Manutentions. Des mises en rayon sous haute

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Manutentions. Des mises en rayon sous haute
entreprise bricolage
Manutentions
À l’heure où la direction de Leroy Merlin France
met en place une politique visant à limiter
et sécuriser la manutention lors de la mise
en rayon, le magasin de Nîmes s’est rapproché
de la Carsat Languedoc-Roussillon avec
un objectif commun de réduction drastique
du nombre d’accidents.
I
l fallait réagir. Confronté à
un taux de fréquence des
accidents du travail élevé
pour l’activité (1), l’établis­
sement Leroy Merlin de Nîmes,
dans le Gard, s’est rapproché,
dès le mois d’août 2011, de la
Carsat Languedoc-Roussillon.
L’objectif : mettre en œuvre un
plan d’action afin, dès l’année
suivante, de diviser par deux
le nombre d’accidents. Les premières décisions ont trait au
renforcement de l’analyse des
accidents du travail, afin qu’ils
ne soient plus vécus comme
des événements isolés, et à la
mise en place d’actions correctives. Très rapidement, il est
question de la sensibilisation
de l’encadrement. Frédéric
Dabek, contrôleur de sécurité
à la Carsat, programme ainsi,
à un rythme régulier, la rencontre d’un chef de secteur sur
son territoire. Personne n’est
prévenu. L’idée est de prendre
une photo à un instant donné
et de débattre des observations avec le manager.
Premier secteur audité : le
rayon jardin. « Je mets l’accent
sur des choses très simples :
conserver des allées dégagées,
veiller au rangement des différents éléments, maintenir en
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Travail & Sécurité –
­­ Juillet-août 2012 ordre les vitrines des gondoles,
éviter les reprises une fois la marchandise en rayon, nettoyer les
salissures quelles qu’elles soient,
utiliser la technique de manutention la mieux adaptée à la
tâche, etc. », explique Frédéric
Dabek. « C’est un regard neuf,
affirme Jean Driouche, chef du
secteur jardin. On finit par ne
plus voir certains travers. Lors de
la visite, nous avons parfois mis
le doigt sur des évidences, mais
surtout compris que l’on peut
être de bons commerçants tout
en travaillant en sécurité. La
question du rangement a souvent été posée. Il faut être clair :
un collaborateur qui range n’est
pas là pour faire autre chose. Il
ne laisse pas sans surveillance
une palette à moitié déballée
pour aller répondre à un client,
qu’il orientera, le cas échéant,
vers un vendeur. »
Une organisation
revue et corrigée
De grandes orientations nationales, émanant du service
sécurité du siège, ont d’ailleurs été communiquées cette
année pour faire évoluer la
mise en rayon (MER). « Une
grande partie des accidents est
imputable, directement ou indirectement, aux manutentions.
Notre plan d’action pour les
limiter et les sécuriser intègre
notamment la politique nationale de la MER », précise Valérie
Courtial, responsable des ressources humaines. « C’est une
nouvelle façon de gérer l’organisation de la mise en place des
marchandises afin de faciliter
la manutention, en réception
comme en vente, explique Jean
San Marti, chef de secteur
et responsable de la mise en
place du projet MER. La mise en
rayon, c’est 80 % du quotidien.
Son bon déroulement nécessite
Leroy Merlin en bref
E
ntreprise pionnière du Groupe Adeo, la société Leroy Merlin
est aujourd’hui en France l’enseigne leader sur le marché de
l’amélioration de l’habitat et du cadre de vie. Spécialisée dans
la vente de produits, projets et services, Leroy Merlin France
s’est donné pour ambition d’« aider chaque habitant à rêver
sa maison et la réaliser » et met la satisfaction de chacun de
ses clients au cœur de son métier. 20 000 collaborateurs dans
115 magasins portent aujourd’hui cette ambition. À Nîmes, le
magasin compte de 140 à 150 collaborateurs suivant la saison.
une vision logistique globale qui
permette d’optimiser l’arrivée
de marchandises dans le magasin. Un planning a donc été mis
en place avec les fournisseurs
et transporteurs afin de revoir
l’organisation des volumes.
Aujourd’hui, notre objectif est
de traiter à j+1 toute la marchandise qui a été livrée. » Le
réapprovisionnement est ciblé,
sans débordement de la mise à
disposition.
Question organisation, les
besoins et positionnements
des différents rayons ont été
revus. Aujourd’hui, près de
30 % des ventes du magasin
transitent par l’« emporté marchandises ». C’est notamment
le cas de tous les produits
lourds. Ainsi, certains rayons
physiques, comme le carrelage,
ont été tournés vers de l’exposition et des show-rooms. Le
matin, tout est mis en œuvre
pour terminer le remplissage du magasin au plus tôt.
Chaque engin de manutention
a un emplacement de charge
et de stationnement attitré.
« Tous les jours, le responsable
du projet débriefe les équipes
MER, qui sont invitées à exprimer les difficultés qu’elles pourraient rencontrer. À terme, il
sera accompagné par le responsable réception et le permanent
de magasin », souligne Valérie
Courtial.
Un dispositif
en construction
« Nous jugerons l’efficacité du
projet et apporterons les cor-
© Gaël Kerbaol/INRS
Des mises en rayon
sous haute surveillance
rections nécessaires au cours
de l’été, lorsque le magasin
aura accusé ses pics de réception », précise Jean-Luc Asens,
directeur de l’établissement.
« Même s’ils ne perçoivent pas
systématiquement ce que ça va
leur apporter, les collaborateurs
constatent que les flux sont
traités plus intelligemment et
que certains réaménagements
permettent d’éviter la répétition des gestes contraignants »,
affirme Jean Driouche. Sur
le secteur jardin, le magasin
a par exemple supprimé la
manutention qui consistait à
reprendre les piquets de clôture dans des casiers au niveau
du sol, pour les remettre dans
les racks d’exposition. « Dès que
l’on touche au volet organisationnel, un accompagnement
est nécessaire, souligne Valérie
Courtial. Certaines habitudes
commerciales peuvent évoluer.
Si nécessaire, la direction du
magasin fournit des moyens
supplémentaires. À noter que
depuis plusieurs années, le parc
des engins de manutention et
de levage électrique s’est fortement développé. » Un autre
exemple côté jardin, un secteur
qui, en saison, pèse jusqu’à
100 palettes par jour. Pendant
les périodes de forte activité,
un logisticien sera désormais
dédié en permanence à la cour
extérieure et travaillera en relation avec le vendeur.
« Par ailleurs, le travail que nous
menons avec la Carsat a permis à Frédéric Dabek de devenir l’interlocuteur de tous et de
renforcer la priorité donnée à
la sécurité, poursuit la responsable des ressources humaines.
Nous continuons également
notre démarche d’information
et de formation. Dès l’intégration des nouveaux, nous prévoyons un tour de magasin, la
lecture d’un livret d’accueil et
le suivi d’une formation sécurité en ligne. » En juin 2012,
un premier salon sécurité se
tiendra dans le magasin pour
l’ensemble des collaborateurs.
Plusieurs ateliers ou miniconférences seront organisés,
en collaboration notamment
avec le médecin du travail.
Dans le même esprit, le
chargé de sécurité du magasin
observe une vigilance permanente, transmet ses observations aux membres du comité
de direction et veille à la rectification des problèmes relevés. Pour Sébastien Lafuente,
dont la mission a débuté il y
a quelques mois, c’est déjà un
réflexe : « Je repère les anomalies. Parfois, les solutions sont
Représentant 80 % de l’activité
quotidienne, la mise en rayon
nécessite une vision logistique
globale afin d’optimiser les flux
de marchandises dans le magasin.
immédiates. Parfois, il faut
en référer au chef de secteur,
explique-t-il. Un compte rendu
est fait au comité de direction. Mais j’en parle aussi dans
les rayons. J’informe tout le
monde. » Un rôle essentiel car
le magasin l’a compris : seule
l’implication de chaque collaborateur garantira la sécurité
de tous.
1. Le taux de fréquence des accidents du
travail pour l’activité commerce de détail
de bricolage (surface de vente de plus de
400 m2) est de 43.
Grégory Brasseur
Travail & Sécurité ­­– Juillet-août 2012
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