Messieurs les Ministres, - Ordre des Experts
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Messieurs les Ministres, - Ordre des Experts
Discours d’investiture de Philippe Arraou Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs, les parlementaires, Mesdames, Messieurs, les hautes personnalités, Mesdames, Messieurs, les présidents, Chères consœurs, Chers confrères, Chers Amis, C’est un moment de grande émotion pour moi. Emotion de prendre la parole ici au siège de l’UNESCO, dans cette salle mythique où se prennent des décisions historiques pour notre planète et que la France peut être fière d’accueillir. C’est un symbole très fort pour moi, j’y reviendrai. Emotion pour la solennité de l’évènement et votre présence en témoigne. Emotion devant le nombre que vous êtes. Je suis particulièrement touché par la présence de 37 confrères venus de l’étranger, dont 11 présidents d’instituts nationaux ou internationaux ! Etre avec nous ce soir témoigne de leur attachement à la profession française. Permettez-moi aussi d’y voir un témoignage d’amitié personnelle qui me va droit au cœur. Mes premiers mots vont à Joseph Zorgniotti. Mon Cher Joseph, je tiens à te remercier, au nom de la profession, pour le magnifique travail que tu as réalisé, à la tête de notre institution. Tu auras marqué l’histoire de l’Ordre des experts-comptables en conduisant des réformes réglementaires d’une dimension inédite et qui changeront, à jamais, notre périmètre et notre rôle auprès des entreprises. Pour avoir partagé ton quotidien depuis une bonne dizaine d’années et te connaître intimement, je peux en témoigner : ces réformes, nécessaires à la modernisation de notre exercice, à notre adaptation aux mutations en cours, à la relève des défis auxquels nous faisons face, tu les auras menées d’une main de maître, toujours armé de ta force de caractère, de ton pouvoir de conviction, mais aussi de ta grande habilité dans la négociation. Joseph, bravo et merci ! Il mérite à nouveau vos applaudissements. Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 Pourquoi ai-je voulu organiser la cérémonie de passation de la présidence du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables ici, au siège de l’UNESCO, l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture, ce qui peut surprendre. A y regarder de plus près, les champs de l’expertise comptable et ceux de l’UNESCO ne sont pas si éloignés. Je pense qu’au contraire, ils se recoupent en plusieurs points. Le plus évident, c’est évidemment la dimension internationale, qui est l’identité de l’UNESCO et qui est de plus en plus prégnante au sein de notre propre profession, comme en témoigne la présence des confrères étrangers ce soir. L’UNESCO a été fondée en 1945 sur le constat, évident au lendemain de la seconde guerre mondiale mais malheureusement toujours d’actualité, que les paramètres politiques et économiques n’étaient pas suffisants pour construire une paix durable. Celle-ci ne peut s’établir que sur le fondement d’une solidarité intellectuelle et morale. Il s’agit d’une approche globale de la paix. Cette approche est comparable à celle de notre profession auprès des entreprises pour construire avec elles une économie durable dans tous les pays du monde. Les experts-comptables sont des acteurs majeurs du développement économique, et contribuent, à leur niveau, à la construction de cette paix sur la terre que nous appelons tous de nos vœux. Cette approche globale enfin, repose sur des valeurs fondamentales : • • • dans une économie globalisée où les sociétés sont interconnectées, le dialogue est une nécessité vitale ; dans un monde incertain, notre avenir ne dépend pas seulement de nos ressources primaires ou de notre capital économique, mais de notre capacité à comprendre et à anticiper les mutations ; face à l’essor d’Internet et à l’émergence d’une économie créative et d’une société du savoir, la participation active de chacun d’entre nous à ce nouvel espace public est une condition nécessaire au développement et à la paix. Dialogue, capital humain, responsabilité individuelle… sont des valeurs bien connues par les experts-comptables qui exercent leurs missions dans le respect d’une éthique. Depuis sa création, cette approche globale, cette intuition fondatrice de l’UNESCO, ont été confortées par l’essor et la diffusion de concepts tels que le développement durable ou la responsabilité sociale et environnementale des organisations, sujets qui nous animent également. Au-delà de l’accompagnement comptable, fiscal, social, administratif, etc de nos clients … les experts-comptables sont aussi concernés par la dimension « sociétale » des entreprises. A ce titre, notre capacité à fournir des informations non financières est devenue Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 un véritable enjeu pour notre profession. Le temps est venu pour les experts comptables de sortir des limites de l’information financière et d’accompagner globalement les entreprises, pour tous leurs besoins. Notre profession jouit, pour ce faire, d’un très grand nombre d’atouts. Nous sommes déjà présents au cœur des entreprises et sommes de fait leur principal conseiller. Notre expertise est renforcée par notre déontologie, notre indépendance, nos normes d’exercice, notre contrôle de qualité, notre responsabilité professionnelle, qui sont autant de garanties apportées à nos clients. L’accompagnement global, le « full service », voilà l’enjeu, de notre profession pour répondre aux besoins des entreprises, et notamment des plus petites, et pour participer au développement de notre économie nationale. La mandature dans laquelle s’inscrit ma présidence, est déjà totalement engagée dans cette direction. Les réformes que nous avons conduites et dont quelques-unes restent encore à parachever, doivent nous permettre de jouer à jeu égal avec nos homologues étrangers, dans un marché européen des services qui s’adresse à plus de 20 millions d’entreprises et à un demi-milliard d’habitants. Et nous, experts-comptables français, avec nos caractéristiques de profession libérale réglementée, nous devons, nous allons, y prendre toute notre place. Ceci implique que personne, qu’aucun cabinet de notre pays, ne reste sur le bord du chemin, et que tous prennent le chemin de l’évolution. C’est notre responsabilité d’élus de la profession d’engager les réformes pour ouvrir la voie. Ensuite vient le temps de la mise en œuvre par les cabinets qui doivent s’approprier ces réformes : nous y sommes ! Pour accompagner cette évolution collective, je vais proposer au Conseil supérieur de s’engager sur deux axes de travail pour les deux années à venir : le numérique et la communication. Notre profession est directement concernée par le numérique, et a certainement été pionnière en la matière. Notre capacité à investir totalement le champ de l’accompagnement global de l’entreprise passera par notre capacité à enrichir notre offre de services, au-delà de nos missions comptables traditionnelles, même si celles-ci restent indubitablement notre socle. La révolution numérique nous aide en cela car elle nous permet d’ouvrir nos perspectives et de nous concentrer sur le développement de nos missions de conseils. Ce n’est donc évidemment pas un hasard si le thème de notre congrès cette année sera : « L’expertcomptable numérique ». Les enjeux posés par le Cloud, par l’émergence du travail en réseau, par l’identification, par la signature électronique, par des notions aussi essentielles aujourd’hui que le « tiers de confiance »… y seront décortiqués, rendus accessibles et mis à profit de chacun. Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 J’ai eu l’honneur d’ouvrir une voie en 2012 en qualité de rapporteur du congrès en ayant choisi le thème « l’expert-comptable entrepreneur » afin de pousser chaque cabinet à une démarche entrepreneuriale, ce qui est assez révolutionnaire pour une profession libérale : stratégie d’entreprise, positionnement sur le marché, marque, offres de services, marketing, capital humain, développement des missions et des marchés, nouveaux modes d’organisation… Le Conseil supérieur travaille ardemment sur l’évolution des cabinets depuis 3 ans et ce congrès 2015 sur le numérique sera l’apothéose de ce très vaste chantier qui engage toute la profession. L’autre chantier sur lequel je souhaite m’engager sera celui de la communication. Il n’est pas question que notre profession réglementée devienne une jungle et les expertscomptables peuvent compter sur leurs élus du Conseil supérieur pour veiller au respect de nos règles déontologiques. Pour autant, nous nous devons d’évoluer et d’intégrer, chacun à notre niveau, les techniques modernes de communication, même pour nos missions les plus traditionnelles. Le Conseil supérieur va mettre un fort accent sur le marketing des cabinets afin de garantir une pratique homogène sur l’ensemble du territoire. Il en va du « fairesavoir » de notre profession, et par conséquent de notre capacité à valoriser nos missions et à mieux servir les entreprises. Par ailleurs notre profession doit intégrer dans son système de valeurs les nouvelles règles propres au démarchage, voulues par notre législateur. Le Conseil supérieur et avec lui les Conseils régionaux, seront particulièrement vigilants. Nous avons vu ces derniers temps des comportements que l’on peut qualifier d’excessifs qui n’ont pas leur place dans une profession comme la nôtre. Entre une communication active et dynamique et un démarchage commercial irrespectueux de la confraternité, il y a un fossé que nous ne franchirons pas ! Je veillerai personnellement à ce que ce changement dans notre déontologie n’outrepasse pas les limites de nos valeurs fondamentales qui ont fait jusqu’à ce jour la force et l’honorabilité de notre profession. Par ailleurs, le Conseil supérieur va intensifier sa communication externe, afin de bien identifier la pleine implication de la profession dans la société. Le ministre nous a invités à la fin de son discours au Congrès de Lyon à lui faire des propositions. Aujourd’hui, nous relevons le défi et nous nous engageons à présenter prochainement les propositions que nous, experts-comptables, pensons opportunes pour l’économie française. Pour ce faire je vais engager toute la profession dans une mobilisation générale afin de repérer les « success stories » de notre économie française et de témoigner. Nous identifierons les bons modèles et vous proposerons d’en faire des mesures pour les généraliser. Le projet sera lancé dès la semaine prochaine, et à la sortie de cette salle un petit gadget vous sera remis pour commencer à assembler vos idées : EURECA, les experts-comptables ont des idées ! Dernier point, notre périmètre d’intervention. Si le chantier engagé depuis 6 ans avec Joseph a porté ses fruits, je considère pour autant qu’il n’est pas clos. Il est un domaine sur lequel je Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 souhaite engager la profession, une terre de mission où nous avons beaucoup à faire : le secteur des collectivités publiques. Si nos compétences professionnelles et nos règles déontologiques sont utiles aux entreprises et aux associations en leur apportant de la sécurité, elles peuvent l’être tout autant pour les collectivités. J’en suis convaincu ! Qu’il s’agisse de comptabilité publique, de missions d’aide à la gestion des collectivités ou d’accompagnement, notre profession, par sa dimension d’intérêt général, par son caractère réglementé, par sa déontologie, par son indépendance… peut jouer un rôle vertueux au service du secteur public. Cette particularité de l’expertise comptable à la française, profession constituée d’acteurs privés obéissant à une logique de marché pour servir au mieux ses clients, mais soumise à des considérations d’intérêt général … bref, cette « French touch », comme un trait d’union entre les sphères publiques et privées, loin d’être ringarde, est au contraire un formidable modèle de compromis qui intéresse les pouvoirs publics de nombreux Etats dans le monde aujourd’hui. Ceci m’amène à la dimension internationale de notre profession, point commun évident avec l’UNESCO qui nous accueille ce soir. Avant de poursuivre, je tiens à mettre à l’honneur les instituts étrangers qui me font l’amitié et l’immense plaisir d’être avec nous ce soir et que je vais inviter à me rejoindre sur scène. • • • • • • • • • • le président tchèque de la Fédération européenne des experts-comptables (FEE), Monsieur Petr KRIZ ; le président allemand de la Fédération européenne des experts-comptables et auditeurs de PME (EFAA), Monsieur Bodo RICHARDT ; le président sénégalais de la Fédération internationale des experts-comptables francophones (FIDEF), Monsieur Mamour FALL ; le président marocain de la Fédération des experts-comptables méditerranéens (FCM), Monsieur Samir AGOUMI ; le président de la Bundessteuerberaterkammer d’Allemagne, Monsieur Horst VINKEN ; le président du Consiglio Nazionale dei Dottori Commercialisti e degli Esperti Contabili d’Italie, Monsieur Gerardo LONGOBARDI ; le président du Consejo General de Economistas de España, Monsieur Valenti PICH ; le président de l’Institut des experts-comptables de Belgique (IEC) Monsieur Benoit VANDERSTICHELEN Le président de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises de Belgique (IRE) Monsieur Daniel KROES le président de l’Ordre des experts-comptables du Maroc, Monsieur Mohamed EL QUOTORBI Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 • • • • la vice-présidente de la Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas du Portugal (OTOC), Madame Filomena FELGUEIRAS ; La secrétaire générale du Corps des experts-comptables de Roumanie, (CECCAR), Madame Daniela VULCAN La secrétaire générale adjointe des experts-comptables de Hollande (NBA) Madame Door VAN LEEUWEN Le directeur des affaires internationales de l’institut britannique ACCA, Monsieur Pino MESSINA Je vous demande de les applaudir chaleureusement. Nous savons bien que depuis le traité de Rome en 1957, l’Union européenne avance sur le chemin de l’harmonisation. Si d’autres professions ont pu faire l’objet d’une réglementation unique, et notamment celle de l’audit, Cher Denis, sous la forme d’une Directive sectorielle, celle de l’expertise comptable a été impossible à harmoniser jusque-là du fait de la diversité extrême de notre profession d’un Etat à l’autre. La Commission européenne ne peut se contenter de cette situation, y voyant un frein à l’objectif du marché unique reposant sur la libre circulation. Nous sommes dans l’attente de son analyse des justifications produites par chaque Etat sur l’utilité de la réglementation pour le marché. Nous entendons bien contribuer à ce débat : l’Europe c’est nous ! Nous sommes européens de conviction et nous croyons fermement à l’impérieuse nécessité de construction de ce marché unique dans l’intérêt bien compris des économies de chacun des Etats qui le composent. Faisons notre le projet européen. Appuyons nous sur ce qui tire notre profession vers le haut : son indépendance, sa déontologie, sa compétence. Ces valeurs fondamentales ne sont pas négociables. Par contre, nous devons être assez intelligents pour les projeter dans la modernité de notre société d’aujourd’hui, et les faire vivre dans un cadre peut-être un peu différent. Le statu quo national n’est pas une option pour la construction européenne. Engageons-nous pleinement dans cette réforme : agir pour ne pas subir. Je le disais à l’occasion de notre dernier Congrès, à Lyon : l’Europe et son économie ont besoin d’une approche plus globale, plus dynamique et plus proactive de notre profession. Il nous appartient de démontrer que nous savons prendre des positions ensemble, entre professionnels des divers Etats de l’Union, sur des sujets qui touchent à la vie quotidienne de nos clients et notamment des TPE et PME qui constituent l’essentiel du tissu économique de notre continent. Cela concerne la comptabilité. Cela concerne la fiscalité aussi, sujet majeur sur lequel la profession est totalement engagée, et sur lequel les pouvoirs publics ont besoin de nous, de notre professionnalisme et de nos règles d’éthique. Je suis heureux de vous annoncer que le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables a engagé un travail de réflexion européenne sur la fiscalité avec ses homologues allemands Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 et italiens, la Bundessteuerberater Kammer et le Consiglio Nazionale dei Dottori Commercialisti i deglo Revisori contabili, dans le cadre d’un accord signé aujourd’hui même, ici à Paris dans les locaux du Conseil supérieur, il y a à peine deux heures. Cette initiative est appelée à s’étendre à toute l’Europe. Nous nous donnons deux objectifs : d’une part nous voulons construire l’Europe de la profession fiscale, mais d’autre part nous voulons également élaborer des propositions de convergence fiscale au sein de l’Union. Peut-on parler de marché unique quand les règles fiscales restent l’apanage des Etats, et qu’une véritable concurrence est engagée entre eux afin d’attirer les investissements étrangers ? Nous ne pouvons nous contenter de la situation actuelle, qui n’est qu’une étape provisoire de la construction européenne. Les partis politiques, tous confondus, sont dramatiquement muets sur le sujet. Aidons-les ! Apportons notre pierre à l’édifice, dans une démarche citoyenne et constructive. Ce faisant, vous verrez que nous aimerons l’Europe. La France avec son modèle historique d’équilibre entre la libre concurrence et l’intérêt général, entre le privé et le public, a certainement un rôle à jouer à l’échelle européenne et internationale. La qualité de l’expertise comptable « à la française » est aujourd’hui mondialement reconnue, et notre institution, le Conseil supérieur de l’ordre, exporte aujourd’hui notre savoir-faire dans de très nombreux pays du monde, sur tous les continents. Loin de moi l’idée de pousser un cocorico. Mais je suis heureux de constater au cours de mes nombreux voyages que nos exigences françaises sont généralement partagées, malgré les différences culturelles et historiques de chacun. Les professions comptables de tous pays se retrouvent dans la définition d’un haut degré de qualification, dans le suivi d’un référentiel déontologique et normatif exigeant, dans le bon fonctionnement d’un contrôle de qualité, dans la capacité d’exercer conjointement l’expertise comptable et le commissariat aux comptes. Il convient de trouver les points d’harmonie, les points d’équilibre qui permettront de construire un projet européen et international en tirant vers le haut, et en évitant la politique du moins-disant et du plus petit dénominateur commun. Soyons exigeants, soyons ambitieux ! Je propose à mes consœurs et confrères européens ici présents de retrouver ensemble l’esprit originel de la construction européenne, celui qui a animé les pères fondateurs, non seulement les français, Robert Schumann et Jean Monnet bien sûr, mais aussi Conrad Adenauer, Alcide de Gasperi, Paul-Henri Spaak et bien d’autres. La devise de l’Union européenne est « Unis dans la diversité ». Donnons de la valeur à nos différences et convertissons-les en forces. Des forces sur lesquelles nous pourrons bâtir un édifice: l’Europe de l’expertise comptable. Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015 Vous pouvez compter sur moi ! Je vous remercie. Cérémonie de passation de pouvoir – Unesco – 12 mars 2015