contradictions
sociales et sociétales
du monde d’aujourd’hui. »
Lorsque je suis arrivé en 1995, on reprochait à
Cergy son manque d’âme. Or l’âme d’une ville
se travaille, à travers notamment la politique
culturelle. Dans le cadre des contrats de service public qu’on passe avec les institutions culturelles et les artistes, on attend quelque chose
de la politique culturelle sur le territoire, et on
sait distinguer la commande publique avec
des objectifs à atteindre pour les institutions et
d’autre part la liberté artistique. De ce point de
vue l’homme de culture est un médiateur, un
transmetteur, un interpellateur, qui permet de
poser les débats qui sont nos enjeux individuels et collectifs de tous les jours. Sous le premier mandat j’avais doublé le budget culture
de la ville, les enveloppes ont encore augmenté, mais on essaie surtout de structurer cela sur
différents pôles. La culture aide à traverser et à
résoudre les contradictions sociales et sociétales du monde d’aujourd’hui. La médiation
culturelle est un moyen d’être au cœur de ces
débats, d’essayer de les rendre accessibles au
plus grand nombre.
Propos recueillis par Agnès Santi
regarder à tous les endroits. Si ça ne marche pas,
arrêtons. Si on y croit un peu, proposons. À nous
de sortir d’un raisonnement sur l’échec, du fonctionnement des systèmes pyramidaux afin de
trouver une autre transversalité. Pour moi, la place
d’un auteur vivant au sein d’un théâtre est déterminante.
Emmanuel Demarcy-Mota : « À nous
de sortir d’un raisonnement
sur l’échec, du fonctionnement
des systèmes pyramidaux. »
C’est pourquoi en tant que metteur en scène, je
me suis engagé dans un parcours sur la durée
avec l’auteur Fabrice Melquiot. Et les acteurs étrangers travaillent avec les acteurs français. La question de la place du théâtre dans la cité est essentielle, et les projets croisés entre rectorats, DRAC et
établissements scolaires sont de plus en plus difficiles à installer au nom de la crise. La nouvelle
génération doit prendre ses responsabilités et sortir de l’assistanat. La transversalité recrée un espace de dialogue entre les metteurs en scène.
Jérôme Lecardeur : C’est une réalité ardue de
diriger un lieu dans les régions. L’Europe des
Régions a été un concept longuement débattu
pour une appropriation de la culture, une politique
culturelle définie ensemble.
Jérôme Lecardeur : « Je privilégie
un regard transversal
sur le théâtre, la danse,
la musique, la vidéo… »
Notre pays développe un réseau institutionnel
immense, une formidable boîte à outils. Mais les
collectivités locales ont voulu simultanément
créer leur propre dimension culturelle, un festival,
etc. et s’engager dans des projets, dans l’attente
d’un retour politique immédiat. Si je peux, en
échange, rester dans le dialogue, c’est que je ne
me situe pas dans un rapport direct à l’électorat et
je ne prétends pas à des enjeux politiques. Je dirige une petite Scène Nationale à Dieppe, une zone
de paupérisation. Même si Dieppe est une souspréfecture, il est hors de question que je fasse un
théâtre de sous-préfecture. Je ne pense pas en
termes de disciplines et de quotas, je privilégie un
regard transversal sur le théâtre, la danse, la
musique, la vidéo. Ancien danseur, je ne me bride
en rien, et les difficultés m’attendent : des sujets
posent question comme la religion, le politique, le
social. Je travaille avec nos voisins anglais, et j’ai
décidé de créer annuellement un moment britannique contemporain. La vision du Festival d’Édimbourg suscite bon nombre de questions : un déluge de productions et une sociologie différente de
la nôtre. Le public est plus jeune d’une dizaine
d’années. Et les Anglais ont davantage gardé le
lien avec la politique, la réalité sociale, la famille, la
sexualité… Un théâtre naturaliste qui s’oppose au
théâtre sophistiqué français, comme si cet art en
Angleterre était plus populaire qu’en France. Voilà
pourquoi je travaille avec l’auteur et metteur en
scène David Noir. Il touche à nombre de tabous
avec violence en utilisant le détournement, le
calembour, le grotesque et la culture populaire.
Propos recueillis par Véronique Hotte
Théâtre / Colloque au Théâtre 95 / 33
Bernard Stiegler
Réinventer des modèles culturels et industriels qui produisent du symbolique
Bernard Stiegler propose une analyse globale du rôle de la culture dans notre monde contemporain, qui a profondément changé avec l’essor impressionnant des industries culturelles, avec pour conséquence la prolétarisation du consommateur, quelle que soit sa classe sociale, et la liquidation des singularités. Ainsi est-on condamné
à vivre dans un univers symboliquement misérable, où les savoir-faire et savoir-vivre n’ont plus cours. Pour éviter la rupture, Bernard Stiegler propose une nouvelle utilisation européenne des technologies de l’esprit.
« Le capitalisme invente la figure
du consommateur prolétarisé »
Par conséquent, l’expérience de chacun, telle
qu’elle se façonne à travers les images et les
sons qu’il perçoit, tend à devenir la même que
celle de son voisin, alors même que, isolé devant
son appareil, il conserve l’illusion d’un loisir solitaire. A force de répétition, des millions de
consciences intériorisent les mêmes objets temporels. Or une « conscience » est essentiellement une conscience de soi : une singularité. En
dépossédant les êtres humains de leur individualité, la société hyperindustrielle fabrique des
comportements grégaires mais surtout elle sape
le sentiment d’exister et engendre un profond
mal-être qui délie les liens sociaux. Car comment
aimer les autres si on ne s’aime pas soi-même
un peu ? Cette situation résulte d’une mutation
du capitalisme qui s’est opérée au cours du XXe
siècle. Durant la révolution industrielle, l’introduction du machinisme a eu pour but d’accroître
la productivité pour augmenter la production de
biens. Elle a conduit à transformer l’ouvrier,
« celui qui ouvre », en « prolétaire », c’est-à-dire
en travailleur asservi à un dispositif machinique
qui le prive d’initiatives et de savoirs professionnels. Je ne critique pas l’industrialisation : elle a
permis de satisfaire des besoins essentiels quant
à la nourriture, au confort ou à l’hygiène, et d’envisager d’ouvrir autrement le monde.
Cependant, ainsi que l’avait analysé Marx, le
capitalisme s’est heurté à une crise tendancielle
de surproduction qui a manifesté toute son
ampleur en 1929. Mais contrairement à ce que
prévoyait Marx, il ne meurt pas : il invente la figure du consommateur prolétarisé ! Pour absorber
la surproduction, les industries développent des
techniques de marketing qui visent à capter le
désir des individus afin de les inciter à acheter.
Pour maximiser leur rentabilité et conquérir des
marchés, les industries doivent homogénéiser
les comportements, en s’appuyant notamment
sur les médias audiovisuels qui fonctionnalisent
la dimension esthétique de l’individu. C’est ainsi
que Patrick Le Lay, PDG de TF1, peut déclarer,
sans vergogne, que le rôle de la télévision
« consiste à vendre à Coca Cola du temps de
cerveau humain disponible ». Les gens sont classés en « niches », « segments », etc. Le singulier
est transformé en particulier. Ce capitalisme culturel est dangereux car il est voué à l’autodestruction et risque de nous détruire avec lui. Il
repose fondamentalement sur la captation et la
Bernard Stiegler
Photo : Lionel Pagès
La culture est au cœur de la question européenne, car nous vivons une époque de « misère symbolique », dominée par un capitalisme culturel
qui standardise les existences pour satisfaire ses
intérêts et qui détruit chaque jour un peu plus les
savoir-vivre, en particulier la culture en ce qu’elle
a de proprement européen. Une large partie de
la population se trouve aujourd’hui privée de son
expérience esthétique. Les industries culturelles,
qui, entendues au sens large, réalisent 40 % du
chiffre d’affaires consolidé à l’échelle mondiale,
ont en effet méthodiquement substitué à l’expérience sensible des individus un conditionnement esthétique et une fabrication artificielle
des désirs. Tous les jours, des millions de personnes sont connectées simultanément aux
mêmes programmes de télévision, de radio ou
de consoles de jeu.
désingularisation de la libido. Or celle-ci est un
processus de sublimation et ne peut fonctionner
que sur la singularité. Son exploitation rationnelle par les moyens industriels épuise l’énergie qui
la constitue. Il en résulte une ruine de l’économie
libidinale au profit d’une exaltation des pulsions
et la destruction du « narcissisme primordial ».
L’actuelle organisation de l’économie symbolique qui transforme tout en marchandise réduit
l’existence au plan de la subsistance. L’homme a
besoin de se nourrir de symbolique, d’une libido
sublimée qui ne s’investit pas par consomma-
tion immédiate de son objet. Pour moi, la culture ne se consomme pas, elle se cultive. Nous
devons repenser la culture comme un culte :
une pratique qui ne se réduit pas à un usage.
« Destruction du
“narcissisme primordial” »
Cet état de dévoiement généralisé des industries culturelles n’est pas une fatalité. Chacun
de nous a la tentation de se laisser aller à la
paresse, de régresser en s’absorbant dans la
consommation. Mais le propre de l’humain
est aussi d’avoir le désir de s’élever. Il ne s’agit
pas de rejeter les médiations technologiques
mais de ne pas les laisser aux mains de dirigeants sans vergogne. Pour les Grecs, le sentiment de justice et la vergogne, autrement dit
le scrupule, constituaient les fondations
nécessaires à la construction de la Cité.
L’Europe doit restaurer ces conditions et
mettre en œuvre une politique industrielle de
l’esprit, originale et audacieuse, pour rompre
avec le fonctionnement actuel. Il faut réinventer des modèles culturels et industriels qui
produisent du symbolique. Pourquoi les
artistes ne se préoccupent-ils pas des outils de
communication et de leurs contenus, qui sont
aujourd’hui conçus par des ingénieurs ? Ils
devraient s’emparer des nouveautés de la
tekhné. Cela ne signifie pas mettre des écrans
partout sur les plateaux de théâtre mais penser la culture dans un monde industriel. C’est
pour cela que j’ai créé Ars Industrialis,
« Association internationale pour une politique
industrielle de l’esprit ».
Propos recueillis par Gwénola David
La parole aux élus / Francis Parny
Pour un authentique engagement culturel et citoyen
Francis Parny, vice-président chargé de la Culture et des Nouvelles Technologies, de l’Information et de la Communication
à la Région Ile-de-France, propose de changer la façon de faire de la politique, afin qu’émergent une vraie démocratie participative et un authentique souci citoyen quant à la culture.
« La décentralisation de l’après-guerre a été
impulsive et a mis la culture au cœur des préoccupations politiques. Mais aujourd’hui, nombreux sont les élus qui considèrent que la culture coûte trop cher alors qu’ils n’hésitent pas,
par exemple, à financer la santé quand c’est
nécessaire. Il faut lutter contre ce point de vue.
« Je suis favorable au fait
que 1 % du PIB et non pas
seulement 1 % du budget national
soit consacré à la culture. »
La situation est à mettre en rapport avec l’évolution de la fiscalité : je suis favorable au fait
que 1 % du PIB et non pas seulement 1 % du
budget national soit consacré à la culture. Cela
permettrait d’augmenter les budgets car la culture a besoin de plus d’argent. Sur ce point, on
attend beaucoup des régions mais il faut que
le budget national augmente aussi. La question de la culture était centrale dans les projets
politiques de l’après-guerre. Mais le projet culturel des partis politiques a peu à peu glissé
par compromis avec la vague libérale. S’il faut
saluer la façon dont se sont développées les
politiques culturelles qui respectent la liberté
de la création, il faut admettre qu’elles ont
entraîné une augmentation de l’offre et une
situation de crise révélée par le conflit des
intermittents toujours en cours. S’il y a tellement de créations, comment fait-on ? N’y en at-il pas trop ? C’est la tentation de réponse des
élus. Je pense qu’il y a plutôt une réflexion
Francis
Parny
nécessaire à mener sur la diffusion et une
nécessité de porter l’excellence de la création
à la connaissance du plus grand nombre.
Aujourd’hui, la place du citoyen est à revoir
pour qu’il soit associé à tout le procès de création. C’est pourquoi, en tant qu’élu, j’ai refusé
d’avoir un conseiller artistique. Le normatage
économique conduit à une évolution des
contenus. On l’a par exemple constaté lors de
la dernière rentrée littéraire : les écrivains en
viennent à aller à la rencontre de la médiatisation. Les questions culturelles ne se posent
plus de la même façon aujourd’hui que la
société a évolué. La culture est-elle un produit
à vendre ou à acheter ou la production d’une
œuvre ? Le débat est fort et il est politique. On
assiste à une augmentation effrénée de la
marchandisation des biens culturels et à l’appauvrissement des contenus car on vise
davantage la satisfaction des industries culturelles que l’émancipation des esprits. Pour lutter contre cette situation, il est urgent de
redonner tout son sens à la notion d’échange :
il faut échanger, c’est-à-dire faire en sorte que
tous les acteurs de la vie culturelle discutent
ensemble. Si les pratiques culturelles de nos
concitoyens ne sont pas prises en compte, comment les artistes peuvent-ils accéder aux
publics ? Ainsi dans le quartier de Cergy-SaintChristophe, très proche d’ici, la population est à
80 % composée d’Africains. Dans une telle
situation, il est nécessaire que les acteurs culturels prennent en compte cette spécificité. Lors
des Assises régionales de la Culture en Ile-deFrance, on a proposé justement la mise en place
de structures de dialogue permanent entre les
différents acteurs de la vie culturelle.
« Il est urgent de redonner tout
son sens à la notion d’échange. »
Plusieurs questions sont à reposer : bien sûr
celle des limites de la décentralisation mais en
même temps celle de l’offre culturelle, celle du
diktat de la publicité dans l’audiovisuel (qui promeut des produits qui se vendent bien mais ne
diffuse pas la multiplicité culturelle), et celle du
problème de l’enseignement culturel. Il faut se
donner les moyens pour augmenter l’accès à la
culture dans le contexte si particulier du monde
moderne où les sources de profit de l’industrie
culturelle sont immenses ; ainsi aux États-Unis,
la culture représente la deuxième source de
revenus. Si les subventions sont restreintes, ce
qui en souffre, c’est l’appropriation artistique et
culturelle. »
Propos recueillis par Catherine Robert
34 / Théâtre / Colloque au Théâtre 95
Christophe Blandin-Estournet
Quelle place le dispositif institutionnel légitimant laisse-t-il à d’autres cultures ?
De nouvelles formes artistiques rencontrent-elles de nouveaux publics ? Christophe
Blandin-Estournet, programmateur Arts du Cirque, Arts de la Rue et Marionnette au
Parc de la Villette, analyse le phénomène d’émergence et le rôle des lieux culturels.
yeux la différence entre l’art et la culture : l’art
est un point de vue nouveau, décalé, sur le
monde, tandis que la culture renvoie au partage de valeurs communes. Dès lors, se pose la
question de qui détermine ces valeurs, et comment. Ceux qui se trouvent en position de légitimation sont les institutions, les médiateurs
(programmateurs, journalistes, etc.) et les
artistes eux-mêmes. Autrement dit, la culture
« cultivée », reconnue, valorisée, s’autodéfinit.
Ce constat conduit à reformuler notre problématique : quelle place le dispositif institutionnel légitimant laisse-t-il à d’autres cultures, à de
nouveaux publics ? Car l’émergence de nouvelles formes esthétiques nous dépasse, et
heureusement. Elle est le fruit d’une conjonction entre un regard sur le monde et l’horizon
d’attentes d’une population. Prenons l’exemple
des arts de la piste, qui connaissent un
bouillonnement créatif impressionnant et un
fort engouement du public. Je crois que leur
essor est lié fondamentalement au fait qu’ils
interrogent des valeurs socialement en crise :
la convivialité et l’égalité sociale ; la solidarité
et la confiance ; l’imperfection, la saleté, une
certaine sauvagerie, attachées à l’univers saltimbanque. Notre société refuse le risque et
tend à vouloir tout aseptiser, même l’humain.
Jean-Gabriel Carasso
Le cirque répond à cette angoisse du tout
sécuritaire parce qu’il donne à voir et sublime
le risque, parce qu’il offre un des derniers territoires rimbaldiens. Il ouvre vers de nouveaux
publics.
Photo : Lionel Pagès
Je rappellerais d’abord ce qui fonde à mes
Christophe
Blandin-Estournet
« La pertinence artistique précède
l’élargissement du public. »
pagner pour favoriser la rencontre avec le public.
Nous jouons le rôle de facilitateur. Nous devons
toutefois prendre garde à ne pas corseter les
nouvelles formes en les enfermant immédiatement dans des formats prédéfinis qui conviennent à nos contraintes.
La pertinence artistique précède l’élargissement
du public. En témoigne également le succès du
hip hop et du rap. Arrivés en France dans les
années 80, ils retracent l’itinéraire de l’esclavage. Cette révolte surgit aujourd’hui dans le débat
public sous une forme conscientisée à travers
les revendications sur le devoir de mémoire
quant au colonialisme. Autrefois réduit à une
pratique sociale, le hip hop est maintenant
reconnu comme un genre chorégraphique
novateur et invité dans les programmations du
réseau institutionnel. Le rap est commercialisé
par les majors du disque. Mais face à la standardisation et l’affadissement des textes, imposés
par les industries culturelles, il génère sa propre
subversion avec l’apparition d’un rappeur
comme Eminem. Les programmateurs doivent
donc rester modestes. Notre travail consiste à
repérer les courants émergents et à les accom-
« Le paradoxe que nous devons
résoudre est que nous
revendiquons l’ouverture tout
en produisant de la légitimation. »
Autrement dit, il faut préserver cette création
qui échappe à nos dispositifs, laisser un peu
d’improbable, de terrain vague, pour qu’elle se
développe. Le cirque, la marionnette ou le hip
hop drainent un public plus hétérogène que la
danse contemporaine ou le théâtre. Les
Rencontres des cultures urbaines attirent par
exemple beaucoup de jeunes des banlieues,
qui viennent pour voir du hip hop et qui découvrent à l’occasion des pièces de théâtre et de
danse issues de la marge. Cependant, ils
n’osent pas franchir le seuil des lieux de la culture « cultivée », perçus comme sacrés, réservés
aux initiés. Il y a un travail de désacralisation à
mener, qui peut passer par des actes simples,
mais symboliques, tels que réunir artistes et
spectateurs sur un même lieu de restauration
ou repenser les schémas de programmation. Le
paradoxe que nous devons résoudre est que
nous revendiquons l’ouverture tout en produisant de la légitimation, dont la nôtre, tout en
cherchant à marquer notre différence, comme
l’a bien montré Bourdieu.
Propos recueillis par Gwénola David
Culture et éducation : une relation à construire par la pratique
Jean Gabriel Carasso, ancien directeur de l’ANRAT (Association Nationale de Recherche et d’Action Théâtrale), directeur de L’Oizeau rare, dont le dernier ouvrage s’intitule Nos enfants ont-ils droit à l’art et à la culture ? pose la question de la place de l’éducation artistique et culturelle dans la cité.
D’une façon générale, l’Éducation et la Culture
vivent de plein fouet une période inquiétante de
troubles. L’éducation artistique et culturelle
tente de s’aménager un territoire de travail en
légitimant son action par le truchement des
publics. L’Éducation Nationale soulève des questions en mal de résolution. Quel est l’objet de
l’éducation artistique et son champ d’application ? Pour quelle pédagogie et en fonction de
quels contenus, toujours à redéfinir ? Les questions fondamentales des évolutions ne cessent
de s’imposer, et le monde de la culture et celui
de l’éducation ne sont pas toujours en phase.
D’un côté, le monde de la culture et les praticiens de l’art pour lesquels importe le dévelop-
« L’objectif est de donner
la capacité aux adultes comme
aux enfants de faire la différence
entre l’œuvre et le produit. »
pement d’une action. De l’autre, la période de
régression vécue par l’Éducation Nationale,
appesantie par ses corporatismes, ses tensions
et conflits. La deuxième confusion a trait à la différence entre l’art et la culture. Il faut choisir.
L’art, c’est la chose. Et la culture, c’est le rapport
à la chose. D’abord, il s’agit de fabriquer une
chose, une œuvre, un concept : l’avènement
d’une création relève d’un travail vertical qui
consiste à approfondir pour élever un procès
artistique. Une politique qui nécessite du temps.
En même temps, le rapport que vivent les
citoyens à la science, à la religion et à l’artistique
– ce que l’on nomme la culture – exige une attitude et une aptitude. L’image n’est pas celle
d’une échelle à laquelle il faudrait accéder,
échelle qui partirait dans les nuages et oublierait
ce qui est sur terre. La relation à la culture ne
Quel est l’objectif ? Toucher un plus grand
nombre d’enfants, comme dans le jeu de la
bataille navale, et faire du chiffre tandis que l’on
aspire à construire des individus… L’objectif est
plutôt de donner la capacité aux adultes comme
aux enfants de faire la différence entre l’œuvre
et le produit, de travailler en permanence sur ce
questionnement-là. Aussi l’expérience personnelle est-elle déterminante. L’appropriation
passe forcément par l’épreuve de la pratique
personnelle. Ainsi s’impose naturellement le rapport aux œuvres : éprouver, entendre, voir, lire,
assister à des spectacles, à une diversité
d’œuvres. À partir de ces pratiques, il s’agit de
mener sa propre réflexion. L’expérience peut
être celle d’une émotion forte. Ce qui importe,
c’est d’apprendre à faire le lien face à la complexité du monde, comme dit Edgar Morin. En
accordant à l’École toute sa valeur et en sortant
du syndrome du ping-pong qui répète, du
Ministère de l’Éducation Nationale au Ministère
de la Culture et inversement : « Ce n’est pas moi
le responsable, c’est l’autre ». Entre les enseignants, les élus et les médiateurs, il faut trouver
des modes de partenariat pour former des pro-
jets communs. Un temps formidable de temps
partagé. J’en appelle à un débat public et politique sur le sens de ce travail et sur ses enjeux.
Je crois à l’urgence d’une politique de formation
et de transmission du sens. La mise en réseau
des militants en la matière est nécessaire pour
un développement des initiatives multiples et
l’accentuation de l’institutionnalisation. Le
couple Négociation et Partenariat est fondateur
dans la possibilité de dégager au sein de l’Éducation nationale du temps et de l’espace. »
Propos recueillis par Véronique Hotte
Ce colloque a eu lieu le samedi 4 juin
au Théâtre 95 à Cergy-Pontoise.
Photo : Lionel Pagès
« La relation à la culture
ne s’apprend pas,
elle se construit. »
s’apprend pas, elle se construit. Un rapport dialectique nourrit ces deux champs différenciés
que sont l’Éducation et la pratique artistique.
Jean Gabriel
Carasso
Photo : Lionel Pagès
« Je me reconnais totalement dans le contexte
déjà évoqué des profonds bouleversements
dont fait l’objet la société. Une ère de décomposition latente semble s’installer. Non seulement
le travail se décompose, mais aussi la famille et
l’Europe… Tout fout le camp !, tel est le diagnostic partagé par chacun. À l’intérieur de ce bouleversement et de ces secousses, quelques éléments sont particulièrement interpellés : le
champ culturel, les professions de la culture d’un
côté, et le public ou bien les publics, de l’autre.
Pour ce qui concerne le champ de l’éducation,
nous en sommes au treizième rapport qui ne
contient d’ailleurs pas le moindre mot sur l’éducation artistique et culturelle.