L`inexplicable « dialogue entre les arts
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L`inexplicable « dialogue entre les arts
UNIVERSITE POPULAIRE DE LAVAL Module littérature 2014-2015 QUAND LES ARTS S’INVITENT EN LITTERATURE ou LE DIALOGUE ENTRE LES ARTS I- Pour une architecture littéraire Jacques DREMEAU Pour une architecture littéraire • Plan Introduction L’inexplicable « dialogue des arts » Quelle classification des arts? Le choix du thème: « Quand les arts s’invitent en littérature » I.1 Une littérature de l’espace et de la ville John DOS PASSOS, Manhattan Transfer, 1925 I.2 Une histoire dont une audace d’architecte est l’héroïne Simon MAWER, Le Palais de verre, 2013 I.3 Les années insulaires ou les années Pompidou Philippe LE GUILLOU, Les Années insulaires, 2014 L’inexplicable « dialogue entre les arts » • A notre époque, besoin d’expliquer cette inexplicable solidarité « Le Dialogue entre les Arts », dans la variété des expressions distinctes mais convergentes, à travers la notion « d’art total ». • Correspondances, analogies, interactions, corrélations, associations, rapprochements entre les grandes formes de l’expression sensible (arts visuels, littérature, musique…). Mais quelle classification des arts? • « Une figure imposée » de l’histoire de l’art et de l’esthétique (id° à la querelle des Anciens et des Modernes en littérature.) A- Classification des arts dans l’Antiquité 9 activités parrainées par les Muses (médiatrices entre le dieu et le poète ou tout créateur) • • • • • • • • • Calliope: la poésie épique Clio: l’histoire Erato: la poésie érotique et lyrique Euterpe: la musique Melpomène: la tragédie Polymnie: la pantomime, la rhétorique et les chants religieux Terpsichore: la danse et le chant choral Thalie: la comédie Uranie: l’astronomie et la géométrie B- Au Moyen-Age • On ne distingue pas les arts et les sciences Les 7 arts libéraux, en 2 groupes: -Le Trivium (Sciences du langage, rhétorique, grammaire et dialectique) -Le quadrivium (les sciences et les nombres): arithmétique, géométrie, astronomie et musique) Les arts mécaniques (les activités manuelles): architecture, sculpture, peinture, orfèvrerie (les Beaux Arts) et toutes les activités qui transforment la matière (draperie, épicerie (apothicaires), orfèvrerie, mercerie, sidérurgie, verrerie, coutellerie, etc.… Les arts nobles (activités propres à la noblesse): maniement des armes, arts martiaux, équitation, chasse, jeux nobles (paume, danse, échecs etc.…) C- A la Renaissance • Notion d’ « artiste » signant ses œuvres et reconnu comme tel. • Les arts du volume (arts plastiques) sculpture, architecture. • Les arts de la surface (arts graphiques): dessin peinture, gravure. D-Au XVIII ème siècle • 3 catégories d’arts selon Emmanuel KANT, en 1790, dans « Critique de la faculté de juger » Les arts de l’expression des idées: sculpture, architecture et peinture. Les arts de la parole: éloquence et poésie. L’art du beau jeu des sensations : musique et arts des couleurs. E- Au XIX ème siècle • 5 arts classés selon 2 critères: l’expressivité é et la matérialité ( du moins expressif au plus expressif) Cours d’esthétique d’HEGEL (1818-1929) 1. L’Architecture 2. La sculpture 3. La peinture 4 La musique 5. La poésie F-Au XX ème siècle • Stabilisation à 9 arts ( à l’image des Muses antiques) 1.L’architecture 2. La Sculpture 3. Les « arts visuels » (peinture et dessin) 4. La Musique 5. La littérature (dont la poésie) 6. Les « arts de la scène » (théâtre, danse, mime, cirque) 7. Le cinéma 8. La photographie 9. La bande dessinée Parfois s’ajoutent: 10. Jeu vidéo 11. Art numérique (multimédia) Notre thème: « Quand les arts s’invitent en littérature? » 1. Entreprendre un travail en littérature en abordant des romans qui incluent dans leur trame narrative une approche des différents arts. 2.Découvrir le dialogue fécond que les arts entretiennent avec la littérature, mais également entre eux pour notre plus grand plaisir. I.1 Une littérature de l’espace et de la ville John DOS PASSOS Manhattan Transfer, 1925 John DOS PASSOS (1896-1975) écrivain et peintre américain « Le plus grand écrivain de notre temps » J-P SARTRE • • Né à Chicago Fortement marqué par le fait d’être un fils naturel (Père avocat , républicain, nordiste et de Lucy MADISON, veuve, sudiste) • Peintre et écrivain appartenant à la « Génération Perdue » des auteurs américains. (Scott FIZGERALD, STEINBECK, HEMINGWAY, ELIOT…) • Enfance vagabonde: Angleterre, Mexico , Belgique, Études à Harvard • 1907-1916,en Europe, étudie la peinture, l’architecture et la littérature.. • 1917, pacifiste s’engage à Verdun, dans les ambulanciers. • A longtemps rêvé d’une carrière d’architecte: importance de la ville et de la menace urbaine. John DOS PASSOS (1896-1970) Longue carrière faite de succès: poèmes, essais, romans, pièces de théâtre et plus de 400 œuvres d’art. Quelques œuvres littéraires: • • • • • Three Soldiers ,1921 Manhattan Transfer, 1925 Orient Express, 1927 Brazil on the Move, 1963 Lettres à Germaine Lucas Championnière, 2007 Manhattan Transfer, 1925 J.DOSS PASSOS Le titre: • Manhattan Transfer, une gare dernier cri, très populaire, où se fait le transfert vers Mahattan. • Station qui est la porte d’entrée vers le centre de la ville. Manhattan Transfer, 1925 A. Le repérage spatial de la ville • New York: « la ville debout » (Céline, 1920) • Seconde métropole du monde (population) • Ville qui compte le plus de gratte-ciel au monde (19201929: 447 gratte-ciel construits): symboles du progrès technique, architectural, économique. • Gigantisme qui écrase les personnages. • Prolifération de repères spatiaux : lecture particulière de la ville (se rapproche d’une description géographique) • Géométrie des « blocks » numérotés. • Une architecture proche des modèles européens (influence de l’École des Beaux-Arts de Paris): style néo-classique. Manhattan transfer, 1925 B. L’aspect sociologique de la ville • Manhattan et New York canalise toute l’ambition des gens (ex: BUD,échapper à la campagne) • Des étrangers aussi voient dans l’expansion de New York l’occasion de trouver une vie nouvelle et aisée (ex: Les Français Émile et Congo) • Trame du roman: ville perverse et généreuse, imposant aux hommes sa vision des choses: avoir toujours plus, croître et ronger la place des autres Manhattan Transfer, 1925 Les 2 héros du roman: Hellen THATCHER: personnifie les 2 aspects de la ville 1. Elle appâte les hommes, les attire, les rend fous. 2. Elle ne leur offre rien de ce qu’ils attendaient. Jimmy HERF: jeune homme naïf, sensible, qui aimerait encore croire à l’amour qu’on lui porte • (DOS PASSOS?) Manhattan Transfer, 1925 Conclusion: • Roman d’une grande modernité pour son époque (les années 20): la ville prise comme personnage principal. • Il retrace le développement de la ville de New York, l’anonymat qu’elle apporte, à travers le destin de plusieurs individus (secondaires) • « Quand la littérature s’intéresse à l’ architecture, le regard du romancier côtoie celui de l’urbaniste… » Une histoire dont une audace d’architecte est l’héroïne Simon MAWER, Le Palais de verre, 2013 Simon MAWER (1948) écrivain britannique Fils et petit-fils de militaires de la Royal air Force Enfant, a souvent déménagé (en Angleterre, à Chypre et à Malte) d’où une passion pour l’exil et la Méditerranée. A 8 ans, mis en pension dans le Somerset contre son gré.. Études supérieures à Oxford. Enseigne la biologie dans les îles anglo-normandes en Écosse et à Malte. Ne commence à écrire qu’après 40 ans. Auteur de 8 romans dont • Le Nain de Mendel • L’Évangile selon Judas Le Palais de verre, 2013 Simon MAWER 1. Le roman, véritable bonheur pour les amateurs d’architecture moderniste autant que de littérature. • Superbe fresque relatant sur 60 années le destin d’une demeure d’exception et des êtres qui l’habitent • Dans la Tchécoslovaquie des années 1930, l’audacieux architecte Rainer von Abt, amoureux fou du bois, du verre et du béton esquisse les plans d’un habitat révolutionnaire pour Liesel et Viktor LANDAUER (juif), de la haute-bourgeoisie de l’entre-deux guerres. • Une maison contemporaine, toute en transparence, conçue comme une œuvre d’art totale et se voulant un mode de vie en soi: ligne, dépouillement, domination dur la ville. (foi de ses propriétaires dans le XX è siècle). • Le Palais de verre:, maison transparente, lumineuse et aérienne: véritable héroïne du roman… Le Palais de verre, 2013 2. Le Palais de verre: des intentions nationalistes et un destin tragique au travers le fil des générations de locataires. - Investissement de la maison par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale (laboratoire de biométrie faciale) - Occupation de la villa par les Russes. - Après la guerre: Centre de rééducation gouvernemental pour enfants atteints de polio. - 1968 »Le Printemps de Prague » - 1970: projet de musée. -1990, République fédérative tchèque et Slovaque. - 1993, République tchèque. Le Palais de verre, 2013 3. Le Palais de verre porte en lui une intime et fatale fêlure: un mur d’onyx (cœur organique et flamboyant) Dans ce cocon transparent où l’érotisme est omniprésent, c’est aussi l’Amour lui-même qui est représenté: - l’amour conjugal et ses aléas -l’amour maternel, inconditionnel - l’amour adultère et ses trahisons - l’amour romantique et sa pureté - l’amitié et ses transgressions « Chaque être humain est, avant tout, dramatiquement plongé dans le tourbillon de sa propre vie, quel qu’en soit le contexte » Le Palais de verre, 2013 Conclusion • Le roman de Simon MAWER: • d’abord peinture saisissante de la nouvelle société tchécoslovaque des années 1930, ivre de réussite et d’épanouissement. • Reprise de son panache dans l’après-guerre, à l’issue des turpitudes de son histoire. • Mais avertissement au lecteur: « comme l’Histoire, les trajectoires personnelles se répètent… » Mais le Palais de verre existe! La Villa TUGENDHAT, 1930 Située à BRNO, en République tchèque. Simon MAWER s’en est inspirée La villa TUGENDHAT: un exemple de construction fonctionnaliste (classée en 2001 au patrimoine de l’UNESCO) Exemple du style international dans le mouvement moderne en architecture européenne des années 1920. Villa construite par le célèbre architecte fonctionnaliste Ludwig MIESE van den ROHE (un des pères de l’architecture moderne) pour Fritz TUGENDHAT, juif, industriel (usines textiles à Brno) La Villa TUGENDHAT, 1930 Matériaux: • Ossature du bâtiment et mobilier en acier • Matériaux exotiques: onyx de l’Atlas marocain, travertin italien, palissandre ou ébène. Espace • Suppression de la notion de pièces séparées • Remplacement des murs classiques par des vitres géantes. La Villa TUGENDHAT, 1830 Destin: • 1938, fuite des propriétaires(TUGENDHAT) devant l’occupation nazie (Suisse et Vénézuéla) • Seconde guerre mondiale: occupation de la villa par les Allemands (bureau d’études des usines Messerschmitt) • 1944-1945, Villa occupée par les Russes (pillage) • 1955, Villa devient propriété de l’Etat (Centre de rééducation pour enfants) • 1963, Villa proclamée monument culturel (restauration) • 1993, Rencontre à la Villa de Valclav KLAUS, Premier Ministres tchèque et Vladimir MECIAR, Premier ministre slovaque: mise au point de la division de la Tchécoslovaquie. Les années insulaires ou les années Pompidou Philippe LE GUILLOU, Les Années insulaires, 2014 Philippe LE GUILLOU (1959) Écrivain intimiste et classique « La retenue en dit plus que le verbiage… » • • Né au Faou (Finistère) Enfance dans les Côtes d’Armor jusqu’en 1968 puis à Morlaix. • 1977, Baccalauréat puis classes préparatoires au lycée Chateaubriand de Rennes. • 1980-1981, Mémoire de Maîtrise sur La Voie royale d’A.Malraux. • Professeur de Lettres à Brest puis à Rennes. • • 1995, Inspecteur pédagogique régional, 2002, Inspecteur Général de l’Éducation nationale Responsable d’un séminaire à Sciences Po • Philippe LE GUILLOU (1959) Quelques œuvres Romans • 1993, Le Passage de l’Aulne (autobiographie des années d’études en Bretagne) • 2001,Le roi dort • 2003, Les marées du Faou (autobiographie de l’enfance en Bretagne) • 2007, Le Déjeuner des bords de Loire suivi de « Monsieur Gracq » (Rencontres avec J.Gracq) • 2010, Le bateau brume • 2014, Les années insulaires Essais • 1991, Julien Gracq. Fragments d’un visage scriptural. • 1996, L’Inventeur du royaume. Pour célébrer Malraux • 2002 Chateaubriand et la Bretagne • 2010, Stèles à De Gaulle « Les années Pompidou »: le contexte historique… • Années 1970, Georges Pompidou, Président de la V ème République, successeur du Général de Gaule et amateur d’art. • Son rêve: un centre d’art et de culture en plein Paris (un creuset de création) • Destruction nécessaire: le marché des Halles et les pavillons Baltard (fer, fonte et verre) • Opposition farouche d’une association « Les Insulaires », « enfermés dans une île assiégée par une modernité » « Les années Pompidou », 1970 • Conscient, déterminé malgré les nombreuses réactions, « Le prince des modernes » crée, en 1977, un centre national d’art et de culture dit « Centre Beaubourg » • S’y côtoient les arts plastiques, les livres, le design, la musique et le cinéma. • Beaubourg, un vaisseau du futur, du mouvement, un temple du modernisme où l’art est en perpétuelle évolution…. Les Années insulaires, 2014 Philippe LE GUILLOU • Paris au début des années 1970: destruction des pavillons Baltard L’ancien ventre de Paris, un immense chantier. • Révolte des « Insulaires », hostiles à cette défiguration urbaine; • Deux personnages centraux: - Le peintre KERROS (imaginé), hostile au projet mais fasciné et intimidé par la volonté du Président qu’il fréquente. - G.POMPIDOU, « Le prince des Modernes », touché par la peinture de KERROS Les Années insulaires, 2014 Philippe LE GUILLOU • Les Années insulaires: le roman des années Pompidou (1969-1974) • Le ressort du roman: - un affrontement entre les Anciens et les Modernes. - le dialogue imaginaire de deux hommes épris d’art et de beauté. Message du roman: « La dure loi du progrès qui toujours balaie ceux qui refusent de changer : la nostalgie du passé ne porte aucune promesse d’avenir… »