thèse intégrale Albane Mainguy
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thèse intégrale Albane Mainguy
0 UNIVERSITE D’ANGERS FACULTÉ DE MÉDECINE Année 2013 THÈSE pour le DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE Qualification en : MÉDECINE GÉNÉRALE par Albane MAINGUY née le 29 janvier 1983 à Nantes (44) Présentée et soutenue publiquement le 18 juin 2013 Synthèse de la littérature qualitative francophone en psychologie depuis l’année 2000 sur le vécu psychique de la femme après l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) Membres du jury Président du jury : Monsieur le Professeur Philippe DUVERGER Directeur de thèse : Madame le Professeur Céline BARON 1 Liste des enseignants de la Faculté de Médecine d’Angers Doyen Pr. RICHARD Vice doyen recherche Pr. BAUFRETON Vice doyen pédagogie Pr. COUTANT Doyens Honoraires : Pr. BIGORGNE, Pr. EMILE, Pr. REBEL, Pr. RENIER, Pr. SAINT-ANDRÉ Professeur Émérite : Pr. GUY Professeurs Honoraires : Pr. ACHARD, Pr. ALLAIN, Pr. ALQUIER, Pr. BIGORGNE, Pr. BOASSON, Pr. BREGEON, Pr. CARBONNELLE, Pr. CARON-POITREAU, Pr. M. CAVELLAT, Pr. COUPRIS, Pr. DAUVER, Pr. DELHUMEAU, Pr. DENIS, Pr. EMILE, Pr. FOURNIÉ, Pr. FRANÇOIS, Pr. FRESSINAUD, Pr. GESLIN, Pr. GROSIEUX, Pr. GUY, Pr. HUREZ, Pr. JALLET, Pr. LARGET-PIET, Pr. LARRA, Pr. LIMAL, Pr. MARCAIS, Pr. PENNEAU, Pr. PIDHORZ, Pr. POUPLARD, Pr. REBEL, Pr. RENIER, Pr. RONCERAY, Pr. SIMARD, Pr. SORET, Pr. TADEI, Pr. TRUELLE, Pr. TUCHAIS, Pr. WARTEL PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS MM ABRAHAM Pierre ARNAUD Jean-Pierre ASFAR Pierre AUBÉ Christophe AUDRAN Maurice AZZOUZI Abdel-Rahmène Mmes BARON Céline BARTHELAIX Annick MM BASLÉ Michel BATAILLE François-Régis BAUFRETON Christophe BEAUCHET Olivier BEYDON Laurent BIZOT Pascal BONNEAU Dominique BOUCHARA Jean-Philippe BOYER Jean CALÈS Paul CAROLI-BOSC François-Xavier CHABASSE Dominique CHAPPARD Daniel COUTANT Régis COUTURIER Olivier DARSONVAL Vincent de BRUX Jean-Louis DESCAMPS Philippe DIQUET Bertrand DUBIN Jacques DUVERGER Philippe ENON Bernard FANELLO Serge FOURNIER Henri-Dominique MM FURBER Alain GAGNADOUX Frédéric GARNIER François GARRÉ Jean-Bernard Physiologie Chirurgie générale Réanimation médicale Radiologie et imagerie médicale Rhumatologie Urologie Médecine générale (professeur associé) Biologie cellulaire Cytologie et histologie Hématologie ; Transfusion Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Médecine interne, gériatrie et biologie du vieillissement Anesthésiologie et réanimation chirurgicale Chirurgie orthopédique et traumatologique Génétique Parasitologie et mycologie Gastroentérologie ; hépatologie Gastroentérologie ; hépatologie Gastroentérologie ; hépatologie Parasitologie et mycologie Cytologie et histologie Pédiatrie Biophysique et Médecine nucléaire Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; brûlologie Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique Oto-rhino-laryngologie Pédopsychiatrie Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire Épidémiologie, économie de la santé et prévention Anatomie Cardiologie Pneumologie Médecine générale (professeur associé) Psychiatrie d’adultes 2 Mme M. Mmes MM Mme MM Mme M. Mme MM Mme MM Mmes MM MM GINIÈS Jean-Louis GRANRY Jean-Claude HAMY Antoine HUEZ Jean-François HUNAULT-BERGER Mathilde IFRAH Norbert JEANNIN Pascale JOLY-GUILLOU Marie-Laure LACCOURREYE Laurent LAUMONIER Frédéric LE JEUNE Jean-Jacques LEFTHÉRIOTIS Georges LEGRAND Erick LEROLLE Nicolas LUNEL-FABIANI Françoise MALTHIÉRY Yves MARTIN Ludovic MENEI Philippe MERCAT Alain MERCIER Philippe MILEA Dan NGUYEN Sylvie PARÉ François PENNEAU-FONTBONNE Dominique PICHARD Eric PICQUET Jean PODEVIN Guillaume PROCACCIO Vincent PRUNIER Fabrice RACINEUX Jean-Louis REYNIER Pascal RICHARD Isabelle RODIEN Patrice ROHMER Vincent ROQUELAURE Yves ROUGÉ-MAILLART Clotilde ROUSSELET Marie-Christine ROY Pierre-Marie SAINT-ANDRÉ Jean-Paul SENTILHES Loïc SUBRA Jean-François URBAN Thierry VERNY Christophe VERRET Jean-Luc WILLOTEAUX Serge ZANDECKI Marc MAÎTRES DE CONFÉRENCES M. ANNAIX Claude Mmes BEAUVILLAIN Céline BELIZNA Cristina Pédiatrie Anesthésiologie et réanimation chirurgicale Chirurgie générale Médecine générale Hématologie ; transfusion Hématologie ; transfusion Immunologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Oto-rhino-laryngologie Chirurgie infantile Biophysique et médecine nucléaire Physiologie Rhumatologie Réanimation médicale Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Biochimie et biologie moléculaire Dermato-vénéréologie Neurochirurgie Réanimation médicale Anatomie Ophtalmologie Pédiatrie Médecine générale (professeur associé) Médecine et santé au travail Maladies infectieuses ; maladies tropicales Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire Chirurgie infantile Génétique Cardiologie Pneumologie Biochimie et biologie moléculaire Médecine physique et de réadaptation Endocrinologie et maladies métaboliques Endocrinologie et maladies métaboliques Médecine et santé au travail Médecine légale et droit de la santé Anatomie et cytologie pathologiques Thérapeutique ; médecine d’urgence ; addictologie Anatomie et cytologie pathologiques Gynécologie-obstétrique Néphrologie Pneumologie Neurologie Dermato-vénéréologie Radiologie et imagerie médicale Hématologie ; transfusion Biophysique et médecine nucléaire Immunologie Médecine interne, gériatrie et biologie du vieillissement 3 M. Mme MM Mme MM Mme MM Mme M. Mmes MM Mmes M. Mme M. Mmes MM BLANCHET Odile BOURSIER Jérôme BOUTON Céline BOUYE Philippe CAILLIEZ Éric CAPITAIN Olivier CHEVAILLER Alain CHEVALIER Sylvie CONNAN Laurent CRONIER Patrick CUSTAUD Marc-Antoine DUCANCELLE Alexandra DUCLUZEAU Pierre-Henri EVEILLARD Matthieu FORTRAT Jacques-Olivier GALLOIS Yves HINDRE François JEANGUILLAUME Christian JOUSSET-THULLIER Nathalie LETOURNEL Franck LIBOUBAN Hélène LOISEAU-MAINGOT Dominique MAY-PANLOUP Pascale MESLIER Nicole MOUILLIE Jean-Marc NICOLAS Guillaume PAPON Xavier PASCO-PAPON Anne PELLIER Isabelle PENCHAUD Anne-Laurence PIHET Marc PRUNIER Delphine PUISSANT Hugues ROUSSEAU Audrey SAVAGNER Frédérique SIMARD Gilles TURCANT Alain Hématologie ; transfusion Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Médecine générale (maître de conférences associé) Physiologie Médecine générale (maître de conférences associé) Cancérologie ; radiothérapie Immunologie Biologie cellulaire Médecine générale (maître de conférences associé) Anatomie Physiologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Nutrition Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Physiologie Biochimie et biologie moléculaire Biophysique et médecine nucléaire Biophysique et médecine nucléaire Médecine légale et droit de la santé Biologie cellulaire Biologie cellulaire Biochimie et biologie moléculaire Biologie et médecine du développement et de la reproduction Physiologie Philosophie Neurologie Anatomie Radiologie et Imagerie médicale Pédiatrie Sociologie Parasitologie et mycologie Biochimie et biologie moléculaire Génétique Anatomie et cytologie pathologiques Biochimie et biologie moléculaire Biochimie et biologie moléculaire Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique 4 Composition du jury Président du jury : Monsieur le Professeur Philippe DUVERGER Directeur de thèse : Madame le Professeur Céline BARON Membres du jury : Monsieur le Professeur Jean-François HUEZ Madame le Docteur Françoise ASPEELE Madame le Professeur Céline BARON 5 Liste des abréviations AVP : Accident de la Voie Publique IG : Interruption de Grossesse IMG : Interruption Médicale de Grossesse IVG : Interruption Volontaire de Grossesse PMA : Procréation médicalement assistée PMI : Protection Maternelle et Infantile SA : Semaine d’Aménorrhée VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine 6 Remerciements Au Professeur Philippe Duverger, pour avoir accepté de présider ce jury, Aux membres du jury, pour avoir bien voulu y participer, Au Professeur Céline Baron, pour avoir accepté d’étudier cette question de recherche et avoir dirigé cette thèse avec rigueur, A mes parents, ma famille, mes amis et tous ceux qui m’ont encouragée et accompagnée au cours de ce travail. 7 Sommaire Titre ........................................................................................................................................................... Liste des enseignants de la Faculté de Médecine d’Angers…………………………………………..…2 Composition du jury…………………………………………………………………………………… 5 Liste des abréviations .. ………………………………………………………………………………….6 Remerciements . …………………………………………………………………………………………7 Sommaire . ………………………………………………………………………………………………8 1. Introduction ………………………………………………………………………………………10 2. Matériel et méthodes .. ……………………………………………………………………………11 3. 2.1 Identification du matériel ……………………………………………………………………11 2.2 Sélection du matériel .. ………………………………………………………………………12 2.3 Evaluation de la qualité du matériel ... ………………………………………………………12 2.4 Recueil de données à partir du matériel . ……………………………………………………13 2.5 Analyse des données .. ………………………………………………………………………13 Résultats . …………………………………………………………………………………………14 3.1 Identification et sélection du matériel ………………………………………………………14 3.2 Evaluation de la qualité du matériel ... ………………………………………………………15 3.3 Recueil des données à partir du matériel…………………………………………………....16 3.3.1 Les caractéristiques des documents ……………………………………………………16 3.3.2 Les autres données.. ……………………………………………………………………17 3.4 Analyse des données .. ………………………………………………………………………17 3.4.1 Synthèse du document n°1 : Léa (Commentaire du vécu p 19) …………………….. ..17 3.4.2 Synthèse du document n°2 : Geneviève (Commentaire du vécu p 22) ………..……..20 3.4.3 Synthèse du document n°3 : Julie (Commentaire du vécu p 25) ………………………23 3.4.4 Synthèse du document n°4 : une femme (Commentaire du vécu p 27)……………….26 3.4.5 Synthèse du document n°5 : Esther (Commentaire du vécu p 30)…..............................28 3.4.6 Synthèse du document n°6 : Antoinette (Commentaire du vécu p 32)…………………31 3.4.7 Synthèse du document n°7 : Julie (Commentaire du vécu p 35)…………………….…33 3.4.8 Synthèse du document n°8 : Madame M. (Commentaire du vécu p 38)…………….…36 3.4.9 Synthèse du document n°9 : Clémentine (Commentaire du vécu p 40)…………….…39 Synthèse du document n°9 : Fatia (Commentaire du vécu p 43)………………………40 3.4.10 Synthèse du document n°10 : Cécilia (Commentaire du vécu p 47)………………...…44 3.4.11 Synthèse du document n°11 : Nadège (Commentaire du vécu p 51)………………......48 3.4.12 Synthèse du document n°12 : Madame T. (Commentaire du vécu p 55)…………...….52 3.4.13 Synthèse du document n°13 : Sarah (Commentaire p 58)…………………...…………56 8 3.4.14 Synthèse du document n°14 : Yasmina (Commentaire p 61)………………………......59 Synthèse du document n°14 : Justine (Commentaire p 63)…………………………….61 3.4.15 Synthèse du document n°15 : Luna (Commentaire p 68)……………………………....64 3.4.16 Synthèse du document n°16 : Nouria (Commentaire p 72)………………………….....69 3.4.17 Synthèse du document n°17 : Madame P. (commentaire p 76)………………………...73 3.4.18 Synthèse du document n°18 : Madame A. (Commentaire p 78) ………………………77 3.4.19 Synthèse du document n°19 : Madame B. (Commentaire p 81)……………………….79 3.4.20 Synthèse du document n°20 : une jeune femme (Commentaire p 85)……………...…..82 3.4.21 Synthèse du document n°21 : une jeune femme (Commentaire p 87)…………...…..…86 3.4.22 Synthèse du document n°22 : Michèle (Commentaire p 91)………………...…………88 3.4.23 Synthèse du document n°23 : 1ère femme (Commentaire p 95)……………...…………92 Synthèse du document n°23 : 2ème femme (Commentaire p 97) Synthèse du document n°23 : 3 ème …………………...96 femme (Commentaire p 98)………………..............98 3.4.24 Synthèse du document n°24 : Anna (Commentaire p 102)………………….…………99 3.4.25 Synthèse du document n°25 : Barbara (Commentaire p 103)………………………...103 Synthèse du document n°25 : Michèle (Commentaire p 105)…………………….…..104 4. Discussion ……………………………………………………………………………………….106 4.1 Type de méthode…………………………………………………………...………………106 4.2 Critique des résultats de la méthode …………………………………………………….....106 4.2.1 Identification et sélection de matériel ………………………………………………...106 4.2.2 Evaluation de la qualité du matériel ………………………………………………….107 4.2.3 Recueil des caractéristiques des documents ………………………………………….108 4.2.4 Analyse des données ……………………………………………………………….....109 4.3 Critique des résultats de l'analyse…………………………………………………………..109 4.3.1 Conflit relationnel intrafamilial ……………………………………………………….109 4.3.2 Mal-être et Culpabilité………………………………………………………… …….110 4.3.3 Troubles du comportement et troubles psychiatriques………………………………...112 4.3.4 Choix d'un nouveau projet de vie……………………………………………………...113 4.3.5 Vécu de perte ………………………………………………………………………….113 4.3.6 Besoin d'accompagnement psychologique…………………………………………….114 4.3.7 Psychosomatisation…………………………………………………………………….115 4.3.8 Ambivalence de la demande répétée d'IVG…………………………………… ……..116 5. Conclusion ………………………………………………………………………………………118 6. Bibliographie …………………………………………………………………………………....120 7. Annexes …………………………………………………………………………………………124 9 1. Introduction A partir de la seconde moitié du XXème siècle, l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) devient autorisée sans restriction de motif1 dans la limite d’un âge gestationnel, par cinquante-six pays dont trois quarts de pays développés2 (1)(2). En France et à partir des années trente, la revendication par les mouvements militants et féministes du contrôle des naissances, de la maîtrise de la fécondité, de l’accès libre à la contraception et à l’IVG a progressivement conduit à la légalisation de la contraception par la loi Neuwirth en 1967, puis à celle de l’IVG par la loi Veil en 1974 (2)(4). En 2001, cette loi connaît une mutation majeure, celle de la dépénalisation de l’IVG (5). Bien que l’IVG soit désormais inscrite en France dans une politique de santé publique, et en raison des nombreux domaines qu’elle concerne ; scientifique, éthique, religieux, philosophique, social et politique, elle reste aujourd’hui « un acte médical pas tout à fait comme les autres ». Sa singularité s’illustre par sa réglementation très précise d’une part, et l’existence de « zones d’ombre» d’autre part (4)(5). L’une d’entre elles concerne le vécu psychologique après l’IVG (5)(6)(7). Sur ce sujet, les résultats d’études quantitatives anglo-saxonnes menées depuis l’année 2000 sont contradictoires, en raison de limites méthodologiques et de nombreux biais (8). Ceci montre l’intérêt de la recherche qualitative3 sur ce thème. Dans cette perspective, une synthèse de la littérature qualitative francophone en psychologie dans la même période a été réalisée pour tenter d’explorer le vécu psychique de la femme après l’IVG. 1 Au Royaume-Uni, l’avortement est juridiquement restreint à des raisons médicales larges et socio- économiques ; en pratique, il n’y a pas de restriction de motif (1)(2) 2 Pays à développement humain élevé ou très élevé selon l’indice statistique défini par le Programme des Nations Unies pour le Développement (3) 3 La recherche qualitative explore des expériences vécues, les interprètent et en conclut une hypothèse (9). 10 2. Matériel et méthodes 2.1 Identification du matériel Le matériel s’identifiait au type de document suivant : qualitatif, francophone, publié de 2000 à 2012, disponible en intégralité sur internet, trouvé à partir d’une équation de recherche dans douze bases de données en sciences humaines ou pluridisciplinaires, et à partir de références bibliographiques de documents identifiés. L’équation de recherche avancée4 était établie dans la partie « psychologie » des bases Cairn.info, Persée, theses.fr, et SantéPsy. Cette équation était : « IVG » OU « avortement » OU « interruption volontaire de grossesse » sauf pour les trois bases de données suivantes. Dans Cairn.info et Google Scholar, l’équation était : « IVG » OU « avortement » OU « interruption « expérience », volontaire « vécu », de grossesse » ET « histoire », les « ressenti », vingt-deux mots-clefs « psychisme », suivants : « conséquences », « santé », « femme », « dépression », « séquelles », « complications », « tristesse », « deuil », « traumatisme », « estime de soi », « libération », « joie », « bonheur », « bien-être », « délivrance », « soulagement », « amélioration ». Dans le centre de documentation de l’AP-HP, les documents étaient identifiés dans la bibliographie sur l’IVG, sans équation de recherche. 4 Les équations de recherche sont précisément décrites en annexe I. 11 2.2 Sélection du matériel La sélection des documents identifiés a été réalisée selon plusieurs critères. Le critère d’inclusion était : document sur le vécu psychique de la femme après l’IVG. Les critères de non-inclusion étaient : étude quantitative, livre, document sur l’avortement spontané (fausse-couche) ou sur les complications organiques de l’IVG, document sur l’avortement illégal ou légalement autorisé pour des motifs restreints : viol ou inceste ou IMG ou santé physique de la femme menacée, document ne traitant pas d’un vécu, document ne traitant pas du vécu psychique de la femme mais de celui de ses enfants ou de son conjoint ou des soignants, document sur le vécu psychique de la femme avant ou pendant une première IVG. Les critères d’exclusion étaient : document dont l’auteur n’a pas eu d’entretien avec la femme (compte-rendu de lecture, revue de littérature), document dont l’auteur n’a pas rapporté le discours de la femme, document en double. 2.3 Evaluation de la qualité du matériel La qualité de chaque document qualitatif sélectionné était évaluée selon deux critères ; sa méthodologie, et la forme du discours utilisée par l’auteur pour rapporter les propos de la femme. Sur le plan méthodologique, le document était une étude standardisée5, une étude de cas6 ou un entretien clinique7. Sur le plan discursif, l’auteur utilisait le verbatim/discours direct8, le discours indirect9 ou le discours indirect libre10 pour rapporter les propos de la femme. 5 Réalisation d’un échantillonnage, d’entretiens ou d’observations, puis d’une analyse des déclarations orales ou des observations (9)(10) 6 Etude du diagnostic et de l’étiologie des actes et des conflits, étude de leur résolution, des processus psychiques mis en jeu, et de la démarche clinique du professionnel (11)(12) 7 Technique de choix pour recueillir des informations subjectives telles que l’histoire de vie, les sentiments, les expériences, puis en faire une analyse du contenu et une analyse psychologique (11) 8 Discours rapporté tel qu’il a été réellement énoncé, avec un changement du système d’énonciation (13) 9 Discours rapporté avec des paroles incluses par une conjonction de subordination (13) 10 Discours rapporté avec des paroles incluses sans conjonction de subordination ni changement du système d’énonciation (13) 12 2.4 Recueil des données à partir du matériel Le recueil des données a été réalisé à partir de la lecture de la littérature sélectionnée. Il concernait les spécificités du document et de la femme, les modalités de l’entretien avec l’auteur, l’épisode d’IVG et les éléments du vécu psychique après l’IVG. Les caractéristiques de chaque document ont été notées : sa nature et son titre, sa date de publication dans la revue scientifique, le nom de celle-ci, la profession de l’auteur, son pays et sa ville d’exercice. Les caractéristiques de chaque femme ont été réunies : prénom, âge, pays d’habitation, situation familiale, culture religieuse, statut social. Celles de l’entretien ont été relevées : l’initiateur de la rencontre, le motif et la nature de celle-ci. Les évènements de vie avant l’IVG signalés par la femme, et l’épisode de l’IVG : date, circonstances et motif ont été retenus. L’expression de chaque femme sur son vécu psychique après l’IVG et l’interprétation de ses paroles par l’auteur ont été extraites mot à mot selon la chronologie du texte initial. 2.5 Analyse des données Pour chaque femme, l’analyse a concerné les données sur le vécu psychique après l’IVG. Leur retranscription littérale a été soumise à un double codage à partir duquel ont été réalisées une analyse thématique puis une synthèse. Celle-ci a été organisée sous forme d’un récit qui fait émerger le vécu psychique de la femme après l’IVG en l’intégrant à son histoire, et en incluant les interprétations de l’auteur pour permettre une compréhension de son impact psychique. La rédaction s’est faite selon le plan suivant : 1) Titre du document 2) Contexte de la rencontre avec l’auteur 3) Histoire clinique à partir des propos de la femme rapportés par l’auteur 4) Analyse de l’auteur La synthèse a été suivie d’une analyse compréhensive tentant de répondre à la question de recherche « vécu psychique post IVG » sous forme d’un commentaire intitulé. 13 3. Résultats 3.1 Identification et sélection du matériel Figure 1 - Identification, inclusion et non-inclusion du matériel Nombre de documents 1000 625 595 152 105 100 145 41 41 30 105 40 40 26 24 23 10 24 11 25 25 7 9 6 10 7 7 6 4 3 1 11 1 1 2 2 nombre total de documents identifiés nombre de documents non inclus nombre de documents inclus Le matériel a été recherché entre juin 2011 et août 2012. 1072 documents ont été repérés, et 4.3% ont été inclus. La majeure partie du matériel identifié n’a donc pas été retenue pour répondre à la question de recherche. Parmi les 46 documents inclus, 65.2% ont été extraits de la base de données Cairn.info, 15.2% de Francis, 6.5% de Google Scholar, 4.35% de la documentation de l’AP-HP, 4.35% de références bibliographiques de documents identifiés, 2.2% de RERO DOC et 2.2% de Santé Psy. La base de données Cairn.info a été la plus pertinente des bases de recherche. 14 Figure 2 - Exclusion et non-exclusion des documents inclus document dont l'auteur n'a pas eu d'entretien avec la femme document dont l'auteur n'a pas rapporté le discours de la femme document en double document non exclu 6 10 25 5 Près de la moitié des documents ont été exclus de l’étude parce que leurs auteurs n’avaient pas eu d’entretien avec la femme ou n’avaient pas rapporté leur discours. Parmi les 25 documents conservés, 92% ont été extraits de la base de données Cairn.info, 4% de Google Scholar et 4% de Francis. La base de données Cairn.info a été confirmée comme la plus pertinente des bases de recherche. 3.2 Evaluation de la qualité du matériel Figure 3 - Méthodologie des documents entretien clinique; 37,04% étude standardisée; 7,40% étude standardisée étude de cas entretien clinique étude de cas; 55,56% Les documents correspondaient à 15 études de cas6, 10 entretiens cliniques7, et 2 études standardisées5. Certains d’entre eux rapportaient plusieurs études de cas ou entretiens cliniques. [Annexe III] 15 Figure 4 - Forme du discours utilisé pour rapporter les propos de la femme Nombre de documents 14 14 12 10 7 8 6 4 2 1 2 1 0 Forme de discours direct direct et indirect direct et indirect libre direct, indirect et indirect libre indirect et indirect libre Sur une totalité de 25 documents, 96% contenaient du discours direct8, en exclusivité pour 8% d’entre eux, et de manière importante pour 44% d’entre eux. 88% contenaient du discours indirect libre10. 36% contenaient du discours indirect9. La majorité d’entre eux contenait du discours direct associé à du discours indirect libre. Un seul document était une étude qualitative primaire contenant exclusivement du verbatim. [Annexe III] 3.3 Recueil des données à partir du matériel 3.3.1 Les caractéristiques des documents La majorité des documents étaient des articles publiés dans des revues spécialisées de psychanalyse ou des revues de sciences humaines pluridisciplinaires, mais aussi de psychologie ou de psychiatrie. Un seul document était un mémoire de fin d’études infirmières. Leurs auteurs étaient surtout psychanalystes ou psychologues, mais également conseillers conjugaux, pédopsychiatres, infirmières ou gynécologue-obstétricien. Ils exerçaient pour la plupart en France, mais aussi en Belgique et en Suisse. La plupart des intitulés de ces documents étaient sans rapport avec le thème du vécu psychique de la femme après l’IVG. [Annexe IV] 16 3.3.2 Les autres données Le vécu psychique post-IVG de trente femmes a été abordé à travers le regard de vingtcinq professionnels. Les éléments recueillis sur le vécu psychique après l’IVG [Annexe VII] ont fait l’objet de l’analyse ci-dessous où ont été intégrées les caractéristiques de chaque femme, les évènements de sa vie avant l’IVG et l’épisode de l’IVG [Annexe V]. 3.4 Analyse des données Pour chaque femme, l’analyse des données sur le vécu psychique après l’IVG a consisté en un double codage [Annexe VII] puis en une analyse thématique [Annexe VI] dont les résultats ont été ainsi synthétisés et commentés : 3.4.1 Synthèse du document n° 1 : Léa (14) « Lorsque l’expérience traumatique dépasse les fantasmes » Léa avait 16 ans et vivait en France. Elle avait un petit ami et pas d’enfant. Elle était hospitalisée dans un service de rééducation pour une paraplégie et une gastrectomie secondaires à un accident de la voie publique dans lequel son père était décédé. Un suivi pédopsychiatrique y était demandé en raison d’une anorexie mentale préexistante à l’accident. Quelques mois avant celui-ci, elle avait réalisé une IVG. Elle avait comme antécédent médical une fracture du fémur survenue dans l’enfance suite à un premier AVP. Depuis la réalisation de son IVG, Léa avait des relations familiales difficiles : « Léa avait subi une interruption volontaire de grossesse (IVG), ce qui avait engendré des tensions importantes avec ses parents et notamment avec son père […] qui, dit-elle, ne la voyait pas grandir. » « Cette IVG avait été le point de départ d’une anorexie mentale », et la jeune fille projetait de consulter un psychiatre : « Léa s’était décidée à rencontrer un psychiatre pour ces problèmes au moment de l’accident. » Elle gardait peu de souvenirs de celui-ci sauf « un vague sentiment de la joie qu’elle se faisait de partager une journée avec ses parents. » De plus, Léa exprimait des difficultés à réaliser les répercussions de l’accident notamment la mort de son père : « Lorsque nous abordons avec elle les conséquences de cet accident elle élude les problèmes les uns après les autres […] ». Elle se plaignait beaucoup de 17 son ventre : « Après 8 j de coma, nous rencontrons Léa à la demande d’une équipe soignante désarmée par cette patiente dont les plaintes [sont] focalisées autour de la sphère abdominale […]. » Elle ressentait également une angoisse « […] présente depuis le réveil, qu’elle ne peut expliquer […]». Léa avait rêvé après l’accident que son entourage la reconstruisait : « […] les membres de sa famille lui rapportaient une à une des cellules pour la reconstruire. » Léa désirait récupérer son autonomie en s’alimentant elle-même : « […] elle espère pouvoir se nourrir d’elle-même le plus tôt possible pour retrouver son autonomie ». Elle était maltraitante envers la partie paralysée de son corps : « Et lorsqu’elle circule, elle ne fait pas plus attention à ses jambes et multiplie les ecchymoses. » « Elle ira jusqu’à détourner l’usage des sondes en retardant ses sondages pour avoir le plaisir de voir son ventre se gonfler puis s’aplatir au rythme de la vidange […].» Pendant le port de son corset plâtré, Léa traversait une période de repli sur elle-même : « Si Léa mettait toujours une certaine coquetterie dans sa présentation, depuis la pose du corset elle se soigne moins et refuse toute visite (excepté celle de sa mère). » Il s’y associait une prise de conscience des délimitations de son corps : « Elle évoque ce qui se passe ‘en dessous’ en nommant ses jambes, son corps ». Par la suite, elle réprouvait son autoagressivité : « Elle critique ses conduites agressives envers cette partie du corps […], prend de la distance par rapport à sa mère » et elle exprimait son désir de guérison : « Elle exprime la volonté de s’en sortir […] ». Depuis son IVG, Léa vivait un conflit avec ses parents, en partie à cause de la désapprobation de son père qui « […] vraisemblablement acceptait mal la sexualité de sa fille ». Léa développait une anorexie mentale en réponse à ces tensions familiales. En effet, l’auteur évoquait « […] la problématique anorexique dans laquelle elle évoluait et […] la nature des conflits affectifs sous-tendant cette problématique ». Son anorexie témoignait des mécanismes de défense contre ce conflit, « […] moyens défensifs très particuliers […] (clivage, déni) ». Léa était traumatisée par la mort de son père et vivait une « […] effraction au-delà du représentable, aboutissant à une sidération de la pensée », intensifiant ses mécanismes de défense : « Le défaut de représentation intervenait sur une image du corps déjà défaillante et a renforcé les mécanismes de défense préexistants à l’accident.» Après la mort de son père, Léa culpabilisait, refoulait son agressivité et bloquait l’élaboration du conflit préexistant : « […] les fantasmes agressifs ressentis à l’égard de son père étaient refreinés par une trop grande culpabilité ; culpabilité d’avoir eu des relations sexuelles trop tôt […]. » Elle déniait le décès de son père en évitant le sujet par des « […] 18 plaintes focalisées autour de la sphère abdominale, […] disproportionnées en comparaison de sa paraplégie et du décès de son père dont elle ne parle pas ». Par ailleurs, elle clivait son corps en deux parties, ignorant ou détestant la partie paralysée : « De ce fait, pour ce qui se passe ‘en dessous’, comme elle le nomme, le clivage est physique et psychique. » Elle avait des plaintes qui s’accompagnaient d’angoisses massives traduisant sa peur de la perte de contrôle de son alimentation et sa crainte d’être abandonnée : « Léa se plaint avant tout d’angoisses abandonniques massives, essentiellement le soir ». Puis elle retrouvait vite une autonomie et un contrôle de son corps par les auto-sondages urinaires et la sonde d’alimentation : « Très rapidement cependant, elle s’approprie le fonctionnement de ses sondes et retrouve au niveau de certaines la maîtrise qu’elle pouvait exercer sur son corps.» Pour l’auteur, Léa était « […] confrontée à toute une série de deuils et de problèmes intriqués les uns aux autres ». Elle avait un sentiment d’identité altéré : « Il convient de préciser qu’elle est installée dans un fonctionnement anorexique depuis 6 mois, ce qui explique en partie la fragilité du sentiment d’autonomie et d’identité. » En effet, « l’anorexique, dans ses agirs, avance qu’elle n’est pas elle-même un être existant en substance ; son objectif physique étant la maigreur extrême comme pour afficher sa noncontenance ». Puis, pendant le port obligatoire du corset, Léa changeait : « Ces événements sont pour Léa l’amorce d’un mouvement dépressif ». Elle ressentait une unité corporelle : « […] elle montre qu’elle prend conscience d’elle comme contenante. » Elle se distanciait de sa mère et repérait son ‘espace psychique propre’, son désir propre, à commencer par celui de la guérison : « Par la suite l’évolution sera positive, associant une reprise de poids et psychiquement elle pourra faire part d’affects dépressifs et commencer un travail d’élaboration authentique. » Commentaire « Quand l’IVG provoque un conflit affectif avec le père et est le point de départ d’une anorexie mentale fragilisant le sentiment d’identité » L’IVG de Léa provoque des tensions familiales, notamment avec son père qui accepte mal la sexualité de sa fille adolescente. Elle est à l’origine d’une anorexie mentale pour laquelle Léa avait l’intention de consulter avant la survenue de l’accident. Ce trouble de la conduite alimentaire exprime la fragilité de son sentiment d’identité et témoigne de la mobilisation de mécanismes de défense contre son conflit affectif sous forme de déni et de clivage. Léa clive sa personne en maîtrisant son corps. Elle dénie l’agressivité envers son père en la refoulant par une culpabilité d’avoir eu des relations sexuelles trop tôt. 19 3.4.2 Synthèse du document n° 2 : Geneviève (15) « Reconstruire pour ne pas se détruire » Geneviève avait 40 ans. Elle vivait en France avec son mari et deux de ses enfants adolescents. Elle avait fait des études supérieures et avait obtenu un poste à lourdes responsabilités. Elle réalisait une psychanalyse à la demande de son mari et d’un thérapeute conjugal en raison de nombreux conflits conjugaux. Elle avait réalisé une IVG plusieurs années auparavant, alors qu’elle était mariée et avait déjà des enfants, car « elle était très déprimée et ne se sentait plus capable de s’occuper convenablement de ses enfants ». Son enfance avait été marquée par la solitude, et par des terreurs nocturnes faisant suite à un déménagement et à la naissance de sa petite sœur quand elle avait 3 ans. Elle avait aussi subi des jeux sexuels par ses grands frères et en avait été culpabilisée par sa tante. Geneviève éprouvait une forte anxiété : « Très rapidement sont évoquées des terreurs nocturnes qui la plongent dans un état de détresse sans nom devant un trou noir qui la réveille encore actuellement lors de cauchemars très angoissants. » Elle décrivait aussi un blocage sur le plan de la sexualité : « Elle l’exprime en disant qu’elle se referme comme une plante dès que son mari la touche. » En effet, elle refusait de séduire : « Elle se laisse grossir pour ne pas séduire », et elle se sentait oppressée en position allongée : « […] du fait d’être allongée sur le divan. Elle se sent coincée, étouffée. » Geneviève se trouvait généralement rejetée par l’autre : « […] elle se vit toujours comme bouc émissaire de tous les groupes auxquels elle a appartenu. » Elle ressentait de la colère : « Elle repense souvent, dans la colère et la rage, à cette tante qui a toujours défendu les garçons […]. » Et elle exprimait une souffrance, un besoin et un manque de reconnaissance : « Elle a toujours été confrontée à des choix, ou des tâches trop difficiles pour elle, elle sent […] la recherche d’une gratification narcissique, qui ne vient pas. » « Ce qui est le plus dur pour elle, c’est que sa souffrance ne soit pas reconnue, recueillie par l’autre. » De plus, depuis son IVG, elle avait un sentiment de rancœur et de tristesse à cause de son « son mari [qui] l’a laissée prendre seule la décision, ce qui lui a beaucoup pesé, et a fait qu’elle lui en a énormément voulu. Elle pleure en le racontant […] ». Geneviève désirait lutter contre cette souffrance : « Il est important pour moi de tenir, ne pas me décourager et ne pas me laisser détruire […] ». Elle réalisait des activités physiques très difficiles pour tester ces limites : « Le lendemain, elle va souffrir d’être la dernière, de risquer de ne pas y arriver, et de s’épuiser au-delà de ses forces. » Elle avait 20 aussi des relations destructrices avec ses collègues : « Les conflits avec les collègues étant incessants, elle exprime des liens très passionnés, impulsifs ». Elle avait une tendance à la maîtrise et la manipulation. Geneviève culpabilisait de sa violence : « […] elle souffre de se sentir destructrice et très négative […]. En somme, elle ressent le vide, la contrainte, la culpabilité et la disqualification. » Elle se voyait alors soit coupable soit victime : « Si elle est active, cela provoque les situations de rupture ; si elle est passive, elle subit une souffrance insupportable et a le sentiment de se faire avoir, d’être utilisée aux fins de l’autre.» Elle avait aussi des difficultés à relier son ressenti physique et son vécu psychique : « Elle l’exprime très clairement lorsqu’elle affirme ne pas parvenir à faire de liens entre son corps et ses pensées abstraites.» Au cours de la psychanalyse, elle ressentait également un vide qui laissait progressivement la place à un sentiment de plénitude : « Après le sentiment de vide et de trous noirs, désormais j’ai l’impression d’avoir un centre de gravité qui fait que je me sens pleine maintenant. » Selon l’auteur, Geneviève était animée par deux humeurs, détresse et colère : « Elle arrive en état de grande détresse mais aussi de rage contre le mari et le thérapeute ». Elle avait une dépression essentielle, une phobie, secondaires à une angoisse d’abandon issue de traumatismes de l’enfance : « L’image d’un effondrement central, primordial ou d’une dépression essentielle ou encore d’une phobie centrale, liée à une détresse sans nom du bébé subissant un brutal changement de lieu, d’ambiance affective du fait de la naissance de sa petite sœur, ont accompagné le déménagement. Cette agonie primitive se double chez elle du traumatisme lié aux jeux sexuels avec les frères […]. » Elle déniait cette angoisse : « Elle oppose un mouvement dénégatoire systématique à toutes mes tentatives de lui montrer que les vacances et les séparations sont pour elle des ruptures douloureuses, qui en rappelle d’autres ». Elle manifestait notamment cette angoisse à travers un ressentiment envers son mari à cause des circonstances de l’IVG, « elle pleure en le racontant [l’IVG] laissant venir l’angoisse d’être abandonnée par l’autre ». Geneviève se représentait la séduction comme un danger, « […] comme une démarche honteuse et coupable, marquée par la dangerosité », ou comme une soumission : « […] être ‘passivement soumise au désir de l’autre, en position allongée’ […]. » De plus, pour l’auteur, « ses comportements actuels d’adulte [sont] marqués du sceau de la répétition ». Geneviève luttait contre sa souffrance et son manque de reconnaissance au risque de détruire : « […] mais pour cela il lui faut attaquer l’autre d’une façon qui la rend tout 21 particulièrement pénible et agaçante […]. » Ainsi, elle recherchait une validation de sa vie dans ses éprouvantes activités physiques : « Cette mise à l’épreuve a des aspects qui rappelle les épreuves ordaliques. » Et elle avait avec l’autre une relation violente, de caractère vital, « […] de l’ordre de l’élimination de l’autre en vue de se sentir exister et de se sauvegarder. » Elle se défendait par sa violence : « Son transfert est défensif, le plus souvent négatif ; le contre-transfert s’inscrit dans une sorte de capacité à supporter une femme inlassablement […] déprimante et destructrice. » Geneviève avait concrétisé par l’IVG un désir de meurtre témoignant de son lien violent avec l’autre : « Le désir de meurtre se cristallise autour d’une IVG […] ». Puis Geneviève prenait conscience de son conflit psychique entre sa pulsion de violence et son désir d’être aimée : « Elle a désormais conscience du conflit intérieur entre […] son désir de bien faire et d’être reconnue et aimée, et la part inconsciente pulsionnelle qui l’emporte […] ». Inconsciemment, Geneviève faisait mémoire par son corps de traumatismes psychiques passés : « Les effractions de l’appareil psychique lors de la petite enfance passent par l’effraction du corps de la petite fille qui se sent inexorablement […] utilisée, malmenée par les autres […]. » Elle en prenait conscience par la psychanalyse, elle reconnaissait son vécu douloureux de séparations, elle réalisait un travail de deuil, et elle construisait son Moi : « Elle a fait son deuil de beaucoup d’idéal, idéal d’elle-même, idéal des objets qu’elle investit. » Commentaire du vécu de Geneviève « IVG et ressentiment : témoins d’un comportement violent et d’une dépression essentielle fondés sur une angoisse d’abandon » A l’évocation de son IVG réalisée il y a plusieurs années, Geneviève manifeste un ressentiment envers son mari qui l’a laissée décider seule, et elle révèle une angoisse d’abandon. Cette angoisse non reconnue, venant de traumatismes psychiques subis dans l’enfance, est à l’origine d’une dépression essentielle contre laquelle elle lutte par la violence : elle cherche à valider sa vie par des activités physiques difficiles, elle tente de se sauvegarder à travers des relations conflictuelles avec son entourage. L’IVG cristallise et répète un comportement violent qui fait mémoire de son vécu passé. 22 3.4.3 Synthèse du document n° 3 : Julie (16) « ‘J’ai tué mon enfant…’ Pour penser la clinique de l’IVG » Julie avait 23 ans, étudiait et vivait en Belgique chez ses parents fleuristes. Elle avait un petit ami et pas d’enfant. A la demande de son médecin généraliste, elle débutait un suivi psychologique pour mal-être. Neuf mois avant le début de ce suivi, avec son petit ami, elle avait réalisé une IVG à cinq mois de grossesse en Angleterre sur une décision maternelle ; Julie « a laissé sa mère décider. » Elle avait eu des troubles boulimiques dans l’enfance. Pour Julie, la date de sa première consultation psychologique avait un lien symbolique avec son IVG : « Ce n’est pas par hasard que ça fait 9 mois. Je viens chez vous justement 9 mois après que ça s’est passé ». En raison de cette IVG, elle avait le sentiment d’avoir commis un crime : « […] ce qui s’est passé, c’est que j’ai tué mon enfant. » Après l’avortement, Julie ne s’exprimait pas sur son IVG : « Tout recommence ou semble continuer comme si rien n’était arrivé ». Cependant, elle avait à nouveau des troubles boulimiques : « Julie […] revit de nombreuses crises de boulimie éprouvées déjà au moment de la période de latence11 et disparues ensuite. Elle cache de la nourriture, dévore, vomit […]. » De plus, Julie s’engageait peu dans les projets d’aménagement de sa future maison située à cinquante mètres de celle de ses parents et que ces derniers lui offraient : « Julie dans son discours, évoque son peu d’investissement dans le projet, si ce n’est […] pour faire plaisir aux parents qui sont heureux de la voir s’installer, se fiancer et qui pensent déjà au mariage. » Puis, de nouveau, elle ne montrait aucun affect suite à la séparation avec son ami qui l’avait quittée juste après leur emménagement en couple : « Julie elle, au lieu de s’approprier cette maison seule, continue sa vie en réintégrant sa chambre de jeune fille sans trop de soucis. Elle ne pleure pas. » Par la suite, Julie « a recommencé à sortir ». Selon l’auteur, comme d’autres femmes, Julie culpabilisait d’avoir tué son bébé au point d’en saturer son psychisme : « Elles m’avaient permis d’entendre les lames de fond puissantes, qui voulant préserver ces femmes de leur culpabilité, ne faisaient que les traiter 11 Période qui va de la cinquième ou sixième année jusqu’au début de la puberté et qui marque un temps d’arrêt dans l’évolution de la sexualité. 23 mal psychiquement un peu plus, en ne voulant prendre en compte ce qui saturait leur psychisme… » Elle avait en effet une difficulté à parler de son choix d’avoir avorté : « Comment dire qu’on a pris la décision […] de ne pas le garder celui-là ? ». Elle souffrait : « Parole impossible à soutenir, secret inavouable et douleur infinie pour les mères qui restent aux prises avec cette phrase qui les hante. » Julie se trouvait dans l’impossibilité de faire le deuil de l’enfant : « C’est un enfant essentiellement imaginaire, tout réel de cellules et de chairs fut-il, potentiellement symbolisable mais qui, pour toutes ces raisons de nonnomination, reste candidat pour devenir un fantôme […] un mort vivant ». D’après l’auteur, par l’IVG, Julie révélait un fantasme d’infanticide : « Je vous propose de penser […] autour de l’insistance de cette phrase ‘J’ai tué mon enfant …’ et de l’entendre comme l’expression consciente d’un fantasme inconscient, le fantasme d’infanticide. » Elle enfreignait donc un interdit psychique : « Les femmes ayant eu recours à l’IVG, nous disent que même si, et heureusement, la morale et le social ne les condamnent plus pour cet acte, il garde dans leur psychisme la valeur d’une transgression majeure ». Julie était envahie par ce vécu de transgression : « J’ai tué mon enfant, complainte et compagne inlassable, phrase obsédante qui saturait leur psychisme […] ». Julie vivait ainsi cette transgression dans la culpabilité : « Nous pouvons alors entendre le sentiment de culpabilité consciente qui surgit après l’intervention, comme trace du fait même que ce fantasme a été mis en acte et non comme une question morale, qui aurait trait à une quelconque faute, péché, crime, ou à une culpabilisation. » Julie avait une difficulté d’élaboration : « Il fallut encore quelques mois d’élaboration pour que Julie puisse commencer à penser qu’elle y avait été elle aussi pour quelque chose, dans ce qui ressemblait à un passage à l’acte unilatéral de son compagnon [de rompre la relation]. » Elle vivait difficilement l’autonomie, la séparation, l’énonciation d’un désir propre : « Entrer dans ce projet de vie dans une maison préparée par les parents, avec un compagnon qui n’a pas pris position par rapport à la décision d’IVG, c’est à coup sûr ne pas se séparer des parents. Julie le sait sans le savoir. » Elle recherchait de manière inconsciente et ambigüe un ami qui l’aurait aidé à se séparer de sa mère : « […] sans le savoir, et dans une ambivalence totale, ce que Julie recherchait désespérément c’était quelqu’un qui l’aide à se séparer de sa mère, que pourtant elle ne voulait lâcher à aucun prix. » Julie entreprenait alors un long travail d’élaboration sur « […] l’intensité du lien fusionnel avec sa mère […] » à travers un travail sur le sens de son IVG : « Pour les femmes comme Julie, qui choisiront à un moment ou à un autre l’IVG, la confrontation sera frontale. Plus moyen d’éviter [le fantasme], il faudra alors au mieux tenter de l’élaborer, au pire l’affronter. » 24 L’IVG de Julie était en effet un passage à l’acte : « Il s’agit bien d’un passage à l’acte […] comme une lente descente vers un acte qui est un passage dans le réel, faute d’appui symbolique suffisant. Ici il s’agit du réel du corps. » L’IVG était une tentative, échouée, de séparation et de différenciation avec sa mère : « Dans le recours à l’IVG, en même temps elles y sont, ces filles, au point précis d’énonciation de ce qu’il s’agirait de faire mourir, – l’enfant du narcissisme primaire – et en même temps ça rate. » Cette tentative était liée à un manque de soutien paternel : « […] il s’agit […] de la défaillance du père réel (et non de la réalité) au sens de ce qui viendrait soutenir […]. » En effet, Julie doit se séparer des attentes de sa mère, « ce qui signifie en freudien que l’opération œdipienne n’est pas totalement accomplie. Julie nous en offre un exemple saisissant à son corps défendant. » La compréhension du sens de son IVG par le travail analytique était nécessaire pour diminuer sa culpabilité : « […] le recours à l’acte ne pourra qu’échouer dans cette voie de la séparation, s’il n’est pas ensuite repris dans le tissage du langage, dans l’élaboration du sens de l’acte, et dans l’épuisement de la culpabilité consciente associée […]. » Ainsi Julie prenait son indépendance : « Elle put s’autoriser à quitter la maison familiale et à tomber amoureuse. » Commentaire du vécu de Julie « Lorsque l’IVG est à l’origine d’une forte culpabilité amenant à constater une difficulté de séparation maternelle » Après son IVG, Julie ne s’exprime pas sur ce qui est arrivé, elle souffre d’un mal-être et développe des troubles boulimiques qu’elle a déjà connus dans l’enfance. Elle confie sa très forte culpabilité d’avoir tué son enfant à la psychologue qu’elle rencontre à une date symbolique de l’IVG. Cette culpabilité occupe toute sa pensée, l’empêche de faire le deuil de l’enfant imaginaire ou réel, et manifeste sa transgression d’un interdit non pas moral ni social mais psychique, liée au fantasme d’infanticide. Elle l’amène à comprendre le sens de cette IVG tardive et décidée par sa mère comme l’échec du passage à l’acte dans le réel de son corps pour tenter une séparation maternelle. Elle la conduit à prendre conscience de sa difficulté à se séparer, à énoncer son désir propre faute d’un appui paternel suffisant. 25 3.4.4 Synthèse du document n° 4 : une femme (17) « Exil, migration et confusion généalogique » Le document concernait une femme ayant immigré en France. Elle était musulmane pratiquante. Elle vivait avec son mari et ses enfants et travaillait comme ouvrière. Elle acceptait de s’entretenir avec le psychiatre qui prenait en charge son fils aîné. Celui-ci était suivi pour un épisode délirant aigu, survenu lors de vacances dans son pays d’origine et déclenché suite à la transgression d’un interdit : « il a fumé un joint. » Cette femme avait réalisé une IVG plusieurs mois auparavant, d’abord sur insistance de son mari, puis sur sa propre décision pour ne pas perdre son nouvel emploi. Son fils aîné n’était pas au courant. Cette femme avait l’autorité à la maison, ce qui causait un conflit avec son mari. Elle le critiquait d’être peu responsable : « Elle lui reproche de ne pas prendre ses responsabilités, de boire, de sortir dans les cafés, de ne pas s’occuper des enfants (les devoirs, l’école, etc.) », alors que lui l’accusait d’en prendre trop : « Elle dit : ‘Je suis le chef à la maison et mon mari me le reproche : tu as pris les manières des français, chez nous c’est l’homme qui commande !’ » « La mésentente parentale existe depuis la naissance de ce fils [aîné]. » Elle se sentait plus proche de son propre père, resté au pays, que de son mari : « Au mépris des traditions là encore, puisque des affaires importantes se décident entre la fille et son père, sans que le mari-gendre ne soit mis au courant. » Cette femme évoquait difficilement ce qui la troublait : « Au bout de plusieurs entretiens, elle finit par exprimer ce qui la travaille. » Elle culpabilisait de son IVG au point de se sentir coupable de la maladie de son fils : « Elle émet l’idée d’une punition divine : Tu m’as enlevé un enfant, je t’enlève le grand ! » Elle était hantée par son avortement : « Elle est obsédée par cette IVG. » A la suite de ces entretiens, la relation avec son mari s’améliorait : « Quelque temps plus tard (après les révélations de sa mère [à l’auteur]), celui-ci rechute. […] Le père est à nouveau à la maison. L’entente est bonne entre les parents. » Selon l’auteur, cette femme avait envers son mari un comportement qui ne s’accordait pas avec le traditionnel respect du père : « […] elle discrédite constamment le père et son autorité. » Son comportement cachait le deuil non fait de son exil et de son émigration, « […] deuil impossible chez les parents – et notamment la mère –, […] », ce qui déclenchait la maladie du fils : « Mensonges, non-dits et refus d’assumer deuils et désirs propres sont les véritables éléments pathogènes. » 26 En effet, cette femme justifiait son comportement par sa ferveur religieuse : « La religiosité de la mère (quelle que soit sa ferveur consciente dont il n’y a pas lieu de douter) est mise au service d’un mensonge affolant pour le fils. » Elle expliquait ainsi son lien particulier avec son père : « L’argument religieux recouvre pour la mère un attachement œdipien à son propre père impossible à entendre. » Elle excusait son attitude conjugale par ce même argument qui « justifie (comme discours de vérité) la disqualification du mari ». En fait, par la critique de son mari, elle dissimulait une non-acceptation de sa vie en France, notamment de l’IVG : « […] la disqualification du mari, […] à son tour camoufle une adhésion non assumée à un rôle social de type occidental (travail en usine, IVG, etc.). Commentaire du vécu d’une femme « IVG et culpabilité : révélation d’une non-acceptation des mœurs occidentales et de la souffrance de l’exil » Plusieurs mois après son IVG décidée d’un commun accord avec son mari, un épisode délirant aigu est diagnostiqué chez le fils aîné de cette femme. Elle a des difficultés à aborder le sujet de son avortement. Elle exprime une forte culpabilité d’avoir enlevé un enfant à Dieu, s’expliquant la maladie de son fils comme une punition divine de son IVG. Sa ferveur religieuse masque et révèle sa non-acceptation de l’IVG qui s’inscrit dans un refus plus global de sa vie occidentale. Elle garde un attachement œdipien à son père et elle n’a pas fait le deuil de son exil, ce qui est à l’origine de l’épisode délirant du fils et du conflit conjugal. 27 3.4.5 Synthèse du document n° 5 : Esther (18) « Il faudrait la ‘médiquer’ un peu » Esther avait 28 ans et travaillait en France. Elle vivait avec un homme dont la religion était différente de la sienne. Elle effectuait un double suivi psychiatrique à la demande de sa psychanalyste, pour réaliser la co-thérapie d’un trouble psychotique évoluant depuis plusieurs mois. Elle avait réalisé une IVG quelques mois avant l’apparition de ce trouble. Elle avait raconté son enfance « trop sage » au sein d’une famille accaparée par la petite sœur malade d’une cardiopathie congénitale. A l’adolescence, elle avait eu de multiples expériences affectives et sexuelles, et à l’âge de 24 ans, elle avait vécu le décès de sa sœur cadette. Esther avait des idées obsédantes sur le thème de la sexualité : « Elle était dans une soirée et en regardant une amie homosexuelle, elle a pensé qu’elle était elle-même homosexuelle. […] c’est plus fort qu’elle, cette idée revient, s’impose à elle, la harcèle, la questionne sur son orientation sexuelle. » « Le moindre contact avec un homme oblige Esther à penser qu’elle a attrapé le sida ou qu’elle est enceinte. » Elle ressentait une angoisse, « […] angoisse terrifiante qui peut l’envahir pendant plusieurs heures et la couper du monde ». Elle manifestait un sentiment de déréalisation : « Je suis là et pas là. Je suis avec vous, mais ailleurs. C’est comme s’il y avait un voile, une sorte de brume entre le monde et moi. Je suis une étrangère, je ne me reconnais plus. » Esther vivait une histoire d’amour impossible : « Elle vit avec un homme dont la religion différente de la sienne rend son amour impossible. » Elle exprimait un mal-être ressenti lors de soirées excentriques : « L’état d’excitation permanente dans lequel elle était, surtout au cours de ces soirées folles, ne la rendait pas franchement joyeuse. » Elle reconnaissait également avoir une forte volonté de maîtrise d’elle-même et des autres, ce qui se traduisait notamment dans la mauvaise observance de son traitement : « Je lui propose un traitement médicamenteux. Elle est réticente. Elle craint de ne plus être elle-même. » Et elle ressentait une « […] perte de contrôle ». De plus, elle était mal à l’aise vis-vis du comportement de sa mère dont le deuil de la sœur d’Esther n’était pas fait : « Au cours de cet entretien familial, la souffrance de la mère éclate au grand jour. Elle ne parlera que de sa fille décédée, qui est toujours là, vivante, dans son cœur, dans le monde. […]. Esther et son père […] sont consternés par cette scène, par les propos de la mère qui sont manifestement un leitmotiv familial. » 28 Puis Esther affirmait qu’elle allait bien : « J’ai un très bon moral. Bien meilleur que quelqu’un de déprimé, je suis forte, je vais m’en sortir. » Elle révélait son angoisse de la maternité : « Au cours d’un entretien récent, elle a évoqué son angoissante inquiétude à l’idée qu’elle pourrait être mère, femme installée dans une vie affective. Elle n’arrive pas à se figurer ce genre de scène. » Son observance médicamenteuse s’améliorait : « Esther accepte mieux le traitement médicamenteux et plus largement le traitement psychiatrique comme étant seulement l’un des éléments du traitement […] ». L’auteur décrivait un « […] processus psychotique […] » où « […] la prescription a donc pour ambition de réduire la violence des mouvements pulsionnels, de ralentir le flot de la pensée, de contenir l’angoisse et peut-être d’endiguer (un peu) le processus dissociatif. » Selon lui, l’IVG et les idées obsédantes d’homosexualité d’Esther étaient en lien évident avec le décès de la petite sœur : « La fantasmatique homosexuelle qui la trouble tant reprend-elle la passion de la mère pour la jeune sœur ? » En effet, Esther ne faisait pas le deuil de sa sœur à cause de sa mère : « Pour elle, le deuil semble interdit par la mère. Le père se replie, incapable de contenir la folie de sa femme, se mêlant peu au gynécée. » Esther manifestait une instabilité qui « […] signe de l’échec du moi à contrôler son impulsivité ». De plus, par ses symptômes psychotiques, elle souffrait d’un sentiment de perte de contrôle « […] ressentie comme une profonde blessure narcissique ». Ayant le désir de maîtriser elle-même sa propre psyché, l’ordonnance d’un traitement médicamenteux était mal supportée par Esther, « […] l’idée qu’il faut qu’elle fasse appel à une aide extérieure pour maîtriser ce qui lui arrive est difficile à accepter ». Esther culpabilisait de la mort de sa sœur, ce qui provoquait un comportement d’autopunition par la mauvaise observance du traitement : « Ces accès de ‘mort psychique’ qu’elle s’inflige en ne prenant pas son traitement médicamenteux […] sont-ils l’expression d’une autopunition en réponse à son sentiment de culpabilité lié à la mort de sa sœur ? » Au cours du suivi, elle prenait conscience de cette culpabilité et son comportement changeait : « Depuis cette scène _ qui a peut-être permis l’exposition de la culpabilité familiale autour du décès de la fille _, Esther prend plus facilement, sinon plus volontiers, son traitement. » Puis, Esther entrait dans un état dépressif témoignant d’un renoncement à sa tentative de contrôle : « Ces éléments dépressifs […] signent un certain renoncement à la tentative de maîtrise mégalomaniaque d’elle-même et du monde […] ». Cette dépression faisait l’objet d’une dénégation, et témoignait aussi de l’identification d’Esther à sa mère dans « […] cette passion […] » pour sa sœur, dans ce deuil non fait : « Quelques éléments dépressifs 29 apparaissent depuis quelques semaines, sous la forme de dénégation. Est-elle en train de s’identifier à sa mère ? » La crise psychotique et ses idées d’homosexualité permettaient de « […] révéler la fragilité de son identité sexuée ». « La guérison de la crise passera par la reconnaissance de la différence des sexes […]. » Commentaire du vécu d’Esther « IVG suivie d’une crise psychotique : témoins de la fragilité d’une identité sexuée » L’IVG d’Esther est suivie quelques mois plus tard de l’apparition d’un processus psychotique, caractérisé par des angoisses et des idées obsédantes sur la sexualité, et par des accès de déréalisation. Ceux-ci provoquent un sentiment de perte de contrôle et une blessure narcissique. Son IVG et ses obsessions d’homosexualité sont en lien avec le malaise causé par le décès de sa sœur ; elle n’en a pas fait le deuil qui semble être interdit par sa mère et par la culpabilité de la mort de sa sœur. La crise psychotique révèle son angoisse d’être mère, sa difficulté d’identification à sa mère, la fragilité de son identité sexuée liée à une méconnaissance de la différence des sexes. 30 3.4.6 Synthèse du document n° 6 : Antoinette (19) « Le féminin et le maternel, l’angoisse face à la différence » Antoinette vivait en France avec son mari. Elle était mariée depuis quinze ans et n’avait pas d’enfant. Elle suivait une psychothérapie individuelle et de couple en raison de sa vie affective et sexuelle devenue inexistante, et des fugues et alcoolisations de son mari. Elle avait réalisé deux IVG dix ans auparavant car « pour elle, il n’était pas question d’être mère ». Elle avait raconté qu’elle était la fille unique d’un père adoré qui avait de nombreuses maîtresses, ce que sa mère vivait très mal, mais elle, « personnellement convaincue d’avoir la première place dans le cœur de son père, elle ne s’en inquiétait pas plus que ça ». Antoinette abordait sans difficulté le sujet de ses IVG : « [elle] évoque rapidement ses deux IVG ». Elle gardait la certitude qu’elle n’aurait pas été une bonne mère : « […] je savais que j’aurais été une mère excessive, possessive, envahissante, capable d’étouffer son enfant de sollicitude au point de l’empêcher de grandir. » Et elle exprimait son accord pour que son mari tînt la place de l’enfant : « Regardant tendrement son mari elle souligne : C’est lui mon enfant, il le sait et il aime cette place. » Par ailleurs, Antoinette se sentait angoissée par le comportement de son mari : « […] il y a une ombre au tableau. Fabrice de temps en temps fugue au volant de leur voiture et rentre ivre ou parfois ne rentre pas, et atterrit aux urgences de l’hôpital où on commence à le connaître […] ». Elle avait une vie affective et sexuelle « […] très pauvre, même inexistante depuis quelque temps ». Au fur et à mesure de la thérapie, son mari changeait, quittant l’alcool pour le sport, et Antoinette s’inquiétait : « Elle le regarde changer, avec un mélange de satisfaction et de détresse […]. » Elle devenait jalouse des femmes qu’il rencontrait, et elle questionnait son éventuel désir homosexuel : « La violence de ces scènes de jalousie la font s’interroger sur son désir à elle pour ces jolies jeunes femmes. » Selon l’auteur, Antoinette et son mari subissaient un blocage du remaniement psychique de leur couple renforcé par les IVG : « […] il est indéniable que toute naissance a une potentialité traumatique, du fait des multiples remaniements psychiques inhérents à cet événement […] véritable levain à la maturation psychique de l’un et l’autre du couple ainsi que de leur mode relationnel. » Ainsi leur couple s’installait sur le mode mère-enfant, son 31 mari buvait et fuguait : « On est en droit de se demander si les IVG n’ont pas, dans un premier temps, stoppé tous les mouvements de remaniement psychique qui, néanmoins, ont continué à travailler le couple sous forme de passages à l’acte et de comportements aberrants, pour finalement donner lieu à une déroute conjugale justifiant une démarche thérapeutique. » Par le suivi thérapeutique, le couple mûrissait sur le plan psychique et relationnel : « [Son mari] sort peu à peu de sa dépendance infantile ». Antoinette s’inquiétait de la prise d’indépendance de son mari, et « […] canalise son angoisse dans de violentes crises de jalousie ». Elle souffrait de ressembler à sa mère trompée : « Aujourd’hui elle se retrouve dans la peau de sa mère et c’est intolérable pour elle. » Selon l’hypothèse de l’auteur, Antoinette manifestait un rejet de maternité qui pouvait masquer sa possible homosexualité : « Le refus des manifestations du sentiment maternel peut-il voiler une homosexualité latente ? » Commentaire du vécu d’Antoinette « Lorsque l’IVG renforce un dysfonctionnement conjugal et témoigne d’un rejet du sentiment maternel » Antoinette aborde rapidement et facilement le sujet de ses deux IVG réalisées il y a dix ans et elle explique leur motif : la certitude qu’elle aurait été une mauvaise mère. Par ailleurs, son couple fonctionne selon un schéma mère-enfant où son mari a une dépendance infantile envers sa femme, s’alcoolise, et fugue. Les avortements sont issus d’un rejet du sentiment maternel. Ils viennent renforcer le dysfonctionnement du couple et le blocage de sa maturation et de ses remaniements psychiques inhérents à toute naissance. Ce rejet pourrait masquer une homosexualité latente. 32 3.4.7 Synthèse du document n° 7 : Julie (20) « Sublimation de la violence et violence de la sublimation, une orientation sans fin ? » Julie vivait en France avec son petit ami. Elle n’avait pas d’enfant, elle était sculptrice amatrice, et elle travaillait comme soignante en maison de retraite. Elle effectuait une psychanalyse. Elle avait réalisé deux IVG, la deuxième étant « exigée par son conjoint mais non voulue par elle ». Elle avait raconté la pression de ses grands-parents paternels pour faire avorter sa mère enceinte d’elle. Elle avait été maltraitée par sa mère et sa grand-mère maternelle alors que son père était resté passif et avait été trompé par sa femme. Julie pensait que sa naissance était issue d’une lutte : « En effet, elle pense devoir sa naissance à la résistance de ses parents dans leur combat contre la pression des grands parents paternels pour faire avorter cette grossesse. » Elle fixait le début de son trouble psychologique autour de son avortement forcé : « Julie […] situe le début de sa désorientation psychique au moment de sa deuxième IVG. » Elle dévoilait aussi sa maltraitance : « Elle révèle avoir été une enfant maltraitée activement par sa mère et sa grand-mère paternelle, mais aussi passivement par un père resté indifférent à ces sévices. » Julie prenait conscience de l’implication de sa violence dans ses limites professionnelles et personnelles : « […] elle perçoit l’ombre de sa propre action inconsciente : c’est elle qui fait échouer tous ses projets, sa vie relationnelle, son analyse et sa créativité. » Elle était violente envers ses sculptures : « En effet, depuis longtemps elle travaille la terre mais elle réduit la durée de vie de ses œuvres en les cassant lors de la cuisson ou en les fracassant contre le mur lors d’accès de rage ». Elle était maltraitante envers ses patients : « Ses maltraitances par négligence sont probantes […]. » Julie ne se sentait pas valorisée au travail : « […] elle travaille dans un contexte qu’elle vit comme la privant de reconnaissance et de gratification. » Elle ne culpabilisait pas de cette agressivité, la justifiait par sa lassitude, et demandait du repos : « […] elle pense que sa violence est engendrée par la fatigue et, comme elle travaille de nuit, elle revendique le droit au repos. » Julie avait une apathie qui justifiait un statut d’invalidité : « Elle est reconnue invalide par la Sécurité Sociale et, pendant deux ans, elle se bat contre une torpeur irréductible ». Elle refusait de rendre visite à son père en fin de vie, puis elle en culpabilisait : « […] elle laisse émerger un intense sentiment de culpabilité ». Elle décidait alors de surmonter l’opposition de sa mère pour aller à sa rencontre, et elle « […] découvre une relation au père qu’elle avait 33 crue impossible ». En parlant avec lui, elle comprenait le comportement violent de celui-ci lié à son histoire familiale : « Elle comprend que la brutalité de celui-ci est aussi une violence pour la vie quand il lui parle de ses difficultés avec ses propres parents. » D’une part, Julie en éprouvait « […] un sentiment de culpabilité exacerbé […] », et d’autre part elle retrouvait l’inspiration : « Elle retourne voir son père pour lui parler, lui parler encore de sa créativité qui s’organise et s’enrichit en technique […]. » Après la mort de son père, elle ressentait de la colère envers sa mère : « La violence se déplace dans la relation à sa mère à qui elle reproche sa double vie dans le dos du père pendant son enfance. Julie se sent constamment sur le point de ‘déraper’ avec elle. » Et elle connaissait de nouveau une baisse d’inspiration : « C’est alors qu’elle se trouve confrontée à une panne de sa créativité ». Elle mettait alors en relation son « […] refus inconscient de créer […] » et sa violence, elle reliait création et vie, vie et violence : « Elle […] hasarde une auto-interprétation : si sa vie prend des allures de catastrophe, c’est peut-être qu’elle ne joue pas le jeu de la création. » Julie réussissait mieux par la suite à valoriser ses œuvres, et elle envisageait de « […] renoncer à l’invalidité ». Pour l’auteur, Julie ne pouvait « faire confiance », ce qui expliquait la décision de ses deux IVG et aussi sa relation particulière avec lui, le psychanalyste : « Ce refus de confiance sans rupture [dans la cure] constitue le support nécessaire à l’épreuve de l’avortement sous les traits d’un avortement de la confiance. S’inscrit ainsi un destin de la cure qui répète le destin d’une vie avortée dès la conception de Julie. » Si Julie était insensible envers autrui, c’était pour protéger son psychisme : « C’est pour sauvegarder son économie psychique qu’elle se défausse de sa tâche de soignante […]. » En effet, par ses passages à l’acte violents, elle témoignait de son insensibilité à la souffrance de l’autre tout en reproduisant le comportement de son père : « Ce n’est que très progressivement qu’elle prend conscience de sa violence par indifférence à la détresse d’autrui mais, malgré les liens que je lui propose avec l’indifférence de son père devant les maltraitances subies par elle […], Julie ne parvient pas à l’intégrer […]. » L’auteur évoquait le « […] vécu de souffrance […] » de Julie. Par ailleurs, elle se vengeait de son père en fin de vie en marquant son indifférence, exprimant ainsi le « […] fantasme de parricide […] » : « Elle refuse de lui rendre visite à l’hôpital, toute braquée qu’elle est dans une attitude de refus vengeur. » Puis, elle laissait exprimer une culpabilité jusque-là refoulée, « […] jusque-là écrasé[e] sous une violente répression, toujours au motif qu’elle a besoin de repos ». Par la suite, elle accédait à une meilleure connaissance de son père et de « […] certaines réactions 34 de son père qu’elle vivait jusque-là comme des blessures insupportables ». Elle trouvait un « […] nouvel équilibre trouvé/créé dans la répartition entre l’intérêt du narcissisme et celui de l’objectalité par la voie désignée par l’introjection paternelle en appui sur la fonction maternelle. » A travers la colère éprouvée envers sa mère, Julie prenait aussi conscience de sa violence intérieure et de sa tentative de la refouler : « […] elle comprend que sa tentation par le détachement affectif actif, l’indifférence, est une mesure de protection par répression de sa violence mais qu’elle en est aussi la plus violente expression. » Elle devenait d’une humeur encore plus dépressive : « C’est alors qu’elle se trouve confrontée à une panne de sa créativité et qu’elle entre dans un profond mouvement dépressif. » Puis elle réalisait la nécessité pour vivre, de sublimer sa violence par la création artistique : « […] elle saisit l’impératif de liaison dans la sublimation ». Selon l’auteur, Julie parvenait à la sublimation en raison de l’accès à cet équilibre œdipien : « L’unification des processus psychiques autour de l’introjection de la fonction paternelle prend alors valeur de garant pour la réussite de la sublimation. » Commentaire du vécu de Julie « IVG forcée suivie de passages à l’acte violents : témoins d’une violence intérieure, d’un déséquilibre œdipien, d’une incapacité à faire confiance » Après sa deuxième IVG, exigée par son conjoint mais non voulue par elle, Julie souffre d’une désorientation psychique caractérisée par des passages à l’acte violents : maltraitance envers ses patients, destruction de ses propres œuvres d’art, violence envers ses parents, comportement qu’elle justifie en tant qu’expression de sa fatigue, de son apathie, de sa souffrance. Depuis le début de sa vie, Julie ne peut « faire confiance », elle doute, se dévalorise, avorte. Elle refoule la culpabilité de ses violents passages à l’acte, elle manifeste une indifférence affective à la détresse d’autrui reproduisant le comportement que son père a eu face à sa propre détresse dans l’enfance. Par cette violente indifférence, elle se protège contre sa violence intérieure qui est liée à un déséquilibre œdipien. 35 3.4.8 Synthèse du document n° 8 : Madame M. (21) « Cadre(s), transfert et contre-transfert dans la pratique clinique » Madame M. avait 35 ans et vivait en France avec son mari et ses trois enfants de 8, 5 et 2 ans. Elle était en congé parental et aidait son mari dans leur exploitation viticole. Elle rencontrait une conseillère conjugale parce qu’elle souhaitait « parler à quelqu’un ». Ces entretiens, débutés avant la réalisation de son avortement, se poursuivaient après. Elle avait demandé cette IVG alors qu’elle était « en pleine crise conjugale, sans contraception pour marquer son souhait d’arrêter les rapports sexuels ». Son mari n’était pas informé de cette IVG. De plus, elle avait évoqué sa timidité depuis l’enfance, à l’école et au travail, son goût pour la solitude, et sa mésentente avec son mari. Madame M. ressentait un soulagement quinze jours après cette IVG qu’elle qualifiait de non choisie : « Une fois le soulagement exprimé [elle dit] : Je n’avais pas le choix […] ». Elle décidait de divorcer contre l’avis de son mari, ce qui l’angoissait : « […] j’entends sa souffrance et celle de son mari par la décision qu’elle a prise de le quitter, elle, qui n’en prenait pas…et lui qui décide de tout. » Elle exprimait ensuite une crainte envers lui, dont elle se sentait victime, « […] tyran face auquel elle n’a pas son mot à dire, qui lui impose son point de vue […] ». Ainsi, elle avait un besoin de se séparer de lui, un « […] besoin vital de se dégager physiquement de son mari […] ». Elle se plaignait également de son manque de confiance en elle illustré par son choix d’aller habiter chez ses parents après la séparation, « […] son besoin sécuritaire de s’installer avec ses enfants chez ses parents ‘qui n’attendaient que ça’ […] ». Et elle angoissait à l’idée de la fin du congé parental : « La panique à l’idée de reprendre le travail […] l’amène à envisager la rupture de son contrat plutôt que d’affronter le directeur […]. » Puis Madame M. reconnaissait que tous les défauts n’étaient pas du côté de son mari : « Il n’a pas tout à fait tort, car je suis quelqu’un de timide, j’ai toujours été peureuse […] je suis quelqu’un qu’il faut pousser… ». Elle repérait et exprimait ses peurs, et elle réussissait à discuter avec son patron : « […] elle va pouvoir négocier avec son directeur une fin de contrat. » Elle culpabilisait de critiquer son mari et d’aller à aux séances thérapeutiques. Et elle réussissait mieux à affronter l’agressivité de celui-ci par le dialogue : « […] avant j’aurais été le dire à ma mère, maintenant j’ai pu le lui dire et lui donner mon point de vue, mon avis sur nos désaccords. » Elle prenait de la distance avec ses parents : « […] elle trouve 36 à présent excessif et pesant le jugement qu’ils ont sur son mari. Elle trouvera un logement et un nouveau travail. » Madame M. ressentait de l’agressivité en réaction de celle de ses enfants : « Oui, mais moi aussi je panique et moi aussi je suis agressive et ça, ce n’est pas moi. » Elle reprend une relation avec son mari et « […] se met à pleurer à cause de sa souffrance à ne pouvoir affronter le regard et l’incompréhension de ses parents. » Elle observait mal sa thérapie, elle décidait de l’interrompre, et elle prévoyait de révéler l’IVG à son mari : « […] et je lui dirai à mon mari pour l’IVG, pour pas que ça reste un secret ». D’après l’auteur, Madame M. souffrait d’un conflit conjugal qui amenait à en constater un second : « Sa souffrance conjugale vient exprimer une souffrance personnelle ancienne. » Madame M. souffrait d’un « […] conflit relationnel et phobique […] », secondaire à son tempérament passif, son manque de confiance en elle, son angoisse de séparation : « La souffrance exprimée porte sur l’estime d’elle qui se trouve menacée dans la relation à l’autre, à son mari, à ses parents, à ses enfants, et qui la met en demande afin de trouver une autre issue, autre que la fuite. » De plus, Madame M. était paradoxalement soulagée après son IVG qualifiée de non choisie : « Une fois le soulagement exprimé : ‘Je n’avais pas le choix’ … [il] reste toutefois le ‘je’ en question. » Par sa grossesse et son IVG, elle souhaitait cesser la relation avec son mari : « D’interrompre cette grossesse lui permet d’interrompre la vie conjugale. » Et l’écoute de la thérapeute lui permettait d’aller plus loin en livrant ses angoisses : « Je lui demande ce qu’elle craint, ce renvoi à ses craintes a un premier effet mobilisateur qui ouvre une parole sur la ‘réalité’ conjugale et vient soulager une tension émotionnelle. » Pour l’auteur, Madame M. tentait de se protéger de sa souffrance par la fuite, « […] fuite qui a été jusque là son mode de défense […]. Elle a quitté les jupes de sa mère pour un mari entreprenant. Son manque de confiance en elle la rattrape et quand ce n’est pas élaborable, il n’y a plus qu’à partir, quitter son emploi précédent, partir de sa vie de couple ». Cette fuite provoquait un silence protecteur et une difficulté relationnelle en ne la mettant « […] pas à l’aise sur le plan de la relation […] ». Son lien à l’autre est narcissique : « Pour Mme M., l’autre intériorisé (objet interne primaire) est absence, mais il existe comme lien […]. » Ainsi, grossesse et IVG étaient une fuite face à ce conflit relationnel et phobique : « Arrivés à cette étape, on peut se demander si cette quatrième grossesse suivie d’IVG n’est pas venue pour que Madame M. trouve une issue à son conflit relationnel avec son père, son directeur, son mari. » 37 Puis elle quittait progressivement son rôle de dominée : « Madame M. va ainsi commencer petit à petit à sortir des positions extrêmes victime/tyran. » Elle se confrontait désormais à sa famille en se remettant en question : « Chemin faisant, l’agressivité de ses enfants l’amènera à se poser des questions plutôt qu’à se protéger. » Elle modifiait son mécanisme de défense en se distanciant de ses parents : « L’hyper protection qu’elle est venue chercher en retournant chez sa mère fonctionne comme une barrière, un garde-fou que sa panique vient bousculer, cette protection de sa mère, elle ne la supporte plus. » Elle retrouvait une place renouvelée par le dialogue avec son mari : « Le travail thérapeutique permet à Madame M. une prise de parole avec lui pour parler d’elle, de ses difficultés qui datent, ce qui crée une certaine distance entre eux et vient remobiliser leur attachement mutuel. » Madame M. reconnaissait que le parti pris contre son mari était une réaction de défense contre elle-même : « […] elle a tenu à rectifier que tout n’était pas du côté du mari, comme elle a pu leur faire croire en mettant à l’écart une part d’elle ». Elle renonçait à fuir : « […] et je lui dirai à mon mari pour l’IVG, pour pas que ça reste un secret (ou une fuite et une exclusion pour lui). » Commentaire du vécu de Madame M. « IVG secrète, soulagement et décision de séparation conjugale : révélation d’un conflit relationnel et phobique avec l’autre dont l’issue est la fuite » Quinze jours après son IVG qu’elle a décidée seule, Madame M. souhaite poursuivre son suivi psychologique débuté avant l’avortement. Elle qualifie son acte de non choisi, le garde secret envers son mari, et se sent soulagée. Elle choisit ensuite d’interrompre sa vie conjugale et de se séparer de son mari. Peu habituée à faire des choix, elle est angoissée par cette prise de décision. Cette angoisse révèle son manque de confiance en elle, son lien narcissique, son conflit relationnel et phobique avec l’autre dont elle se défend par la fuite, ce qui provoque un silence protecteur et une difficulté relationnelle. La grossesse et l’IVG lui ont peut-être permis de trouver une issue au conflit relationnel avec son père, son patron, son mari. 38 3.4.9 Synthèse du document n° 9 (22) « Adolescentes enceintes » Clémentine Clémentine avait 18 ans, travaillait en Suisse et vivait en colocation avec une amie. Elle venait de quitter son compagnon avec qui elle avait eu le projet de prendre un appartement. Au cours de sa demande d’IVG quelques jours avant l’expiration du délai légal, elle acceptait l’entretien systématiquement proposé, dans cette maternité, aux adolescentes entre 16 et 18 ans demandant l’IVG. Cette rencontre se poursuivait après l’IVG. Clémentine était tombée enceinte après avoir abandonné la pilule « qu’elle prenait scrupuleusement jusque-là ». Elle avait arrêté ce contraceptif suite à un accident de voiture survenu une semaine auparavant lors de sa soirée d’anniversaire, où trois amis étaient décédés, où elle était la seule survivante. Et peu après avoir appris sa grossesse, elle s’était séparée de son ami en ayant provoqué une dispute « totalement artificielle, me dira-t-elle, mais il fallait que je le quitte ». Puis elle l’avait informé de sa décision d’IVG. Après l’IVG, Clémentine expliquait la raison de son interruption de grossesse ; elle expliquait sa prise de conscience que l’enfant qu’elle avait porté ne pouvait être ses amis. L’auteur rapportait : « Je me suis demandé quel grain de sable avait pu interrompre un processus qui paraissait si inéluctable. Elle me l’a expliqué : l’enfant à venir ne pouvait que représenter ses amis morts, alors qu’elle recherchait une réplication exacte. » Pour l’auteur, Clémentine se sentait coupable du décès de ses trois amis, et sa « […] culpabilité rendait le deuil impossible ». Elle avait tenté de les remplacer par ce bébé : « Après, elle se serait consacrée à la tâche de faire revivre ses amis à travers le bébé. L’arrêt de son histoire d’amour participait à la punition. » Cet enfant n’était pas celui pensé avec son ami : « Il ne devait pas être celui qu’elle avait projeté de faire avec son ami, dans la continuité de leur installation en commun. » Elle avait eu une vision délirante de l’enfant à naître : « Nous étions, à ce moment, dans une économie propre à l’hallucinatoire. » Clémentine avait ensuite réalisé l’échec de sa tentative de remplacement, ce qui l’avait amenée à décider d’une IVG. Selon l’auteur, le soutien psychiatrique devait permettre de transférer l’embryon de l’espace du délire à celui de la réalité pour permettre son deuil : « Le travail de crise a consisté, avant et après l’IG, à déplacer cet embryon de l’espace purement 39 subjectif de Clémentine, pour l’extérioriser et le replacer au sein du couple qui l’avait créé, pour lui permettre une entrée dans l’ordre du symbolique et en faire le deuil. » Commentaire du vécu de Clémentine « Où l’accompagnement psychologique après l’IVG amène à comprendre l’interruption de grossesse comme l’échec d’une tentative de remplacement et à révéler un deuil non fait » Après son IVG, Clémentine, adolescente, poursuit l’accompagnement psychologique. Elle y explique son choix d’interruption de grossesse à savoir la prise de conscience de l’échec de sa tentative de remplacement de ses amis décédés par un enfant à naître. Cette tentative d’ordre hallucinatoire résultait du deuil non fait de ses amis, lui-même lié à la culpabilité de leur mort. Fatia Fatia avait 17 ans et vivait chez ses parents, un médecin et une infirmière réfugiés politiques à Genève depuis 15 ans. Elle était musulmane moins pratiquante qu’eux, célibataire et lycéenne brillante. Au cours de sa demande d’IVG à 9 semaines de grossesse, elle acceptait de rencontrer un psychiatre, rencontre systématiquement proposée, dans cette maternité, aux adolescentes entre 16 et 18 ans demandant l’IVG. Un an auparavant, à l’âge de 15 ans, Fatia avait réalisé une première IVG en clinique privée sur décision de sa mère, alors qu’elle et son petit ami voulaient un enfant qui « viendrait sceller leur amour et le rendrait public ». Son compagnon de l’époque avait 23 ans et était demandeur d’asile. Fatia racontait qu’au moment de sa première IVG, elle avait été accusée de plusieurs fautes par sa mère : « […] elle accuse sa fille d’avoir sali l’honneur de la famille, d’attirer la malédiction de Dieu, et d’avoir failli à la règle qui voudrait qu’elle reste vierge jusqu’au mariage. » Elle avait été obligée par sa mère, sous sa menace, de se séparer de son ami. Affligée, Fatia s’était sentie en profond désaccord avec ses parents : « L’adolescente est désespérée et entre en opposition violente avec sa famille […] ». Et malgré un placement temporaire en foyer d’urgence puis en famille d’accueil, elle avait continué à s’alcooliser de retour chez ses parents : « Elle sortait pratiquement toutes les nuits et revenait imbibée d’alcool. » 40 Environ un an après l’IVG, une de ses alcoolisations s’était compliquée d’un coma éthylique déclenchant un suivi médical familial rapidement interrompu : « Et sans explication, ils ne vont plus donner suite aux propositions thérapeutiques faites par le médecin. » Puis à cette même période, Fatia était tombée enceinte au cours d’une relation passagère et alcoolisée : « Cette possible grossesse, elle n’y avait pas pris gare. Elle était tellement alcoolisée […] qu’elle n’a pas eu l’énergie physique ou psychique de prendre une quelconque décision. » Elle demandait alors une deuxième IVG et acceptait la consultation psychiatrique préalable. Elle était indifférente : « Cet enfant ne compte pas […]. » Et elle s’estimait responsable de la survenue de cette grossesse : « Son partenaire n’est pas investi et semble surtout avoir profité de son état. Elle ne lui en veut pas de l’avoir mise enceinte, car il lui appartenait à elle de lui dire non ou d’exiger qu’il prenne des précautions. En fait, elle ne lui a même pas demandé d’utiliser un préservatif. » Fatia souhaitait que ses parents et surtout sa mère ne fussent pas mis au courant : « […] le seul souci qu’elle se fait est d’éviter que sa mère s’aperçoive qu’elle est enceinte de nouveau. » Pourtant, sa mère découvrait la grossesse de sa fille : « […] elle avait fouillé dans le sac de sa fille la veille au soir, trouvé la carte de rendez-vous de la Maternité et ainsi vu ses craintes confirmées. » Fatia réalisait sa deuxième IVG en sa présence. Puis elle interrompait le suivi psychiatrique : « Le lendemain c’est elle qui me téléphone et nous convenons d’un rendez-vous auquel elle ne viendra pas. » Pour l’auteur, Fatia mettait du temps à lui évoquer son premier avortement dont elle n’avait jamais parlé auparavant : « Au cours d’un entretien long, difficile au début, elle va me confier son histoire. » En révélant sa grossesse et son IVG passées, elle manifestait une humeur dépressive et signifiait sa culpabilité : « Elle sait […] qu’il sera question de ce bébé qui lui manque et qui ne peut exister dans le champ intersubjectif qu’en l’absence de celle qui l’a fait disparaître : sa mère bien sûr, mais aussi la partie d’elle-même complice de cette mère. » Elle souffrait de la destruction de ce projet d’enfant, « […] projet narcissique certes, que les parents de Fatia ont saccagé pour des motifs religieux et identitaires sans le moindre égard pour la subjectivité de la jeune fille. » Elle en gardait une blessure narcissique : « Ce trou dans le tissu narcissique de l’adolescente appelle la deuxième grossesse. » Elle tentait de remplacer ce bébé par ses alcoolisations qui « […] ne suffis[ai]ent pas car il n’y a pas interchangeabilité des contenus dans le ventre de l’adolescente. Nourriture, toxiques ou bébé ne sont pas équivalents […] ». Elle voulait combler le manque d’un bébé qui « […] s’apparente ici davantage à un vide qu’à une absence […] ». 41 Fatia faisait alors mémoire du bébé en tombant enceinte à la date anniversaire de la première IVG : « Le seul intérêt de cette grossesse est de marquer une trace de l’enfant […]. » Elle essayait aussi par cette grossesse de rétablir son projet d’enfant : « Il s’agit de la reconstitution active d’un traumatisme subi, qui l’avait laissée dans la plus grande passivité. La conception répare tout aussi bien celui qui n’a pas pu exister que la maternalité de l’adolescente. » Par la suite, Fatia prenait violemment conscience que cette tentative de réparation était illusoire et elle décidait de réaliser l’IVG : « […] ce bébé n’est que l’ombre de l’autre et […], pas plus que lui, il n’a le droit d’exister. Ce n’est pas un simple constat. C’est une rage qui anime Fatia. Contre le faux enfant, contre la fausse mère qu’elle a été contrainte de jouer. Le vécu de meurtre s’installe. » Et elle culpabilisait de sa décision d’IVG, laissant inconsciemment sa mère intervenir en faveur de ce deuxième avortement qu’elle voulait garder secret : « Et la culpabilité la saisit de nouveau, l’obligeant à négliger, en apparence, le secret de sa grossesse. Sa mère, instance punitive, est sollicitée par le biais d’une étourderie. » Puis, en renonçant brutalement à poursuivre le suivi médical, Fatia témoignait d’une ambivalence pouvant s’expliquer par trois hypothèses : « Interdite par la mère extérieure ? Rattrapée par une communauté de déni intériorisée ? Obligée de continuer à se punir par une autodestruction dont la mouture actuelle serait le refus des soins que je lui propose ? » En répétant le cycle IVG-grossesse, Fatia répétait l’attaque au corps vécu un an auparavant, « [l’] entreprise mortifère dans le lieu même qui avait été choisi pour abriter le narcissisme de vie ». Cette attaque s’exprimait aussi dans ses conduites sexuelles à risque : « À mon sens, l’attaque au corps se situe dans son activité sexuelle désordonnée, infiltrée par le sadomasochisme de ses relations, et aggravée par l’anesthésie provoquée par l’alcool. » Une prise en charge était nécessaire pour tenter de « […] récupérer […] » le projet narcissique de la première grossesse : « Il aurait fallu poursuivre la prise en soins de la jeune fille pour permettre une évolution dans laquelle la grossesse ne serait pas la réplication d’une automutilation, mais une virtualité d’élaboration corporelle et psychique du deuil destructeur de 2004. » 42 Commentaire du vécu de Fatia « Alcoolisations, conduites sexuelles à risque et IVG : des automutilations répétant la blessure narcissique d’une IVG non choisie » Au moment de son IVG décidée par sa mère, Fatia, adolescente, est culpabilisée de cette première grossesse et obligée de se séparer de son ami par celle-ci. Elle entre en opposition violente avec ses parents et est placée en famille d’accueil. Elle s’alcoolise très fréquemment et a des conduites sexuelles à risques. Elle tombe dans un coma éthylique et apprend sa deuxième grossesse autour de la date anniversaire de l’IVG. Les alcoolisations sont une tentative de remplacer le bébé qui lui manque et dont elle se sent coupable de la disparition. Sa deuxième grossesse est une tentative de faire mémoire du bébé, de combler le manque et le vide, de réparer sa maternalité, de cicatriser la blessure narcissique liée à la négation de sa subjectivité et à la destruction de son projet d’enfant par ses parents. Fatia a des difficultés à parler de sa première IVG, manifeste une humeur dépressive, se sent indifférente et responsable de la survenue de sa seconde grossesse. Elle décide d’avorter à l’insu de sa mère, obtenant finalement l’approbation de celle-ci par le biais d’une étourderie. Parce qu’elle prend conscience de l’échec de sa tentative de réparation, elle décide d’une deuxième IVG, décision dont elle culpabilise. Elle ne fait pas le deuil du projet narcissique initial et répète l’automutilation de la première IVG à travers ses conduites sexuelles à risque et le cycle grossesse-IVG. Fatia est ambivalente à accepter un accompagnement psychologique, ce qui peut révéler un comportement d’autopunition, ou un déni de la nécessité d’être suivi, ou l’obéissance à une interdiction maternelle. 43 3.4.10 Synthèse du document n° 10 : Cécilia (23) « Des corps en acte. Désymbolisation/symbolisation à l’adolescence » Cécilia avait 24 ans, vivait en France et était célibataire sans enfant. Elle avait arrêté ses études à 21 ans et était, depuis, en recherche d’emploi et d’appartement. Elle sollicitait un psychologue à cause d’un mal de vivre et de crises de boulimie survenant deux fois par jour environ depuis un an. Elle avait demandé et réalisé une IVG un an auparavant, quelques mois après le départ de sa mère, en raison d’une grossesse non prévue issue d’une relation insatisfaisante avec « un garçon volage », Cécilia avait raconté son adolescence marquée par la séparation de ses parents quand elle avait 14 ans, par le départ de sa sœur dans les ordres, restant alors seule avec sa mère. Elle avait probablement eu « des conduites alimentaires restrictives de type anorexique […] car tout au long de sa croissance, entre 14 et 19 ans, son poids a suivi une évolution souvent bien inférieure à celle de la normale », période suivie d’une prise de poids de 12 kg entre 19 et 22 ans. Après le divorce de ses parents quand elle avait 21 ans, sa mère avait quitté la région, la laissant seule dans la demeure maternelle alors qu’elle recherchait travail et logement. Au moment de ce départ, elle avait constaté sa prise de poids, avait arrêté le sport, puis était tombée enceinte quelques mois plus tard. Depuis son IVG il y a un an, Cécilia ressentait un mal-être ainsi que la nécessité d’être remplie : « Dans le contexte post-IVG surgissent les conduites boulimiques toujours actuelles :‘Je ne peux pas m’empêcher de manger, manger, et manger encore, dit Cécilia, manger, ça me permet d’être pleine, de me sentir pleine’. » Sa boulimie s’associait à des vomissements : « […] après chacune de ces incontrôlables frénésies alimentaires surviennent les vomissements, eux aussi incoercibles. » Depuis avant son IVG, Cécilia se préoccupait beaucoup de sa silhouette, en réaction à celle des femmes de sa famille : « Vous savez, ditelle, je suis d’origine sicilienne par ma mère, et les femmes de ma famille, ma grand-mère, ma mère, ma sœur ont toutes tendance à avoir des hanches plutôt prononcées. » Elle évoquait donc l’importance du sport, pour sa taille mais aussi pour la connaissance d’elle-même : « Courir c’est, dit-elle, aller de l’avant, savoir se tenir et se servir de ses jambes, connaître ses propres limites mais aussi ses possibilités. » Cécilia exprimait sa détresse face au départ de sa mère, douleur liée à son besoin d’indépendance : « C’était pas juste, c’est pas normal, crie, pleure aujourd’hui encore Cécilia, elle avait pas le droit de me faire ça, c’était pas à elle de partir, c’était à moi, elle 44 m’a pas laissé le temps, il m’aurait fallu juste un peu de temps, je sais pas moi, une semaine, deux mois. » « Elle se sent […] prisonnière de cette maison. » Elle ne s’estimait pas capable de la tenir en ordre, et elle se trouvait abandonnée par sa mère : « Elle se sent littéralement perdue, dans cette maison qu’elle n’affectionne pas. Cette maison est vécue comme trop grande pour elle. Plus encore, Cécilia se trouve démunie, et même complètement étrangère en terre maternelle. » Cécilia évoquait aussi sa passivité dans le fait d’être tombée enceinte : « […] ‘ce garçon l’a mise enceinte’ selon ses propres termes. » Elle était demandeuse d’un suivi psychologique régulier, progressivement espacé, puis arrêté à sa demande après une amélioration des symptômes : « Neuf mois (!) plus tard, Cécilia fait part de sa décision de suspendre complètement les entretiens ; […] elle n’a plus ni boulimie ni vomissement, a repris l’aérobic et a entretemps emménagé dans son propre appartement. » Selon l’auteur, le trouble alimentaire de Cécilia révélait une problématique narcissique, signifiait son vide intérieur et son conflit psychique entre le désir de rester la petite fille et celui de devenir mère : « Mais les ingestions boulimiques ne constituent-elles pas, plus encore, des tentatives, pour parvenir enfin à garder en soi l’objet (l’enfant à venir, la mère à être, mais aussi Cécilia-enfant et la mère qu’elle eut) […]». Les vomissements reproduisaient l’échec de ces tentatives tel un « […] symptôme commémoratif en quelque sorte, et peut-être alors aussi élaboratif des différents conflits psychiques ici en jeu ». Cécilia n’était pas consciente de ses conflits ; « […] elle bute à reconnaître son (ambivalent) désir d’enfant. » Pourtant Cécilia montrait sa difficulté à accepter de devenir femme : « Quelle image de la féminité s’avère ici difficilement intégrable pour Cécilia, et sous laquelle se profile aussi le spectre de la ‘mamma’ italienne tout autant ingérable. » Elle se questionnait sur son identité : « […] elle se débat plus encore avec les questionnements et les enjeux de l’adolescence, c’està-dire avec les incertitudes liées à son devenir sexué de femme, d’amante et de mère potentielle, mais plus fondamentalement aussi à son devenir d’adulte, de sujet mature et autonome. » Sa construction identitaire était fragilisée par les évènements de sa vie familiale, et en dernier lieu par sa séparation précoce avec sa mère : « Cela va en effet trop vite pour Cécilia à qui il est demandé d’être une femme adulte autonome et responsable d’elle. » Cette séparation aggravait son déséquilibre psychique en provoquant un choc spéculaire : « Angoisses d’abandon et de castration sont simultanément activées et […] le miroir renvoie soudainement à Cécilia l’image de la femme qu’elle est devenue sans le savoir (ça voir). » 45 Concrètement, le départ de sa mère la privait de l’indépendance recherchée, l’accablait et la bloquait dans sa prise d’autonomie : « Loin de représenter pour elle l’accomplissement de ses aspirations à l’indépendance, cette conjoncture active chez Cécilia frustration et dépression. » Psychiquement, Cécilia, seule dans la maison maternelle, était sous l’emprise de sa mère qui occupait son « […] espace subjectif propre […] », elle restait peu différenciée d’elle : « Autrement dit, […] sa naissance comme femme adulte et mature sur un plan libidinal se complique de la résurgence de son advenue comme sujet peu différencié du corps maternel. » Selon l’auteur, Cécilia utilisait donc son corps comme mode principal d’expression : sport, grossesse, avortement, boulimie, vomissements, « […] conduites (les dernières surtout) à caractère psychopathologique qui peuvent donc interroger sur leurs sens et valeurs évolutifs au sein de l’organisation psychosomatique de Cécilia ». Ces passages à l’acte répétés sur son propre corps lui permettaient d’exprimer angoisses et conflits psychiques identitaires. Ainsi, la grossesse de Cécilia révélait un désir inconscient de grossesse et de construction identitaire : « Cette grossesse non préméditée, véritable ‘acte manqué’, révèle […] l’essai, certes encore délicat, d’appropriation subjective de son corps sinon du maternel féminin en elle. » Cet acte manqué était suivi d’un autre passage à l’acte, l’IVG, « […] l’agir abortif qui lui fait aussitôt suite et qui constitue la toile de fond sur laquelle viennent s’inscrire ses récents comportements boulimiques et pratiques vomitives ». IVG et comportement alimentaire continuaient de traduire le conflit psychique de Cécilia entre besoin et rejet de sa mère : « Les perturbations alimentaires de Cécilia disent simultanément sa faim de l’objet oral, vital (sous la nourriture, la mère) et sa satiété de celui-ci, rassasiement allant jusqu’à l’écœurement, d’où son rejet. » Les passages à l’acte chez Cécilia permettaient ensuite d’aboutir à un travail d’élaboration par une prise en charge médico-psychologique : « Si l’agir alimentaire, au même titre que l’agir abortif d’ailleurs, pourrait à première vue paraître une voie régressive […], c’est pourtant lui qui conduit Cécilia à l’hôpital et l’amène à demander consultations médicale et psychologique, soit une assistance pour son corps et pour sa psyché […]. » Durant ce suivi, elle espaçait les consultations et marquait ainsi sa prise d’autonomie : « […] la rémission de ses conduites boulimiques à l’occasion de la séparation estivale en atteste d’ailleurs. 46 Commentaire du vécu de Cécilia « IVG suivie de boulimie et vomissements : témoins d’une crise identitaire, d’un conflit psychique entre besoin et rejet de devenir femme et mère » L’IVG de Cécilia est suivie de l’apparition d’une boulimie et de vomissements. Elle mange parce qu’elle a besoin de se sentir pleine. Ces troubles manifestent son mal-être, et l’amènent à consulter. La boulimie est une tentative de garder en soi l’enfant à venir ou la mère en devenir ou la petite fille qu’elle était ou sa propre mère. Les vomissements signent l’échec de ces tentatives. La grossesse et l’IVG constituent des actes manqués révélant son conflit psychique entre besoin et rejet de devenir femme et mère. Ces passages à l’acte répétés sur son propre corps témoignent de l’existence d’une crise identitaire qui se caractérise par un blocage de sa prise d’autonomie, une difficulté de séparation avec sa mère. Cette crise est provoquée par le départ trop précoce de celle-ci et survient dans un contexte de questionnement narcissique et d’une construction identitaire déjà fragilisée par les évènements de son adolescence. 47 3.4.11 Synthèse du document n° 11 : Nadège (24) « Crime en solitude ? Un cas clinique » Nadège avait 24 ans. Elle vivait en France avec son conjoint et n’avait pas d’enfant. Issue d’une famille aux grosses difficultés financières et sociales, elle avait abandonné ses études pour un job de serveuse. Elle rencontrait un psychiatre dans le cadre d’une enquête judiciaire où elle était inculpée d’homicide involontaire après avoir accouché dans la cuvette de ses WC d’un bébé à terme, vivant, viable puis mort d’une inondation bronchique. Cette grossesse était seulement connue du couple, sans suivi médical. Nadège avait réalisé une IVG deux ans auparavant à plus de 11 semaines de grossesse, en Hollande, sur décision mutuelle avec son ami, et à l’insu de sa mère. Cette première grossesse avait été confirmée à l’échographie à cause de la persistance de nausées et d’un dégoût d’odeur, et préalablement traités par son médecin avec « une contraception du lendemain alors qu’il existait déjà un test de grossesse positif effectué en pharmacie ». Nadège avait raconté sa pauvreté cachée à ses amies, son enfance et son adolescence heureuses en raison de l’union harmonieuse de ses parents et de la présence constante de sa mère au foyer. Puis elle avait évoqué le départ de son père et de sa grand-mère lié au divorce de ses parents vers l’âge de 16 ans, suite à la découverte de l’infidélité du père par sa mère. Elle avait alors décidé de rompre toute relation avec son père qui avait ensuite refait sa vie et avait eu deux enfants. Elle avait été amenée à remplacer sa mère auprès de ses deux jeunes frères, en raison de la dépression de celle-ci. Nadège décrivait sans hésitation sa mère comme une personne faible : « Sa mère est décrite de manière univoque : trop gentille, trop douce, se laissant trop faire. Le seul moment où elle s’est montrée forte et décidée a été celui de la rupture […]. » Elle disait par ailleurs avoir le même caractère que son père, fier, affectueux et un peu dominateur. Elle souffrait de sa rupture totale de contact avec lui _ rupture qu’elle avait elle-même décidée _ : « Elle ne le voit plus et ne lui parle plus depuis quatre ans, mais cette attitude volontaire et absolue la laisse meurtrie. » Elle se sentait trahie par son père, elle éprouvait « […] la rancœur d’avoir été trompée ». Elle l’accusait en effet de son comportement passé qui la faisait toujours souffrir : « Elle ne lui pardonne ni son infidélité, ni les conséquences psychologiques que le divorce a entraînées sur sa mère et, par contrecoup, sur elle. » Ainsi, Nadège restait très protectrice envers ses frères : « Elle est déçue que le cadet n’ait pas poursuivi ses études et elle considère que ses frères ont encore plus durement 48 qu’elle subi l’éclatement de la famille. » Et elle exprimait sa confiance envers son ami : « C’est mon pilier, il est plus mûr que moi, il est stable, il est plus sûr de lui […]. » Puis Nadège évoquait une tristesse à l’évocation de son bébé mort noyé : « Elle se fait en pleurs tout du long. » Elle expliquait ne pas avoir eu la vigueur pour se lever de la cuvette de ses WC : « […] j’ai mis au monde mon bébé dans les toilettes, et j’ai pas eu la force de me soulever pour m’extirper des toilettes et je l’ai noyé. » Elle révélait avoir eu le doute de cette grossesse à environ six mois de son commencement, doute qu’elle avait uniquement exprimé à son ami : « Ainsi, Nadège reste dans le soupçon de sa grossesse. Les fêtes se passent. Elle en parle à Kevin qui l’engage à voir un gynécologue. Elle n’y va pas. Il l’engage à parler à sa mère. Elle ne le fait pas. » Elle racontait ne pas en avoir parlé à sa mère parce qu’elle « […] n’aurait plus été sa petite fille ». Elle décrivait le décalage entre sa prise de conscience progressive de la grossesse et celle de son terme : « Du jour de l’an jusqu’au 12 février [jour de l’accouchement], le temps s’écoule passivement et pour le couple commence à germer la réalité de cette grossesse, […] ils évoquent déjà les prénoms possibles de l’enfant. L’un et l’autre se croyaient au cinquième ou sixième mois. » Selon l’auteur, plus que de la culpabilité de son acte d’homicide, Nadège souffrait surtout de la perte de sa vie de famille : « Nadège va livrer une longue litanie douloureuse, non pas concernant les faits dont elle se sent pourtant coupable, mais concernant sa vie familiale dans l’enfance et l’adolescence, éden dont elle ne s’est pas remise de la perte […] suite à la séparation et au divorce des parents. » Elle ne faisait pas le deuil de sa vie d’avant le divorce : « […] elle reste appendue à son histoire familiale, sans pouvoir s’en détacher et sans pouvoir faire le deuil d’une famille qui a éclaté quand elle avait 16 ou 17 ans. » A cause de cette épreuve, Nadège vivait dans une torpeur émotionnelle, une « […] pesanteur affective rivée aux souvenirs malheureux et au sentiment d’être dans une ruine insurmontable ». Elle tissait des liens affectifs très forts avec ses frères, avec son ami : « Il [son ami] est venu comme un emplâtre, pour non pas cicatriser la perte du père, mais la masquer. C’est pour ça qu’il n’a pas réellement été investi comme un futur père rassurant. » Ainsi, pour l’auteur, Nadège avait une immaturité affective : « Il s’agit donc d’une immaturité qui n’est pas sans profondeur et qui revêt la forme d’un sentimentalisme qui n’a pas été refoulé par des défenses névrotiques suffisamment actives. » En effet, elle avait une dépendance affective avec sa mère : « Chez elle […] c’est le retour constant au souvenir d’une chaleur familiale détruite qui la laisse dépendante de la relation à sa mère et qui alimente ses à-coups de tristesse. » Le jour de l’accouchement, Nadège prévenait sa mère en 49 premier : « il [son conjoint] ne reste pas auprès de sa compagne, il ne téléphone pas, mais court dans tous les sens, prend sa voiture et va d’abord chercher la mère de Nadège. Il fallait enfin lui dire. C’est après qu’il peut prévenir les pompiers. » En raison de son défaut de refoulement, Nadège développait un autre mécanisme de défense ; le déni « […] qui n’est pas celui de la perversion, qui n’est pas tout à fait celui de la psychose, qui n’est pas structural mais de situation ». L’auteur amenait ici au sujet du déni de grossesse de Nadège pour qui la deuxième grossesse est « […] un cauchemar d’une extrême fugacité, qu’elle va immédiatement mettre hors circuit non par un acte réel comme l’avortement, mais par un acte magique. » En effet, si elle acceptait de fonder une nouvelle famille, elle trahissait et abandonnait sa famille précédente comme son père l’avait fait : « […] il faut noter que Nadège avait déjà vécu une maternité sous l’aile protectrice de sa mère : celle de ses deux frères. » Alors elle refusait de modifier son statut de petite fille, « […] d’égaler sa mère […] » et de se représenter un futur enfant : « L’infanticide est en quelque sorte un refus de transmission. […] C’est le statut fait au futur enfant qui permet de dépasser cet enjeu, qui donne sa consistance à l’enfant imaginaire et qui dessine la place qui lui sera assignée. L’avortement de ce processus psychique entraîne une rétention mentale qui peut durer neuf mois et qui finit, un jour ou l’autre, là où finit toute rétention. » L’auteur soulignait que l’IVG tardive de Nadège était un signe avant-coureur de son infanticide, car les deux grossesses avaient fait l’objet d’un déni : « Par deux fois, elle est restée à mi-chemin entre le déni total et le sursaut de conscience qui lui a fait reconnaître, trop tard, son état de grossesse. Dans la première grossesse, l’acte magique permettant le déni avait cédé à un acte réel d’interruption au bout de deux mois. La prise de conscience de ce déni était responsable chez Nadège d’un traumatisme et d’une culpabilité : « Il faut souligner la déflagration que constituent pour l’intéressée le constat de ce qui s’est passé et le sentiment de culpabilité que cela entraîne. » 50 Commentaire du vécu de Nadège « IVG et infanticide secondaires à un déni de grossesse : témoins d’une immaturité affective et du deuil non fait de la séparation parentale » L’IVG de Nadège est suivie, deux plus tard, d’un infanticide secondaire à un déni de grossesse. En prenant conscience des faits, Nadège est traumatisée et culpabilise. L’infanticide et l’IVG sont secondaires à un déni de grossesse incomplet. Lors de la première grossesse, l’acte magique de suppression de la grossesse est remplacé par l’acte réel d’IVG. Lors de la seconde, cet acte magique conduit à l’infanticide. Ce déni est un mécanisme de défense contre le refus de Nadège de fonder une famille, de se représenter un futur enfant, d’être comme sa mère, de perdre sa dépendance affective avec celle-ci et son statut de petite fille. Il est une protection contre sa peur de trahir et d’abandonner sa famille comme son père l’a fait. Nadège n’a pas fait le deuil de cette perte de « vie d’avant » la séparation de ses parents, et révèle une immaturité affective fondée sur un défaut de refoulement. L’IVG annonçait l’infanticide. 51 3.4.12 Synthèse du document n° 12 : Madame T. (25) « Violences conjugales et souffrance de l’enfant » Madame T. avait au moins 29 ans et était née en banlieue parisienne. Elle avait vécu de l’âge de 6 ans à 21 ans en Afrique du Nord pour ensuite repartir vivre en France avec son mari. Elle avait trois enfants ; deux filles âgées de 8 ans et 18 mois, un fils âgé de 3 ans. De culture musulmane, elle était la seule femme non voilée de sa famille. Elle acceptait le suivi proposé par la psychologue de la PMI qui prenait en charge son fils à la demande urgente de l’école, car celui-ci était « incontrôlable, très agité et perturbant considérablement la classe ». Elle avait réalisé une IVG, pratiquée plus de huit ans auparavant, suite à un viol avec un inconnu alors qu’elle était mariée et sans enfant. Madame T. avait raconté son enfance durant laquelle elle avait été témoin de son père battant sa mère, et où de l’âge de 6 à 12 ans, elle avait été victime d’inceste par un de ses grands frères. Sa mère ne l’avait pas protégée, « prise dans la violence subie » par son mari. Madame T. s’était mariée vers 21 ans dans le but de s’enfuir de chez elle. Depuis le début de son mariage, elle était battue et violentée par son mari. A cette époque, elle s’était faite violée à cause de sa tante ; celle-ci « l’aurait fait boire, et contre de l’argent, l’aurait laissée à un homme dans un hôtel ». Madame T. avait également décidé de quitter son emploi, se sentant sexuellement harcelée par son patron. Madame T. exprimait le besoin de se confier à la psychologue : « Tout reste ici, n’est-ce pas, vous ne parlez pas dehors de ce que je vous dis ? » Toute habillée de noire, elle révélait alors une relation de couple devenue impossible par la violence physique de son mari sur elle : « Elle évoque alors sa situation conjugale avec un mari qu’elle ne supporte plus. Elle est victime de sa violence, et ce, depuis le début de leur relation. » Elle avouait avoir porté plainte une fois contre lui alors qu’il l’avait brûlée au visage, plainte qu’elle avait rétractée « […] sous la pression d’un de ses frères lui demandant de laisser une seconde chance à son mari ». Madame T. évoquait un sentiment de malaise suite aux retrouvailles avec le grand frère : « Elle me précise […] ‘se sentir particulièrement mal’ depuis quelque temps, car elle a revu un de ses frères aînés qui l’aurait agressée sexuellement dès ses six ans […]. » Elle racontait qu’elle avait signalé pour la première fois ces violences sexuelles à sa mère l’été précédent. Celle-ci « […] ne l’aurait pas crue et, dans une inconsciente tentative de ‘couvrir’ son fils, lui aurait rétorqué : ‘Si c’était vrai, pourquoi tu ne nous l’as pas dit avant ?’ ». 52 Madame T. se sentait abandonnée par sa mère à qui elle avait courageusement confié son secret, ne pouvant alors pas « […] imaginer le ‘conflit de loyauté’ que ses révélations allaient susciter ». Par ailleurs, elle souffrait de sa première IVG : « Elle [la] vit encore comme une ‘plaie ouverte’, ajoutant : ‘Quand j’y pense, j’ai la haine, j’ai la honte’. » Madame T. disait s’être confiée à l’une de ses sœurs à propos du harcèlement de son patron et des agressions de son frère, et celle-ci « […] lui aurait répondu que c’est elle ‘qui provoquait’ ce type de situations par son comportement et autres signaux, dont sa tenue vestimentaire […] ». En effet, elle se sentait fautive de tous ces évènements, et notamment de son refus de relations sexuelles par son mari : « Je me dis que c’est de ma faute, je dois mériter ça […]. » Et sa culpabilité entraînait une attitude secrète : « Je n’ai pas le droit d’en parler, car on va encore me le faire payer ». Madame T. n’avait pas de désir d’enfant : « Moi, je ne voulais pas d’enfants, à chaque fois, il m’a forcée et je suis tombée enceinte. » Après une cinquième grossesse forcée, elle décidait de réaliser une deuxième IVG, à l’insu de son mari, et elle affirmait « […] être certaine qu’‘un jour, elle le quitterait’. » Elle parlait alors pour la première fois de ses filles, « […] établissant le lien avec son histoire infantile, [de] la peur que ses filles soient à leur tour victimes de violence sexuelle des hommes, oncles de la famille notamment ». Elle souffrait tant que son seul plaisir lui était procuré par ses enfants, « […] et que par conséquent, elle supportait mal de venir me voir pour évoquer les soucis de son fils à l’école ». Elle cherchait à construire une relation de confiance avec la psychologue pour libérer sa parole et « […] faire le ménage dans sa tête ». Selon l’auteur, Madame T. racontait sa vie avec une certaine froideur tel « […] un automate répétant une histoire déjà maintes fois racontée ». L’auteur soulignait son apathie, « […] la tonalité dépressive [qui] transparaît dans ses ‘non-échanges avec son enfant’ », et sa passivité : « Madame T. m’évoque tout cela sans que je sente une réelle volonté (capacité ?) de mettre fin à cette situation qu’elle semble subir, comme avec son fils, passivement. » Par ce comportement, elle manifestait sa détresse : « Madame T. m’apparaît alors éteinte et triste comme démunie vis-à-vis de son fils, débordée par le spectacle qu’il mettait en scène, nous regardant alternativement, avec une grande passivité, espérant vraisemblablement que je vienne à sa rescousse. » En effet, malgré l’aveu de ses agressions à certains membres de sa famille, Madame T. restait seule face à son histoire ; « […] répétition ininterrompue de violence subie sans avoir jamais pu ni s’en défendre ni s’y soustraire, violence marquée par le sceau de la relation à 53 des hommes maltraitants, dans des circonstances où la sexualité est mêlée à la contrainte et à la peur. » Progressivement, Madame T. laissait exprimer sa colère au fur et à mesure de son récit, notamment à cause de l’incrédulité de sa mère face au comportement incestueux de son propre fils : « Le déni de la mère venait donc comme une seconde trahison, une ‘nonreconnaissance’ qui la laissait à nouveau face à sa cruelle solitude, avec une colère ‘sans nom’, sans fond. » Dans la solitude, elle souffrait et culpabilisait de son vécu : « Démunie, ne trouvant d’appuis, c’est avec un très fort sentiment de culpabilité qu’elle était venue déposer ces éléments douloureux de son histoire de vie. » Elle justifiait le comportement de son mari, « […] expliquant sa violence comme la seule réponse possible face à son refus d’avoir des relations sexuelles avec lui ». Et comme à l’époque de sa dépression du troisième post-partum où elle avait refusé de consulter, sa culpabilité rendait difficile l’expression de sa parole à la psychologue : « […] elle vit ce rendez-vous comme une sorte de ‘trahison’ à l’égard de ceux dont elle va me parler. » Pour l’auteur, son statut permanent de victime lui était un moyen de se défendre contre son traumatisme initial, le viol du frère, « […] avec une recherche systématique, bien qu’inconsciente, de situations permettant à la victime de ‘rejouer’ et de tenter de se dégager, dans le réel, de ce qui engendre une angoisse insurmontable, en lien avec un traumatisme ancien mais non ‘digéré’ psychiquement ». Néanmoins, un mois après cette consultation, Madame T. décidait en choisissant l’IVG de mettre fin au cycle de répétitions : « Ultime répétition, elle retombera enceinte, à la suite (là encore) d’un rapport forcé [...] Mais cette fois-ci, elle dira vouloir avorter _ ce qu’elle fera d’ailleurs dans le secret absolu […] ». Le travail psychologique permettait la fin du processus de répétition : « La vie de Madame T. me paraît receler à elle seule l’ensemble des ferments de la violence subie passivement, après l’avoir été de façon traumatique (viol du frère), prise dans les chaînes de la répétition infinie jusqu’à ce qu’un début d’élaboration, et donc de distanciation, puisse enfin s’amorcer. » Puis Madame T. se satisfaisait même à exposer sa souffrance à la psychologue au point de passer par la parole de la position de victime à agresseur : « Au plaisir masochiste de la rétention se substituent peu à peu au fil de notre échange singulier le plaisir ‘du dire’ et celui, plus sadique, du ‘faire subir à autrui ce que l’on a subi sans pouvoir s’en défendre’ : la violence crue, l’effroi à l’état brut. » Madame T. n’avait pas d’estime d’elle-même ; son narcissisme était blessé depuis l’enfance. « Rappelons que chez l’enfant, le viol doublé de l’inceste conduit à une ‘démolition’ de son narcissisme par défaut de protection de l’enveloppe corporelle et psychique qui a été brutalement effractée à cette occasion. C’est donc le Moi tout entier qui 54 est assimilé à ce corps blessé et ‘intrusé’. » Petit-à-petit, son identité de femme se construisait sur la peur des hommes et celle « […] de ne pouvoir, à son tour, protéger ses filles de [leur] violence prédatrice ». Et son identité de mère se fondait sur le défaut de contenance de l’entourage féminin, mère, tante, sœur, générant sa « […] méfiance vis-à-vis des femmes de l’autre, avec une figure maternelle passive, absente car non-protectrice […] ». Commentaire du vécu de Madame T. « IVG, haine et honte : témoins d’une angoisse de l’enfance et d’une blessure narcissique d’origine incestueuse » Madame T. a besoin de se confier et révèle avec difficulté un viol suivi d’une IVG. Son évocation provoque haine et honte qui prennent part à un vécu d’abandon et de souffrance dont elle culpabilise. Elle prend le statut de victime de violences à répétition qui lui permet de se défendre contre son angoisse du traumatisme initial de l’enfance en essayant de la rejouer et de s’en dégager. Son statut témoigne aussi de son absence d’estime d’elle-même et de sa blessure narcissique construite sur l’inceste, la peur des hommes et l’absence de soutien féminin. 55 3.4.13 Synthèse du document n° 13 : Sarah (26) « Le fantasme de magmamatrice » Sarah avait 18 ans et vivait en France. Elle demandait un suivi psychologique en raison d’une IVG réalisée quelques mois auparavant. Elle avait raconté son enfance vécue auprès de sa mère, dépressive depuis la mort de son bébé à huit mois de grossesse, peu de temps avant la naissance de Sarah : « Elle me parle de la dépression de sa mère et de ses vécus d’enfance auprès d’une mère blessée. » Sarah avait besoin de se confier : « Elle me parle longtemps d’elle-même […] ». Elle avait le sentiment de ne pas avoir récupéré de son IVG : « ‘Je ne peux pas m’en remettre’ ditelle. Depuis l’interruption de cette grossesse, elle est déprimée et a le sentiment de ‘s’enfoncer lentement’. » Elle ne voyait pas d’issue à cette souffrance ayant le « […] sentiment d’être dans une impasse ». Mais elle était certaine que l’IVG était liée à son malêtre : « Elle ne voit pas, ne comprend pas, pourquoi cette IVG a introduit chez elle cette cassure ; pourtant elle en est sûre, ça vient de là. » Sarah évoquait par la suite un rêve pénible datant de quelques jours après son IVG : « Elle perd un bébé à la naissance, ça la rend très, très triste. » Elle exprimait alors son important ressenti du deuil non fait de sa mère concernant le bébé mort à huit mois de grossesse : « Sarah […] a le sentiment d’avoir toujours grandi avec l’impression de cette perte chez sa mère. » Puis elle évoquait son sentiment d’avoir un peu tué ce bébé par son IVG : « Elle revient alors sur son rêve, disant que ça n’est pas le bébé de sa mère qu’elle a tué en faisant l’IVG mais que, quand même, ‘ça y ressemblait drôlement’. » Selon l’auteur, Sarah déprimait, et elle réactivait sa culpabilité de n’avoir pu pallier à l’état dépressif chronique de sa mère perçu depuis son enfance : « Sarah a repris à son compte la dépression maternelle qui, semble-t-il, vient réveiller une culpabilité ancienne liée à la perception de la détresse maternelle et au sentiment de ne pas réussir à la colmater, à la combler. » En effet, la jeune femme développait une dépression à l’image de la dépression maternelle : « Pour avoir ‘tué un bébé’ qui était à la fois le sien et celui de sa mère, elle est devenue cette mère déprimée qu’elle a connue dans l’enfance. » Sarah confondait son histoire et celle de sa mère, et elle culpabilisait alors de son IVG au point de ne pouvoir l’accepter : « Au fond, il n’y avait dans cette histoire qu’un seul bébé, qu’une seule femme et qu’une seule fécondité possible […] acte dans le réel si emprunt de 56 culpabilité qu’il devient inintégrable et ouvre une faille dans laquelle Sarah s’engouffre. » Elle fusionnait avec sa mère : « ‘Je suis cette mère déprimée, je suis ce ventre en deuil perpétuel d’un bébé trop tôt disparu’ pourrait être l’énoncé inconscient. » « Il y a parfois un sentiment très vif et intense […] de fusion/confusion […]. » Sarah manifestait son lien douloureux avec sa mère par la grossesse et l’IVG : « La fécondité féminine est alors ce par quoi le dialogue mère/fille se poursuit, prenant la chair comme support. » D’une part, Sarah culpabilisait de sa grossesse comme c’est aussi le cas d’autres jeunes femmes : « […] elles gardent parfois le sentiment intérieur d’avoir volé la fécondité de leur mère, une culpabilité intense devant leur volonté intérieure de différenciation […]. » Elle hésitait puis renonçait à se différencier de sa mère : « La question de l’IVG chez une adolescente, confronte alors les filles à une ambivalence insondable. Elle les situe à nouveau devant la nécessité vitale et douloureuse de symboliser une différenciation entre elles-mêmes et leur mère. » D’autre part, elle tentait de réparer un traumatisme maternel par sa propre grossesse : « Lorsqu’il y a eu quelque chose d’impensé pour une mère autour de ces grossesses et de ces maternités, les filles adolescentes s’enlisent parfois dans des tentatives désespérées de réparation maternelle à travers leur propre grossesse. » Selon l’auteur, cette tentative de réparation se rattachait au fantasme d’une matrice commune ayant pour support la fécondité : « La Magmamatrice met en scène l’origine d’un vivant collectif, elle ignore la mort individuelle (tout est ‘remplaçable’, interchangeable et sans limite). » Par cette tentative de réparation, Sarah ne laissait pas de place à l’embryon : « Dans ce cas, l’embryon destiné à l’IVG (‘précipité embryonnaire’) n’est que la concrétisation charnelle de ce désir de toute puissance qui voudrait fourvoyer la mort elle-même. » Elle échouait dans cette tentative et elle reproduisait la souffrance et le deuil maternels : « À ce niveau psychique d’indifférenciation matricielle, le danger peut être grand, de plonger dans l’abîme de la détresse d’une mère. » Par la suite, Sarah différenciait les deux histoires, celle de sa mère et la sienne, afin « […] de remettre les bébés à leur place », par les entretiens lui permettant d’accéder à sa parole propre telle que l’expression de son rêve. Elle se réappropriait l’histoire de son IVG, « […] afin que Sarah puisse vivre et penser son IVG de façon singulière, afin qu’elle puisse penser au mieux le sens qu’avait pour elle la mise en place de cette grossesse et la nécessité de son interruption au cœur même du lien à sa mère ». 57 Commentaire du vécu de Sarah « IVG et dépression secondaire ou l’échec d’une tentative de réparation d’un traumatisme maternel révélant un lien maternel fusionnel » Plusieurs mois après son IVG, Sarah, adolescente, demande un suivi psychologique. Elle a besoin de se confier à propos de cette IVG dont elle est certaine du lien avec sa dépression actuelle sans pouvoir l’expliquer. Sa dépression reproduit la souffrance et le deuil vécus par sa mère lors de la perte d’un fœtus de huit mois, et réactive sa culpabilité de n’avoir pu combler cette perte. Elle témoigne de sa culpabilité d’avoir tué un bébé, le sien et celui de sa mère, de sa non-acceptation de l’IVG, et de sa confusion/fusion entre son histoire et celle de sa mère. L’IVG est l’échec de sa tentative de réparer un traumatisme maternel et déclenche sa dépression. Elle témoigne aussi de sa culpabilité, de son renoncement et de son ambivalence à tenter, par la grossesse, de se différencier de sa mère. 58 3.4.14 Synthèse du document n° 14 (27) « Le moment adolescent comme moteur de la cure d’adulte » Yasmina Yasmina avait 35 ans et vivait en France où son père, algérien, avait immigré. Elle vivait seule depuis qu’elle avait quitté le père de ses enfants dix ans auparavant, celui-ci ayant obtenu leur garde. Ses enfants étaient maintenant en période d’adolescence. Elle avait perdu son emploi. Elle demandait un entretien avec la psychologue à l’occasion d’une démarche dans un centre d’orthogénie pour une prise de contraception. Elle avait réalisé une IVG à l’adolescence suite à une relation avec « le premier venu » : « tout s’est déroulé sans trop réfléchir ». Elle avait suivi la résolution maternelle, « plus soumise à la décision de sa mère qu’à son désir, ajoutant : ‘Et puis, c’était la honte.’ » Elle avait raconté la séparation de ses parents alors qu’elle avait 14 ans, suivie du retour en Algérie de son père « qu’elle vénérait », et des nombreux séjours de sa mère chez la sœur de celle-ci. « Elle s’était sentie alors livrée à elle-même. » Elle avait évoqué son souvenir d’une coupure d’électricité dans « l’appartement déserté par sa mère » et l’arrêt de sa scolarité suite à des absences répétées. Yasmina exprimait une volonté de sortir de son grand isolement par son acte d’aller au centre d’orthogénie : « Elle évoque alors cette rencontre médicale pour une prise de contraception qui constituait pour elle la première démarche lui ayant permis de s’extraire de chez elle. » Elle se sentait abandonnée par ses enfants : « Elle se présente […] comme ‘accablée par l’abandon de ses enfants’. » Elle exprimait également son abattement suite à l’action judiciaire concernant leur garde : «‘Étrangement’ dit-elle, elle ne s’est pas battue mais s’est sentie ‘accablée’ par le résultat de la procédure. » Yasmina constatait sa relation quasi-inexistante avec ses enfants : « Elle les a vus de loin en loin. Ils ont alors déménagé avec leur père à une trentaine de kilomètres de son domicile et, brusquement, elle ne les a plus accueillis chez elle. » Au moment de leur adolescence, elle souhaitait rattraper « […] le temps perdu de leur enfance » dont elle accusait le père : « Si d’ailleurs leur père est tenu responsable de ce rapt de temps, le temps des retrouvailles au moment de l’adolescence de ses enfants est marqué dans son discours par ce constat : ‘Ils m’ont abandonnée, je ne suis pas leur mère, il n’y a aucune complicité !’ » Elle 59 manifestait en effet son besoin d’être estimée en tant que mère dans « […] la plainte formulée ainsi : ‘Je ne suis pas reconnue comme une mère’ […] ». Yasmina se disait affligée depuis la séparation de ses parents : « Passé le temps de l’euphorie lié au sentiment nouveau extrême de liberté, le cauchemar du quotidien l’a envahie et c’est d’ailleurs depuis qu’elle se sent ‘accablée par la vie’ », période marquant le début de ses inquiétudes : « […] le moment de la séparation de ses parents vient indiquer chez elle la fin de ‘l’insouciance’ […].» Selon l’auteur, Yasmina vivait maintenant sa crise d’adolescence, déclenchée par la période d’adolescence de ses enfants : « Yasmina pourrait-elle faire partie de ces ‘[…] futurs adultes en crise de maturité virtuelle, quand leurs enfants devenus adolescents, réveilleront ces incertitudes masquées’. » En effet, elle ressentait depuis longtemps un mal-être qu’elle manifestait par une succession de cassures telles que l’arrêt de sa scolarité, l’IVG… « [qu’] elle évoque dans une même logique de rupture en chaîne ». Elle souffrait d’une perturbation de sa construction psychique secondaire à « la séparation des parents, le départ du père en Algérie, père qu’elle vénérait… voici donc l’origine de son malaise et de tous les maux à venir. ‘On lui a volé son adolescence’. » Elle ressentait un mal-être à cause de cette adolescence manquée : « Nous voyons chez elle le souci d’un repérage du moment adolescent dans sa difficulté de constitution puisque justement chez cette patiente, l’adolescence est introduite par son ratage. C’est là […] que le malaise prend son origine. » Yasmina manquait d’un soutien adulte depuis le début de son adolescence, « […] là où le sujet s’indiquerait justement, par son absence, là où la responsabilité du sujet ne peut s’énoncer encore que sous celle d’un Autre tout-puissant […] ». Le malaise adulte était donc causé par un moment de sa vie adolescente : « La clinique m’a conduite à constater que les sujets rencontrés, supposés adultes, mettent immédiatement en avant comme conséquence logique de leur malaise, un moment de leur vie situé autour de leur adolescence où les constructions élaborées précédemment ne tiennent plus. » D’après l’auteur, ce malaise était aussi causée par sa maternité manquée, où le « […] rapt de l’adolescence redoublé de celui de ses enfants […] prend un autre sens pour ce sujet quand elle décide de se mettre au travail […]. » En effet, Yasmina se questionnait sur son identité de femme : « […] elle s’interroge sur sa vie de femme, femme qui serait susceptible de désirer un homme. » « Chez l’adulte femme en devenir s’opère donc un mouvement de retour sur ce temps adolescent où s’étaient posées les questions suivantes : qu’est-ce qu’être femme, comment devenir mère ? » Elle se confrontait de nouveau à une recherche identitaire 60 de féminité et de maternité déjà questionnée et ambivalente à l’époque de son IVG : « La problématique adolescente y est alors souvent marquée par cette potentialité à devenir mère sans pourtant choisir de s’y confronter dans la réalité. » Commentaire du vécu de Yasmina « IVG, témoin d’un mal-être fondé sur un ratage de l’adolescence et du questionnement sur la potentialité d’être femme et de devenir mère » Yasmina éprouve un mal-être depuis la séparation de ses parents à l’adolescence. Son mal-être se manifeste à travers une succession de cassures telles que l’IVG à l’adolescence. Il prend son origine dans le ratage de son adolescence qui correspond au manque de soutien adulte causé par la séparation de ses parents. Au moment de l’adolescence de ses enfants, Yasmina revit une crise d’adolescence où elle se confronte à une recherche sur sa potentialité d’être femme et de devenir mère, questionnement ambivalent déjà survenu à l’époque de son adolescence et illustré par son IVG. Justine Justine avait 32 ans et vivait avec son petit ami en France. Elle travaillait comme stripteaseuse et n’avait pas d’enfant. Elle acceptait un entretien psychologique suite à l’insistance du médecin du centre d’orthogénie où elle demandait une troisième IVG. Elle avait réalisé deux IVG sur une décision mutuelle avec son ami, surtout à sa demande à lui qui, séparé de la mère de son premier enfant, ne voulait pas « se risquer dans une autre paternité ». Elle avait évoqué son enfance, où ses parents la cachaient aux autres et à ses grandsparents. Elle avait raconté la révélation faite par une tante, à ses 18 ans, sur sa naissance par procréation médicalement assistée, révélation suivie de l’abandon de son brillant cursus scolaire. Elle était ensuite beaucoup sortie et avait trouvé un travail de stripteaseuse. Justine ne montrait pas clairement le besoin de voir une psychologue : « Elle n’a jusqu’alors jamais souhaité rencontrer ‘un psy’, s’est même opposée à l’insistance du médecin à me rencontrer. » Puis, elle lui manifestait son indécision de réaliser cette troisième IVG : « L’indécision quant à cet acte d’interruption se poursuit […] ». Elle révélait ensuite le 61 lien entre son changement de comportement et le secret levé sur son origine : « […] la patiente évoque les ‘quatre cents coups’ dont sa vie a été animée après la révélation faite par sa tante. » A l’aide de l’auteur, elle interprétait alors ce bouleversement comme le besoin d’enfreindre une interdiction lui paraissant avoir été posée par ses parents, celle de se montrer : « Elle notera la nécessité de transgresser ce qu’elle percevait comme un interdit parental à connotation incestueuse, puisqu’on la cachait… aux grands-parents. » Justine exprimait pour la première fois « […] son désir d’avoir un enfant de son ami, ce qu’elle n’avait pu faire jusqu’alors ». Par la suite, elle choisissait de réaliser l’IVG, mais pour un motif différent des précédents, pour une raison personnelle et non motivée son ami : « Après l’énoncé de son désir, elle décidera cependant, mais ‘pour elle, cette fois-ci’, d’interrompre la grossesse. » Pour l’auteur, Justine cessait d’être hésitante sur sa décision ou non d’avorter, après avoir exprimé le bouleversement de sa vie secondaire à la découverte de ses origines : « L’indécision quant à cet acte d’interruption se poursuit jusqu’au moment où la patiente évoque les ‘quatre cents coups’ dont sa vie a été animée après la révélation faite par sa tante. » Depuis celle-ci, Justine s’exposait à la vue des autres : « Je lui dis : ‘Vous vous êtes montrée’ et arrête là la séance. Au rendez-vous suivant elle associera à partir de mon interprétation. » Justine reliait son attitude actuelle à son enfance cachée, « […] reconstruite à partir de ce coup de tonnerre du réel [la révélation de sa tante] dont elle ne peut se déprendre. » Le comportement de Justine à l’âge adulte révélait les failles survenues dans son développement adolescent : « Il s’agirait alors [par le moment adulte] de tester la solidité de cette construction adolescente ou au contraire d’en mesurer les ratages afin de tenter une nouvelle construction […]. » Au cours de l’entretien psychologique, Justine choisissait d’avorter une troisième fois pour un motif différent de celui des décisions antérieures, annonçant peut-être la fin d’une série d’IVG : « Peut-être pouvons-nous émettre l’hypothèse que cette mise au travail chez cette femme lui aura permis de mettre différemment un terme à cette grossesse, voire d’arrêter la répétition d’IVG dans laquelle elle s’était engagée. » 62 Commentaire du vécu de Justine « Où l’accompagnement psychologique après la répétition d’IVG révèle un désir d’enfant en attente d’élaboration » Justine est indécise quant-à sa demande de troisième IVG, les deux précédentes ayant été décidées d’un mutuel accord avec son compagnon, surtout à sa demande à lui. Elle n’exprime pas clairement le besoin de rencontrer un psychologue à cette occasion. Par la suite, elle découvre le lien entre son changement de mode de vie et la brusque révélation de ses origines (PMA). Elle exprime ensuite pour la première fois son désir d’avoir un enfant de son ami et cesse d’être indécise en décidant d’avorter. Son comportement d’exhibition manifeste son besoin de transgresser un supposé interdit parental de se montrer, en réponse à un vécu d’enfance cachée à cause de ses origines. Il témoigne d’une construction adolescente peu solide, peu affirmée. 63 3.4.15 Synthèse du document n° 15 : Luna (28) « Sexe, mensonge et trahison. De l’emprise familiale au lien fraternel effracté » Luna avait 14 ans et vivait chez ses parents en Belgique. Elle était célibataire, sans enfant, et avait deux frères étudiants, Joël 20 ans et Fabian 22 ans. Sa famille était très catholique. Elle était collégienne, sa mère travaillait comme sage-femme et son père était commissaire de police. Elle suivait une psychothérapie familiale à la demande parentale à cause de son IVG. Elle avait réalisé cette IVG très récemment sur une décision mutuelle avec ses parents, décision « pesée et réfléchie », sans regret des parents selon sa mère « bien qu’ils soient tous deux philosophiquement et éthiquement contre ». Les grands-parents qui ne vivaient pas en Belgique n’en étaient pas informés. Luna avait évoqué l’existence d’une tante maternelle et d’une tante paternelle qui, ayant fait la honte de leur famille respective, étaient devenues « victimes sacrificielles » de celle-ci. Elle avait ensuite révélé les violences sexuelles subies par son frère aîné Fabian quand elle avait 6 ans. Elle avait tenté d’en parler à ses parents, une fois à l’âge de 6 ans, une seconde fois au moment de sa grossesse, ce qui les avait rendus incrédules. La psychologue réalisait différentes sortes d’entretiens : mère-Luna, père-mère-Luna, mère seule, père seul, Luna-frère. Il paraissait important de rapporter le vécu des parents lors de leurs entretiens : La mère de Luna paraissait stricte comme son mari, et maîtresse d’elle-même. Elle était effondrée par la grossesse et l’IVG de Luna. Elle pensait que cette grossesse était issue d’un manque de confiance et de communication réciproque sur les relations sexuelles de sa fille, qu’elle aurait ainsi pu lui déconseiller. Les parents de Luna étaient aussi très inquiets de son insouciance « […] ‘alors qu’elle devrait tirer les leçons de ce qui lui est arrivé et se mettre à travailler pour l’école’, où ses points sont en train de chuter ». Finalement, ces parents aimants et à la moralité irréprochable vivaient la grossesse et l’IVG de leur fille comme un drame, un évènement honteux inacceptable. La mère de Luna la considérait peu digne d’être sa fille comme elle pensait être elle-même une mère indigne à ses yeux. En racontant leur enfance, les parents de Luna prenaient conscience du statut de leurs sœurs : « Ils parlèrent du processus d’exclusion qui avaient présidé au rejet de leur sœur respective (deux tantes de Luna) dont ils découvrirent avec émotions la position de victime sacrificielle. » A ce sujet, la mère de Luna était marquée par la ressemblance physique de sa fille avec cette sœur, ce qui lui faisait constater que Luna « […] n’avait aucun point commun 64 avec elle [sa mère] ». Les deux parents vivaient donc « […] un lien fraternel effracté […] » causée par la honte. En raison de son enfance malheureuse et close, le père de Luna « […] poussait donc ses propres enfants pour s’armer dans la vie, à transgresser. Mais il pensait aussi que lorsqu’on a pu s’offrir le luxe de transgresser, on doit en sortir raisonnable et grandi ». En raison de son enfance sans communication familiale, la mère de Luna « […] devait offrir à ses enfants un espace de dialogue, de partage, témoin d’une confiance dont elle avait tellement manqué. Inconsciemment, elle devenait de plus en plus contrôlante et étouffante [...] ». Les deux parents utilisaient donc des « […] stratégies réparatrices […] pour restaurer leur propre blessure du passé » en tenant un double discours sur la transgression. Ces stratégies d’adaptation à une emprise familiale passée devenaient violentes au point de reproduire l’exclusion de leurs sœurs dans le rejet de Luna, de « […] rejouer un drame de leur enfance en s’offrant une lutte masquée passant par l’exclusion de Luna ». Les parents niaient la souffrance infligée à leur fille. Fin du vécu des parents Luna, habillée en style gothique, souffrait depuis l’épreuve récente de sa grossesse et de l’IVG. Elle exprimait le besoin de voir ses amis et de profiter de la vie : « Elle dit qu’elle a vécu des moments très durs et qu’elle a besoin de voir les amis et amies qui l’ont le mieux aidée à traverser cette épreuve. » Elle évoquait la douleur de ses parents : « […] elle clame son envie de vivre et de s’amuser et dit qu’elle a souffert et souffre encore, mais que ça, ses parents ne veulent pas le voir, qu’ils ne voient que leur souffrance à eux. » En effet, elle insistait sur son sentiment d’être mieux comprise par ses amis que par sa famille, sauf l’un de ses frères : « Luna se dit proche du plus jeune et décrit l’aîné comme très éloigné d’elle, et ‘pensant comme ses parents’, c’est-à-dire incapable de la comprendre. » Luna décrivait son père comme une personne très stricte, « […] encore plus dur que sa mère ». Elle rejetait l’idée d‘avoir un entretien en présence de ses parents ou d’être vue avec sa mère dans la rue : « Elle refuse de sortir aux côtés de sa mère et marche 50 m derrière elle pour éviter qu’on les voie ensemble […]. » Appelant ses amis sa deuxième famille, elle percevait qu’une distance s’installait entre elle et ses parents : « […] elle sent qu’elle est en train de perdre ses parents ». Elle racontait ensuite un cauchemar quotidien et angoissant : « Un homme entrait dans sa chambre. Il était grand, portait une grande cape noire et avait des cheveux gominés et coiffés un peu à la manière de son père. Il se dirigeait vers elle, ouvrait sa cape... on pouvait 65 alors entrevoir un fœtus ensanglanté que l’homme essayait ensuite de donner à Luna. » Puis, elle cessait de faire ce rêve : « Elle m’a seulement répondu que ce n’était pas son père qui rentrait dans sa chambre. Peu après, les cauchemars ont cessé. » Elle exprimait un sentiment de solitude et d’exclusion. Elle révélait aussi que « […] le garçon dont elle avait été enceinte s’appelait…Fabian […] ». Luna était perçue comme différente par ses parents, ce qu’ils acceptaient mal : « Bien qu’ayant souvent travaillé avec des situations violentes, j’ai rarement vécu dans une famille ce moment précis où s’installe et s’amplifie cette perception de la différence chez un patient désigné […] ». Luna était alors l’objet d’un mécanisme de persécution de ses parents qui l’excluait progressivement de la famille : « […] le sentiment d’ostracisme et de rejet de la différence par les parents les pousse à essayer d’anéantir, d’écraser, d’exclure par des moyens parfois très subtiles et pervers ces aspects de leur enfant qu’ils ne peuvent accepter. » Luna entretenait son côté provocant et extraverti : « De son côté, elle renforce cette différence […]. » De l’autre, elle souffrait de sa situation d’étrangère aux yeux de ses parents : « Elle me semble en train d’endosser une position de ‘victime sacrificielle’ dont elle essaye pourtant par tous les moyens de se débarrasser […]. » Pour l’auteur, Luna se libérait d’un fardeau en racontant son cauchemar : « L’entretien individuel a été une espèce de séance cathartique où elle est comme venue me ‘déposer’ un cauchemar […] ». Par ce rêve à caractère incestueux, Luna manifestait probablement sa culpabilisation par ses parents. D’ailleurs, ils s’accusaient mutuellement : « Les entretiens avec les deux parents et Luna furent, comme prédits par Luna, une véritable catastrophe où violence, haine, culpabilisation et messages paradoxaux fusèrent. » Luna était diabolisée par ces attaques : « Ce n’était plus la Luna que je connaissais, dont on me parlait et qui se trouvait face à moi mais un être possédé par le Mal. » En revanche, Luna était soutenue par son frère Joël : « Les entretiens de fratrie permirent à Joël et Luna de se mettre à coopérer, ce qui témoignait déjà, me semble-t-il d’une réelle capacité du système à se mobiliser. » Luna déclenchait la culpabilité parentale : « Le mythe de l’irréprochabilité est attaqué par cette double transgression (grossesse + avortement) et le système entre en crise ; il va se rigidifier, se fermer, le mythe familial devenant omnipotent […]. » Cette culpabilité réactivait une blessure narcissique familiale, la culpabilité de l’inceste dénié de Luna : « On peut faire l’hypothèse que la grossesse ait ravivé les émotions négatives associées à l’abus sexuel fraternel non seulement chez Luna mais aussi chez tous les membres de sa famille. Lorsque la grossesse et son interruption apportèrent leur lot de souffrance et de culpabilité, les émotions 66 devinrent trop intenses pour être contenues. » La famille avait donc consulté suite à la double transgression de Luna et la culpabilité réactivée de ses parents : « Cette charge émotionnelle vint questionner, avec insistance, ce secret bien verrouillé et amena la famille à consulter un thérapeute. » Luna subissait le mécanisme de défense de ses parents contre leur culpabilité : « D’une part, cette histoire montre comment à partir du lien effracté par une violence sexuelle fraternelle déniée, une famille devient capable, pour se protéger de l’indicible, de projeter sa pathologie sur la victime elle-même. Celle-ci devient alors chargée des souffrances et d’un poids qui n’est pas le sien mais qu’elle prend sur elle. » En fait, Luna devenait la victime des violentes stratégies d’adaptation de ses parents à leurs propres blessures d’enfance : « […] l’obligation d’une revanche par rapport à ce que [ses parents] ont subi de violent dans le passé prenait la forme d’une ‘revendication destructive’ à l’égard de Luna ; la soumission à ces modèles réparateurs devenant pour elle le prix à payer pour conserver une appartenance familiale. » Elle voyait dans leur comportement une double trahison ce qui avait sur elle un effet d’exclusion déstructurant : « Plus la mère est dure avec Luna, plus le père l’encourage à transgresser, ce qui pousse la mère à être encore plus dure. Officiellement, le père soutient sa femme et Luna se sent doublement trahie et abandonnée. Luna est prise au piège d’un jeu relationnel qui l’entraîne dans une spirale totalitaire, violente, intolérante et qui pousse à l’exclure. ». Au cours de la psychothérapie, en plus de sa révélation d’avoir été enceinte d’un garçon nommé Fabian comme son frère aîné, Luna communiquait de mieux en mieux avec ses parents devenus capables d’aborder l’inceste de leur fille par leur fils aîné : « Alors que la solidarité familiale fut réintroduite dans le respect des différences, d’abord entre Luna et Joël, puis entre les parents et que le dialogue se renoua, un secret jusqu’alors bien enfoui refit surface. » « La mémoire familiale était relancée. La loi du silence était levée. » 67 Commentaire du vécu de Luna « Persécution parentale et souffrance après l’IVG : révélation d’un secret familial » Depuis sa grossesse adolescente et son IVG, Luna se sent incomprise par ses parents. Alors qu’elle est consciente de leur douleur, elle souffre d’être rejetée et persécutée par eux. Par ailleurs, elle cesse de faire un cauchemar répété et de caractère incestueux après l’avoir décrit à la psychologue. Ce rêve illustrerait la façon dont les parents de Luna la culpabilisent en se déchargeant sur elle de leur propre culpabilité La culpabilité des parents est secondaire à la double transgression grossesse + IVG. Elle réactive leur culpabilité de l’inceste dénié de Luna, et déclenche leurs mécanismes de défense qui provoquent la persécution de Luna en la rendant progressivement étrangère à leurs propres yeux, en faisant d’elle une victime sacrificielle. 68 3.4.16 Synthèse du document n° 16 : Nouria (29) « La persécution maternelle primaire » Nouria était d’origine algérienne et vivait en France avec son mari et ses trois filles. Elle avait elle-même deux sœurs aînées et était musulmane. Elle travaillait comme assistante dentaire tandis que son mari était technicien. Avec lui et sa dernière fille Sarah âgée de un mois, elle rencontrait une psychanalyste à la demande de son psychiatre, pour elle et pour Sarah « qui ne dort pas, pleure tout le temps et refuse aussi bien le sein que le biberon ». Nouria avait décidé seule deux IVG successives entre la naissance de sa deuxième et de sa troisième fille parce qu’elle n’avait jamais voulu d’enfant et « qu’elle ne pouvait supporter aucune contraception ». Son mari en était informé. Elle avait raconté le refus de son père d’avoir des filles : il avait fait scandale à la naissance de l’aînée, il avait disparu plusieurs mois à la naissance de la seconde, il avait abandonné sa famille et immigré en France à la naissance de Nouria. Elle avait expliqué l’échec de sa mère à la faire avorter par tous les moyens, puis son refus de la laver, de l’habiller, de la bercer. Elle avait raconté la prostitution de sa mère ensuite rejetée par toute sa famille, son immigration en France à l’âge de 7 ans avec ses sœurs, puis la poursuite des maltraitances et des reproches maternels : « C’est à cause de toi que nous vivons dans la misère. » Nouria avait ensuite connu le décès de sa mère d’un cancer, puis sa prise progressive d’indépendance à 16 ans. Elle avait expliqué la naissance de sa fille Sarah née dans un état de mort apparente qui avait nécessité une hospitalisation de 17 jours en réanimation néonatale. Nouria ne supportait aucune contraception : « […] Tous les ennuis de contraception sont arrivés, les bébés avec, et la naissance de Sarah qui a été l’acmé de sa vie de mère. » Ainsi, elle se tourmentait à chacune de ses grossesses et attendait de son mari qu’il prenne la décision de sa poursuite ou de son interruption, « […] mais le mari –comme il le dit luimême– ‘respecte son choix’, il la laisse donc prendre seule la décision ». A la question de la possibilité d’avorter, Nouria niait avoir réalisé des IVG sous prétexte que sa religion l’en empêchait : « ‘C’est défendu par le Coran.’ En fait, comme ils me laissent le compte-rendu d’hospitalisation (du bébé), je vois une trace d’effaceur blanc sur une ligne qui commence par 3e pare – et sous le blanc on lit ‘5e geste’. » Nouria soulignait qu’elle n’avait connu qu’une période heureuse dans sa vie, celle où elle vivait seule : « Ces années-là furent ‘le paradis’, disait-elle. Sans famille, sans cris, sans 69 disputes, sans insultes, sans soucis. » De plus, Nouria n’avait jamais voulu d’enfant : « […] elle a rencontré celui qui allait devenir son mari, à qui elle a dit qu’elle ne voulait pas d’enfant. Sa réponse a été : ‘Comme tu veux’, comme d’habitude. » Et elle ne voulait pas de troisième enfant auquel elle s’identifiait : « La mère me raconte qu’elle ne voulait surtout pas de troisième enfant parce qu’elle est elle-même la troisième de trois filles. » Nouria vivait sa troisième maternité comme un cauchemar : « […] pendant la grossesse, elle avait l’impression d’avoir un gros caillou dans le ventre, l’accouchement fut une horreur, et l’hospitalisation de Sarah l’obligea à venir tous les jours dans cet hôpital qui la rendait folle. » Durant la période d’hospitalisation de Sarah, elle voyait des signes partout : « Lorsqu’elle arrivait et qu’elle trouvait une place libre sur le parking, elle savait que c’était pour elle. Tout lui parlait. Tout avait un sens bizarre, les feux passaient au rouge pour l’empêcher d’y aller […] ». A cause de certains signes, elle culpabilisait de son non-désir d’enfant et de ses IVG : « […] s’ils [les feux] passaient au vert, c’est pour lui rappeler qu’elle ne voulait pas d’enfant, ce qui était ‘péché’ (le vert, la couleur de l’islam, qui la culpabilise). » Elle avait consulté pour des troubles du sommeil et prenait un traitement pour ces interprétations de signes : « Ce n’est qu’après avoir été chez son médecin généraliste, parce qu’elle ne pouvait pas dormir, qu’elle a été orientée vers un psychiatre. […] Depuis, elle prend des médicaments qui la mettent dans un état étrange, mais au moins elle ne voit plus tous ces signes partout […] ». Nouria exprimait une agressivité envers son bébé pleurant beaucoup mais qui pouvait se calmer aux explications de la psychanalyste : « La mère me dit d’un air soupçonneux : ‘C’est bizarre : quand c’est moi qui lui parle, elle pleure encore plus’. » Elle confiait son désarroi face à la lourde prise en charge de Sarah au point d’en préférer sa mort : « ‘De toute façon, dit-elle, ç’aurait été mieux si elle était morte’, elle lui donne trop de travail trop de soucis, trop d’examens à faire encore : neurologiques, ophtalmiques, infectieux. » Selon l’auteur, Nouria attendait à chacune de ses grossesse un ordre de son mari pour avorter : « [elle] a harcelé son mari dans l’attente d’une décision de sa part (‘Fais-toi avorter !’) » Elle culpabilisait de ses IVG et se déchargeait sur la psychanalyste en lui donnant le dossier qui en portait la preuve : « Les parents étaient venus me voir en fait, pour se débarrasser du compte-rendu d’hospitalisation et plus particulièrement de ce qui était recouvert par le blanc [effaceur] : la faute morale de la mère. En effet, ils ne viendront pas au rendez-vous suivant et je ne les reverrai plus jamais par la suite. » 70 Pour l’auteur, Nouria définissait comme un moment de paradis son isolement familial qui correspondait à un mécanisme de défense archaïque contre les carences environnementales de son enfance, et qui aggravait la gélation de son individuation et de son accès à la différence des sexes : « Le processus de maturation de la psyché ne suffit pas à lui seul, pour que l’infans parvienne à devenir un individu. Encore faut-il un environnement qui facilite cette individuation. Ce gel ne le permet pas. » Nouria était traitée pour une psychose : « En fait, elle a fait une psychose puerpérale, dont personne ne s’est aperçu, tout le monde s’occupant de Sarah […] et non d’elle. » Elle ne reconnaissait pas les besoins du bébé, elle n’acceptait pas ce bébé : « Elle est psychiquement sourde aux besoins de sa fille et elle ne peut même pas accepter qu’elle puisse avoir des besoins. […] Sarah est de trop. » Elle était violentée par son bébé à cause de son propre déséquilibre identitaire causé par l’absence de son propre père et la discordance entre ses propres parents : « Lorsque le conflit œdipien est mal élaboré chez la mère, s’installe dans la famille un mode de relations fait d’exigences maternelles surmoïques auxquelles l’enfant ne peut répondre : il est de toute façon récusé comme insuffisant. Ces mères sont gravement agressées par leur bébé qui ne peut être investi que comme une terrible catastrophe. » De plus, Nouria se sentait attaquée par son bébé à cause de son statut féminin responsable de tous ses malheurs : « L’être féminin est déjà une tare dès la naissance, une ‘faute’, que l’enfant doit expier à travers les propos et gestes agressifs dont il est l’objet. Il est l’‘objet’ de la honte, transmise d’une génération à l’autre, le morceau de chair immonde, dont il faut se débarrasser au plus vite. » Par ses maternités, et en raison de son non-accès à la différence des sexes, Nouria réactivait sa passivité agressive ; passivité dans l’attente désespérée d’être aimée de sa mère, « […] assimilée au ‘devoir’ de l’enfant envers sa propre mère, dette morale par la reconnaissance de laquelle il espère toujours se faire ’aimer’, espoir perpétuellement déçu », agressivité née de la souffrance infligée par sa mère qui jouissait « […] de pouvoir, enfin, faire souffrir l’autre, l’infans, celui qui ne parle pas et ne peut rien en dire […] ». A cause de la réminiscence de cette souffrance, Nouria n’avait aucune empathie envers son bébé : « C’est peu dire que ces femmes n’ont pas accès aux sentiments maternels. Elles ont une haine tenace pour celui qui les a éjectées du paradis de leur ‘gélation’, qui rend possible le dégel et, avec lui, toute la souffrance qu’elles avaient pensé pouvoir fuir. » Nouria reproduisait inconsciemment une persécution maternelle primaire transmise de génération en génération : « Ces mères ne voient d’autre continuité avec l’enfant que celle de l’expiation, de la répétition qu’elles infligent sans même faire la relation avec leur propre vécu d’enfant. » 71 Commentaire du vécu de Nouria « Culpabilité d’IVG répétées et psychose puerpérale : culpabilité d’un non-désir d’enfant et carences environnementales de l’enfance » A cause de ses deux IVG, Nouria se sent coupable d’une faute morale, elle les garde secrètes et se débarrasse implicitement de leur preuve au cours de l’entretien psychanalytique. Après son troisième accouchement, elle voit des signes, dont certains la culpabilisent de ses IVG et de son non-désir conscient d’enfant. Elle vit sa troisième maternité comme un cauchemar, elle est agressive envers son bébé, ne répond pas à ses besoins et souhaite sa mort. Elle est traitée pour une psychose puerpérale. La psychose de Nouria révèle une absence de sentiment maternel qui a pour origine la passivité agressive de son enfance réactivée par sa troisième et dernière-née. Cette crise psychotique témoigne de la répétition d’une persécution maternelle primaire transmise de génération en génération, basée sur sa honte du statut féminin, sur sa construction identitaire perturbée par les carences environnementales de son enfance, la gélation de son individuation et de son accès à la différence des sexes : Le bébé est alors jugé insuffisant par sa mère, objet de honte et responsable de ses malheurs. 72 3.4.17 Synthèse du document n° 17 : Madame P. (30) « Psychothérapie d’une maman trop attentionnée : un syndrome de Münchhausen par procuration » Madame P. vivait en France avec son mari et ses deux fils. Mère au foyer, elle avait une formation de secrétaire tandis que son mari était militaire. Suite à ses révélations d’inceste subie dans l’enfance, elle acceptait une prise en charge demandée et assurée par la pédopsychiatre de son fils cadet Adrien, cinq ans et demi, suivi depuis deux ans pour encoprésie. Quelques mois avant le début de la psychothérapie, suite à un « oubli de contraception », Madame P. avait réalisé une IVG sur décision mutuelle avec son mari, pour pouvoir accompagner sa sœur malade dont ils venaient d’apprendre qu’elle était mourante. Environ trois ans après, alors que la psychothérapie se poursuivait, elle avait réalisé quatre IVG, secondaires à des grossesses provoquées dans le but d’être interrompues. Madame P. avait raconté son enfance marquée par les violences, les vols, les multiples examens génitaux que lui avait imposés sa mère, ces derniers pour vérifier l’absence de signes de masturbation, interdit maternel que Madame P. transgressait. Elle avait été victime d’inceste par son grand-père. Elle avait aussi évoqué les relations conflictuelles de ses parents, ses automutilations génitales, son mariage avec l’ancien ami de sa sœur, et ses idées obsessionnelles sexuelles. Elle avait dépeint sa deuxième grossesse comme non désirée mais réalisée pour sa mère et son mari qui voulaient une fille. Cette grossesse a été vécue comme une réussite « là où sa sœur échoue [par une fausse-couche] », puis elle a fait l’objet de tentatives d’avortement par masturbations traumatiques. Madame P. avait également décrit un comportement maltraitant envers ses deux fils. Au début de la psychothérapie, Madame P. exprimait d’abord une grande culpabilité envers sa sœur mourante. Puis, elle évoquait sa soumission aux désirs de son fils cadet : « Madame […] le laissait tout décider : son régime (trois biberons lactés, plus des sucreries), ses heures de sommeil, ses activités... » Elle abordait ensuite dans les pleurs l’inceste de son enfance : « C’est alors qu’elle évoqua devant moi avoir subi des attouchements de la part de son grand-père maternel pendant une grande partie de son enfance : c’était la première fois qu’elle en parlait à quelqu’un. » Au cours du suivi, Madame P. avouait simuler la constipation d’Adrien auprès du médecin. Elle exprimait le besoin de faire des lavements à Adrien pour pouvoir le dominer et lui faire subir ce qu’elle avait souffert tout en lui espérant une « […] meilleure enfance […] ». 73 Elle tenait son fils responsable de ce qu’elle était : « J’espère un jour pardonner à Adrien ce qu’il m’a fait devenir. » De plus, elle provoquait l’entorse de cheville de son fils par une chute dans les escaliers, et sa déshydratation sévère par une privation de boisson suite à une gastroentérite. Elle racontait marcher avec lui sur la balustrade du balcon au dixième étage, mais aussi lui faire avaler un médicament pour le protéger de son désir à elle de le masturber : « elle lui fait prendre sous l’appellation de ‘vitamine’ un comprimé d’un antidépresseur […]. Elle me téléphone immédiatement après […]. » Madame P. souffrait de masturbations compulsives, exprimait des idées suicidaires et culpabilisait de ses fréquents fantasmes sexuels. Dans l’un d’eux, « elle subit un viol, donc doit faire une IVG, puis elle a un cancer utérin. Les médecins et sa mère se penchent sur elle. Elle meurt ». Par ailleurs, elle disait ne jamais prendre sa pilule contraceptive et déclencher des conceptions dans le but délibéré de réaliser des IVG : « Ces passages à l’acte maltraitants […] alternèrent avec quatre IVG, à la suite de conceptions volontairement provoquées. » Madame P. désirait maîtriser son corps qu’elle n’acceptait pas : « je n’aime pas mon corps, je ne supporte pas qu’on s’en occupe directement, je veux que ce soit par l’intermédiaire d’un bébé ». Elle exprimait également un sentiment de terreur et de rage provoqué par un vide intérieur, notamment lié à son fils cadet qui grandissait et devenait autonome : « Quand Adrien est là, tout reprend sa place à l’intérieur de mon corps ». Madame P. se sentait habitée par sa mère : « Les pensées de ma mère sont tellement ancrées en moi, que je ne peux pas faire la différence entre elle et moi. » Elle en attendait un amour légitime après la mort de sa sœur : « J’ai tant espéré recevoir l’amour de ma mère après le décès d’Hélène. Cela me revenait de droit. Après trois ans, tout est fini de mes espoirs. » Elle éprouvait le besoin de culpabiliser pour aider sa mère : « Si je vais mieux, si je me sens moins coupable, cela l’accuse, je la trahis. Je fais alors un acte mauvais pour pouvoir m’accuser, me faire accuser, souffrir, et la sauver. » Elle refusait des relations sexuelles avec son mari car « il penserait que tout va bien, et ‘donc’, se détournerait d’elle. » Madame P. se considérait comme une mauvaise mère, « […] voyant Adrien grandir, s’autonomiser, me rappelant chaque jour qui passe mon échec de mère ». Selon l’auteur, Madame P. souffrait d’un syndrome de Münchhausen par procuration, forme rare de maltraitance de l’enfant, double ou simple : « […] on pourrait considérer son comportement comme un syndrome de Münchhausen ‘simple’: elle provoquait sciemment des conceptions pour avoir des IVG et exhibait un comportement de folie pour conserver des soins de la part d’un psychiatre […]. » Elle voulait protéger la vie de son fils, elle 74 culpabilisait et avouait systématiquement aux soignants ses passages à l’acte maltraitants : « En effet, rendre son fils malade est rapidement passé au second plan par rapport à son objectif premier : ‘Je veux qu’on SACHE... ... que je suis COUPABLE... de faire subir à mon enfant... ... donc d’avoir subi, enfant...’ ». Elle utilisait son fils et ses fœtus pour attirer l’attention des médecins, du juge ou de sa mère sur elle : « […] elle cherchait à se montrer délinquante pour attirer l’attention du juge utilisant […] une de ses ‘productions’, enfant né ou à naître ». « La mère donne procuration à son enfant pour être malade et ‘soigné’ à sa place ». Madame ne pouvait pas envisager la maternité au-delà de soins physiques pour le bébé, elle vivait un clivage psychique entre son état de mère en détresse et celui de mère dangereuse : « La véhémence de son appel au secours pour protéger son enfant, la prise de conscience [par l’auteur] de ce clivage absolu qui lui fait oublier que cette mère follement dangereuse, c’est elle-même, dessillent enfin mon esprit. » Madame P. avait des obsessions sexuelles, et la phobie des mots évoquant le corps et la sexualité : « Ses relations à son corps étaient marquées par ces abus précoces. » Elle considérait son fils cadet comme une partie de son corps : « Il lui semblait évident, puisqu’Adrien était elle, qu’il devait d’abord être réellement malade et violenté. » Elle le détestait : « […] Adrien était la partie haïe d’elle-même, représentant en même temps sa mère et son grand-père abuseur, son premier persécuteur […]. » S’identifiant à l’agresseur, elle le soumettait à ses désirs : « Elle lui demande d’être son ‘complément narcissique’, totalement soumis à ses désirs, comme elle l’était à ceux de sa mère. » Devenu victime, elle s’identifiait alors à lui et le protégeait « […] pour pouvoir réparer son enfance à elle ». Madame P. culpabilisait de son enfance : « […] de manière très culpabilisée et très fugace, elle [pleurait] sur la petite fille qu’elle avait été. ». Elle était jalouse de sa sœur et en culpabilisait également : « sa culpabilité vis-à-vis de sa sœur était majorée par […] le plaisir qu’elle avait ressenti lors de sa maladie, enfin Hélène allait ‘rater’ quelque chose ! » Elle utilisait son fils et ses fœtus pour se faire pardonner : « D’une manière très archaïque, elle pense qu’Hélène réclame un sacrifice humain. Pour ‘payer sa dette’, elle va lui offrir des morceaux d’elle-même (Adrien et des fœtus) en holocauste pour l’apaiser. » De plus, Madame P. voulait faire preuve d’une loyauté inébranlable envers sa mère par le biais de la culpabilité : « […] confondant cause et conséquence, sentiments et actes commis, il lui faut maintenir un haut taux de culpabilité réelle. » Enfin, elle doutait de l’amour de son mari : « Cela augmente son mépris et son désir de jouer avec ses limites à lui, pour vérifier, encore et encore, s’il tient vraiment à elle. » Elle attirait son attention par l’intermédiaire de son fils 75 et ses fœtus, elle réalisait « […] les actes secrets de rétorsion contre les ‘biens’ de son mari (son fils, ses fœtus, sa femme ou son argent). » Madame P. tentait de maintenir son équilibre psychique au prix d’une angoisse relationnelle permanente avec sa mère, son fils, son mari, ses thérapeutes et le juge. Et lorsqu’elle devenait plus maltraitante, « […] nous recherchions ensemble une baisse de tension, un vide dans sa vie (par exemple, l’annonce par un des pédopsychiatres que le signalement au procureur avait été classé) […] ». Elle avait un comportement masochiste, elle était dans un état de perversion narcissique, « […] fruit et racine de l’inceste […] » : « elle en avait l’incapacité affective et l’intelligence dans l’emprise, le déni des différences, des limites et des lois, l’érotisation de la peur et du secret, la jouissance au détriment de l’autre, l’alternance de maîtrise et de soumission qui tiennent lieu de tendresse et d’intimité, impossibles. » Elle sortait lentement de la relation perverse avec son fils à l’aide de la psychothérapie. Commentaire de Madame P. « IVG préméditées et syndrome de Münchhausen, ou une perversion narcissique d’origine incestueuse » Madame P. prémédite ses quatre dernières conceptions pour avoir des IVG, la première ayant été décidée avec son mari. Leur but est de réaliser un sacrifice pour sa sœur décédée en réparation de la jalousie qu’elle a eue envers elle, d’attirer l’attention de son mari sur ses fœtus et donc sur elle parce qu’elle doute de son amour. Cette violence lui permet également de maintenir sa culpabilité pour rester loyale à sa mère dont elle espère recevoir de l’affection. Elle provoque aussi des passages à l’acte maltraitants sur son fils. L’aveu de ces actes attire l’attention sur elle et révèle son désir de faire connaître ce qu’elle a subi enfant pour être aidée. Elle souffre d’un syndrome de Münchhausen. Elle vit dans un état de perversion narcissique, fruit et racine de l’inceste, autorisant seulement la maîtrise ou la soumission, générant un masochisme, une incapacité affective, sans reconnaître les différences, les lois, autrui. Son équilibre psychique est assuré au prix d’une angoisse entretenue avec son entourage. 76 3.4.18 Synthèse du document n° 18 : Madame A. (31)(32) « Deuil périnatal : Transmission intergénérationnelle » Madame A. avait 55 ans et vivait avec son mari. Elle avait une fille et plusieurs petitsenfants. Elle consultait son gynécologue en raison de bouffées de chaleur. Elle avait réalisé une IVG il y a 28 ans, sur la décision de son mari qui « l’a obligée à se faire avorter de sa seconde grossesse parce qu’il ne voulait pas d’un second enfant ». Madame A. exprimait son incompréhension d’être interdite par son gendre de revoir à tout jamais sa fille : « Est-ce que vous trouvez normal, Docteur, que je ne puisse pas rendre visite à ma fille et à mes petits enfants et ce, depuis la naissance de son premier fils ? » Elle tergiversait avant de raconter l’origine de ce rejet : « Avec beaucoup d’hésitations, elle raconte […] » : En apprenant l’accouchement de sa fille, Madame A. s’était empressée de lui rendre visite et de s’approprier le bébé : « Dès son entrée dans la chambre, elle se précipite vers le berceau, s’empare du bébé en s’écriant : ‘Mon enfant !’ » Elle s’était ensuite effondrée en se séparant du nouveau-né : « Son beau-fils la regarde un moment interloqué puis il se lève pour reprendre l’enfant. Mme A. lui résiste un moment puis finit par s’écrouler en pleurs. » Elle s’était aussi appropriée secrètement cette grossesse : « A l’occasion d’une autre consultation, Mme A. raconte qu’elle a vécu chaque étape de la grossesse de sa fille comme si c’était la sienne, allant même jusqu’à préparer en cachette des affaires pour son bébé. » Madame A. révélait ensuite son IVG. Selon l’auteur, Madame A. vivait l’IVG comme une perte : « Interrogée sur l’éventualité d’une perte, elle confie que son mari l’a obligée à se faire avorter de sa seconde grossesse parce qu’il ne voulait pas d’un second enfant. » Elle était en deuil périnatal : « Par deuils périnataux, il faut entendre tous ceux qui résultent des pertes qui font suite à un diagnostic de grossesse qui a enclenché le processus du devenir mère ou du devenir père. » Elle vivait un deuil prolongé au point de le transmettre sur un mode transgénérationnel : « Il ne sera question ici que de la transmission aux générations suivantes de deuils périnataux insuffisamment résolus. » Madame A. transmettait et manifestait son deuil à travers le syndrome de l’enfant de remplacement. « Cela ne veut pas dire que tous les enfants nés après la mort d’un frère ou d’une sœur sont des enfants de remplacement. » Elle projetait ses représentations de l’enfant 77 perdu sur son petit-fils : « […] le comportement de Mme A. […] montre l’extrême vivacité que les représentations d’une mère endeuillée peuvent avoir de son enfant et la puissance que leur projection peut exercer sur l’enfant suivant ou un enfant de la troisième génération. » Cela provoquait alors une rupture des relations affectives intergénérationnelles. Commentaire du vécu de Madame A. « Syndrome de l’enfant de remplacement et rupture familiale suite à une IVG forcée et vécue comme un deuil périnatal transgénérationnel » Madame A. s’est appropriée la grossesse de sa fille. Après l’accouchement de celle-ci, elle s’est emparée de ce premier petit-fils en le désignant comme son enfant, provoquant une réaction de rejet de son gendre et une rupture de leurs relations. Elle ne comprend pas l’attitude de son gendre, et elle raconte cette histoire après beaucoup d’hésitations. Puis elle révèle son IVG réalisée il y a 28 ans sur l’obligation de son mari. Cette IVG est vécue comme une perte, responsable d’un deuil périnatal inachevé, transmis sur le mode transgénérationnel sous la forme d’un syndrome de l’enfant de remplacement. 78 3.4.19 Synthèse du document n° 19 : Madame B. (33) « La mélancolie résiste bien à l’épreuve du temps » Madame B. vivait en France avec son mari. Elle avait quatre enfants. Elle était suivie et fréquemment hospitalisée en psychiatrie depuis cinq ans en raison d’une mélancolie diagnostiquée suite au suicide de sa belle-sœur. Elle avait réalisé une IVG « il y a bien longtemps ». Elle avait raconté qu’elle était fille unique et qu’elle avait été élevée par sa grand-mère maternelle décédée vers ses 5 ans. Madame B. voulait que son couple ressemblât à celui de ses parents, « […] son objectif étant bien sûr de réaliser avec son mari un couple uni […] ‘comme ses parents’ ». Elle exprimait « […] qu’elle étouffait son mari […] ». Puis, elle découvrait que son mari la trompait. Elle se confiait alors beaucoup à sa belle-sœur. Elle parlait d’elle en disant : « Je l’aimais […] ». Après le suicide de celle-ci, Madame B. avait le sentiment d’être morte, enterrée et elle déclarait : « ‘C’est mort en moi. Mon corps est mort du bas, le bassin, les jambes.’ Elle formula aussi cette expression énigmatique : ‘Je suis une morte vivante, un être posthume’. » Elle souffrait de solitude et d’abandon. Madame B. se sentait exclue par ses parents qui formaient un couple très uni, et elle éprouvait de l’aversion envers eux : « Elle dit avoir vécu dès lors [le décès de sa grand-mère] dans la haine de ses parents jusqu’à son mariage. Haine qui l’habite encore aujourd’hui de manière puissante et qui se déchaîne lorsqu’elle rencontre ses parents à domicile. » Elle ajoutait : « Je hais les gens dont j’ai besoin. » Madame B. désirait rejoindre sa belle-sœur dans la mort : « La patiente passe son temps alitée […], ‘ça me rapproche d’elle, je pense à elle’. » Elle se jugeait criminelle et réclamait une sentence de mort : « Mme B. se décrit comme un déchet, une criminelle ayant fait il y a bien longtemps quelque chose d’horrible. Ce crime bien ancien, c’est une interruption volontaire de grossesse. Elle ne mérite désormais que la mort à laquelle elle aspire. » Elle désirait mourir et avait fait plusieurs tentatives de suicide : « Elle évoque néanmoins son suicide de manière crue à chaque entretien depuis des années. On l’a retrouvée à plusieurs reprises avec des objets de strangulation autour du cou. » De plus, elle se sentait envahie, habitée et hantée par sa belle-sœur : « Elle la voit qui l’appelle à la rejoindre. » Elle avait son cadavre en elle : « […] la patiente dit qu’il est là, en elle, Mme B. se dit pourrie de l’intérieur. » Elle se considérait comme une ordure : « On l’a sans doute trouvée dans une 79 poubelle à la naissance, elle n’est de toute façon qu’un déchet et ne peut donc occuper aucune place pour l’autre. » Selon l’auteur, Madame B. définissait l’union de ses parents telle qu’une « […] entité singulière, une bulle, une vacuole ». Elle avait vécu heureuse durant les premières années de son mariage voulant et formant un couple fusionnel avec son mari. Puis en raison du comportement de ce dernier, elle se tournait vers sa belle-sœur : « L’éloignement, le décollage du lien au mari, entraîne une aventure que l’on peut qualifier rétrospectivement d’amoureuse avec cette belle-sœur. » Elle souffrait de mélancolie délirante chronique décelée après le suicide de celle-ci : « […] l’aspiration mélancolique, la chute inexorable […] aboutit à l’état catastrophique de la cristallisation. » En effet, Madame B. manifestait un syndrome de Cotard comme le montraient ses idées délirantes : Elle se trouvait dans un état de l’entre-deux-morts : « La croyance délirante et fréquente d’être déjà mort en représente un autre aspect. » Elle évoquait sa non-appartenance au monde et la transformation de ses organes sur le thème de la pourriture : « Il y a le monde, un bloc, bloc comme celui que forment ses parents, et elle, face à ce monde mais ne participant en rien à lui, sauf à en être le déchet. » Elle témoignait ainsi d’une pulsion de mort, d’une haine existant depuis l’enfance et se traduisant jusqu’en des idées suicidaires : « On a l’impression que ce qui évite à Mme B. de passer pour l’instant à l’acte suicidaire, c’est qu’une partie de cette haine arrive encore à se déverser à l’extérieur envers ses proches et l’équipe de soin. » Elle avait des idées de damnation liées à des crimes imaginaires, lié es à « […] l’autoaccusation criminelle en rapport avec l’IVG […] ». Madame B. vivait un processus d’incorporation du corps de sa belle-sœur à l’intérieur de son corps, « incorporation permettant de justesse d’éviter, non le manque, mais le vide, la disparition de l’autre risquant d’entrainer sa propre disparition ». Elle avait ce désir de fusionner avec elle : « Comme ses parents ne faisaient qu’un, toujours agrippés l’un à l’autre, et comme elle ne souhaitait faire qu’un avec le mari, ainsi elle ne souhaite faire qu’un avec cette morte. » Par cette incorporation, elle se définissait comme un être posthume, « […] nouvel être de l’entre-deux, entre la mort biologique et la mort psychique ». Elle restait alors dans un deuil impossible, elle avait une anorexie sévère et elle régressait : « Sous l’effet de l’incorporation et de l’identification massive du moi à l’objet, la régression, chez Mme B., est profonde et ne lui permet plus d’investir le monde. » Par son identification à sa belle-sœur morte, Madame B. montrait sa difficulté à se séparer de l’objet « […] qui la représente dans le désir de l’Autre ». Elle reproduisait alors un 80 vécu d’abandon : « Objet a chez Lacan, dont elle n’arrive pas à se séparer et qui la fixe durablement dans cette répétition de vécu de lâchage abandonnique. » Selon l’auteur, Madame B. faisait peut-être un lien entre le thème de l’auto-accusation de crime et celui de l’ordure et de la pourriture : « Bien que je n’aie jamais repéré de lien associatif entre ces deux thématiques, il n’est pas impossible qu’il existe un rapport entre l’autoaccusation criminelle en rapport avec l’IVG et cette thématique de poubelle, de déchet. » Commentaire du vécu de Madame B « Réminiscence de l’IVG à travers les symptômes d’une mélancolie délirante chronique » Madame B. a le sentiment délirant non pas d’appartenir au monde mais d’en être son déchet, trouvée dans une poubelle à la naissance. Elle a des idées de damnation liées à l’autoaccusation de crimes imaginaires en rapport avec son IVG réalisée il y a bien longtemps. Elle souffre d’une mélancolie délirante chronique avec un syndrome de Cotard et un phénomène d’incorporation. Elle a une difficulté à se séparer de l’objet qui la représente dans le désir de l’Autre, ce qui entretient un vécu d’abandon existant depuis son enfance. Par ailleurs, il existe peut-être un lien entre le thème de crime d’IVG et celui de déchet. 81 3.4.20 Synthèse du document n° 20 : une jeune femme (34) « Désaccord » Le document concernait une jeune femme de 30 ans, vivant en France avec son conjoint qu’elle connaissait depuis un an. Elle n’avait pas d’enfant et ses parents étaient croyants catholiques. Elle avait fait de bonnes études et travaillait comme cadre dans une banque. Elle débutait une psychanalyse en raison de malaises à répétition et d’une dépression. Elle avait raconté son choix de se séparer du compagnon qu’elle connaissait depuis onze ans, et « qu’elle aimait aussi, mais ‘comme un frère’ », pour son conjoint actuel. Avec celui-ci, elle avait réalisé une IVG neuf mois auparavant, « un avortement voulu, choisi, en total accord avec son partenaire », car « c’était une évidence, c’était trop tôt : ‘on ne pouvait pas prendre le risque de mettre au monde un enfant dont les parents ne seraient pas restés ensemble’ ». La jeune femme souhaitait poursuivre un traitement antidépresseur pourtant inefficace. Elle ressentait en effet un mal-être caractérisé par une tristesse, des idées suicidaires, une anhédonie, une perte de libido et des malaises répétés : « Elle continue de perdre connaissance dans les transports et d’être triste, sans force, sans appétit, sans goût. » Elle évoquait sa mère et son travail : « Sa mère, dit-elle, pense qu’elle devrait changer de travail : elle parle donc de sa mère et de son travail où elle s’ennuie. » « Si elle va mal, curieusement dans sa vie tout va bien, tout réussit. » En effet, elle racontait ses études, « […] de bonnes études selon son choix […] », les nombreux avantages latéraux de son travail, l’accès facile à sa province par le TGV depuis Paris où elle avait choisi d’habiter, l’amour envers son nouveau compagnon avec qui elle choisissait une vie sexuelle différente, plus érotique, leur achat d’un appartement « qu’ils ont choisi ensemble ». « J’ai choisi, disait notre patiente […]. » Par ailleurs, elle considérait l’achat immobilier comme une confirmation de leur engagement réciproque. De plus, la jeune femme ne regrettait pas d’avoir quitté son ancien ami pour un autre, mais elle est se sentait coupable : « Elle ne le regrette pas, mais se sent coupable de trahison car elle a choisi avec son partenaire actuel une vie sexuelle, une emprise érotique qu’elle n’avait jamais connues auparavant et qui semblent aujourd’hui disparues. » Elle évoquait sa tristesse d’avoir perdu son ancienne belle-famille et prenait conscience de cette perte : « Elle découvre avec tristesse et étonnement une perte à laquelle elle n’avait pas pensé. » Elle manifestait aussi le besoin de voir sa famille et sa région natale : « Sa famille, ses frères, sa province lui manquent aussi, bien que ce soit elle qui ait choisi de venir vivre à Paris […]. » 82 La jeune femme précisait qu’elle désirait un enfant comme son conjoint : « […] elle sait, depuis qu’elle a 3 ans, qu’elle a le fantasme d‘avoir un bébé’ et elle évoque avec plaisir son petit frère qui fut son ‘premier bébé’. » Elle constatait une similitude entre ses malaises et ceux de sa mère : « ‘tomber dans les pommes’ est aussi un symptôme de sa mère, remarque-telle très vite. » Elle notait aussi qu’elle buvait un peu trop de vin le soir avec son ami au retour du travail : « Cette pente d’alcoolisation l’inquiète sans qu’elle puisse associer d’aucune façon. » Elle cherchait à développer sa réflexion grâce à la psychanalyse : « […] de chaque séance, elle dit repartir avec un mot qui lui permet de penser et c’est pourquoi elle revient ». Elle datait ensuite le début de ses symptômes sans pouvoir les relier à un évènement : « Elle remarque que l’apparition de ses symptômes est précisément datée : en septembre, au neuvième mois de l’année. » Elle insistait sur la possibilité d’avoir, par son travail, sept mois et demi de congé maternité à plein salaire, considérant aussi que sa santé actuelle était incompatible avec une grossesse. « La semaine suivante, elle rapporte que le mot maternité lui a rappelé qu’elle avait oublié de dire qu’en janvier passé, elle a fait un avortement. » Elle avait gardé l’IVG secrète pour son entourage, « […] non pas parce qu’elle considérait que c’était son affaire intime, mais parce qu’ils en auraient été choqués. » Selon l’auteur, cette jeune femme racontait ses choix, décisions raisonnables et sans échec : « Le mot choix revient souvent dans son discours. Ce sont toujours des choix qu’elle endosse en son nom propre, et qui ne peuvent pas être discutés, tant ils lui paraissent évidents. » Ainsi, elle décrivait ses biens (travail, copain, appartement…) tout en réalisant soudain l’éventualité de perdre quelque chose en choisissant : « En parlant, elle découvre avec surprise la perte qui accompagne ses choix, perte qu’elle n’avait pas soupçonnée ou imaginée, comme si elle émergeait d’un monde ignorant la possibilité de la perte. » La jeune femme avait des propos non pas tant ordinaires que dépressifs, bien que marqués par l’absence d’évènements douloureux : « Dans son histoire, on cherche vainement des événements traumatiques, des chagrins ou des ratages : il n’y a pas eu de situations douloureuses ou traumatisantes à première vue. Je dis bien à première vue. » En effet, la patiente avait une difficulté à exprimer son vécu et demandait des mots pour penser, élaborer, associer : « […] son discours […] se caractérise […] par la difficulté à nommer, à reconnaître les contradictions, les oppositions, les tensions qui sous-tendent ses choix. » D’après l’auteur, la jeune femme avait donné un conscient accord pour son IVG par conformité à l’évidence commune et à la loi sociale du droit à l’avortement : « Elle fut 83 d’accord, pleinement d’accord, pour avorter au nom du ‘trop tôt’ et au nom du bien de l’enfant imaginaire. » Elle était très surprise de découvrir la concordance des dates entre le début de ses symptômes et la date de naissance présumée de l’enfant non advenu. Par cette coïncidence, elle prenait conscience du lien entre ses symptômes, son opposition à son choix d’IVG et sa méconnaissance de la perte engendrée par ce choix : « Elle ne savait pas qu’elle était à ce point en ‘désaccord’ (c’est son mot) avec son acte, ni qu’elle avait choisi une perte douloureuse. » Elle ne reconnaissait pas sa loi morale interne enfouie jusqu’alors sous la loi sociale : « Notre hypothèse […] est que la méconnaissance porte sur sa loi propre, sur la loi morale interne qui est la sienne […] qui pourrait s’énoncer ainsi : dans ma famille, on n’avorte pas ; on ne quitte pas un homme pour jouir sexuellement avec un autre », mais aussi « […] ‘ne pas se servir d’un enfant pour forcer le mariage ou la conjugalité’ relève aussi pour elle d’une loi morale. » Par le travail analytique, elle prenait donc conscience de sa loi interne, et elle problématisait son choix passé d’IVG : « L’énonciation juste aurait précédé un choix qui, de toute façon, impliquait une perte : renoncer à la grossesse (le désir d’enfant restant toujours aussi vif) ou renoncer à une part de jouissance avec son partenaire en devenant effectivement mère, comme sa mère. » Elle prenait alors conscience de la perte engendrée par la transgression de l’interdit d’IVG, du renoncement au désir d’enfant, prix à payer pour accéder à la jouissance : « En effet, que vaut alors une vie qui privilégie les biens immédiats, les jouissances directes, qui ne prend plus, ni le risque de l’engagement symbolique, ni celui de trouver de l’intérêt dans le travail […] ? Quelles jouissances désarticulées du désir viennent alors s’imposer ? […] Jouissance de l’ennui, de l’immobilité, de la tristesse ? » Elle prenait conscience de son désaccord avec cette perte. Par la dépression, la patiente manifestait donc le non accomplissement de son désir d’enfant, mais aussi son désaccord secondaire à un choix et à une perte n’ayant pas été problématisés : « Le désaccord, dont je fais l’hypothèse, porte, lui, sur les renoncements au désir […] au nom de l’évidence commune : la dépression étant alors à lire comme l’écran qui masque un questionnement implicite, en attente d’élaboration et de complexification. » L’auteur faisait l’hypothèse que la patiente déprimait aussi en raison du non accomplissement de son désir inconscient de mariage, et cela malgré son choix de transgresser l’interdit d’IVG pour accéder au désir d’être la femme d’un homme. « Pourquoi devrait-elle alors payer le prix d’une dépression ? Peut-être parce qu’il n’y a pas eu de reconnaissance symbolique de ce passage et que la seule validation de son engagement amoureux érotique a été un acte de propriété. » 84 La jeune femme se trouvait prise dans un antagonisme entre désir et jouissance, entre loi interne et doxa : « La dépression, avec ‘les pertes de connaissance’, met en scène une sorte d’abandon de l’existence, d’évanouissement du sujet, au profit d’une jouissance délivrée des embarras et de l’incertitude du désir. » Son état psychique trouvait son origine dans la disparition des interdits, l’influence de la doxa et la croyance au libre-arbitre : « J’ai choisi, disait notre patiente, posant la question de la croyance […] en l’autonomie de ses choix et c’est sur cette croyance que la dépression se fonde et se déploie. » Finalement, la patiente exprimait ses affects et guérissait : « Elle sortit de son état dépressif en passant par deux affects, la colère et le chagrin, et en abordant la question : ‘Qu’est-ce qu’une femme pour un homme ?’ » Commentaire du vécu d’une jeune femme « Lorsque l’accompagnement psychologique permet de faire le lien entre IVG choisie, dépression et désaccord avec ce choix » Cette jeune femme a un syndrome dépressif, des malaises répétés dans les transports, une tendance à l’alcoolisation qui l’inquiète, et elle décrit son désir d’enfant commun à son conjoint mais incompatible avec son état de santé actuel. Progressivement, elle prend conscience des pertes qui ont accompagné ses choix, elle date le début de l’apparition de ses symptômes, puis révèle son IVG gardée secrète pour ne pas choquer son entourage. Elle est surprise de découvrir la coïncidence entre la date de naissance présumée de l’enfant non advenu et le début de ses symptômes. La dépression de la jeune femme révèle le non accomplissement de son désir conscient d’enfant et de son désir inconscient de mariage, et manifeste son désaccord avec son choix d’IVG et la perte qui s’y associe. Ce désaccord est secondaire à un manque de problématisation du choix, c’est-à-dire à l’absence de prise de conscience de sa loi morale interne, de la perte qui accompagne chaque choix, d’une mise en tension entre loi interne et doxa, désir et jouissance, jouissance convenable et pas convenable. 85 3.4.21 Synthèse du document n° 21 : une jeune femme (35) « Pourquoi une femme se met-elle à boire ? » Le document concernait une jeune femme, vivant en France, étudiante en fin de cursus, qui avait un suivi psychiatrique ou psychanalytique. Elle avait réalisé une IVG à l’âge de 18 ans car « il fallait bien ! Nous étions trop jeunes et lui n’en voulait pas. » La patiente avait des alcoolisations massives et ponctuelles : « Savez-vous ce que j’ai fait hier soir ? […] Voilà ! J’ai acheté une bouteille de vin et je l’ai bue cul sec. J’étais ivre morte. Ça m’arrive de temps en temps. » Elle demandait l’avis du psychiatre : « Qu’en pensez-vous ? » Elle s’emportait parce que celui-ci supposait un lien entre son comportement et un éventuel avortement : « Mais quel rapport ? Vous êtes complètement idiot ! » Puis elle révélait son IVG, son motif, et son souvenir constant : « Seulement au bout de quelques minutes, j’obtins la réponse : ‘Oui, j’ai avorté. J’avais 18 ans. Il fallait bien ! Nous étions trop jeunes et lui n’en voulait pas. Ça ne m’empêche pas d’y penser’. » Pour l’auteur, la patiente avouait ses alcoolisations avec ironie : « À l’une des séances, elle me regarda avec un sourire narquois […] Pendant quelques instants, elle joua au petit jeu ‘dira, dira pas’ avant de me mettre dans la confidence, dans une sorte de défi. » Elle se fâchait à l’hypothèse d’un possible antécédent d’IVG : « ‘Quand a eu lieu votre avortement ?’ Ma question, cette fois, provoqua un bel orage. » La jeune femme manifestait ainsi sa difficulté à parler d’une souffrance secondaire à l’avortement, que la société n’acceptait pas, qu’elle ne reconnaissait pas elle-même et qu’elle tentait d’oublier dans l’alcool : « L’avortement avait laissé une douloureuse cicatrice qu’il n’était pas ‘politiquement correct’ d’avouer, qui n’était même pas reconnue par le sujet, mais qu’il fallait noyer dans le vin. » D’après l’auteur, la patiente s’alcoolisait à cause d’une IVG ayant été forcée par son conjoint, celui qu’elle se figurait comme père : « Cet alcoolisme féminin apparaît donc lié aux avatars du désir de maternité, essentiellement à l’avortement, avortement non désiré, imposé moralement ou concrètement par un homme en qui sa compagne avait placé sa foi, c’est-àdire occupant une place symbolique de père. » Et l’auteur se référait à Lacan : « La fonction féminine […] la procréation, la maternité, porte en elle, au-delà de la biologie, une ‘fonction symbolique essentielle’. » Finalement, la patiente buvait en raison d’une atteinte portée à sa féminité : « Pour aller vite, je soutiens que c’est la profanation de cette fonction symbolique 86 essentielle qui fait basculer une femme dans ce qui apparaît comme un suicide alcoolique. Cette profanation est un meurtre du désir, un meurtre du sujet féminin. » La jeune femme buvait en raison de l’atteinte du pacte sacré qui lie homme et femme : « Si ce pacte sacré est bafoué, et il l’est généralement par le partenaire masculin, cela produit des ravages dont l’alcoolisme est une des formes. Le progrès des techniques médicales, l’évolution des mœurs sociales, ont introduit un fort relativisme dans la valeur de ce pacte. » L’auteur émettait l’hypothèse d’une autre conséquence de cette atteinte de la féminité : « enfin, la débâcle de la ‘fonction symbolique essentielle de la maternité’ ne débouche pas nécessairement sur l’alcool. Tout autre toxique peut faire l’affaire. Mais il s’agit là d’une hypothèse pour laquelle le matériau clinique dont je dispose est très limité. » Commentaire du vécu d’une jeune femme « Lorsque l’accompagnement psychologique révèle le lien entre IVG non désirée, alcoolisations et atteinte d’une fonction symbolique essentielle » La jeune femme avoue dans l’ironie ses alcoolisations massives et ponctuelles. Demandant l’avis de son psychiatre, elle se met en colère à l’idée d’un lien possible avec un avortement passé. Puis elle révèle une IVG, son motif, et le souvenir constant qu’elle en garde. La jeune femme s’alcoolise pour oublier une souffrance non reconnue et ni exprimée par la patiente elle-même, c’est-à-dire le souvenir douloureux de son IVG non désirée, imposée moralement par son conjoint qu’elle se figurait comme père. Elle veut oublier l’atteinte du pacte sacré qui lie homme et femme, l’atteinte qui a été faite à son désir de maternité, à sa féminité, à sa fonction symbolique essentielle portée par sa capacité biologique d’être femme et mère. 87 3.4.22 Synthèse du document n° 22 : Michèle (36) « Destin de naissance…destin de mort : Quand naissance et mort se superposent » Michèle avait 30 ans et vivait en France avec son mari qui partait souvent en déplacement professionnel de plusieurs mois. Elle n’avait pas d’enfant. Enceinte de 5 mois, elle acceptait un accompagnement psychologique suite à la proposition des médecins d’interrompre médicalement sa grossesse en raison d’une anomalie cérébrale sévère du fœtus, d’origine virale. Elle avait réalisé une IVG dix ans auparavant. Michèle se sentait anéantie par l’annonce diagnostic et voulait fuir. Elle était apeurée lors du premier entretien avec la psychologue, « […] marqué par un long silence […] ». Puis, elle exprimait prendre conscience que, malgré son handicap, c’était bien un enfant qu’elle portait. « Parallèlement, elle évoque un sentiment d’étrangeté : son enfant est porteur de quelque chose de différent. » Elle racontait deux rêves, le premier où elle était seule montant dans un escalator, et croisant un enfant sur le bord qui la regardait, le deuxième où elle montait aussi un escalier, tombait et était relevée par un enfant : « Elle s’interroge : laisse-telle l’enfant sur le bord ou bien est-ce lui qui la laisse poursuivre sa route ? » Elle mettait alors en relation ses deux rêves avec son IVG passée et l’anomalie actuelle du fœtus : « La succession de ces deux rêves lui fait évoquer […] une interruption volontaire de grossesse réalisée dix ans auparavant : l’atteinte fœtale en serait alors la punition. » A l’évocation de sa mère par l’auteur, Michèle était peu loquace : « […] j’apprends que sa mère est décédée il y a quelques années [après l’IVG], d’un cancer du sein qui s’est généralisé. Elle n’en parlera pas davantage. » Par ailleurs, elle remarquait avec mécontentement la contradiction des propositions relatives à l’éventuelle IMG ; autopsie, obsèques…: « Toutes ces propositions lui semblent ‘totalement paradoxales’». Elle évoquait ensuite le poids du diagnostic prénatal et sa solitude, liée à l’absence actuelle et à venir de son mari : « Le sens initial de leur projet conjugal – avoir un enfant– ne peut évoluer en projet individuel d’accueillir un enfant handicapé. » Elle décidait alors d’interrompre sa grossesse. Après l’IMG, elle souhaitait voir l’enfant : « Michèle accouche d’un petit garçon qu’elle a finalement souhaité voir, mais a refusé l’autopsie, invoquant des motifs religieux. » Puis elle se repliait sur elle-même et s’isolait socialement : « Elle est restée claustrée, volets fermés, ne souhaitant voir personne, ni même la lumière du jour perçue comme agressive. Elle attendait de rejoindre son mari pour essayer de parler avec lui _ sans succès_ de cette IMG. Plus tard, elle réussissait à échanger avec lui sur le bébé, leurs affects et leurs projets : 88 « […] ils pourront regarder ensemble les photos du bébé, évoquer l’absence, le manque, la tristesse ainsi que le projet d’un autre enfant dans l’avenir. » Michèle se sentait prête pour un autre projet d’enfant. Elle disait son désir d’écriture et celui de faire un lien entre l’avant et l’après IMG : « […] elle souhaite tisser un pont entre l’avant et l’après, elle avant et elle après, pour elle-même, pour son couple… et aussi pour ce bébé. » Puis, elle évoquait d’elle-même la mort de sa mère et les non-dits qui l’entouraient, « […] excusant son père qui voulait protéger ses filles », incapable de verbaliser sa douleur. Elle constatait ensuite avoir pu dire ses émotions grâce aux entretiens. « Michèle exprime aussi son sentiment de réunification, de réconciliation entre elle et son bébé, tout comme celui de retrouvailles avec sa mère morte. » Pour l’auteur, Michèle était bouleversée physiquement et psychologiquement par l’annonce du diagnostic anténatal. « Au bout d’un moment, elle relève la tête et me regarde ; son regard semble dire qu’elle m’est reconnaissante de ce silence, silence qui lui permet de se rassembler et de se restaurer. » Elle remerciait les médecins de dire la vérité sur l’anomalie fœtale, mais leur en voulait de leur vision représentant le fœtus plutôt objet d’investigation qu’enfant, déplaçant peut-être son hostilité envers le fœtus sur les soignants : « La haine primitive entre la mère et son bébé décrite par Winnicott, est inentendable et source de grande culpabilité lorsque ‘His Magesty the Baby’ n’est pas conforme aux promesses. » Elle avait un sentiment d’étrangeté en raison du paradoxe entre anomalie fœtale visible à l’échographie et invisible à l’œil nu. Elle était seule face à un choix de mort : « […] elle se retrouve seule à choisir l’issue de la grossesse et quelle que soit sa décision, c’est de mort dont il s’agit : mort d’un bébé, mort d’un projet et atteinte narcissique majeure dans sa capacité à faire un bébé bien portant. » D’après l’interprétation de ses rêves par l’auteur, Michèle désirait fuir la décision d’interrompre ou non sa grossesse, n’en contrôlait pas le processus et se sentait effondrée. De plus, « nous voyons l’émergence de la représentation de son fœtus comme d’un futur enfant. » Elle évoquait ensuite son IVG avec culpabilité. L’auteur abordait alors le sujet du lien avec sa mère se référant à la psychanalyste « M. Bydlowski [qui] fait un lien entre IVG et dette de vie où l’avortement permettrait de tuer sa mère à l’intérieur de soi, autorisant la fille à devenir femme ; mes associations me conduisent alors vers sa mère […]. » Elle restait silencieuse sur le souvenir laissé par cet avortement, et semblait avoir une difficulté à faire le deuil du décès maternel : « […] son silence, lourd, m’interroge à la fois sur l’élaboration de ce deuil [de sa mère], comme si cette perte, très douloureuse, était encore difficilement pensable, mais aussi 89 sur les traces laissées par son IVG. » Elle revivait ainsi des pertes antérieures : « Nous voyons combien le traumatisme actuel et la blessure narcissique qui en découle, réactualisent des fantasmes archaïques et des pertes antérieures. » Selon l’auteur, Michèle jugeait inconcevable d’interrompre sa grossesse si elle considérait le fœtus comme un être à part entière. Mais elle restait confuse sur le statut de son fœtus : « Sa colère illustre la question du statut de ce fœtus, problématique centrale dans le deuil périnatal : être par la chair ou par la parole ? Fœtus authentique ou fœtus tumoral ? » Ayant pris sa décision, elle redoutait cette IMG nécessitant un accouchement normal, puis elle refusait l’autopsie : « […] on peut […] imaginer que ce serait peut-être le tuer une deuxième fois ? » Après l’interruption, elle souffrait d’une dépression, secondaire à un travail de deuil difficile : « Je reçois sa souffrance dépressive comme la conséquence du travail de deuil et de désinvestissement de son bébé en devenir. » Elle vivait une régression intense : « […] exprimant une nostalgie du retour à l’état de fusion avec la mère des premières relations ; […] cette régression narcissique s’inscrit également dans un mouvement identificatoire au fœtus, contribuant à lui donner réalité pour pouvoir s’en détacher ensuite. » Michèle désirait atténuer sa souffrance en la partageant avec son mari, mais se heurtait à un ressentiment et une incompréhension réciproques marquant un déni mutuel de la réalité de la mort du bébé. « Mais cette colère et cette douleur ne lui permettent-elles pas de rester en lien avec ce bébé disparu ? » Par l’écriture, processus de sublimation, elle intégrait l’IMG dans sa vie, elle réalisait un travail de deuil : « Ce bébé doit trouver sa juste place dans son histoire tout comme elle doit trouver un juste lien avec lui. » Par ailleurs, elle réabordait la mort de sa mère : « Me revient en écho son silence consécutif à l’évocation du rêve […]. » Elle rationalisait le comportement qu’avait eu son père à cette période, masquant ainsi un sentiment de colère. « Puis peu à peu, s’exprime de façon sourde, toute la colère contenue à propos des non-dits entourant la maladie et le départ brutal de sa mère. » Elle souffrait d’une sidération familiale sur le thème de la mort : « Les mots ont été pour elle le lien entre la vie et la mort, alors que jusque là, la mort était entourée de silence, de vide, de rien. » Puis Michèle sortait de cet état de sidération face à la mort et exprimait ses émotions : « Elle a dépassé l’anéantissement initial en acceptant de se confronter à ses affects. Elle a toléré l’envahissement de la pulsion de mort, l’a dépassée et métabolisée en pulsion de vie. » Elle réalisait alors le deuil de sa mère : « Dans l’après-coup, changée par ce bébé qui n’est plus, elle exprime une prise de distance par rapport à ces modèles familiaux intériorisés, un réaménagement de ses repères identificatoires. » Elle inscrivait l’enfant dans sa filiation et 90 réalisait son deuil : « Il me semble que prendre le temps de sortir de l’état de sidération et amorcer la perspective d’un sens à donner à l’issue de la grossesse, que ce soit dans celui de sa poursuite ou de son interruption, est fondamental : il permet en effet de favoriser l’émergence d’une représentation objectalisée du fœtus, favorable à la résolution du deuil. » Elle élaborait la perte et évitait le deuil compliqué : « L’interruption de la grossesse, qu’elle soit décidée pour motif médical ou spontanée, implique un arrêt du processus de parentalisation et nécessite un travail psychique de désinvestissement du fœtus […] temps d’élaboration nécessaire à la perte. Car à la fois objet-non objet, ce fœtus fait courir le risque d’un deuil mélancolique puisque encore incorporé au Moi. » Par le soutien psychologique, Michèle faisait plusieurs deuils : « L’espace de narrativité ainsi créé conduira, progressivement, à l’élaboration de la perte et des pertes antérieures ravivées, comme dans le cas de Michèle. » Commentaire du vécu de Michèle « Questionnement et confusion sur le statut du fœtus, réminiscence et culpabilité de l’IVG, décision d’IMG et deuil difficile » Suite à l’annonce du diagnostic anténatal, et comme l’interprétation de ses rêves le montre, Michèle se représente le fœtus comme un enfant malgré son handicap, et s’interroge sur le positionnement de celui-ci ; soit abandonné, soit consentant pour cette IMG. Ces rêves lui font évoquer dans la culpabilité son IVG passée dont elle voit l’anomalie fœtale comme sa punition. Elle reste silencieuse sur les traces laissées par cette IVG comme sur celles laissées par le décès de sa mère dont elle semble avoir des difficultés à faire le deuil. Elle accuse les soignants de considérer le fœtus plus comme un objet que comme un être, tout en les remerciant d’avoir dit la vérité sur la pathologie. Elle revit des pertes antérieures ; l’IVG, tentative de passer du statut de fille à celui de femme, et le décès de sa mère. Son ressentiment envers les soignants traduit sa confusion sur le statut du fœtus, problématique centrale dans le deuil périnatal. Michèle décide de réaliser l’IMG après laquelle elle exprime avec difficultés son sentiment de tristesse, d’absence, de manque, la blessure de la perte, et souffre de dépression. Elle opère une régression narcissique vers un état de fusion avec sa mère et une identification au fœtus. Elle dénie la réalité de la mort de ce bébé. Son travail de deuil est difficile, comme si la douleur lui permet de rester en lien avec le bébé disparu. 91 3.4.23 Synthèse du document n° 23 (37) « Quel est le vécu des femmes, hospitalisées pour subir une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse, par rapport à la prise en charge infirmière ? » Première femme La première jeune femme de cette étude avait une trentaine d’années ans et vivait en Suisse. Elle avait étudié le tourisme et n’avait pas d’enfant. Recrutée par le biais de l’association AGAPA Suisse Romande12 où elle avait été suivie, elle acceptait de participer à un entretien semi-directif avec une étudiante infirmière pour une étude portant sur le vécu de l’IVG médicamenteuse. Elle avait réalisée deux IVG dans un contexte similaire. La seconde IVG était survenue deux ans auparavant sur sa décision, car « c’est arrivé par accident » ; elle devait partir en stage à l’étranger et « n’était pas prête pour avoir un enfant ». La jeune femme racontait qu’après sa première IVG, elle avait refusé de rencontrer un psychologue, disant ne pas en avoir besoin et ne devant pas montrer ses failles : « On m’avait demandé si je souhaitais un suivi psychologique, j’avais dit non, je n’en ai pas besoin, j’assure mon choix, je n’ai pas le droit d’être faible. » Durant l’hospitalisation pour sa seconde IVG, elle rapportait avoir ressenti un sentiment de culpabilité et de honte : « C’était la deuxième fois, c’était honteux. » Elle n’avait pas voulu se confier aux soignants : « Je n’avais pas envie de parler de ma vie privée, je voulais juste que ce soit liquidé et qu’on n’en parle plus. » Pourtant, elle avait eu le sentiment de ne pas avoir été écoutée et d’avoir eu besoin que l’infirmière soit plus présente : « Je trouvais qu’elle aurait pu être un peu plus là (…) pas spécialement qu’on me parle, qu’on parle de moi, mais de mon état. » Elle avait aussi eu besoin d’être appuyée dans sa décision : « […] il aurait fallu qu’on me soutienne à fond (sur sa décision) parce que je doutais (…) j’étais mal dans mes baskets. » Elle évoquait sa solitude : « […] on arrive dans un service de gynécologie, c’est plutôt des mamans, des femmes enceintes, qui sont là, dans la salle d’attente il y a des trucs pour bébé, c’est spécial, on se sent vachement à part, seule. » Elle aurait eu besoin de connaître le ressenti de l’infirmière sur cet acte d’IVG : « (suite au sentiment que l’infirmière 12 Association AGAPA Suisse Romande : Association des Groupes d’Accompagnement-Perte de grossesse-Abus-Maltraitance-Négligence 92 était mal à l’aise) ‘je pense que j’aurais apprécié qu’elle me dise franchement la vérité, qu’elle me dise ouais franchement, je suis gênée, j’aime pas faire ça (…)’. » Après cette deuxième IVG, la jeune femme avait alors fait comme s’il ne s’était rien passé : « Il faut s’imaginer tout le processus qu’il y a pour quelqu’un qui avorte, on met une carapace pour faire après comme si ça n’avait jamais existé. » Elle aurait eu besoin d’être rapidement suivie par une psychologue : « Il faudrait que les professionnelles connaissent vraiment l’aspect psychologique qu’il y a derrière l’avortement et diriger les gens vers des associations comme le planning ou AGAPA12. » Elle était devenue déprimée et voulait mourir : « J’avais vraiment un mal-être constant mais je n’aurais pas pensé que c’était dû à mon avortement, je pensais plutôt que c’était l’âge […] c’est venu assez vite, tout de suite après (l’IVG). » Par la suite, au sein de l’association, elle avait réalisé un travail de deuil dans le non-jugement et le respect : « J’ai fait 6 mois d’AGAPA12 (…) le travail qu’on fait c’est ‘pardonne toi à toi-même’ (…) à la fin on enterre son gamin et ça permet vraiment de faire un processus de deuil. » Selon les auteurs de l’étude, la jeune femme avait vécu cette deuxième IVG dans la culpabilité et dans une solitude favorisée par le cadre des soins d’IVG, le service de gynécologie-obstétrique : « Elles expriment une grande déstabilisation d’être dans ce lieu. » Elle avait demandé à être physiquement mieux entourée par l’infirmière : « La personne A décrit des soins ayant un support relationnel tels que les soins techniques. » Elle n’avait pas cherché à exprimer son vécu pendant l’hospitalisation mais avait paradoxalement eu besoin d’entendre celui de l’infirmière, souhaitant « […] que les infirmières soient plus authentiques. » En fait, elle avait eu besoin d’être comprise : « Nous interprétons cette demande d’authenticité comme la demande d’empathie qui leur permettrait de se sentir écoutées, accueillies et rassurées. » Elle avait eu besoin d’être apaisée : « La demande d’être rassuré se porte sur deux éléments : le non-jugement de l’infirmière et le protocole d’IVG qui leur est inconnu. » « Ce besoin de sécurité est provoqué par le sentiment de culpabilité, de manque d’estime de soi et d’anxiété [...]. » Après cette deuxième IVG, la jeune femme avait souffert d’un mal-être. « Ainsi pour la personne A nous avons relevé ‘l’expression d’un sentiment de tristesse, d’anxiété, de découragement’ lorsqu’elle mentionne son état psychologique après l’IVG, […] ce comportement se manifeste par la volonté de mourir […]. » Par son désir de mourir, elle avait exprimé une colère envers les autres et elle-même : « Pour Freud […] cité par Townsend […], ‘le suicide était une réaction à une haine profonde de soi, la colère ayant pris sa source 93 dans la perte d’un objet d’attachement pour finalement se retourner contre soi’ […]. » En effet, elle avait vécu un conflit d’évitement entre deux issues négatives quelque soit son choix, conflit responsable d’une crise : « […] cette femme a traversé des moments très difficiles suite à l’IVG. Nous supposons qu’elle n’a pas trouvé l’aide nécessaire pour sortir de cette crise de manière constructive. » Pour les auteurs, cette femme avait répété le cycle grossesse due au hasard-IVG, notamment à cause d’une ambivalence face à ses désirs inconscients de grossesse : « Selon le même auteur [Kunégel], ‘l’ambivalence est le facteur dominant dans les demande répétées d’IVG. Les répétitions viennent s’inscrire hors de l’ordre du conscient’. Une grossesse survenue par hasard, peut se lire comme une modalité dans laquelle se manifeste le désir inconscient. » Peut-être avait-elle cherché, par sa grossesse, à vérifier sa fertilité : « Selon Tamian-Kunégel la grossesse peut avoir une fonction de maturation de la femme par ‘la réassurance narcissique de l’intégrité de ses possibilités reproductrices’. Ou bien avait-elle voulu être enceinte sans être mère : « Cette répétition peut se comprendre sous l’aspect d’un acte inconscient qui traduit des désirs inavouables : désirer un enfant sans vouloir nécessairement enfanter. » Elle avait pu également exprimer une carence : « La succession de grossesse non désirées peut exprimer un manque que la personne ne parvient pas à combler. » 94 Commentaire du vécu de la première femme « Lorsque la répétition et l’ambivalence de la décision d’IVG provoque un mal-être et révèle une ambivalence face à des désirs inconscients de grossesse » Après sa première IVG, la jeune femme refuse de rencontrer un psychologue car elle n’en a pas besoin et que ce serait un signe d’une faiblesse, celle de ne pas assurer son choix. Pendant la deuxième IVG, décidée seule, elle se sent coupable car c’est la deuxième fois qu’elle avorte. Elle se sent seule en raison du cadre des soins ; le service d’obstétrique. Elle refuse de se confier aux soignants et veut que tout se passe le plus rapidement possible. Elle a besoin d’être soutenue dans sa décision. Elle souhaite connaître le vécu de l’infirmière, être plus entourée de ses soins, d’écoute, d’empathie, et de réassurance sur son non-jugement et sur le protocole. Après cette deuxième IVG, la jeune femme met une carapace comme si l’IVG n’avait jamais existé. Elle a un mal-être caractérisé par une culpabilité, une tristesse, un découragement, une anxiété. Elle ressentait de la colère et le désir de mourir. Elle ne fait pas le lien entre ce mal-être et l’IVG. La jeune femme aurait besoin d’être rapidement dirigée vers une psychologue. Elle ne trouve pas l’aide nécessaire pour sortir rapidement de cette crise de manière constructive. Les besoins exprimés pendant la seconde IVG s’expliquent par son sentiment de culpabilité, de manque d’estime de soi et d’anxiété. Sa colère est causée par la perte d’un objet d’attachement, puis se retourne contre elle-même à travers le désir de mourir. Son malêtre est lié au doute de son choix d’IVG, au conflit d’évitement entre deux issues négatives quelque soit sa décision. Et la répétition du cycle grossesse due au hasard-IVG est notamment causée par une ambivalence face à ses désirs inconscients de grossesse ; vérifier sa fertilité, vouloir un enfant sans être mère ou combler un manque. 95 Deuxième femme La deuxième jeune femme de cette étude avait une quarantaine d’années et vivait en Suisse. Elle avait une fille de trois et demi environ et était divorcée depuis la naissance de celle-ci. Elle ne travaillait pas. Recrutée par le biais de l’association AGAPA Suisse Romande12 où elle avait été suivie, elle acceptait un entretien semi-directif avec une étudiante infirmière pour un mémoire portant sur le vécu de l’IVG médicamenteuse. Elle avait réalisée une IVG trois ans auparavant avec son nouveau conjoint, lui ne souhaitant pas garder l’enfant et elle « ne supportant pas l’idée d’avoir un enfant ‘sans père’ ». Elle avait essayé de le faire changer d’avis sans y réussir. Elle avait raconté que l’IVG s’était compliquée d’une septicémie, ayant nécessité une hospitalisation de 7 mois, puis d’une stérilité. La jeune femme avait elle-même demandé une aide psychologique : « L’année après l’IVG, j’ai demandé s’il n’y avait pas un organisme qui traitait des cas comme moi […]. » Elle disait avoir enduré son IVG et son ambivalence selon un mode précis : « J’étais ambivalente, je voulais garder cet enfant mais la situation ne le permettait pas. » « Je me suis mise en refoulement pour supporter ça. » Selon les auteurs, cette jeune femme ne s’était pas sentie coupable de cette IVG : « La personne B n’exprime pas le sentiment de culpabilité mais a souffert d’un important conflit de valeurs dans cette expérience. » Elle avait d’autant plus souffert à cause de son divorce et de son vécu traumatique de l’IVG lié à de graves complications organiques : « En effet, le chevauchement de plusieurs crises peut rendre plus difficile leur résolution. » D’après les auteurs, en critiquant vivement son compagnon de l’époque, la jeune femme s’était défendue contre sa décision d’IVG : « Nous interprétons ce procédé comme un mécanisme de défense, ‘la projection’ […] Par ce mécanisme, elle place la responsabilité de la décision sur son compagnon, ce qui lui évite d’assumer d’éventuelles conséquences de la décision et de se remettre en question. » Elle s’était ainsi défendue contre son anxiété et sa conscience : « Notre analyse nous a permis de comprendre que les mécanismes de défense lui permettent de prendre ses distances avec son compagnon […], son vécu émotionnel et sa conscience. » Elle n’avait alors pas pu manifester ses affects : « Dans cette perspective, la personne ne pourra évacuer de manière constructive, les émotions qui l’habitent. Celles-ci s’exprimeront alors sous diverses formes plus destructrices, par exemple : un cancer, une 96 infection. » Sans se remettre en question, elle s’était défendue contre son peu d’estime d’ellemême : « Il apparaît que madame se protège car elle souffre d’un important manque d’estime de soi. » Et elle n’avait donc pas pu percevoir ses besoins : « Nous pensons que cette femme ne peut exprimer un besoin particulier car sa distance ne lui permet pas d’identifier un besoin. » Elle vivait un processus de deuil non résolu « encore à l’heure actuelle ». Commentaire du vécu de la deuxième femme « Le refus de porter la responsabilité de la décision d’IVG : témoin d’une souffrance de l’ambivalence de cette décision » Un an après l’IVG et ses complications organiques, la jeune femme demande une aide psychologique. Elle souffre toujours de l’ambivalence consciente de sa décision d’IVG, prise parce qu’elle ne supportait pas l’idée d’avoir un enfant sans père. Elle la refoule en faisant porter la responsabilité de sa décision d’IVG sur son compagnon de l’époque. Elle n’a pas de culpabilité. Son ambivalence est secondaire à un conflit de valeurs refoulé selon le mécanisme de défense de projection, pour se protéger de son anxiété et de son peu d’estime de soi. Elle prend ainsi une distance entre son compagnon, son vécu émotionnel et sa conscience, ce qui lui évite de se remettre en question. Par ces mécanismes, elle ne peut pas exprimer ses affects de manière constructive mais sous une forme somatique telle que le sepsis. Elle ne peut identifier ses besoins. 97 Troisième femme La troisième jeune femme de cette étude avait environ 29 ans et vivait en Suisse. Elle était enseignante et n’avait pas d’enfant. Recrutée par le biais de l’association AGAPA Suisse Romande12 où elle avait été suivie, elle acceptait un entretien semi-directif avec une étudiante infirmière dans le cadre d’un mémoire portant sur le vécu de l’IVG médicamenteuse. Elle avait réalisée une IVG deux ans auparavant sur sa décision à elle car « le couple ne s’était pas protégé lors des premiers rapports sexuels ». Elle racontait que « ça n’a pas été un choix évident mais je n’aurais pas voulu avoir cette personne dans ma vie toute ma vie ». La jeune femme racontait avoir été en colère quelques jours après l’IVG : « J’ai vu une psychologue quelques jours après, j’étais encore fâchée de tout ce qui s’était passé […]. » Elle évoquait aussi avoir rencontré cette psychologue trop tard : « […] je la regardais et je me disais que c’est un peu tard quoi, je pense qu’à la rigueur quelqu’un comme ça devrait passer au moment de l’hospitalisation. » Selon les auteurs, cette jeune femme ne semblait pas avoir eu de culpabilité ni mobilisé de mécanisme de défense suite à cette IVG : « La personne C est celle qui semble n’avoir eu aucune conséquence particulière, c’est elle aussi qui a paru avoir le moins de sentiment de culpabilité. » Elle n’avait pas été ambivalente par rapport à son choix d’IVG : « Elle exprime clairement sa décision d’avorter et assume son choix. Elle ne semble pas vivre un conflit particulier. » Elle n’avait pas manifesté de manque d’estime d’elle-même et n’avait pas été déstabilisée par cette expérience : « Nous pouvons en conclure que la qualité de son estime de soi lui permet de vivre l’expérience plus sereinement. » Commentaire du vécu de la troisième femme « Colère, acceptation du choix d’IVG et sérénité : témoin d’une bonne estime de soi » Quelques jours après l’IVG qu’elle a décidée seule, la jeune femme ressent de la colère vis-à-vis de son avortement, elle rencontre aussi la psychologue…trop tard selon elle. Elle aurait préféré la voir pendant l’hospitalisation. Elle n’exprime pas de culpabilité, assume son choix d’IVG et vit cette expérience sereinement. Elle ne mobilise pas de mécanisme de défense contre un conflit particulier. Elle n’est pas troublée par son IVG parce qu’elle a une bonne estime de soi. 98 3.4.24 Synthèse du document n° 24 : Anna (38) « Un conte pour soigner. Accompagnement d’une personne ayant subi un avortement dans un contexte de chantage affectif » Anna avait 25 ans et vivait en France. Elle était célibataire, n’avait pas d’enfant et travaillait comme secrétaire. Elle acceptait un entretien avec l’infirmière de psychiatrie, service dans lequel elle avait été hospitalisée à la demande de son médecin traitant pour un état dépressif réactionnel à une rupture sentimentale. Elle avait réalisé un avortement quelques semaines auparavant, dans le contexte suivant : « un jour, elle apprend qu’elle est enceinte. Elle a l’espoir, à ce moment-là, que le comportement de son amant va changer et qu’il va clarifier enfin la situation. » Celui-ci l’avait alors accusée de vouloir utiliser cet enfant pour faire pression sur lui, semblant « projeter sur elle sa propre manière de se comporter ». Il lui avait fait subir un chantage affectif : « […] qu’elle avorte, ‘sinon il se chargera bien de faire savoir à son enfant qu’il n’est qu’un bâtard et il saura le détruire à petit feu’ ». Elle avait raconté comment, deux auparavant, elle avait été l’objet des assiduités de son patron, qui était devenu par la suite son amant en lui promettant de divorcer pour elle. Elle avait évoqué l’isolement social, la souffrance et la baisse de sa créativité artistique qui s’étaient ensuivis à cause cette relation et de la personnalité de cet homme : « Il a manifesté un comportement manipulateur et destructeur très caractéristique, exerçant sur elle un contrôle, l’amenant à se couper de ses amis ainsi que de sa famille. » « Une autre caractéristique du comportement pervers et manipulateur est qu’il manie sans cesse le chaud et le froid. […] ‘Tu n’as aucune valeur à mes yeux, mais je ferai tout pour te garder.’ » Durant son hospitalisation, Anna recherchait un dialogue avec l’infirmière : « […] elle entre dans le bureau infirmier et s’assoit près de moi. » Elle lui exprimait alors son sentiment d’imperfection : « Je me suis toujours sentie nulle… Ma sœur aînée était la perfection incarnée pour mes parents, alors que moi… Il y avait toujours quelque chose à redire quoi que je fasse… » Anna racontait avoir pris conscience de la dureté de son amant et de la nécessité de s’en séparer dans les suites de son avortement : « À ce moment-là, j’ai réalisé l’étendue de sa cruauté, je me suis rendue compte que le quitter était une question de survie pour moi. » Elle l’avait alors abandonné : « Son amant essaye de reprendre contact avec elle, mais elle ne répond pas à ses appels. » Elle retraçait ensuite l’isolement qui avait suivi son IVG : « Elle a 99 trois semaines de congés avant de déménager vers son nouveau travail. Elle reste enfermée chez elle, seule, […] ». Anna était très émue en exposant son histoire : « Tout en me racontant les circonstances de cet avortement, elle pleure sans discontinuer. » Par ailleurs, elle refusait de prolonger l’hospitalisation : « Le problème est qu’elle ne souhaite pas rester à l’hôpital […]. » Elle acceptait alors l’idée de l’infirmière de lui écrire un conte thérapeutique : « Je parle à Anna Martin du conte que je souhaite écrire pour l’aider et elle l’accepte. » Plusieurs mois plus tard, Anna remerciait l’auteur pour ce conte : « Ce conte que vous avez écrit pour moi m’a beaucoup aidée. » Grâce à celui-ci, la jeune femme changeait son regard sur sa vie qu’elle qualifiait jusqu’alors de terrifiante : « Ma vie n’était qu’un cauchemar noir, rempli de sentiments de culpabilité et de désespoir, et soudain j’ai vu ma propre histoire avec un autre sens. Elle devenait belle, pleine de couleurs et d’amour. Et j’ai réalisé qu’elle était vraie. » Elle extériorisait sa souffrance au moyen de cette histoire : « Ce conte a été comme une main douce qui est venue toucher la douleur de mon cœur et lui a permis de sortir. » Elle se sentait alors libérée et en paix avec elle-même : « J’ai beaucoup pleuré, mais c’étaient des larmes de délivrance, comme des larmes de réconciliation avec moi-même. » Anna ressentait désormais un bien-être dans sa vie privée et professionnelle : « Aujourd’hui, je vais bien dans ma nouvelle vie. J’ai de nouveaux collègues. Dans ce boulotci l’ambiance n’a rien à voir avec l’ancien, c’est sympa. Et puis surtout, j’ai rencontré quelqu’un, un garçon de mon âge très gentil qui me respecte et qui m’aime. J’ai droit à une nouvelle chance. » Selon l’auteur, Anna se dérobait face aux soignants : « À son arrivée, elle se montre très secrète. […] Nous faisons des tentatives d’approche, mais elle fuit le contact. » Elle avait besoin d’un certain temps avant de pouvoir s’exprimer : « Les quelques jours d’hospitalisation lui ont probablement permis d’évaluer notre capacité d’accueil. Ils l’ont amenée à se sentir suffisamment en confiance pour commencer à parler de son vécu intérieur. » De plus, Anna avait une faible estime d’elle-même et peu de confiance en elle comme l’auteur le décrivait dans son conte thérapeutique intitulé ‘Gaïa, la petite libellule qui s’ignorait elle-même’ : « Qui donc pourrait l’aimer, elle qui était si imparfaite ? » A travers le conte thérapeutique, l’auteur montrait chez Anna son désespoir et sa culpabilité d’avoir choisi un tel père pour son enfant, son désir de le protéger en avortant, et la souffrance de cette IVG : « […] Gaïa, qui dès sa conception avait ressenti un amour immense 100 pour cet œuf, sentit son cœur se briser. » A travers cette douleur, elle prenait conscience de sa relation destructrice : « […] l’épreuve qu’elle a vécue lui ouvre les yeux et engendre un nouveau comportement chez elle : la capacité de prendre de la distance par rapport à la situation et de la regarder avec lucidité. » D’après l’auteur, elle se rendait compte de la nécessité de rompre cette relation, ce qu’elle fit et « aussitôt, elle ressentit un grand manque douloureux, comme si elle s’amputait d’une partie d’elle-même. Elle avait vécu avec ces liens depuis si longtemps… Mais en accomplissant cet acte, elle savait qu’elle se sauvait ellemême… » Anna culpabilisait d’avoir avorté : « Au fur et à mesure qu’Anna Martin me raconte son histoire, un élément m’apparaît évident : elle ne se pardonne absolument pas d’avoir avorté. » Et elle se dépréciait encore plus : « La culpabilité est quasiment toujours présente […]. Le regard que l’on porte sur soi peut devenir très sévère, portant atteinte à l’estime de soi. Il y a pourtant là un deuil qui revendique son expression. » En effet, elle avait besoin de faire le deuil de son avortement et de l’enfant avorté : « Il est non seulement légitime, mais surtout nécessaire pour permettre à la jeune femme d’intégrer cet avortement dans son histoire, sans qu’il devienne une zone d’ombre dont elle n’osera jamais parler. Sa blessure a besoin d’être reconnue afin qu’elle puisse se cicatriser. » Elle nécessitait un accompagnement pour ce processus rendu difficile : « Régulièrement, du fait de la culpabilité ressentie, le secret entoure un tel deuil et gêne son expression. » Anna manifestait alors un syndrome dépressif caractéristique. Elle était traumatisée par son histoire : « C’est une douloureuse histoire d’amour impossible… impossible à vivre entre cet homme incapable d’amour et une jeune fille sans amour pour elle-même… impossible à exprimer pour une mère égarée envers son enfant non advenu… » A l’aide d’un entretien unique, sans jugement et avec empathie du soignant, puis par la lecture autonome du conte thérapeutique, Anna réussissait à exprimer des émotions refoulées : « L’entretien lui a permis de mettre au jour sa blessure profonde, d’ouvrir la porte à des émotions verrouillées liées à un deuil compliqué. C’est grâce à cet entretien que, en écho à son vécu émotionnel, j’ai pu écrire un conte répondant à ses besoins. » Elle intégrait l’épreuve vécue dans son histoire et lui donnait un sens : « […] en contribuant à clarifier son vécu pour lui donner un sens, le conte a été un moyen pour elle de parvenir à se déculpabiliser et ainsi à restaurer son estime d’elle-même. » Ainsi, Anna réussissait à mieux se connaître et se respecter : « Dans son cœur, il y a, à jamais, une place particulière et pleine d’un amour incommensurable, pour ce premier œuf qui, dans l’épreuve vécue, lui permit de naître à elle-même… » 101 Commentaire du vécu d’Anna « Souffrance et prise de décision, culpabilité et deuil difficile » Anna fuit d’abord le contact avec les soignants, elle a besoin de plusieurs jours pour se sentir en confiance. Puis elle recherche le dialogue avec l’infirmière et exprime son vécu. Depuis son IVG secondaire à un chantage affectif, elle vit dans un cauchemar, dans la culpabilité de cet avortement, dans la douleur. Cette épreuve lui fait prendre conscience de sa relation destructrice avec son amant et de la nécessité vitale de rompre le lien avec lui. Elle le quitte, elle ressent un grand manque douloureux, s’isole et souffre d’une dépression. Sa culpabilité de l’IVG aggrave un manque d’estime de soi qu’elle a toujours eu. Elle rend difficile la réalisation du deuil de l’avortement et de l’enfant avorté, l’intégration dans sa vie de ce traumatisme d’une histoire d’amour impossible entre elle et son amant, entre elle et son enfant. 102 3.4.25 Synthèse du document n° 25 (39)(40) « L’avortement : une déviance légale » Barbara Barbara avait 34 ans. Elle vivait en France avec son mari et ses deux enfants. Elle était comptable. En raison de sa demande d’interruption de grossesse de 6 semaines, elle réalisait l’entretien psycho-social pré-IVG obligatoire avec une conseillère conjugale. Celle-ci retranscrivait cet entretien ouvert dès la fin de la rencontre et de mémoire, dans le but de réaliser une étude qualitative sur le rapport des femmes à la déviance, selon l’hypothèse que décider d’une IVG est moralement critiquable et/ou critiqué. Barbara n’était pas informée de cette étude. Par ailleurs, elle avait réalisé une première IVG quinze ans auparavant, suite à son premier rapport sexuel sans contraception. Barbara vivait cette deuxième IVG différemment de la précédente, c’est-à-dire sans culpabilité : « Je ne vis pas du tout cette IVG comme la première ! Je ne culpabilise pas du tout !» dit-elle. Selon l’auteur, Barbara changeait son regard sur cette décision de seconde IVG : « Aujourd’hui, elle donne un sens différent à une même décision […]. » Elle ne culpabilisait pas, contrairement à la première fois : « A l’époque, les conséquences de son insouciance ont entraîné une grande culpabilité. » Commentaire du vécu de Barbara « Répétition de la décision d’IVG sans répétition de la culpabilité » Barbara vit son second choix d’IVG différemment du premier, sans culpabilité. Elle lui donne un autre sens. 103 Michèle Michèle avait 20 ans. Elle vivait en France, en couple, et elle n’avait pas d’enfant. Elle était étudiante en DEUG 2 de lettres. En raison de sa demande d’interruption de grossesse de 3 semaines, elle réalisait l’entretien psycho-social pré-IVG obligatoire avec une conseillère conjugale. Celle-ci retranscrivait cet entretien ouvert dès la fin de la rencontre et de mémoire, dans le but de réaliser une étude qualitative sur le rapport des femmes à la déviance, selon l’hypothèse que la décision d’IVG est moralement critiquable et/ou critiqué. Michèle n’était pas informée de cette étude. Elle avait auparavant réalisé deux IVG. Michèle regrettait que l’IVG ne soit pas considérée comme un acte moral : « Pour elle, l’IVG n’est pas encore entrée ‘dans les mœurs légales’ ». Elle ne ressentait rien à l’égard de son IVG : « Elle souhaiterait que les femmes qui ont avorté sortent du silence et ‘témoignent pour expliquer que ce n’est rien’. » Néanmoins, elle exprimait son malaise lié au regard des autres sur elle : « […] certains interlocuteurs se préoccupent parfois de savoir si elle ne souffre pas trop moralement. Si sa réponse est positive, elle sait que la conversation repose sur un quiproquo. Si elle ressent un malaise, c’est uniquement à cause du regard des autres. » Et elle culpabilisait de son propre vécu : « Ces questions et attitudes l’amènent à se demander si son insensibilité par rapport à l’IVG est normale et elle en arrive à ‘culpabiliser de ne pas culpabiliser’. » D’après l’auteur, Michèle représentait un cas inhabituel car elle était la seule femme de l’étude à décider d’une troisième IVG : « Un cas de figure atypique est, en effet, repérable parmi les quatre-vingt neuf entretiens analysés. » Par cette répétition d’avortement, elle pouvait prendre de la distance vis-à-vis du comportement de ses proches : « Cette exposition répétée […] l’amène à considérer avec recul les réactions de son entourage, ainsi que celles de certains membres du corps médical. » Michèle constatait la condamnation morale de l’IVG, faisant de cet acte légal une déviance morale : « Elle souligne […] la stigmatisation morale qui accompagne souvent l’application du droit à avorter. » Elle combattait les attitudes des autres : « Elle a dû lutter aussi bien contre la réprobation que contre la compassion d’autrui. » Selon l’hypothèse de l’auteur, Michèle vivait l’IVG de manière différente au fur et à mesure de ses avortements : « On peut émettre l’hypothèse que l’expérience de plusieurs avortements entraîne une évolution des positions des femmes concernées par rapport à ce type de déviance. » 104 Commentaire du vécu de Michèle « Insensibilité, absence de culpabilité et recul sur le regard stigmatisant de l’autre : témoin d’un vécu de répétition » Seule femme de l’étude à demander une troisième IVG, Michèle est insensible vis-à-vis de ses IVG et n’en culpabilise pas. Elle regrette la stigmatisation morale de l’IVG et le regard de l’autre qui ne la met pas à l’aise, et qui l’amènent à culpabiliser de ne pas culpabiliser. Elle combat ces regards de réprobation ou de compassion. Selon l’auteur, chacune de ses IVG est vécue différemment et cette répétition lui donne du recul sur les réactions de son entourage. 105 4. Discussion 4.1 Type de l’étude L’exploration du vécu psychique après l’IVG a initialement été envisagée sous forme d’une recherche primaire supposant la réalisation d’entretiens avec des femmes ayant eu une IVG dans les centres d’Angers ou de Tours. Les démarches auprès des soignants ont révélées des obstacles éthiques et méthodologiques. Le thésard s’est alors tourné vers la recherche secondaire pour réaliser une synthèse en recherche qualitative (9). Cette recherche se rapproche de la méta-ethnographie selon le terme de Frappé, de la métasynthèse descriptive selon celui de Beaucher qui la définit comme « une synthèse de résultats de recherches qualitatives, mais dont l’objectif consiste en une analyse compréhensive d’un phénomène donné » (9)(10). Elle suit une méthode rigoureuse : échantillonnage des études qualitatives, recueil des données brutes de chacune d’entre elle, codage et analyse thématique de ces données pour ensuite tenter de comprendre le vécu étudié (10). Cette recherche se différencie néanmoins de la métasynthèse par son échantillon qui ne se constitue pas seulement d’études standardisées5 (10). [Annexe II] 4.2 Critique des résultats de la méthode 4.2.1 Identification et sélection du matériel Identification et inclusion 4.3% du matériel identifié a été inclus. L’échantillon de documents est de petite taille par rapport à la quantité initiale de matériel au risque de paraître insuffisant. Pourtant, l’ensemble des bases de données et des mots-clefs est exhaustif. Le large critère d’inclusion a nécessité le choix de nombreux critères de non-inclusion impliquant une lecture du texte intégral des documents pour être repérés. Le résultat de cet échantillonnage démontre le faible nombre de publications sur le thème du vécu psychique de la femme après l’IVG. 106 Exclusion Près de la moitié des documents ont été exclus de l’étude parce que leurs auteurs n’avaient pas eu d’entretien avec la femme ou n’avaient pas rapporté leur discours. 25 documents ont finalement été conservés. L’échantillon déjà petit est réduit par ces critères d’exclusion. Néanmoins, ceux-ci permettent de s’assurer de la réalité des échanges verbaux. Cette démarche d’exclusion suit les recommandations de Beaucher pour les métasynthèses sur la nécessité d’étudier le discours de la population : « Il est important que les résultats des études primaires soient explicitement supportés par du contenu manifeste, par exemple des citations des participants. » (10) 4.2.2 Evaluation de la qualité du matériel Critère de qualité : la méthodologie du document La qualité des documents a d’abord été évaluée selon leur méthodologie. Le matériel est constitué de 15 études de cas6, 10 entretiens cliniques7, et 2 études standardisées5. Ce résultat montre que peu de documents suivent une méthodologie pré-établie et qu’ils n’ont pas une qualité scientifique authentifiée. L’étude ne répond pas à une des conditions requises pour être une métasynthèse (10). Cela ne signifie pas pour autant que les études de cas et les entretiens cliniques sont de mauvaise qualité. Pour l’estimer, un autre critère a été recherché et trouvé dans la forme de discours utilisée par les auteurs pour rapporter les propos de la femme. Critère de qualité : la forme du discours La majorité des documents contenait du discours indirect libre10 associé à du verbatim/discours direct8. L’utilisation de verbatim dans les documents empêche la confusion entre l’expression de la femme sur son vécu et l’interprétation qu’en a faite l’auteur. L’existence de discours indirect libre peut en revanche provoquer ce biais d’interprétation. Cependant, la prise en compte de ce risque conduit à un repérage attentif du discours indirect libre à la lecture du document pour mieux en extraire l’expression des femmes sur leur vécu. 107 4.2.3 Recueil des caractéristiques des documents Revue de publication et profession de l’auteur La plupart des documents sont des articles qui ont été publiés dans des revues spécialisées en psychanalyse ou des revues de sciences humaines multidisciplinaires. Leurs auteurs étaient surtout psychanalystes ou psychologues, mais également conseillers conjugaux, pédopsychiatres, infirmières ou gynécologue-obstétricien. Ceux-ci ont recueilli des informations lors de leur travail puis les ont choisies dans un deuxième temps comme données de recherche présentées sous forme d’études de cas6 ou d’entretiens cliniques7. Cette démarche explique l’absence de protocole de recherche (41). Elle indique également l’existence d’un biais de sélection parce que les femmes étudiées ne sont pas représentatives de la population générale qui a vécu une IVG. Néanmoins, la nature même de ces entretiens permet une relation de confiance et une connaissance de la femme plus solides que ne le permettrait une recherche standardisée. Le psychothérapeute est capable de mieux décrire l’élaboration de la pensée de la femme, de l’analyser à partir de son expérience professionnelle, et d’ouvrir à une compréhension plus fine de son vécu psychique. Celui-ci est d’autant mieux exploré qu’il est appréhendé par différentes disciplines. Titre des documents Les titres des documents sélectionnés sont pour la plupart sans rapport avec le thème du vécu psychique de la femme après l’IVG. Le repérage des éléments de ce vécu comporte des difficultés avec un risque de biais d’interprétation lors du recueil de données. La prise en compte de ce risque conduit à une lecture attentive de la chronologie de l’histoire de la femme pour mieux en distinguer et en extraire le vécu avant et celui après l’IVG. 108 4.2.4 Analyse des données Codage, analyse et synthèse thématiques L’analyse des données consiste en un codage et un repérage thématique du vécu psychique après l’IVG de chaque femme. L’analyse expose au risque d’interpréter la partie « expression de la femme sur son vécu psychique », et celui de mal comprendre la partie « interprétation de l’auteur sur cette expression ». Afin d’éviter ce biais, elle nécessite un double codage du recueil de données et une compréhension du langage spécifique souvent employé par l’auteur pour dégager des thématiques. Celles-ci sont ensuite réunies en une synthèse qui intègre l’histoire de la femme et respecte la chronologie du récit de l’auteur. Pour répondre à la question de recherche, chaque synthèse est suivie d’une analyse compréhensive ciblée sur le vécu post-IVG de la femme. Comme l’indique Denans, « l’étude de cas relève comme toute démarche clinique de l’expérience personnelle, ce qui implique une forme de limitation quant à la généralisation de l’étude à partir d’un cas » (12). 4.3 Critique des résultats de l’analyse Le regroupement des analyses compréhensives individuelles tente de dégager des thématiques du vécu psychique post-IVG. Il faut noter que celui-ci ne concerne que des femmes ayant eu des entretiens psychothérapiques ce qui constitue une population à plus haut risque de souffrance psychique. 4.3.1 Conflit relationnel intrafamilial Chez plusieurs femmes, l’IVG est le point de départ d’un conflit relationnel. Les tensions familiales de Léa avec son père, qui accepte mal la sexualité de sa fille, se compliquent d’une anorexie mentale. L’opposition de Fatia avec ses parents, qui l’ont culpabilisée de sa grossesse, ont décidé de son IVG et ont forcé la séparation avec son ami, se complique de conduites sexuelles à risque et d’alcoolisations fréquentes. Luna se sent incomprise et souffre d’être persécutée par ses parents dont la culpabilité de la grossesse et de l’IVG de leur fille amène à exprimer le secret de son inceste. 109 Le conflit relationnel montre la fragilité du sentiment d’identité de ces adolescentes et révèle un malaise des parents face à la sexualité de leur fille pouvant aller jusqu’à nier sa subjectivité. L’étude rétrospective de Cougle montre une prévalence de difficultés relationnelles plus importante après l’IVG qu’après l’accouchement (42). Mytnik écrit que « la survenue impromptue d’une grossesse, suivie de la décision d’interruption, peuvent venir s’inscrire dans les rouages de configurations psychiques individuelles et familiales » (43). On peut supposer que l’IVG soulève un questionnement de l’adolescente et de ses parents sur la sexualité, la fécondité et l’identité mis en évidence sous forme de tensions familiales post-IVG. La prise en compte par le praticien de l’histoire et des relations familiales de la jeune fille ayant ou allant réalisé une IVG pourrait aider celle-ci à énoncer ses interrogations et ses difficultés propres à son adolescence. 4.3.2 Mal-être et culpabilité Mal-être Un certain nombre de femmes ressentent un mal-être après leur IVG. Il se manifeste par une boulimie chez Julie, une dépression ou une souffrance chez Fatia, Sarah et une autre jeune femme. Il se caractérise également par une douleur et une vie de cauchemar chez Anna, une tristesse, un découragement, une anxiété chez une autre jeune femme, de la colère chez une autre encore. L’évocation d’une IVG ancienne peut provoquer un ressentiment : Geneviève garde une rancœur envers son mari et Madame T. exprime honte et haine à son souvenir. Culpabilité Un certain nombre de femmes expriment une culpabilité après leur IVG. Julie se sent coupable d’avoir tué un enfant à cause du fantasme d’infanticide. Une femme pense avoir enlevé un enfant à Dieu. Nouria culpabilise d’avoir commis une faute morale interdite par sa religion. Michèle ressent une culpabilité à la réminiscence de son IVG. Anna se sent coupable de son IVG et une autre femme culpabilise parce qu’elle avorte pour la deuxième fois. Certaines femmes comme Michèle n’ont pas de culpabilité. Celle-ci est insensible à ses IVG passées et combat le regard de son entourage sur son acte. Barbara ne se sent pas coupable en décidant de sa deuxième IVG, à la différence de la première fois. Une autre d’entre elles vit sereinement après l’IVG. 110 Le mal-être et le vécu de culpabilité de l’IVG révèlent une ambivalence ou un désaccord conscients ou inconscients avec la décision d’IVG. Ils témoignent aussi d’une fragilité identitaire par l’existence d’un lien fusionnel avec la mère, d’une blessure narcissique depuis l’enfance, d’un manque d’estime de soi ou d’une absence du sentiment maternel. La sérénité et l’absence de culpabilité après l’IVG montrent un choix assumé, une bonne estime de soi ou un recul sur les réactions de l’entourage qui serait permis par l’expérience de plusieurs avortements. Ces constatations peuvent être mises en rapport avec l’étude prospective de Cougle montrant un taux d’anxiété généralisée plus élevée après une IVG qu’après l’accouchement d’une grossesse non désirée (44). L’étude prospective de Broen montre une prévalence de culpabilité plus élevée après l’IVG qu’après la fausse-couche (45). Bianchi-Demicheli souligne que les sentiments des femmes après l’IG peuvent être positifs et négatifs (46) et l’étude longitudinale de Major précise que l’estime de soi après l’IVG augmente avec les années (47). Melo écrit : « Ce qui centre mon attention est la dérive pathologique de l’ambivalence, masquée parfois par des rationalisations de surface. J’ai dû apprendre à anticiper les risques dépressifs et d’effondrement narcissique […] il m’a fallu apprendre à être très attentif aux conséquences psychiques de la décision qui était officiellement écartée. » (22) On peut supposer que le moment de décision de l’IVG soulève un conflit psychique qui serait mis en évidence après l’IVG sous forme de mal-être et culpabilité. En pratique, le soignant pourrait essayer de prévenir l’apparition de ce vécu lors de consultations de demande d’IVG où il aiderait la femme à problématiser son choix, à envisager les pertes qui l’accompagnent quel qu’il soit. 4.3.3 Troubles du comportement et troubles psychiatriques Violence Depuis son IVG forcée, Julie souffre de passages à l’acte violent où elle maltraite ses patients et détruit ses propres œuvres d’art. Troubles de la conduite alimentaire Plusieurs femmes souffrent de troubles du comportement alimentaire dans les suites de leur IVG. Léa développe une anorexie mentale, Julie voit réapparaître les troubles 111 boulimiques de son enfance, Cécilia, aux antécédents d’anorexie pendant l’adolescence, consulte pour l’apparition de boulimie et de vomissements. Mélancolie et psychose Madame B. souffre d’une mélancolie délirante chronique dont les auto-accusations de crimes imaginaires et peut-être la négation d’organe sur la thématique du déchet sont en lien avec l’IVG réalisée il y a bien longtemps. Deux femmes souffrent d’une psychose survenue plusieurs mois après leur IVG. Esther a un vécu d’angoisses et d’idées obsédantes sur la sexualité avec des accès de déréalisation. Nouria développe une psychose puerpérale autour de son troisième accouchement. Les passages à l’acte violent et l’IVG qui les précède témoignent d’une violence intérieure liée à un déséquilibre œdipien. Les troubles de la conduite alimentaire et l’IVG qui les précèdent témoignent d’un conflit psychique entre le besoin et le rejet de devenir femme et mère et révèlent une difficulté de séparation avec la mère. La mélancolie délirante chronique et l’IVG qui la précède témoignent de celle de se séparer de l’objet qui la représente dans le désir de l’Autre. Le processus psychotique et l’IVG qui la précède soulignent l’existence d’une angoisse de la maternité ou d’une absence du sentiment maternel issues l’une et l’autre d’une fragilité de l’identité sexuée. L’étude rétrospective de Coleman calcule une prévalence de troubles psychotiques plus importante après l’IVG qu’après l’accouchement (48). « Ces grossesses que j’ai nommé grossesses-symptôme tentent au moins momentanément de faire une sorte d’économie de la perte (au sens large) par le lien à la chair qu’elles permettent (pas seulement lors de difficultés du deuil mais aussi bien lors de problématiques liées à la séparation etc.)[…] la grossesse-symptôme suivie de son interruption, vient en réponse à un trauma non résolu. » (43) A l’instar de ces troubles et du sentiment de mal-être et de culpabilité décrit dans le paragraphe précédent, le passage à l’acte de l’IVG serait le témoin d’une fragilité identitaire, d’un manque d’estime de soi. Il semblerait aussi favoriser l’apparition des troubles comportementaux ou psychiatriques. Avant ou après l’IVG, le soignant pourrait tenter d’appréhender ce qu’elle vient questionner sur son sens, sur l’identité de la femme et sur l’existence d’un passé traumatique. 112 4.3.4 Choix d’un nouveau projet de vie Pour deux femmes, le choix de l’IVG est suivi d’une seconde prise de décision. Il provoque chez Madame M. le soulagement, le secret de cet avortement et le choix angoissé d’interrompre sa vie conjugale. Il entraîne chez Anna une douleur qui l’amène à prendre conscience de sa relation destructrice avec son amant et la décide à rompre avec lui. Cette prise de décision révèle une problématique du choix pouvant être lié à un conflit relationnel phobique avec autrui. On peut supposer que l’épreuve du choix ou du vécu de l’IVG réactive celle d’une souffrance dans le couple qui semblerait trouver une issue après l’IVG dans la décision de rupture conjugale En pratique, le soignant pourrait rechercher chez la femme ayant ou allant réaliser une IVG l’existence d’une souffrance personnelle en attente d’énonciation et réactivée par la situation. 4.3.5 Vécu de perte Plusieurs femmes ressentent une perte après l’IVG. Madame A. manifeste le syndrome de l’enfant de remplacement lié à son IVG forcée il y a 28 ans. Michèle exprime une culpabilité à la réminiscence de son IVG d’il y a 10 ans alors qu’elle se questionne sur le statut de son fœtus malade. Anna vit son avortement non désiré puis sa séparation conjugale dans la douleur, la culpabilité et la dépression. Ce vécu de perte témoigne de l’existence d’un deuil périnatal non résolu où la perte est difficile à intégrer dans l’histoire personnelle. Il peut durer de nombreuses années au point d’être responsable de deuils transgénérationnels. Melo écrit qu’une « IG, même volontaire, nécessite un travail d’élaboration d’un deuil complexe […] le deuil de cet enfant qui ne naîtra jamais ; le deuil de la grossesse qui a été interrompue ; le deuil de soi comme mère de cet enfant-là ; et aussi le deuil de soi comme enfant réincarné, dans une sorte de projet d’auto-engendrement. » (22) 113 On peut supposer que le vécu de perte est d’autant plus intense que le désir d’enfant13 est grand. En essayant d’évaluer ce désir d’enfant13 de la femme, le soignant se rendrait mieux compte de l’intensité du deuil périnatal et pourrait proposer un accompagnement plus ciblé. Ce deuil pourrait aussi être repéré à l’occasion d’un autre évènement de fécondité où « il n’est pas rare de retrouver une ancienne IVG […] qui n’aura jamais été évoquée par la femme et se sera cristallisée comme un élément traumatique au sein de sa fécondité globale et de son expérience de maternité. » (43) 4.3.2 Besoin d’accompagnement psychologique Demande d’accompagnement psychologique Chez plusieurs femmes, l’IVG est suivie d’une demande d’accompagnement psychologique. Ainsi, pour Léa, Julie, Sarah et une autre jeune femme, cette demande est motivée par l’IVG qu’elles ont réalisée. Madame M. et Clémentine souhaitent continuer le suivi débuté en consultation pré-IVG. Cécilia consulte pour une boulimie, une autre jeune femme pour une dépression, des malaises répétés et une tendance à l’alcoolisation. Ambivalence à accepter un suivi psychologique Plusieurs femmes expriment une hésitation avant d’accepter un accompagnement psychologique. Fatia interrompt brutalement le suivi. Justine est indécise à accepter un entretien pour sa demande de troisième IVG. Une jeune femme refuse de rencontrer une psychologue après sa première IVG puis pendant sa deuxième IVG. Une femme refuse sans ambivalence le suivi précisant que la psychologue n’était utile que pendant l’hospitalisation. L’ambivalence d’accepter un suivi psychologique peut témoigner en cas de refus, d’une autopunition, d’un déni ou d’une obéissance à l’interdiction parentale. Elle peut révéler 13 « Le désir d’enfant peut se décliner comme une combinaison variable de trois composantes : 1) Narcissique : l’enfant est la réincarnation d’un soi-même vierge, une renaissance. 2) Objet narcissique : l’enfant remédie au manque ou au sentiment d’incomplétude. C’est un autre pour Soi, un objet subjectif. 3) Objet objectal : l’enfant de la mère, du père, de l’Autre. (22) 114 l’existence d’un conflit psychique, d’un désir en attente d’élaboration, d’un besoin de soutien lié à l’IVG. En pratique, le soignant devrait être vigilant sur le besoin de la femme d’être écoutée après l’IVG. On suppose qu’il pourrait plus facilement le repérer et le prendre en charge au sein d’une relation de confiance préalablement établie telle qu’une relation médecin traitantpatient. 4.3.7 Psychosomatisation Symptômes Les symptômes sont une boulimie chez Julie, un syndrome de l’enfant de remplacement chez Madame A., des alcoolisations massives et ponctuelles chez une jeune femme, une dépression et des malaises chez une autre femme. Leur lien avec l’IVG peut être révélé par leur manifestation à une date symbolique de la vie de ces femmes : Julie consulte pour sa boulimie neuf mois après son IVG, une jeune femme constate avec surprise la coïncidence entre l’apparition de sa dépression et des malaises et la date de naissance présumée de l’enfant non advenu. Fatia tombe dans un coma éthylique et apprend sa deuxième grossesse issue d’une relation passagère et alcoolisée autour de la date anniversaire de son IVG. Difficultés à parler et secret de l’IVG Plusieurs femmes ont des difficultés à parler de leur IVG. Julie et une autre jeune femme n’expriment verbalement aucune émotion à propos de leur IVG mais souffrent d’un mal-être. Nouria, deux jeunes femmes et Fatia abordent difficilement le sujet de leur avortement survenu il y a un an ainsi que Madame T. à propos de son IVG réalisée il y a huit ans, Madame A. sur son IVG datant de vingt-huit ans, Anna et une autre femme sur leur IVG faite il y a plusieurs mois. Cette difficulté à parler de l’IVG peut s’expliquer chez certaines d’entre elles, comme Nouria, par leur décision de la garder secrète. D’autres femmes comme Antoinette et Michèle n’ont pas de difficulté pour aborder le sujet de leurs deux IVG passées. La difficulté à parler de l’IVG peut entraîner l’apparition de symptômes psychosomatiques tels que les alcoolisations qui sont ici des tentatives pour remplacer le manque du bébé ou pour oublier le souvenir douloureux d’une IVG non désirée ayant porté 115 atteinte à la féminité. Ce silence de la femme peut s’expliquer par le sentiment de culpabilité d’avoir transgressé un interdit. Dans l’étude rétrospective de Coleman, cette addiction a une prévalence plus élevée chez les parturientes ayant un antécédent d’IVG que les autres femmes enceintes (49). Pour Mytnik, ce silence serait aussi lié à la banalisation de l’IVG et la notion d’une évidence de droit : « La souffrance de la femme qui a choisi l’IVG serait comme indécente, honteuse, elle semble frappée d’un interdit qui ressemble à un prix à payer. C’est une partie de cet envers du ‘droit à l’IVG’.» (43) La solution pour lever ce silence consisterait donc à créer des espaces de parole et d’accompagnement dans l’après-IVG : « Enfouissement et banalisation sont devenus des formes plus affirmées du système défensif inconscient. L’IVG de non droit est devenue l’IVG de non lieu, je m’explique : il n’y a pas de lieu psychique collectif pour l’IVG. » (43) 4.3.8 Ambivalence de la demande répétée d’IVG Certaines femmes vivent une autre grossesse après leur IVG. Fatia tombe enceinte au cours d’une relation passagère et alcoolisée et a le sentiment d’en être responsable tout en y étant indifférente. Elle se sent ensuite coupable de sa décision secrète de seconde IVG, ne l’assume pas et la fait valider par sa mère par le biais d’un acte manqué. Michèle est enceinte dix ans après son IVG et est confrontée à une proposition d’IMG qui provoque un questionnement sur le statut enfant ou objet du fœtus, une réminiscence de son IVG et de sa culpabilité, puis une décision d’IMG. Plusieurs femmes sont indécises quant-à la réalisation de leur deuxième ou troisième IVG. L’ambivalence face à la demande répétée d’IVG et donc à la grossesse répétée révèle l’existence d’un conflit psychique notamment lié à un questionnement identitaire ou à un sentiment de manque, et tenté d’être résolu par une grossesse. Selon Mytnik, ce conflit psychique conduit la femme à répéter le cycle grossesse-IVG : « les tentatives de réparations magiques, de déni de la mort […] emmènent parfois la femme vers des dérives psychopathologiques où elle finit par s’engluer dans une souffrance qui ne trouve pas d’issue, sinon celle du symptôme qui se répète en boucle. » (43) Selon Melo, la répétition d’IVG est secondaire à un manque d’historicisation de la grossesse : « Il y a danger de construction d’un non évènement psychique, d’un secteur clivé du reste de l’histoire de la jeune fille, avec le risque d’une répétition automatique de ce comportement. » (22) On peut 116 donc supposer que la répétition d’IVG est liée à la mauvaise intégration de celle-ci dans l’histoire de la femme et à un manque d’élaboration du conflit psychique. En pratique, l’entretien pré-IVG, qui n’est plus obligatoire, trouverait particulièrement sa place dans le cadre des demandes d’IVG répétées. Il permettrait d’élaborer les désirs inconscients de grossesse et d’enfant13. La difficulté réside dans l’acceptation de la femme à participer à cet entretien mais aussi dans le manque de temps : « […] la temporalité de l’avortement n’est pas uniquement celle de l’urgence de la décision à prendre. La temporalité de l’avortement est aussi celle d’une mémoire particulière -l’inconscient- dont les données ne sont pas directement accessibles à la conscience mais font pourtant les agissements de nos vies. » (50) 117 5. Conclusion Cette étude explore le vécu psychique de la femme après l’IVG par une synthèse de la littérature qualitative francophone en psychologie dont la méthodologie se rapproche d’une métasynthèse descriptive. Parmi les documents identifiés, 4.3% ont été inclus dans l’étude montrant le peu de publications scientifiques sur ce thème. Les critères d’exclusion ont permis de sélectionner les articles dont l’auteur avait rencontré la femme et rapporté les propos. Le vécu post-IVG a été appréhendé à travers le regard de vingt-cinq professionnels par l’analyse de leurs entretiens cliniques et études de cas concernant trente femmes. Celles-ci ont un risque de souffrance psychique plus important que la population générale ce qui entraîne un biais de recrutement pour cette recherche. Le regroupement des analyses compréhensives individuelles a permis de dégager des thématiques pour décrire ce vécu. La femme peut vivre un sentiment de mal-être ou de culpabilité, un besoin d’accompagnement psychologique, une ambivalence de la demande répétée d’IVG, un conflit relationnel intrafamilial, une violence, des troubles de la conduite alimentaire ou des troubles psychiatriques qui révèlent l’existence d’un conflit psychique. Celui-ci peut être notamment lié à une ambivalence de la décision d’IVG ou bien à un questionnement identitaire, un sentiment de manque tentés d’être résolus par une grossesse. Le vécu témoignerait d’un manque d’élaboration de ce conflit. La femme peut aussi vivre son IVG sans culpabilité ni besoin d’accompagnement psychologique. Elle peut connaître un vécu de perte dont le deuil périnatal est parfois transgénérationnel et serait d’autant plus difficile que le désir d’enfant est intense. La femme peut décider d’un nouveau projet de vie à l’issue de l’IVG où celle-ci aurait ainsi réactivé et permis l’élaboration d’une problématique ancienne. Enfin, elle peut manifester un silence sur son IVG et, parfois à des dates symboliques, des signes psychosomatiques tels qu’une dépression, des alcoolisations, un syndrome de l’enfant de remplacement. Cette difficulté à parler de l’IVG serait liée à sa culpabilité ou à la banalisation de l’acte. 118 Cette recherche montre l’existence chez certaines femmes d’un vécu post-IVG plutôt négatif qui fait prendre conscience au soignant de l’intérêt d’en repérer les signes et d’évaluer le besoin d’écoute de ces femmes. Un accompagnement psychologique après l’IVG pourrait alors être mis en place pour permettre à ces femmes d’élaborer leur demande d’IVG, leur désir de grossesse et d’enfant en écoutant le récit de leur histoire, de leurs relations familiales, de leurs éventuels traumatismes passés, en les aidant à problématiser leur choix et les pertes qui l’accompagnent. L’entretien psycho-social avant l’IVG pourrait en être le préambule. 119 6. Bibliographie 1. Singh S et al, Guttmacher Institute. Abortion Worldwide : A Decade of Uneven Progress. 2009. 2. United Nations. Abortion Policies A Global Review. 2000. 3. Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Rapport sur le développement humain 2011 : annexe statistique. 2011. 4. Bajos N, Ferrand M. De l’interdiction au contrôle : les enjeux contemporains de la légalisation de l’avortement. Revue française des affaires sociales. 22 juin 2011;n° 1(1):42‑60. 5. Aubin C. [Contrepoint]. Vue de l’IGAS.... 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Annexes Annexe I : Précision des équations de recherche………………………………………....p 125 Annexe II : Positionnement de l’étude dans le champ de la recherche…………………..p 125 Annexe III : Evaluation de la qualité du matériel …………………………………..........p 126 Annexe IV : Recueil de données sur les caractéristiques des documents…………...........p 127 Annexe V : Recueil de données sur les caractéristiques des femmes et de l’entretien, sur l’épisode de l’IVG et les évènements l’ayant précédé ……........................p 129 Annexe VI : Analyse thématique …………………………………………………….......p 138 Annexe VII : Retranscription et codage du vécu psychique après l’IVG …………..........p 169 124 Annexe I : Précision des équations de recherche Les mots-clefs de l’équation de recherche avancée répondaient aux critères suivants : « titre de l’article » puis « texte intégral » en discipline de « psychologie » dans Cairn.info, « titre de l’article » dans Google Scholar, dans « tous les champs » et par « revue scientifique de psychologie » dans Persée, dans « tous les champs » dans Francis et DOAJ, dans « tous les champs » et dans « toutes les collections » dans RERO DOC, dans les disciplines de « santé », « médecine », « sciences de la vie et de la santé », « psychologie », « psychopathologie », « psychanalyse », « psychologie du travail », « psychologie cognitive », ou « psychologie clinique et pathologique » dans theses.fr, dans le « texte intégral » avec pour type de ressource des « articles » ou des « mémoires » ou des « thèses » dans SantéPsy, dans le « résumé » et dans « tout le dépôt » dans le dépôt institutionnel numérique Papyrus, dans « tous les mots » et dans « le catalogue des thèses disponibles en ligne » dans BIU Santé médecine, avec pour type de ressource « des articles de périodique » dans Doc’CiSMeF. Les bases de données étaient fournies par les sites internet des universités francophones d’Angers en France, de Genève et Neuchâtel en Suisse, de Louvain en Belgique, de Montréal au Canada. Annexe II : Positionnement de l’étude dans le champ de la recherche (9)(10) Etapes Echantillonnage Recueil des données Analyse des données et discussion Etude qualitative Personnes Recueil du verbatim de Codage et analyse thématique de chaque primaire standardisée « participants » chaque personne verbatim, regroupement et hypothèses Revue systématique Etudes quantitatives Résultats des études Synthèse des résultats et hypothèses Méta-analyse Etudes Recueil des données Analyse statistique et résultats statistiques bruts quantitative quantitatives brutes de chaque étude Méta-analyse Etudes qualitatives Résultats des études qualitative standardisées Métasynthèse Etudes qualitatives Recueil des données Codage et analyse thématique de chaque étude, descriptive standardisées brutes de chaque étude regroupement des thèmes, analyse Type d’étude de la littérature Synthèse des résultats pour une vue d’ensemble du phénomène étudié compréhensive du phénomène étudié Synthèse qualitative Documents Recueil des données Codage et analyse thématique de chaque sur le vécu psychique qualitatifs de bases brutes de chaque document, analyse compréhensive du vécu de de la femme après sciences humaines document chaque femme, regroupement thématique, l’IVG et pluridisciplinaires analyse compréhensive global du vécu étudié 125 Annexe III : Evaluation de la qualité du matériel Critère d’évaluation : (++ très présent N° + présent) du document Méthodologie étude étude qualitative de cas primaire Forme du discours utilisé entretiens cliniques discours discours discours direct indirect indirect libre 1 Léa × + 2 Geneviève × + ++ + ++ 3 Julie × ++ ++ 4 une femme × + ++ + ++ + ++ 5 Esther × 6 Antoinette × 7 Julie × + 8 Madame M. × + ++ 9 Fatia × ++ ++ 9bis Clémentine + ++ × 10 Cécilia × ++ ++ 11 Nadège × + ++ 12 Madame T. × ++ ++ ++ 13 Sarah × + ++ 14 Yasmina × + ++ 14bis Justine × 15 Luna × 16 Nouria × 17 Madame P. × 18 Madame A. × ++ ++ + ++ ++ ++ + ++ + ++ + 19 Madame B. × ++ 20 Jeune femme × ++ 21 Jeune femme × 22 Michèle 23. 3 Jeunes femmes × 24 Anna 25. 2 Jeunes femmes ++ ++ ++ × × ++ + × ++ ++ ++ ++ + ++ 126 Annexe IV : Recueil de données sur les caractéristiques des documents 1 caractéristiques n° du document Pays Profession de & Nature Nom de la revue l’auteur ville du scientifique (profession du 1er exercice docu- paru auteur si l’ouvrage de ment tion est collectif) l’auteur Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence Date de Lorsque l’expérience France, Pédopsychiatre Amiens Titre du document Article 2002 traumatique dépasse les fantasmes 2 Revue française de Psychanalyste psychanalyse 3 4 France, Article 2009 Lyon Cahiers de psychologie Psychologue & Paris & clinique psychanalyste Bruxelles Le Coq-héron Psychanalyste France Reconstruire pour ne pas se détruire Article 2011 « J’ai tué mon enfant… » Pour penser la clinique de l’IVG Article 2004 Exil, migration et confusion généalogique 5 Revue française de Psychanalyste psychanalyse 6 Dialogue France, Article 2002 Paris Thérapeute de France « médiquer » un peu Article 2005 Revue française de Psychanalyste psychanalyse 8 9 10 Dialogue Adolescence Cliniques méditerranéennes Conseillère conjugale, Le féminin et le maternel, l’angoisse face à la différence couple 7 Il faudrait la France, Article 2005 Sublimation de la violence et Saint- violence de la sublimation, une Etienne orientation sans fin ? France Article 2007 Cadre(s), transfert et contre- thérapeute, psychana- transfert dans la pratique lytique de couple clinique Psychiatre & Suisse, psychanalyste Genève Psychologue France, Article 2006 Adolescentes enceintes Article 2009 Des corps en acte, Lyon désymbolisation/symbolisation à l’adolescence 11 12 Enfance & Psy Le journal des psychologues Psychiatre & France, psychanalyste Paris Psychologue France Article 2009 Crime en solitude ? Un cas clinique Article 2011 Violences conjugales et souffrance de l’enfant 13 Adolescence Psychologue France, Article 2006 Le fantasme de magmamatrice Article 2006 Le moment adolescent comme Saint Ouen sur Morin 14 Adolescence Psychologue France, Tours moteur de la cure d’adulte 127 caractéristiques n° du document 15 Pays Nature Date & du de ville docu- paru exercice ment tion Titre du document Article 2006 Sexe, mensonge et trahison. Profession de l’auteur Nom de la revue scientifique (profession du 1 er auteur si l’ouvrage de est collectif) l’auteur Cahiers de psychologie Psychologue & Belgique, clinique psychothérapeute Bruxelles De l’emprise familiale au lien fraternel effracté 16 Figures de la psychanalyse Docteur en linguisti- France Article 2011 que & psychanalyste 17 La psychiatrie de l’enfant La persécution maternelle primaire Pédopsychiatre & France, thérapeute familiale Paris Article 2004 Psychothérapie d’une maman trop attentionnée : un syndrome de Münchhausen par procuration 18 Etudes sur la mort Gynécologue- Belgique, Article obstétricien La & annexe 2001 Deuil périnatal : transmission intergénérationnelle Louvière 19 20 Savoirs et clinique La clinique lacanienne Psychiatre & France, psychanalyste Lille Psychanalyste France, Article 2008 La mélancolie résiste bien à l’épreuve du temps Article 2010 Désaccord Article 2010 Pourquoi une femme se met-elle Paris 21 22 Savoirs et clinique Champ psychosomatique Psychiatre & France, psychanalyste Paris Psychologue France, à boire ? Article 2009 Paris Destin de naissance…destin de mort : quand naissance et mort se superposent 23 Document non publié Etudiante infirmière Suisse, Mémoire 2008 Quel est le vécu des femmes, Lausanne de fin hospitalisées pour subir une in- d’étude terruption volontaire de grossesse médicamenteuse, par rapport à la prise en charge infirmière ? 24 Vie sociale et traitements Infirmière de secteur France Article 2008 Un conte pour soigner ; Accompagnement d’une person- psychiatrique ne ayant subi un avortement dans un contexte de chantage affectif 25 Déviance et Société Docteur en sociologie, France, Article & 2004 L’avortement : une déviance conseillère conjugale Rouen annexe légale 128 Annexe V : Recueil de données sur les caractéristiques des femmes et de l’entretien, sur l’épisode de l’IVG et les évènements l’ayant précédé n° du document Prénom Situation familiale et Age 1 Léa, A un petit ami, pas 16 ans, d’enfant culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation NP Suivi pédopsychiatrique demandé par le service de rééducation pour France Une IVG quelques mois avant l’accident, avec le même petit ami Fracture du fémur avec longue immobilisation à 9 ans lors d’un 1er accident de la voie publique Une IVG il y a plusieurs années, alors qu’elle était mariée et avait déjà des enfants, « elle était très déprimée et ne se sentait plus capable de s’occuper convenablement de ses enfants » Terreurs nocturnes suite à un déménagement et la naissance de la petite sœur alors que Geneviève a 3 ans anorexie mentale, service où elle vient d’être hospitalisée pour paraplégie et gastrectomie secondaires à un accident de la voie publique dans lequel son père est décédé 2 3 Geneviève, 40 ans, France Julie, 23 ans, Belgique Vit avec son mari et deux A fait des de ses enfants études adolescents supérieures A un poste à lourdes responsabilités Suivi psychanalytique de plusieurs A un petit ami, pas d’enfant, vit chez ses parents Suivi psychologique demandé par Etudiante Ses parents fleuristes années, initialement demandé par son mari et un thérapeute conjugal pour de nombreux conflits conjugaux le médecin généraliste pour malêtre Jeux sexuels de la part des frères où elle a été culpabilisée par sa tante, Solitude dans l’enfance Une IVG il y a neuf mois avec le Troubles boulimiques dans l’enfance même petit ami, à 5 mois de grossesse, en Angleterre, sur décision de sa mère « Julie a laissé sa mère décider » 129 Prénom Situation familiale et n° document Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation 4 Une Vit avec son mari et ses femme enfants, musulmane immigrée pratiquante en France 5 Esther, 28 ans, France Ouvrière Vit avec son ami, pas A une vie d’enfant, religion professiondifférente de celle de son nelle ami Une IVG il y a plusieurs mois, d’abord NP sur insistance de son mari, puis avec psychiatre qui suit son sur sa propre décision pour ne pas fils aîné pour un épisode délirant perdre son nouvel emploi, et peu avant survenu dans son pays d’origine le premier épisode délirant aigu de son après avoir transgressé un interdit : fils aîné qui n’est pas au courant de l’IVG fumer un joint Entretiens à la demande du Double suivi psychiatrique Une IVG, avec le même petit ami, demandé par sa psychanalyste pour réalisée quelques mois avant l’apparition du trouble psychotique co-thérapie d’un trouble psychotique évoluant depuis Enfance « trop » sage au sein d’une famille accaparée par sa sœur cadette atteinte de cardiopathie congénitale Multiples expériences affectives et sexuelles à l’adolescence et décès de sa sœur alors qu’Esther a 24 ans quelques mois 6 Thérapie individuelle puis de Deux IVG il y a 10 ans, alors qu’elle était mariée, car « pour elle, il n’était pas question d’être mère » Fille unique d’un père adoré qui avait de nombreuses maîtresses, sa mère le vivait très mal, mais pas Antoinette Deux IVG avant la prise en charge psychanalytique La deuxième IVG était « exigée par son conjoint mais non voulue par elle » -Pression de ses grands-parents paternels pour faire avorter sa mère enceinte d’elle -Maltraitance dans l’enfance par sa mère et sa grand-mère maternelle, avec passivité du père trompé par sa femme Antoinet- Vit avec son mari depuis te, 15 ans, sans enfant France NP 7 Julie, France Vit avec son petit ami, pas d’enfant Soignante en maison de retraite, sculptrice amatrice Psychanalyse 8 Madame M, 35 ans, France Vit avec son mari et ses 3 enfants de 8, 5 et 2 ans Secrétaire, en congé parental, aide à l’exploitation viticole Suivi par la conseillère conjugale à Une IVG à sa demande, en « pleine crise conjugale, sans contraception la demande de la patiente, écoute pour marquer son souhait d’arrêter les débutée avant une IVG, poursuivie rapports sexuels » après Son mari n’est pas au courant couple en raison d’une vie affective et sexuelle inexistante -Timidité, pas de prise d’initiative depuis l’enfance, à l’école, au travail -Goût pour la solitude -Mésentente du couple 130 Prénom Situation familiale et n° document Age 9 9 10 culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation Fatia, Vit chez ses parents, 17ans, célibataire, musulmane Suisse, moins pratiquante qu’eux famille réfugiée politique à Genève depuis 15 ans Lycéenne aux excellents résultats, père médecin, mère infirmière Clémentine, 18 ans, Suisse En colocation, avait eu le A un emploi projet d’un appartement avec son petit ami qu’elle vient de quitter Cécilia, 24 ans, France Célibataire, sans enfant Une IVG à l’âge de 15 ans, il y a un NP peu plus d’un an, en clinique privée, une 2 demande d’IVG à 9 sur décision de sa mère, sans son avis à semaines de grossesse elle ni celui de son petit ami de (consultation systématiquement l’époque qui avait 23 ans & était proposée aux 16-18 ans demandant demandeur d’asile : ils voulaient un enfant qui « viendrait sceller leur l’IVG dans cette maternité) amour et le rendrait public » Consultation psychiatrique avant ème Suivi psychiatrique débutée avant Une IVG quelques jours avant l’expiration du délai légal, à sa et poursuivie après l’IVG demande, après en avoir informé son (consultation systématiquement ex-petit ami proposée aux 16-18 ans demandant Grossesse suite à l’abandon brutal, de sa pilule « qu’elle prenait l’IVG dans cette maternité) scrupuleusement jusque-là », dans la semaine qui suit un accident de voiture Arrêt des Suivi psychologique à sa demande études à l’âge pour un mal de vivre et crises de de 21 ans boulimie survenant environ deux En recherche d’emploi fois par jour, depuis un an Une IVG il y a 1 an, quelques mois après le départ de sa mère, à la demande de Cécilia, en raison de sa « grossesse, imprévue, impossible à mener à son terme dans le contexte de la relation insatisfaisante entretenue avec son ami du moment, ‘un garçon volage’ » Décès de 3 amis et seule survivante d’un accident de voiture lors de sa soirée d’anniversaire Séparation volontaire de sa part avec son ami après s’être aperçue de sa grossesse -Séparation de ses parents à 14 ans, départ de sa sœur dans les ordres restant seule avec sa mère - Probable anorexie entre 14 et 19 ans, puis prise de poids de 12 kg entre 19 et 22 ans -Divorce de ses parents à 21 ans, querelles parentales -Départ de sa mère à 400 km la laissant seule dans la maison alors qu’elle recherchait travail et appartement, et constat de sa prise de poids entraînant l’arrêt du sport 131 n° document Prénom Situation familiale et 11 Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation Nadège, 24 ans, France Vit en couple sans enfant A abandonné ses études pour un job de serveuse, issue d’une famille aux grosses difficultés financières et sociales Entretiens psychiatriques dans le cadre d’une enquête judiciaire : inculpée d’homicide involontaire suite à l’accouchement dans la cuvette de ses WC d’un bébé à terme, vivant, viable puis mort d’une inondation bronchique, grossesse seulement connue du Une IVG il y a 2 ans, à plus de 11 semaines de grossesse, en Hollande, sur décision mutuelle avec le même petit ami, après persistance de nausées et de dégoût d’odeur malgré une contraception du lendemain prescrite par son médecin alors qu’un test urinaire de grossesse effectué en pharmacie était déjà positif, sa mère ne le sait pas -Enfance et adolescence heureuses par l’harmonie familiale, la présence constante de sa mère au foyer, et dissimulation à ses amies de sa pauvreté -Divorce de ses parents vers l’âge de 16 ans suite à la découverte par sa mère de l’infidélité du père, entraînant une séparation avec son père et sa grand-mère -Décision de rompre la relation avec son père qui a refait sa vie et a eu 2 enfants -Rôle de mère de remplacement de ses deux jeunes frères en raison de la dépression maternelle couple et non suivie 12 13 Madame T, 29 ans au moins, France, a vécu de 6 à 21 ans au Maghreb Vit avec son mari et ses 3 enfants, deux filles de 8 ans et 18 mois, un fils de 3 ans, culture musulmane : toutes ses sœurs sont voilées sauf elle, Sarah, 18 ans, France NP A quitté son emploi pour harcèlement sexuel Suivi proposée à Madame T. par la Une IVG il y a plus de 8 ans, mariée, psychologue de la PMI prenant en sans enfant, suite à un viol avec un inconnu charge son fils, à la demande urgente de l’école, car il est « incontrôlable, très agité et perturbant considérablement la classe » NP Suivi psychologique à la demande de la patiente à cause de son IVG Une IVG il a quelques mois -Témoin de son père battant sa mère -Victime d’inceste par un grand-frère de 6 à 12 ans -Mère qui ne la protégeait pas, « prise dans la violence subie du père » -Mariée vers 21 ans dans le but de s’enfuir de chez elle, immigrée à 21 ans, battue, violentée par son mari depuis le début de son mariage -Violée à cause d’une tante ; elle était déjà mariée, elle n’avait pas encore d’enfant, « sa tante l’aurait fait boire, et contre de l’argent, l’aurait laissée à un homme dans un hôtel » Enfance vécue auprès de sa mère dépressive depuis la mort de son bébé à 8 mois de grossesse, peu de temps avant la naissance de Sarah 132 n° document Prénom Situation familiale et 14 14 Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation Yasmina, 35 ans, France, père algérien immigré en France Vit seule depuis qu’elle a A perdu son quitté le père de ses emploi enfants il y a 10 ans, celui-ci ayant obtenu leur garde, enfants actuellement en période d’adolescence Entretien psychologique à la Justine, 32 ans, France Vit avec son petit ami, pas d’enfant Entretien psychologique sur Stripteaseuse demande de la patiente dans un contexte de démarche médicale pour prise de contraception dans un centre d’orthogénie insistance du médecin du centre d’orthogénie où elle demande une 3ème IVG Une IVG à l’adolescence, suite à une relation avec « le premier venu », « tout s’est déroulé sans trop réfléchir », « plus soumise à la décision de sa mère qu’à son désir », et puis parce que « c’était la honte » Séparation de ses parents alors qu’elle a 14 ans suivie du retour en Algérie de son père « qu’elle vénérait », et des nombreux séjours de sa mère chez la sœur de celle-ci Deux IVG avec le même petit ami, sur décision mutuelle, mais surtout à sa demande à lui qui, séparé de la mère de son 1er enfant à la naissance, ne veut pas « se risquer dans une autre paternité » Pendant l’enfance, « cachée » par ses parents à ses grandsparents « Livrée à elle-même » à partir de cette séparation : souvenir d’une coupure d’électricité dans « l’appartement familial déserté par sa mère », arrêt de sa scolarité après des absences répétées Révélation à ses 18 ans par une tante, de sa naissance par procréation médicalement assisté Révélation suivie de l’abandon de son cursus scolaire brillant, de sorties nombreuses, d’un travail de stripteaseuse 15 Luna, 14 ans, Belgique Vit chez ses parents, célibataire, sans enfant, 2 frères étudiants, Joël 20 ans et Fabian 22 ans, famille très catholique Collégienne, mère sagefemme, père commissaire de police Psychothérapie familiale à la demande de ses parents à cause de son IVG Une IVG très récente sur décision mutuelle des parents et de Luna, décision « pesée et réfléchie » et sans regret des parents selon sa mère « bien qu’ils soient tous deux philosophiquement et éthiquement contre », et dont les grands-parents, qui ne vivent pas en Belgique, ne sont pas informés Notion d’une tante maternelle et d’une tante paternelle ayant fait la honte de leur famille respective et devenues leurs « victimes sacrificielles » Violence sexuelle par son frère Fabian à l’âge de 6 ans Deux tentatives d’en parler à ses parents, à l’âge de 6 ans puis au moment de sa grossesse, avec incrédulité des parents 133 n° document Prénom Situation familiale et Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation 16 Nouria, France, d’origine algérienne Vit avec son mari, a 3 filles dont la dernière, Sarah, a 1 mois, a 2 sœurs aînées, musulmane Assistante dentaire, son mari est technicien Entretien psychanalytique en Deux IVG depuis la naissance de sa ème présence de son mari et de Sarah, à 2 fille : « elle ne pouvait supporter aucune contraception » et n’avait la demande de son psychiatre, pour jamais voulu d’enfant. Attendant à elle et pour Sarah « qui ne dort chaque grossesse que son mari lui dise d’avorter, il lui laisse à chaque fois pas, pleure tout le temps et refuse prendre seule la décision aussi bien le sein que le biberon » -Refus de son père d’avoir des filles : scandale à la naissance de la 1ère, disparition pendant plusieurs mois à la naissance de la 2ème, abandon de sa famille et immigration en France à la naissance de Nouria -Echec de sa mère à se faire avorter de Nouria par tous les moyens, puis maltraitance par sa mère qui la frappe et refuse de la laver, de l’habiller, de la bercer, -Immigration en France à l’âge de 7 ans avec ses sœurs et sa mère qui s’était prostituée et était rejetée par toute sa famille, puis décès de sa mère d’un cancer à l’âge de 36 ans et prise progressive d’indépendance à 16 ans -Naissance de Sarah en état de mort apparente nécessitant une hospitalisation de 17 jours en réanimation néonatale 17 Madame P., France Vit avec son mari, 2 fils, Antoine et Adrien Secrétaire, mère au foyer, mari militaire Suite à ses révélations d’inceste -Violences physiques, verbales, vols d’objets, de nourriture, et multiples examens génitaux imposés par sa mère dans son enfance, ces derniers pour vérifier l’absence de signes de masturbation, interdit maternel que Madame P. transgressait -Inceste par son grand-père maternel durant une grande partie de son enfance -Relations conflictuelles de ses parents, automutilations génitales, mariage avec l’ancien petit ami de sa sœur, idées obsessionnelles à thème sexuel -Fausse-couche de sa sœur dont elle se réjouit ; elle réussit enfin « là où sa sœur échoue » -2ème grossesse non désirée et réalisée pour sa mère et son mari qui veulent une fille, vécue dans la solitude, avec des tentatives d’avortement par masturbations traumatiques -Maltraitance envers ses 2 enfants dans l’enfance, psychothérapie de plusieurs années, initialement demandée et prise en charge par la pédopsychiatre d’Adrien, 5 ans et demi, qu’elle suit pour encoprésie Quelques mois avant le début de la psychothérapie, suite à un « oubli » de contraception, une IVG sur décision mutuelle avec son mari, pour pouvoir accompagner sa sœur malade dont ils viennent d’apprendre qu’elle est mourante Quatre IVG environ 3 ans après la première, à la suite de conceptions volontairement provoquées 134 n° document Prénom Situation familiale et Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation 18& Madame An- A., 55 ans, nexe Belgique Vit avec son mari, 1 fille, NP plusieurs petits-enfants 19 Vit avec son mari, 4 enfants Madame B., France Suivi gynécologique à la demande de la patiente pour des bouffées de chaleur NP Suivi et hospitalisations Une IVG il y a 28 ans, sur décision de son mari qui ne voulait pas d’un second enfant NP Une IVG « il y a bien longtemps » Fille unique élevée par sa grand-mère maternelle décédée à ses 5 ans psychiatriques depuis cinq années pour mélancolie suite au suicide de sa belle-sœur 20 21 22 Une jeune femme, 30 ans, France Vit avec son ami depuis un an, pas d’enfant, parents croyants catholiques A fait de bonnes études, est cadre dans une banque Suivi psychanalytique pour Une jeune femme France NP Etudiante en fin de cursus Suivi psychiatrique ou Michèle 30 ans environ France Mariée, pas d’enfant, enceinte de 5 mois, son mari part souvent en déplacement professionnel de plusieurs mois NP Suivi psychologique suite à la malaises à répétition et dépression psychanalytique Une IVG il y a 9 mois avec son A quitté son ancien ami qu’elle connaissait depuis 11 conjoint actuel, « un avortement voulu, années et « qu’elle aimait aussi, mais ‘comme un frère’ » choisi, en total accord avec son pour choisir son conjoint actuel partenaire », car « c’était une évidence, c’était trop tôt : ‘on ne pouvait pas prendre le risque de mettre au monde un enfant dont les parents ne seraient pas restés ensemble’ » Une IVG à l’âge de 18 ans car « il fallait bien ! Nous étions trop jeunes et lui n’en voulait pas. » NP Une IVG il y a 10 ans NP proposition d’IMG par les médecins en raison d’une anomalie cérébrale sévère d’origine virale du fœtus 135 n° document Prénom Situation familiale et 23 Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation 1ère jeune Pas d’enfant femme Une trentaine d’années Suisse A étudié « dans le tourisme » Entretien semi-directif par une étudiante infirmière, dans le cadre d’une étude qualitative sur le vécu de l’IVG médicamenteuse chez une femme recrutée par le biais Deux IVG, la première il y a quelques années dans le même contexte que la deuxième il y a environ 2 ans, sur sa décision car « c’est arrivé par accident », elle devait partir en stage à l’étranger et « n’était pas prête pour avoir un enfant » NP 14 d’une association 23 23 2ème jeune femme Une quarantaine d’années Suisse Divorcée il y a trois ans Ne travaille et demi environ, une fille pas de trois ans et demi 3ème jeune femme environ 29 ans Suisse Pas d’enfant Entretien semi-directif par une étudiante infirmière, dans le cadre d’une étude qualitative sur le vécu de l’IVG médicamenteuse chez une femme recrutée par le biais d’une association13 Enseignante Entretien semi-directif par une étudiante infirmière, dans le cadre d’une étude qualitative sur le vécu de l’IVG médicamenteuse chez une femme recrutée par le biais Une IVG il y a environ 3 ans avec son NP nouveau conjoint qui ne souhaitait pas garder l’enfant et qu’elle a essayé de faire changer d’avis sans y réussir : elle a alors pris la décision d’avorter « ne supportant pas l’idée d’avoir un enfant ‘sans père’ » IVG compliquée d’une septicémie, d’une hospitalisation de 7 mois, puis d’une stérilité Une IVG il y a environ 2 ans sur sa NP décision à elle : « le couple ne s’est pas protégé lors des premiers rapports sexuels », « ça n’a pas été un choix évident mais je n’aurais pas voulu avoir cette personne dans ma vie toute ma vie » d’une association13 14 Association AGAPA Suisse Romande : Association des Groupes d’Accompagnement-Perte de grossesse-Abus-Maltraitance-Négligence 136 n° document Prénom Situation familiale et 24 Age culture religieuse Statut social Nature, motif et initiateur de Evènement de l’IVG : la rencontre date, circonstances, motif Evènements de vie avant l’IVG exprimés par la femme Pays d’habi- Antécédents d’IVG tation Anna 25 ans France Célibataire, sans enfant Secrétaire Entretien unique durant une hospitalisation en psychiatrie demandée par son médecin traitant pour état dépressif réactionnel à une rupture sentimentale 25& Barbara An- 34 ans France nexe Mariée, 2 enfants Comptable Entretien pré-IVG pour une demande de 2 ème IVG à 8SA, avec Une IVG il y a quelques semaines, dans le contexte suivant : « un jour, elle apprend qu’elle est enceinte. Elle a l’espoir, à ce moment-là, que le comportement de son amant va changer et qu’il va clarifier enfin la situation. » Celui-ci l’accusait alors de vouloir utiliser cet enfant pour faire pression sur lui, semblant « projeter sur elle sa propre manière de se comporter ». Il lui fait subir un chantage affectif : « qu’elle avorte, ‘sinon il se chargera bien de faire savoir à son enfant qu’il n’est qu’un bâtard et il saura le détruire à petit feu’ ». Il y a 2 ans, elle a été l’objet des assiduités de son patron qui devint son amant en lui promettant de divorcer de sa femme actuelle Une IVG il y a 15 ans suite à son 1er rapport sexuel, sans contraception NP Deux IVG NP Isolement social, souffrance mentale et baisse de sa créativité artistique secondaires à cette relation et à la personnalité de cet homme : « Il a manifesté un comportement manipulateur et destructeur très caractéristique, exerçant sur elle un contrôle, l’amenant à se couper de ses amis ainsi que de sa famille. » « Une autre caractéristique du comportement pervers manipulateur est qu’il manie sans cesse le chaud et le froid […] ‘Tu n’as aucune valeur à mes yeux, mais je ferai tout pour te garder.’ » une conseillère conjugale, dans le cadre d’une étude qualitative sur le rapport des femmes à la déviance de l’IVG, selon l’hypothèse que l’IVG est moralement critiquable 25& Michèle An- 20 ans France nexe En couple, sans enfant Etudiante en DEUG 2 en lettres Entretien pré-IVG pour une demande de 3 ème IVG à 5SA, avec une conseillère conjugale, dans le cadre de la même étude qualitative (voir ci-dessus) 137 Annexe VI : Analyse thématique Expression de la femme sur son vécu après l’IVG 1 Plaintes abdominales importantes5 Léa Difficultés à réaliser le décès de son père5 9 Interprétation cette expression par l’auteur Défaut de représentation, absence d’effraction psychique, sidération de la pensée43 21 10 15 4 16 11 30 42 secondaire aux facteurs* antérieurs à l’accident13 14 1 2, au traumatisme de l’AVP15, aux mécanismes de Tension avec ses parents secondaire à l’IVG1 1BIS 2 défense4 9 Anorexie mentale secondaire à l’IVG3 3BIS Fragilité du sentiment d’autonomie et d’identité secondaire au traumatisme de l’AVP43 17 18 20, aux Projet de rendez-vous avec le psychiatre pour ces problèmes (IVG et facteurs* antérieurs à l’accident52 anorexie mentale) juste avant l’accident 4 Blocage de l’élaboration du conflit affectif par sa culpabilité d’avoir eu des relations sexuelles trop Souvenir d’un flou sentiment de joie d’être en famille le jour de tôt44 1 36 & fantasmes d’agressivité envers son père non élaborés44 1 suite au décès du père44 1 36 l’accident6 7 8 Plaintes abdominales disproportionnées / aux conséquences de l’AVP 53BIS Souvenir qu’elle a réalisé ne plus sentir ses jambes8 Sexualité refusée par son père50 / Conflit avec ses parents secondaire à l’IVG3 1 Pressentiment qu’elle finirait en fauteuil roulant10 Rêve de réparation présageant un long travail de reconstruction 11 12 Angoisse inexplicable12 14 Confrontation à une série de deuils et de problèmes intriqués les uns aux autres47 Un rêve que sa famille la reconstruisait13 Angoisses d’abandon44BIS 24BIS 32 Perturbation à cause de sa sonde d’alimentation15 Problématique anorexique = image du corps défaillant52 5 51 15 34 2 7 secondaire au conflit affectif2, à 4 24BIS 6BIS 8 (facteurs* antérieurs à l’accident) Espoir de retrouver une autonomie en se nourrissant elle-même l’expression d’un mécanisme de défense : déni, clivage Maltraitante de la partie paralysée de son corps16 17 18 38 Clivage physique et psychique de son corps4 46 5 11BIS 11TER 38 6BIS Repli sur soi20 Mécanismes de défense renforcée par la sidération de la pensée de l’AVP 4 24BIS 34 6BIS 8 (déni, clivage) 22 Conscience de son corps21BIS 22BIS Fantasme d’un esprit sans corps5 Critique de son auto-agressivité21BIS Prise d’autonomie rapidement retrouvée par le contrôle des sondes19 31 33 Distanciation avec sa mère21BIS Récidive des conduites anorexiques51 et seconde hospitalisation à la date anniversaire de l’accident26 Volonté de guérison21BIS Complications physiques56 amorçant un mouvement dépressif56 22 / un sentiment d’unité corporelle44 23 Son père ne la voyait pas grandir2 24 53 39 45 40 41 42 via le corset27 40 / un changement22 24=expression des affects dépressifs25 Effraction psychique45 40 42 / Mise à distance de son entourage lui permettant de repérer son espace psychique et son désir propre44 35 / Désir de guérison24 Angoisses secondaires à la perte de contrôle sur son alimentation 24BIS 31 Autonomie précède la séparation33 37 / Problématique anorexique secondaire au conflit affectif2 138 2 Plainte d’être démolie en permanence par son mari1BIS Etat de grande détresse1BIS Geneviève Manque d’affection et de soutien parental1 Etat de rage contre son mari et le thérapeute1BIS Anxiété, terreurs nocturnes3 2 35 Tristesse, dépression1BIS 1 14 27 30 31 / Rage, colère1BIS 14 30 31 43 Sentiment d’oppression et de colère en position allongée sur le divan 4 29 Acceptation de se remettre en question2BIS Sentiment d’oppression aux marques d’affection de son mari5 Considération que son mari devrait aussi se remettre en question 2BIS Blocage au niveau sexuel6 / Refus de séduire7 8 Dépression essentielle, phobie lié à des blessures de l’enfance (abandon, jeux sexuels) 1 28 29 Sentiment d’injustice11 9 Attentive à ce que peuvent vivre ses enfants, identification 2 Coupable12 ou victime12 14 18 23 24 Souffrance au sein de ce travail analytique3 9 Sentiment de colère Dénégation de son vécu douloureux des séparations4 Sentiment d’humiliation9 23 / Sentiment d’incompréhension9 Représentation de la séduction méprisable, honteuse5 7 9, à éviter à tout prix13, dangereuse5 8 12 Souffrance10 17 20 32 28 Comportements marqués par la répétition11 Expérience de tester ses limites physiques34 36source d’angoisse15 16 17 Manifestations d’angoisses déstructurées36, angoisses, phobies11 Tristesse19 Violence impliquée par cette lutte contre ce manque de reconnaissance de sa souffrance 13 32 44 Besoin et manque de reconnaissance de sa souffrance21 32 22 Recherche d’une validation ou non de sa vie lié à un sentiment d’abandon dans son enfance 13 33 34 Tendance à la maîtrise et la manipulation29 40 39 Refus d’être soumise au désir de l’autre26 Liens conflictuels, passionnels, destructeurs avec ses collègues31 27 39 Pratiques masturbatoires30 Sentiment de vide qui disparaît au cours de la psychanalyse Son lien à l’autre est fait de violence32 22 44 c’est un mécanisme de défense48 Expression par l’IVG d’un désir de meurtre23 31BIS Expression par la tristesse d’une angoisse d’abandon dans son choix d’IVG24 Sentiment d’être plus pleine qu’au début de la psychanalyse31BIS Prise de conscience d’un conflit psychique entre son besoin de reconnaissance et sa violence25 Besoin de lutter contre sa souffrance, ce manque de reconnaissance de Conflits avec son mari36 sa souffrance33 Angoisse du contact physique35 Sentiment de rancœur envers son mari qui n’est pas intervenu dans la -Cela renvoit à de probables jeux sexuels subis dans l’enfance10 11 35 et d’autres épisodes de l’enfance12 décision d’IVG25 Elaboration et diminution de sa tendance à tester les limites au long du travail psychanalytique37 Sentiment de tristesse à l’idée d’avoir pris la décision seule26 Difficultés de lier la mémoire du corps et sa représentation, entre affect et traumatisme38 43 Souffrance, sentiment de culpabilité de sa violence dans la relation27 28 Expression corporelle d’un traumatisme39 43 Difficultés à faire le lien entre son vécu physique (terreurs nocturnes, Clivage entre vide et trop plein40 risque sportif, risque chirurgical, répulsion physique de son mari, IVG) Lent travail de deuil, de renoncement à un idéal41 47 et son vécu psychique37 Densification, construction du Moi 42 46 Blessures dans l’enfance liées à la sexualité et l’injustice38 Reconnaissance de son vécu douloureux des séparations45 qui a pris beaucoup de temps45 139 3 Explication que la date de la première consultation chez la psychologue Désir d’enfant et fantasme d’infanticide, caractéristiques du maternel1 Julie a un lien symbolique avec l’IVG1 Saturation du psychisme des femmes3 6 8 par : Sentiment d’avoir commis un crime1 -culpabilité n’est pas causée par une faute, un péché, une culpabilisation 5 Réaction comme si rien n’était arrivé après l’IVG7 -culpabilité s’exprime par une difficulté à parler de la décision d’IVG7 6, par le secret de l’IVG6, Réapparition d’un trouble du comportement alimentaire à type de par la douleur6 boulimie2 3 Obstacle au deuil de l’enfant, empêche les femmes de vivre2 Réalisation d’un projet peu investi d’emménager dans une maison - Pas de nomination de l’enfant, enfant fantôme, mort qui n’est pas enterré9 offerte, aménagée par ses parents à 50 mètres de chez eux8 Douleur, tristesse profonde4 6 exprimant une culpabilité6 Pas d’émotion lorsque que son petit ami Thomas la quitte brutalement Culpabilité consciente5 21 après leur déménagement4 Révélation du fantasme d’infanticide5 7 22 21 = Transgression d’un interdit psychique22 dans l’IVG Julie recommence à sortir4 - objet de l’infanticide = enfant10 - existence psychique de l’enfant2 Long travail d’élaboration avec la psychanalyste va être réalisé sur le lien fusionnel avec sa mère et sur le sens de son IVG7 23 25 26 : -qui ne consiste pas à la préserver de la culpabilité8 25 -qui consiste à comprendre l’IVG comme un traitement du réel par un passage à l’acte26 28, à comprendre le sens de ce passage à l’acte26 30 34 34BIS Difficulté d’élaboration14 15 16 Difficulté à être autonome, à se séparer, à énoncer son désir propre19 12 Recherche inconsciente et ambivalente d’un ami qui l’aide à se séparer de sa mère12 13 Prise d’indépendance17 Echec d’une tentative (l’IVG) de séparation, de différenciation avec sa mère 27 29 30 35, tentative par manque d’appui symbolique suffisant26, une défaillance du père29, opération oedipienne incomplète34 Risque de non-élaboration = garder une culpabilité à vie24 32 ou provoquer des IVG répétées33 en l’absence de parole34BIS = un passage à l’acte ne suffit pas à traiter le réel, la parole est nécessaire34BIS 140 4 Reproches à son mari de ne pas prendre ses responsabilité10 11 12 Discréditation de l’autorité de son mari7 une femme Conflit conjugal existant depuis la naissance de ce fils délirant12 Absence du traditionnel respect du père5 Complicité importante avec son père resté au pays6 7 8 Deuil impossible par la mère de son exil et de son émigration11 8 12 13 Difficultés à exprimer son trouble1 Deuil impossible9 responsable du délire aïgu du fils9 10 1 13 Forte culpabilité religieuse de cette IVG2 4 5 Ferveur religieuse1 Obsession de cette IVG3 Dissimulation par l’argument religieux1 2 Amélioration de l’entente avec son mari 13 4 de son attachement oedipien à son père impossible à 2 entendre Justification par la religion de la discréditation du mari6 Dissimulation par la discréditation de son mari de sa non-acceptation de son rôle social occidental, dont l’IVG4 ***** ***** 1 15 ***** qui s’améliore avec le traitement 16 Lien entre les idées obsédantes d’homosexualité, l’IVG et la mort de sa soeur1 3 5 5 Sentiment d’angoisse terrifiante Esther Sentiment de déréalisation1 4BIS 4 qui diminue avec le traitement16 7 10 La mère empêche sa fille Esther de faire le deuil de sa soeur4 5 Idées obsédantes sur son orientation sexuelle1 2 1BIS 18 Instabilité, difficulté à contrôler son impulsivité2BIS 18 9 10 de plus en plus importantes malgré le traitement9 10 Perte de contrôle ressentie comme une blessure narcissique2BIS Amour impossible avec son ami à cause de sa religion 23 Réassurance par la solidité du cadre, relation de confiance avec le psychiatre17 Excentricité3 Désir de maîtriser elle-même sa propre psyché19 8 Etat d’excitation permanente 3 Ces (trois) symptômes correspondent à un processus psychotique13 14 15 18 Forte volonté de maîtrise d’elle-même et des autres3 17 Peut-être autopunition secondaire à un sentiment de culpabilité lié à la mort de sa soeur8 9 Non joyeuse dans ces folles soirées3BIS Culpabilité familiale autour du décès de la sœur d’Esther9 Sentiment d’une perte de contrôle1BIS Prise de conscience de cette culpabilité pendant l’entretien familial9 Malaise lié au deuil non fait de sa mère pour la sœur d’Esther22 12 Amélioration de l’observance médicamenteuse d’Esther suite à cet entretien familial9 Affirmation qu’elle va bien5 Humeur dépressive témoignant d’un remaniement psychique7 11 12 marqué par : Angoisse à l’idée d’être mère8 9 Amélioration progressive de l’observance14 Réticence et mauvaise observance du traitement 6 17 23BIS 11 - Renoncement à la tentative de maîtrise d’elle-même et du monde12 - Possible identification à sa mère10 Dénégation de son humeur dépressive10 Changement de psychanalyste21 Fragilité de son identité sexuée révélée par la crise psychotique15 16 2BIS Soutenue par ses parents11 Guérison par la reconnaissance des sexes, de l’acceptation de la scène primitive à l’aide de l’entretien familial16 141 6 Evocation sans difficulté apparente de ses IVG1 Antoinette Certitude qu’elle n’aurait pas été une bonne mère1 Blocage des mouvements de remaniement psychique au sein du couple renforcé par les IVG3 4 -Des remaniements psychiques sont inhérents à toute naissance, sont normaux, profonds et Représentation d’elle comme mère-imaginaire néfaste et possessive Accord avec son mari pour qu’il tienne la place de l’enfant 1 2 permettent la maturation psychique de l’un et l’autre du couple ainsi que de leur mode relationnel3 Sentiment d’angoisse causée par fugues et alcoolisme de son mari4 7 Réaménagement profond de leur relation11 Vie affective et sexuelle inexistante3 7 Angoisse canalisée par les crises de jalousie9 Satisfaction et angoisse au changement de son mari = à l’arrêt de Ressemblance avec sa mère d’où une souffrance1 l’addiction et des fugues de son mari 5 Homosexualité latente masquée par le refus des manifestations du sentiment maternel10 Jalousie intense envers les nouvelles connaissances féminines de son Remaniement psychique sous forme de passages à l’acte et comportements aberrants5 7 mari faites via le sport5 Déroute conjugale justifiant une prise en charge thérapeutique5 Questionnement sur une éventuelle homosexualité6 Installation du couple sur un mode mère/enfant8 142 7 Pensée que sa naissance est due à la résistance de ses parents dans leur Altération des processus de liaison : le travail analytique n’a pas de direction4 Julie combat contre la pression des grands-parents paternels pour faire Passages à l’acte violent4 avorter cette grossesse1 Persistance de cette relation dans le temps8 Désorientation psychique apparue au moment de la 2ème IVG1 Remise en cause permanente de la confiance dans la relation avec le psychanalyste7 Révélation de sa maltraitance1BIS Ne peut « faire confiance » depuis le début de sa vie9 qu’illustrent ses IVG et le refus de Prise de conscience des effets de sa violence dans ses limites confiance sans rupture dans la relation avec le psychanalyste9 personnelles et professionnelles4 21BIS 17 Prise de conscience des processus de déliaison10 Violence dans la sculpture et maltraitance par négligence au travail2 3 Sentiment de manque de reconnaissance et de gratification au travail 3 Pas de culpabilité de cette maltraitance3 / Violence justifiée sa fatigue3 5 6 Sauvegarde psychique par la maltraitance11BIS - fragmentation de la vie psychique à visée désobjectalisante14 13 Violence par indifférence à la détresse d’autrui en lien avec l’indifférence de son père aux Demande d’un statut d’invalidité / Apathie maltraitances de son enfance11 22 Mauvaise observance des séances de psychanalyse6 Prise de conscience progressive de sa violence11 15 22 Sentiment de culpabilité secondaire envers l’analyste6 Vécu de souffrance12 Refus de rendre visite à son père en fin de vie7 Lien fait entre sa violence dans l’analyse et hors de l’analyse15 Culpabilité suite à son refus de lui rendre visite et à sa responsabilité Vengeance16 = Indifférence face à la détresse d’autrui ; son père17 dans les réactions de son père8 21BIS Fantasme de parricide17 Réussite à surmonter l’opposition de sa mère pour voir son père9 Expression d’une culpabilité jusqu’alors refoulée18 Découverte de la possibilité d’une relation avec son père : échanges Mise en place de processus de liaison19 avec son père sur le passé (maltraitance, IVG), sur le présent9BIS 10 Compréhension de blessures insupportables, nouvel équilibre de la relation avec son père21 26 28 27 29 30 13 Entrepreneuse dans sa créativité 11 13 16 Diminution de la violence envers ses œuvres 11 13 entre l’introjection de la fonction paternelle et le transfert maternel, c’est-à-dire par l’élaboration de la bisexualité psychique5 1 26 28 27 29 30 Compréhension du comportement de son père lié à son histoire à lui12 - entre narcissisme et objectalité26 Présente à la mort de son père, arrive à la symboliser14 16 Prise de conscience de sa violence intérieure, sa tentative de la refouler22 28 Panne de créativité16 Prise de conscience de la nécessité des liaisons à l’aide de la sublimation de la violence dans la 15 Reproches et sentiment de violence envers sa mère Refus inconscient de créer 17 création 23 28 Profond mouvement dépressif16BIS Parallèle entre sa violence et son refus de créer, entre vie et création17 Tentative d’éliminer le tiers entre elle et l’analyste25 Difficultés à évaluer ses oeuvres18 / Réussite à évaluer ses œuvres19 Sublimation de la violence fondamentale par le nouvel équilibre trouvé cf ci dessus26 27 28 29 30 Renoncement à son invalidité19 20 143 8 Soulagement après l’IVG1 Conflit profond conjugal1 5 15 30 Souffrance conjugale5 8 renvoyant à une : madame M Sentiment de ne pas avoir eu le choix2 Souffrance personnelle sur son manque d’estime de soi, de confiance en elle, son tempérament passif, Souffrance, angoisse d’une prise de décision (divorce) inhabituelle 3BIS 7 sur une angoisse de la séparation, de la perte30, sur des peurs anciennes8 10 11 13 18 20 21 22 23 31 Crainte, sentiment d’être victime de son mari qui ne lui fait sur un conflit relationnel et phobique35 généralement pas confiance3 3BIS sauf pour l’éducation des enfants3 Paradoxe du soulagement d’avoir fait un acte non choisi2 Besoin de se séparer de son mari4 5 7 14 Besoin de ne pas être jugée pour s’exprimer4 Demande de divorce refusée par son mari4 Soulagement d’être écoutée dans ses craintes6 7 15 Plainte de son manque de confiance en elle5 6 8 9 Expression et reconnaissance de son malaise a pris du temps10 Besoin d’être en sécurité chez ses parents avec les enfants 5 Mécanisme de défense contre ses peurs, angoisses, souffrance = la fuite11 20 21 23 32 31 34 Crainte de reprendre le travail, d’affronter le directeur5 9 - Le congé parental était une protection34 Remise en question des accusations sur son mari : il avait parfois = ce qui gêne la relation et favorise un silence protecteur5 11 20 22 23 25 30 31 raison8 22 25 = empêchant de prendre en compte l’autre, sa différence (son mari 31, autrui23) Négociation d’une fin de contrat avec son directeur10 = lien avec l’autre est narcissique40 Expression de ses peurs10 Négociation d’une fin de contrat avec son directeur10 Refus d’une séance commune avec son mari et la thérapeute 11 Crainte d’une répercussion psychologique de cette crise conjugale sur ses enfants 12 - Avec idéalisation d’elle-même, protection et rejet de l’autre22 23 24 - L’autre n’est pas intériorisé, le lien avec l’autre est narcissique et entraîne des difficultés de communication dans le couple5 15 30 40 39 Sortie progressive de sa position de victime13 Inquiétude pour son mari14 Culpabilité de ses accusations envers son mari13 22 Prise de distance avec ses parents16 24 Recherche un logement et un travail15 Confrontation à l’agressivité de ses enfants en posant des questions17 26 Reproche envers ses parents de leur prise de position15 2021 15 La thérapeute prend le rôle de mère protectrice et de mari décideur19 Agressivité devant la difficulté relationnelle avec ses enfants16 Diminution de son besoin de protection24 27 32 Demande de reconduire un suivi thérapeutique pour elle qui avait été Dialogue avec son mari sur ses difficultés à elle28 entraînant : arrêté17 -Création d’une distance avec son mari Critique de l’hyper protection de sa mère Reprise d’une relation avec son mari 18 -Remobilisation de leur attachement mutuel29 19 -Sécurité dans la place que lui fait son mari29 Tristesse dans sa difficulté à affronter le regard de ses parents19-20 Modification de son mécanisme de défense32 (cf ci-dessus) Distance avec sa mère23 Protection contre une part d’elle-même (qu’elle reconnaît) dans l’inobservance des séances, dans 23 Confrontation à l’agressivité de son mari dans le dialogue le parti pris contre son mari25BIS 144 8 Conflit avec son mari sur l’intérêt de ses séances : ne parle plus, plus de Acte de la grossesse et IVG comme issue à un conflit relationnel avec le père, le directeur, le mari33 madame M communication24 Secret36 : Culpabilité de venir aux séances et inobservance dans le suivi des -Exclusion du mari36 rendez-vous à cause de la réticence de son mari24 25 -Fuite36 Inobservance des séances25 Angoisses archaïques et fusionnelles expliquant le mécanisme de défense utilisé37 Décision d’arrêter la thérapie26 - travail thérapeutique permet de modifier le mécanisme de défense37 Secret de l’IVG: son mari ne sait pas27 Décision de parler de l’IVG à son mari28 ***** 9 ***** Explication de son IVG : Clémentine Recherche d’une réplication exacte de ses amis morts à laquelle l’enfant ne répondait pas1 ***** Tentative de remplacement par l’enfant des trois vies détruites par l’accident5 9 - enfant différent de l’enfant projeté avec son ami, d’où sa séparation 8 Culpabilité de la mort de ses amis6 10 Deuil impossible de ses amis morts dans l’accident causé par sa culpabilité de leur mort6 Autopunition par sa séparation amoureuse10 Tentative de l’ordre de l’hallucinatoire avec une vision délirante de l’embryon1 Crise nécessitant avant et après l’IVG un travail de deuil de l’embryon 2 3 Difficultés du travail de deuil car double deuil : départ de l’ami et de l’enfant4 145 9 Après la 1ère IVG : Fermée1 / Décidée à réaliser cette IVG1 21 26BIS Fatia Accusée par sa mère de plusieurs fautes10 11 12 13 Révélation de sa 1ère IVG d’il y a 15 mois2 3 4 Séparation de son couple sous la menace de sa mère13 Culpabilité de sa grossesse et de son IVG6BIS 5 29 Désespoir15 Lassitude6 Pendant l’année qui suit la 1ère IVG : Humeur dépressive7 Alcoolisations et difficultés familiales depuis un an1 2 5 6 16 17 Mémoire du projet d’enfant avorté=seul intérêt de cette 2 ème grossesse9 : Nécessité d’un placement en foyer d’urgence puis famille d’accueil2 Réparation de sa maternalité18 19 Pas de modification du comportement d’alcoolisation au retour dans sa Projet narcissique détruit10 12 38 famille 6 Blessure narcissique entraînant une 2ème grossesse12 11 = Comblement d’un manque par la grossesse20 : - Un an après la 1ère IVG : Le moment de fécondation correspond à la date anniversaire de la 1 ère IVG5BIS 8 Coma éthylique un an après la 1 ère IVG1 5 6 Tentative de remplacement du bébé par les alcoolisations15 14 Suivi médical familial rapidement interrompu3 4 Manque du bébé, vide16 17 29 Négligence de sa relation amoureuse (conduites sexuelles à risque sous Tentative illusoire21 22 24 25 de réparation du bébé car : l’emprise de l’alcool) et grossesse8 20 21 22 - le bébé est l’ombre de l’autre ET qu’il n’a pas le droit d’exister22 26 Demande d’une (2ème) IVG7 Rage23 Acceptation de la consultation psychiatrique7 Culpabilité de sa décision d’IVG26bis entraînant : Souhait que ses parents et surtout sa mère ne soient pas au courant9 19 25 Négligence en apparence du secret de sa grossesse envers sa mère, instance punitive 27 28 Responsable de cette grossesse 23 Expression difficile de son histoire = ambivalence dans sa prise en charge psychiatrique29 39 40 Indifférence de l’enfant à naître24 Arrêt du suivi à cause : Autopunition ou déni familial ou interdiction par sa mère31 Découverte de la grossesse par sa mère27 Répétition du cycle grossesse-IVG30 32 Réalisation de l’IVG en présence de sa mère26 Attaque au corps par ce deuxième cycle32 33 Mauvaise observance du suivi psychiatrique = interruption brutale du Démarche mortifère de cette 2ème grossesse33 36 37 / Automutilation41 suivi pourtant accepté à deux reprises3 4 28 29 30 Attaque au corps dans ses conduites sexuelles à risques aggravées par son alcoolisme34 35 Tentative de rétablir le projet narcissique de la 1ère grossesse en s’appuyant sur la potentialité de vie de la 2ème grossesse 36 37 38 et non la scène mortifère Prise en charge nécessaire : - pour élaborer le deuil secondaire à la 1ère IVG41 Deuil destructeur41 - pour que la répétition du cycle ne soit pas la répétition d’une auto-mutilation41 146 10 Après l’IVG : Régression du stade génital au stade oral signifiée par la boulimie et l’avortement1 Cécilia Sentiment de mal-être1 Problématique narcissique du vide interne s’opposant au plein 2 Troubles alimentaires boulimie-vomissements depuis l‘IVG2 3 4 5 Tentative de garder l’enfant et la mère potentiels, l’enfant qu’elle a été, sa mère par la boulimie 3 Besoin de se sentir pleine4 Tentative d’accéder à un changement d’état4 Souci de sa silhouette6 Echec de ces tentatives symbolisé par les vomissements1 5 Connaissance d’elle-même par le sport20 Expression de conflits psychiques présents et passés symbolisées par les vomissements6 Refus d’une certaine image de la femme existant dans sa famille7 Déni de son désir ambivalent d’enfant9 Relations maternelles : Besoin d’indépendance 11 Sentiment d’injustice, de colère, de tristesse suite au départ de sa 11 Questionnement sur son devenir identitaire sexué et adulte favorisé par le contexte familial9 Déséquilibre psychique et identitaire en l’absence du soutien maternel nécessaire pour terminer sa mère construction psychique/identitaire12 13 20 41 42 43 >départ trop précoce de la mère12 42 Sentiment d’abandon au départ de sa mère10 12 Blocage de sa prise d’autonomie = frustration et dépression 14 15 41BIS 45 Sentiment d’incapacité de tenir la maison maternelle Prisonnière d’une imago maternelle de toute puissance16 19 laissée à sa charge13 Différenciation incomplète – confusion/fusion – difficulté de séparation avec sa mère17 18 23 44 27 28 29 Sentiment d’être prisonnière de la maison17 Mise en acte du corps par la boulimie19 Sentiment de passivité dans l’action d’être tombée enceinte16 = Expression du désir de différenciation d’avec la mère dans le comportement boulimique19 31 Mise en acte de son corps, conduites psychopathologiques et psychosomatiques = moyen d’exprimer Demandeuse d’un suivi psychologique régulier14 et de transformer des conflits psychiques/identitaires, des angoisses22 40 26 40BIS Espacement progressif après un mois de vacances15 Mise en acte du corps = moyen principal d’expression22 = de se connaître, de grandir40 = moyen de Arrêt du suivi, à sa demande après neuf mois de suivi14 15 construire son identité22 40 26 40BIS Disparition des troubles alimentaires, reprise du sport, emménagement Mise en acte de son corps (exemple : sport) 40 24 40BIS / Ces conduites ont un sens26 dans un appartement15 Rejet des objets maternels41 Perturbation du processus de subjectivation par l’arrêt du soutien maternel41 42 : - angoisse, choc spéculaire de son corps de femme43 20 - confusion avec le corps de sa mère44 - arrêt du sport45 - grossesse = acte manqué = désir de inconscient de grossesse et de construire son identité de femme et et de mère46 47 24 rejeté dans l’acte de l’avortement24 28 29 - boulimie-vomissements traduisant besoin et rejet de sa mère23 27 28 29 147 Prise en charge médico-psychologique régulière suite à ces troubles alimentaires30 10 Cécilia - régularité pour éviter les angoisses d’intrusion32 Mise en acte dans la reproduction de la séparation par le congé d’été35 33 - La séparation estivale a reproduit, réactivé, répété la séparation maternelle33 Mise en acte dans la diminution des conduites boulimiques34 Prise d’autonomie, équilibre psychosomatique34 35BIS Décharge et projection de la conflictualité de sa vie psychique sur son corps par des mises en acte du corps37 permettant : - ***** 11 Nadège Travail d’intériorisation, de subjectivation38 39 6 40 22 26 40BIS ***** ***** Ressemblance avec le caractère fier, affectueux, dominateur de son 5 Culpabilité liée à l’homicide 1 père Douleur causée par la perte de sa vie de famille avant le divorce2 4 14 Rupture volontaire de contact avec lui depuis plusieurs années6 Epreuve immense6 douleur causée par la perte de sa vie de famille avant le divorce2 4 14 Blessure causée par cette rupture6 Liens affectifs très forts avec ses frères3 Rancœur envers le comportement de son père7 Ralentissement intellectuel secondaire5 Conséquences psychologiques du comportement de son père sur elle8 Description sans hésitation de sa mère comme une personne faible 9 Absence de trouble psychotique, de l’humeur, de la personnalité7 8 9 Difficultés à faire le deuil de sa vie de famille avant le divorce 10 11 12 Attention maternelle envers ses frères11 12 Immaturité sous forme de sentimentalisme10 15 Confiance envers son ami13 Relation de dépendance avec la mère13 : sa première action le jour de l’accouchement a été d’aller Tristesse à l’évocation de l’homicide14 chercher la mère22 23 41 Pas de force pour sortir le bébé des toilettes16 Sentimentalisme non refoulé par un manque de défenses névrotiques17 Utilise le terme « bébé »16 Déni de situation18 19 Doute sur cette deuxième grossesse à 6 mois15 Investissement de son ami comme remplaçant du père20 21 Silence sur son doute au médecin généraliste, à sa mère, refus de voir Non investissement de son ami comme un futur père20 21 un gynécologue 17 19 20 21 26 L’IVG tardive annonçait le déni de grossesse26 Décalage du couple entre la prise de conscience de la grossesse et celle Secret de l’IVG envers sa mère27 de son terme18 23 24 25 Dans les 2 cas, Nadège recule le moment de conscience de la grossesse27 N’en a pas parlé à sa mère car elle veut rester la petite fille22 148 11 IVG : Nadège Secret de l’IVG envers sa mère27 Atmosphère familiale lourde et silencieuse28 Traumatisme lié à la prise de conscience du déni (déflagration) 35 Culpabilité liée à la prise de conscience du déni35 Cauchemar de la grossesse mis immédiatement hors circuit par un acte réel, l’avortement 39 Acte réel39 L’IVG tardive annonçait le déni de grossesse26 - Dans les 2 cas, Nadège recule le moment de conscience de la grossesse27 Etat entre conscience de grossesse et déni de grossesse à 2 reprises36 37 38 46 Infanticide : (Infanticide volontaire non classique car appel à l’aide41 43) Sentiment de trahir sa famille comme son père l’a fait, en cas de maternité29 34 Cause du silence : veut garder le statut de petite fille30 Absence du plaisir d’égaler sa mère et de la crainte de ne pas y parvenir31 30 Refus de transmission31 Avortement du processus psychique d’élaboration de l’enfant imaginaire33 32 Conséquence : infanticide33 Cauchemar de la grossesse mis immédiatement hors circuit par un acte magique39 Acte magique = n’est pas enceinte 39 40 = Déni de grossesse40 42 44 Panique lors de cet accouchement (infanticide) 25 24 Traumatisme lié à la prise de conscience du déni (déflagration) 35 Culpabilité liée à la prise de conscience du déni35 149 Besoin d’être écoutée dans la confiance par une femme1 19 24 Pas d’affect en racontant son histoire sauf un sentiment de honte, de gêne1 4 2 45 49 15 Révélation de la violence de son mari1BIS 2 3 5 Histoire constituée de violence, notamment sexuelle3 5 20 21 51 Pas d’allusion à ses filles lors des premiers entretiens2BIS Traits dépressifs6 8 11 Habillée de noire3BIS Passivité (face à son fils, face à la violence de son mari, face aux relations sexuelles subies, face à Malaise depuis les retrouvailles avec un frère l’ayant abusé sa souffrance) 7 12 20 27 31 51 sexuellement plusieurs années dans l’enfance4 Besoin d’aide9 10 22 42 Aveu d’avoir porté plainte une fois contre son mari pour violence Méfiance vis-à-vis des femmes14 48 physique sans suite5 Sentiment de trahir en allant parler à une psychologue16 17 18 67 Courage d’avoir parlé à sa mère de ces agressions du frère Peur et colère18 19 Sentiment d’être abandonnée par sa mère8 Trahison par sa mère19 49 Espoir d’avoir la confiance de sa mère9 Solitude19 23 41 42 Surprise par la réaction de sa mère10 Répétition ininterrompue de violence : répétitions de relations avec des hommes maltraitants20 21 29 31 51 Sentiment d’être blessée par la 1ère IVG11 Culpabilité33 36 45 49 Sentiment de honte à la pensée de cette 1ère IVG12 Silence issu de sa culpabilité17 25 30 34 36 37 Sentiment de haine à la pensée de cette 1ère IVG12 Satisfaction de parler26 52 Sentiment d’avoir été harcelée sexuellement par son patron (elle quitte Transfert de sa souffrance sur le mode d’identification à l’agresseur par l’expression 28 53 54 l’emploi) 13 Répétition de situations permettant de rejouer le traumatisme non élaboré pour se libérer de l’angoisse Sentiment de culpabilité générale et d’être coupable de refuser des qu’il provoque à long terme29 31 rapports sexuels avec son mari 14 20 15 14BIS 21 22 Justification de la violence de son mari30 Pas de désir d’enfant16 Volonté d’avoir une 2ème IVG après une 5ème grossesse forcée32 Certitude qu’elle quittera son mari pour sa violence physique17 Dépression post-partum (après la naissance du 3ème enfant, après 1ère IVG, 2 ans avant la 2ème) Peur que ses filles soient victimes de la violence sexuelle des hommes18 Traumatisme de Mme T 38 39 43 44 51 55 : Peur de se confier à des hommes19 1 Secret provoquée par sa culpabilité 21 1 35 - inceste par son frère pendant plusieurs années - absence de soutien familial ; tante, sœur, mère : figure maternelle passive et absente19 43 49 50 Risque de punition en levant le secret22 Réactualisation de son identité de femme et de mère par les évènements de sa vie (comportement de Besoin qu’on lui fasse confiance23 son fils, violence de son mari, naissance de sa fille, fille de 6 ans) 39 Besoin d’un suivi psychologique24 Manque d’estime de soi58BIS Besoin de se libérer par la parole pour y voir plus clair24 Difficultés majorées par sa culture/histoire : liens de consanguinité, thème tabou de la sexualité40 47 46 Souffrance intense25 La répétition peut s’arrêter à partir d’un début de distanciation, d’élaboration du traumatisme51 58 150 12 Seul plaisir lui est procuré par ses enfants26 Plaisir masochiste de ne pas parler52 Madame T Difficultés à évoquer les soucis provoqués par son fils27 Blessure narcissique causée par ces traumatismes57 38 39: -son identité de femme39 basée sur une représentation terrifiante des hommes, sur sa crainte de ne pas pouvoir protéger ses filles des hommes18 38 47 58BIS -son identité de mère39 basée sur une figure maternelle passive et absente, sur une méfiance envers les femmes14 19 43 44 48 49 50 Atteinte supplémentaire à son narcissisme provoquée par le trouble du comportement de son fils57 ***** 13 Sarah ***** ***** 1 Sentiment de ne pas récupérer de son IVG 2 Dépression Sentiment d’être déprimée depuis l’IVG Dépression13 Sentiment d’accablement depuis l’IVG2 4 Réactivation secondaire de la culpabilité ancienne de ne pas combler la détresse maternelle13 12 Besoin de parler3 Sentiment d’être bloquée, face à un obstacle3 Confusion entre son histoire et celle de sa mère, entre 2 femmes, 2 bébés, 2 fécondités13 18 19 15 14 6 Certitude que l’IVG est liée à son mal-être5 Différenciation de l’histoire de sa mère et la sienne, à travers la parole, l’expression du rêve24 20 21 25 Incompréhension du lien entre IVG et mal-être6 Culpabilité secondaire à l’IVG16 Evocation de son rêve datant de quelques jours après l’IVG Réappropriation de l’histoire de son IVG : Singularisation de sa décision d’IVG dans son contexte22 23 (elle perd un bébé à la naissance) / Non-intégration de l’IVG à cause de cette culpabilité17 7 Tristesse de ce rêve7 Clinique de la grossesse et de l’IVG qui sont symptômes de souffrance du lien mère-fille1 2 3 4 Ressenti très important du sentiment de perte de sa mère par rapport à Tentative de réparer par la grossesse d’un trauma maternel lié à : fécondité / deuil pathologique5 8 27 28 son bébé mort à 8 mois de grossesse8 Culpabilité de vouloir se différencier de leur mère à cause de cette grossesse7 Sentiment d’avoir un peu tué, par l’IVG, le bébé que sa mère a perdu à Ambivalence à décider ou non de se différencier de leur mère à travers l’IVG11 8 mois de grossesse9 Tentatives basées sur le fantasme de la « magmamatrice », fantasme d’une matrice commune à l’origine d’un vivant collectif via la fécondité26 33 34 3539 40 41 42 43 , pouvant avoir comme conséquences : -Reproduction de la détresse maternelle, du deuil maternel compliqué/pathologique29 30 31 45 -Toute puissance pouvant entraîner l’IVG36 37 38 -Réussite de la tentative de réparation32 44 Utilisation de ce fantasme dépend du psychisme du sujet et des évènements traumatiques de son histoire46 / Tentatives de réparation imaginaires transgénérationnelles44 151 14 Isolement11BIS 11 / Volonté de sortir de son isolement à travers sa Crise d’adolescence survenant pendant l’adolescence de ses enfants11 2 14 18 15 Yasmina rencontre médicale pour une prise de contraception11BIS 11 Rupture dans sa vie comme l’IVG1BIS Sentiment d’être abandonnée par ses enfants depuis l’obtention de leur Malaise, souffrance causée par : garde par le père 136 Accablement par cet abandon et par la procédure judiciaire lancée par - Séparation des parents3 4 - Vol de son adolescence5 13 7 6 8 9 le père1 2 Maternité manquée comme conséquence10 Constat de relations quasi-inexistantes avec ses enfants3 6 Questionnement sur son identité de femme17 Constat du temps perdu de leur enfance4 6 8 Nouveau sens donné à l’adolescence et à la maternité manqués16 Souhait de rattraper le temps non passé avec ses enfants 4 Accusation du père d’être responsable de ce temps perdu5 Sentiment de ne pas être reconnue comme mère7 10 Accablement par la vie depuis la séparation de ses parents9 Fin de l’insouciance depuis la séparation de ses parents9BIS 14 Pas de souhait et refus de rencontrer un psychologue1 Entretien permettant l’association entre son changement brutal de vie et son enfance1TER 1BIS Justine Indécision à réaliser une 3ème IVG2 Exposition d’elle-même1 Vie désordonnée depuis le secret levé sur son origine4 3 Prise de décision d’IVG différente des précédentes, probablement par le travail psychologique 2 Interprétation du striptease comme le besoin de transgresser l’interdit Probable arrêt de la répétition des IVG par ce travail psychologique3 parental de se montrer5 Première énonciation de son désir d’enfant7 Décision de réaliser la 3 ème 8 IVG Décision différente des fois précédentes=pour elle8 (numérotation commune à Justine et Yasmina) IVG=problématique adolescente à choisir ou non de rendre réel sa potentialité d’être mère4BIS 5BIS 7BIS Adolescence = questionnement et revendication de son identité de femme à sa mère, reconnaissance de sa mère comme femme6B 9B 7B, questionnement sur la maternité7B par les moyens de la fécondité9B IVG et fécondité = moyen pour accéder à une identité de femme et de mère9B Age adulte = re-questionnement de son identité de femme après une maternité réelle8B Le malaise de l’adulte est causé par un moment de sa vie adolescente10B L’adolescence rend compte des constructions infantiles11B 12B Le moment adulte est un test de la solidité de la construction adolescente afin de tenter une nouvelle construction s’il y a des ratages11B 13B 152 15 Habillée en style gothique2BIS Provocante et plutôt extravertie1BIS Luna Besoin de voir ses amis2 Exclusion de Luna = Comportement des parents déclenché par la transgression grossesse+IVG1 7 Envie de profiter de la vie4 Rejet de la différence de Luna5 6 9 15 qui cause : Sentiment d’avoir vécu une épreuve par la grossesse et l’IVG3 5 Exclusion par un mécanisme de persécution de Luna2 3 4 5 17 9 12 10 14 Souffrance toujours actuelle6 Entretien de cette différence par Luna13 19 Refus d’entretien en présence de ses parents8 Souffrance, désespoir16 18 21 32 Description de son père comme une personne très dure8BIS Victime sacrificielle20 Sentiment d’être incomprise de ses parents et d’un de ses frères1 7 9 11 19 Vécu calme de l’entretien en présence de sa mère22 Sentiment d’être comprise de ses amis 2 11 Vécu libérateur de l’entretien individuel par l’expression du cauchemar23 Proximité avec un de ses frères10 Rêve de caractère incestueux24 Sentiment qu’elle perd ses parents12 13 Rêve manifestant sa culpabilisation de l’IVG par ses parents, et la culpabilité de ceux-ci25 26 26BIS Refus d’être vue avec sa mère dans la rue14 Violence et culpabilité de l’entretien en présence de ses deux parents26 15 26BIS Cauchemar=homme ressemblant à son père, mais qui n’est pas son Diabolisation de Luna par ses parents26BIS père, qui essaie de lui donner un fœtus ensanglanté15 16 Soutenue par l’un de ses frères27 42 Répétition d’un cauchemar15 18 Victime des modèles réparateurs de ses parents face à leurs blessures d’enfance29 30 Arrêt des cauchemars17 Victime de la double trahison de ses parents dans un jeu aliénant et déstructurant 32 33 Sentiment de solitude1 19 Victime du comportement de ses parents à cause de ce déni34 35 Sentiment d’exclusion 1 19 Révélation que le garçon qui l’a mise en enceinte s’appelle comme son 18 frère aîné 34 36 Réapparition d’une solidarité familiale dans la fratrie puis toute la famille, d’un dialogue 37 42 43 Vraie discussion familiale et levée du secret sur l’agression sexuelle par son frère Fabian du même prénom que celui dont elle a été enceinte38 38BIS 39 Trahison fraternelle et déni parental de l’inceste responsable de sa solitude39 Réactivation de la souffrance, culpabilité et blessure narcissique familiale par la grossesse et l’IVG40 28 Surcharge émotionnelle = de culpabilité faisant consulter41 153 16 Pas de désir d’enfant3 8 9BIS 9TER Attente d’une décision de son mari en faveur de l’IVG49 Nouria Aucune contraception supportée3 9BIS Faute morale de la mère d’avoir réalisé les IVG1 Inquiétude du devenir de chaque grossesse4 Déchargement de cette faute morale en se débarrassant du dossier qui en porte la trace 1 Attente à chaque grossesse d’une décision de son mari5 Isolement familial = mécanisme de défense contre ses carences environnementales & période de Solitude dans le choix d’avorter ou non 6 gélation de son individuation et de l’accès à la différence des sexes 1BIS 25 37 37BIS 38 1TER Dissimulation de ses 2 IVG sous le prétexte de sa religion7 7BIS Psychose puerpérale passée inaperçue2 Identification au troisième enfant8 Non considération des besoins du bébé3 4 5 6 42 Seul bonheur connu : la période où elle vivait seule sans famille9 Non acceptation du bébé7 Sentiment d’horreur lors de la 3 ème grossesse, de l’accouchement, de Mauvaise élaboration du conflit oedipien8 9 = Grave trouble identitaire13 14 l’hosptalisation10 11 - Absence ou dévalorisation de son père9 29 Sentiment que tout avait un sens, tout lui parlait13 - Insécurité26 27 par la discordance entre les parents de Nouria22 23 24 30 Sentiment de culpabilité de son non-désir d’enfant à cause de l’Islam12 =>Considération de son bébé comme insuffisant10 11 Troubles du sommeil14 =>Agression par son bébé12 Peur de tous ces signes15 Honte de l’état féminin31 32 Sentiment d’être en un état étrange avec le traitement médicamenteux17 =>Accusation que son bébé est responsable de ses malheurs35 21 Bénéfice du traitement médicamenteux supérieur à son inconvénient17 =>Agression par son bébé33 34 Pas d’accès à la différence des sexes37 d’où : Comportement envers le bébé : Réactivation de sa passivité agressive de l’enfance à la naissance des enfants18 19 20 37BIS 46 Agacement et agressivité envers son bébé1 Réactivation de sa passivité = attente désespérée de l’amour de sa mère39 Malaise par rapport aux pleurs importants de sa fille2 Réactivation de son agressivité = souffrance infligée par la mère toute puissante 40 41 42 Désarroi causé par son bébé (qui est malade) 18 19 =>Haine envers son bébé20 21 36 44 45 Envie de voir son bébé mort19 =>Pas d’accès aux sentiments maternels36 48 Charge des soins médicaux nécessaires pour son bébé (malade) 20 =>Persécution maternelle primaire inconsciemment répétée de génération en génération15 16 17 20 42 43 48 48BIS 154 17 Culpabilité envers sa sœur mourante1 Syndrome de Münchhusen : Syndrome de Münchhausen par procuration (par son fils) ou simple (IVG) 1BIS 3 10 37 40 44 56 81 149 156 Madame P Troubles du comportement profondément mêlés à ceux de son fils2 Soumission au fils : Soumission aux désirs de son fils2 3 67 68 Passages à l’acte maltraitants son fils (lavements rectaux injustifiés, masturbation, empoisonnement, 67 Menacée d’un couteau par son fils comportements ordaliques avec son fils, mensonges sur sa santé) 4 10 13 39 49 50 138 139 Commandée de se déshabiller en même temps que son fils, de rester Culpabilité de maltraiter son fils4 16 / Culpabilité de masturber son fils129 dans le lit avec lui68 Utilisation de son fils/fœtus pour attirer l’attention des médecins/du juge/sa mère sur elle11 44 46 48 77 Sentiment d’avoir un fils gentil ou méchant69 Aveu systématique de ses passages à l’acte aux soignants12 15 19 20 23 31 121 139 Volonté de protéger la vie de son fils 16 19 20 120 123 128 130 166 167 Révélation d’inceste dans l’enfance5 Clivage psychique entre la mère en détresse et la mère dangereuse21 58 131 Pleurs sur le récit de son enfance5BIS Volonté qu’on sache ce qu’elle a subi enfant30 40 Sensation de mains dans la culotte37 Signification de la maternité comme seulement équivalent à des soins physiques d’un bébé 110 142 151 Acceptation d’un suivi avec la pédopsychiatre6 7 Initiation d’une thérapie familiale et de couple6 Relation à son corps : Richesse des élaborations, des rêves, des fantasmes7 61 62 évoquant rétrospectivement de futurs passages à l’acte8 Maltraitances sur son fils : Besoin de faire des lavements à son fils8 4 Sentiment d’être comblée par la prescription des lavements Obsessions sexuelles9 41 152 Prise d’un antidépresseur9 / Culpabilité de ses fantasmes24 42 60 Provocation de conceptions pour avoir des IVG45 -provoquant la soumission61 Idées morbides et suicidaires51 91 92 118 -faisant intervenir des tiers pour soulager sa culpabilité62 Relation à son corps marquée par des abus précoces53 -provoquant une souffrance semblable à ce qu’elle a vécu63 65 Phobie des mots évoquant le corps, la sexualité56 69 70 71 126 127 / Flash-back traumatiques de l’inceste57 Révélation du mensonge de la constipation de son fils9 Considération de son fils cadet comme une partie de son corps54 55 72 74 75 109 114 116 133 Disparition de ce besoin de faire des lavements à son fils10 Haine contre son fils73 79 107 108 113 Maltraitance directe avec son fils11 : Identification de son fils à sa mère et à son grand-père abuseur114 115 -Provocation d’une entorse de cheville suite à une chute20, et d’une déshydratation sévère suite à une gastro-entérite justifiant une hospitalisation 21 Demande que son fils soit soumis à ses désirs75 79 122 136 137 Identification à l’agresseur112 -Marche avec son fils sur la balustrade du balcon au 10ème étage70 Identification projective de son fils à elle-même comme enfant-victime et protection122 -Administration d’un antidépresseur à son fils pour le protéger de son Désir de réparer son enfance à travers son fils132 désir de le masturber27 & avertissement du pédopsychiatre de son acte28 155 17 Madame P Relation à sa sœur, à sa mère, à son mari : Sexualité : Masturbations compulsives 12 Deuil de sa sœur mourante1 Idées suicidaires13 Culpabilité de son enfance5BIS Expression de fantasmes et de rêves14 40 Jalousie envers sa sœur84 85 86 88 -sa mort suite à un viol, une IVG puis un cancer utérin 15 Culpabilité envers sa sœur87 89 -mort de son fils suite à une chute par la fenêtre17 Utilisation de son fils/de ses fœtus en sacrifice pour se faire pardonner de sa sœur décédée90 -masturbation de son fils par elle18 Loyauté inébranlable envers sa mère93 97 98 106 169 170 178 179 -maladie grave de son fils qu’elle soigne avec dévouement19 Culpabilité de ses fréquents fantasmes sexuels 22 Désillusion croissante de l’amour de sa mère65 94 95 140 Culpabilité à tout prix envers sa mère96 Ne prenait jamais sa pilule contraceptive28BIS Doute sur l’amour de son mari65 Désir d’une conception dans le but de faire une IVG23 29 Diminution de ses troubles quand son mari s’intéresse à elle102 Désir de masturber son fils à cause de l’échec de cette conception pour Utilisation de son fils/de ses fœtus pour éprouver l’amour de son mari=attirer son attention99-105 faire une IVG23 et du sentiment de vide intérieur laissé par l’autonomisation de son fils24 38 58 & désir de le protéger de cet acte26 Personnalité : Tentative de maintien d’un équilibre psychique par une mise en tension permanente 23 25 26 27 83 Affirmation et démonstration qu’elle est dangereuse pour Adrien30 31 par sa mère65, son fils14 49 50 109, son mari65 66 67 68, les thérapeutes et le juge145, des conflits33 34 36, des Hospitalisation HDT de 1 mois31BIS orgasmes de peur65 146 147 148 Demande de reprendre le suivi psychothérapeutique 32 33 Non-acceptation de son corps35 Désir de maîtriser son corps34 Comportement masochiste = plaisir d’avoir peur = érotisation de la peur41 152 153 155 Perversion narcissique52 60 63 64 69 135 136 137 160 -Utilisation de fils, mère, mari, psychiatres comme objet-fétiche119 157 158 164 165 168/171 Acceptation de son corps par l’intermédiaire d’un bébé36 Diminution des tensions par de profonds changements dans son entourage82 109 141 142 143 144 Sentiment de terreur et de rage face à un vide intérieur39 (autonomisation du fils, retour de son mari vers elle, détachement de sa mère, respect du psychiatre) Sentiment de vide intérieur notamment laissé par l’autonomisation de Absence d’angoisse entraînant un vide, un danger de mort psychique et physique, une aggravation 24 38 58 son fils de son déséquilibre psychique117 143 144 162 163 Sentiment que la présence de son fils ordonne l’intérieur de son corps43 Sentiment d’être habitée par sa mère41 42 Espoir de recevoir de l’amour maternel après le décès de sa sœur44 45 Disparition de ce grand espoir46 Sentiment de payer chaque instant de bonheur depuis ce décès47 156 17 Sentiment de devoir mourir pour exister48 Disparition des passages à l’acte32 Madame P Sentiment de culpabilité envers sa mère si son mal-être s’améliore49 Fascination pour la méthode de soins des psychiatres159 Besoin de culpabilité pour aider sa mère50 Absence de modification de son comportement pendant le suivi161 Refus de relations sexuelles avec son mari50 : Apaisement de ses relations avec sa mère après le décès de son père174 -Sentiment de honte envers sa mère en acceptant des relations sexuelles Reconnaissance de l’importance de son père pour sa mère 175 avec son mari51 53 Séparation d’avec l’idée de rivalité avec sa sœur176 et diminution de culpabilité envers son couple177 -Volonté de punir son mari en les refusant52 Réinvestissement de son couple180 -Crainte de faire croire à son mari qu’elle va bien en les acceptant54 -Crainte de ne plus avoir d’attention de son mari en les acceptant Appui trouvé dans la relation avec sa psychiatre pour sortir de la relation perverse avec son fils 181 54 Prise de conscience que son mari est devenu sa seule famille55 Sentiment de rage à cette prise de conscience56 Volonté de ne plus prendre de risque de conflit direct avec lui 57 Sentiment de solitude58 Sentiment d’échec de son rôle de mère59 66 Sentiment que son fils est responsable de ce qu’elle est devenue64 Désir de pardonner à son fils64 Désir que son fils ne vive pas ce qu’elle a vécu66 ***** 18 Madame A ***** ***** 1 2 10 Sentiment d’être rejetée par son gendre Hésitations pour raconter l’origine de ce rejet IVG = perte 3 2 Syndrome de l’enfant de remplacement=mode de transmission10 9 6 13 Transmission transgénérationnelle d’un deuil périnatal prolongé7 9 Récit sur la naissance du petit-fils : Deuil périnatal non fait8 1 3 11 Empressement pour visiter sa fille à la maternité4 Forte projection des représentations imaginaires de l’enfant disparu sur le petit-fils4 5 12 Appropriation du nouveau-né dans la chambre de sa fille5 6 7 8 Pleurs à la séparation avec le nouveau-né dans la chambre de sa fille Rupture des relations affectives intergénérationnelles14 9 Appropriation secrète de la grossesse de sa fille11 12 13 Confidence de l’IVG14 157 19 Objectif que son couple ressemble à celui de ses parents1BIS Union très forte de ses parents4 5 45BIS Madame B Suspicion et découverte que son mari la trompe31 32 Bonheur du début de son mariage5BIS Sentiment d’abandon33 34 35 3 7 15 16 17 27 28 29 Objectif de former un couple uni5BIS Sentiment d’être exclue par ses parents1 Décollage du lien à son mari par l’éloignement8 et aventure amoureuse avec sa belle-sœur7 Sentiment de haine envers ses parents2 14 Cristallisation suite au suicide de sa belle-sœur11 Confiance envers sa belle-sœur4 Mélancolie délirante chronique3 9 Affection envers sa belle-sœur 56 : Syndrome de Cotard : 7 Sentiment de rancœur envers sa belle-sœur décédée Sentiment d’être morte 11 74 80 81 8 11 12 13 22 26 28 31BIS Syndrome de Cotard22 26 28 77 -délire25 avec tendance mégalomaniaque du délire40 41 45 Désir de se rapprocher de sa belle-sœur dans la mort9 40 41 43 18 19 20 21 22 -idées de damnation, auto-accusations de crimes imaginaires60 23 61 67 75 78 79 Sentiment d’être criminelle36 37 -négation ou transformation d’organe sur le thème de la pourriture24 59, négation de son Sentiment de mériter une punition38 appartenance au monde24 29 30-36 65 66, haine30 62 64 68 69 70 71 72 73 et risque suicidaire majeur1 63 Désir de mourir39 30 -croyance d’être déjà morte12 22 25 46 77 Sentiment d’être hantée par sa belle-sœur40 41 42 26 24 Sentiment d’étouffer son mari 10 Incorporation : Processus d’incorporation pour éviter le vide, la disparition de l’autre et de soi13-19 51 53 54 57 76 Sentiment d’avoir besoin de certaines personnes14 - Désir de ne faire qu’un avec son mari, sa belle-sœur morte45BIS 47 48 Sentiment de pourriture24 25 26 - Sentiment de naître après la mort de sa belle-sœur22 26 27 28 - Deuil impossible provoqué par l’objet incorporé19 20 - Régression provoqué par l’objet incorporé52 - Anorexie sévère provoqué par l’objet incorporé2 55 56 - Ambivalence dans la relation à l’objet incorporé21 Difficulté de séparation : Difficulté de séparation avec l’objet qui la représente dans le désir de l’Autre39 6 - Identification au cadeau abandonné par son mari6 35 - Identification à sa belle-sœur morte49 50 51 58 - Répétition d’un vécu d’abandon37 38 Lien possible entre thème d’ordure et pourriture avec celui d’auto-accusation criminelle de l’IVG60 158 20 Mal-être1 8 36 Réalisation de choix évidents et raisonnables19 20 21 une jeune Triste2 35 Surprise des pertes accompagnant ses choix22 femme Idées suicidaires3 Ignorance de la possibilité de la perte23 24 Anhédonie4 10 15 37 38 40 43 Possession de plusieurs choses25 Pertes de connaissance répétées dans les transports en commun5 29 34 Banalité de ses propos26 Souhait de poursuivre un traitement antidépresseur inefficace6 7 Dépression de ses propos26 Absence de situations douloureuses dans sa vie à première vue27 28 Difficulté à reconnaître les tensions qui appuient ses choix29 Réussite de sa vie : Sentiment de réussite de sa vie 9 9BIS 11 13 16 24 26 44 Pas d’insatisfaction hystérique30 31 Choix de bonnes études9BIS 55 Difficultés à exprimer son vécu32 33 34 Amour envers son ami12 13 Nécessité que les mots passent par la bouche de l’analyste35 Choix d’une vie sexuelle érotique23 55 Accord conscient pour réaliser un avortement36 40 par conformité à la loi sociale, la doxa/évidence Choix de vivre à Paris24 55 commune37 38 39 40 41 69 70 Choix d’acheter un appartement ensemble26 55 Sentiment d’avoir validé son engagement avec son ami par le nouvel 28 Désaccord : Choix forcé car : implicite, non formulé, non reconnu, non conscient5 6 11 12 13 43, absence de acte de propriété problématisation42, de reconnaissance, d’énonciation de son désir15-18, absence de conflit, de mise en Absence de regret d’avoir quitté son ancien ami 14 tension45 44, absence de reconnaissance d’une perte quelque soit le choix43 Sentiment de trahison envers lui16 Surprise de la coïncidence exacte entre l’apparition des symptômes et la date de naissance présumée46 Sentiment de culpabilité envers lui16 Prise de conscience : Tristesse d’avoir perdu la famille de son ancien ami 17 18 Prise de conscience de cette perte19 20 21 - du lien entre symptômes et son opposition à son choix d’avortement47 - du lien entre symptômes et la méconnaissance de la perte secondaire à l’IVG1 2 3 10 43 48 Besoin de sa famille et de sa région en province22 25 26 39 Prise de conscience reliée à un mécanisme de49 déni ? dénégation ? refoulement avec retour du refoulé Désir d’enfant27 46 50 52 54 sous forme de dépression ? récusation ? autre processus ?49 Plutôt à une non-reconnaissance de la Constat d’une similitude des pertes de connaissance avec sa mère30 Constat d’une alcoolisation un peu excessive 31 loi interne propre51 53 54 55 69BIS 103 Reconnaissance de sa loi morale interne permise par un travail analytique56 55 80 81 Inquiétude de cette alcoolisation32 =>Reconnaissance d’un désaccord avec sa loi interne d’interdiction de jouissance sexuelle57 Intérêt pour la réflexion développée par la psychanalyse33 41 42 48 Problématisation de la décision qu’elle a prise60-66 à partir du thème des biens matériels, de la Incapacité à relier ses symptômes à un évènement32 35BIS jouissance sexuelle71-73 75-79, en inscrivant la possibilité d’une perte, en engageant sa subjectivité60-68 74 159 20 Constat du lien entre l’apparition des symptômes et le mois de ème mois de l’année Reconnaissance d’une perte secondaire à son choix d’IVG, d’un renoncement au désir d’enfant suite à 34BIS la transgression de l’interdit de l’avortement, prix à payer pour accéder à la jouissance directe69BIS 77 78 une jeune septembre, 9 femme Discussion sur sa mère et son travail40 79 87 Insistance sur l’avantage de son travail sur les 71/2 mois de congés =>Reconnaissance d’un désaccord sur ce renoncement, sur cette perte qui n’a pas été élaborée81 82 83 84 maternité avec plein salaire45 Manque de problématisation de sa décision, de son choix et de la perte qu’il provoque = Manifestation Sentiment que son état actuel est incompatible avec une grossesse 47 de ces désaccords par la dépression58 59 85 100 Oubli de parler de son avortement au mois de janvier48 49 Désir conscient d’enfant non accompli = Dépression50 58 Secret de son avortement envers son entourage50BIS Distension entre désir et jouissance88 Désir de ne pas choquer son entourage Choix d’un avortement53 55 51 Confusion entre désir et volonté89 Le renoncement au désir est différent d’une restriction nécessaire de jouissance14 Position féminine : Problématisation de la décision qu’elle a prise à partir du thème de la position féminine90 = Décision d’accéder à la position de femme et de cesser d’être la fille de ses parents par le renoncement à sa grossesse en transgressant l’interdit de l’avortement91 = Attente en vain d’une reconnaissance symbolique de ce passage par le mariage et non par un acte de propriété93 94 95 = Dépression92 Désaccord et dépression liés à : - Antagonismes entre loi interne et doxa, entre désir et jouissance, entre jouissances convenables et pas convenables96-99 101-103 - Disparition des interdits et des passages104 - D’où une influence de la doxa105 - Et une croyance en l’autonomie de ses choix, libre-arbitre106 107 Guérison de la dépression par : Expression de chagrin et de colère108 / Réflexion sur la position de la femme par rapport à l’homme108 Joie d’être de nouveau enceinte56/Arrêt du suivi suite à l’annonce de sa seconde grossesse56/Mariage108 160 21 Alcoolisations massives et ponctuelles2 3 Ironie1 2 4 une jeune Demande de l’avis du psychiatre sur son comportement3 Confidence de ses alcoolisations3 femme Emportement à l’évocation d’un lien entre ses alcoolisations et un Colère à l’idée de ce lien5 éventuel avortement4 Aveu d’une souffrance secondaire à l’avortement6 7 Révélation d’un avortement5 Difficulté à exprimer cette souffrance7 car : Nécessité de cet avortement6 - non acceptable socialement8 Souvenir présent de cet avortement6 - non reconnue par le sujet elle-même9 11 Oubli de cette souffrance dans l’alcool10 Suicide alcoolique12 causée par : - profanation de la fonction symbolique essentielle de la femme14 13 25 - profanation de la procréation, de la maternité14 13 - meurtre du sujet féminin15 - meurtre du désir de maternité16 17 19 20 - avortement non désiré, forcé par l’homme qui avait la place symbolique de père18 - profanation du pacte sacré qui lie les hommes et les femmes21 22 23 Différence avec les déterminants de l’alcoolisme masculin24 Autre conséquence supposée de la profanation de cette fonction symbolique : la toxicomanie25 26 161 22 Anéantissement : Bouleversement physique et psychique de l’annonce 1 2 3 4 6 Michèle Long silence1BIS 1 Reconnaissance de ce silence restaurateur5 Sentiment d’anéantissement30 Etonnement de voir les enfants handicapés jouer7 Volonté de fuir30 Reconnaissance envers les médecins de dire la vérité sur l’anomalie8 Rancœur envers les médecins voyant le fœtus plus objet de soin qu’enfant9 Constat que ce qu’elle porte est un enfant malgré son handicap2 Sentiment d’hostilité déplacé du fœtus aux soignants10 11 Sentiment d’étrangeté du contenu utérin3 Paradoxe entre l’intérieur du bébé visible à l’échographie, et l’extérieur normal à l’œil nu12 13 14 2 rêves4 : Solitude dans ce choix dans tous les cas mortel : fœtus, projet, narcissisme15 76 Rêve 1 : seule en montée dans un escalator, elle croise un enfant qui est Désir de fuir la décision d’interrompre ou non sa grossesse16 sur le bord et qui la regarde Pas de contrôle de la situation17 Rêve 2 : elle monte un escalier, tombe, est relevée par un enfant Effondrement18 Interrogation sur la situation de l’enfant dans ses rêves : laissé ou Représentation du fœtus comme un futur enfant19 consentant pour l’IMG7 Culpabilité de l’IVG20 Relation entre ses rêves, son IVG et l’anomalie foetale5 Interrogation de l’auteur sur avortement et dette de vie envers sa mère20BIS Interprétation de l’anomalie fœtale actuelle comme une punition de Difficultés d’élaboration du deuil de sa mère21 l’IVG6 Silence sur les traces laissées par son IVG22 Peu bavarde au sujet du décès de sa mère8 Réactualisation de fantasmes archaïques et de pertes antérieures secondaire à la blessure narcissique liée Colère à cause du paradoxe des propositions administratives de prises en au traumatisme actuel23 29 charge du fœtus9 Inconcevabilité de l’IMG si le fœtus est considéré comme un être à part entière25 26 Prise de décision de l’IMG10 Confusion sur le statut du fœtus pouvant être inscrit à l’état civil ou autopsié24 27 Lourdeur du diagnostic pour elle11 Colère en lien avec la problématique du statut du fœtus27 causée par la précocité de ces propositions Solitude12 administratives28 Impossibilité de transformer un projet parental en un projet individuel 13 Peur de cette IMG nécessitant un accouchement normal30 Souhait de voir l’enfant14 Refus de le tuer une 2ème fois31 Refus de l’autopsie14 Repli sur soi, isolement social Dépression secondaire à un difficile travail de deuil32 33 34 39 33 15 Régression consécutive à l’effondrement32 33 36 Attente des retrouvailles avec son mari16 Désir de retour à l’état de fusion avec sa mère et identification au fœtus37 38 Impossibilité de parler de l’IMG lors de ces retrouvailles17 18 Peur mutuelle de la mort40 Evocation avec son mari du bébé, de leurs affects, de leurs projets19 Déni mutuel de la réalité de la mort du bébé40 47 162 22 Sentiment d’être prête à avoir un autre projet d’enfant20 Désir de partager et d’atténuer sa souffrance avec son mari42 43 44 45 Michèle Sentiment d’accepter d’attendre son mari21 Lien avec le bébé disparu possible par la colère et la douleur46 Désir d’écriture22 Incompréhension réciproque du couple48 Besoin de faire un lien entre avant l’IMG et après l’IMG23 Animosité réciproque du couple50 Evocation de la mort de sa mère et des non-dits familiaux24 Réinstauration progressive d’un dialogue mutuel49 Excuse du comportement de son père au moment de ce décès27 26 Acceptation de laisser le temps de la cicatrisation de cette blessure chez son mari 53 Expression de ses émotions possibles grâce aux entretiens29 Travail de deuil53 par : Sentiment de réconciliation entre elle et son bébé31 Sentiment de retrouvailles avec sa mère décédée 32 - processus de sublimation de l’objet perdu54 55 - intégration de l’IMG et du bébé dans son histoire55 Rationalisation masquant une colère sur ces non-dits56 57 Sidération familiale liée au thème de la mort58 66 40 Confrontation nécessaire avec ses affects60 61 67 68 Autorisation progressive à exprimer ses affects62 Nécessité de ce temps de parole entre annonce et décision pour remettre en circulation sa pensée63 64 65 66 Travail de deuil de sa mère et réaménagement de ses repères identificatoires70 84 Travail de deuil périnatal72 73 74 75 77 78 81 83 : -sortir de la sidération77 -donner un sens à la grossesse quelque soit l’issue77 -interrogation et représentation du fœtus77 74 75 -inscription du bébé dans sa filiation69 -arrêt du processus de parentalisation80 -nécessité du désinvestissement psychique du fœtus80 Risque de deuil mélancolique après l’IMG82 83 Elaboration de la perte et des pertes antérieures ravivées, dans l’accompagnement proposé par le thérapeute59 71 79 81 84BIS 163 23 Court terme après la 1ère IVG : Expérience horrible1 (pendant la 2ème IVG) Femme A Refus d’un suivi psychologique15 Sentiment de solitude2 4 Sentiment de ne pas en avoir besoin15 - Sentiment de ne pas assumer son choix/aveu de faiblesse si elle l’acceptait15 A travers les actes infirmiers3 Sentiment de culpabilité5 15 23 - 37 42 A travers les actes infirmiers6 Perturbation d’être dans le service de gynécologie-obstétrique7 Pendant la 2ème IVG : Besoin d’être physiquement mieux entourée9 10 Expérience horrible, pas géniale1 Demande d’empathie22 11 Sentiment de honte 2 Souhait que les infirmières soient plus authentiques22 Sentiment de culpabilité3 13 Paradoxe entre le refus de parler de son vécu et du besoin d’entendre celui de l’infirmière 12 13 Pas de désir de parler de sa vie privée4 24 44 28 Besoin de sécurité secondaire14 18 à un manque d’estime de soi16 39 40 42, de culpabilité5 15 23 37 42, Désir que ce soit « liquidée »5 d’anxiété14 17 36 Besoin que l’infirmière soit plus présente6 11 18 19 20 21 22 23 27 28 29 31 33 Besoin d’être rassurée sur le non-jugement de l’infirmière et le protocole de l’IVG19 20 Besoin d’être soutenue sur sa décision7 Doute sur sa décision8 9 12 Mal-être / Sentiment de solitude Mal-être : 16 17 Difficultés à supporter ce mal-être21 29 Besoin de savoir si l’infirmière est en désaccord avec l’IVG25 Pas besoin de savoir si le médecin est en désaccord avec l’IVG Tristesse36 26 Découragement36 Colère contre soi-même et autrui exprimée le désir de mourir38 39 40 -Après l’IVG : Mise d’une carapace pour faire comme si l’IVG n’avait jamais existé30 Crise secondaire au conflit d’évitement entre 2 solutions négatives quelque soit la décision 24 25 Nécessité de pouvoir être dirigée vers un psychologue après l’IVG34 nécessitant beaucoup d’énergie et une aide professionnelle pour sortir du conflit 27 Mal-être35 Pas correctement aidée pour sortir de cette crise de manière constructive27 28 29 Inconscience du lien de son mal-être avec l’avortement36 38 Désirs inconscients dans la répétition de grossesses et d’IVG30 31 34 : Déprime37 Désir de mourir 39 Pardon donné à elle-même41 Réalisation d’un travail de deuil42 - Réassurance narcissique de l’intégrité des possibilités reproductrices32 - Désirer un enfant sans vouloir accoucher31 - Manque impossible à combler dans les grossesses non désirées répétées33 Ambivalence importante dans les demandes répétées d’IVG35 Besoin de ne pas se juger les uns les autres43 164 23 Femme B Demande d’aide psychologique1 Nécessité de supporter l’IVG et l’ambivalence de la décision Vécu traumatique avec chevauchement de plusieurs crises (divorce, sepsis, stérilité) rendant leur 1BIS 2 résolution plus difficile1 4 4BIS 6 5 7 10 Nécessité de refouler pour supporter l’IVG et l’ambivalence de la Pas d’expression de sentiment de culpabilité2 décision1BIS 2 Souffrance3 secondaire au conflit de valeurs dans cette expérience d’IVG3 Mécanisme de défense de non prise de responsabilité ; projection8BIS 8 22 15 24 Prise de distance avec son compagnon, son vécu émotionnel et sa conscience 22 21 Blocage de l’expression des émotions9 Processus de deuil non encore résolu11 Souffrance secondaire à un important manque d’estime de soi à travers des mécanismes de défense 14 15 16 Peu de remise en question personnelle19 Prise de distance empêchant l’identification et l’expression d’un besoin particulier23 23 Sentiment de colère quelques jours après l’IVG5 Pas de conséquence particulière après l’IVG4 5 3BIS Femme C Sentiment de voir la psychologue trop tard6 Faible sentiment de culpabilité3 6 7 Choix assumé3BIS Pas d’utilisation de mécanisme de défense8 Faible expression de manque d’estime de soi9 Vécu moins perturbée que les femmes A et B pour cette crise (décision d’IVG) 12 13 Bonne estime de soi lui permettant de mieux vivre cette expérience14 165 24 Anna Recherche d’un dialogue avec le soignant1 Sentiment de nullité depuis l’enfance Contact avec le personnel soignant : 2 Etat de tristesse intense15 24 Sentiment d’être imparfaite depuis l’enfance3 Attitude secrète16 6 Prise de conscience de la cruauté de son amant après l’IVG4 Evitement du contact avec les soignants16 Prise de conscience de la nécessité de quitter son amant après l’IVG5 Evaluation des capacités d’accueil des soignants17 Séparation avec son amant après l’IVG6 7 8 9 Besoin d’un certain temps avant de s’exprimer18 Isolement chez elle dans les jours qui suivent l’IVG10 Pleurs continus en racontant son histoire11 Récit de son histoire depuis avant l’IVG Souhait de quitter l’hôpital12 Basse estime de soi depuis l’enfance19 28 Acceptation de l’idée du conte thérapeutique par l’infirmière13 Peu de confiance en elle depuis l’enfance20 Très aidée par le conte14 22 26 Epreuve de l’avortement21 29 29BIS 31 33 Cauchemar de sa vie15 Prise de conscience et rupture, par cette épreuve, de sa relation destructrice22 23 28 29 32 Grande culpabilité16 Désespoir17 Changement de regard sur le sens de son histoire Récit de la rupture après l’IVG 19 18 20 21 19 22 par le conte Nécessité de réaliser un deuil d’un avortement, d’un enfant avorté1 2 6 26 29BIS 30 30BIS Extériorisation de sa douleur possible par le conte22 23 Culpabilité de l’avortement3 4 6 26 27 30 Réconciliation avec elle-même23 Aggravation du manque d’estime de soi par cette culpabilité5 13 30 Libération 23 Bien-être dans sa vie privée et professionnelle24 25 42 Difficulté de faire ce deuil7 34 Perte d’espoir24 Inhibition psychomotrice24 Syndrome dépressif sévère25 Douleur et traumatisme de son histoire28 33 Amour impossible entre elle et son amant28, entre une mère et son enfant29 Conte intitulé « Gaïa, la petite libellule qui s’ignorait elle-même » : Ignorance de sa capacité à aimer et à être aimée60 61 62 63 64 65 Peu habituée aux compliments64 67 Difficultés à accepter les compliments66 Désir de vivre une histoire d’aimer et d’être aimée68 69 70 84 166 24 Sentiment d’imperfection qui l’empêche de croire en la réalisation de ce désir 71 Anna Soumission à un homme qui ne l’aime pas72 73 74 75 76 77 78 81 84 Manque de confiance en elle76 84 Souffrance de cette relation79 82 83 / Frustration de cette relation80 Incapacité à quitter son amant malgré des moments de lucidité81 Persistance du désir d’être aimée par son amant en corrigeant ses imperfections83 Manipulation par son amant84 Joie et crainte à la nouvelle de sa grossesse85 86 87 Solitude à la réaction de son amant87 88 Désespoir à la réaction de son amant87 88 89 Culpabilité d’avoir choisi un tel père pour son enfant90 Désir de protéger l’enfant des menaces de son père par l’avorterment91 92 93 94 Souffrance à cause de cet avortement95 96 108 Prise de conscience de la manipulation de son amant sur elle97 98 99 100 Décision de rompre avec lui101 102 103 104 106 Prise de conscience de la nécessité de rompre avec son amant pour devenir elle-même105 106 107 Douleur de cette rupture105 Amour persistant pour l’enfant avorté108 Connaissance et respect d’elle-même permis par cet avortement106 107 108 Contact et expression d’émotions verrouillées43 44 46 47 53 Réalisation d’un deuil compliqué44 47 1 Sens donné à son vécu37 48 Déculpabilisation49 / Restauration de l’estime d’elle-même50 13 / Réconciliation avec elle-même51 36 Intégration de l’épreuve vécue dans son histoire de vie52 à l’aide : -du conte thérapeutique et de l’entretien unique35 39 40 53 -d’un accueil sans jugement12 41 -d’une mise en confiance, d’une écoute lors de l’entretien8 9 10 11 40 167 25 Vécu de la 2ème IVG différent de la 1ère IVG1 Sens différent donné à une même décision2 4 Barbara Pas de culpabilité à la décision de la 2ème IVG2 Absence de culpabilité avant la 2ème IVG contrairement à avant la 1ère IVG (il y a 15 ans) 3 25 Regret que l’IVG ne soit pas rentrée dans les moeurs1 Atypie du cas de figure de Michèle1 Michèle Souhait que les femmes ayant avorté sortent de leur silence2 Répétition d’une exposition à la déviance2 3 Pas de ressenti particulier, pas de culpabilité3 4 5 Prise de recul sur les réactions de l’entourage et des soignants à cause de cette répétition d’une Malaise à cause du regard des autres et non de l’IVG Culpabilité de ne pas culpabiliser de l’IVG5 678 exposition à la déviance2 3 Considération de la stigmatisation morale de l’IVG4 Lutte contre la réprobation et la compassion d’autrui11 Hypothèse que la répétition d’une déviance/d’IVG modifie le positionnement des femmes par rapport à l’IVG8 9 168 Annexe VII : Retranscription et codage du vécu psychique après l’IVG Document 1 Expression de Léa sur son vécu psychique après l’IVG 1Après 8 j de coma, nous rencontrons Léa à la demande d’une équipe soignante désarmée par cette patiente dont les plaintes focalisées autour de la sphère abdominale, lui semblent disproportionnées en comparaison de sa paraplégie et du décès de son père dont elle ne parle pas. 5 Cette enfance contraste avec les conflits qui existaient depuis peu1BIS ; en effet quelques mois avant l’accident récent Léa avait subi une interruption volontaire de grossesse (IVG), ce qui avait engendré des tensions importantes avec ses parents et notamment avec son père […] 1 Cette IVG avait été le point de départ d’une anorexie mentale. 3 Léa s’était décidée à rencontrer un psychiatre pour ces problèmes au moment de l’accident.4 Ses souvenirs de cette journée sont pauvres.6 Pour elle, il lui reste un vague sentiment de la joie qu’elle se faisait de partager une journée avec ses parents. 7 Ensuite, vient l’accident dont elle se souvient à peine, seuls persistent quelques souvenirs des 1rs secours, de l’ambiance confuse, mais elle se rappelle avoir réalisé qu’elle ne sentait plus ses jambes.8 Lorsque nous abordons avec elle les conséquences de cet accident elle élude les problèmes les uns après les autres9 ; ainsi elle dit avoir toujours eu le pressentiment qu’elle finirait ses jours en fauteuil roulant.10 De même, elle dit avoir beaucoup de mal à réaliser le décès de son père car son coma l’a préservée pendant quelques jours de la réalité.11 En revanche, elle se dit gênée par une angoisse, présente depuis le réveil, qu’elle ne peut expliquer et surtout un sentiment de pesanteur sur l’estomac. 12 Ce premier entretien se termine par le récit d’un rêve de réparation qu’elle avait eu la veille : les membres de sa famille lui rapportaient une à une des cellules pour la reconstruire.13 2 De son côté, Léa se plaint avant tout d’angoisses […] 14 Elle se dit également très perturbée par sa sonde d’alimentation ; elle espère pouvoir se nourrir d’elle-même le plus tôt possible pour retrouver son autonomie. 15 Il convient de préciser qu’elle est installée dans un fonctionnement anorexique depuis 6 mois, […] 3BIS Ainsi, Léa maltraite-t-elle la partie inerte de son corps qu’elle considère comme ne lui appartenant plus : « mes jambes sont là » dira-t-elle un jour en nous montrant son fauteuil roulant. Et lorsqu’elle circule, elle ne fait pas plus attention à ses jambes et multiplie les ecchymoses.16 De même, Léa ne prend plus de précaution d’asepsie lors de ses autosondages ce qui entraîne des infections urinaires à répétition.17 Elle ira jusqu’à détourner l’usage des sondes en retardant ses sondages pour avoir le plaisir de voir son ventre se gonfler puis s’aplatir au rythme de la vidange, […] 18 Après un séjour en centre de rééducation, Léa reprend sa scolarité mais son état de santé s’aggrave ; elle perd du poids, multiplie les complications (ecchymose, pyélonéphrite) jusqu’à la constitution d’une escarre en regard du matériel d’ostéosynthèse sur le rachis.21 Le premier sentiment a été celui de honte et de déchéance.22 Si Léa mettait toujours une certaine coquetterie dans sa présentation, depuis la pose du corset elle se soigne moins et refuse toute visite (excepté celle de sa mère). 20 Elle évoque ce qui se passe « en dessous » en nommant ses jambes, son corps. Elle critique ses conduites agressives envers cette partie du corps […], prend de la distance par rapport à sa mère. Elle exprime la volonté de « s’en sortir » et prend conscience du temps écoulé depuis l’accident.21BIS « Ils doivent m’ouvrir en deux », par cette phrase 22BIS […] son père qui […] qui, dit-elle, « ne la voyait pas grandir ».2 Interprétation de cette expression par l’auteur 1 Le caractère d’effraction inhérent à un traumatisme s’envisage aisément tant sur le plan physique que psychique. En effet, le retentissement somatique amène à des modifications, des perceptions et du vécu corporel tout en nécessitant un travail d’élaboration psychique pour intégrer le traumatisme dans une trame chargée de sens.43 Elle se trouve alors confrontée dans la réalité à des fantasmes agressifs non élaborés et à une perte de contrôle sur son corps dont elle ne paraît plus éprouver la contenance. Il faudra de longs mois pour qu’elle puisse établir un espace psychique propre et réinvestir un corps vécu comme unifié. 44 […] plaintes focalisées autour de la sphère abdominale, lui semblent disproportionnées en comparaison de sa paraplégie et du décès de son père dont elle ne parle pas. 53BIS […] père qui […] vraisemblablement acceptait mal la sexualité de sa fille.50 Cette tragédie survenait donc à une période assez conflictuelle pour elle. 3 […] récit d’un rêve de réparation […] Avec le recul, ce rêve présageait de l’ampleur du travail qu’il y aurait à accomplir.11 Léa se trouve ainsi confrontée à toute une série de deuils et de problèmes intriqués les uns aux autres.47 La complexité de cette situation clinique pourrait ouvrir sur de nombreuses discussions, toutefois nous avons choisi de centrer notre propos sur le thème de l’effraction.21 En effet, le séjour en réanimation, les multiples interventions chirurgicales et les soins renforcent l’impression d’effraction, mais sur le plan psychique elle ne semble être efficiente qu’au sein de l’équipe médicale.10 […] angoisses de type abandonnique massives, […] 44BIS […] 6 mois, ce qui explique en partie la fragilité du sentiment d’autonomie et d’identité. Dans cette logique, on assiste aussi au maintien d’une relation de dépendance et d’attachement aux objets d’investissement telle que l’a décrit Ph. Jammet [6].52 2 Léa reste de ce fait dans un « impensable », inélaborable pour elle. […] Or ce défaut de représentation est intervenu sur une image du corps déjà défaillante et a renforcé les mécanismes de défense préexistant à l’accident.4 On souligne en effet l’importance de ces facteurs antérieurs (personnalité, psychobiographie) qui sont susceptibles d’accentuer l’impact du traumatisme. 14 De ce fait, pour ce qui se passe « en dessous », comme elle le nomme, le clivage est physique et psychique.46 Il semble que Léa veuille s’affranchir d’un corps devenu inutile tout comme elle le faisait dans ses conduites anorectiques illustrant de cette manière le fantasme d’être un esprit sans corps. Le corps est d’une part surinvesti comme expression volontaire de soi, d’autre part contre-investi comme lieu du désir et ignoré comme réalité. »5 […] nous renvoyant à une vision très désaffectivée et mécanique de son corps. 11BIS En définitive, l’effraction physique dans le cas de Léa s’avère évidente ; elle ne paraît cependant faire effraction sur le plan psychique qu’à l’équipe soignante qui manifeste empathie et compassion chaleureuse à son égard.16 Il nous est apparu qu’au terme de cette 1re phase de la prise en charge, le tableau traumatique avec la perte de l’intégrité corporelle et l’intrusion par les multiples sondes ne permettaient pas d’établir distinctivement les limites internes/externes. 17 Le sentiment d’une identité corporelle paraît précaire et semble menacer le sentiment de soi dans une confrontation Moi corporel–Moi psychique. Cette indifférenciation des enveloppes décrite par D. Anzieu [1] a eu pour conséquence une régression à un niveau très archaïque.18 Le seul moyen pour Léa de retrouver un semblant d’autonomie s’est alors institué par le biais de manoeuvres pour contrôler les sondes urinaires et l’alimentation. 19 3À cette période, la sollicitude de ses proches et les encouragements très fusionnels de sa mère « On s’en sortira, On sera forte » lui sont insupportables ; le désir de soins ainsi porté par l’équipe médicale et soutenu par sa mère ne peut donc trouver de résonance chez Léa dont le sentiment d’identité est altéré.20 Par la suite, une intervention dite de rétablissement de la continuité permet une reprise de l’alimentation ce qui amène à une reprise des conduites anorexiques. 51 À la problématique anorexique s’est ajouté l’effet traumatique de l’accident.13 34 Événement imprévu ayant mis en péril son existence, confrontation à « l’idée de la mort», le traumatisme a fait effraction au-delà du représentable, aboutissant à une sidération de la pensée.15 4 Léa ne fait pas de commentaire sur les interventions, le handicap, mises à part des angoisses massives dont elle ne peut rien dire. Léa dénie le décès de son père. 24BIS Ces angoisses massives, présentes au début, semblaient en relation avec la perte du pouvoir de contrôle qu’elle exerçait sur son alimentation.31 Elle les ressentait aussi lorsque les infirmières s’éloignaient de son chevet. Nous émettons l’hypothèse que la présence d’autrui lui assurait un étayage humain indispensable.32 Très rapidement cependant, elle s’approprie le fonctionnement de ses sondes et retrouve au niveau de certaines la maîtrise qu’elle pouvait exercer sur son corps. 33 Nous avons associé cette saillie à une effraction provenant de l’intérieur. 27 Cette hospitalisation survient le jour de la date anniversaire de son accident. 26 Ces événements sont pour Léa l’amorce d’un mouvement dépressif.56 S’il y a le sentiment d’une répétition (même époque, même endroit) et d’avoir atteint le point de non-retour, c’est surtout le corset qui a amené chez elle à un véritable changement.22 Cependant, ce corset semble avoir l’effet d’un squelette externe qui lui permet d’accéder de nouveau à une certaine unité du corps.23 […] cette partie du corps qu’elle avait édictée comme non-soi […] 11TER Le désir de guérison n’est plus porté par l’extérieur mais par elle-même. Il semble exister de nouveau un dedans et un dehors.24 Léa commente le caractère intrusif de cette opération de cette nouvelle... effraction. […] elle montre qu’elle prend conscience d’elle comme contenante. 53 Par la suite l’évolution sera positive, associant une reprise de poids et psychiquement elle pourra faire part d’affects dépressifs et commencer un travail d’élaboration authentique.25 On remarque, dans l’histoire de Léa, l’absence d’effraction psychique représentable pour elle alors même que l’accident, la mort de son père tout comme les multiples effractions subies par son corps font irruption dans sa vie. 30 A la problématique anorexique s’est ajouté l’effet traumatique de l’accident ; l’accident, en tant qu’imprévu ayant mis en péril son existence, a eu un effet d’effraction dans le réel et atteint son intégrité avec une violence qui va au-delà du représentable ; ce qui aboutit à une sidération de la pensée. Le défaut de représentation intervenait sur une image du corps déjà défaillante et a renforcé les mécanismes de défense préexistants à l’accident.34 D’autre part dans le cas particulier de Léa le conflit affectif dans lequel elle se trouvait jusqu’à l’accident ne pouvait plus s’élaborer. En particulier les fantasmes agressifs ressentis à l’égard de son père étaient refreinés par une trop grande culpabilité ; culpabilité d’avoir eu des relations sexuelles trop tôt, […] 1 Le décès du père surpassera ses fantasmes agressifs non encore élaborés. Ainsi Léa s’est retrouvée seule face à sa mère ; une mère très désirante pour elle (tout comme pouvaient l’être les soignants).36 La mise à distance de ces personnes lui a permis de repérer un espace psychique propre où pouvait s’inscrire son propre désir. 35 Enfin, à un niveau très archaïque, le problème de l’autonomie amène le sujet à trouver le lieu (espace – temps) substantiel qu’il occupe, avant même de débuter le travail de séparation. 37 5 L’anorexique, dans ses agirs, avance qu’elle n’est pas elle-même un être existant en substance ; son objectif physique étant la maigreur extrême comme pour afficher sa non-contenance. Léa se trouvait dans un état où ceci pouvait s’illustrer : en premier lieu, les propos qu’elle tenait, prouvaient qu’elle était suspendue sur le plan temporel. Sur le plan corporel, nous avons assisté tout d’abord à un clivage de la partie du corps atteinte et anesthésiée. Elle disait faire « comme si » la partie basse de son corps ne lui appartenait plus. Elle pouvait néanmoins la haïr et la maltraiter, sans un instant penser au retentissement que pourraient entraîner ses actes sur son état général.38 Le corps n’a pu être réunifié qu’après la pose du corset, qui, comme nous l’avons expliqué, a pu fonctionner comme un squelette externe unifiant les parties hautes et basses de son corps et redonnant ainsi à Léa le sentiment de verticalité.39 Il y a eu, dans le cas très particulier de Léa, effraction physique mais pas d’effraction psychique représentable d’emblée. Outre le vécu du traumatisme, ceci s’explique pour nous, par la problématique anorexique dans laquelle elle évoluait et par la nature des conflits affectifs sous-tendant cette problématique.2 Nous avons constaté que plusieurs facteurs ont permis dans ce cas l’avènement de l’effraction psychique. Ces facteurs que nous ne redécrirons pas, ont concouru à faire prendre conscience à Léa qu’elle était un être contenant, tenant une place « en substance » dans l’espace et le temps et pouvant être traversé.45 La valeur de l’impact du corset nous a rappelé les étapes de la naissance du sentiment du corps unifié, décrites par G. Haag [5], passant par deux axes (vertical et horizontal). Ceci étant, la condition sine qua non où le sujet peut construire ensuite les enveloppes psychiques à partir des enveloppes corporelles faisant de lui un être pensant. Le corset comme d’autres évènements a contribué à une nouvelle représentation du corps, la laissant de ce fait plus accessible au vécu d’effraction. 40 6Il nous semble que dans le cas de Léa il a fallu que ces étapes soient franchies pour que l’effraction puisse être perçue, l’amenant à se concevoir comme contenante et pouvant effectivement subir une effraction.41 Les moyens défensifs très particuliers de cette anorexique7 (clivage6BIS, déni8) ont fait que l’effraction n’était pas représentable alors même qu’elle apparaissait très nettement pour les soignants qui l’ont rencontrée.9 Cette situation est sans doute très singulière par son caractère extrême, elle souligne que la corrélation entre effraction physique et effraction psychique n’est pas nette. Il apparaît alors que l’effraction n’est possible que s’il existe un dedans et un dehors. 42 Document 2 Expression de Geneviève sur son vécu psychique après l’IVG 1De fait le couple va mal, les paroles qu’ils échangent sont cinglantes : […] elle lui reproche de le démolir en permanence.1BIS Un tableau clinique concernant sa famille peut être identifié en termes de groupe chaotique comme elle le dit, où règne la cacophonie des relations affectives. 1 Face à un père qu’elle qualifie de cinglant et d’une mère haineuse, elle remarque qu’elle ne peut s’appuyer ni sur l’un ni sur l’autre. Très rapidement sont évoquées des terreurs nocturnes qui la plongent dans un état de détresse sans nom devant un trou noir qui la réveille encore actuellement lors de cauchemars très angoissants.3Elle pense à quelqu’un qui rôde, dans le noir, la nuit. La phase d’endormissement est toujours chargée d’angoisse. 2 Nous serons conduites à faire le lien entre ces situations qui se sont répétées et le fait qu’elle a éprouvé un sentiment de rage et de colère du fait d’être allongée sur le divan. Elle se sent coincée, étouffée.4 Elle a ressenti la même pression lorsque son mari lui a témoigné de son amour lors d’un voyage pendant l’été. Elle s’est sentie décalée. Cela lui rappelle à quel point lui est insupportable et pénible le geste de son mari qui lui passe le bras autour du cou, ou lui pose le bras sur l’épaule. Elle reconnaît qu’il a toujours été amoureux d’elle, mais pour autant elle s’est mariée contre le gré de ses parents.5 Le problème majeur qui est source de grande souffrance pour l’un et l’autre, c’est ce qu’elle appelle son blocage, sur le plan de la sexualité. Elle l’exprime en disant qu’elle « se referme comme une plante » dès que son mari la touche.6 Elle se souvient que, étant jeune, c’était elle qui fixait les limites du flirt avec les garçons. Cela l’amène à développer toute une thématique concernant la question de la séduction. Elle se laisse grossir pour ne pas séduire, […] Il lui semble que son refus de séduire est lié à la question du mépris. En effet, étudiante, elle s’est fait traiter d’allumeuse.7 Cela se rejoue dans la situation contemporaine lorsqu’elle rencontre un chef d’entreprise séduisant, intelligent et agréable, dans son travail. Il a voulu la rencontrer seule, le temps d’un repas, sans qu’elle sache s’il s’adressait à la femme ou à la professionnelle. Elle sent qu’ils se sont séduits mutuellement, mais elle est restée raisonnable, car elle craint d’être utilisée par l’autre. 8 2De ce mensonge qui l’incriminait, elle garde le sentiment constant d’une totale injustice, à son égard, du fait d’avoir été incomprise. Elle vit en permanence un profond décalage entre ce qu’elle ressent au-dedans et ce qui lui est renvoyé en miroir, du dehors comme une « pestiférée ». Elle se sent en suspens, ni écoutée, ni entendue, ni comprise, confrontée au verdict11 tranchant de l’autre, qui tombe inexorablement. Si elle est active, cela provoque les situations de rupture ; si elle est passive, elle subit une souffrance insupportable et a le sentiment de se faire avoir, d’être utilisée aux fins de l’autre.12 Elle repense souvent, dans la colère et la rage, à cette tante qui a toujours défendu les garçons, en particulier, lors de l’épisode de la mobilisation familiale suscitée par le prêtre et poursuivie par le psychologue. Cette femme, sa tante, vécue comme une mauvaise femme, à la langue de vipère, l’a traitée ouvertement de « petite vicieuse »,comme si la petite fille qu’elle était pouvait être seule à l’origine des jeux sexuels des trois enfants, faisant fi de sa détresse de bébé hurlant la nuit, perdue dans le noir de la grande maison. Comment sa mère a-t-elle pu laisser cette tante s’exprimer ainsi, sans la sommer de ne plus se mêler de ce qui ne la regardait pas ? Les garçons ont menti, l’alliance entre eux est manifeste et, de ce fait, c’est elle qui a été humiliée. 9 Elle en a voulu à tout son entourage, à tous, grands et petits. De ce fait, elle s’explique qu’elle va jusqu’au « sabotage », elle se saborde, elle dit aussi qu’elle « savonne la planche » ; par voie de conséquence, elle ne sait plus à quoi se raccrocher.10 Cela se manifeste dans la préparation physique qu’elle met en oeuvre pour parvenir à participer à des raids en montagne de haut niveau. Chaque année à Pâques, elle part, dans les Alpes françaises, suisses et autrichiennes, réaliser pendant plusieurs jours des randonnées extrêmement éprouvantes physiquement. La première fois, elle se demande ce qu’elle vient y chercher, sinon l’expérience de tester ses limites. Elle pleure, 15en arrivant au refuge le premier soir, à la vue du dénivelé qui est à faire le lendemain pour franchir le col au pied duquel ils se trouvent. Le lendemain, elle va souffrir17 d’être la dernière, de risquer de ne pas y arriver, et de s’épuiser au-delà de ses forces. Pourquoi faut-il à ce point mettre son corps à mal ? Elle s’interroge : faudrait-il se punir plutôt que de profiter d’une expédition qui ferait finalement plaisir ? Que recherche-t-elle dans cette mise à l’épreuve de ses éprouvés corporels, de ses sensations physiques ? C’est l’année suivante, lorsqu’elle y retourne, que la réponse nous est donnée. Elle se sent toujours à part du groupe. Au CP déjà elle l’a vécu, ainsi que lors d’un stage d’équitation, mais cette fois, comme à l’accoutumée, elle cherche au refuge d’altitude un autre dortoir que celui où se rassemble le groupe14 3Elle est si épuisée et angoissée pour la suite du parcours qu’elle ne parvient pas à dormir. 16 Elle perçoit à travers deux planches de bois, sur le châlit où elle est allongée, un rai de lumière, aux premières lueurs de l’aube. 13 Elle pleure […] 19 Cela lui rappelle qu’elle se vit toujours comme bouc émissaire de tous les groupes auxquels elle a appartenu. Au travail, comme dans sa fratrie, elle est prise entre deux groupes, et elle reconnaît bien volontiers, lorsque je le lui fais remarquer qu’il s’agit d’être bien malmenée par deux hommes également. Elle dit : « J’ai choisi un lieu de travail avec deux garçons sadiques qui m’ont persécutée.» 18 Elle a toujours été confrontée à des choix, ou des tâches trop difficiles pour elle, elle sent l’excès d’excitation et la retombée décevante, autant que la recherche d’une gratification narcissique, qui ne vient pas.20 21 Au retour des vacances, cette question revient, devant son refus de s’allonger, en début de séance.29 Lorsque je l’invite à le faire pour en parler, elle exprime son besoin d’un affrontement avec moi.31 Un bras de fer s’engage : qui va détruire qui ? […] elle se souvient de la contrainte à faire la sieste. Cette évocation s’accompagnera de celle des pratiques masturbatoires répétitives, qui n’ont jamais cessé depuis l’enfance.30 Ce constat la désole et la déprime, […] Cependant, après plusieurs années, elle déclare : « Après le sentiment de vide et de trous noirs, désormais j’ai l’impression d’avoir un centre de gravité qui fait que je me sens pleine maintenant. » 31BIS Ce qui est le plus dur pour elle, c’est que sa souffrance ne soit pas reconnue, recueillie par l’autre. 32 Il est important pour moi de tenir, ne pas me décourager et ne pas me laisser détruire33 […]son besoin de toujours en faire plus.34 Elle a toujours cherché à aider les plus faibles, reconnaissant bien qu’il s’agit là de ce qu’elle aimerait qu’on lui fasse.22 Mais c’est sa soeur qui est vicieuse et qui sait faire du mal aux autres. Elle cherche toujours vainement à trouver sa place, en particulier dans son travail, où elle a l’impression de subir et d’être méprisée. 23 Comme à la maison où elle était entre le groupe des grands, ses frères aînés, et la petite soeur, au travail elle est également prise entre deux groupes. Lors d’une réunion récente, les autres se sont tous assis ensemble, elle est toujours seule, à l’écart du groupe. 24 4Son mari l’a laissée prendre seule la décision, ce qui lui a beaucoup pesé25, et a fait qu’elle lui en a énormément voulu. Elle pleure en le racontant […] 26 Les conflits avec les collègues étant incessants, elle exprime des liens très passionnés, impulsifs, dans lesquels elle souffre de se sentir destructrice et très négative27 sachant que le groupe lui en veut de la façon dont elle réagit. En somme, elle ressent le vide, la contrainte, la culpabilité et la disqualification.28 Elle essaie de manipuler et de maîtriser tout le monde.29 Son corps se manifeste encore lorsque, la nuit, elle se réveille en sursaut, se retrouve debout, perdue dans la pièce et dans le noir, ne se souvenant pas du lieu où elle se trouve, ni de l’heure, ni des personnes qui l’entourent. Il lui arrive d’être aux prises avec des terreurs nocturnes, pendant très longtemps avant que ne viennent les premiers récits de rêve. 35 Elle sait écouter son corps, mais me fait craindre une prise de décision trop hâtive lorsqu’il s’agit à un moment de lui faire subir une intervention chirurgicale d’une certaine importance à la colonne vertébrale. Le chirurgien est prêt à intervenir, mais finalement elle préfère la voie d’un traitement kinésithérapique et évite l’intervention programmée. 36 . Elle l’exprime très clairement lorsqu’elle affirme ne pas parvenir à faire de liens entre son corps et ses pensées abstraites. Elle interroge l’événement à l’origine de sa souffrance tout en se demandant si ce n’est pas son hypersensibilité qui explique sa souffrance et la répétition de celle-ci. 37 [ …] Elle le formule ainsi finalement : « Derrière la façade lisse de mon enfance, quelque chose m’a blessée qui a trait à la sexualité, et dont j’ai été injustement accusée. » 38 Le travail est rendu difficile pour deux raisons essentielles : d’une part, l’absence de remémoration et de souvenirs ; d’autre part, l’omniprésence de la réaction thérapeutique négative. Jusqu’au bout de son parcours analytique, elle va soigneusement dénigrer la nature du processus – disant qu’il lui échappe tellement qu’elle ne peut concevoir d’où viennent les changements. 40 Le métaregard sur le contenu du processus lui échappe et cela lui est insupportable, alors qu’elle voit se déployer les processus de changement. Chaque fois qu’elle annonce à son mari ou son analyste qu’elle va mieux, elle s’empresse dans les jours qui suivent de rester silencieuse, violemment opposante ou profondément déprimée, découragée et foncièrement négative envers moi. Elle est gratifiée le jour où je reconnais le courage qu’elle déploie pour faire ce travail sur elle-même […] 39 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Elle arrive en état de grande détresse mais aussi de rage contre le mari et le thérapeute qui lui ont fait comprendre qu’il fallait se soigner car le problème venait d’elle.1BIS Or si elle accepte de se remettre en cause, elle considère que son mari ferait bien d’en faire autant.2BIS […] Pourtant, très vite, il apparaît que, dans sa grande dépression, elle parvient tout de même à maintenir un îlot de relations de bonne qualité avec ses enfants. 1[…] elle est très attentive à ce qu’ils peuvent vivre et éprouver du fait qu’elle s’identifie aisément à tout ce qui peut les faire souffrir .2 Le travail s’installe progressivement non sans difficulté, car, très vite, elle témoigne d’une très forte demande d’aide et de soutien mais en même temps elle ne peut me faire confiance, doute de la nature du travail engagé, et se défend soigneusement de tout ce que le lien transférentiel peut lui faire vivre. 3 Elle oppose un mouvement dénégatoire systématique à toutes mes tentatives de lui montrer que les vacances et les séparations sont pour elle des ruptures douloureuses, qui en rappelle d’autres. Au fil des années se dégagent les principaux axes que nous avons à explorer et à travailler ensemble4 […] vivant la séduction comme une démarche honteuse et coupable, marquée par la dangerosité.5 Elle est à l’origine de ces rejets des hommes qui font de la sexualité un jeu dont elle est l’objet. En somme, lorsqu’elle séduit activement, elle attire Le mépris7, et lorsqu’elle subit la séduction elle provoque le rejet de l’autre. 8 L’image de la scène de séduction est liée à l’idée de l’humiliation9, par son mari dans la vie actuelle, par son frère à l’adolescence, ainsi que par son professeur de maths en classe de 3e qui l’aurait méchamment malmenée devant le groupe des élèves. Toutes ces scènes sont mises en perspective, de telle sorte qu’elle cache, comme des souvenirs-écrans, la scène des jeux sexuels avec ses frères, la nuit dans le même lit.10 La méthode que je mets en oeuvre avec elle consiste à rassembler tous les indices pour les organiser en faisceau et ainsi pouvoir lui proposer une hypothèse de travail fondée sur une conviction. C’est un travail de construction. L’hypothèse que ces jeux sexuels ont eu lieu, hors souvenir, est une démarche fructueuse qui va donner sens à ses angoisses, ses phobies et ses comportements actuels d’adulte, marqués du sceau de la répétition. 11 […]L’idée qu’un garçon ou un homme la poursuit de ses avances s’articule à bien d’autres évocations, associées à la dangerosité12 des conséquences de la séduction et l’idée de se dépasser au risque de se détruire, physiquement, pour tenter de sauver les situations. 13 2[…] lorsque nous étoffons de nos associations cette perception sensorielle qui sert de point de départ et d’attracteur à toute une ambiance et un climat affectif fait à la fois de rage, de détresse et de désespoir.14 […] Lorsque j’évoque le fait d’être « passivement soumise au désir de l’autre, en position allongée»26 […] sachant que l’ambiance dépressive traverse tout le parcours analytique. 27 L’image d’un effondrement central, primordial ou d’une dépression essentielle ou encore d’une phobie centrale, liée à une détresse sans nom du bébé subissant un brutal changement de lieu, d’ambiance affective du fait de la naissance de sa petite soeur, ont accompagné le déménagement.28 Cette agonie primitive se double chez elle du traumatisme lié aux jeux sexuels avec les frères qui ne manquent pas de perversité.29 […] Deux ambiances très contrastées traversent les séances : la tristesse et la dépression30 qui alternent avec les séances où c’est la rage et la colère qui l’emportent, une forme de violence à caractère vital, qui donne au champ transférocontre-transférentiel une tonalité de « bras de fer ». 31 […] mais pour cela il lui faut attaquer l’autre d’une façon qui la rend tout particulièrement pénible et agaçante, aussi bien pour son entourage familial que pour son entourage professionnel, et moi également.32 La tonalité de ses sentiments de rivalité a des accents de violence radicale et davantage de l’ordre de l’élimination de l’autre en vue de se sentir exister et de se sauvegarder. Les accents violents, radicaux et absolus vont marquer pendant longtemps la nature de son lien à l’autre. Le désir de meurtre se cristallise autour d’une IVG 22 23[…] laissant venir l’angoisse d’être abandonnée par l’autre. 24 […] Elle a désormais conscience du conflit intérieur entre sa part consciente, son souhait et son désir de bien faire et d’être reconnue et aimée, et la part inconsciente pulsionnelle qui l’emporte et l’entraîne dans ce qu’elle appelle « le cercle vicieux au lieu du cercle vertueux ». 25 Un autre niveau de conflit se fait jour entre ce qu’elle ressent au-dedans d’elle et les images que les autres lui renvoient en miroir.Un dernier axe a retenu mon attention, il s’agit de son rapport à son propre corps. Elle a une écoute particulière des messages qui lui sont adressés par son corps. Cela se manifeste à plusieurs reprises. On l’a vu à propos des efforts physiques qui la conduisent au bout de ses forces et de ses réserves, lorsqu’elle fait lesgrands raids à ski, chaque année. Bien qu’elle soit très sportive et très entraînée, elle va chercher à tester ses limites, jusqu’au bout de la souffrance physique supportable. Cette mise à l’épreuve a des aspects qui rappelle les épreuves ordaliques.33 3 Le jeu entre vie et mort, livré au hasard, lui donne à penser qu’elle va y chercher quelque chose d’important pour elle, une démarche qui s’impose sans qu’elle en comprenne tous les tenants et aboutissants. C’est pourtant l’année où elle se remémore l’enfermement dans la cabane, grâce à une perception sensorielle qui est en réseau avec beaucoup d’images et d’affects, qu’elle pense avoir trouvé la clef de ce qu’elle recherchait inconsciemment dans ces expéditions qu’elle réalise toujours seule au milieu d’un groupe de personnes inconnues accompagnées d’un guide de haute montagne.34 Le corps nous parle également de sa répulsion à être tenu par le cou ou les épaules par le mari qui, faisant ce geste tout naturellement et spontanément, se voit brutalement arrêté dans son élan, ce qui ne manque pas d’alimenter les conflits et tensions entre eux.36 Cette angoisse qui se réveille, au contact physique, la renvoie petit à petit, par le biais des hypothèses qui nous permettent de reconstruire une réalité acceptable, a un sens donné à ses réactions pleines d’impulsivité. 35 C’est à l’idée d’avoir été tenue et coincée dans le lit des frères que nous nous arrêterons. Bien évidemment, elle n’évoquera jamais de véritables souvenirs, car nous ne pourrons parler ni de refoulement ni de retour de refoulé. Au début, ceux-ci sont très impressionnants par les angoisses terrifiantes dont ils sont porteurs. Au fil du temps, ils vont s’organiser en scénarios plus structurés, et plus animés.36 L’élaboration qu’elle va mener en séances à cette période de son travail psychique jouera un rôle prépondérant dans sa prise de décision et l’évitement de la voie la plus éprouvante pour son organisme. 37 Elle témoigne de ce que l’on pourrait appeler une mémoire du corps, qu’elle sait prendre en compte sans savoir où les traces inscrites sur le lieu du corps peuvent la conduire. Les propositions de l’analyste sont entendues par elle comme des idées abstraites, qui ne lient pas encore l’affect et le trauma, d’une part, mais aussi le corps et la représentation, d’autre part.38 Le corps ouvre la voie en direction du traumatisme qui a précocement désorganisé la vie familiale, l’espace de la maison ayant un équivalent psychique pour chacun des membres du groupe familial, l’espace psychique de la mère, et celui de cette petite fille d’à peine 3 ans.39 4 […] car, de fait, je pense qu’il lui faut beaucoup de persévérance et de motivation. Elle est confrontée à un clivage qui sépare l’espace du vide des trous noirs, de l’espace du trop-plein d’excitations sexuelles en particulier, développant chez elle une sexualité soit insatisfaisante, soit bloquée ou bien alors débordante et déroutante pour son mari.40 Son travail analytique n’a été qu’un long, lent et coûteux travail de deuil .41 Elle a dit, au début du travail, à quel point elle était vide au-dedans, de façon centrale, un risque de folie privée. Un jour, elle parle d’un centre devenu consistant, comme si elle avait retrouvé son centre de gravité, un Moi qui se densifie, se construit et se constitue à partir d’un centre. Elle s’est recentrée sur elle-même, elle s’est retrouvée, mais à quel prix ? Il lui a fallu renoncer au mari qu’elle aurait aimé avoir, plus compréhensif et plus tendre, moins à la recherche d’une relation sexuelle génitalisée, renoncer aux parents qu’elle aurait aimé avoir, plus présents, attentifs et capables de prévenir les traumatismes, à tout le moins capables de les consoler. Sans doute, c’est auprès de ses enfants qu’elle trouvait le maximum de satisfaction.42 Les effractions de l’appareil psychique lors de la petite enfance passent par l’effraction du corps de la petite fille qui se sent inexorablement et indéfiniment abusée, utilisée, malmenée par les autres, à la fois triste et en rage, narcissiquement blessée de la vie.43 Son transfert est défensif, le plus souvent négatif ; le contretransfert s’inscrit dans une sorte de capacité à supporter une femme inlassablement pénible, décevante, déprimante et destructrice.48 Il m’a fallu tenir, tenir bon, pour ne pas la lâcher, d’ailleurs elle-même venait à ses séances avec régularité, même si elle enrageait de ne pas parvenir à parler la première. L’enjeu était permanent : se détruire ou me détruire.44 Elle ne pouvait s’empêcher d’en vouloir à une mère qui décidément s’obstinait à ne pas lui venir en aide. Au fil des années, elle a pu reconnaître le lien, l’attachement, l’affect, en particulier ses ressentiments lors des séparations, mais il a fallu beaucoup d’années pour y parvenir. 45 Elle est repartie, sans que nous sachions si la construction que nous avions partagée faisait partie de la réalité de son histoire. Ce qui est sûr, c’est que cela lui a permis de retrouver une certaine consistance, une force intérieure –on pourrait dire : une philosophie de la vie.46 Elle a fait son deuil de beaucoup d’idéal, idéal d’elle-même, idéal des objets qu’elle investit. Elle a esquissé, parfois, de façon ténue l’idée qu’elle pouvait se satisfaire d’une vie ainsi faite, ni belle ni heureuse, ni catastrophique ni trop douloureuse, une vie entre deux, en demi-teinte, faite d’ambivalence, de renoncement, la vie tout simplement.47 Document 3 Expression de Julie sur son vécu psychique après l’IVG 1« Ce n’est pas par hasard que ça fait 9 mois. Je viens chez vous justement 9 mois après que ça s’est passé, et ce qui s’est passé, c’est que j’ai tué mon enfant. » 1 Elle revient en Belgique. Tout recommence ou semble continuer comme si rien n’était arrivé.7 Dans les 9 mois qui suivent, Julie grossit de 15 kilos et va de plus en plus mal. 2 Julie entame sa cure et poursuit sa relation avec son ami, Thomas. Elle a des projets d’aménagement dans une maison proche de celle de ses parents, à 50 mètres à peine, dans la même rue. Ses parents lui offrent cette maison et s’occupent quotidiennement de son aménagement intérieur. […] Julie dans son discours, évoque son peu d’investissement dans le projet, si ce n’est […] pour faire plaisir aux parents qui sont heureux de la voir s’installer, se fiancer et qui pensent déjà au mariage. 8 Julie maigrit progressivement mais revit de nombreuses crises de boulimie éprouvées déjà au moment de la période de latence et disparues ensuite. Elle cache de la nourriture, dévore, vomit tout en continuant à attendre que la maison soit prête.3 Cela va durer des mois. Dans cette demeure, il manque toujours quelque chose pour que l’emménagement puisse enfin arriver. Finalement, Julie et son ami s’installent dans cette maison parfaitement équipée. Il ne manque rien. Ils y restent deux semaines. Après deux semaines, son ami la quitte […] Julie elle, au lieu de s’approprier cette maison seule, continue sa vie en réintégrant sa chambre de jeune fille sans trop de soucis. Elle ne pleure pas et recommence à sortir. La maison est revendue.4 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Ce que Julie m’a forcée à entendre, ou m’a permis d’entendre, c’est selon, au sens d’une prise en compte irréversible, c’est que le fantasme d’infanticide est au coeur du maternel. C’est même ce qui le caractérise le plus dans la névrose, avec le désir d’enfant.1 Ce sont ces femmes (du centre du planning), croisées dans un moment de fracture de leur vie, qui déjà m’avaient donné à entendre répétitivement la phrase « J’ai tué mon enfant… », complainte et compagne inlassable, phrase obsédante qui saturait leur psychisme3, qui les empêchait de vivre et d’enterrer enfin cet enfant-là, celui qui n’avait pas de nom […] pourtant une existence psychique indéniable.2 C’est pourtant Julie qui m’a poussée à l’entendre comme une analyste. Au-delà d’une écoute de la douleur indéniable, il y avait un appel à la prise en compte, au sens d’un appel qui serait censé solder des comptes… toujours à préciser !4 […] des femmes qui reprennent et tentent d’élaborer bien des années plus tard, ce qu’on peut nommer une affliction, une peine vive, une douleur profonde, une tristesse insolvable.4 […] de l’entendre (cette phrase) comme l’expression consciente d’un fantasme inconscient, le fantasme d’infanticide. Nous pouvons alors entendre le sentiment de culpabilité consciente qui surgit après l’intervention, comme trace du fait même que ce fantasme a été mis en acte et non comme une question morale, qui aurait trait à une quelconque faute, péché, crime, ou à une culpabilisation. Et cette culpabilité consciente […] ses ancrages sont inconscients.5 Pour les femmes comme Julie, qui choisiront à un moment ou a un autre l’IVG, la confrontation sera frontale. Plus moyen de l’éviter (le fantasme), il faudra au mieux tenter de l’élaborer, au pire l’affronter. Comment dire qu’on a pris la décision […] de ne pas le garder celui-là ?7 Parole impossible à soutenir, secret inavouable et douleur infinie pour les mères qui restent aux prises avec cette phrase qui les hante.6 2 C’est un enfant essentiellement imaginaire, tout réel de cellules et de chairs fut-il, potentiellement symbolisable mais qui, pour toutes ces raisons de non- nomination, reste candidat pour devenir un fantôme […] un mort vivant, un mort qui, de ne pas avoir été enterré au sens symbolique de l’adieu des humains, reste présent parmi les vivants […] 9 C’est ce fantôme qui est au coeur de la pensée obsédante du crime10 Elles m’avaient permis d’entendre les lames de fond puissantes, qui voulant préserver ces femmes de leur culpabilité, ne faisaient que les traiter mal psychiquement un peu plus, en ne voulant prendre en compte ce qui saturait leur psychisme…8 C’est en tout cas certainement le voeu conscient qui accompagne la fin du périple. 11 Pourtant quelque chose s’est passé qui va venir forcer l’élaboration. 14 Un long travail d’élaboration va s’installer dès ce moment-là. Il prendra plusieurs années. Il va surtout mettre en évidence l’intensité du lien fusionnel avec sa mère, et ses différentes tentatives, tout aussi ambivalentes que soutenues, de le mettre à distance, de s’en extraire. Ce lien intense, permanent, et maintenu continu grâce à la technologie des téléphones mobiles, se révélera au fur et à mesure tout-puissant.19 […] si ce n’est une fois encore […] C’est bien sûr ici aussi la question de la séparation, de l’envol, de l’être sujet au monde autonome qui est en jeu. Entrer dans ce projet de vie dans une maison préparée par les parents, avec un compagnon qui n’a pas pris position par rapport à la décision d’IVG, c’est à coup sûr ne pas se séparer des parents. Julie le sait sans le savoir.12 Elle n’arrive pas à dire non, à énoncer que son désir propre passe par un autre chemin, qu’elle doit être au monde seule avant de pouvoir, peut-être, les retrouver ensuite.12 […] Il fallut encore quelques mois d’élaboration pour que Julie puisse commencer à penser qu’elle y avait été elle aussi pour quelque chose, dans ce qui ressemblait à un passage à l’acte unilatéral de son compagnon.15 3Thomas avait été mis par Julie et sa mère à la place de celui qui accompagne, qui évite qu’elle soit seule, qui conduit, qui ramène et surtout qui ne s’interpose pas dans la relation privilégiée avec « La Mère ». […] Pourtant, sans le savoir, et dans une ambivalence totale, ce que Julie recherchait désespérément c’était quelqu’un qui l’aide à se séparer de sa mère, que pourtant elle ne voulait lâcher à aucun prix.13 C’est ce qu’elle mit comme sens après quelques mois de travail supplémentaires.16 Elle put s’autoriser à quitter la maison familiale et à « tomber amoureuse ». 17 Dans la clinique ordinaire de l’IVG par contre, on est régulièrement confronté à des femmes parfaitement névrosées et qui donnent à entendre les effets psychiques de la réalisation de ce fantasme, à savoir principalement une culpabilité immense et difficilement épuisable.21 Ce qui est particulier dans le cas de l’IVG, c’est qu’il s’agit d’un fantasme originaire qui, dans sa mise en acte, est partiellement « dépénalisé de la loi des hommes », dans nos contrées bien sûr. […] Et pourtant, si l’interdit est levé partiellement du point de vue juridique, il ne l’est pas du point de vue psychique. Les femmes ayant eu recours à l’IVG, nous disent que même si, et heureusement, la morale et le social ne les condamnent plus pour cet acte, il garde dans leur psychisme la valeur d’une transgression majeure.22 Il faut entendre cette dernière et la mettre au travail au risque sinon pour ces femmes, de passer toute une vie à entretenir un dialogue secret avec un fantôme, comme dans le roman Le journal d’Hannah.23 24 Soutenir le travail d’élaboration, de mentalisation de l’acte avec ces femmes ne consiste pas à les déculpabiliser, bien au contraire.25 Il s’agira de penser avec elles pourquoi, dans une époque et une région du monde où la contraception est libre, l’information diffusée largement, et où la pilule du lendemain est accessible, elles ont dû pour une raison ou une autre, véritablement inconsciente, en passer par un acte ?26 Il s’agit bien d’un passage à l’acte […] comme une lente descente vers un acte qui est un passage dans le réel, faute d’appui symbolique suffisant. Ici il s’agit du réel du corps.26 […] la séparation du sujet avec l’objet cause du désir de la mère n’est pas complète, pour le dire en lacanien. Ce qui signifie en freudien que l’opération oedipienne n’est pas totalement accomplie. Julie nous en offre un exemple à son corps défendant. 34 4Il n’empêche qu’il y a à penser la différence entre avoir un enfant avec/pour la mère et en passer par une IVG pour tenter de se séparer d’elle. 27 Des ponts peuvent être faits me semble-t-il, avec la phobie […] Un signifiant-objet dans la phobie dit Morin, comme traitement du réel par l’évitement, un traitement dans le réel qui en passe par un acte dans l’IVG.28 L’un et l’autre n’ont pas le même statut, ni le même destin. C’est néanmoins dans les deux cas, de la question de « l’impossible séparation » entre une fille et une mère dont il est question, comme pour Julie.28 Là où nous pouvons faire des ponts avec la phobie, c’est qu’il s’agit dans les deux cas de la défaillance du père réel (et non de la réalité) au sens de ce qui viendrait soutenir […] (Julie doit se séparer des attentes de sa mère pour naître à son désir propre).29 […] à la voie de la différenciation, de séparation d’avec l’Autre premier. Certaines IVG comme dans l’histoire de Julie sont des tentatives du même ordre. Pourtant, le recours à l’acte ne pourra qu’échouer dans cette voie de la séparation, s’il n’est pas ensuite repris dans le tissage du langage, dans l’élaboration du sens de l’acte30, et dans l’épuisement de la culpabilité consciente associée, y compris dans ses ancrages inconscients.31 Et ce n’est pas toujours le cas comme on le sait. On comprend dès lors pourquoi, dans un nombre important de cas, de candidats, les fantômes deviendront agissants dans la psyché de celle qui a vécu l’IVG ou de différents membres de sa famille.32 On saisit aussi pourquoi chez certaines femmes ou jeunes filles, des IVG pourront se répéter malgré les conseils, les informations et les suivis.33 Dans le recours à l’IVG, en même temps elles y sont, ces filles, au point précis d’énonciation de ce qu’il s’agirait de faire mourir, – l’enfant du narcissisme primaire – et en même temps ça rate. Et si l’objet principal d’amour des femmes c’était leur mère […], aimée infiniment, idéalisée, attendue, rejetée, haïe, décevante. Cette mère qu’elles veulent rejoindre, dépasser, mettre au défi par leurs propres grossesses, mais dont surtout, encore et toujours, elles tentent tout autant de se séparer que de ne surtout pas les quitter.35 Elle ne suffira pourtant pas à tempérer les passions et seule la parole pourra dégager les fantômes de l’errance.34BIS Document 4 Expression de la femme sur son vécu psychique après l’IVG Interprétation de cette expression par l’auteur Elle lui reproche de ne pas prendre ses responsabilités, de boire, de sortir dans les cafés, de ne pas s’occuper des enfants (les devoirs, l’école, etc.). 10 Elle dit : « Je suis le chef à la maison et mon mari me le reproche : tu as pris les manières des français, chez nous c’est l’homme qui commande ! » 11 […] mais elle discrédite constamment le père et son autorité[…] 7 […] (attitude peu en accord avec le traditionnel « respect du père ») .5 La mésentente parentale existe depuis la naissance de ce fils.12 Exil et émigration imposent au contraire des modifications, des bouleversements subjectifs inévitables.Ils comportent toujours une dimension de deuil et de sacrifice (Hassoun,1994), qui une fois franchie, ouvrira à de nouveaux possibles. 12 Il existe en outre une très grande complicité entre cette mère et son propre père 7 resté au pays, de laquelle le mari est évincé. 6 Au mépris des traditions là encore, puisque des affaires importantes se décident entre la fille et son père, sans que le mari-gendre ne soit mis au courant.8 La vraie question est là : que se passe-t-il lorsque, pour des raisons qui tiennent à l’histoire des sujets, ces sacrifices et ces deuils sont impossibles ? 11 Au bout de plusieurs entretiens, elle finit par exprimer ce qui la travaille. 1 Le traumatisme déclencheur de l’affolement des fils provient de là : d’un deuil impossible 9 chez les parents – et notamment la mère –, mais dont l’impossibilité est recouuverte par le mensonge.8 Elle est persuadée d’être à l’origine de ce qui arrive à son fils. Elle a avorté peu avant le départ du fils en vacances.2 Le cas du jeune N. est particulièrement illustratif à cet égard 10 Elle est obsédée par cette IVG3, et la transgression qu’elle représente au regard de sa religion.4 La religiosité de la mère (quelle que soit sa ferveur consciente, dont il n’y a pas lieu de douter) est mise au service d’un mensonge affolant pour le fils. 1 Elle émet l’idée d’une punition divine : « Tu m’as enlevé un enfant, je t’enlève le grand ! » 5 L’argument religieux recouvre pour la mère un attachement oedipien à son propre père impossible à entendre. 2 Le père est à nouveau à la maison. L’entente est bonne entre les parents : […] 13 Il justifie (comme discours de vérité) 6la disqualification du mari,3 qui à son tour camoufle une adhésion non assumée à un rôle social de type occidental (travail en usine, IVG, etc.). 4 Mensonges, non-dits et refus d’assumer deuils et désirs propres sont les véritables éléments pathogènes.13 Document 5 Expression d’Esther sur son vécu psychique après l’IVG 1Elle raconte alors l’angoisse terrifiante qui peut l’envahir pendant plusieurs heures et la couper du monde. Elle raconte ses idées obsédantes incoercibles et pourtant si stupides. Son langage est précis, riche, imagé.1 […] Elle raconte son sentiment de déréalisation. « Je suis là et pas là. Je suis avec vous, mais ailleurs. C’est comme s’il y avait un voile, une sorte de brume entre le monde et moi. Je suis une étrangère, je ne me reconnais plus. »1 […] Tout a commencé quelques mois auparavant. Elle était dans une soirée et en regardant une amie homosexuelle, elle a pensé qu’elle était ellemême homosexuelle. […] C’est pourtant impossible, dit-elle, puisqu’elle n’a aucune attirance pour les femmes. […] Pourtant, c’est plus fort qu’elle, cette idée revient, s’impose à elle, la harcèle, la questionne sur son orientation sexuelle. 2 Elle vit avec un homme dont la religion différente de la sienne rend son amour impossible….23 […] Elle a commencé à consulter une collègue psychanalyste il y a trois mois […] 3 Au cours du premier entretien, elle évoquera sa vie faite d’excentricité, de relations passionnelles, d’expériences en tout genre, d’amours fulgurantes et surtout sa formidable volonté de maîtrise d’elle-même et des autres.3 […] L’état d’excitation permanente dans lequel elle était, surtout au cours de ses soirées folles ne la rendait pas franchement joyeuse.3BIS Ce qui lui arrive, ses pensées compulsives, cette perte de contrôle est ressentie comme une profonde blessure narcissique.1BIS Bien que la prise de psychotrope serait à même de contenir l’angoisse terrorisante et de réduire le sentiment de déréalisation qui lui est lié […] 4BIS La mère ne peut pas faire le deuil. Sa fille est toujours là, dans son cœur, c’est-à-dire dans le monde. L’enfant morte est là, participe pleinement à la vie de famille ; on en parle sans cesse.22 […] Je lui propose un traitement médicamenteux. Elle est réticente. Elle craint de ne plus être elle-même.17 C’est bien là le paradoxe qui signe que la folie est folie du sujet[…] Esther se sent étrangère à elle-même, possédée par des idées qui ne sont pas les siennes habituellement.18 […] elle est momentanément retournée habiter chez ses parents qui la soutiennent efficacement20 […] « J’ai un très bon moral. Bien meilleur que quelqu’un de déprimé, je suis forte, je vais m’en sortir. »5 Au cours d’un entretien récent, elle a évoqué son angoissante inquiétude à l’idée qu’elle pourrait être mère, femme installée dans une vie affective. Elle n’arrive pas à se figurer ce genre de scène. « Pourtant, ajoute t-elle, je n’ai pas le look de la vieille fille s’occupant de ses neveux et nièces. » Ce questionnement est actuellement dans ses séances « au coeur », dit-elle, de son travail psychothérapique. 8 2 Esther accepte mieux le traitement médicamenteux et plus largement le traitement psychiatrique comme étant seulement l’un des éléments du traitement avec un effet moins stigmatisant.14 Au début, elle encensera le traitement médicamenteux. Il la soulage, elle n’a plus, ou en tout cas beaucoup moins, de crises de déréalisation ; l’angoisse est moindre. […] 16 Esther se laisse aller à exprimer sa souffrance. « Je ressens comme une décharge électrique qui part de la nuque et qui remonte le long du crâne. J’ai un trou derrière la nuque (sic) d’où mon cerveau s’échappe, emportant avec lui toute mon âme. C’est pour cela que je me retourne souvent dans la rue. J’ai peur qu’on me regarde et qu’on s’en aperçoive. »15 Au bout de quelques semaines, elle se plaint de nouveau de crises de déréalisation.4 Elle me fait comprendre à demi-mots qu’elle ne prend pas régulièrement son traitement […] 6 Esther reste méfiante.[…] Elle se plaindra de sa psychanalyste qui ne fait pas le poids. Elle rompt avec sa psychothérapeute […] elle est rassurée par son nouveau thérapeute. 21 […] Son ambivalence par rapport au traitement médicamenteux persiste.23BIS Les accès de déréalisation se font moins violents7, peut-être plus brefs et moins fréquents. Mais les idées obsédantes deviennent plus harcelantes. Le moindre contact avec un homme oblige Esther à penser qu’elle a « attrapé » le sida ou qu’elle est enceinte. À chaque fois, elle se précipite pour faire test HIV et test de grossesse.9 Après quelques mois de stabilité du tableau clinique où les obsessions deviennent prévalentes par rapport aux moments de déréalisation10, survient une crise particulièrement violente pendant un week-end. On ne retrouvera pas de cause déclenchante. Esther refuse d’augmenter la posologie des psychotropes malgré l’injonction de ses parents, ce qui entraîne une crise familiale.11 […] Au cours de cet entretien familial, la souffrance de sa mère éclate au grand jour. Elle ne parlera que de sa fille décédée, qui est toujours là, vivante, dans son cœur, dans le monde. […] Esther et son père échangent des regards gênés. Ils sont consternés par cette scène, par les propos de la mère qui sont manifestement un leitmotiv familial.12 Elle parle de ses crises de déréalisation comme de « pannes de vision ». Le monde, dit-elle, devient en noir et blanc. « Ça s’arrête et moi je reste suspendue. Mais je sais, ajoute-t-elle que ça va s’arrêter. » 13 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Le lien entre ces différents événements, la mort de la soeur, l’IVG, l’idée de l’homosexualité est évident ; nous n’en dirons rien ni l’un ni l’autre. L’entretien se maintiendra dans le registre des processus primaires.1 La fantasmatique homosexuelle qui la trouble tant reprend-elle la passion de la mère pour la jeune soeur ? 3 Pour elle, le deuil semble interdit par la mère. Le père se replie, incapable de contenir la folie de sa femme, se mêlant peu au gynécée.4 Cette instabilité signe l’échec du moi à contrôler son instabilité. [ …] Ce qui lui arrive, ses pensées compulsives, cette perte de contrôle est ressentie comme une profonde blessure narcissique.2BIS 2Pendant cette phase d’installation du processus psychotique[…] 13 Derrière cette ambivalence on perçoit, certes son désir de maîtrise de sa propre psyché, mais aussi peut-être un attachement masochiste à la douleur des crises. Ces accès de « mort psychique » qu’elle s’inflige en ne prenant pas son traitement médicamenteux qui sans nul doute la soulagerait, sont-ils l’expression d’une autopunition en réponse à son sentiment de culpabilité lié à la mort de sa soeur ? Il n’y eut pas la place pour lui proposer ce type de construction à travailler dans le cadre de sa psychothérapie.8 Ce qui amène à penser qu’il s’agissait d’une reprise du processus psychotique. Depuis cette scène – qui a peut-être permis l’exposition de la culpabilité familiale autour du décès de la fille –, Esther prend plus facilement, sinon plus volontiers, son traitement.9 Est-ce là le signe de l’amorce d’un remaniement psychique ?11 Que comprend-elle de l’association d’idée qui vient de façon répétée à propos de la mort de sa soeur, de son IVG et de son interrogation sur son orientation sexuelle qui la terrifie ?5 Il serait bon qu’elle en reparle dans ses séances et qu’elle tente de donner du sens à ces idées qui la hantent.5 Quelques éléments dépressifs apparaissent depuis quelques semaines, sous la forme de dénégation10 Est-elle en train de s’identifier à sa mère ? Ces éléments dépressifs qui signent un certain renoncement à la tentative de maîtrise mégalomaniaque d’elle-même et du monde,[…] 12 Peu à peu, la confiance s’installe entre Esther et moi dans un climat d’amitié et de sympathie. Le respect mutuel et réciproque est constant. Esther est plus rassurée quant à la qualité du cadre et à sa solidité.17 Pour Esther, la crise psychotique a permis de révéler la fragilité de son identité sexuée15 Dans le cas d’Esther, la prescription a donc pour ambition de réduire la violence des mouvements pulsionnels, de ralentir le flot de la pensée, de contenir l’angoisse et peut-être d’endiguer (un peu) le processus dissociatif. […] 18Pourtant, l’idée qu’il faut qu’elle fasse appel à une aide extérieure pour maîtriser ce qui lui arrive est difficile à accepter. De surcroît, le fait que cette aide passe par l’absorption d’un médicament réputé avoir une influence sur son psychique hors de son contrôle lui est insupportable. Après tout, pour elle, mieux vaut penser que ces idées, même si elles lui sont inconnues, viennent d’elle-même et qu’elle aura donc la force, comme d’habitude, de les maîtriser et de les vaincre.19 Cette sensation de fuite irrépressible de son âme annonce-t-elle un mouvement dépressif ?7 La guérison de la crise passera par la reconnaissance de la différence des sexes et par là même, par l’acceptation de l’existence de la scène primitive. L’entretien familial a pu mobiliser ses défenses et permettre la reprise de cette problématique dans le cadre de sa psychothérapie.16 Document 6 Expression d’Antoinette sur son vécu psychique après l’IVG […] Antoinette, fille unique d’un père adoré, évoque rapidement ses deux IVG,[…] Interprétation de cette expression par l’auteur 1 « Pour moi, il n’était pas question de devenir mère car je savais que j’aurais été une mère excessive, possessive, envahissante, capable d’étouffer son enfant de sollicitude au point de l’empêcher de grandir. » 1 Regardant tendrement son mari elle souligne : « C’est lui mon enfant, il le sait et il aime cette place. 2 Mais il y a une ombre au tableau. Fabrice de temps en temps fugue au volant de leur voiture et rentre ivre ou parfois ne rentre pas, et atterrit aux urgences de l’hôpital où on commence à le connaître, ce qui met Antoinette au comble du désespoir et de l’angoisse.4 Leur vie sexuelle est très pauvre, même inexistante depuis quelque temps. 3 [NDR : thérapie individuelle et de couple] Antoinette le regarde changer, avec un mélange de satisfaction et de détresse, et canalise son angoisse dans de violentes crises de jalousie. N’aimant pas le sport, elle ne le suit pas dans ces nouveaux choix, mais imagine mille et une jolies femmes tournant autour de son mari.5 La violence de ces scènes de jalousie la font s’interroger sur son désir à elle pour ces jolies jeunes femmes.6 […] consultent parce que Fabrice fugue, s’alcoolise et que leur vie affective et sexuelle est inexistante.7 […] il est indéniable que toute naissance a une potentialité traumatique, du fait des multiples remaniements psychiques inhérents à cet événement. Ces remaniements sont profonds, normaux et, si parfois ils déstabilisent de façon durable, c’est qu’ils opèrent à notre insu. Ils n’en constituent pas moins un véritable levain à la maturation psychique de l’un et l’autre du couple ainsi que de leur mode relationnel. 3 [NDR : thérapie individuelle et de couple] Une thérapie individuelle, suivie d’une thérapie de couple, permet un lent et profond réaménagement de leur relation. Fabrice sort peu à peu de sa dépendance infantile […] 11 Antoinette […] canalise son angoisse dans de violentes crises de jalousie. 9 Son père avait de nombreuses maîtresses, ce que sa mère vivait très mal mais, personnellement convaincue d’avoir la première place dans le coeur de son père, elle ne s’en inquiétait pas plus que ça. Aujourd’hui elle se retrouve dans la peau de sa mère et c’est intolérable pour elle.1 Le refus des manifestations du sentiment maternel peut-il voiler une homosexualité latente ?10 On est en droit de se demander si les IVG n’ont pas, dans un premier temps, stoppé tous les mouvements de remaniement psychique4 qui, néanmoins, ont continué à travailler le couple sous forme de passages à l’acte et de comportements aberrants, pour finalement donner lieu à une déroute conjugale justifiant une démarche thérapeutique.5 Ce sont aussi Fabrice et Antoinette qui, après avoir laissé leur couple s’organiser sur un mode mère/enfant […] 8 Document 7 Expression de Julie sur son vécu psychique 1 L’analyse de Julie est longue et difficile parce que les processus de liaison sont constamment attaqués22. Le travail analytique est ainsi impitoyablement privé de la perspective orientée que lui donnerait en après-coup un déroulement processuel, et de la mémorisation des séances. À cette attaque des liens (W. R. Bion, 1970) s’ajoute une propension active au passage à l’acte violent sur les autres et sur elle-même hors séance […] 21 En effet, elle pense devoir sa naissance à la résistance de ses parents dans leur combat contre la pression des grands parents paternels pour faire avorter cette grossesse. J’apprends que Julie […] situe le début de sa désorientation psychique au moment de sa deuxième IVG […] 1 Elle révèle avoir été une enfant maltraitée activement par sa mère et sa grand-mère paternelle, mais aussi passivement par un père resté indifférent à ces sévices. 1bis […] elle perçoit l’ombre de sa propre action inconsciente : c’est elle qui fait échouer tous ses projets, sa vie relationnelle, son analyse et sa créativité.4 En effet, depuis longtemps elle travaille « la terre » mais elle réduit la durée de vie de ses oeuvres en les cassant lors de la cuisson ou en les fracassant contre le mur lors d’accès de rage.2 Sa violence fait irruption dans la maison de retraite où elle travaille dans un contexte qu’elle vit comme la privant de reconnaissance et de gratification. 3 […] car elle pense que sa violence est engendrée par la fatigue et, comme elle travaille de nuit, elle revendique le droit au repos.3 Elle est reconnue « invalide » par la Sécurité Sociale5 et, pendant deux ans, elle se bat contre une torpeur irréductible qui accentue son sentiment de culpabilité transférentiel vis-à-vis de l’analyste et du travail analytique6 : elle n’arrive pas à mettre à profit le temps dont elle dispose pour orienter son activité vers la « terre », elle manque ses séances pour ne s’être pas réveillée et met en panne le travail psychique. La maladie de son père s’aggrave notoirement. À travers les dires de Julie, je comprends qu’il entre dans un processus de fin de vie. Elle refuse de lui rendre visite à l’hôpital, toute braquée qu’elle est dans une attitude de refus vengeur.7 Elle réussit à surmonter l’opposition de sa mère à ce qu’elle passe du temps au chevet de son père et peut parler avec lui des choses douloureuses du passé9 et du présent : les maltraitances subies, les avortements et la proximité de la mort .10 2 Julie découvre une relation au père qu’elle avait crue impossible.9BIS Elle lui parle de sa créativité et de ses difficultés à garder ses oeuvres. Il se montre intéressé. 10 […] Elle entreprend sa première exposition et vend pour la première fois des « pièces ». Elle comprend que la brutalité de celui-ci est aussi une violence pour la vie quand il lui parle de ses difficultés avec ses propres parents12 Le sentiment de culpabilité exacerbé […] 21BIS Elle retourne voir son père pour lui parler, lui parler encore de sa créativité qui s’organise et s’enrichit en technique alors que les « pièces » résistent mieux à la cuisson. Elle est maintenant capable de garder ses œuvres en vie, ce qui lui permet d’envisager de réorienter sa vie professionnelle vers le métier de céramiste. Elle reçoit l’approbation et la fierté de son père qui a vu sa photo et un article élogieux sur elle dans le journal. À cette occasion, il lui dit la trouver « douce »... Julie éclate alors en sanglots sur le divan. Son père lui fait une avance sur héritage afin qu’elle « se monte ».13 Quand il meurt, elle est là, seule avec l’infirmière, parce qu’elle est la seule de la famille à vouloir voir la fin du père. Dans les semaines suivantes, elle façonne une figurine en terre noire, sorte de totem à la mémoire de son père et qu’elle garde pour elle[…] Lors d’une autre exposition qui la fera « connaître », elle utilise les fragments d’une pièce cassée au four pour composer, par collage au mur, un tableau dont elle étudie en séance la forme et le sens : « une spirale centrifuge, le chemin de la vie »16 La violence se déplace dans la relation à sa mère à qui elle reproche sa double vie dans le dos du père pendant son enfance. Julie se sent constamment sur le point de « déraper » avec elle […] 15 Julie oriente sa création vers l’inscription d’empreintes du passé dans la texture de la terre : des traces voilées par l’émaillage. Elle s’interroge sur son « refus inconscient de créer » et hasarde une auto-interprétation : si sa vie « prend des allures de catastrophe », c’est peut-être qu’elle « ne joue pas le jeu de la création ». Elle ajoute : « Créer, c’est le seul moyen d’aller dans la vie car une pièce allie une autre pièce et c’est la vie qui se crée à ce moment ; en créant, je réaliserai ma vie. »17 Cette demande d’évaluer ses oeuvres dans notre relation paraît insurmontable à Julie.18 […] Au fil des expositions, elle convertit ses oeuvres en argent et peut racheter la part troquée. Maintenant, elle me paie à la fin de chaque mois en oeuvres qu’elle expose devant moi en valeur de paiement, et les rachète aussitôt […] 19 Julie envisage de renoncer à l’invalidité.20 Interprétation de cette expression par l’auteur 1C’est alors l’introjection de la fonction paternelle assistée de la fonction maternelle qui assigne la pulsion de déplacement des conditions de la satisfaction : l’élaboration sur la scène transférentielle de la conflictualité dans la bisexualité psychique 5 […] Je voudrais illustrer cette orientation à double polarité avec la cure de Julie où la transformation de la violence fondamentale (J. Bergeret, 1964) 2vers sa sublimation suit la voie de l’introjection de la fonction paternelle en prenant appui sur le transfert de base (C. Parat, 1995) maternel qui accueille et tient en vie la psyché à l’encontre de l’effet destructeur de sa violence. On y verra l’importance de l’aménagement du cadre3 Le travail laisse l’impression d’une « écriture dans l’eau » […] 4 Toutefois, cette impression de non-sens dans l’analyse n’empêche pas Julie de venir, comme si la cure était tout de même porteuse implicite d’une promesse, et comme si le plus important était de faire l’épreuve partagée du non-sens. Une cure sans orientation hormis celle que maintient le cadre dans la direction de l’irréversibilité du temps qui passe, dans le contexte d’un transfert de base suffisamment solide 8pour garantir la continuité de la relation à travers une confiance qui résiste à sa permanente remise en cause7 […] Ce refus de confiance sans rupture constitue le support nécessaire à l’épreuve de l’avortement sous les traits d’un avortement de la confiance. S’inscrit ainsi un destin de la cure qui répète le destin d’une vie avortée dès la conception de Julie9 Dans ce paysage en voie de désertification par l’entreprise d’une fragmentation de la vie psychique à visée désobjectalisante […]14 Que le non-sens s’attaque au mouvement introjectif accroît maintenant l’inquiétude de Julie sur ses processus de déliaison […]10 Ses maltraitances par négligence sont probantes tout autant qu’exemptes de sentiment de culpabilité : c’est pour sauvegarder son économie psychique qu’elle se défausse de sa tâche de soignante11BIS Ce n’est que très progressivement qu’elle prend conscience de sa violence11 par indifférence à la détresse d’autrui mais, malgré les liens que je lui propose avec l’indifférence de son père devant les maltraitances subies par elle, et les interprétations de transfert sur mon indifférence supposée, Julie ne parvient pas à l’intégrer et encore moins à la transformer 11 […] son vécu de souffrance […] 12 À l’abri de cette mesure de protection, Julie peut comprendre le lien existant entre sa violence meurtrière hors analyse et sa violence meurtrière dans l’analyse 15 2 Malgré l’activation du processus de fragmentation […] 13 J’interprète son refus comme une façon qu’elle trouve de me faire vivre une complicité d’indifférence face à la détresse d’autrui17 […] Comme elle comprend comment elle engage ainsi l’analyste et son analyse dans un fantasme de parricide […]17 Les processus de liaison prennent peu à peu le pas sur la déliaison, un processus analytique commence à se dessiner et une certaine rythmicité dans son discours s’amorce19 Elle reconnaît avec émotion la dimension œdipienne sur fond de violence de la relation à son père21 Le mouvement d’introjection pulsionnelle lui permet d’analyser sa responsabilité dans certaines réactions de son père qu’elle vivait jusque-là comme des blessures insupportables20 Le sentiment de culpabilité exacerbé met en danger le traitement du conflit d’ambivalence mais Julie s’appuie sur le transfert de base20 […] Julie façonne et se forme.21BIS […] elle comprend que sa tentation par le détachement affectif actif, l’indifférence, est une mesure de protection par répression de sa violence mais qu’elle en est aussi la plus violente expression22 […] elle saisit l’impératif de liaison dans la sublimation23 C’est alors qu’elle se trouve confrontée à une panne de sa créativité et qu’elle entre dans un profond mouvement dépressif16BIS Le travail analytique lui permet toutefois de comprendre que cette inhibition recouvre une tentative d’éliminer le tiers entre nous et de s’accrocher à un clivage de la constellation oedipienne en une double relation incestueuse. Ayant trouvé un tiers apte à cette évaluation, elle peut maintenir le cours de son analyse25 […] tout cela dans le même mouvement centrifuge-centripète de séparation-réappropriation alors qu’elle dépose en échange les espèces. À la suite de ce nouvel équilibre trouvé/créé dans la répartition entre l’intérêt du narcissisme et celui de l’objectalité par la voie désignée par l’introjection paternelle en appui sur la fonction maternelle26 J’ai tenté de montrer que la sublimation de la violence obéit à une orientation ascendante à double polarité dans la répartition de la libido 28 L’introjection des fonctions tutélaires en dérive est corrélée à la condition de leur résistance à l’épreuve de la violence du sujet dont rend compte le corps à corps avec la matière résistante du support de médiation de l’activité artistique 27L’alliance de l’introjection de la fonction paternelle avec une fonction maternelle attentive aux conditions du développement des processus introjectifs en assure la fécondité 29 L’unification des processus psychiques autour de l’introjection de la fonction paternelle prend alors valeur de garant pour la réussite de la sublimation30 Document 8 Expression de Madame M. sur son vécu 1Quinze jours après l’IVG, MmeM. demande à me rencontrer, le soulagement1 est là, cette quatrième grossesse est arrivée en pleine crise conjugale, sans contraception pour marquer son souhait d’arrêter les rapports sexuels (!). Une fois le soulagement exprimé : « Je n’avais pas le choix » […]2 parler de son mari, tyran face auquel elle n’a pas son mot à dire, qui lui impose son point de vue « sauf en ce qui concerne l’éducation des enfants, où il lui fait confiance »3 Pointant mon étonnement sur l’absence de dialogue entre eux concernant l’éducation des enfants, elle semble en saisir la portée mais l’angoisse est trop forte et elle parle de ses craintes face au mari tyran3BIS […] sa demande de parler de ce qu’elle va devoir affronter des réactions de son mari pendant cette période de divorce qu’il refuse4 Son besoin vital de se dégager physiquement de son mari, son besoin sécuritaire de s’installer avec ses enfants chez ses parents « qui n’attendaient que ça » et sa crainte à la perspective de reprendre son travail… l’amènent à en parler 5 Ces trois aspects la renvoyant à ce qu’elle nomme sous forme de plainte « son manque de confiance en elle ». […] toujours à l’heure, réglo, se lançant dans le récit des faits quotidiens actuels et anciens qui m’assaillent et qui laissent peu de place à un questionnement6 […] je lui demande ce qu’elle quitte d’insupportable en quittant son mari. « Il décide de tout, je n’ai jamais mon mot à dire », j’entends sa souffrance et celle du mari par la décision qu’elle a prise de le quitter, elle, qui n’en prenait pas… et lui, qui décide de tout. «… Et en plus, il me force à prendre des initiatives dans le travail agricole… »7 Alors que je lui demande dans quel but elle croit qu’il la force, elle répond : « Il n’a pas tout à fait tort, car je suis quelqu’un de timide, j’ai toujours été peureuse, lui c’est un fonceur, c’est quelqu’un d’entreprenant, c’est un décideur, je suis quelqu’un qu’il faut pousser… Petite pour quitter les jupes de ma mère et aller à l’école, c’est mon père qui me poussait dehors et dans mon travail de secrétaire il faut que mon patron me pousse pour que je prenne des responsabilités»8 La « panique » à l’idée de reprendre son travail, fin du congé parental pour le troisième enfant, l’amène à envisager la rupture de son contrat plutôt que d’affronter le directeur, […]9 Dans un premier temps, elle va pouvoir les exprimer, les repérer10et au niveau de sa réalité professionnelle elle va pouvoir négocier avec son directeur une fin de contrat […] 2 […] elle ne souhaite pas pour autant une séance commune, je lui indique l’adresse d’un psychologue11 […] Madame M. craignant une perturbation psychologique pour les enfants12 […] la psychologue va entendre la souffrance de son mari ce qui a un effet culpabilisant pour Madame M […]13 multipliant aussi les démarches auprès d’amis communs afin d’obtenir des attestations, recherches mutuelles d’attestations… vides de sens pour chacun et qui viennent attiser le conflit14 […] Pour Madame M. les entretiens lui ont permis de ne plus tout raconter à ses parents, […], elle trouve à présent « excessif et pesant le jugement qu’ils ont sur mon mari ». Elle trouvera un logement et un nouveau travail15 Un an après, elle me téléphone pour un rendez-vous mais en cabinet libéral. Elle vient pour parler de sa difficulté relationnelle avec ses enfants. « Quand ils rentrent de chez leur père, ils sont agressifs contre moi, le père fait pression sur eux et du coup ils me traitent de méchante maman et disent qu’ils veulent vivre avec papa et maman ». […] « Oui, mais moi aussi je panique et moi aussi je suis agressive et ça, ce n’est pas moi »16[…] Nous convenons d’une séance par semaine […] 17 « c’est son divorce ou le mien ? » […] elle ne la supporte plus 18 Après la période des vacances d’été, Madame M. dit avoir repris la relation 19avec son mari et se met à pleurer à cause de sa souffrance à ne pouvoir affronter le regard et l’incompréhension de ses parents20Elle leur en veut d’avoir pris position contre lui, contre son couple, ce qui ne l’a pas aidée, […]21 Elle s’en veut d’avoir dit tant de mal de lui « à cause de la façon qu’il a de me parler »22 Sa façon de s’exprimer est agressive, ce qu’elle fuit, « avant j’aurais été le dire à ma mère, maintenant j’ai pu le lui dire et lui donner mon point de vue, mon avis sur nos désaccords »23 Elle manque certains rendez-vous, un jour où j’étais en entretien, elle appelle et je lui demande brièvement de me rappelez dans l’heure, ce qui lui semble possible, mais elle ne le fait pas. Je lui adresse un petit mot l’invitant à appeler. Elle dira dans l’entretien qui a suivi que son mari fait plus ou moins la tête, qu’il se demande ce qu’elle peut bien venir dire puisque ça va mieux entre eux… Alors pourquoi continuer à venir. C’est lui qui pense ça et du coup elle entend : mais pourquoi tu y retournes ? Ce qui la plonge dans un silence mortifère et elle manque les séances24 [ …] « Vous voyez me dit-elle, je vais rentrer, là, et il va y avoir une tension entre nous parce que je suis ici ». Se sent-il exclu ? Je lui demande alors si elle se sent culpabilisée de venir ici : « Oui, parce qu’il pense que je dis du mal de lui, ce qui n’est plus le cas »25 […] Elle décide de mettre fin à la thérapie… 26« Pour d’autres entretiens dans ma vie, et je lui dirai à mon mari pour l’IVG pour pas que ça reste un secret »27(ou une fuite et une exclusion pour lui)28 Interprétation de cette expression par l’auteur 1 llustrer l’importance du cadre pour qu’une plainte s’exprime, qu’elle devienne parole, parole à l’autre et changement. Dans la pratique clinique, il arrive parfois que l’on soit amené à changer de cadre en fonction du sens de la demande. C’est ce qui s’est passé pour ce cas clinique concernant Mme M. Tout d’abord besoin ponctuel de parler de l’interruption de sa grossesse, puis besoin d’entretiens suivis pour parler de la crise conjugale et thérapie par l’élargissement du champ d’investigation du lien conjugal et le travail du transfert 3 2[…] ce qui du coup ne la met pas à l’aise sur le plan de la relation, trop préoccupée à se protéger, à se défendre de ses peurs par la fuite11Sa « panique » à propos de ses peurs anciennes me fait penser à un désarroi qu’aucune parole n’est venue contenir. Ses « peurs anciennes » seront des objets de transfert dans le processus thérapeutique qui suivra12 D’interrompre cette grossesse lui permet d’interrompre la vie conjugale 1 […] je lui rappelle sa propre inquiétude à son sujet, « lui qui n’a personne… » à qui parler14 Besoin d’en parler pour elle, afin de dissocier ce qu’il en est de la procédure et ce qu’il en est de leur conflit profond15 […] reste toutefois le « je » en question2 . Madame M. va ainsi commencer petit à petit à sortir des positions extrêmes victime/tyran13 […] l’absence de jugement extérieur auquel elle est sensible […]4 […] une distance s’est créée […]16 Je lui demande ce qu’elle craint, ce renvoi à ses craintes a un premier effet mobilisateur qui ouvre une parole sur la « réalité » conjugale et vient soulager une tension émotionnelle6 Le cadre des entretiens venant contenir psychiquement ce que la décision de rupture a laissé vacant7 Sa souffrance conjugale vient exprimer une souffrance personnelle ancienne8Comment contenir sa plainte relative à une confiance en elle qu’elle n’a jamais eue ? J’entrevois le gouffre des profondeurs abyssales par ce qu’elle dit en si peu de mots et ce qu’elle montre d’elle : […] Madame M. est paniquée par sa propre agressivité, pas conforme avec la conquête de son autonomie17 […] j’entends sa souffrance, son désarroi, son conflit18 en rapport à l’image idéalisée de bonne mère qui est menacée. Très vite, je me trouvais être intervenante du fait de la spontanéité de mes interventions et également du fait de son attente à recevoir mes paroles, en fait j’étais « entreprenante » comme l’avait été son mari19 Je lui en fais part, ce qui a un effet soulageant. Malaise du coup exprimé et reconnu, défaut de contenant, avec une demande sur le cadre pour contenir son besoin de dire, et l’entendre. Transfert sur le cadre, ce qui me ramène, moi aussi, à trouver un appui à mon écoute. C’est par la crise conjugale que je vais entendre le fonctionnement de son couple9 Analysant cet éprouvé contre-transférentiel, j’en viens à penser qu’il y a quelque chose en elle qui me met dans un double rôle : l’un est maternant, protecteur, en réponse à ses demandes – « Il faut qu’on me dise » – et un autre qui n’est plus maternel, face à ses silences, où je relance19 Je décide de supporter ses silences et de garder en mémoire ce qu’elle dit de ses plaintes, de ses réflexions, de ses souvenirs… pour une écoute associative du transfert… et attendre pour une interprétation. Madame M., au fil des entretiens, est rentrée dans son histoire, la venue des faits par la parole, positionnant les uns et les autres, a pris effectivement du temps, ce qui n’était pas l’habitude du mari décideur et entreprenant ni son habitude à elle prise dans la passivité des jupes d’une mère10 La souffrance exprimée porte sur l’estime d’elle qui se trouve menacée dans la relation à l’autre, à son mari, à ses parents, à ses enfants, et qui la met en demande afin de trouver une autre issue, autre que la fuite20 3 Fuite qui a été jusque là son mode de défense y compris dans le choix du partenaire qui au départ était vécu comme rassurant. Elle a quitté les jupes de sa mère pour un mari entreprenant. Son manque de confiance en elle la rattrape et quand ce n’est pas élaborable, il n’y a plus qu’à partir, quitter son emploi précédent, partir de sa vie de couple21 4 C’est une tension imaginaire qui tourne à vide par la fermeture à l’autre. Ni l’un ni l’autre ne sont à l’aise avec la parole, alors restent les mots sans parole 30 la peur est trop grande face à l’angoisse de la séparation, de la perte, pour imaginer ce que vit l’autre. Elle est trop préoccupée à se protéger et lui fonce pour vaincre sa souffrance31 Leur attachement mutuel renforce leur lien narcissique et en même temps leur difficulté au niveau des échanges vient menacer ce lien40 Les enfants viennent ébranler son unité idéalisée d’elle-même22Son mode relationnel est bien un aspect de sa problématique induisant à la fois protection et rejet avec difficulté de la prise en compte de la position de l’autre, de la différence, des contraintes23 Il y a toutefois quelque chose de dynamique chez Madame M., elle peut apprivoiser l’extérieur autrement que par la fuite et la stupeur, comme elle l’apprivoise dans la cure. Ce n’était pas irrémédiable, ces rendez-vous manqués32 L’hyperprotection qu’elle est venue chercher en retournant chez sa mère fonctionne comme une barrière, un garde-fou que sa panique vient bousculer, cette protection de sa mère,: […] Garde-fou contre l’extérieur, contre l’inconnu, contre l’étranger, l’altérité fait peur24 Le contact est repris avec ses parents, elle a tenu à rectifier que tout n’était pas du côté du mari, comme elle a pu leur faire croire en mettant à l’écart une part d’elle, comme en reportant les séances alors que c’est elle qui se protégeait à défaut de trouver une autre distance25BIS Quelque chose là se dit de son fonctionnement : un clivage entre l’extérieur et l’intérieur de ses quatre murs qui la rassurait. Le silence qui a suivi n’était plus le même que celui qui venait ponctuer un récit, là, ce qu’elle disait s’adressait à quelqu’un. Entre les quatre murs de sa chambre il n’y avait personne, elle ne bougeait pas pour se rassurer, là dans ce cadre équivalant à sa chambre elle commençait à faire bouger son silence protecteur25 Arrivés à cette étape, on peut se demander si cette quatrième grossesse suivie d’IVG n’est pas venue pour que Madame M. trouve une issue à son conflit relationnel avec son père, son directeur, son mari33tout comme elle avait décidé d’un congé parental comme protection (maternelle)34 Chemin faisant, l’agressivité de ses enfants l’amènera à se poser des questions plutôt qu’à se protéger26 […] je représente celle qui n’a pas donné son avis face à la fragilité de ses choix qui ne sont pas bien assurés par la régression orale de besoin de protection 27 Le travail thérapeutique permet à Madame M. une prise de parole avec lui pour parler d’elle, de ses difficultés qui datent, ce qui créé une certaine distance entre eux et vient remobiliser leur attachement mutuel. Elle est touchée par la place qu’il lui fait, qui la touche aussi sur le plan libidinal mais c’est une place par rapport à elle, place qui la sécurise28 29 Il existe bien en elle quelque chose de dynamique au coeur du conflit relationnel et phobique35 Dans le travail d’élaboration contre-transférentiel face au transfert du patient, le thérapeute a à repérer les angoisses archaïques et fusionnelles dans ce qui se dit, qui lui est adressé et qui va permettre la levée du clivage par le travail du pré-conscient, favorisant la mise en place d’une nouvelle protection moins rigide. C’est tout le travail thérapeutique37 Pour Mme M., l’autre intériorisé (objet interne primaire) est absence, mais il existe comme lien et c’est ce qui se passe entre eux par l’ouverture et la fermeture à l’autre où chacun sollicite le partenaire pour s’assurer de sa présence et de son manque 39 Document 9 Expression de Fatia sur son vécu 1Elle a été admise pour un coma éthylique, et a raconté au médecin qu’elle s’alcoolise avec fréquence au cours des derniers mois1 L’épisode aigu résolu, Fatia accepte un suivi et lors de la première consultation, ses parents l’accompagnent 2 2Son partenaire n’est pas investi et semble surtout avoir profité de son état. Elle ne luien veut pas de l’avoir mise enceinte, car il lui appartenait à elle de lui dire non ou d’exiger qu’il prenne des précautions23En fait, elle ne lui a même pas demandé d’utiliser un préservatif22 […] Les parents disent aussi que les difficultés avec leur fille remontent à une année à peu près, mais leur gravité a conduit le Service de Protection de la Jeunesse à placer Fatia dans un foyer d’urgence, pour une période de quatre mois, puis dans une famille d’accueil pour trois mois encore2 Cet enfant ne compte pas24et le seul souci qu’elle se fait est d’éviter que sa mère s’aperçoive qu’elle est enceinte de nouveau25 Si la jeune fille se sentait bien traitée par cette famille, son comportement devenait difficilement contrôlable. Elle sortait pratiquement toutes les nuits et revenait imbibée d’alcool5Ce comportement ne s’est pas modifié avec le retour dans sa famille6 Il y aura en tout trois entretiens des parents et de la jeune fille. Et, sans explication, ils ne vont plus donner suite aux propositions thérapeutiques faites par le médecin3 4 Début octobre 2005, Fatia se présente à la Maternité avec une demande d’IG […] fait état d’une relation amoureuse sans grande importance8et demande que ses parents ne sachent rien, ce qui est un droit que la loi suisse accorde à toutes les adolescentes mineures, quel que soit leur âge9 Par ailleurs, elle accuse sa fille d’avoir sali l’honneur de la famille 10 d’attirer la malédiction de Dieu11 et d’avoir failli à la règle qui voudrait qu’elle reste vierge jusqu’au mariage. L’adolescente est désespérée15et entre en opposition violente avec sa famille16 ce qui aboutit aux placements successifs de Fatia17À l’approche du mois de juillet 2005 les alcoolisations de la jeune fille se font de plus en plus fréquentes et graves, jusqu’à culminer avec le coma éthylique relaté plus haut.18 Son souhait est de refaire une interruption, mais à l’insu de ses parents et plus particulièrement de sa mère19 Cette possible grossesse, elle n’y avait pas pris gare20 Elle était tellement alcoolisée21 me raconte-t-elle, qu’elle n’a pas eu l’énergie physique ou psychique de prendre une quelconque décision21 Au cours de la semaine qui suit cet entretien, Fatia fait pratiquer l’IG 26À la grande surprise de l’équipe, elle se présente accompagnée de sa mère qui, n’étant pas dupe, avait fouillé dans le sac de sa fille la veille au soir, trouvé la carte de rendez-vous de la Maternité et ainsi vu ses craintes confirmées27 Ne pouvant être à son chevet, je l’appelle sur son portable, qu’elle boucle28sans me dire un mot. Le lendemain c’est elle qui me téléphone et nous convenons29d’un rendez-vous auquel elle ne viendra pas30 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Je vois une jeune fille fermée, qui semble bien décidée à réaliser l’intervention […]1Au cours d’un entretien long, difficile au début, elle va me confier son histoire2 Cette culpabilisation de la jeune fille se double de menaces sur son ami. La mère le menace de dénonciation s’il ne quitte pas le territoire helvétique, prenant appui sur le fait que leurs relations constituent un délit puisque le jeune homme est majeur, alors que Fatia n’a pas atteint la majorité sexuelle, fixée à seize ans en Suisse. 6BIS[…] Rien de cette version de l’histoire ne transparaît dans le cours des trois entretiens faits à la consultation de secteur de l’Unité des adolescents3Non seulement Fatia se tait, mais, de plus, sa mère fait l’impasse sur ces événements et laisse croire à ma collègue que la jeune fille est vierge et qu’elle s’inquiète de ce qui pourrait lui arriver en état de semi conscience4 Au moment où je la vois à la Maternité, elle est enceinte de 9 semaines. Le moment de la fécondation se situe aux alentours de l’anniversaire de sa première IG5BIS[…] Ce qu’elle raconte prend la valeur d’une expiation5mais dans le contexte d’une grande lassitude6 L’humeur est franchement dépressive7[…] Je voudrais faire quatre observations rapides. Fatia devient enceinte lors du premier anniversaire de l’IG de 20048Le seul intérêt de cette grossesse est de marquer une trace de l’enfant9qui avait été porté comme valeur constitutive du couple13 Projet narcissique certes10que les parents de Fatia ont saccagé pour des motifs religieux et identitaires sans le moindre égard pour la subjectivité de la jeune fille12 Ce trou dans le tissu narcissique de l’adolescente appelle la deuxième grossesse 11 Les alcoolisations ne suffisent pas car il n’y a pas interchangeabilité des contenus dans le ventre de l’adolescente. Nourriture, toxiques ou bébé ne sont pas équivalents, même si des glissements symboliques peuvent donner sens au discours d’une analysante15 Ici, les lieux du corps ne sont pas les mêmes, et l’alcool ne remplace pas un bébé14 De plus, le manque16s’apparente ici davantage à un vide qu’à une absence17dont elle pourrait différer la résolution. Combler ce manque en sachant que la grossesse n’ira pas à son terme peut paraître un contresens pour la raison20En fait, la signification de cet acte fait sens à plusieurs niveaux. 2Il s’agit de la reconstitution active d’un traumatisme subi, qui l’avait laissée dans la plus grande passivité18 La conception répare tout aussi bien celui qui n’a pas pu exister que la maternalité de l’adolescente19 L’interruption de la grossesse montre bien que la réparation est illusoire 21 que ce bébé n’est que l’ombre de l’autre22et que, pas plus que lui, il n’a le droit d’exister26Ce n’est pas un simple constat. C’est une rage qui anime Fatia23 Contre le faux enfant,24contre la fausse mère25qu’elle a été contrainte de jouer25BISLe vécu de meurtre s’installe. Et la culpabilité la saisit de nouveau26BIS l’obligeant à négliger, en apparence, le secret de sa grossesse27 Sa mère, instance punitive, est sollicitée par le biais d’une étourderie28 Quatrième observation, la projection joue pleinement pendant un court laps de temps. En présence de sa mère elle ne répond pas à mon appel, mais se dépêche de le faire sitôt qu’elle a le dos tourné. Elle sait, parce que nous avons amorcé cette discussion lors du premier rendez-vous, qu’il sera question de ce bébé qui lui manque29et qui ne peut exister dans le champ intersubjectif qu’en l’absence de celle qui l’a fait disparaître : sa mère bien sûr, mais aussi la partie d’elle-même complice de cette mère. J’aimerais que Fatia cesse de se faire du mal. Je voudrais qu’elle cesse de répéter le cycle grossesse-IG.30Mais elle ne vient pas à notre rendez-vous. Interdite par la mère extérieure ? Rattrapée par une communauté de déni intériorisée ? Obligée de continuer à se punir par une autodestruction dont la mouture actuelle serait le refus des soins que je lui propose ? Je ne le saurai pas. Tout au moins je ne le saurai pas de suite31 Cette deuxième grossesse est-elle une attaque au corps ? La mise en acte de 2005 rejoue le scénario de 200432mais en transformant complètement le sens de la démarche, qui devient une entreprise mortifère dans le lieu même qui avait été choisi pour abriter le narcissisme de vie33 À mon sens, l’attaque au corps se situe dans son activité sexuelle désordonnée, infiltrée par le sado-masochisme de ses relations, et aggravée par l’anesthésie provoquée par l’alcool34 Fatia découvre qu’un de ces rapports est devenu fécondant Or, il me semble indispensable de maintenir une différence et une tension entre deux scènes : des relations sexuelles mortifères avec un partenaire ravalé au rang d’objet partiel35et un rapport fécondant où la potentialité d’un enfant est tout d’abord rappelée, pour ensuite être effacée36 3 C’est en passant par cette deuxième scène qu’il sera possible de récupérer la grossesse de 2004, son côté idéalisant, un balcon sur la vie amoureuse, et de la mettre en perspective avec le rappel caricatural et destructeur de la grossesse 200537 L’IVG de cette année n’ouvre-t-elle pas alors sur la virtualité d’un véritable enfantement à travers la récupération d’un projet narcissique ? 38[…] Sans nécessairement parler d’appel au secours, n’y a-t-il pas une ouverture lorsque Fatia me dit son histoire ?39Et dans son hésitation à accepter de me revoir ? 40Il aurait fallu poursuivre la prise en soins de la jeune fille pour permettre une évolution dans laquelle la grossesse ne serait pas la réplication d’une automutilation, mais une virtualité d’élaboration corporelle et psychique du deuil destructeur de 2004 41 Document 9 Expression de Clémentine sur son vécu Elle me l’a expliqué : l’enfant à venir ne pouvait que représenter ses amis morts, alors qu’elle recherchait une réplication exacte1 Interprétation de cette expression par l’auteur L’enfant de Clémentine devait remplacer les trois vies détruites par l’accident de voiture, parce que sa culpabilité rendait le deuil impossible 5 6 Il ne devait pas être celui qu’elle avait projeté de faire avec son ami, dans la continuité de leur installation en commun. Le quitter, même si elle se disait toujours amoureuse de lui, signifiait l’utiliser pour son sperme, dans une activité mécanique de fécondation8 Après, elle se serait consacrée à la tâche de faire revivre ses amis à travers le bébé. Elle s’y serait employée une vie durant9L’arrêt de son histoire d’amour participait à la punition10 Je me suis demandé quel grain de sable avait pu interrompre un processus qui paraissait si inéluctable. Nous étions, à ce moment, dans une économie propre à l’hallucinatoire1Le travail de crise a consisté2avant et après l’IG, à déplacer cet embryon de l’espace purement subjectif de Clémentine, pour l’extérioriser et le replacer au sein du couple qui l’avait créé, pour lui permettre une entrée dans l’ordre du symbolique et en faire le deuil 3 Cela n’a pas été facile ; il y a eu rupture de la relation amoureuse, comme si l’ami et l’enfant étaient partis ensemble4 Document 10 Expression de Cécilia sur son vécu 1Elle consulte pour un mal de vivre1associé à des crises boulimiques (survenant en moyenne deux fois par jour) et apparues un an auparavant, à vrai dire juste après un avortement2 Elle vomissait. C’est d’ailleurs comme ça, à ces vomissements, qu’elle s’était rendu compte de sa grossesse, imprévue, et impossible à mener à son terme […] Dans le contexte post-IVG surgissent les conduites boulimiques3toujours actuelles : « Je ne peux pas m’empêcher de manger, manger, et manger encore, dit Cécilia, manger, ça me permet d’être pleine, de me sentir pleine.»4 […] car après chacune de ces incontrôlables frénésies alimentaires surviennent les vomissements, eux aussi incoercibles5 En lien à ces premiers éléments, Cécilia associe et précise combien elle est soucieuse de sa ligne ou plutôt des formes de son corps, les formes féminines. « Vous savez, dit-elle, je suis d’origine sicilienne par ma mère, et les femmes de ma famille, ma grand-mère, ma mère, ma soeur ont toutes tendance à avoir des hanches plutôt prononcées. »6 C’était pas juste, c’est pas normal, crie, pleure aujourd’hui encore Cécilia, elle avait pas le droit de me faire ça, c’était pas à elle de partir, c’était à moi, elle m’a pas laissé le temps, il m’aurait fallu juste un peu de temps, je sais pas moi, une semaine, deux mois 11 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Discours on ne peut plus signifiant que livre Cécilia : tout comme elle n’a pu antérieurement garder en elle cet enfant, pas plus elle ne peut aujourd’hui garder en elle, en son sein, la nourriture (trop fécondante…) ingérée. On pense certes tout de suite ici à une régression libidinale, de la génitalité à l’oralité1À certains égards. On pense aussi à une problématique narcissique où le plein s’oppose au vide interne et cherche justement à pallier ce dernier 2 Mais les ingestions boulimiques ne constituent-elles pas, plus encore, des tentatives, pour parvenir enfin à garder en soi l’objet 3 (l’enfant, la mère) 3 3. L’enfant à venir, la mère à être, mais aussi Cécilia-enfant et la mère qu’elle eut. et peut-être aussi pour accéder à une nouvelle modalité d’être et de relation à l’objet ? 4 Tentatives réitérées mais alors à chaque fois avortées, semblerait-il,[ …]5 Ce symptôme persistant, le vomissement, semble à tout le moins être le lien sinon le symbole existant entre les difficultés présentes et passées de Cécilia, symptôme commémoratif en quelque sorte, et peut-être alors aussi élaboratif des différents conflits psychiques ici en jeu6 2 Et c’est précisément à ce moment que « ce garçon l’a mise enceinte », selon ses propres termes.16 Or, dit Cécilia, « ma mère m’a abandonnée »10 Elle se sent littéralement perdue, dans cette maison qu’elle n’affectionne pas. Cette maison est vécue « comme trop grande » pour elle. Plus encore, Cécilia se trouve démunie, et même « complètement étrangère » en terre maternelle. […] 12 « Vous comprenez, dit-elle, moi, je ne suis pas une femme d’intérieur ni une maîtresse de maison »13 Elle se sent en effet « prisonnière » de cette maison17 « Courir c’est, dit-elle, aller de l’avant, savoir se tenir et se servir de ses jambes, connaître ses propres limites mais aussi ses possibilités. » 20 Les séances avaient initialement et d’un commun accord été fixées au rythme d’un entretien tous les quinze jours Puis à la suite d’une suspension provisoire des séances en raison de la période estivale, Cécilia se ravise : elle préfère venir tous les mois seulement. La séparation qui vient d’avoir lieu a justement duré un mois ! 14 Neuf mois (!) plus tard, Cécilia fait part de sa décision de suspendre complètement les entretiens ; […] elle n’a plus ni boulimie ni vomissement, a repris l’aérobic et a entretemps emménagé dans son propre appartement15 2Sous-entendu : « Je ne veux pas devenir ainsi, comme elles, une femme. » Quelle image de la féminité s’avère ici difficilement intégrable pour Cécilia, et sous laquelle se profile aussi le spectre de la « mamma » italienne tout autant ingérable 7 Si aujourd’hui encore Cécilia bute à reconnaître son (ambivalent) désir d’enfant, elle se débat plus encore avec les questionnements et les enjeux de l’adolescence, c’est-à-dire avec les incertitudes liées à son devenir sexué de femme, d’amante et de mère potentielle, mais plus fondamentalement aussi à son devenir d’adulte, de sujet mature et autonome. Il faut dire que le contexte, familial en l’occurrence, vient quelque peu entraver pour ne pas dire empiéter sur son évolution9 10 [ …] bref le temps nécessaire pour que Cécilia parvienne enfin à intégrer psychiquement les turbulences et changements induits tant par la crise pubertaire que par celle de l’adolescence (séparation d’avec les objets parentaux, autonomie, etc.), le temps qu’elle puisse trouver et stabiliser son nouvel équilibre identitaire, bref le temps psychique qu’elle puisse s’aménager et aménager son intérieur (au double sens du terme)12 3 La défaillance pour ne pas dire la perte de l’étayage maternel, à ce moment-là critique et crucial pour elle de sa construction psychique, prend ici une dimension véritablement déstabilisatrice pour Cécilia. Sur le terrain instable ou mouvant sur lequel elle se trouve vient d’apparaître une nouvelle fissure13 […] charge alors à Cécilia de résider et de rester dans la demeure maternelle, d’une part, et de veiller sur les biens et objets maternels, d’autre part. Plus question donc de partir et de créer son propre nid ! 14 4 Le départ de la mère coïncide avec le choc spéculaire de Cécilia, le Loin de représenter pour elle l’accomplissement de ses aspirations à l’indépendance, cette conjoncture active chez Cécilia frustration et dépression 8. […] Le terreau, voire terroir, maternel loin de contribuer à la poursuite de son développement la paralyse, brime ses élans15 […] entendons, qu’elle ne parvient pas encore à l’être, ou à se l’autoriser, qui plus est au sein de cet habitacle maternel. En somme, elle détient les objets 9 de la mère mais ne sait pas ou pas encore les apprécier (sinon pour l’instant dans le seul et massif rejet) ni en jouir41BIS Tout – la succession d’agirs – se précipite, s’enchaîne, s’intrique. En effet, c’est la voie corporelle et comportementale qui est préférentiellement investie et utilisée par Cécilia 11 pour simultanément traduire conflits (identitaires) et angoisses et parvenir à aménager sa personnalité comme son équilibre psychique22 : à travers l’activité physique et sportive d’abord, puis « l’acte manqué »40que représente sa grossesse inopinée, l’agir abortif qui lui fait aussitôt suite et qui constitue la toile de fond 24 sur laquelle viennent s’inscrire ses récents comportements boulimiques et pratiques vomitives23 Certes il s’agit bien souvent de conduites (les dernières surtout) à caractère psychopathologique25qui peuvent donc interroger sur leurs sens et valeur évolutifs au sein de l’organisation psychosomatique de Cécilia 26 La mise en acte du corps, sous sa forme ici sportive et intensive, constituerait donc pour Cécilia le moyen, trouvé/crée par elle, d’exprimer et de transformer conflits, angoisses et fantasmes, mais plus encore le moyen de s’approprier son corps propre et son identité sexuée, le moyen de s’autonomiser aussi […] autrement dit, cette mobilisation du corps en acte participe du processus de subjectivation40bis Le problème pour Cécilia réside certes dans le fait qu’il s’agit des objets d’une autre femme – et non des moindres, la rivale oedipienne – et non siens propres, mais pas seulement. En effet, demeure et objets maternels encombrent Cécilia et la maintiennent captive. [ …] C’est dire cette fois la force de cette imago16 maternelle, une imago de toute-puissance sous l’emprise de laquelle se trouve Cécilia, qui laisse alors entr’apercevoir l’infans qui subsiste en elle et tente de s’extraire du ventre, ou gouffre, maternel17 Telles sont donc les angoisses orales qui s’emmêlent chez Cécilia aux angoisses génitales plus récemment activées. Autrement dit, la situation de réalité qu’elle vit à l’aube de sa naissance comme femme adulte et mature sur un plan libidinal se complique de la résurgence de son advenue comme sujet peu différencié du corps maternel18 Selon J. André, « le refus du féminin » (1995) à l’oeuvre dans la boulimie, loin d’être achoppement du sujet sexué devant la réalité pénétrante de l’objet génital et génitalisé, a bien plus à voir avec le vécu originaire de passivité dans lequel se trouve le bébé face à l’objet maternel, lequel est donc susceptible d’intrusion et d’empiétement sur l’espace subjectif propre. Dans ces conditions, la conduite boulimique apparaît comme un mouvement de dégagement de l’étreinte maternelle, effort et mise en acte du sujet pour se déprendre de la fusion primitive, de la dépendance à l’objet vital (la mère-nourriture) fantasmé destructeur19 moment où elle se découvre, avec stupeur, musclée, c’est-à-dire ici pour elle grosse, soit encore femme, devant la glace 20 […] elle recourt donc à une interruption volontaire de grossesse. S’ensuivent alors les ingestions et réjections alimentaires 10. 10. Précédées toutefois par des conduites d’allure anorexique à l’adolescence .20 Si Cécilia y parvient c’est aussi parce qu’elle est, à cette date, lovée dans le giron maternel dont elle a encore bien besoin.41 Parce qu’elle bénéficie de l’étayage maternel elle peut croître à ses côtés, mais le départ, brutal, de sa mère équivaut à la perte de son tuteur. L’autonomie alors exigée d’elle dans la réalité la fait chavirer ; les processus d’autonomisation psychique, de construction et d’assomption de sa personnalité sont alors mis en déroute. Cela va en effet trop vite pour Cécilia à qui il est demandé d’être une femme adulte autonome et responsable d’elle42 Angoisses d’abandon et de castration sont simultanément activées et, dans le miroir, soudain, Cécilia prend peur. Elle vit une sorte de choc spéculaire : le féminin en passe d’être apprivoisé fait une entrée fracassante avec arrêt sur image ; le miroir renvoie soudainement à Cécilia l’image de la femme qu’elle est devenue sans le savoir (ça voir)43 5 Mais ce corps de femme c’est aussi celui de la mère, autrement dit, c’est le corps de sa mère que la fille (re)trouve ici, une mère qui, ainsi que le formule M. SelviniPalazzoli (1974), a pris possession du corps de sa fille. Celle-ci est sa mère et réciproquement, c’est alors (le risque de) la fusion/confusion 44 C’est alors l’effondrement interne de Cécilia, lequel s’objective notamment à l’abandon de ses investissements sportifs45 Puis survient un nouvel essai, une autre mise en acte, sous une nouvelle forme, et valant modalité de gestion de la problématique identitaire dans ses aspects primaires autant que secondaires : la grossesse46 Une grossesse manifestement non désirée mais pourtant tombée à point nommé pour agir et consacrer la séparation d’avec l’objet primitif (F. Ferraro A. NunzianteCesaro, 1985). Cette grossesse non préméditée, véritable « acte manqué », révèle audelà de la force du désir inconscient de Cécilia l’essai, certes encore délicat, d’appropriation subjective de son corps sinon du maternel féminin en elle 47 La boulimie et les vomissements prennent alors le relais. Les perturbations alimentaires de Cécilia disent simultanément sa faim de l’objet oral, vital (sous la nourriture, la mère) et sa satiété de celui-ci, rassasiement allant jusqu’à l’écoeurement, d’où son rejet. Elles disent encore tout à la fois son envie et son rejet de l’objet génital, perçu comme insatisfaisant27 Si l’agir alimentaire, au même titre que l’agir abortif d’ailleurs, 28 29pourrait à première vue paraître une voie régressive, c’est-à-dire entravant le sujet dans son évolution,c’est pourtant lui qui conduit Cécilia à l’hôpital et l’amène à demander consultations médicale et psychologique30soit une assistance pour son corps et pour sa psyché, tous deux en souffrance d’appropriation subjective 31 Après et par l’agir boulimique symptomatique, ses pas la conduisent donc maintenant à l’action thérapeutique30 [ …] Sur le plan psychologique, celle-ci (l’action thérapeutique) est de courte durée : une année au total. En fait, et comme on pouvait s’y attendre, Cécilia a reproduit à l’intérieur même du cadre psychologique ses tendances à l’agir35 (cela de manière à éviter les angoisses d’intrusions très vite activées chez Cécilia, angoisses qui auraient pu être propices à l’arrêt des entretiens)32 6 Autrement dit, Cécilia – une fois encore – agit, elle reproduit activement la séparation précédemment imposée par les congés, lesquels viennent aussi symboliquement de réactiver – répéter et resignifier – « l’abandon maternel ».33 Chez Cécilia, cet agir-là, ou plutôt cette (ré)action transférentielle signe surtout sa prise d’autonomie ; Cécilia exprime en effet par là qu’elle est maintenant en mesure de gérer le manque de l’objet, une plus grande séparation d’avec lui ; la rémission de ses conduites boulimiques à l’occasion de la séparation estivale en atteste d’ailleurs34[…] ce que la psychologue accepte, entendant certes les résistances à poursuivre un travail plus en profondeur mais Cécilia ne présente pas cette demande, elle a aussi et surtout recouvré un équilibre psychique et psychosomatique satisfaisant de son point de vue comme du mien : […]35BIS Cécilia sait cependant qu’elle peut à tout moment revenir consulter. L’objet que la psychologue représente demeure présent à distance. Elle le sait mais elle n’a plus besoin…de consommer ce type d’objet Pourtant ces agissements ou mises en acte du corps apparaissent sous-tendus par la conflictualité de la vie psychique de leurs auteurs qu’ils actualisent, tout en la réfléchissant – au sens du miroir. On pourrait dire qu’ils la projettent. À ce titre le corps est bien surface de projection comme le soutient, après S. Freud (1923), M. Sami-Ali (1986, 1987). Ce qui pourrait passer pour une modalité de décharge des conflits semble donc aussi réflexion, c’est-à-dire reflet, retour et renvoi au sujet de ce qu’il a extériorisé, incarné, inscrit et transcrit dans une réalité matérielle, ici charnelle, avant de pouvoir s’en ressaisir de l’intérieur (Dumet, 2000, 2005) 37 De plus, et ainsi que S. Freud (1920) puis bien d’autres depuis (M. de M’Uzan, 1969, par exemple) l’ont signalé, la répétition contient toujours en puissance les germes de l’élaboration38 Plus encore, ces expressions révèlent et signent l’exigence du travail d’intériorisation, de symbolisation et d’appropriation subjective, et cette exigence se révèle et se déploie justement au travers de la mise en corps ou plutôt du corps en acte39 Document 11 Expression du vécu de Nadège 1Elle décrit son père comme particulièrement proche et aimant, un peu dominateur, mais elle déclare surtout qu’elle a exactement le même caractère que lui. […] 5 Sa fierté lui a fait rompre totalement avec lui […] 5 Elle ne le voit plus et ne lui parle plus depuis quatre ans, mais cette attitude volontaire et absolue la laisse meurtrie.6 Ce n’est pas un éloignement dans l’indifférence mais, au contraire, la rancoeur d’avoir été trompée7Elle ne lui pardonne ni son infidélité, ni les conséquences psychologiques que le divorce a entraînées sur sa mère et, par contrecoup, sur elle8 Sa mère est décrite de manière univoque : trop gentille, trop douce, se laissant trop faire. […] Nadège décrit un ralentissement, une fatigue, une perte d’envie, une tristesse, et même un certain degré d’incurie chez sa mère si bien qu’il a fallu qu’elle la remplace et qu’elle s’occupe de ses deux frères plus jeunes.9 10 Elle les voit souvent et les réflexions qu’elle fait à leur endroit sont très maternelles.11 Elle est déçue que le cadet n’ait pas poursuivi ses études et elle considère que ses frères ont encore plus durement qu’elle subi l’éclatement de la famille.12 « C’est mon pilier, il est plus mûr que moi, il est stable, il est plus sûr de lui pour moi c’est lui, c’est mon canard. » 13 Elle se fait dans les pleurs tout du long.14« Le 12 février 2001, j’ai mis au monde mon bébé dans les toilettes, et j’ai pas eu la force de me soulever pour m’extirper des toilettes et je l’ai noyé16 2 Ils ont calculé qu’il était quasiment à terme et que je serais tombé enceinte en juin. Je n’ai eu des doutes qu’en novembre ou décembre, car j’avais mal dans le dos.15J’avais des règles irrégulières avant. Je suis allée voir mon médecin pour ces problèmes de dos, mais ce n’est pas un vrai médecin uniquement pour les maladies bénignes, il me consulte très vite. »17Ainsi, Nadège reste dans le soupçon de sa grossesse18 Les fêtes se passent. Elle en parle à Kevin qui l’engage à voir un gynécologue. Elle n’y va pas.19 Il l’engage à parler à sa mère Elle ne le fait pas20 Interrogée sur ce point, elle répond que, si elle l’avait fait : « Je n’aurais plus été sa petite fille. »22Les propos échangés avec la mère restent donc allusifs et obscurs21 Du jour de l’an jusqu’au 12 février, le temps s’écoule passivement et pour le couple commence à germer la réalité de cette grossesse, mais « on ne plaçait pas la grossesse au même niveau »24 Pourtant ils évoquent déjà les prénoms possibles de l’enfant. L’un et l’autre se croyaient au cinquième ou sixième mois.25La mère, celle à qui il fallait le dire23n’en savait toujours rien. Le 12 février, pressée par son envie impérieuse, Nadège va aux toilettes ; on connaît la suite26 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Nadège va livrer une longue litanie douloureuse2 non pas concernant les faits dont elle se sent pourtant coupable1 mais concernant sa vie familiale dans l’enfance et l’adolescence, éden dont elle ne s’est pas remise de la perte […] suite à la séparation et au divorce des parents2 Ces conditions ont favorisé la puissance du lien et les sentiments qu’elle nourrit à l’égard de ses frères3 Notons au passage que cela correspond à une certaine limite de son efficience intellectuelle5 Ses capacités sont bonnes, mais elles sont barrées par la pesanteur affective rivée aux souvenirs malheureux4et au sentiment d’être dans une ruine insurmontable5 6 2 L’intéressée ne signale pas non plus de troubles de l’humeur ayant précédé les faits. Elle a, certes, connu des moments dépressifs réactionnels à des situations familiales douloureuses, mais jamais dans la dimension d’une pathologie prononcée qui aurait dû être traitée9 Les traits de caractère dont elle témoigne doivent être nuancés. Il y a chez elle un fond d’immaturité10dans le sens où elle reste appendue à son histoire familiale, sans pouvoir s’en détacher et sans pouvoir faire le deuil d’une famille qui a éclaté quand elle avait 16 ou 17 ans11 Mais cette immaturité n’est pas un trait de caractère définitivement fixé comme le serait un infantilisme avec une apparence de superficialité.[…] Chez elle, au contraire, c’est le retour constant au souvenir d’une chaleur familiale12détruite qui la laisse dépendante de la relation à sa mère et qui alimente ses à-coups de tristesse. Il s’agit donc d’une immaturité qui n’est pas sans profondeur13et qui revêt la forme d’un sentimentalisme14qui n’a pas été refoulé par des défenses névrotiques suffisamment actives15 17 Le défaut de refoulement et le maintien d’une crudité fantasmatique trop intolérable ne peuvent que favoriser l’autre mode de défense de l’inconscient18: le déni. Un déni qui n’est pas celui de la perversion, qui n’est pas tout à fait celui de la psychose, qui n’est pas structural mais de situation19 La structure et la tonalité de son discours excluent toute trace de pathologie mentale aliénante. La pensée est fluide, les associations se font librement, le contact est confiant malgré les circonstances de l’examen. En bref, il n’y a pas trace de psychose, ni même d’anomalie structurelle de la personnalité qui viendrait favoriser la singularité de l’acte commis et les circonstances de celui-ci7 8 3L’oasis apparente de Nadège fut la rencontre avec Kevin, il y a trois ans et demi […] Certes, Kevin est un soutien social et amoureux non négligeable. Il y a chez cet homme jeune une apparence physique de solidité. Néanmoins, il n’était pas à même de percevoir toutes les finesses d’une situation psychologique – ce qu’on ne peut lui reprocher. Il est venu comme un emplâtre, pour non pas cicatriser la perte du père, mais la masquer20 C’est pour ça qu’il n’a pas réellement été investi comme un futur père rassurant21 Celle-ci est exemplaire. Non pas tant de l’affolement de Kevin24qui est naturel, mais de sa manière d’agir : il ne reste pas auprès de sa compagne, il ne téléphone pas, mais court dans tous les sens, prend sa voiture et va d’abord chercher la mère de Nadège22 Il fallait enfin lui dire23C’est après qu’il peut prévenir les pompiers. Quand ceux-ci arrivent, ils constatent que Nadine comme Kevin sont restés si désemparés qu’ils n’ont pas soulevé Nadège de la cuvette des toilettes.25 Le drame a été préfacé au printemps précédent par un avortement tardif26Là encore, Nadège a reculé le moment de conscience de sa grossesse jusqu’à la onzième semaine, ce qui l’a obligée à se rendre aux Pays-Bas. Là encore, sa mère n’en savait rien27 L’infanticide à répétition des femmes célibataires appartient aujourd’hui à des temps révolus. Lorsque le cas survient, il se présente dans une atmosphère familiale bien particulière, lourde, pesante et silencieuse 28 Pourquoi Nadège n’a-t-elle pas plus précocement confié ses doutes sur sa grossesse à Nadine ? Elle répond ingénument qu’elle ne voulait pas déchoir auprès d’elle de son statut de petite fille30Plus profondément, il faut noter que Nadège avait déjà vécu une maternité sous l’aile protectrice de sa mère : celle de ses deux frères. Ainsi, ayant déjà vécu une maternité chez sa mère, elle ne pouvait pas en vivre une nouvelle hors sa mère. Fonder une nouvelle famille eût été pour elle trahir et abandonner la précédente. Son père n’a pas hésité à avoir deux nouveaux enfants29 L’infanticide est en quelque sorte un refus de transmission31Chez toute future mère se mêlent le plaisir d’égaler sa mère et la crainte de ne pas y parvenir. C’est le statut fait au futur enfant qui permet de dépasser cet enjeu, qui donne sa consistance à l’enfant imaginaire32et qui dessine la place qui lui sera assignée. L’avortement de ce processus psychique entraîne une rétention mentale qui peut durer neuf mois et qui finit, un jour ou l’autre, là où finit toute rétention33 Nous ne sommes pas dans le processus de la grossesse d’une femme seule, mais dans celui d’une femme seule dans sa grossesse face aux tiers qu’elle imagine et dont elle anticipe le jugement négatif34 4 De manière irréfragable, Nadège a été en proie à cette tenaille inconsciente, par deux fois. Par deux fois, elle est restée à mi-chemin entre le déni total et le sursaut de conscience36 qui lui a fait reconnaître, trop tard, son état de grossesse. Il n’y aura pas de troisième fois. Il faut souligner la déflagration que constituent pour l’intéressée le constat de ce qui s’est passé et le sentiment de culpabilité que cela entraîne. Sentiment de culpabilité, conscient maintenant, qu’elle devra traverser pour prendre conscience des enjeux sous-jacents35 Il faut ajouter, dans le cas qui nous occupe, ce qui en fait toute la singularité. Nous ne sommes ni dans un contexte de grossesse béatement reconnue, ni dans un contexte de grossesse totalement déniée.46 Le couple formé par Nadège et Kevin est resté dans un flou, un retard, une entrave, dans l’accueil de cette grossesse. Ils l’avaient déjà partagée entre eux puisqu’ils avaient évoqué les prénoms possibles d’un enfant. Mais ils tardaient à se rendre chez le gynécologue, premier pas d’une vraie reconnaissance37 Le dernier pas à franchir, celui de l’annonce à la mère, ne l’a pas été non plus38 À l’annonce de la grossesse, chez la mère infanticide, un cauchemar commence. Mais un cauchemar d’une extrême fugacité, qu’elle va immédiatement mettre hors circuit non par un acte réel comme l’avortement, mais par un acte magique 39 Un déterminisme va se mettre en place, un enchaînement logique. Ce premier temps de l’annonce bloqué, cette inscription de l’événement ratée, elle n’arrive plus à parler de sa grossesse. En parlerait-elle qu’elle aurait la solution. Elle serait enceinte40 La singularité des circonstances de l’acte commis ne sont pas les circonstances d’un infanticide. Nadège ne s’est pas rendue aux toilettes dans le secret. Au contraire, elle a fait appel : à son compagnon présent et, par son biais, à sa mère. C’est donc d’abord elle qu’il va chercher41 Les attitudes défensives inconscientes communes, la discommunication entre les partenaires qui avaient précédé durant plusieurs mois se traduisent par leur panique, leur paralysie, leur empêchement à porter secours et à simplement aider Nadège à se soulever42 Tous les observateurs sont en tout cas d’accord sur un point : l’entrave au contrôle des actes de Nadège fut renforcée par l’entrave, de même nature, des deux témoins chargés de la secourir. Son appel au secours la fait sortir, cliniquement, du cadre classique des infanticides volontaires43 L’acte très singulier, dans cette affaire, a été l’expression fidèle des processus inconscients qui en ont fait le lit : les investissements imaginaires et leurs représentants ont également été les acteurs du mode d’accomplissement. On peut parler d’un passage à l’acte à trois. Le foetus fut encerclé par trois dénis dégradés, vrai guet apens à la naissance, avec une actrice principale, un spectateur ignorant et une complice indéferrable44 Document 12 Expression du vécu de Madame T 1 « Tout reste ici, n’est-ce pas, vous ne parlez pas dehors de ce que je vous dis ? »1 La maman évoque alors, à « mots couverts », la violence du père dirigée physiquement sur elle, et ce, en présence de Mehdi et de ses deux autres filles (« mais ils n’entendent pas, ils sont dans leur chambre » me précise-t-elle, croyant me rassurer)2 Elle décrit son mari comme peu présent, très impatient et colérique vis-à-vis de Mehdi, mais sans qu’il y ait de violence physique à son égard 1BIS Lors des premiers entretiens elle ne parlera pas du tout de ses filles 2BIS Madame T. viendra bien au rendez-vous fixé pour elle seule. Habillée de noir,[…]3BIS Elle m’avait dit précédemment que son mari « était contre les psychologues, qu’elle ne lui avait pas dit qu’elle venait ici », en dépit de l’orientation pressante de l’école vis-à-vis de Mehdi. Elle évoque alors sa situation conjugale avec un mari qu’elle ne supporte plus. Elle est victime de sa violence, et ce, depuis le début de leur relation 3 2 […] (IVG), qu’elle vit encore comme une « plaie ouverte »11ajoutant : « Quand j’y pense, j’ai la haine, j’ai la honte ».12Plus récemment, elle quittera son emploi se sentant harcelée par son patron qui, selon ses dires, souhaitait avoir des relations sexuelles avec elle. Une de ses soeurs, à qui elle s’était confiée13au sujet des agressions du grand-frère et des problèmes avec son employeur, lui aurait répondu que c’est elle « qui provoquait » ce type de situations par son comportement et autres signaux, dont sa tenue vestimentaire (ses soeurs sont toutes, contrairement à elle, voilées) 14BIS […] en expliquant sa violence comme la seule réponse possible face à son refus d’avoir des relations sexuelles avec lui. « Je me dis que c’est de ma faute, je dois mériter ça » avait-elle répété à plusieurs reprises lors des premiers entretiens.16« Moi, je ne voulais pas d’enfants, à chaque fois, il m’a forcée et je suis tombée enceinte » 14 15 […] en affirmant être certaine qu’« un jour, elle le quitterait. »17 elle pourra évoquer par la suite […] la peur que ses filles soient à leur tour victimes de violence sexuelle des hommes, oncles de la famille notamment 18 Elle me précise cependant « se sentir particulièrement mal » depuis quelque temps, car elle a revu un de ses frères aînés qui l’aurait agressée sexuellement dès ses six ans – il en avait alors peut-être seize ou dix-sept – et aurait, en toute impunité, continué à le faire jusqu’à ses douze ans4 Madame T. me dira d’ailleurs n’avoir pu parler des violences dont elle était l’objet dans un hôpital où un médecin qui la suivait avait constaté des traces de coups sur son corps, au motif qu’il s’agissait d’un homme et qu’elle avait peur de lui révéler la réalité19 Elle m’avoue avoir rencontré cinq ans plus tôt « une conseillère » au dispensaire de santé, lorsque son mari l’avait brûlée au visage et qu’elle avait porté plainte 1 5Elle (« Je suis fautive »20 « Je n’ai pas le droit d’en parler21car on va encore me le faire payer »)22 rétractera sa plainte sous la pression d’un de ses frères lui demandant de laisser « une seconde chance » à 5 son mari […] lorsqu’elle me rapporte que cet été elle avait décidé de raconter à sa mère les violences sexuelles dont elle avait été l’objet étant enfant de la part de son frère. Cette dernière ne l’aurait pas crue et, dans une inconsciente tentative de « couvrir » son fils, lui aurait rétorqué : « Si c’était vrai, pourquoi tu ne nous l’as pas dit avant ? »6 Madame T. s’est sentie violemment rejetée8Alors qu’après tant d’années de silence, elle avait décidé courageusement de révéler la vérité à sa mère7elle espérait tant qu’elle soit, cette fois-ci, enfin entendue.9Bien que mère à son tour, elle ne pouvait alors imaginer le « conflit de loyauté »que ses révélations allaient susciter 10 Au moment de se quitter à l’issue de cette consultation éprouvante, elle me lancera, le regard planté droit et profond dans le mien : « J’espère que vous m’avez crue ? », parole qui me laissera désarçonnée et interrogative.23 […] Puis, Madame T. viendra régulièrement me voir à la PMI pour, disait-elle, « faire le ménage dans sa tête »24 Quelques mois plus tard, elle m’expliquera que, dans sa situation de souffrance25 psychique intense, ses enfants représentaient sa seule source de plaisir et que, par conséquent, elle supportait mal de venir me voir pour évoquer les soucis de son fils à l’école26 27 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Madame T. « connaît » la violence depuis longtemps, depuis toujours3 pourrait-on même penser. Lorsqu’elle m’expose son parcours de vie depuis l’enfance, c’est un récit cru qui me parvient, sans affects correspondant aux événements relatés 1 « Le film » qui se déroule semble encore d’actualité et Madame T. me fait l’effet d’un automate répétant une histoire déjà maintes fois racontée 2Seule la honte énoncée laisse transparaître une capacité de qualifier les événements rapportés, dont la violence caractérisée suffirait à anesthésier la capacité de penser de l’interlocuteur5 2 Démunie22ne trouvant d’appuis23 c’est avec un très fort sentiment de culpabilité 33 qu’elle était venue déposer ces éléments douloureux de son histoire de vie. Madame T. m’apparaît alors éteinte6et triste8comme démunie9vis-à-vis de son fils, débordée par le spectacle qu’il mettait en scène, nous regardant alternativement, avec une grande passivité7espérant vraisemblablement que je vienne à sa rescousse10 Il semble intéressant ici de se référer à Sigmund Freud au sujet de la « compulsion de répétition » comme moyen de dominer « l’effroi » traumatique et ses résidus qui ne manquent pas de se représenter à la conscience du sujet, longtemps après l’événement, avec une recherche systématique, bien qu’inconsciente, de situations permettant à la victime de « rejouer » et de tenter de se dégager, dans le réel, de ce qui engendre une angoisse insurmontable, en lien avec un traumatisme ancien mais non « digéré » psychiquement (1920)29 […] l’état de Madame, dont la tonalité dépressive11transparaît dans ses « nonéchanges » avec son enfant. Madame T. m’évoque tout cela sans que je sente une réelle volonté (capacité ?) de mettre fin à cette situation qu’elle semble subir, comme avec son fils, passivement12 […] elle paraît à la fois gênée14et méfiante15Je lis dans son regard une pointe qui me met assez mal à l’aise, comme si elle m’en voulait d’avoir accepté de s’accorder ce temps de parole et d’échange pour elle-même, en tant que femme cette fois, et non plus seulement en tant que mère. Je suppose alors que cette démarche ne lui est pas familière et qu’elle vit ce rendez-vous comme une sorte de « trahison » à l’égard de ceux dont elle va me parler17 Je sens toute la colère et la peur qui saisit Madame T. lorsqu’elle me relate ces évènements. Aussi, je ressens à nouveau sa haine avec une mimique de dégoût parcourant son visage […]18 Le déni de la mère venait donc comme une seconde trahison, une « nonreconnaissance » qui la laissait à nouveau face à sa cruelle solitude, avec une colère « sans nom », sans fond19 La suite de l’existence de Madame T. se présente dès lors comme la répétition ininterrompue de violence subie sans avoir jamais pu ni s’en défendre ni s’y soustraire,20violence marquée par le sceau de la relation à des hommes maltraitants, dans des circonstances où la sexualité est mêlée à la contrainte et à la peur 21 Sentiment de culpabilité24à l’origine de l’inhibition de la parole25 redevenue, au fil de l’entretien, lieu de jouissance26: celui d’exposer à la vue d’autrui sa souffrance et de constater combien elle peut affecter l’autre à son tour. Faire ainsi subir à autrui, par le truchement non des actes mais de la seule parole, la violence et la douleur 28 jusqu’alors passivement subies27 C’est ainsi que Madame T. « protègera » dans un premier temps son mari 30[…] trois enfants issus de relations sexuelles forcées et passivement subies. Ultime répétition, elle retombera enceinte à la suite (là encore)31 d’un rapport forcé un mois après cette consultation. Mais, cette fois-ci elle dira vouloir avorter-ce qu’elle ferad’ailleurs32 dans le secret absolu-34en affirmant […] établissant le lien avec son histoire infantile58[…] Rappelons que c’est à l’occasion de la naissance de sa dernière fille que la puéricultrice de la PMI lui avait proposée d’aller consulter, Madame T. se présentant en postpartum sur un versant particulièrement dépressif35Compte tenu de la dimension traumatique sous-jacente et du poids de la culpabilité non élaborée36 il nous est désormais aisé de comprendre combien l’entreprise de venir porter parole sur de tels faits pouvait être difficile et angoissante pour Madame T 37 Blessée très précocement dans son narcissisme avant même d’avoir pu consolider son Moi en référence à une identité sexuée, c’est son identité de femme et de mère que les événements de sa réalité venaient réactualiser39: son fils, réfractaire à toute autorité et agité, la renvoyait à son impuissance de petite fille violée par son grandfrère ; son mari, en la battant, paraissait la confirmer dans son absence totale de valeur58BIS la rabaissant au niveau de « pur objet sexuel » et « objet de reproduction » lors de rapports forcés ; la naissance de sa fille, ainsi que l’advenue concomitante de sa grande fille à l’âge de six ans, âge qu’elle avait lorsqu’elle subit sa première agression sexuelle, venaient chacun leur tour réactiver les représentations masculines terrifiantes du passé et les craintes de ne pouvoir, à son tour, protéger ses filles de la violence prédatrice des hommes38 3 Rappelons que chez l’enfant, le viol doublé de l’inceste conduit à une « démolition » de son narcissisme par défaut de protection de l’enveloppe corporelle et psychique qui a été brutalement effractée à cette occasion. C’est donc le Moi tout entier qui est assimilé à ce corps blessé et « intrusé »38 […] à la décharge de ces femmes, que les liens de consanguinités retrouvés très souvent dans la constitution des familles, notamment en Afrique du Nord, amoindrissent encore leurs capacités de dénoncer la violence conjugale. En l’occurrence dans notre cas, la mère de Monsieur T. se trouvait être la tante de la mère de Madame T40 N’ayant trouvé ni secours ni écoute auprès de sa mère étant enfant, ni à l’âge adulte41lorsqu’elle lui révéla les viols commis par son frère, Madame T. ne pouvait espérer trouver un quelconque appui auprès d’elle pour la protéger de son mari violent42 « Le comportement de l’adulte à l’égard de l’enfant qui subit le traumatisme fait partie du mode d’action psychique du traumatisme » (Ferenczi S., 1932, p. 138)44 Le défaut de contenance de la part de l’entourage participerait ainsi de l’effraction traumatique au même titre que l’évènement lui-même43 Compte tenu de la culpabilité et de la honte ressenties 45par les femmes victimes de telles violences, la difficulté est encore accrue dès lors qu’elle se manifeste sur un plan sexuel, dans une culture où la femme ne se sent pas d’emblée autorisée à dénoncer ce genre de pratique46 Le fait même de devoir faire constater par un médecin – qui peut se trouver être un homme de surcroît – les violences subies, pour ensuite pouvoir porter plainte, constitue bien souvent un frein dans le processus permettant aux femmes de dénoncer ce type de maltraitances47 4Peur des hommes qui peuvent anéantir le sentiment d’existence à la fois sur le plan identitaire et physique en attaquant le corps et les organes génitaux d’un côté47Méfiance vis-à-vis des femmes de l’autre, avec une figure maternelle passive48 absente car non-protectrice (vraisemblablement faute d’avoir été elle-même soutenue)50voire qui trahit en n’examinant pas la vérité d’une parole délivrée dans la souffrance et la honte.49 La vie de Madame T. me paraît receler à elle seule l’ensemble des ferments de la violence subie passivement, après l’avoir été de façon traumatique (viol du frère)51prise dans les chaînes de la répétition infinie jusqu’à ce qu’un début d’élaboration, et donc de distanciation, puisse enfin s’amorcer. Au plaisir masochiste52de la rétention se substituent peu à peu au fil de notre échange singulier le plaisir « du dire » et celui, plus sadique, du « faire subir à autrui ce que l’on a subi sans pouvoir s’en défendre » : la violence crue, l’effroi à l’état brut 53 Référons- nous à la notion « d’identification à l’agresseur » développée par Sandor Ferenczi (1932, p. 130) et de renversement de position comme issue à un évènement traumatique (Freud A., 1946). Le traumatisme infantile non élaboré ne peut se « dissoudre » autrement que par la répétition agie : plaisir pour le violeur de voir « sa victime » subir une situation vécue auparavant et passivement par lui, idem pour l’enfant battu qui devient un parent maltraitant, ou l’enfant abandonné qui, à son tour, abandonne toute personne susceptible d’avoir de l’emprise sur lui 54 De victime, le sujet devient agresseur, dans un mouvement d’identification convoitée lors de la situation traumatique passée54 Je compris ensuite qu’elle voulait vérifier si moi, contrairement à sa mère, j’étais capable de l’entendre et de la comprendre55 Son fils allait venir à deux occasions avant que je ne l’oriente vers un CMP ; c’est son père qui me l’amenait – de mauvaise grâce d’ailleurs –, ce que j’interprétai comme une volonté de la part de Madame de lui faire prendre sa responsabilité de père et de réserver l’espace de mon cabinet pour sa personne (la « femme » et non « la mère de »)56 Ce qui est déjà valable pour toute mère constituait une atteinte narcissique d’autant plus grave pour cette mère qu’elle n’avait pas d’assises personnelles solides sur lesquelles s ‘appuyer57 Document 13 Expression de Sarah sur son vécu Sarah, dix-huit ans, vient me voir parce qu’elle a subi une IVG il y a quelques mois. « Je ne peux pas m’en remettre » dit-elle1 Depuis l’interruption de cette grossesse, elle est déprimée et a le sentiment de « s’enfoncer lentement »2 Elle me parle longtemps d’elle-même, de son sentiment d’être dans une impasse3 Elle ne voit pas, ne comprend pas, pourquoi cette IVG a introduit chez elle 6cette cassure4; pourtant elle en est sûre, ça vient de là5 Sarah revient à un second entretien avec un rêve qu’elle a fait dans les jours qui ont suivi son IVG. Elle perd un bébé à la naissance, ça la rend très, très triste7 […] Sarah connaît bien cette histoire et a le sentiment d’avoir toujours grandi avec l’impression de cette perte chez sa mère8 Elle revient alors sur son rêve, disant que ça n’est pas le bébé de sa mère qu’elle a tué en faisant l’IVG mais que, quand même, « ça y ressemblait drôlement »9 Interprétation de cette expression par l’auteur 1La fécondité adolescente peut être un témoignage muet, une mise en corps suspendue entre le créer et l’anéantir stigmatisant la profondeur et l’intensité d’un indicible1 La clinique de l’IVG2a parfois quelque chose à voir avec ce que l’on pourrait appeler une forme d’agir de cette « hainamoration ». La fécondité féminine est alors ce par quoi le dialogue mère/fille se poursuit, prenant la chair comme support3 La survenue d’une grossesse peut être le symptôme d’une souffrance au coeur de ce lien.4 Lorsqu’il y a eu quelque chose d’impensé pour une mère autour de ces grossesses et de ces maternités, les filles adolescentes s’enlisent parfois dans des tentatives désespérées de réparation maternelle à travers leur propre grossesse5 Il y a parfois un sentiment très vif et intense, lors de l’entretien mère/fille autour de la fécondité, de fusion/confusion6dont les filles ont d’autant plus de mal à se dégager qu’elles gardent parfois le sentiment intérieur d’avoir volé la fécondité de leur mère, une culpabilité intense7devant leur volonté intérieure de différenciation mais aussi un désir/besoin de réparer ces mères à travers leur propre fécondité 8 2D’où la revendication maternelle qui se présente comme un dû. La question de l’IVG chez une adolescente, confronte alors les filles à une ambivalence insondable. Elle les situe à nouveau devant la nécessité vitale et douloureuse de symboliser une différenciation entre elles-mêmes et leur mère11 Sarah a repris à son compte la dépression maternelle13qui, semble-t-il, vient réveiller une culpabilité ancienne liée à la perception de la détresse maternelle et au sentiment de ne pas réussir à la colmater, à la combler12 Sarah connaît l’histoire de sa mère et c’est ce qui va lui permettre de « remettre les bébés à leur place »24 À travers la parole qu’elle m’adresse, elle va différencier les choses20 Pour avoir « tué un bébé » qui était à la fois le sien et celui de sa mère,19 elle est devenue cette mère déprimée qu’elle a connue dans l’enfance18 Au fond, il n’y avait dans cette histoire qu’un seul bébé, qu’une seule femme et qu’une seule fécondité possible, celle qui fusionne Sarah15et sa mère à partir d’un acte dans le réel si emprunt de culpabilité qu’il devient inintégrable17et ouvre une faille dans laquelle Sarah s’engouffre. « Je suis cette mère déprimée, je suis ce ventre en deuil perpétuel d’un bébé trop tôt disparu » pourrait être l’énoncé inconscient14 3Le rêve de Sarah et sa parole, restituant à sa mère son passé, nous auront permis de séparer les deux histoires21 afin que Sarah puisse vivre et penser son IVG de façon singulière22afin qu’elle puisse penser au mieux le sens qu’avait pour elle la mise en place de cette grossesse et la nécessité de son interruption au cœur même du lien à sa mère23 Les entretiens lui auront permis d’accéder à une parole propre mais ce n’est pas toujours le cas25 Ces tentatives de réparation maternelle ne sont possibles que parce qu’elles sont sous-tendues par le fantasme d’une matrice originaire commune, la « Magmamatrice » en deçà de toute différenciation somatique26 C’est à ce niveau que les traumas maternels liés à la fécondité et/ou aux pathologies du deuil, peuvent être vécus par les filles comme « rejouables », réparables. 27C’est ici que les besoins de restauration, d’apaisement des cassures maternelles peuvent être assouvis28 À ce niveau psychique d’indifférenciation matricielle, le danger peut être grand, de plonger dans l’abîme de la détresse d’une mère29La recherche autour de la clinique du deuil (et notamment des deuils compliqués et/ou pathologiques) dans le rapport à la fécondité féminine découvre alors un fantasme de Magmamatrice beaucoup plus violent et mortifère230 31 Néanmoins, ce fantasme peut être le moyen par lequel des réparations fantasmatiques peuvent avoir lieu, être intégrées et opérantes332 Or, il existe dans l’inconscient une sorte d’adéquation entre le « magma originaire fécondant » et la matrice utérine. Ce que nous supposons concernant l’histoire de l’espèce structure nos fantasmes inconscients33 La Magmamatrice est ainsi le fantasme originaire d’un matriciel collectif indifférencié.34Il permet des réparations imaginaires transgénérationnelles en utilisant la fécondité comme support35 Utilisé de façon pathologique, ce fantasme nous place devant des tentatives toutes puissantes parfois si réussies qu’elles ne laissent pas de place à l’être qui en est issu.36 Dans ce cas, l’embryon destiné à l’IVG (« précipité embryonnaire ») n’est que la concrétisation charnelle de ce désir de toute puissance qui voudrait fourvoyer la mort elle-même36 Àl’extrême de ce fantasme, ce qui est conçu dans la Magmamatrice de façon totale et unique est coupé des différences générationnelles, des différences sexuelles, de l’espace et du temps37 4Ces produits de l’inconscient qui ont pris corps dans les espaces utérins sont souvent voués à l’IVG. Lorsqu’il n’en est pas ainsi, on peut s’acheminer vers des difficultés pour des êtres conçus comme solution aux angoisses/traumas, comme don ou monnaie d’échange, comme tentative d’initialisation des pertes (pour un autre ou soi-même) et parfois comme partie intégrante de l’objet d’un rituel occulte collectif38 Le fantasme de Magmamatrice peut être pensé comme un fantasme originaire organisateur. Il est un scénario mettant en scène une préforme non sexuée qui vient court-circuiter les questions sur la mort ou sur la vie en donnant une « solution » autour de l’origine de la mort dans la vie39 La Magmamatrice met en scène l’origine d’un vivant collectif, elle ignore la mort individuelle (tout est « remplaçable », interchangeable et sans limite) 40 En clinique périnatale, le corps maternel contient a lui seul le magma originaire et peut transcender les individualités pour des réparations transgénérationnelles parfois morbides et pathologiques, mais pas nécessairement41 La liste est longue et les « rejetons » de ce fantasme collectif sont nombreux, autour d’une fécondité commune qui ne disjoint pas les corps, se moque de l’espace et du temps. Au coeur du lien de parentalité, il y a cette mise en rapport des originaires humains fantasmés, à la fois individuels multiples et collectifs communs42 L’originaire « magmamatriciel » est cette partie commune donnée et partagée que le fantasme collectif maintient vivante par-delà les sujets, l’espace et le temps43Des réparations transgénérationnelles44« suffisamment bonnes » sont ainsi rendues possibles, mais le fantasme d’un magma matriciel commun peut aussi être l’instrument par lequel s’arriment au pathologique et à la souffrance des individus ou des familles45 Bien tempérées ou exacerbées, toute une palette d’utilisations possibles existe. Elles dépendront bien sûr de la dynamique psychique du sujet, de son histoire et des moments clefs autour des événements traumatiques ou des traumas passés, réactivés à l’occasion46 Document 14 Expression du vécu de Yasmina Elle vit recluse dans son appartement depuis des mois et a perdu son travail 11BIS Elle se présente aussi comme « accablée par l’abandon de ses enfants »1 « Étrangement » dit-elle, elle ne s’est pas battue mais s’est sentie « accablée » par le résultat de la procédure2Le père des enfants a obtenu la garde et la relation avec ses enfants s’est rapidement dégradée.3Elle les a vus de loin en loin. Ils ont alors déménagé avec leur père à une trentaine de kilomètres de son domicile et, brusquement, elle ne les a plus accueillis chez elle. […] « Comment rattraper le temps perdu de leur enfance ? »4 Si d’ailleurs leur père est tenu responsable de ce rapt de temps5, le temps des retrouvailles au moment de l’adolescence de ses enfants est marqué dans son discours par ce constat : « Ils m’ont abandonnée, je ne suis pas leur mère 7il n’y a aucune complicité ! »6 […] c’est d’ailleurs depuis [la séparation de ses parents] qu’elle se sent « accablée par la vie »9 Si le moment de la séparation de ses parents vient indiquer chez elle la fin de « l’insouciance », selon ses propos […] 9BIS D’autre part, c’est bien dans ce même temps de la plainte formulée ainsi : « Je ne suis pas reconnue comme une mère » […] 10 Elle évoque alors cette rencontre médicale pour une prise de contraception qui constituait pour elle la première démarche lui ayant permis de s’extraire de chez elle11 Interprétation de cette expression par l’auteur La clinique m’a conduite à constater que les sujets rencontrés, supposés adultes, mettent immédiatement en avant comme conséquence logique de leur malaise, un moment de leur vie situé autour de leur adolescence où les constructions élaborées précédemment ne tiennent plus10BIS Il est communément évoqué que le moteur de la cure d’adulte est l’infantile. Je postulerai que la cure d’adulte suppose tout d’abord de traverser ce temps du pubertaire afin de retrouver les coordonnées de l’infantile13BIS L’adolescence serait alors le moment de la mise à l’épreuve de la construction fantasmatique élaborée dans l’infantile et mise à mal par le réel de la sexualité et l’émergence de la jouissance. Le moment adulte pourrait alors s’appréhender dans la validation ou l’invalidation de cette refonte. Il s’agirait alors de tester la solidité de cette construction adolescente ou au contraire d’en mesurer les ratages afin de tenter une nouvelle construction qui puisse tenir un temps à défaut d’être infaillible 11BIS C’est au moment de leur adolescence qu’elle s’est en quelque sorte « réveillée de sa torpeur » […] 11 Elle évoque dans une même logique de rupture en chaîne […] (coupure électricité, arrêt scolarité, IVG)1BIS […] les images suivantes s’embrouillent comme une bobine de film qui s’emballerait et ne respecterait plus le temps psychique du sujet.3 La séparation des parents, le départ du père en Algérie, père qu’elle vénérait… voici donc l’origine de son malaise et de tous les maux à venir 4 « On lui a volé son adolescence. »5 Nous voyons chez elle le souci d’un repérage du moment adolescent dans sa difficulté de constitution puisque justement chez cette patiente13 l’adolescence est introduite par son ratage. C’est là où le sujet s’indiquerait justement, par son absence, là où la responsabilité du sujet ne peut s’énoncer encore que sous celle d’un Autre tout-puissant, que le malaise prend son origine6 On lui a volé son adolescence8; rapt de l’adolescence9redoublé de celui de ses enfants mais qui prend un autre sens pour ce sujet17 quand elle décide de se mettre au travail12 soit précisément, ce qu’elle repère bien, dans le temps de l’adolescence14de ceux-ci. Ainsi Yasmina pourrait-elle faire partie de ces « […] futurs adultes en crise de maturité virtuelle, quand leurs enfants devenus adolescents18 réveilleront ces incertitudes masquées »15 […] qu’elle s’interroge sur sa vie de femme, femme qui serait susceptible de désirer un homme16 Document 14 Expression du vécu de Justine Elle n’a jusqu’alors jamais souhaité rencontrer « un psy », s’est même opposée à l’insistance du médecin à me rencontrer1 L’indécision quant à cet acte d’interruption se poursuit 2jusqu’au moment où la patiente évoque les « quatre cents coups »3dont sa vie a été animée après la révélation faite par sa tante4 Elle notera la nécessité de transgresser ce qu’elle percevait comme un interdit parental à connotation incestueuse, puisqu’on la cachait… aux grands-parents5 Elle pourra alors énoncer son désir d’avoir un enfant de son ami, ce qu’elle n’avait pu faire jusqu’alors7 Après l’énoncé de son désir, elle décidera cependant, mais « pour elle, cette fois-ci », d’interrompre la grossesse8 Interprétation de cette expression par l’auteur Son histoire infantile est évoquée, reconstruite à partir de ce coup de tonnerre du réel […] dont elle ne peut se déprendre.1TER Cet énoncé est suivi d’un temps d’arrêt, comme pour en mesurer son effet transférentiel. Je lui dis : « Vous vous êtes montrée » et arrête là la séance 1 Au rendez-vous suivant elle associera à partir de mon interprétation1BIS Peut-être pouvons-nous émettre l’hypothèse que cette mise au travail chez cette femme lui aura permis de mettre différemment un terme à cette grossesse voire d’arrêter 2 la répétition d’IVG dans laquelle elle s’était engagée3 L’adolescente est souvent confrontée à ce double mouvement ; devenir femme, devenir mère. Les demandes d’interruption de grossesse dans ce moment-là en rendent compte4BIS La problématique adolescente y est alors souvent marquée par cette potentialité à devenir mère sans pourtant choisir de s’y confronter dans la réalité5BIS Il y a une revendication à se faire reconnaître comme femme par les parents, par la mère surtout, cette dernière percevant toujours sa fille comme sa petite fille. Mais c’est aussi dans ce même temps que l’adolescente aura à appréhender la mère comme femme6BIS « Pour l’adolescente, l’assomption de sa féminité en passera, semble-t-il, par le repérage et la reconnaissance des voies qu’emprunte la mère afin de se débrouiller pour être à la fois femme et mère » Chez l’adulte femme2BISen devenir s’opère donc un mouvement de retour sur ce temps adolescent où s’étaient posées les questions suivantes : qu’est-ce qu’être femme7BIS comment devenir mère ? Après s’être confrontée à une maternité, comment être encore femme, comment faire jouer cet écart sans que s’opère « […] ce rabattement de la femme sur la mère […] »? 8BIS Cette surface sans envers et sans endroit peut traduire, comme l’auteur nous le propose, cet enchevêtrement de la névrose infantile et de la névrose adulte. […] Cette représentation möbienne proposée par cet auteur et que je complète par le moment adolescent peut alors rendre compte de cette construction jamais linéaire du sujet mais bien topologique où peut être mis en exergue soit les constructions infantiles, soit les constructions adultes. 12BIS Document 15 Expression du vécu de Luna 1La fille est une adolescente […] elle est habillée comme certains ados de son âge, style gothique, vêtements noirs sur une peau très blanche2BIS Elle répète que ses parents ne la comprennent pas, qu’elle ne peut plus ni sortir, ni voir ses amis, ni s’amuser1 Elle dit qu’elle a vécu des moments très durs et qu’elle a besoin de voir les amis et amies qui l’ont le mieux aidée à traverser cette épreuve ; […] 2 3 elle clame son envie de vivre et de s’amuser4et dit qu’elle a souffert et souffre 6 encore, mais que ça, ses parents ne veulent pas le voir, qu’ils ne voient que leur souffrance à eux. Luna est très opposée à ma proposition de la voir avec son père et sa mère 8; elle veut bien que je les rencontre mais ne souhaite pas être là ; son père […] est décrit comme « encore plus dur que sa mère »8BIS Luna se dit proche du plus jeune10et décrit l’aîné comme très éloigné d’elle, et « pensant comme ses parents », c’est-à-dire incapable de la comprendre9 Interprétation de cette expression par l’auteur 1[…] provocante et plutôt extravertie […] 1BIS Le mythe de l’irréprochabilité […] le mythe familial1devenant omnipotent puisqu’il fonctionne en bloquant les rituels de passage et supprime les possibilités d’évolution devant permettre à l’adolescente de s’autonomiser7 Ce qui va se jouer dans cette famille est un mécanisme de persécution2de Luna qui est prise malgré elle et malgré ses parents dans une espèce de processus de rejet 3et d’exclusion4 parce qu’elle est de moins en moins identifiée par ses parents comme étant « des leurs »5 De son côté, elle renforce cette différence13 […] La règle familiale pourrait se traduire par « qui n’est pas comme nous est contre nous »6 Bien qu’ayant souvent travaillé avec des situations violentes, j’ai rarement vécu dans une famille ce moment précis où s’installe et s’amplifie cette perception de la différence chez un patient désigné15et où le sentiment d’ostracisme17et de rejet9de la différence par les parents les pousse à essayer d’anéantir, d’écraser, 12d’exclure10par des moyens parfois très subtiles et pervers ces aspects de leur enfant qu’ils ne peuvent accepter. 2[…] en parlant tout le temps de sa « deuxième famille »13 terme par lequel elle qualifie sa bande d’amis et d’amies qui elle, au moins, contrairement à la première « la comprend »11Elle répète souvent qu’elle sent qu’elle est en train de perdre ses parents12Elle refuse de sortir aux côtés de sa mère et marche 50 m derrière elle pour éviter qu’on les voie ensemble 14[…] un cauchemar qui se répétait toutes les nuits et qui l’angoissait. « Un homme entrait dans sa chambre. Il était grand, portait une grande cape noire et avait des cheveux gominés et coiffés un peu à la manière de son père. Il se dirigeait vers elle, ouvrait sa cape... on pouvait alors entrevoir un foetus ensanglanté que l’homme essayait ensuite de donner à Luna. »15 Elle m’a seulement répondu16que ce n’était pas son père qui rentrait dans sa chambre. Peu après, les cauchemars ont cessé17 […] ce sentiment d’incompréhension19 de solitude et d’exclusion dont elle disait faire l’objet. Un cauchemar se mit à la hanter dont je fus un jour la dépositaire naïve : j’appris plus tard que le garçon dont elle avait été enceinte s’appelait … 18 2Luna se sent comme une étrangère14et crie sa douleur16; […] Luna qui me lance des appels désespérés18en même temps qu’elle me met au défi de pouvoir changer quoi que ce soit, surtout si je m’obstine à vouloir rassembler la famille19 Elle me semble en train d’endosser une position de « victime sacrificielle »20dont elle essaye pourtant par tous les moyens de se débarrasser et dont je n’arrive pas à comprendre le sens. […] il s’agit pour moi de les aider à reprendre un chemin malgré la déchirure21 Les entretiens mère-Luna étaient calmes et confortables pour moi comme pour elles 22 L’entretien individuel (avec Luna) […] a été une espèce de séance cathartique où elle est comme venue me « déposer » un cauchemar […] 23 J’ai fait peu de commentaires. Bien que surprise par le caractère incestueux du rêve, 24 je n’en ai rien fait. Je lui ai dit que je n’étais pas une spécialiste de l’interprétation des rêves et que je pensais néanmoins qu’il y avait sans doute encore de la culpabilité chez ses parents face à l’avortement et que, peut-être, ce rêve montrait qu’elle pensait que ses parents voulaient qu’elle porte elle-même cette culpabilité. 25 3Les entretiens avec les deux parents et Luna furent, comme prédits par Luna, une véritable catastrophe où violence, haine, culpabilisation et messages paradoxaux fusèrent26Je ne pus que donner raison à Luna après m’être retrouvée dans un flux émotionnel tellement confusionnant que je me suis mise à appeler Luna, « Irina » pendant toute une séance. Irina était le prénom de son amie qui représentait pour les parents « la putain », « la traînée », sorte de double diabolique de Luna représentant le « mal absolu ».26BIS Ils eurent pour objectif d’activer une solidarité autour de Luna au sein de la fratrie 27 Au travers le regard de la fratrie porté sur la génération des parents et celle des grands-parents, je commençais à comprendre l’ampleur de la blessure narcissique réveillée par Luna, qui les frappait tous dans la fierté de leur filiation28 Chez les deux parents, l’obligation d’une revanche par rapport à ce qu’ils ont subi de violent dans le passé prenait la forme d’une « revendication destructive » à l’égard de Luna29; la soumission à ces modèles réparateurs devenant pour elle le prix à payer pour conserver une appartenance familiale30 31 […] En effet, la triangulation P-M-Luna est source de souffrance pour tous et a un effet gravement déstructurant et destructeur pour Luna32 Le père […] soutient officiellement sa femme qui met des limites et essaye de faire respecter les règles, mais en même temps il soutient Luna quand sa femme n’est pas là et la pousse à se rebeller. Plus la mère est dure avec Luna, plus le père l’encourage à transgresser, ce qui pousse la mère à être encore plus dure 33 Officiellement, le père soutient sa femme et Luna se sent doublement trahie et abandonnée34 Luna est prise au piège d’un jeu relationnel qui l’entraîne dans une spirale totalitaire, violente, intolérante et qui pousse à l’exclure36 D’une part, cette histoire montre comment à partir du lien effracté par une violence sexuelle fraternelle déniée, une famille devient capable, pour se protéger de l’indicible, de projeter sa pathologie sur la victime elle-même34Celle-ci devient alors chargée des souffrances et d’un poids qui n’est pas le sien mais qu’elle prend sur elle35 4Si l’on revient à la situation de Luna, les effets furent inattendus. Alors que la solidarité familiale fut réintroduite dans le respect des différences37d’abord entre Luna et Joël, puis entre les parents et que le dialogue se renoua, un secret jusqu’alors bien enfoui refit surface.38 Cette trahison fraternelle et le déni de ses parents nourrirent vraisemblablement ce sentiment d’incompréhension, de solitude et d’exclusion dont elle disait faire l’objet39 Fabian, comme son frère !38BIS On peut faire l’hypothèse que la grossesse ait ravivé les émotions négatives associées à l’abus sexuel fraternel non seulement chez Luna mais aussi chez tous les membres de sa famille40 Lorsque la grossesse et son interruption apportèrent leur lot de souffrance et de culpabilité, les émotions devinrent trop intenses pour être contenues. Cette charge émotionnelle vint questionner, avec insistance, ce secret bien verrouillé 41et amena la famille à consulter un thérapeute. Les entretiens de fratrie permirent à Joël et Luna de se mettre à coopérer, ce qui témoignait déjà, me semble-t-il d’une réelle capacité du système à se mobiliser42 C’est le père qui eut la force de mettre la question des violences sexuelles du frère, comme il disait, « sur la table ». 43 Document 16 Expression du vécu de Nouria 1En séance, elle (sa 3ème fille) pleure sans arrêt, sous l’oeil agacé de la mère – qui lui dit de temps à autre d’un air agressif : « Tais-toi ! » ou « Arrête ! 1 La mère me dit d’un air soupçonneux : « C’est bizarre : quand c’est moi qui lui parle, elle pleure encore plus. »2 La mère me raconte qu’elle ne voulait pas d’enfant3 mais qu’elle ne pouvait supporter aucune contraception. Chaque fois qu’elle est tombée enceinte, elle s’est Tourmentée4et a harcelé son mari dans l’attente d’une décision de sa part […] , mais le mari – comme il le dit lui-même – « respecte son choix », il la laisse donc prendre seule la décision6 Je demande pourquoi elle n’a pas eu recours à une IVG et la mère me répond d’un air incertain : « C’est défendu par le Coran. »7BISEn fait, comme ils me laissent le compte-rendu d’hospitalisation (du bébé), je vois une trace d’effaceur blanc sur une ligne qui commence par 3e pare – et sous le blanc on lit « 5e geste » : elle a eu donc recours à deux IVG depuis la naissance de sa deuxième fille 7 La mère me raconte qu’elle ne voulait surtout pas de troisième enfant parce qu’elle est elle-même la troisième de trois filles8 Ces années-là furent « le paradis », disait-elle. Sans famille, sans cris, sans disputes, sans insultes, sans soucis9 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Ce qui est à l’oeuvre ici, ce sont plutôt des forces ou conditions qui se trouvent audelà du principe de plaisir et plus originaires que celui-ci – je veux parler de la répétition, de ce daimon interne qui empêche une femme de devenir mère, dans certaines circonstances que nous allons examiner48 (« Fais-toi avorter ! ») 49 Les parents étaient venus me voir en fait, pour se débarrasser du compte-rendu d’hospitalisation et plus particulièrement de ce qui était recouvert par le blanc : la faute morale de la mère. En effet, ils ne viendront pas au rendez-vous suivant et je ne les reverrai plus jamais par la suite1 Devant une telle défaillance maternelle, Winnicott aurait parlé non pas d’une mère qui ne sait pas tenir son nouveau-né, mais de carence de l’environnement qui entraîne des déficiences et des distorsions graves dans la maturation du moi et dans ses relations avec le monde extérieur. Dans ce cas, il n’y a plus un moi-plaisir et un monde extérieur haï, mais de la haine partout, à l’intérieur comme à l’extérieur, dans le fantasme comme dans la réalité1TER 2Ensuite, elle a rencontré celui qui allait devenir son mari, à qui elle a dit qu’elle ne voulait pas d’enfant. Sa réponse a été : « Comme tu veux », comme d’habitude9TER Puis tous les ennuis de contraception sont arrivés, les bébés avec, et la naissance de Sarah qui a été l’acmé de sa vie de mère9BIS: pendant la grossesse, elle avait l’impression d’avoir un gros caillou dans le ventre, l’accouchement fut une horreur 10 et l’hospitalisation de Sarah l’obligea à venir tous les jours dans cet hôpital qui la rendait folle11 Lorsqu’elle arrivait et qu’elle trouvait une place libre sur le parking, elle savait que c’était pour elle. Tout lui parlait. Tout avait un sens bizarre, les feux passaient au rouge13pour l’empêcher d’y aller et, s’ils passaient au vert, c’est pour lui rappeler qu’elle ne voulait pas d’enfant, ce qui était « péché » (le vert, la couleur de l’islam, qui la culpabilise)12 Ce n’est qu’après avoir été chez son médecin généraliste, parce qu’elle ne pouvait pas dormir14qu’elle a été orientée vers un psychiatre. […] Depuis, elle prend des médicaments qui la mettent dans un état étrange 16mais au moins17elle ne voit plus tous ces signes partout, ce qui la terrifiait15 Et maintenant « Que faire de Sarah ? », me demande-t-elle18 […] « De toute façon, dit-elle, ç’aurait été mieux si elle était morte »19 elle lui donne trop de travail trop de soucis, trop d’examens à faire encore : neurologiques, ophtalmiques, infectieux 20 2Elle a vécu ainsi, comme si elle était « gelée », dit-elle, pendant dix ans. C’est le terme qu’emploie Winnicott en parlant d’un mécanisme de défense archaïque contre les carences de l’environnement. Et plus nous approchons de l’origine, plus c’est l’environnement qui est défaillant. Le processus de maturation de la psyché ne suffit pas à lui seul, pour que l’infans parvienne à devenir un individu. Encore faut-il un environnement qui facilite cette individuation. Ce gel ne le permet pas1BIS En fait, elle a fait une psychose puerpérale, dont personne ne s’est aperçu, tout le monde s’occupant de Sarah, qui a longtemps hésité entre la vie et la mort, et non d’elle2 […] comme si Sarah était un objet quelconque qu’il fallait remiser quelque part3J’essaie d’orienter l’entretien vers « Comment faire avec Sarah ? » mais cela « ne lui parle pas ».6Elle est psychiquement sourde aux besoins de sa fille5et elle ne peut même pas accepter qu’elle puisse avoir des besoins4[…] Sarah est de trop7 À travers ces histoires imbriquées comme des poupées gigognes, apparaissent un certain nombre de constantes.47La première est l’absence de père9: qu’il soit réellement absent, qu’il soit dévalorisé ou qu’il soit inconsistant comme le mari de Nouria. 3 Cela rend la triangulation oedipienne difficile, sinon impossible. Lorsque le conflit oedipien est mal élaboré chez la mère8s’installe dans la famille un mode de relations fait d’exigences maternelles surmoïques auxquelles l’enfant ne peut répondre10: il est de toute façon récusé comme insuffisant11 Ces mères sont gravement agressées par leur bébé qui ne peut être investi que comme une terrible catastrophe12 La mauvaise qualité des relations objectales chez la mère ainsi que ses problèmes d’élaboration psychique13entraînent chez l’enfant une désorganisation – avec des difficultés d’introjection et d’identification stables, des difficultés d’incorporation et une désintrication pulsionnelle qui le mettent en danger de mort.14 Ces mères, qui ont eu de mauvaises relations avec leur propre mère15ne peuvent dispenser des contacts tendres ou intimes16dont elles ont manqué elles-mêmes17 Elles ont appris à vivre séparées, comme Nouria dans son « paradis »25d’où elle s’est sentie « délogée » par l’arrivée des enfants18et « expulsée» par la naissance de celui qui occupe la même place qu’elle dans la fratrie19 Cela réveille en elle la passivité agressive dont elle a fait preuve enfant20et la dédouane de toute culpabilité vis-à-vis de son propre enfant, qui n’est là – en quelque sorte – que pour payer « les pots cassés » des générations précédentes21 La deuxième constante concerne le couple parental qui, lorsqu’il existe, est souvent discordant22Il semble que les parents soient fermés à l’univers émotionnel l’un de l’autre, et qu’ils ignorent totalement celui de l’enfant23 Il n’y pas de place pour quelqu’un d’un autre sexe que la mère archaïque et haineuse. Comme la tête de Méduse sur le bouclier d’Athéna, elle pétrifie les hommes qui la regar- dent. Ici, pétrifié, c’est être changé en objet, un objet dévalorisé, chosifié, ramené au statut d’un morceau de viande. Les hommes qui défilent sont interchangeables, manipulables, instrumentalisés. Ils ont un rôle purement utilitaire 24 Il en résulte, dans ces familles – que l’on appelle aujourd’hui « monoparentales » –, un sentiment d’insécurité26que l’on peut compter parmi les facteurs déterminant l’état pathologique de l’enfant27 La troisième constante a trait à la place du féminin : si le masculin est rabaissé, le féminin ne bénéficie pas d’un meilleur statut31 L’être féminin est déjà une tare dès la naissance, une « faute »32que l’enfant doit expier à travers les propos et gestes agressifs dont il est l’objet. Il est l’« objet » de la honte33transmise d’une génération à l’autre, le morceau de chair immonde, dont il faut se débarrasser au plus vite34 4 Il est tenu pour responsable de ce qui arrive à sa mère. Dans un curieux retournement de situation, ce n’est pas la mère qui se sent responsable du bienêtre de son enfant, c’est celui-ci qui est la cause de tous les malheurs de la mère35 C’est peu dire que ces femmes n’ont pas accès aux sentiments maternels. Elles ont une haine tenace pour celui qui les a éjectées du paradis de leur « gélation », qui rend possible le dégel et, avec lui, toute la souffrance qu’elles avaient pensé pouvoir fuir 36 La quatrième constante touche justement ce gel qui est aussi celui de l’accès à la différence des sexes, que ces mères n’ont jamais réussi à atteindre de façon stable et définitive37 Elles en sont restées à la différence passive, masochiste/ active, sadique37BIS La passivité est assimilée au « devoir » de l’enfant envers sa propre mère, dette morale par la reconnaissance de laquelle il espère toujours se faire « aimer », espoir perpétuellement déçu39 Le sadisme à tous les niveaux est, lui, l’apanage exclusif et constitutif de la maternité toute-puissante qui ne connaît pas de limites. Il implique un défaut d’investissement libidinal et, plus particulièrement, un défaut d’investissement du bébé.40L’investissement de l’enfant est remplacé par le surinvestissement de la jouissance qu’a la mère de pouvoir, enfin, faire souffrir l’autre, l’infans, celui qui ne parle pas et ne peut rien en dire41qui n’a même pas la possibilité de la trahir, autrement que par des pleurs ou des symptômes corporels qui, pour elle, sont dépourvus de sens, et dont elle n’imagine même pas qu’ils puissent en avoir un aux yeux d’autrui42 Ces mères ne voient d’autre continuité avec l’enfant que celle de l’expiation, de la répétition qu’elles infligent sans même faire la relation avec leur propre vécu d’enfant43 Il y a une parenté avec la mélancolie dans la conduite de ces femmes, à cette exception près qu’il ne s’agit pas d’auto-reproches mais de reproches adressés à l’enfant qui est leur « ombre », la part maudite d’elles-mêmes, cette part démoniaque44d’une force irrépressible qui leur enlève toute faculté de penser leur conduite, d’empathie vis-à-vis de leur bébé45 Elles portent plainte – comme disait Freud – contre eux, contre l’angoisse qu’ils réactualisent, d’être annihilées, « vidées » d’elles-mêmes, désintégrées par leur passé et par la présence de l’enfant46 Dans leur fonctionnement, ces mères expriment de façon privilégiée ce principe plus radical que le principe de plaisir, qui lie de façon inextricable tout désir au désir de mort. La clinique nous fait rencontrer des mères qui, au lieu d’un sentiment de sollicitude primaire à l’égard de leur enfant, manifestent, au contraire, un sentiment de persécution primaire envers lui. Cette situation est en relation avec l’absence du père22un couple parental discordant30une dévalorisation du statut du masculin et l’accès difficile, pour ces mères, à la différence des sexes38 Document 17 Expression du vécu de Mme P. 1Elle commença à me parler, par petites touches, de ses relations avec sa famille et de sa grande culpabilité vis-à-vis de sa sœur mourante1 Madame, […], le laissait tout décider : son régime (trois biberons lactés, plus des sucreries), ses heures de sommeil, ses activités...2Elle ne pouvait lui imposer que la fréquentation de l’école et les lavements4Il n’obéissait jamais, ne jouait pas seul, ne la laissait même pas s’éloigner pour aller aux toilettes, demandait qu’elle se déshabille devant lui3 C’est alors qu’elle évoqua devant moi avoir subi des attouchements de la part de son grand-père maternel pendant une grande partie de son enfance : c’était la première fois qu’elle en parlait à quelqu’un5 Je proposai donc à Mme P... une psychothérapie avec un collègue, qu’elle a absolument refusée6: […] Je lui proposai donc qu’elle fasse une psychothérapie avec moi, tout en continuant de voir Adrien, mais moins fréquemment, ce qu’elle accepta 7 […] elle m’avoua qu’elle avait « besoin » qu’Adrien ait des lavements 8Et que, pour en obtenir la prescription par le médecin, elle ne lui donnait le laxatif prescrit qu’irrégulièrement […] et qu’elle mentait sur la fréquence des selles et la gravité de la constipation, en réalité très améliorées9 Mme P... a définitivement renoncé à se préoccuper des selles de son fils, qui ne reçoit plus de lavement. La maltraitance directe persiste mais « relativement » modérée (coups, refus alimentaires, interdictions de sortie...). 11 Je me soucie plus pour Mme P..., qui se blesse par des masturbations compulsives avec des objets divers et commence à exprimer des idées suicidaires.13 12 Production onirique et expression de fantasmes :14 — elle subit un viol, donc doit faire une IVG, puis elle a un cancer utérin. Les médecins et sa mère se penchent sur elle. Elle meurt15; — Adrien a une maladie grave, mortelle. Elle le soigne avec un dévouement admirable16; — Adrien (qui grimpe toujours partout) fait un faux mouvement sur le rebord de la fenêtre, tombe et meurt17;— Elle masturbe Adrien.18— à la suite d’une provocation de sa mère, il saute dix marches d’escalier et se fait une entorse de la cheville20;— quelques semaines plus tard, alors qu’il a une gastro- entérite banale, elle le prive de toute boisson et aliment, puis le fait hospitaliser avec une déshydratation préoccupante21 Parallèlement, elle a de plus en plus de fantasmes sexuels, terriblement culpabilisés22 2Un échec de la conception qu’elle désirait (pour faire une IVG)23 le vide terrible laissé par l’autonomisation croissante d’Adrien24 l’amènent à désirer se « rapprocher » de lui en le masturbant25 Pour le protéger de cet acte, le frapper est insuffisant : elle lui fait prendre sous l’appellation de « vitamine » un comprimé d’antidépresseur […] Elle me téléphone immédiatement après28[…] Mme P... pouvait en effet basculer d’un interlocuteur à un autre en fonction de leur type de réponse, et changer de médicament : psychotrope prescrit pour elle, ou pour Adrien, et même une fois, un comprimé de pilule anticonceptionnelle (qu’elle-même ne prenait jamais...)28BIS Ces passages à l’acte maltraitants […] alternèrent avec quatre IVG, à la suite de conceptions volontairement provoquées29 […] « laissé aux mains d’une mère si dangereuse30qui avait déjà tellement dit, écrit et montré qu’elle pouvait le mettre en danger »31 […] et quand Mme P... arriva pour sa séance avec moi, le lendemain, elle y trouva son mari et deux infirmiers qui l’emmenèrent à son hôpital psychiatrique de secteur, en hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT), où elle resta un mois31BIS À sa sortie, elle demanda, et obtint, malgré mon étonnement et mon peu d’empressement, de reprendre sa thérapie avec moi32 Elle resta en contact avec moi par fax jusqu’aux 12 ans d’Adrien […] 33 — « mon corps m’appartient, il doit m’obéir » […]34; — « je n’aime pas mon corps35je ne supporte pas qu’on s’en occupe directement, je veux que ce soit par l’intermédiaire36d’un bébé » […] Les sensations de « mains dans la culotte » qu’elle ressentait parfois […] 37 […] ce que Mme P... appelait « le vide intérieur »38la terrifiait et provoquait « la rage »39 […] qu’elle m’exprimait par ses fantasmes et ses rêves40 « Les pensées de ma mère sont tellement ancrées en moi, que je ne peux pas faire la différence entre elle et moi41Je suis habitée par ma mère »,42disait-elle. ( « Quand Adrien est là, tout reprend sa place à l’intérieur de mon corps » ) 43 « J’ai tant espéré recevoir l’amour de ma mère après le décès d’Hélène44Cela me revenait de droit.45Après trois ans, tout est fini de mes espoirs. » 46 « Depuis son décès, je dois payer chaque instant de bonheur. » 47 « Si je meurs, j’existerai enfin. » 48 « Si je vais mieux, si je me sens moins coupable, cela l’accuse, je la trahis49Je fais alors un acte mauvais pour pouvoir m’accuser, me faire accuser, souffrir, et la sauver » ; […] 3Il se plaint de l’absence de demande sexuelle de sa femme, mais n’ose plus rien lui imposer sur ce plan. Pour quelles raisons les refusait-elle ?50— par loyauté à sa mère : elle serait une « salope » de pouvoir désirer un homme;51— elle veut le punir en se refusant52; — elle se pense indigne de cet hommage53; — il penserait que tout va bien, et « donc », se détournerait d’elle54 Elle prend conscience à cette époque qu’il est devenu « sa seule famille55». Cette idée la met en rage56mais elle dit que dès lors, elle ne peut plus risquer de conflit direct avec lui57: […] […] l’avenir, c’était « [...] être encore plus seule 58en voyant Adrien grandir, s’autonomiser, me rappelant chaque jour qui passe mon échec de mère »59 Interprétation de cette expression par l’auteur 1Le syndrome de Münchhausen par procuration (SMPP) est une forme rare de maltraitance de l’enfant. […] L’expression « par procuration » m’est restée longtemps obscure. En fait, cette procuration est double, puisque trois personnes sont en cause : la mère donne procuration à son enfant pour être malade et « soigné » à sa place, et donne procuration au médecin pour être maltraitant à sa place envers l’enfant1BIS Madame, prise par son deuil1 […] Mais en même temps, il m’était apparu que les troubles d’Adrien, même s’ils s’amendaient un peu, étaient si profondément mêlés à ceux de sa mère, que le type de prise en charge actuel ne pourrait pas les améliorer beaucoup plus2 J’ai reçu cet « aveu » comme un signe de confiance, d’accroche transférentielle entre elle et moi. J’ai donc interprété son acte comme lié à l’angoisse de perdre la relation avec le généraliste et moi si Adrien guérissait,3et ai pensé qu’un tel comportement disparaîtrait, avec les maltraitances plus directes,4tout aussi culpabilisées, si je maintenais une relation « suffisamment bonne » avec elle, pour « restaurer son narcissisme »5 Il a fallu plus de 3 ans avant que, pour la première fois, de manière très culpabilisée et très fugace, elle puisse pleurer sur la petite fille qu’elle avait été5BIS Pour permettre à la famille d’évoluer dans sa globalité, une thérapie familiale est initiée – en fait surtout une thérapie de couple6Cependant, la qualité de ses élaborations lors des séances, la richesse de sa production onirique et de l’expression de ses fantasmes7me font penser que nous sommes sur la bonne voie. 4 Ces lavements prescrits par les pédiatres la comblaient, me dit-elle60ultérieurement, pour plusieurs raisons : — pour la première fois, Adrien « pliait »61; — et d’autres qu’elle le violentait, ce qui soulageait sa culpabilité62— il subissait dans son corps ce qu’elle avait subi63 « J’espère un jour pardonner à Adrien ce qu’il m’a fait devenir », disait-elle64 […] « pour qu’il comprenne que je vais mal » ou « ce que j’ai subi »65 […] une « meilleure enfance », une « meilleure mère »66 […] en la, ou en se menaçant d’un couteau par exemple,67 en exigeant d’elle qu’ils se déshabillent ensemble et qu’elle passe de longues minutes dans son lit avec lui,68 ou en refusant de répondre à certaines questions ou comportements de sa mère, comme leur rite le prescrit. Il peut être « gentil » ou « méchant »69[…] grimper puis marcher sur la balustrade du balcon de l’appartement, au dixième étage70 2Malheureusement, ceux-ci, à la relecture, m’apparaissent aujourd’hui comme un catalogue de tous les passages à l’acte8qu’elle s’appliquera à réaliser concrètement durant les années suivantes, me mettant au défi de la / de les / de nous sortir de là : […] […] comprimé d’un antidépresseur que je lui avais temporairement prescrit quelques mois auparavant, pour tenter de réduire l’intensité de ses obsessions9 […] obtenant ainsi la réalisation simultanée du risque mortel pour son enfant10et l’attention de son thérapeute et des pédiatres sur elle-même au travers d’Adrien. Cette scène se renouvellera plusieurs fois dans les mois qui suivirent, avec quelques variantes, en particulier de « médecin référent »11: […] Ces passages à l’acte maltraitants13[…] « Si mon mari apprend ce qui se passe, il va me chasser, et je vais mourir. Adrien ne peut vivre sans moi, parler serait donc condamner Adrien avec moi. »14 Soutenus par le fait qu’elle « avouait » toujours son acte aussitôt effectué15avec une angoisse majeure pour Adrien16et une immense culpabilité17nous avons d’abord tenté de lui laisser un espace, pensant que la respecter lui permettrait d’apprendre à respecter Adrien. Les troubles psychiatriques d’Adrien (troubles obsessionnels compulsifs envahissants, hallucinations auditives), bien que toujours majorés dans les dires de sa mère18[…] La tension dans la famille et avec tous ses satellites thérapeutiques était à son comble quand Mme P... m’a appelée au téléphone pour me tenir un discours de protection de l’enfance digne de l’assistante sociale le plus passionnée, s’indignant qu’un enfant vulnérable comme Adrien19 […] 3La véhémence de son appel au secours pour protéger son enfant 20la prise de conscience de ce clivage absolu qui lui fait oublier que cette mère follement21 dangereuse, c’est elle-même, dessillent enfin mon esprit. Je réussis très difficilement à convaincre M. P..., et quand Mme P... arriva pour sa séance avec moi, le lendemain, elle y trouva son mari et deux infirmiers qui l’emmenèrent à son hôpital psychiatrique de secteur, en hospitalisation à la demande d’un tiers ( HDT), où elle resta un mois22 Dès que j’apprenais qu’elle recommençait à se signaler comme potentiellement mal traitante auprès d’un des multiples intervenants médicaux ou judiciaires23: — d’une part nous recherchions ensemble une baisse de tension, un vide dans sa vie 25(par exemple, l’annonce par un des pédopsychiatres que le signalement au procureur avait été classé) et l’émergence concomitante de fantasmes sexuels terriblement culpabilisés24; — et d’autre part, je réamorçais le circuit judiciaire26: elle n’avait guère plus peur du procureur que de son mari, mais je brisais ainsi la complicité du secret27 permettant une nouvelle (relative) hausse de la « tension »28et donc une protection d’Adrien et d’elle-même... au prix de la publicité de sa « mauvaiseté »29 Si elle n’avait fait que faire absorber un psychotrope à son enfant, elle aurait été « banalement » mal traitante31Le problème était qu’elle le clamait, son leitmotiv étant toujours : « Je veux savoir... Je veux qu’on sache... »30 Il semble que les passages à l’acte majeurs aient disparu32sur Adrien comme sur ellemême, pour laisser place à la tension d’un conflit de couple savamment orchestrée par les deux époux33 Quant à la relation de Mme P... avec moi, qui avait dépassé sans encombre mes passages à l’acte « thérapeutiques », elle aboutit à une violente rupture 34 lorsque Mme P... comprit que je refuserais de reprendre cette thérapie 36si elle se séparait de son mari et revenait à Paris. Quelques mois après, je reçus une carte postale avec quelques mots de reconnaissance...35 Je n’ai pu mettre le nom de SMPP sur l’étrange comportement37de Mme P... qu’assez tardivement, […]38 Mme P... a à la fois allégué la persistance de la constipation d’Adrien et induit cette constipation, mais aussi provoqué de nombreux « empoisonnements accidentels » avec des médicaments39 Mme P... aurait pu cacher ces maltraitances, l’essentiel de sa pathologie consistait à faire en sorte que « les médecins sachent »40 Mme P... a érotisé l’ « aveu », ce qui l’amenait à clamer sa culpabilité 42auprès de l’intervenant cible du moment. Après l’internement, elle en était venue à évoquer de faux troubles factices par procuration, puisqu’elle clamait avoir donné des médicaments à Adrien… alors que c’était faux !43 4En fait, on pourrait considérer son comportement comme un syndrome de Münchhausen « simple »44(Amarilli, 1995) : elle provoquait sciemment des conceptions pour avoir des IVG45et exhibait un comportement de folie pour conserver des soins de la part d’un psychiatre46; en marge, elle cherchait à se montrer délinquante pour attirer l’attention du juge 47 (discuté par Schreier, 1996), utilisant dans les trois cas une de ses « productions », enfant né ou à naître48 En revanche, le sujet sur lequel elle niait farouchement toute falsification était celui des troubles psychiatriques d’Adrien50: les contacts que j’ai eus avec son thérapeute, lorsque j’étais vraiment trop inquiète, m’ont tous (relativement) rassurée : elle me le décrivait toujours beaucoup plus mal que les psychiatres d’Adrien ne le voyaient (ses troubles « objectifs » étaient certes déjà assez importants)49 Sur le même modèle, elle m’a de manière récurrente inquiétée par la massivité de ses idées suicidaires, pour les banaliser lorsque j’en arrivais à vouloir lui imposer une hospitalisation51 […] aucun d’entre nous tous, soignants et intervenants judiciaires, n’a pris le risque de le séparer autoritairement de sa mère pour52 Ses relations à son corps étaient marquées par ces abus précoces53 — « mon corps m’appartient, il doit m’obéir » (et Adrien en était une partie, j’y reviendrai)54— « je n’aime pas mon corps » je ne supporte pas qu’on s’en occupe directement, je veux que ce soit par l’intermédiaire d’un bébé »(ou d’Adrien !)55 Elle avait d’importants éléments phobiques, essentiellement sexuels, mais aussi une phobie des mots évoquant le corps ou la sexualité (très fréquente chez les anciens enfants abusés, chez qui ces mots sont réifiés). Cependant ses phobies n’étaient pas du tout du ressort d’une névrose phobique56 Les éléments obsessionnels ont été précoces, massifs et envahissants, mais sans structure obsessionnelle stable. […] si, dans leur quasi-totalité, les phobiques d’impulsion ne passent jamais à l’acte, elle, elle accomplissait jusqu’au bout l’acte redouté56 Elle n’avait pas non plus de réelle structure psychotique, n’a jamais déliré […]étaient à mon avis des « flash-back » traumatiques, plus que des hallucinations cénesthésiques57 Lorsque j’ai réellement entendu la massivité du clivage de son psychisme, la nécessité de l’internement s’est imposée à moi58mais pas au psychiatre hospitalier qui l’a reçue et qui, avant de m’avoir entendue, voulait la faire sortir dès le lendemain. 5 Pour éviter le fourre-tout des « états limites », la meilleure solution théorique me semble de faire appel à la notion de perversion narcissique59 elle en avait l’incapacité affective et l’intelligence dans l’emprise, le déni des différences, des limites et des lois, l’érotisation de la peur et du secret, la jouissance au détriment de l’autre, l’alternance de maîtrise et de soumission qui tiennent lieu de tendresse et d’intimité, impossibles60 L’absence de représentation mentale61[...] Pourtant, un élément majeur qui m’avait donné un vain espoir, durant toutes ces années, était la « richesse » de sa vie intérieure […] 62 La perversion narcissique, à la fois fruit et racine de l’inceste63 envahit toute la famille verticalement et horizontalement. On retrouve dans la famille d’Adrien ses caractéristiques, avec une transmission immuable des stratégies perverses de génération en génération : « Être ensemble est vital et dangereux. » 64 6 La période qui va des 3 ans aux 8 ans d’Adrien débute en effet avec de multiples changements très profonds dans l’entourage de Mme P... 82qui vont la bouleverser et l’amener à découvrir, utiliser et perfectionner cet étrange comportement 81pour tenter – à quel prix ! – de maintenir son équilibre psychique et celui des ses différentes appartenances familiales, avec l’aveugle complicité de son mari et des médecins83 Dans les premières années de sa vie adulte (jusqu’aux 3 ans d’Adrien), Mme P... se « suffit » de la tension permanente maintenue par sa mère et son mari (doutes sur leur amour) et « d’orgasmes de peur » qui peuvent ne rester que fantasmatiques ou ébauchés.65 […] d’abord il lui impose des relations sexuelles à chaque retour de mission, ce qui permet à Mme P... une sexualité subie qui n’entre pas en conflit avec les préceptes maternels.66 […] il a sans doute servi à contrebalancer le pouvoir de sa mère (dangereux depuis la mort du grand-père) et à maintenir une « tension interne »67chez Mme P... pour combler « le vide » […] maintenir la « tension intersubjective perverse » (Hurni) avec sa femme durant toutes ces années68 Le premier, Antoine, n’était en fait que l’enfant qu’elle avait donné à sa mère70et à son mari. Elle ne l’a pas investi comme un fils et s’en éloigne 69par peur phobique71 encore un peu plus lorsqu’il devient pubère. Adrien, est lui un objet partiel, un morceau d’elle-même72haï et indispensable73 Les fantasmes devant toujours être réalisés en actes, elle réussit à « monter » sa mère contre Hélène, qu’elle trouvait outrageusement tyrannique dans sa phase terminale88 Mais elle allait payer très cher ces soirées passées enfin seule avec les parents, la culpabilité89sera à l’aune de cette violence : […] D’une manière très archaïque, elle pense qu’Hélène réclame un sacrifice humain. Pour « payer sa dette », elle va lui offrir des morceaux d’elle-même (Adrien et des foetus) en holocauste pour l’apaiser90 Par ailleurs, elle restera fascinée par la vue de la dégradation du corps de sa soeur 91et vérifia pendant des années, souvent avec la complicité d’Adrien, la présence ou l’absence dans son propre corps de « perdre ses cheveux », « cracher du sang », « avoir un gros ventre » pour tenter de prévoir sa propre fin92 À partir de son décès, Hélène a été fétichisée par les deux parents. Mme P... a progressivement perçu la violente inégalité de la lutte, la vanité de ses efforts pour continuer d’attirer l’attention de sa mère, même par ses enfants. Cela a pris de nombreux mois : […] 84 Les conséquences vont toutes dans le sens du drame : sa culpabilité87vis-à-vis de sa soeur était majorée par l’envie qu’elle avait toujours eu de ses réussites et le plaisir 86 qu’elle avait ressenti lors de sa maladie, enfin Hélène allait « rater » quelque chose!85 Souvent malade, il permet d’attirer l’attention de sa grand-mère sur Mme P...77Mais il représente alors une surcharge de travail d’autant plus insupportable qu’elle vérifie de nouveau que sa mère ne s’intéresse à elle qu’en tant que mère de ses petits-fils ! 78 Elle lui demande d’être son « complément narcissique »74totalement soumis à ses désirs,75comme elle l’était à ceux de sa mère76 Sa loyauté vis-à-vis de sa mère restera longtemps inébranlable93Elle n’exprimera jamais de colère directe contre elle, mais une désillusion croissante 94lui fait multiplier les comportements d’allégeance95: — confondant cause et conséquence, sentiments et actes commis, il lui faut maintenir un haut taux de culpabilité réelle96: […] — la place laissée par sa mère ne doit être occupée, même temporairement, même à sa demande, par personne97Quiconque pourrait être « meilleure mère » que la sienne apporte un maigre et temporaire soulagement, au prix d’une rage immense98: cela laisse peu d’espace à un thérapeute... Mais il ne l’est pas souvent... Cette différence avec le bébé parfait souhaité79est une attaque insupportable pour elle, qui entraîne une rage, une haine contre Adrien qui conduisent dès les premières semaines à une maltraitance directe. Mais quand on abîme son fétiche, les conséquences sont graves...80 […] elle se sent obligée de quitter sa position de domination pour en prendre une de soumission apparente99qui majore encore sa rancoeur100et les actes secrets de rétorsion contre les « biens » de son mari (son fils, ses foetus, sa femme ou son argent)101 7Ces sentiments seront majorés par l’unique décision de M. P... lorsqu’il apprend ce que sa femme fait à son fils : il la fait rompre brutalement avec ses parents, tenus pour responsables de son comportement102 Lorsque, ponctuellement, il s’intéresse réellement à elle (et non en tant que mère de ses fils), elle se sent mieux, rage et vide intérieur diminuent pour un temps, elle peut alors mettre des limites à Adrien, ou le frapper « normalement » (!) sans recourir à un acte de maltraitance pervers102 Après que son mari eut appris ce qu’elle fait à Adrien, elle se rend compte qu’il menace beaucoup et n’exécute pas..104mais jusqu’à quand ? Cela augmente son mépris103et son désir de jouer avec ses limites à lui, pour vérifier, encore et encore, s’il tient vraiment à elle105 Mais Mme P... avait suffisamment de loyauté pour sa propre mère 106et de haine108à l’encontre d’Adrien pour souhaiter s’en débarrasser 107Cependant, l’envoyer à l’école faisait réapparaître le « vide »... 109 Pour Mme P..., être mère ne signifiait que materner concrètement. Elle n’a jamais pu jouer avec ses fils à des jeux d’imagination plaisants : ses jeux avec Adrien étaient des jeux de société ou des jeux de rôle où il la tyrannisait rituellement. À côté des soins physiques de maternage d’un bébé, il n’y avait rien de faisable, ni de pensable110 […] Quel échec ? Le début du SMPP a coïncidé avec l’arrêt des lavements... 111 […] en une terrible– et classique – identification à l’agresseur112 Par le jeu de l’identification projective114Adrien était la partie haïe d’ellemême113représentant en même temps sa mère et son grand-père abuseur115son premier persécuteur, en un dramatique déni de son identité 116 […] le rendant responsable de son propre déséquilibre psychique et de celui de son couple117 Ses idées de mort à son propos étaient très claires, remontant à la grossesse 118 En même temps, elle tenait par-dessus tout à son « enfant-fétiche »119: une des fonctions de la publicité qu’elle faisait de ses actes121était sans doute de nous inciter à protéger la vie d’Adrien120 Elle pouvait avoir envers lui de grands élans de « collage »124(le terme de tendresse me semble vraiment impropre), quand il se soumettait à ses désirs de maîtrise 122Il représentait alors son identité d’enfant-victime qu’elle devait protéger de tout et de tout le monde123 À cette période elle est confrontée à l’épouvantable réalité de la puberté d’Antoine, son fils aîné125 8[…] dressée dès son plus jeune âge à se soumettre au désir de l’autre, pour sa mère et son mari, elle désirait une fille. Cela lui aurait aussi évité la vision d’un pénis, même enfantin, qui lorsqu’il s’érigeait amenait l’effroi de l’évocation du pénis et de la sexualité adultes126 Mais la vision du corps d’une fillette soulevait un autre effroi, celui de la castration... 127 Ce n’est que tardivement qu’elle prendra conscience du côté abusif des masturbations parallèles sous les draps dans le lit d’Adrien. Elle a pu le masturber directement quand il était petit128[…] Avec l’avancée de sa thérapie, elle a développé une terreur d’en abuser sexuellement129: c’est d’ailleurs un des motifs du premier « don » médicamenteux, faire un geste suffisamment intense pour éviter un abus sexuel130 Son utilisation d’Adrien par le SMPP illustre bien les dramatiques clivages de son esprit131: elle avait à la fois le désir et la rage qu’il ait […] (!) qu’elle, un suivi psychiatrique, un juge protecteur..., pour pouvoir réparer son enfance à elle132 Il lui semblait évident, puisqu’Adrien était elle133qu’il devait d’abord être réellement malade et violenté (et qui d’autre qu’elle, sa mère, pouvait se charger de cette oeuvre « vitale » ?)134 Dès 6 ans, Adrien coconstruit cette relation perverse avec elle, sur son modèle : il sait très bien la provoquer135 […] (soumis ou opposant)136 soit comme elle désire qu’il le soit, soit au contraire de ce qu’elle désire : chacun des deux partenaires a son propre désir de tension, pour soutenir la relation perverse137 Sa mère et lui recherchent alors des comportements potentiellement mortels138qu’ils ont ensemble : […] Ces prises de risque ordaliques sont cachées à M. P..., clamées par Mme P... aux médecins139 Ces changements importants des trois piliers de Mme P...143: — la perte de l’espoir d’avoir la première place dans le cœur de sa mère140;— l’évolution de son mari vers la famille141; — puis l’autonomisation de son fils, soutenu par son thérapeute142 la déséquilibrent gravement, font baisser sa tension intérieure, la laissant face à ce « vide » épouvantable144 « Heureusement », à ce moment-là, elle rencontre des médecins salvateurs qui vont lui permettre de retrouver un bon niveau de tension : d’abord le médecin généraliste qui suit Adrien et lui prescrit les lavements ; puis moi qui l’écoute attentivement et tente de « restaurer » son narcissisme ; puis le thérapeute d’Adrien, le gynécologue, les psychiatres hospitaliers, et enfin, sur le même mode bien que non-médecin, le juge pour enfant et son équipe : seuls les thérapeutes de couple paraîtront préservés de ses projections clivées, probablement justement car vus... en couple !145 9 C’est donc progressivement qu’elle a pu adapter aux rapports médecin/malade que nous lui proposions ses vieilles méthodes d’enfant pour combler le « vide »148: inventer des histoires et les mettre en acte146pour se faire des orgasmes de peur147 Son comportement était en fait, comme nous l’avons vu au chapitre diagnostique, un syndrome de Münchhausen psychiatrique utilisant un SMPP comme moyen149En effet, rendre son fils malade est rapidement passé au second plan par rapport à son objectif premier : « Je veux qu’on SACHE... ... que je suis COUPABLE... de faire subir à mon enfant... 150 “donc” d’avoir subi, enfant... »151et satisfaire ainsi son masochisme par l’érotisation de la peur d’être rejetée 152 Son besoin de stimulations croissantes155utilisait donc la révélation156d’un SMPP comme drogue. « Rendre son fils malade » (SMPP « banal ») apportait comme intérêt, outre les éléments que nous avons vus précédemment concernant sa mère, son mari et son fils, de maintenir une position positive, gratifiante, avec les médecins somaticiens153 Mais aucun n’a été suffisamment « intéressant » pour être durablement investi. Mme P... a, en revanche, vite compris qu’étant psychiatre, elle devait, pour me garder comme fétiche à sa disposition, fournir « du » symptôme psychiatrique157 Elle a fait de même avec le psychiatre d’Adrien : ne retrouvait-elle pas en nous un « couple parental » dont l’accord n’était pas toujours harmonieux, donc stimulant, comme celui de ses parents ?158 Elle était fascinée par notre logique (majoritairement) névrotique, nos méthodes (amener le patient à prendre conscience, à verbaliser), nos principes (respect de l’autre, sans s’y coller, ni le rejeter), notre éthique (respect du cadre, du secret professionnel), notre but (diminuer la souffrance chez l’autre). 159 Pour elle, au contraire, la relation entre deux êtres ne pouvait être que narcissique, basée sur l’alternative : dominer ou être dominé. 160Durant toute cette période, la prise de conscience, la verbalisation des souffrances passées ou présentes, les siennes comme celles de ses proches, n’amenaient aucune modification de ses pensées ou de ses actes161 Au contraire, vivre sans angoisse l’exposait à un danger de mort psychique 162(le « vide ») puis physique. Ainsi interprétait-elle mon respect pour elle, et du secret professionnel,163comme :B— mensonger (elle a longtemps essayé de me faire lâcher prise, bon moyen pour se faire des orgasmes de peur de surcroît) ; — un aveu de faiblesse ; — voire un signe d’accord pour engager une « relation narcissique » avec elle ! 10 En fait, elle m’avait prise comme fétiche164(Racamier, 1995, p. 81-83) et, fétichisée, j’ai été sans cesse comparée et mise en rivalité avec ses autres fétiches165: — Adrien, d’abord, pose le problème du changement de cadre dans les thérapies conjointes (Moggio-Gerstlé). Son éternel doute était : « Ne vous souciez-vous pas166de moi que pour protéger Adrien ? » Elle ne pouvait concevoir que le thérapeute d’Adrien et moi puissions nous soucier d’Adrien et d’elle, tant nous savions qu’ils étaient emmêlés. Pourtant, je me souciais de la petite fille qu’elle avait été et de la femme qui se débattait avec une telle ténacité dans ce cloaque affectif167 — Sa mère était son autre fétiche168 Sa loyauté envers celle-ci était immense169: plus je me montrais « bonne », plus elle interprétait mon attitude respectueuse comme une attaque de sa mère, et plus sa rage montait170— Son mari, enfin171: ce n’est qu’après plus de huit ans, quand elle fut sûre de son couple, qu’elle put me dire avoir envisagé de quitter son mari pour moi... 172 Un des éléments important a été sans doute le décès de son père 173C’est juste après l’enterrement qu’elle a rompu avec moi, probablement car elle avait retrouvé avec sa mère une relation plus mesurée. Déjà dans les mois qui avaient précédé, leurs relations avaient pu s’apaiser un peu, avec moins d’emprise et d’exigences réciproques. Un secret de famille a-t-il été dévoilé entre ces deux femmes ? 174 En tout cas, voir sa mère effondrée, à l’annonce du mauvais pronostic du cancer de son père, lui avait fait reconnaître que, pour sa mère, 175son couple était beaucoup plus important que ses enfants. Cela lui avait permis de se déprendre de la terrible rivalité avec le fantôme de sa soeur Hélène176et, probablement, de se tourner avec moins de culpabilité vers son couple à elle177 Elle avait pu interpréter le fait qu’il ait signé l’HDT comme une preuve d’intérêt178 pour elle. Elle avait en outre « tant souffert » pendant ce mois d’internement, qu’elle put enfin désirer moins souffrir et connaître du ressentiment vis-à-vis de sa mère, sans avoir l’impression de la trahir179 Dans cet investissement de son couple, elle laissa consciemment Adrien de côté, ce qui fut sans doute très douloureux pour lui180 Dans notre cas, je pense que la solidité de la relation que nous avions nouée pendant toutes ces années est l’élément clé qui a permis qu’elle supporte ces limites, et s’appuie dessus pour sortir de sa relation perverse avec son fils181 Document 18 Expression du vécu de Mme A. Mme A. demande lors d’une consultation de gynécologie : «Est-ce que vous trouvez normal, Docteur, que je ne puisse pas rendre visite à ma fille et à mes petits enfants et ce, depuis la naissance de son premier fils ? » 1 Avec beaucoup d’hésitations3 elle raconte que prévenue par un coup de téléphone de sa fille, elle s’est rendue aussitôt à la maternité4 Dès son entrée dans la chambre, elle se précipite vers le berceau5 s’empare du bébé6 en s’écriant : «Mon enfant ! » 7 Son beau-fils la regarde un moment interloqué puis il se lève pour reprendre l’enfant. Mme A. lui résiste un moment8 puis finit par s’écrouler en pleurs9 Son beau-fils la jette hors de la chambre10 et interdit à sa femme de revoir à tout jamais sa mère. Il n’est jamais revenu sur sa décision2 A l’occasion d’une autre consultation, Mme A. raconte qu’elle a vécu chaque étape de la grossesse de sa fille comme si c’était la sienne11 allant même jusqu’à préparer en cachette13 des affaires pour son bébé.12 […] elle confie que son mari l’a obligée à se faire avorter de sa seconde grossesse parce qu’il ne voulait pas d’un second enfant14 Interprétation de cette expression par l’auteur Les phénomènes pathologiques observés dans les familles au cours de générations successives sont multiples. Les sévices à enfants et l’inceste sont maintenant bien connus depuis qu’ils ont défrayé les chroniques. Les autres pathologies répétitives sont des névroses, des psychoses, des cas de folie à deux, l’alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance, des maladies psychosomatiques, des troubles du maternage, le remplacement d’un disparu, d’un enfant notamment, les fantasmes de destinée, pour ne citer que les mieux connues10 Il ne sera question ici que la transmission aux générations suivantes de deuils périnataux insuffisamment résolus7 Par deuils périnataux, il faut entendre tous ceux qui résultent des pertes qui font suite à un diagnostic de grossesse qui a enclenché le processus du devenir mère ou du devenir père8 La première partie de l’exposé servira à illustrer les deux modes de transmission transgénérationnelle les plus aisés à observer dans la pratique obstétricale, le syndrome de l’enfant de remplacement9 Interrogée sur l’éventualité d’une perte1BIS 2 […] Cette observation rappelle un autre exemple de rémanence d’enfant disparu 1 […] le comportement de Mme A. […] montrent l’extrême vivacité que les représentations d’une mère endeuillée 3 peuvent avoir de son enfant4 et la puissance que leur projection peut exercer sur l’enfant suivant ou un enfant de la troisième génération5 Cela ne veut pas dire que tous les enfants nés après la mort d’un frère ou d’une soeur sont des enfants de remplacement6 Les observations rapportées dans cet exposé illustrent deux modes de transmission de composants du deuil périnatal insuffisamment élaborés par des parents ou des grands-parents, des mères ou des grands-mères le plus souvent11 Ces composants sont d’une part la représentation imaginaire de l’enfant disparu et d’autre part les émotions qui accompagnent la phase aiguë du deuil et la grossesse suivante, la peur principalement12 La projection des images mentales peut favoriser la constitution d’enfants de remplacement. La peur transmise peut engendrer des troubles anxieux parfois très sévères13 Les deux modes de transmission peuvent jouer un rôle dans des difficultés familiales comme les troubles du développement des enfants, la mésentente du couple, la rupture des relations affectives intergénérationnelles14 Document 19 Expression du vécu de Madame B. 1Elle ne parle jamais de sa mere ou de son pere mais de ses parents, […] au cote de laquelle elle se sentait etrangere ou exclue1 2[…] qui peut dire : ≪ C’est mort en moi.11Mon corps est mort du bas, le bassin, les jambes. ≫12Elle formula aussi cette expression enigmatique : ≪ Je suis une morte vivante13un etre posthume ≫,[…] […] son objectif étant bien sûr de réaliser avec son mari un couple uni jusque dans la fusion pour ne faire qu’un, « comme mes parents », dit-elle1BIS ≪ Je hais les gens dont j’ai besoin ≫, dit MmeB14 Elle dit avoir vecu des lors dans la haine de ses parents jusqu’a son mariage. Haine qui l’habite encore aujourd’hui de maniere puissante et qui se dechaine lorsqu’elle rencontre ses parents a domicile2 […] plusieurs reves ou elle se voit morte44 […] c’est la découverte d’une tromperie conjugale31 qui fait tout basculer. Mme B. 34 32 est délaissée pour une autre33. Un laisser-tomber Soupçonnant la tromperie elle s’était rendue chez l’amante pour la surprendre avec son mari. Elle les trouve au lit,[…] ce qu’elle retient de ce moment concerne le chapeau qu’elle avait offert a son mari quelque temps auparavant. Chapeau qui reste la en plan, abandonne sur le portemanteau dans le vestibule3 […] dont elle dit qu’elle fut sa confidente4 une soeur avec qui elle aimait discuter5de ≪ ce qui ne regarde pas les hommes ≫. ≪ Je l’aimais, dit-elle, elle m’a entrainee dans la mort ≫ ; ≪ j’y suis ≫ ; ≪ je m’enfonce sous terre ≫8; ≪ je lui en ai vraiment voulu de m’avoir abandonnee ≫7 6 8 8 La patiente passe son temps alitée […] ,≪ ca me rapproche d’elle, je pense a elle ≫ 35 […] ≪ immensement seule ≫15 ≪ totalement abandonnee≫16 ≪incommensurablement dechet ≫17;[…] Mme B. racontait, quant a elle, que lors du deces de sa belle-soeur, celle-ci arriva au domicile dans un sac blanc. Elle se souvenait que, dans sa fascination, elle l’avait trouvee dans ce moment extremement belle18et elle n’eut de cesse depuis d’esperer la rejoindre dans la mort19 […] retrouvailles dont elle parlait avec un grand sourire20 Allongee, elle imaginait lui donner la main21 […] les visions que la patiente avait d’elle-meme installees dans un tres beau cercueil au drap blanc22 Elle dit se sentir envahie, habitee interieurement par elle23 9 […] la patiente dit qu’il est la, en elle24Mme B. se dit ≪ pourrie de l’interieur ≫25 36 Mme B. se decrit comme un dechet une criminelle ayant fait il y a bien longtemps quelque chose d’horrible. Ce crime bien ancien, c’est une interruption volontaire de grossesse37 Elle ne merite desormais que la mort a laquelle elle aspire38 Elle veut qu’on l’euthanasie afin de rejoindre cette belle-sœur qui la hante, ≪ qui est en moi ≫, affirme-t-elle. ≪ Je suis dedoublee, une deuxieme personne est la qui attend son heure. ≫40 Elle la voit qui l’appelle a la rejoindre. Elle est persuadee qu’elle vivrait dans l’apaisement41si elle l’avait comme compagne, si elle allait avec elle main dans la main43 Par exemple, Mme B. pouvait dire qu’elle etouffait son mari […] 10 […] se sentir ≪ s’enfoncer sous terre ≫26 […] On l’a sans doute trouvee dans une poubelle a la naissance27elle n’est de toute facon qu’un dechet28 et ne peut donc occuper aucune place pour l’autre29 Elle evoque neanmoins son suicide de maniere crue a chaque entretien depuis des annees. On l’a retrouvee a plusieurs reprises avec des objets de strangulation autour du cou30 […] ≪ tout est déjà fini, elle est deja morte ≫31BIS […] Interprétation de cette expression par l’auteur 1Deux cas de melancolie delirante74dans lesquels surgissent des idees de crime75sont ici examines, qui illustrent egalement le phenomene d’incorporation76et le syndrome de Cotard77comme clinique de l’entre-deux-morts81 2 Le suicide de la belle-sœur constitue un quatrieme temps, d’ou l’aspiration melancolique9la chute inexorable10 qui aboutit a l’etat catastrophique de la cristallisation.11 La patiente passe son temps alitee, figee dans la position d’un gisant 12 Si certaines configurations psychopathologiques sont emaillees de passages a l’acte criminels, d’autres par contre ont la particularite de laisser apparaitre chez le sujet des idees par lesquelles il s’accusera lui-meme de crimes imaginaires plus ou moins innommables78C’est le cas par exemple dans certains episodes melancoliques. A partir de deux cas suivis dans un hopital de jour, je relaterai le surgissement de ces auto-accusations dans un moment de rencontre avec la question de l’amour et du sexe. J’evoquerai egalement a partir de ces deux cas le syndrome de Cotard comme clinique pouvant se situer entre la mort psychique du sujet et sa mort biologique 79 Comme ses parents ne faisaient qu’un, toujours agrippes l’un a l’autre, et comme elle ne souhaitait faire qu’un avec le mari, ainsi elle ne souhaite faire qu’un avec cette morte45BIS Pour ces deux cas, j’aimerais revenir sur le processus d’incorporation 13Processus par lequel un sujet sur un mode fantasmatique fait penetrer un objet a l’interieur de son corps14 Incorporation permettant de justesse d’eviter, non le manque, mais le vide, la disparition de l’autre risquant d’entrainer sa propre disparition15 Incorporation pouvant laisser chez le sujet cette impression d’etre envahi de l’interieur.16Un processus que Nicolas Abraham et Maria Torok ont bien distingue de l’introjection decrite par Ferenczi 1. Introjection du cote de l’enrichissement et de l’elargissement du moi, alors que l’incorporation serait peut-etre plutot a situer dans la limitation du moi, les potentialites et les interets du sujet etant diminues du fait de cette inclusion massive18 Ces deux cas m’intriguaient particulierement car s’ils se rejoignaient, par certains points, autour de la thematique de ce colloque par exemple, leur evolution m’apparut diametralement opposee entre une certaine forme de guerison pour l’un et le passage a une grave chronicite pour l’autre.80 Je me suis donc pose la question de l’evolutivite de ces episodes qui, dans la litterature psychiatrique classique, etaient souvent censes guerir spontanement, a moins que le patient ne se suicidat entre-temps. Le temps manque pour deployer l’ensemble du materiel clinique. Je vais donc comparer les deux cas au regard de quelques aspects, a savoir l’eclosion du delire dans son rapport avec l’amour, mais aussi le passage a la chronicite. […] l’etat est toujours grave3 […] prise en charge en raison de risques vitaux ; risques biologiques du fait de l’amaigrissement anorexique massif2; risque suicidaire majeur qui persiste encore aujourd’hui1 Ses parents tres unis n’ont fait qu’un. Une entite singuliere, une bulle, une vacuole 4 […] entite homogene […] 5 les premières années de son mariage semblent avoir été assez heureuses, son objectif étant bien sûr de réaliser avec son mari un couple uni jusque dans la fusion pour ne faire qu’un, « comme mes parents », dit-elle5BIS Le chapeau laisse, c’est elle6 Elle se rapproche alors de la sœur de son mari qui semble elle aussi rencontrer des déboires conjugaux. L’eloignement, le decollage du lien au mari8entraine une aventure que l’on peut qualifier retrospectivement d’amoureuse avec cette bellesoeur 7 Incorporation pour laquelle, dans la melancolie et selon les circonstances, on a pu parler a propos du sujet d’un cannibale mélancolique et a propos de l’objet incorpore de fantôme, de crypte ou meme d’un « cadavre exquis » entrainant un deuil impossible19 Deuil entrave en raison d’irruptions libidinales honteuses, avant ou apres la mort de l’objet aime, disent Nicolas Abraham et Maria Torok 20 Fabienne Hulak, dans un article de L’information psychiatrique de mai 2003, situe et repere le syndrome de Cotard22entre la mort biologique et la mort dans le symbolique par dissolution du sujet . Ce syndrome se caracterise par des idees de damnation, de chatiment eternel 23de negation ou de transformation d’organe24 La croyance delirante et frequente d’être déjà mort25 en represente un autre aspect 6. Ce syndrome de Cotard dans une version partielle est ici reperable chez les deux patientes sous des formes differentes 26 Phenomene bien plus present et ouvert chez Mme B. […]26 ce qui pourrait signifier qu’elle est desormais un etre qui a vu le jour apres la mort de quelqu’un. Sans doute cet etre posthume est-il, depuis le deces de cette bellesoeur27 et l’incorporation de l’objet, ce nouvel etre de l’entre-deux, entre la mort biologique et la mort psychique28 3 Seglas, psychiatre contemporain de Cotard dans la deuxieme moitie du XIXe siecle, avait bien repere ce qu’il appelait les alienes negateurs . Ces patients peuvent nier de manière extensive et quasi megalomaniaque avoir un nom, des organes, une existence propre, une famille, voire l’existence du monde 29Dimension de negation et de refus qui, apres Freud et le remaniement de sa theorie pulsionnelle, sera rattachee a la pulsion de mort et a la haine30 Cette meme patiente ne nie pas l’existence du monde, elle nie son appartenance au monde31dont elle est irremediablement separee32≪ par un rideau de larmes34≫. Il y a le monde, un bloc, bloc comme celui que forment ses parents, 33et elle, face a ce monde mais ne participant en rien a lui, sauf a en etre le dechet36 Pour Mme D(B)., le chapeau delaisse n’est-il pas une figuration de l’objet qui la represente dans le desir de l’Autre ?35Objet a chez Lacan, dont elle n’arrive pas a se separer39et qui la fixe durablement dans cette repetition de vecu de lachage abandonnique37 Chez les deux patientes apparait une dimension megalomaniaque du delire 40 La megalomanie apparait aussi chez Mme B., mais ici dans le gigantisme du rien.Elle se traduit par le fait d’etre, je la cite, […] soit, dans une identification au Christ[…]45 entouree de douze hommes en blanc, condensation d’une representation a la fois apostolique et soignante. Dans ses alitements intemporels et permanents46 son monoideisme47tournait autour de retrouvailles […] un grand sourire de jouissance 48 L’identification a la morte49apparaissait aussi, par exemple, dans les visions […] C’est ce signifiant blanc, hommes en blanc du reve, blanc du sac de la morte et blanc du drap du cercueil dans la fantaisie fantasmatique, qui temoignait de cette identification50 Sous l’effet de l’incorporation et de l’identification massive du moi a l’objet51la regression, chez Mme B., est profonde et ne lui permet plus d’investir le monde 52 Ne peut-on alors parler, dans cet exemple clinique de fantasme, d’un ≪ cadavre exquis53≫ ? 4 Chez Mme B., l’incorporation la hante comme un Reel. Le fantome de la bellesœur est toujours la54 Incorporé massivement, cet objet entraine une anorexie des plus graves55ayant amene a plusieurs reprises, dans les annees precedentes, la patiente en hospitalisation a temps plein. Risque biologique vital56 Tout assiegee par ce cadavre57dont […] C’est cette meme identification a l’objet qui la fait […] ou l’on rejoint le monde des cadavres58 Le theme de la pourriture est omnipresent chez elle.59 Bien que je n’aie jamais repere de lien associatif entre ces deux thematiques, il n’est pas impossible qu’il existe un rapport entre l’autoaccusation criminelle en rapport avec l’IVG et cette thematique de poubelle, de dechet.60 Si la question de la faute delirante est moins formalisee chez Mme B 61que chez Mme D., par contre le dechainement du surmoi et de la haine62est massif chez l’une comme chez l’autre. On a l’impression que ce qui evite a Mme B. de passer pour l’instant a l’acte suicidaire63c’est qu’une partie de cette haine arrive encore a se deverser a l’exterieur envers ses proches et l’equipe de soin64 La negativite et le refus que cette patiente deployait a l’hopital de jour avaient d’ailleurs rendu difficile sa prise en charge65 Ces refus generalises, refus de toute activite a l’hopital de jour, de tout moment groupal, cette negativite en reponse aux tentatives de liens offerts, et la volonte de ramener toutes les excitations et sollicitations au point zero, temoignent de la pulsion de mort a l’oeuvre.66 On peut bien sur reconnaitre les idees de damnation et de chatiment caracteristiques67de la melancolie, ce que la psychiatrie classique, regroupant plusieurs genres de folie, nommait demonopathie ou possession demoniaque, mais dans la maniere dont Mme B. deploie les choses, est evoquee une lutte a mort entre elle et le diable.68Dualite pulsionnelle entre les pulsions de vie et de mort69Ce diable qui, de toute facon, va tot ou tard l’emporter et plutôt d’ailleurs tot que tard car, ditelle70 […] Cette haine etait deja la dans l’enfance71 Mise en sommeil au moment du mariage, elle resurgit de maniere massive au moment de la tromperie pour se dechainer apres le suicide de la belle-soeur72[…] un mouvement de projection, projetant la haine dans une exteriorite […] Ce que n’arrive pas a faire Mme B 73 Document 20 Expression du jeune femme sur son vécu 1[…] déprimée1 triste2avec des pensées de suicide3; elle n’a plus d’intérêt, ni intellectuel, ni sexuel, s’ennuie dans son travail4et fait des malaises à répétition : elle perd connaissance dans les transports5 L’antidépresseur, déjà prescrit lorsqu’elle vient consulter, ne lui sert pas à grandchose6mais elle y tient puisque c’est son médecin de famille, celui de son enfance, qui le lui a donné7 Si elle va mal,8curieusement dans sa vie tout va bien, tout réussit9: Elle a fait de bonnes études selon son choix et a très vite trouvé un emploi 9BIS […] le travail y est ennuyeux10mais les avantages latéraux multiples : outre la promesse d’un possible retour dans sa province d’origine, mutuelle performante, sept mois de congé maternité, etc11 Elle vit depuis un an avec un homme qu’elle aime, pour qui elle a quitté son ancien ami […]13 Elle ne le regrette pas14 mais se sent coupable de trahison car elle a choisi16 avec son partenaire actuel une vie sexuelle, une emprise érotique23 qu’elle n’avait jamais connues auparavant et qui semblent aujourd’hui disparues 15 […] elle réalise qu’elle est très affectée d’avoir perdu la famille17 de cet ancien ami qui lui avait donné une place et qui était « comme sa famille à elle »18 Elle découvre avec tristesse19et étonnement20 une perte à laquelle elle n’avait pas pensé21 Sa famille, ses frères, sa province lui manquent aussi 22 bien que ce soit elle qui ait choisi de venir vivre à Paris ; heureusement, il y a le TGV qui dessert sa ville24 25 Elle et son ami viennent d’acheter un appartement […] qu’ils ont choisi ensemble et si la localisation géographique lui déplaît (il est situé en banlieue) 26elle n’en a rien dit […] ils veulent un enfant… 27 Cette acquisition en a fait les propriétaires d’un bien immobilier et vaut, pour elle, comme confirmation de leur engagement réciproque.28 Et c’est justement dans les transports qu’elle fait des malaises29 et perd régulièrement connaissance avec une facilité déroutante (« tomber dans les pommes » est aussi un symptôme de sa mère, remarque-t-elle très vite).30 Le soir, quand elle rentre dans son joli appartement, avec son nouvel ami, ils boivent un peu trop de vin et regardent un film31Cette pente d’alcoolisation l’inquiète sans qu’elle puisse associer d’aucune façon.32 […] elle est intéressée par les pensées nouvelles qui lui viennent et auxquelles justement elle n’avait pas pensé33 2Elle continue de perdre connaissance dans les transports34et d’être triste35sans force36 sans appétit37sans goût38 Elle remarque que l’apparition de ses symptômes est précisément datée : en septembre, au neuvième mois de l’année34BIS Elle ne peut les relier, ni à un événement, ni à une parole, ni à une situation, aussi minime soit-elle35BIS Certes, elle préférait son ancien appartement39mais ils n’étaient pas propriétaires… Sa mère, dit-elle, pense qu’elle devrait changer de travail : elle parle donc de sa mère et de son travail où elle s’ennuie40 […] de chaque séance, elle dit repartir avec un mot qui lui permet de penser41et c’est pourquoi elle revient : par exemple, « Vous avez parlé de deuil la semaine dernière… il y a ce deuil de ma mère dont le frère est mort bien avant ma naissance… » Ou encore : « Vous avez repris le mot ennui, ça m’a fait penser à… »42 […] elle évoque une fois encore son travail ennuyeux43et ses avantages44 et que, pour m’en convaincre, elle insiste sur les sept mois et demi45de congé maternité à plein salaire, je reprends avec une interrogation explicite : Congé maternité ? Non, bien sûr, elle n’est pas enceinte mais elle le voudrait, comme son ami, comme ses parents46bien qu’une grossesse lui paraisse incompatible avec son état47 La semaine suivante, elle rapporte que le mot maternité lui a rappelé48qu’elle avait oublié de dire qu’en janvier passé, elle a fait un avortement49 [ …] un avortement voulu choisi53[…] Bien sûr, elle désire un enfant et lui aussi50 […] […] elle n’en a parlé ni à ses parents croyants catholiques, ni à ses amis50BIS non pas parce qu’elle considérait que c’était son affaire intime, mais parce qu’ils en auraient été choqués51 […] elle sait, depuis qu’elle a 3 ans, qu’elle a le fantasme « avoir un bébé »52 et elle évoque avec plaisir son petit frère qui fut son « premier bébé »54 J’ai choisi, disait notre patiente55[…] Interprétation de cette expression 1On se souvient que Lacan, en prenant pour exemple l’adage« La bourse ou la vie », illustra la problématique du choix forcé par la figure de la réunion de deux cercles d’Euler, imageant ainsi la perte propre à chaque alternative 1Le paradoxe de ce « ou », que Lacan nomme « aliénant », est de poser le choix d’une perte, à laquelle le sujet devra consentir, quelle que soit son option2 Il se distingue du « ou » exclusif (avec lequel on pourrait trop vite le confondre) car ce « ou » de l’aliénation porte sur la perte et non pas sur un objet ou un gain positif. En effet, si je choisis la bourse, je perds et la vie et la bourse, mais si je choisis la vie, que vaut la vie dès lors qu’elle reste écornée de la bourse ? 3 Nous le savons, la dépression se manifeste classiquement par une perte douloureuse du goût (des choses), de l’envie (de faire, d’agir), c’est-à-dire par une amputation du désir de vivre4 Comment cette maladie contemporaine, d’abord appelée neurasthénie (Biswanger), puis aboulie (psychiatrie française), que Freud citait déjà en 1908, se trouve-t-elle liée à la question du choix forcé ? 5 Ce choix forcé entraînant avec lui la problématique des biens et de la loi morale interne6 Comment entendre ces patients qui se présentent avec ces formules : je suis déprimé, je suis dépressif, qui affirment undiagnostic concernant leur être, un être frappé d’abrasion, amputé de sa force vitale ?7Parmi eux, certains se caractérisent d’avoir fait dans leur vie « les bons choix » au sens de la vie matérielle, du bon sens commun, sans avoir jamais écouté une petite voix intérieure qui leur aurait dit autre chose9 Pour ces patients, la dépression semble répondre à un choix, qui n’aurait été ni formulé, ni, encore moins, dialectisé8 Avant même que les termes de ce choix hypothétique n’aient été posés, une position unique, évidente et incontestable s’imposait à eux, obstruant par son évidence même, non seulement la perte qu’elle impliquait mais aussi toute possibilité de questionnement10 L’hypothèse est que, dans ces cas, un choix implicite a eu lieu, qui aurait la structure d’un choix forcé et que l’on pourrait formuler, à la manière de l’exemple canonique : la matérialité de l’existence (on retrouve la bourse) ou le désir11 Ce choix, non reconnu en tant que tel, aurait, au nom de l’évidence commune, privilégié les biens au détriment du désir et de ses incertitudes.12Si je choisis les biens, je perds le désir, y compris le désir d’avoir des biens, et si je choisis le désir, que vaut celui-ci si je n’ai plus les moyens d’assurer la matérialité de mon existence?13 2Un autre dicton, d’ailleurs, nous rappelle « qu’on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche ». Comment alors distinguer la part de restriction de jouissance nécessaire au maintien de la vie et à la relance du désir (c’est ce qu’on appelle la castration), du renoncement au désir (qui ne va pas sans produire une autre jouissance indissociable de la dépression elle-même) ? 14 Bien sûr, les deux termes de ce choix, la matérialité de l’existence ou le désir, relèvent de deux registres différents ; l’un est celui du discours commun, du bon sens, du bon ordre15 soit une sorte de rationalité pragmatique, tandis que l’autre relève de l’inconscient et reste en attente de formulation explicite : qu’est-ce que je sais de mon désir ?16 Il n’y a pas dans ce choix, tel que je l’énonce, de contradiction formelle, pas de conflit17 au sens freudien, dans la mesure où ce qui concerne le désir reste en attente d’énonciation, de reconnaissance, voire complètement ignoré 18 Le mot choix revient souvent dans son discours.21Ce sont toujours des choix qu’elle endosse en son nom propre, et qui ne peuvent pas être discutés, tant ils lui paraissent évidents20Ce sont des choix raisonnables, sans excès d’ambition et sans échec19[…] En parlant, elle découvre avec surprise la perte22qui accompagne ses choix, perte qu’elle n’avait pas soupçonnée24ou imaginée, comme si elle émergeait d’un monde ignorant la possibilité de la perte23 En revanche, en termes de biens, d’avoirs, elle semble parée : elle a un copain, elle a un boulot et elle a un appart’ et elle a même le TGV (bien public) pour rentrer chez elle (c’est-à-dire chez ses parents). C’est comme ça que les choses se disent25 Ces propos, s’ils n’étaient accompagnés d’une dépression persistante, seraient simplement d’une grande banalité26 Dans son histoire, on cherche vainement des événements traumatiques, des chagrins ou des ratages28: il n’y a pas eu de situations douloureuses ou traumatisantes à première vue. Je dis bien à première vue27 Tels sont les chemins qu’elle parcourt lors des entretiens hebdomadaires : une première lecture pourrait nous entraîner un peu vite à parler d’insatisfaction hystérique30 Mais son discours n’est pas porté par la revendication ou par l’affirmation de sa subjectivité31 il se caractérise, au contraire, par la difficulté à nommer, à reconnaître les contradictions, les oppositions, les tensions qui soustendent ses choix29 Elle fait partie de ces patients qui demandent des mots pour penser ce qui leur arrive32: […] 3Les ponctuations, les questions ou les hypothèses proposées en séance font surgir un mot, voire une phrase33dont elle s’empare pour se réveiller, pour sortir du gel de sa pensée ; mot qui lui permet, dans l’après-coup de la séance, d’élaborer et d’associer34 comme si elle ne pouvait s’y autoriser qu’à la condition que le mot (par exemple, la perte, être une femme, la féminité…)soit aussi passé par la bouche de l’analyste35 De cet avortement raisonnable, […] 36 Si elle fut d’accord (consciemment) 36 pour cet avortement, c’est parce qu’elle obéissait à une règle juste : « On ne peut pas faire un enfant sans engagement préalable desparents, sans stabilité du couple. » 37 Ce type de formulation est congruent avec la loi sociale38 : droit des femmes, droit de l’enfant à venir ; c’est aussi une sorte de doxa incontestable, de prêt-àporter39 Elle fut d’accord, pleinement d’accord, pour avorter au nom du « trop tôt » et au nom du bien de l’enfant imaginaire40 Et, à son insu, elle participa activement de la doxa de sa génération41 et de son pays, sans pouvoir problématiser sa décision eninterrogeant son désir personnel ou en anticipant une souffrance quelconque42 L’absence de tension entre deux propositions contradictoires45c’est-à-dire (en termes freudiens) l’absence de conflit46qui aurait conduit au choix conscient et à la reconnaissance d’une perte (quel que fut ce choix) est assez remarquable. Et quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que le début de ses symptômes coïncidait exactement avec la date de la naissance présumée de l’enfant non advenu. Ce qui est classique. Elle ne savait pas qu’elle était à ce point en « désaccord »47 (c’est son mot) avec son acte, ni qu’elle avait choisi une perte douloureuse48 – Est-ce de l’ordre d’un déni ? Je sais bien que je désirais un enfant, mais quand même… – Ou de la dénégation ? Vous allez penser que c’est l’avortement qui me déprime, mais ce n’est pas ça. – Ou encore du refoulement et de son retour sous la forme d’un symptôme dépressif bien réel ? – Ou encore de la récusation ? Oui j’ai avorté et alors ? Ça arrive à toutes les femmes ! – Ou d’un autre processus encore ?49 En aucun cas, elle ne méconnaît son désir d’enfant ou le Refuse50 : […] Elle fut alors enceinte et prit congé avec allégresse56BIS Notre hypothèse, en suivant Lacan et le séminaire L’éthique, est que la méconnaissance porte sur sa loi propre, sur la loi morale interne qui est la sienne 51 Loi morale dont la formulation est double et qui pourrait s’énoncer ainsi : dans ma famille, on n’avorte pas ; on ne quitte pas un homme pour jouir sexuellement avec un autre52 4Enfouie sous la loi sociale (le droit des femmes à avorter), sous la doxa53 (« C’est bien trop tôt »), la loi morale interne n’est ni reconnue, ni encore moins admise. 54 Et c’est bien là un des enjeux de tout travail analytique56: que le sujet puisse mettre au jour sa propre loi, dépouillée des lois secondaires, des prétendues lois qui l’enserrent et qui l’étouffent55 Mais, en reconnaissant cette loi interne, notre patiente se trouve aussi en désaccord, dans la mesure où cette loi interne interdit la jouissance sexuelle57 La dépression n’est pas seulement à mettre en relation avec un désir non accompli 58 (désir d’avoir un bébé) – ce qui n’est pas faux – mais avec le fait de n’avoir pas eu d’énonciation juste59 J’appelle « énonciation juste », celle qui aurait problématisé sa décision60 qui aurait témoigné d’un questionnement et permis d’inscrire61 la possibilité de la perte, c’est-àdire de l’imaginer62 plutôt que de la vivre exclusivement comme une amputation réelle63 Il lui fut impossible de dialectiser deux propositions contradictoires telles que : j’ai envie de jouir de ma nouvelle vie amoureuse64; les femmes de ma famille n’avortent pas. L’énonciation juste aurait précédé un choix qui, de toute façon65 impliquait une perte66: renoncer à la grossesse (le désir d’enfant restant toujours aussi vif) ou renoncer à une part de jouissance avec son partenaire en devenant effectivement mère, comme sa mère. Le choix, s’il avait pu être dialectisé67 aurait alors pris appui sur sa division subjective plutôt que sur l’évidence imposée par la doxa68 Méfions-nous pourtant d’une telle simplification car, au-delà de la doxa, notre patiente a aussi pris en compte le pacte amoureux érotique avec son partenaire et la place de l’enfant imaginé dans ce pacte ; en effet, « ne pas se servir d’un enfant pour forcer le mariage ou la conjugalité » relève aussi pour elle d’une loi morale69 Peut-être a-t-elle cédé partiellement sur son désir en le reportant69BISà plus tard (on pourrait y reconnaître la procrastination obsessionnelle) ? Peut-être a-t-elle surtout cédé aux sirènes sociales de son temps, à une vérité d’époque ? Mais qui peut être contre et au nom de quoi ? 70 Les biens matériels sont certes placés au premier plan71 et si l’on peut les qualifier de « faux biens », ils ont malgré tout le mérite d’être quantifiables et objectivables. Des questions, néanmoins, devraient pouvoir être posées et élaborées, comme par exemple : la propriété commune de l’appartement peut-elle tenir lieu de mariage ?72 La vie professionnelle ne vaut-elle que par ses avantages latéraux au détriment d’autres aspects plus stimulants qui engageraient le désir ? 73 5 Il ne s’agit pas de trouver des réponses tranchées et définitives (d’autant qu’au long de sa vie, elles prendront des couleurs et des inclinaisons différentes), mais de problématiser ces questions, de leur donner une consistance, d’y engager la subjectivité de notre patiente.74 Si la prise érotique nouvelle et déterminante avec son nouveau partenaire ne laisse pas de place à un enfant,75 doit-on dire qu’il s’agit là du prix à payer pour sa jouissance sexuelle, pour le lien avec cet homme-là ? 76 Si, comme l’affirme Lacan, « tout exercice de la jouissance 77comporte quelque chose qui s’inscrit dans le livre de la dette », l’avortement fut peut-être pour elle la transgression nécessaire pour accéder à cette jouissance dont le prix78aura été l’interdiction portée sur le désir : comme si, d’avoir choisi la jouissance sexuelle (disjointe de la reproduction), elle se retrouvait en retour privée de désir. 79 Le travail avec un analyste lui permet d’élaborer la complexité80de sa propre loi interne, qui n’est pas simplement identifiée à celle de l’église catholique et de sa tradition familiale, mais qui se situe aussi dans le pacte symbolique entre une femme et un homme81 Le désaccord, dont je fais l’hypothèse, porte, lui, sur les renoncements au désir82 (resté en attente d’élaboration, de formulation83 ) au nom de l’évidence commune84: la dépression étant alors à lire comme l’écran qui masque un questionnement implicite, en attente d’élaboration et de complexification85 En effet, que vaut alors une vie qui privilégie les biens immédiats, les jouissances directes, qui ne prend plus, ni le risque de l’engagement symbolique, ni celui de trouver de l’intérêt dans le travail (autre que celui des bénéfices comptables)86? Quelles jouissances désarticulées du désir viennent alors s’imposer ? Jouissance de la chute, de la disparition de l’aphanisis ? Jouissance de l’ennui, de l’immobilité, de la tristesse87? Il ne s’agit pas, en tant qu’analyste, de prôner « la pastorale conjugale et familiale » ou la tabula rasa du confort matériel, mais de remarquer que, là où les biens bourgeois ont pris la première place (en devenant des besoins évidents), le rapport du désir à la jouissance se trouve distendu, défait88 Reste à savoir si le désir est Un, indivisible, monobloc, déterminé une fois pour toutes, et s’il n’est pas trop vite confondu avec « le vouloir » conscient. Certes, le désir s’appuie sur le fantasme, qui lui est déterminé, mais il est aussi ce qui court d’un signifiant à l’autre, insaisissable et innommable89 Pour cette patiente, la complexité de cette question relève aussi de la position féminine : le désir est aussi celui d’être la femme d’un homme plutôt qu’une mère comme sa mère. À quel prix une femme cesse-t-elle d’être une fille ?90 6 Il y a peut-être une transgression nécessaire pour consentir au fantasme de son partenaire, pour être une femme pour cet homme-là, et, du même coup, par l’opération subjectivante de la jouissance, cesser d’être la fille de ses parents91 Selon cette hypothèse, notre patiente n’aurait reculé ni devant son désir, ni devant la jouissance. Pourquoi devrait-elle alors payer le prix d’une dépression ?92Peut-être parce qu’il n’y a pas eu de reconnaissance symbolique de ce passage et que la seule validation de son engagement amoureux érotique94a été un acte de propriété93 La question du mariage se trouve ainsi posée et renouvelée, l’acte de propriété ne pouvant seul en tenir lieu95 Remarquons encore que notre patiente est absolument conforme aux exigences sociales de son temps et qu’elle n’est pas confrontée à une alternative qui opposerait la raison au désir96– avec, d’un côté, l’exigence sociale à laquelle il faudrait se soumettre, et, de l’autre, le désir porté par la loi morale interne (comme Antigone)97–, mais prise dans cet antagonisme entre désir et jouissance, spécifique à notre époque98antagonisme qui se répète aussi entre jouissance convenable et jouissances pas convenables 99 La dépression, avec « les pertes de connaissance », met en scène une sorte d’abandon de l’existence, d’évanouissement du sujet, au profit d’une jouissance délivrée des embarras et de l’incertitude du désir100 Cette jouissance pas convenable, l’Église aux temps médiévaux en faisait un péché (le péché d’acédie), notre société en fait une grande cause de santé publique et la banalisation des antidépresseurs, un nouveau mode d’abrutissement des foules101 Lacan ne craignait pas de parler de « lâcheté morale »102 Remarquons que c’est en se conformant aux lois sociales et à la doxa de son temps qu’un sujet peut se trouver en désaccord avec une loi interne qu’il ignore et qui est pourtant la sienne propre103 Ce désaccord témoigne du vide de l’Autre ou d’un brouillage de l’Autre qui ne peut dire au sujet ce qu’il doit faire comme homme ou comme femme, qui n’indique plus ni les interdits, ni les passages104; livré à son prétendu « libre arbitre », le sujet ne peut souvent que se ranger sous la doxa de son temps105 Car non seulement « le libre arbitre » n’est pas à la portée de tous, mais il n’y a pas de « libre arbitre » et pourtant nous ne pouvons nous empêcher d’y croire106 J’ai choisi, disait notre patiente, posant la question de la croyance, non plus en un Dieu détenteur de vérités, mais en l’autonomie de ses choix et c’est sur cette croyance que la dépression se fonde et se déploie107 Elle sortit de son état dépressif en passant par deux affects, la colère et le chagrin, et en abordant la question : « Qu’est-ce qu’une femme pour un homme ? » […] J’appris par la presse l’annonce de son mariage108 Document 21 Expression du vécu d’une jeune femme 1 « Savez-vous ce que j’ai fait hier soir ? » 1 « Voilà ! J’ai acheté une bouteille de vin et je l’ai bue cul sec. J’étais ivre morte. Ça m’arrive de temps en temps.2Qu’en pensez-vous ? » 3 Interprétation de cette expression par l’auteur 1 J’eus plus tard confirmation de ce curieux aveuglement11 À l’une des séances, elle me regarda avec un sourire narquois : « Savez-vous ce que j’ai fait hier soir ? » 1 Pendant quelques instants, elle joua au petit jeu « dira, dira pas2» avant de me mettre dans la confidence, dans une sorte de défi. 3 4 À cette question, je répondis par une autre : « Quand a eu lieu votre avortement ? » Ma question, cette fois, provoqua un bel orage5: […] L’avortement avait laissé une douloureuse cicatrice6 qu’il n’était pas « politiquement correct »8 d’avouer7 qui n’était même pas reconnue9 par le sujet, mais qu’il fallait noyer dans le vin10 « La fonction féminine dans sa signification symbolique essentielle […] que nous ne pouvons retrouver qu’au niveau de la procréation » Cette phrase mérite d’être soulignée : la procréation, la maternité porte en elle, au-delà de la biologie « fonction symbolique essentielle. » 14 Pour aller vite, je soutiens que c’est la profanation de cette fonction symbolique 13 essentielle qui fait basculer une femme dans ce qui apparaît comme un suicide alcoolique. 12 Cette profanation est un meurtre du désir16 un meurtre du sujet féminin15 Cet alcoolisme féminin apparaît donc lié aux avatars du désir de maternité17essentiellement à l’avortement, avortement non désiré, imposé moralement ou concrètement par un homme en qui sa compagne avait placé sa foi, c’est-à-dire occupant une place symbolique de père18 Déjà Freud avait pointé que la castration n’est supportable pour une femme qu’en échange d’une promesse de maternité future. Si cette lettre de créance se trouve dénoncée, la castration en devient insupportable, c’est-à-dire que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue19 Une femme trouve dans sa maternité une autre jouissance que phallique, une « Autre » jouissance, comme le théorisera Lacan plus tard, jouissance mystique ou sacrée…20 2 « Mais quel rapport ? Vous êtes complètement idiot !4 » Seulement au bout de quelques minutes, j’obtins la réponse : « Oui, j’ai avorté. J’avais 18 ans.5Il fallait bien ! Nous étions trop jeunes et lui n’en voulait pas. Ça ne m’empêche pas d’y penser. » 6 2 La reproduction de notre espèce, en effet, n’obéit pas seulement à des déterminismes biologiques, elle s’effectue à travers des structures symboliques dont la richesse n’exclut pas la rigidité. On pourrait parler d’un pacte sacré qui lie hommes et femmes dans l’effectuation de cette fonction. 21 Si ce pacte sacré est bafoué, et il l’est généralement par le partenaire masculin, cela produit des ravages dont l’alcoolisme est une des formes22 Le progrès des techniques médicales, l’évolution des moeurs sociales, ont introduit un fort relativisme dans la valeur de ce pacte23 J’ajouterai, pour conclure, trois remarques : – il y a lieu de s’interroger sur une dérobade répandue chez les hommes à répondre au désir féminin de maternité. On la note, en particulier, chez des sujets ayant traversé les grandes tragédies du XXe siècle, en particulier la Shoah. C’est d’ailleurs le cas de Serge Doubrovsky ; – l’alcoolisme masculin ne me paraît pas répondre aux mêmes déterminants psychiques que ceux de l’alcoolisme féminin. Ils entretiennent l’un avec l’autre les mêmes rapports de symétrie que ceux de l’OEdipe masculin avec ceux de l’OEdipe féminin ;24 – enfin, la débâcle de la « fonction symbolique essentielle de la maternité 25 » ne débouche pas nécessairement sur l’alcool. Tout autre toxique peut faire l’affaire. Mais il s’agit là d’une hypothèse pour laquelle le matériau clinique dont je dispose est très limité. D’autres collègues disposent peut-être, sur ce point, d’informations plus précises26 À cet égard, ma contribution est à considérer comme une introduction à un travail collectif sur ces questions de l’alcoolisme et de la toxicomanie, fléaux de plus en plus ravageurs. Document 22 Expression de Michèle sur son vécu 1 Elle s’assoit sur le bord de la chaise, silencieuse, tête baissée, presque apeurée 1BIS Ce premier entretien, marqué par un long silence […] 1 Évoquant son rendez-vous chez le neurologue […] «Ce sont des enfants qui jouent, normal pour des enfants, comme tous les autres enfants, avec des cris et des rires… ce que j’ai dans le ventre, c’est un enfant aussi»2 Parallèlement, elle évoque un sentiment d’étrangeté : son enfant est porteur de quelque chose de différent3 Lors d’un entretien ultérieur, Michèle évoquera deux rêves4: «elle est dans un escalier roulant, seule ; alors qu’elle monte, elle voit un petit garçon sur le bord qui la regarde ; elle poursuit son ascension, en se retournant pour le regarder. Dans le second rêve, elle monte un escalier et tombe. Un enfant s’approche alors pour la relever». Elle s’interroge : laisse-t-elle l’enfant sur le bord ou bien est-ce lui qui la laisse poursuivre sa route7? La succession de ces deux rêves lui fait évoquer […] une interruption volontaire de grossesse5réalisée dix ans auparavant : l’atteinte foetale en serait alors la punition6 […] j’apprends que sa mère est décédée il y a quelques années, d’un cancer du sein qui s’est généralisé. Elle n’en parlera pas davantage8 Lors d’une séance faisant suite à un rendez-vous avec l’obstétricien, Michèle exprime une vive colère car l’information délivrée sur les possibilités de prise en charge de son foetus – voir son corps, le prénommer, l’inscrire, pratiquer une autopsie, organiser des obsèques– suscite en elle de grandes interrogations. Toutes ces propositions lui semblent «totalement paradoxales»9: […] Sa décision est prise : elle souhaite interrompre cette grossesse10 Le poids du diagnostic est très lourd, trop lourd pour elle11 d’autant qu’elle est très souvent seule12 – comme d’ailleurs en ce moment. Le sens initial de leur projet conjugal – avoir un enfant– ne peut évoluer en projet individuel d’accueillir un enfant handicapé. 2 Michèle accouche d’un petit garçon qu’elle a finalement souhaité voir, mais a refusé l’autopsie, invoquant des motifs religieux14 ; […] Son séjour à l’hôpital est marqué par un fort repli sur elle33 […] Elle est restée claustrée, volets fermés, ne souhaitant voir personne, ni même la lumière du jour perçue comme agressive.15 Une période de vacances va permettre à Michèle d’aller rejoindre son conjoint à l’étranger ; très attendu par elle16ce temps de retrouvailles sera difficile puisque son mari fuyait les moments d’intimité de couple17: à aucun moment, ils n’ont pu se retrouver seuls pour évoquer cette perte18 […] ils pourront regarder ensemble les photos du bébé, évoquer l’absence, le manque, la tristesse ainsi que le projet d’un autre enfant dans l’avenir19 Contrairement à lui, elle se sent maintenant prête mais accepte de l’attendre20 21 […] Au fil des entretiens, émerge le désir de s’investir dans la rédaction d’articles, activité laissée en suspens depuis son mariage22 : […] Mais avant tout, Michèle exprime le besoin de mettre du lien : elle souhaite tisser un pont entre l’avant et l’après, elle avant et elle après, pour elle-même, pour son couple… et aussi pour ce bébé23 Michèle évoque la mort de sa propre mère, le silence et les non-dits qui ont entouré son départ24 […] excusant son père qui voulait protéger ses filles27 Selon elle, son père était submergé par la douleur et la violence de la réalité et se trouvait donc dans l’incapacité totale de verbaliser quoi que ce soit devant ses enfants, pourtant déjà adultes26 Ces remémorations la renvoient à la situation présente ; les entretiens lui ont offert un cadre autorisant l’expression des émotions et des affects29 […] alors que spontanément elle aurait voulu fuir, tant elle se sentait envahie par un sentiment d’anéantissement30 Michèle exprime aussi son sentiment de réunification, de réconciliation31entre elle et son bébé, tout comme celui de retrouvailles avec sa mère morte32 Interprétation de cette expression par l’auteur 1 L’interruption de la grossesse, qu’elle soit décidée pour motif médical ou spontanée, implique un arrêt du processus de parentalisation et nécessite un travail psychique de désinvestissement du foetus80 De surcroît, elle est bien souvent méconnue socialement même si de récentes modifications des lois1 entourant la reconnaissance des deuils périnataux tentent de répondre à la souffrance des parents. Cette « réponse humaine » aux familles endeuillées ne remplace cependant pas le temps d’élaboration nécessaire à la perte81Car à la fois objet-non objet, ce foetus fait courir le risque d’un deuil mélancolique puisque encore incorporé au Moi82 Je vous propose de nous immerger dans la clinique du traumatisme et les processus psychiques en jeu lors d’une perte périnatale en suivant le chemin de Michèle84BIS […] un long silence que j’« entends », fait suite au bouleversement du temps de l’échographie et de l’amniocentèse1: temps d’effraction physique2avec le geste intrusif de l’aiguille associé à l’effraction psychique du diagnostic3 Suite au chaos dans lequel elle vient d’être plongée, le temps paraît figé4 Au bout d’un moment, elle relève la tête et me regarde ; son regard semble dire qu’elle m’est reconnaissante de ce silence, silence qui lui permet de se rassembler et de se restaurer5L’amniocentèse l’a plongée d’emblée dans le diagnostic anténatal ; dès lors, elle pénètre dans quelque chose de violent, voire de morcelant, interrogeant cette grossesse, son issue, les représentations du foetus-futur bébé…6 […] Michèle est frappée, dès la salle d’attente, par tous ces enfants handicapés qui jouent aux cubes et aux legos7 À la fois, elle sait gré aux médecins de lui présenter la réalité de l’atteinte foetale8 mais elle exprime son ressentiment à leur égard : selon elle, le diagnostic, préoccupation centrale du corps médical, occulte le foetus comme enfant en devenir pour ne voir que l’objet d’investigations et de soins9 Ne faut-il pas aussi voir là l’hostilité à l’égard de son foetus déplacée sur l’équipe soignante10? La haine primitive entre la mère et son bébé décrite par Winnicott4, est inentendable et source de grande culpabilité lorsque « His Magesty the Baby »5 n’est pas conforme aux promesses11 2 Ce quelque chose d’invisible qui entraîne des répercussions tellement visibles à l’échographie qui, telle un oeil scrutateur chargé de traquer la moindre anomalie, permet cette radiographie de l’intérieur14 Du contenu utérin à l’intérieur foetal, cette incursion à l’intérieur d’elle-même conduit le regard vers l’intérieur de son bébé : il réside alors un paradoxe puisque qu’extérieurement, rien n’apparaît12 En effet, ce foetus une fois né, ne révèlerait rien extérieurement de son atteinte cérébrale13 L’inquiétante étrangeté est renforcée par la solitude du choix ; en effet, bien que l’assurant de son soutien, son mari vient de partir pour l’étranger. Alors que ce projet de bébé était un projet de couple, elle se retrouve seule à choisir l’issue de la grossesse et quelle que soit sa décision, c’est de mort dont il s’agit : mort d’un bébé, mort d’un projet et atteinte narcissique majeure dans sa capacité à faire un bébé bien portant15 REVIVISCENCE DES PERTES ANTÉRIEURES 29 Escalier roulant, escalator d’aéroport, aurait-elle envie de partir elle aussi, de fuir cette impossible décision16? L’escalier roulant évoque également quelque chose d’inexorable, qui avance sans qu’on puisse l’arrêter, comme si elle était aux prises avec un processus qu’elle ne contrôle pas17; la chute du rêve fait penser à l’effondrement consécutif au diagnostic18 Nous voyons l’émergence de la représentation de son foetus comme d’un futur enfant19 La succession de ces deux rêves lui fait évoquer, avec une certaine culpabilité20[…] une interruption volontaire de grossesse réalisée dix ans auparavant […] M. Bydlowski6 fait un lien entre IVG et dette de vie où l’avortement permettrait de tuer sa mère à l’intérieur de soi, autorisant la fille à devenir femme20BIS; mes associations me conduisent alors vers sa mère : qu’estce que ce rêve vient dire d’elle-enfant sur le bord dans le lien à sa mère ? […] son silence, lourd, m’interroge à la fois sur l’élaboration de ce deuil, comme si cette perte, très douloureuse, était encore difficilement pensable21 mais aussi sur les traces laissées par son IVG22 Nous voyons combien le traumatisme actuel et la blessure narcissique qui en découle, réactualisent des fantasmes archaïques et des pertes antérieures23 3 […] en effet, si l’on s’inscrit dans une démarche médicale où le foetus est considéré comme un objet d’investigations, l’incurabilité de la pathologie rend l’interruption de grossesse acceptable puisque confrontant la réalité aux limites de la médecine ; l’autopsie s’inscrit alors dans cette continuité où le corps malade doit être analysé comme un objet de soin et expertisé à des fins diagnostiques et pronostiques. Par conséquent, la proposition de prénommer et de l’inscrire à l’état civil devient caduque puisqu’il s’agit d’un objet de recherche et non pas d’un sujet humain en devenir. En revanche, le fait de voir et de prénommer – actes reconnaissant une place de sujet au produit d’expulsion– correspondent pour elle à l’identification de cet autre à l’intérieur d’elle et donc à l’individuation du foetus comme être à part entière25 Dans ce cas, l’interruption lui paraît inconcevable et inacceptable26 Et mettre sur le même plan ces différentes propositions est pour elle source de grande confusion24 Sa colère illustre la question du statut de ce foetus, problématique centrale dans le deuil périnatal : être par la chair ou par la parole7 ? Foetus authentique ou foetus tumoral8 ? 27 Dans le cas présent, les propositions de voir, prénommer, arrivaient peut-être un peu tôt dans le temps de la grossesse psychique où Michèle est avec cet autre à l’intérieur d’elle comme un prolongement d’elle-même28 La réalisation de l’IMG en elle-même est redoutée puisqu’il s’agit d’accoucher « normalement » ; or l’accouchement, lié à l’acte de donner la vie, semble incompatible avec celui de donner la mort30 […] on peut aussi imaginer que ce serait peut-être le tuer une deuxième fois ?31; […] cet état de régression est consécutif à l’effondrement devant son ventre vide et la perte de son bébé32: aucune parole n’est possible, comme si l’épreuve physique à laquelle elle venait d’être confrontée avait mobilisé toute son énergie, comme si son corps, écartelé, devait d’abord récupérer avant de pouvoir ensuite penser ce qu’il venait de s’y passer et d’y mettre du sens.33 Le deuil périnatal a ceci de particulier qu’il ne peut être assimilé au travail de deuil classique, tel que décrit par Freud9, puisque l’objet est perdu avant même d’être connu83 4 SelonSoubieux, il dépend de nombreux facteurs en lien avec les objets internes et les relations précoces et le premier temps est celui de la survie psychique 34; ainsi pour Michèle, la sortie de maternité a été un moment particulièrement difficile, puisqu’il s’agissait de rentrer le ventre vide sans rien ni personne dans les bras35 Repliée sur elle-même, elle a traversé une phase de régression intense36renforcé par l’état de transparence psychique propre à la grossesse, exprimant une nostalgie du retour à l’état de fusion avec la mère des premières relations37; cette régression narcissique s’inscrit également dans un mouvement identificatoire au foetus, contribuant à lui donner réalité pour pouvoir s’en détacher ensuite 38 Je reçois sa souffrance dépressive comme la conséquence du travail de deuil et de désinvestissement de son bébé en devenir39 Peur de se retrouver face à face avec la mort entre eux deux ? 40 Refus de voir la réalité ?41Elle qui s’est confrontée à cette réalité traumatisante,43elle qui n’a pu la fuir puisque se passant à l’intérieur de son propre corps, elle aurait aimé pouvoir en transmettre quelque chose à son conjoint44lui faire partager sa douleur, peut-être aussi lui faire éprouver quelque chose de l’insupportable45dans l’espoir d’atténuer sa propre douleur42Mais cette colère et cette douleur ne lui permettent-elles pas de rester en lien avec ce bébé disparu46? La façon dont elle présente ce retour me plonge dans une certaine confusion, comme s’il y avait un déni de la réalité de la mort du bébé. Cette date viendrait signer la fin « normale » de sa grossesse, date à laquelle elle aurait dû accoucher de son bébé vivant47 La confusion ressentie semble être le reflet du décalage et du sentiment d’incompréhension réciproque régnant au sein du couple48 Un certains temps sera nécessaire pour qu’un dialogue s’instaure à nouveau entre eux49; dépassant leur ressentiment mutuel50[…] […] de lui laisser le temps de cicatrisation de la blessure de la perte de ce petit garçon-là51pour qu’une grossesse ultérieure soit un projet de couple52 […] son projet d’écriture s’inscrit dans un processus de sublimation offrant une issue à la pulsion libidinale comme à la pulsion de mort, en lui permettant de retrouver l’objet perdu sous une autre forme, acceptable et même valorisée 54 Il y a eu le temps d’avant ce bébé, leur projet puis ce drame ; maintenant elle doit se reconstruire en intégrant ce qui s’est passé. Ce bébé doit trouver sa juste place dans son histoire tout comme elle doit trouver un juste lien avec lui55 5 RÉUNIFICATION TRANSGÉNÉRATIONNELLE ET FILIATION 84 Me revient en écho son silence consécutif à l’évocation du rêve ; elle rationalise tout d’abord56 […] Puis peu à peu, s’exprime de façon sourde, toute la colère contenue à propos des nondits entourant la maladie et le départ brutal de sa mère57[…] Sa sidération semble avoir atteint l’ensemble même de la cellule familiale 58 La temporalité proposée a favorisé une élaboration possible de la perte puisque accompagnée59[…] Or, cette fuite était impossible puisque c’était en elle que cela se passait 60Elle devait s’y confronter61 pour progressivement autoriser l’émergence de ses sentiments négatifs tant à l’égard du bébé que d’elle-même62 Ce temps entre l’annonce et la décision aura été un temps nécessaire, fondamental 63 lui permettant de retrouver ses capacités de penser et contribuant à remettre en circulation la pensée figée64par le traumatisme. Les mots ont été pour elle le lien entre la vie et la mort65alors que jusque là, la mort était entourée de silence, de vide, de rien66 Elle a dépassé l’anéantissement initial en acceptant de se confronter à ses affects67 Elle a toléré l’envahissement de la pulsion de mort, l’a dépassée et métabolisée en pulsion de vie68 Dans l’après-coup, changée par ce bébé qui n’est plus, elle exprime une prise de distance par rapport à ces modèles familiaux intériorisés, un réaménagement de ses repères identificatoires70 Ces différents liens permettent alors l’inscription de ce bébé dans sa filiation69 La clinique du deuil périnatal72 illustre les mouvements psychiques inhérents à l’élaboration de la perte d’un objet-non objet71 La question du travail de deuil dans ce cadre soulève celle du statut du foetus, pas tant dans sa réalité obstétricale ou juridique73que dans la représentation que peut s’en faire la mère74 6Objet à multiples facettes, à la fois idéalisé et haï, le fœtus risque de devenir objet d’horreur lors de la révélation d’une pathologie incurable. Dans le registre de l’archaïque, il vient interroger les représentations en oeuvre chez tous les acteurs de la tragédie, tant la mère, le père et le couple que les membres de l’équipe soignante 75 De l’autre, la blessure narcissique ainsi constituée chez les parents, atteints dans leur capacité de procréation, fait courir le risque d’une demande d’interruption de grossesse rapide comme si enlever ce bébé monstrueux diminuait alors la souffrance ressentie76 Il me semble que prendre le temps de sortir de l’état de sidération et amorcer la perspective d’un sens à donner à l’issue de la grossesse, que ce soit dans celui de sa poursuite ou de son interruption, est fondamental : il permet en effet de favoriser l’émergence d’une représentation objectalisée du foetus, favorable à la résolution du deuil77 L’équipe soignante va assurer la continuité nécessaire et une fonction de contenance dans ces moments de bouleversement psychique ; elle joue un rôle particulier de témoin de la maternité, certes blessée, de cette femme endeuillée et de l’existence de cet enfant en devenir78 Au thérapeute de construire, sur mesure, le cadre qui permettra d’absorber le débordement traumatique, de contenir les projections et les angoisses mobilisées. L’espace de narrativité ainsi créé conduira, progressivement, à l’élaboration de la perte et des pertes antérieures ravivées, comme dans le cas de Michèle 79 Document 23 Expression d’une première femme sur son vécu 1« C’était horrible, enfin pas génial1» « C’était la deuxième fois, c’était honteux2» « je me culpabilisais3» « […], je voulais juste que ce soit liquidé et qu’on n’en parle plus5» « je ne me suis pas sentie écoutée, il aurait fallu qu’on me soutienne à fond (sur sa décision) parce que je doutais (…) j’étais mal dans mes baskettes 9» (suite à la prise de médicaments) « ça m’a vraiment fait hypermal10 (…) je ne savais pas ce que je devais faire, si je devais rester au lit ou bien pas11» « je ne savais pas quoi faire, je me suis dit je bouge un peu, j’en ai marre d’être dans ce lit alors je fumais des clopes, et puis je me demandais si j’avais vraiment le droit de fumer ?11» (il y a avait une autre femme dans la chambre) « c’était la 3ème ou la 4ème fois (IVG subie) et le médecin n’était pas très sympa non plus (avec elle) il avait l’air de dire bon que ce n’était pas un moyen de contraception non plus, bon on pourrait me dire la même chose13et puis je crois qu’elle (l’autre femme) était autant gênée que moi 12» 2« qu’elle me demande si ça va comme elle l’a dit à la fin mais un peu plus souvent23» (suite au sentiment que l’infirmière était mal à l’aise) « je pense que j’aurais apprécié qu’elle me dise franchement la vérité, qu’elle me dise ouais franchement, je suis gênée, j’aime pas faire ça25(…) je n’ai pas apprécié que le médecin me le dise dans le premier hôpital, mais de sa part à elle (l’infirmière) oui, peut-être parce que justement ce n’est pas un médecin26» « j’aurais voulu qu’elle soit un peu plus présente27bon je ne voulais pas qu’on parle de mon IVG, ais juste comme une infirmière normale qui s’occupe d’un patient normal28» « il faut s’imaginer tout le processus qu’il y a pour quelqu’un qui avorte, on met une carapace pour faire après comme si ça n’avait jamais existé30» « qu’elle soit plus présente comme une infirmière qui vient me prendre la pression 31» (lors de la première intervention) « on m’avait demandé si je souhaitais un suivi psychologique, j’avais dit non, je n’en ai pas besoin, j’assure mon choix, je n’ai pas le droit d’être faible15 » Quand on arrive à l’hôpital on arrive dans un service de gynécologie, c’est plutôt des mamans, des femmes enceintes, qui sont là, dans la salle d’attente il y a des trucs pour bébé, c’est spécial, on se sent vachement à part, seule16» « ça rassure33quand on a mal32d’avoir quelqu’un, c’est un peu comme les petits on souffle sur ton bobo et après ça passe » « dans la salle d’attente ce serait bien de mettre aussi un flyer ou quelque chose pour les femmes qui avortent parce que ça fait partie de la salle d’attente et puis c’est vrai qu’à ce moment-là on n’a pas l’impression de faire partie de ce secteur d’intervention et finalement la gynécologie ne fait pas que des naissances17» « j’aurais apprécié qu’elle (infirmière) passe pour voir « ça va. Ça vient ?18» « j’avais vraiment un mal-être constant35mais je n’aurais pas pensé que c’était du a mon avortement36 je pensais plutôt que c’était l’âge, mais tout le temps déprimée37 presque dépressive (…) c’est venu assez vite, tout de suite après (l’IVG) (…) je voulais à la limite mourir39mais sans explication aucune38 je pouvais même pas me dire est-ce que c’était l’avortement40» « j’aurais apprécié qu’elle passe un peu plus souvent, qu’elle s’intéresse plus à mon état physique (…) qu’il y ait plus de suivi19» « je trouvais qu’elle aurait pu être un peu plus là20(…) pas spécialement qu’on me parle, qu’on parle de moi, mais de mon état24» « j’aurais voulu qu’elle passe un linge sur la tête ou je ne sais pas comme une infirmière quoi, comme une maman21» (lors d’une autre hospitalisation) « j’étais en salle de réveil, l’infirmière était tout le temps là (…) elle me demandait si j’avais mal au ventre, une petite aspirine et ça c’était bien, en tout cas je me suis sentie plus entourée22» « j’ai fait 6 mois d’AGAPA (…) le travail qu’on fait c’est « pardonne toi à toimême41» (…) à la fin on enterre son gamin et ça permet vraiment de faire un processus de deuil42» « en commençant un parcours avec AGAPA on prend un engagement, celui de ne pas juger et donc on devient super ouvert (…) ceci est super important et ça amène à un grand respect de l’autre43» « il faudrait que les professionnelles connaissent vraiment l’aspect psychologique qu’il y a derrière l’avortement et diriger les gens vers des associations comme le planning ou AGAPA34» Interprétation de cette expression par l’auteur 1 La personne A avait déjà vécu une IVG et qualifie cette expérience comme « horrible1» Il est à noter que peut-être il y a une corrélation entre les soins reçus3et la manière de vivre cette expérience. Sur cette question les femmes ont un vécu similaire par rapport au sentiment de solitude2qu’elles mettent en lien avec le fait de rester seules dans la chambre4 Les personnes A et C expriment également un sentiment de culpabilité5qu’elles ressentent au travers des actes des infirmières6 Elles expriment une grande déstabilisation d’être dans ce lieu7On voit que les trois personnes développent clairement un sentiment de colère envers les infirmières voire le corps médical8 Les 3 femmes expriment ici une de mande que l’infirmière soit plus présente physiquement ou qu’elle passe plus souvent dans la chambre. La présence physique semble être un signe d’intérêt9 La personne A décrit des soins ayant un support relationnel tels que les soins techniques10 Les personnes A et C expriment également le souhait que les infirmières soient plus authentiques22 Ceci semble paradoxal car la personne A dit qu’elle souhaite que l’infirmière lui exprime son désaccord avec l’IVG mais madame ne veut pas parler de son IVG12 Cela peut sembler paradoxal avec la demande formulée précédemment « je ne voulais pas parler de mon IVG13» Nous interprétons cette demande d’authenticité comme la demande d’empathie qui leur permettrait de se sentir écoutées, accueillies et rassurées 11 Ce besoin de sécurité14est provoqué par le sentiment de culpabilité15de manque d’estime de soi16et d’anxiété17éprouvées par les patientes. Les femmes expriment clairement qu’elles auraient voulu que l’infirmière les rassure 18 La demande d’être rassuré se porte sur deux éléments : le non-jugement de l’infirmière19et le protocole d’IVG qui leur est inconnu20 Il est intéressant de noter que la personne A a eu beaucoup de difficultés à surmonter son mal-être21 Il est intéressant de noter que c’est également la personne qui reconnaissait avoir le plus de culpabilité qu’elle portait elle-même23 2 Selon Chalifour (1989) il existe plusieurs types de conflits que peut vivre la personne. L’un des conflits qui nous semble plus explicite dans cette situation particulière, c’est le conflit d’évitement24 Ce type de conflit semble n’avoir que des solutions négatives pour la patiente quelque soit sa décision25On peut envisager que cette femme nécessitera beaucoup d’énergie pour sortir de cette crise et, sans doute, une aide professionnelle pour réussir à saisir les aspects positifs de sa décision.27L’aboutissement de la crise est, dans ce cas, une occasion d’apprentissage pour la personne. 28Cependant, nous constatons que cette femme a traversé des moments très difficiles suite à l’IVG. Nous supposons qu’elle n’a pas trouvé l’aide nécessaire pour sortir de cette crise de manière constructive29 Le concept de maternité apporte un complément intéressant à cette analyse. Selon Tamian-Kunégel (2002) la grossesse peut avoir une fonction de maturation de la femme par « la réassurance narcissiquede l’intégrité de ses possibilités reproductrices » 32 La personne A avait déjà subit une IVG. Cette répétition peut se comprendre sous l’aspect d’un acte inconscient qui traduit des désirs inavouables30: désirer un enfant sans vouloir nécessairement enfanter31 Selon le même auteur, « l’ambivalence est le facteur dominant dans les demande répétées d’IVG. Les répétitions viennent s’inscrire hors de l’ordre du conscient35 Une grossesse survenue par hasard, peut se lire comme une modalité dans laquelle se se manifeste le désir inconscient34» La succession de grossesse non désirées peut exprimer un manque que la personne ne parvient pas à combler33 […] Ainsi pour la personne A nous avons relevé « l’expression d’un sentiment de tristesse, d’anxiété, de découragement » lorsqu’elle mentionne son état psychologique après l’IVG36« l’autoaccusation » lorsqu’elle se culpabilise37« colère contre soi et contre autrui, et incapacité à de l’exprimer directement » ce comportement se manifeste par la volonté de mourir qu’a ressentie la personne suite à sa deuxième IVG38 Pour Freud, « le suicide était une réaction à une haine profonde de soi, la colère ayant pris sa source dans la perte d’un objet d’attachement pour finalement se retourner contre soi » 39 Cette femme semble particulièrement souffrir d’un manque d’estime de soi. 40En effet, il apparaît qu’elle ait réagit par un stimulus focal et contextuel. Le premier étant cet évènement particulier (être enceinte sans l’avoir voulu)41mais on peut également considérer comme un stimulus contextuel, puisqu’il réactive le sentiment de culpabilité éprouvé lors de la première IVG42 Document 23 Expression de la deuxième femme sur son vécu 1 « 1 année après l’IVG, j’ai demandé s’il n’y avait pas un organisme qui traitait des cas comme moi, mon gynéco m’a dit « je crois que j’ai quelque chose » et m’a donné les coordonnées d’AGAPA1» Interprétation de cette expression par l’auteur 1 vécu traumatique1madame a fait un abcès infectieux, puis une septicémie, a été hospitalisée 7 mois et est devenue stérile. La personne B n’exprime pas le sentiment de culpabilité2mais a souffert d’un important conflit de valeurs dans cette expérience 3 On voit également qu’elle a eu d’importants traumatismes suite à l’IVG 4 Nous notons également que Madame avait divorcé un an et demi auparavant. Cet indice est important à considérer car il se peut que cette crise ne soit pas résolue. Cela peut rendre la crise actuelle plus difficile à gérer4BIS En effet, le chevauchement de plusieurs crises peut rendre plus difficile leur résolution6Par ailleurs, nous constatons que cette femme a subi de graves conséquences de santé suite à l’IVG5; nous supposons que cette personne ne possédait pas les ressources nécessaires pour sortir de cette crise de manière constructive7 Comme nous l’avons mentionné, il semble que madame ne prenne pas de responsabilité dans la prise de décision de l’IVG. Nous interprétons ce procédé comme un mécanisme de défense, la projection […] ce qui lui évite d’assumer d’éventuelles conséquences de la décision et de se remettre en question8BIS La citation ci-dessus, nous fait supposer que cette personne se protège d’une situation qu’elle ressent comme un danger8Le mécanisme de défense met une distance entre sa conscience et son vécu intérieur22 Dans cette perspective, la personne ne pourra évacuer de manière constructive, les émotions qui l’habitent. Celles-ci s’exprimeront alors sous diverses formes plus destructrices, par exemple : un cancer, une infection9 2 J’étais ambivalente, je voulais garder cet enfant mais la situation ne le permettait pas1BIS Je me suis mis en refoulement pour supporter ça2 Document 23 Expression de la troisième femme sur son vécu « j’ai vu une psychologue quelques jours après, j’étais encore fâchée de tout ce qui s’était passé5 je la regardais et je me disais que c’est un peu tard quoi, je pense qu’à la rigueur quelqu’un comme ça devrait passer au moment de l’hospitalisation6» Interprétation de cette expression par l’auteur Elle n’a pas eu d’autres conséquences4 La personne C est celle qui semble n’avoir eu aucune conséquence particulière4c’est elle aussi qui a paru avoir le moins de sentiment de culpabilité3 Elle ne semble pas vivre un conflit particulier3BIS Pour la personne C, il semble que le sentiment de culpabilité soit également présent6 Cependant, il ne semble pas menacer énormément cette personne 7 nous ne constatons pas l’utilisation d’un mécanisme de défense8 La personne C manifeste peu ce manque d’estime de soi9 On observe uniquement des « plaintes de fatigue »10qui par ailleurs peuvent être attribuées à la tension vécue pendant l’hospitalisation11 Cette femme vit l’expérience de manière moins perturbante que les deux autres 12 Nous avons également vu qu’elle était moins déstabilisée par cette crise 13 Nous pouvons en conclure que la qualité de son estime de soi lui permet de vivre l’expérience plus sereinement14 2 Madame a subi de graves conséquences à la suite de son expérience10 Nous pensons également que cette femme se trouve probablement dans un processus de deuil non résolu, encore à l’heure actuelle11 Il apparaît que madame se protège car elle souffre d’un important manque d’estime de soi14En effet, une des manifestations est « la difficulté à assumer ses responsabilités » ; ceci nous donne donc une explication pertinente au comportement de cette patiente15 Nous ajouterons « la rumination de ses problèmes » suite au comportement manifesté de l’entretien16 Madame a vivement critiqué son compagnon de l’époque25 Cette femme exprime la demande d’avoir plus d’écoute de la part de l’infirmière, mais dit avoir refusé le réconfort de sa mère après l’hospitalisation25 Le degré d’affectation de l’estime de soi semble se catégoriser dans les stimuli focaux. En effet, les manifestations du manque d’estime de soi semblent induites par la situation actuelle18 Cette femme présente moins de remise en question personnelle19et semble mobiliser de puissants mécanismes de défense. Notre analyse nous a permis de comprendre que les mécanismes de défense20lui permettent de prendre ses distances avec son compagnon, l’infirmière, son vécu émotionnel et sa conscience21 Nous pensons que cette femme ne peut exprimer un besoin particulier car sa distance ne lui permet pas d’identifier un besoin23 Document 24 Expression d’Anna sur son vécu 1 Pourtant, un soir, alors que je commence mon poste de nuit, elle entre dans le bureau infirmier et s’assoit près de moi. Je l’accueille avec douceur 1 […] « Je me suis toujours sentie nulle…2Ma soeur aînée était la perfection incarnée pour mes parents, alors que moi… Il y avait toujours quelque chose à redire quoi que je fasse…3» Elle me dit : « À ce moment-là, j’ai réalisé l’étendue de sa cruauté4je me suis rendu compte que le quitter était une question de survie pour moi5» Et elle se donne les moyens de le faire…6 Quelques semaines plus tard, elle trouve un nouveau travail à deux cents kilomètres de là7Le soir de son dernier jour de travail, elle dépose sur le bureau de la femme de son amant une lettre lui expliquant tout : « C’était un moyen d’être sûre de ne pas être tentée de revenir en arrière », me dit-elle8 Son amant essaye de reprendre contact avec elle, mais elle ne répond pas à ses appels9 Elle a trois semaines de congés avant de déménager vers son nouveau travail. Elle reste enfermée chez elle, seule10[…] Tout en me racontant les circonstances de cet avortement, elle pleure sans discontinuer11 Interprétation de cette expression par l’auteur 1 Il est à remarquer que le deuil d’un avortement est dysfonctionnel dans la grande majorité des cas1 Ce deuil d’enfant2se déroule souvent dans un contexte de très grande culpabilité3et de honte4générant chez la personne une forte atteinte de l’estime de soi.5 Régulièrement, du fait de la culpabilité ressentie, le secret entoure un tel deuil 6et gêne son expression7 Face à cette problématique, il s’agira pour l’infirmier de tenter8de rejoindre la personne dans son vécu pour l’inviter à se dire et lui permettre d’entendre et d’intégrer ce qui est exprimé9 Le soignant aura à développer une grande qualité de présence relationnelle 11 afin d’aider la personne à déposer sa souffrance10 Une attitude de non-jugement pleine d’empathie va contribuer à l’aider à restaurer son estime d’elle-même gravement mise à mal13 À son arrivée, elle se montre très secrète14Elle semble porter un chagrin très douloureux15 Nous faisons des tentatives d’approche, mais elle fuit le contact16 Les quelques jours d’hospitalisation lui ont probablement permis d’évaluer notre capacité d’accueil17Ils l’ont amenée à se sentir suffisamment en confiance pour commencer à parler de son vécu intérieur18 2 Le problème est qu’elle ne souhaite pas rester à l’hôpital12: elle doit déménager la semaine suivante Je parle à Anna Martin du conte que je souhaite écrire pour l’aider13et elle l’accepte. « Chère Madame, Je vous écris ces quelques mots pour vous donner de mes nouvelles. Ce conte que vous avez écrit pour moi m’a beaucoup aidée 14 Ma vie n’était qu’un cauchemar noir15rempli de sentiments de culpabilité16et de désespoir17et soudain 19 j’ai vu ma propre histoire avec un autre sens18Elle devenait belle, pleine de couleurs et d’amour20 Et j’ai réalisé qu’elle était vraie21Ce conte a été comme une main douce qui est venue toucher la douleur de mon coeur et lui a permis de sortir.22J’ai beaucoup pleuré, mais c’étaient des larmes de délivrance, comme des larmes de réconciliation avec moi-même23 Aujourd’hui, je vais bien dans ma nouvelle vie. J’ai de nouveaux collègues. Dans ce boulot-ci l’ambiance n’a rien à voir avec l’ancien, c’est sympa. Et puis surtout, j’ai rencontré quelqu’un, un garçon de mon âge très gentil qui me respecte et qui m’aime. J’ai droit à une nouvelle chance24 Merci encore.26Je n’oublierai jamais. Anna PS : Je me suis remise à la peinture… 25» 2 […] elle a une estime d’elle-même très basse 19 et peu de confiance en elle20 Elle en fait le constat elle même : […] Toutefois, une prise de conscience majeure a lieu : l’épreuve qu’elle a vécue lui ouvre les yeux et engendre un nouveau comportement chez elle : la capacité de prendre de la distance par rapport à la situation et de la regarder avec lucidité. […] et s’enfonce dans un état de tristesse intense, s’accompagnant d’une perte d’espoir et d’une inhibition psychomotrice.24 Ce sont ces symptômes caractéristiques d’un syndrome dépressif qui ont conduit son médecin traitant à la faire hospitaliser25 La culpabilité est toujours présente dans le deuil d’un enfant avorté 26 Au fur et à mesure qu’Anna Martin me raconte son histoire, un élément m’apparaît évident : elle ne se pardonne absolument pas d’avoir avorté27 C’est une douloureuse histoire d’amour impossible… impossible à vivre entre cet homme incapable d’amour et une jeune fille sans amour pour elle-même… 28 impossible à exprimer pour une mère égarée envers son enfant non advenu… 29 3 Christophe Fauré parle très justement du désarroi de la jeune femme qui vient d’avorter : « D’une manière générale, décider d’avorter n’est jamais anodin […] 29BIS La jeune femme rentre chez elle, bouleversée, triste, fatiguée, en colère et coupable. Perdue dans le traumatisme des heures précédentes, elle ne réalise pas encore qu’un véritable deuil vient là de se mettre en route […]29BIS Qu’on le veuille ou non, il y a un début d’attachement à ce petit être et il a fallu beaucoup de détermination et de déni de sa tendresse naissante pour aller jusqu’au bout de la démarche. La culpabilité est quasiment toujours présente […] 30 Le regard que l’on porte sur soi peut devenir très sévère, portant atteinte à l’estime de soi. Il y a pourtant là un deuil qui revendique son expression. Il est non seulement légitime, mais surtout nécessaire pour permettre à la jeune femme d’intégrer cet avortement dans son histoire, sans qu’il devienne une zone d’ombre dont elle n’osera jamais parler. Sa blessure a besoin d’être reconnue afin qu’elle puisse se cicatriser30BIS » En dépit d’un état de désarroi intense31Anna Martin a trouvé la ressource de rompre cette relation destructrice32 Cette histoire a toutefois laissé un traumatisme important chez cette jeune fille33 et elle aurait besoin d’être accompagnée dans son processus de deuil34 C’est alors que je pense au conte thérapeutique35 : tout en la laissant cheminer en autonomie, il pourra lui offrir l’occasion d’une réconciliation intérieure36 […] Un conte pour l’aider à faire sens de son vécu…37 GAÏA, LA PETITE LIBELLULE QUI S’IGNORAIT ELLE-MÊME Il était une fois une petite libellule qui s’appelait Gaïa. Elle était d’une jolie couleur bleue et ses ailes étaient magnifiquement irisées60Elle vivait au bord d’un étang. Gaïa avait un don particulier : elle faisait partie de cette catégorie de libellules que l’on appelle « les peintres du ciel »61Elle savait danser dans la lumière du soleil, faisant naître à travers le prisme de ses ailes, tel un peintre de lumière, de merveilleux arcs-en-ciel chatoyants62C’était comme une danse du don d’amour… Elle savait faire naître une grande joie dans le cœur de ceux qui la regardaient 63 Le problème de Gaïa était qu’elle ignorait qu’elle avait ce don64Peut-être avait-on oublié de le lui dire65?… Et si d’aventure quelqu’un lui faisait un compliment sur ce qu’elle faisait, Gaïa avait beaucoup de mal à croire qu’il s’adressait à elle 66Peutêtre, dans son existence de libellule, n’avait-elle pas souvent reçu de compliments67? Gaïa portait dans son cœur une grande soif de partage d’amour 68Elle rêvait de rencontrer un jour un garçon libellule avec lequel elle vivrait une grande histoire d’amour et de paix69Elle y aspirait profondément76 Pourtant, au fond d’elle-même, elle doutait que cela puisse un jour lui arriver. Qui donc pourrait l’aimer, elle qui était si imparfaite71? 4 […] Gao fit croire à Gaïa que son chant était un chant d’amour dirigé vers elle, mais en fait, ce n’était qu’une litanie d’asservissement72Les sons qu’il émettait vers Gaïa étaient comme de longs fils d’araignée invisibles qui l’engluaient peu à peu, sans qu’elle puisse s’en rendre compte73Ce chant laissait entendre que le cœur de Gao était plein d’amour pour elle, alors qu’en réalité il n’était qu’une coque vide incapable d’aimer74 Peu à peu se développa une étrange relation entre Gao et Gaïa.Gao apprit à Gaïa à se méfier de ses idées, de ses sentiments, de ses intuitions. Il lui expliqua qu’ils étaient faux, que lui savait ce qui était bon pour elle75 Et la petite Gaïa, qui avait déjà si peu de confiance en elle, ne douta pas un seul instant qu’il n’ait raison76Gao se moqua de ses danses dans la lumière du soleil, alors Gaïa se sentit honteuse et resta désormais sur le sol77Gao se moqua de ses ailes déployées, alors Gaïa les replia dans son dos pour les cacher. Le temps passa…78 34Gaïa se rendait bien compte que sa relation avec Gao la faisait souffrir79Son cœur était plein d’attente d’un partage d’amour qui ne venait jamais80Parfois, elle était tentée de partir, mais aussitôt Gao émettait un nouveau chant de faux amour et Gaïa se retrouvait plus engluée que jamais81 35À force de ramper aux côtés de Gao, Gaïa devint peu à peu grise de poussière et elle perdit ses couleurs82La souffrance était son lot quotidien, mais elle espérait toujours qu’un jour, Gao l’aimerait, quand elle aurait corrigé toutes ses imperfections83… Ah ! Comme il était puissant le chant de Gao ! Il faussait toutes les perceptions de Gaïa, s’infiltrant dans son besoin d’amour si fort, et s’appuyant sur son manque de confiance en elle. Cela dura longtemps84… 38Un jour cependant, il se passa quelque chose qui remplit le cœur de Gaïa de bonheur et de crainte à la fois 85 : de son union avec Gao fut conçu un œuf minuscule, fragile, promesse d’un enfant libellule merveilleux86Le cœur de Gaïa fut immédiatement rempli pour lui d’un amour immense, et, pleine d’espoir, elle annonça la nouvelle à Gao. Et là ce fut terrible, vraiment terrible87 40Car immédiatement Gao sembla ressentir pour cet être en devenir une haine intense, comme s’il représentait pour lui un grand danger. Il émit alors un chant d’une grande puissance vers Gaïa. Un chant qui disait qu’il ne voulait pas de cet enfant libellule et qu’elle devait s’en débarrasser. Et il jeta sur l’enfant en devenir une Malédiction de Souffrance Éternelle et s’en alla, laissant Gaïa désespérée et seule88 … 5Elle était atterrée89Elle ressentit une grande culpabilité envers son enfant œuf de lui avoir choisi un tel père90et n’eut plus qu’une seule idée : le sauver de la Malédiction jetée sur lui alors qu’il n’était même pas encore éclos…91Elle choisit alors de faire quelque chose de terrible, un acte inconcevable pour une libellule bleue capable du don d’amour : elle décida de faire détruire l’œuf92 … 42Pour elle, cet acte de destruction était un acte désespéré d’amour protecteur 93 Elle ne voulait pas que son enfant vive la vie de souffrance qui lui avait été promise 92 … Dans une solitude affreuse, elle appela les crapauds nettoyeurs. Ceux-ci, la regardant de leur œil froid, détruisirent l’œuf et l’emportèrent. Alors Gaïa, qui dès sa conception avait ressenti un amour immense pour cet œuf, sentit son cœur se briser95 43Elle pleura des larmes de douleur qui s’écrasèrent sur le sol, devant elle, et peu à peu formèrent une petite flaque à ses pieds96Se penchant vers cette eau, Gaïa vit son reflet97Elle vit pour la première fois combien elle était devenue grise et sale, combien ses ailes semblaient atrophiées, et surtout elle vit les liens tissés par Gao qui, tels des fils d’araignée, l’engluaient98Il se passa alors quelque chose de magique : son reflet se mit à lui parler : « Gaïa, ce que tu vois là n’est pas ton vrai reflet. Regarde-toi telle que tu es vraiment ! » Et dans la petite flaque de larmes, l’image de la libellule grise qui se traînait par terre s’effaça et fit place à l’être véritable de Gaïa : une merveilleuse petite libellule bleue aux ailes resplendissantes qui dansait dans le soleil la danse du don d’amour99 La voix du reflet résonna alors doucement dans sa tête : « Voilà celle que tu es, Gaïa, reconnais-toi et ne l’oublie plus jamais. Vis désormais dans le respect de celle que tu es vraiment.100» 49Gaïa se regarda longuement, puis elle se lava dans la petite flaque, se débarrassant de la poussière grise qui la recouvrait101Ensuite, elle redéploya ses ailes irisées, les fit battre doucement, et la brise qu’elles soulevèrent assécha la petite flaque de larmes102De ces larmes-là, Gao ne pourrait pas se repaître. Gaïa décida alors que plus jamais cela n’arriverait103Puis elle prit une pierre coupante et d’un coup sec trancha les fils gluants qui la reliaient à Gao. 51Aussitôt, elle ressentit un grand manque douloureux104comme si elle s’amputait d’une partie d’elle-même. Elle avait vécu avec ces liens depuis si longtemps… Mais en accomplissant cet acte, elle savait qu’elle se sauvait elle-même…105 52À la rupture des fils, Gao fut là, aussitôt. Il essaya de lancer de nouveaux liens vers Gaïa avec son chant trompeur. Mais elle n’y prêta plus attention, car dans son oreille résonnait désormais une autre voix venue du plus profond d’elle-même :« Vis désormais dans le respect de celle que tu es vraiment. »… L’histoire de Gaïa n’est pas terminée106 6 Son éclosion à elle-même est une longue métamorphose qui se poursuit encore aujourd’hui. Et chaque jour qui passe la rapproche davantage de celle qu’elle est vraiment107 57Dans son cœur, il y a, à jamais, une place particulière et pleine d’un amour incommensurable, pour ce premier œuf qui, dans l’épreuve vécue, lui permit de naître à elle-même…108… Si un jour, vous vous promenez près d’un étang, et que vous voyez danser une libellule bleue dans le soleil, vous saurez sans hésiter reconnaître Gaïa à la joie que sa danse d’amour fera naître dans votre cœur… Le temps a passé et je me suis demandé parfois ce qu’était devenue Anna Martin. J’espérais que l’entretien et le conte avaient pu lui apporter de l’aide. Puis un jour, quelques mois après son départ, j’ai reçu cette lettre qui apporte un témoignage très concret de l’effet du conte38: […] Il est souvent difficile de réaliser à quel point un entretien unique peut être important en tant qu’aide apportée au patient39 À cause d’impératifs divers, il arrive parfois que l’on ne dispose que de peu de temps pour aider une personne. Un entretien unique de relation d’aide pendant lequel on mettra en œuvre toute notre capacité d’empathie, de congruence et d’accueil inconditionnel des émotions de l’aidé pourra lui être d’un grand secours40 On voit bien, dans le cas d’Anna Martin, combien aura été profitable l’accueil sans jugement de son vécu41 étant donné la culpabilité qu’elle ressentait face à son acte42 L’entretien lui a permis de mettre au jour sa blessure profonde43d’ouvrir la porte à des émotions verrouillées liées à un deuil compliqué44 C’est grâce à cet entretien que, en écho à son vécu émotionnel, j’ai pu écrire un conte répondant à ses besoins45 Le premier objectif du conte était de permettre à Anna Martin d’entrer en contact avec des émotions refoulées46 La mise en route de ces émotions bloquées l’a aidée à s’acheminer vers le deuil de son enfant47 Puis, en contribuant à clarifier son vécu48pour lui donner un sens, le conte a été un moyen pour elle de parvenir à se déculpabiliser 49 et ainsi à restaurer son estime d’elle-même50 Le témoignage de la jeune femme sur l’action thérapeutique du conte est très intéressant Sa lettre exprime comment le conte lui a permis de se réconcilier avec elle-même51 et d’intégrer l’épreuve vécue dans son histoire de vie52 Elle met en évidence de façon forte combien le conte peut favoriser l’expression d’émotions difficiles, avec beaucoup de douceur, en parfaite autonomie53 Document 25 Expression de Barbara sur son vécu Interprétation de cette expression par l’auteur « Je ne vis pas du tout cette IVG comme la première1! Je ne culpabilise pas du tout !» dit-elle2 Barbara établit une nette différence entre les deux IVG pratiquées à quinze ans d’intervalle2 À l’époque, les conséquences de son insouciance ont entraîné une grande culpabilité 3 Aujourd’hui, elle donne un sens différent à une même décision4: […] Document 25 Expression de Michèle sur son vécu Pour elle, l’IVG n’est pas encore entrée « dans les mœurs légales 1». Elle souhaiterait que les femmes qui ont avorté sortent du silence2et « témoignent pour expliquer que ce n’est rien3». Par ailleurs, certains interlocuteurs se préoccupent parfois de savoir si elle ne souffre pas trop moralement6 Si sa réponse est positive, elle sait que la conversation repose sur un quiproquo.7Si elle ressent un malaise, c’est uniquement à cause du regard des autres8 Ces questions et attitudes l’amènent à se demander si son insensibilité4par rapport à l’IVG est normale et elle en arrive à « culpabiliser de ne pas culpabiliser »5 Interprétation de cette expression par l’auteur Un cas de figure atypique est, en effet, repérable parmi les quatre-vingt neuf entretiens analysés1 Cette exposition répétée à la déviance 2l’amène à considérer avec recul les réactions de son entourage, ainsi que celles de certains membres du corps médical3 Elle souligne par cette formulation la stigmatisation morale qui accompagne souvent l’application du droit à avorter4 Elle a dû lutter aussi bien contre la réprobation que contre la compassion d’autrui 11 Le récit de Michèle ouvre une piste de recherche qui prolongerait cette étude. On peut émettre l’hypothèse que l’expérience de plusieurs avortements entraîne une évolution des positions des femmes concernées par rapport à ce type de déviance 7 Le suivi d’une telle évolution permettrait peut-être de découvrir les effets de la récurrence d’une déviance ponctuelle et, ce faisant, de répondre aux vœux de Howard S. Becker qui préconise l’étude des carrières déviantes 8 […] [qui] ne devrait pas conduire uniquement aux individus qui suivent une carrière débouchant sur une déviance de plus en plus affirmée et qui finissent par adopter une identité et un genre de vie radicalement déviants. Il faudrait aussi prendre en compte ceux qui entretiennent avec la déviance des rapports plus éphémères et que leur carrière éloigne ultérieurement de celle-ci pour les rapprocher d’un genre de vie conventionnel 9 MAINGUY Albane SYNTHESE DE LA LITTERATURE QUALITATIVE FRANCOPHONE EN PSYCHOLOGIE DEPUIS L'ANNEE 2000 SUR LE VECU PSYCHIQUE DE LA FEMME APRES L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE (IVG) RESUME INTRODUCTION : Le vécu psychique de la femme après l'IVG a particulièrement été exploré par des études quantitatives anglo-saxonnes. Leurs résultats sont contradictoires et montrent l'intérêt d'une recherche qualitative sur ce thème. METHODE : Une synthèse en recherche qualitative a été réalisée à partir d'un matériel qualitatif, francophone, publié entre 2000 et 2012, dans des bases de données en sciences humaines ou pluridisciplinaires, sur le thème du vécu psychique de la femme après l'IVG. Les deux critères d'exclusion sélectionnaient des documents dont les auteurs avaient rencontré des femmes et rapporté leurs propos. Les données ont été retranscrites, soumises à un double codage, à une analyse thématique puis compréhensive. RESULTATS : 4.3% des documents ont été inclus. A partir d'études de cas et d'entretiens cliniques de 25 professionnels de santé mentale, le vécu de 30 femmes a été analysé. Parce qu'elles ont suivi des entretiens psychothérapiques, leur recrutement entraîne une surestimation probable du vécu psychique post-IVG constaté. CONCLUSION : Conflit relationnel intrafamilial, mal-être et culpabilité, troubles comportementaux et psychiatriques, choix d'un nouveau projet de vie, vécu de perte, besoin d'un accompagnement psychologique, psychosomatisation et ambivalence de la demande répétée d'IVG sont les thématiques de ce vécu post-IVG pouvant être liées à l'existence d'un conflit psychique, et dont le repérage pourrait conduire à un accompagnement avant et après l'IVG. MOTS-CLES avortement provoqué après l'IVG. médecine générale psychologie t conflit recherche qualitative crise identitaire interruption légale de grossesse deuil FORMAT Mémoire Article1 : 1 à soumettre statut au moment de la soutenance soumis accepté pour publication publié suivi par : Indiquer le NOM de la personne qui suit la publication (directeur ou président, par exemple)