le prêt de main d`œuvre depuis la loi du 28 juillet 2011

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le prêt de main d`œuvre depuis la loi du 28 juillet 2011
DOSSIER /
LE PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE
DEPUIS LA LOI DU 28 JUILLET 2011
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N°34
L’ACTUALITÉ DU DROIT SOCIAL COLLECTIF ET INDIVIDUEL
MARS
AVRIL
2012
LES NOUVELLES DU
DROIT SOCIAL EN BREF
Méconnaissance par l’employeur du délai d’envoi des invitations à
négocier le protocole préélectoral : conséquences
Le Code du travail énonce que l’invitation des syndicats à négocier le protocole
préélectoral est effectuée un mois avant l’expiration du mandat des représentants du
personnel en exercice (art. L. 2314-3 CT).
Pourtant, la Cour de cassation affirme que la méconnaissance par l’employeur de ce
délai ne peut être une cause d’annulation du protocole préélectoral. De plus, la loi ne
fixant aucun délai entre l’invitation qui doit être adressée aux syndicats et la date de
réunion de la négociation du protocole préélectoral, la chambre sociale précise que
cette invitation doit être effectuée “en temps utile”.
Dès lors, le syndicat ayant reçu la lettre l’invitant à négocier le protocole préélectoral
seulement le 12 janvier pour préparer la négociation qui débutait le 20 janvier, a bénéficié d’un délai raisonnable.
Cass.soc., 25 janvier 2012, n° 11-60093
Evaluation et mandat syndical
Le Code du travail interdit à l’employeur
de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une
activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du
travail, de formation professionnelle,
d’avancement, de rémunération et d’octroi
d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail
(art. L. 2141-5 CT). A défaut, l’employeur se
rend coupable de discrimination syndicale.
Dès lors, la fiche d’évaluation d’un salarié
qui fait mention d’une disponibilité réduite
en raison des fonctions syndicales fait
présumer une discrimination.
Cass.soc., 11 janvier 2012, n° 10-16655
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P2
LES NOUVELLES DU
DROIT SOCIAL EN BREF
Liste commune et représentant
syndical au CE
Dans les entreprises de 300 salariés
et plus, une organisation syndicale ne peut
désigner un représentant syndical au CE
que si elle a au moins deux élus au sein
du comité (art. L. 2324-2 CT). Désormais, en
cas de constitution d’une liste commune
pour les élections au comité d’entreprise
ou d’établissement, un représentant
syndical peut être désigné d’un commun
accord entre les syndicats ayant présenté
cette liste, dès lors que le nombre d’élus
de la liste est au moins égal à deux.
Cass.soc., 31 janvier 2012, n° 11-11856
LES RENCONTRES
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Attention, le nombre de places est limité.
Plan de départ volontaire et plan
de reclassement
La loi prévoit que l’employeur qui
projette un licenciement collectif de 10
salariés ou plus dans une même période
de 30 jours dans les entreprises de 50
salariés et plus, est tenu d’établir un PSE
et doit y intégrer un plan de reclassement
des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. Il est également acquis que
l’employeur qui, pour des raisons économiques, entend supprimer des emplois en
concluant avec les salariés intéressés
des accords de rupture amiable (dits de
« départs volontaires ») est tenu d’établir
un PSE incluant un plan de reclassement
lorsque les conditions précédentes sont
remplies.
En revanche, lorsque l’employeur
propose un plan de départ volontaire à
ses salariés, il est dispensé de mettre
en place un plan de reclassement
lorsqu’aucun licenciement économique
n’est envisagé.
Néanmoins, si l’employeur n’a
effectivement envisagé aucun licenciement mais que son projet implique la
suppression des emplois de salariés qui
ne peuvent ou ne veulent pas bénéficier
du plan de volontariat, il est contraint
d’élaborer un plan de reclassement.
Cass.soc., 25 janvier 2012, n° 10-23.516
Réforme des visites de reprise
Le gouvernement a modifié les règles
applicables en matière de visite de
reprise en cas de maladie ou d’accident,
réduisant gravement la protection des
salariés malades.
A compter du 1er juillet 2012,
l’employeur a l’obligation d’organiser une
visite médicale de reprise :
comme auparavant en cas de congé
maternité ou de maladie professionnelle,
sans durée d’absence particulière ;
en cas d’accident du travail du salarié
dès lors qu’il a été absent au moins 30
jours contre 8 actuellement ;
en cas d’accident ou de maladie non
professionnelle du salarié dès lors qu’il a
été absent au moins 30 jours contre 21
jours actuellement ;
en cas d’absences répétées, la visite
médicale de reprise est supprimée.
Décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P3
DOSSIER
LE PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE
DEPUIS LA LOI DU 28 JUILLET 2011
Les entreprises confrontées à un besoin ponctuel de salariés peuvent avoir recours au
prêt de main-d’œuvre. Pourtant, initialement, et c’est toujours la règle de principe, la loi
a interdit les opérations de prêts de main-d’œuvre. En effet, le recours au prêt de main
d’œuvre est souvent utilisé par des employeurs afin d’échapper à leurs obligations.
Toutefois, une évolution récente tend à autoriser
certaines opérations de prêt de main d’œuvre. La
motivation de ces évolutions, somme toute classique, est que les entreprises ont besoin de plus de
souplesse et de flexibilité et doivent alors pouvoir
externaliser l’emploi. La transformation des modes de production
dans les entreprises a généré une externalisation de l’activité
provoquant une forte mobilité du personnel notamment dans les
groupes qui recourent de plus en plus au prêt de main d’œuvre.
La crise aurait par ailleurs amplifié ce phénomène.
T
Il faut surtout rappeler que l’externalisation de l’emploi permet
à l’utilisateur de se soustraire légalement à de nombreuses obligations notamment en matière d’embauche et de licenciement.
l’article L. 8231-1 du Code du travail relatif au marchandage et
l’article L. 8241-1 relatif au prêt illicite de main-d’œuvre.
Après plusieurs nouvelles tentatives de réforme du prêt de
main d’œuvre à but non lucratif, c’est la loi Cherpion sur « le
développement de l’alternance et la sécurisation des parcours
professionnels » du 28 juillet 2011 qui a aménagé les dispositions
relatives au prêt de main d’œuvre. Ces dispositions intéressent
à la fois les relations entre les deux entreprises mais aménagent
également le statut du salarié
« prêté ». La loi de 2011 prévoit
aussi de nombreuses dispositions qui intéressent particulièrement les représentants du
personnel.
Le législateur a alors modifié les deux dispositions particulières qui encadraient et limitaient ces opérations de prêt de
main d’œuvre. Il s’agit de la loi du 25 juin 2008 qui a modifié
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P4
DOSSIER / LE PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE DEPUIS LA LOI DU 28 JUILLET 2011
1
LES CONDITIONS DE LICÉITÉ DU PRÊT
DE MAIN D’ŒUVRE
Il faut garder à l’esprit que les opérations de prêt de main
d’œuvre, qui constituent une forme d’externalisation de
l’emploi, présentent un risque important d’évitement du droit
du travail et d’atteinte aux droits des salariés prêtés.
Ce recours a de la main d’œuvre extérieure doit alors être
strictement encadré ce que ne permettent pas suffisamment
les nouvelles dispositions.
distingue pour l’essentiel deux types de prêt de main d’œuvre :
le prêt de main d’œuvre à but lucratif qui est interdit et le prêt de
main d’œuvre à but non lucratif qui est autorisé.
Toute opération de prêt de main d’œuvre à but lucratif est
donc interdite dès lors qu’elle n’a pas d’autre objet que la mise
à disposition de personnels (art. L. 8241-1 CT). On parlera alors
d’opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main
d’œuvre. Il existe toutefois une première exception notable à
cette règle. Les opérations ayant pour objet exclusif le prêt de
main d’œuvre à but lucratif sont en effet considérées comme
licites pour les entreprises de travail temporaire et de travail à
temps partagé ou en cas de portage salarial (art. L. 8241-1, 1° CT).
A- LES PRÊTS DE MAIN D’ŒUVRE AUTORISÉS
Le prêt de main d’œuvre est un contrat par lequel un employeur (le préteur) met temporairement un ou plusieurs de ses
salariés à la disposition d’un autre employeur (l’utilisateur). Ces
contrats sont le plus souvent maquillés en contrats d’entreprise,
contrats de sous-traitance ou de prestation de service. Le ou les
salariés ainsi prêtés doivent alors réaliser une tache ou un objet
particulier pour le compte de l’utilisateur. Il n’y a ni rupture ni
transfert du contrat de travail initial, l’employeur du salarié reste
l’entreprise prêteuse.
Le droit français interdit par principe le prêt de main d’œuvre. En
effet, il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui peuvent
être l’objet de convention ou de contrat (art. 1128 du Code civil). Le
droit du travail a fait sien ce principe et interdit de se constituer
intermédiaire entre un employeur et un salarié (art. L. 8231-1 CT).
Pour autant, le législateur a prévu des exceptions à ce principe et
De plus, les opérations à but lucratif n’ayant pas pour objet
exclusif le prêt de main d’œuvre sont autorisées à condition de
ne pas causer un préjudice au salarié ou d’éluder les dispositions
légales et les dispositions des conventions et accords collectifs
de travail (art. L. 8231-1 CT). Le caractère non exclusif signifie que
l’opération de prêt de main-d’œuvre est la conséquence nécessaire
de la réalisation d’une autre prestation.
Enfin, le prêt de main d’œuvre à but non lucratif est licite
(art. L. 8241-2 CT).
Les opérations de prêt de main d’œuvre dès lors qu’elles
sont autorisées ne doivent pas revêtir un caractère fictif. Pour
distinguer les opérations fictives, le juge s’appuie sur différents indices tels que l’objet du contrat de mise à disposition,
l’encadrement des salariés prêtés, la fourniture de matériel et le
mode de rémunération. Autrement dit, dès lors que les critères
d’un contrat de travail seront caractérisés entre le salarié prêté et
l’entreprise utilisatrice, l’opération sera fictive et, partant, le prêt
de main d’œuvre sera illicite.
B- BUT LUCRATIF ET BUT NON LUCRATIF
La licéité des opérations de prêt de main d’œuvre est déterminée par le caractère lucratif ou non lucratif de ces dernières.
Pourtant, il n’existait pas de définition légale du but lucratif et non
lucratif jusqu’à la loi du 28 juillet 2011. En effet, en matière de prêt
de main d’œuvre, toute la difficulté consiste à déterminer quels
éléments de coût peuvent être refacturés sans que l’opération
soit suspectée de poursuivre un but lucratif. La question qui se
posait était donc de savoir si la refacturation devait se limiter
strictement à la rémunération du salarié et aux charges sociales
ou si elle devait prendre en compte des frais de gestion du
personnel mis à disposition. Si des frais de gestion devait être
refacturés, jusqu’à quel niveau étaient-ils acceptables pour ne
pas donner un caractère lucratif à l’opération ?
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P5
DOSSIER / LE PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE DEPUIS LA LOI DU 28 JUILLET 2011
La chambre criminelle de la Cour de cassation avait alors
caractérisé une opération à but lucratif comme une opération
« qui peut consister au profit de l’utilisateur ou du préteur de maind’œuvre en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire » (Cass. crim.,
20 mars 2007, n° 05-85253). Pouvait dès lors être facturés le
montant des salaires et des charges sociales mais la question
était plus discutée s’agissant des coûts de gestion résultant
de la mise à disposition. Coté utilisateur, il restait également
à déterminer si le but lucratif pouvait résulter des économies
réalisées par l’emprunteur : celle-ci était-elle assimilable à un
gain pécuniaire ?
Il semblait alors admis que la refacturation du seul coût salarial était satisfaisante, mais cette solution a été remise en cause
par l’arrêt John Deere. Dans cet arrêt (Cass.soc., 18 mai 2011,
n° 09-69175), la Cour de cassation a reproché à une société utilisatrice de n’assumer aucun frais de gestion de personnel. Pour la
chambre sociale, de ce fait, l’utilisatrice réalisait une économie,
donc un profit financier caractérisant le but lucratif de l’opération.
La loi (art. L. 8241-1 al.3 CT) pose désormais une définition mais
seulement du but non lucratif d’une opération de prêt de maind’œuvre : « une opération de prêt de main d’œuvre ne poursuit pas un but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture
à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les
salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les
frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise
à disposition ». L’intervention de ce cavalier législatif sonne le glas
de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a été contestée par
certains en ce qu’elle constituerait un frein à la mobilité des salariés
et, par conséquent, pourrait nuire à l’emploi. Il semble d’ailleurs que
ce soit l’arrêt John Deere rendu par la Cour de cassation le 18 mai
2011 qui ait précipité cette évolution législative.
La loi de juillet 2011 met donc en cause cette décision
puisqu’elle affirme qu’une stricte facturation du coût salarial protégera désormais l’opération. Toutefois, la rédaction de
l’article L. 8241-1 modifié par la loi de 2011 ne règle pas toutes les
questions. En effet, on peut s’interroger sur le caractère limitatif
des prévisions légales. De plus, le texte ne définit pas l’opération
à but lucratif. Il est donc nécessaire d’interpréter cette disposition
a contrario, avec toutes les incertitudes que cela comporte. En
définissant ce qui est autorisé, la loi laisse une grande marge de
manœuvre au juge pour qualifier ce qui est interdit, si bien que
l’on peut espérer que la qualification d’opération à but lucratif
soit appréciée de manière étendue. Enfin, on peut regretter que
la définition posée ne s’intéresse qu’à l’attitude de l’entreprise
prêteuse. Peu importe semble-t-il la flexibilité ou l’avantage qu’en
retire la société emprunteur dans la qualification du but lucratif
ou non lucratif de l’opération.
C- SANCTIONS
Le prêt de main-d’œuvre illicite est sanctionné pénalement
par une peine d’emprisonnement de 2 ans et une amende de
30 000€ (art. L. 8243-1 CT). Les personnes morales peuvent être
déclarées responsables pénalement des infractions de marchandage et de prêt illicite de main-d’œuvre et peuvent se voir
punies d’une amende de 150 000 € et de peines complémentaires (art. L. 8234-2 et L. 8243-2 CT).
Si en plus le personnel mis à disposition subit un préjudice
parce que l’opération élude l’application des dispositions de la loi,
de règlements ou de conventions ou accords collectifs de travail,
le délit de marchandage sera constitué (art. L. 8231-1 CT). Ce délit
est également punit par une peine d’emprisonnement de 2 ans
et une amende de 30 000€ (art. L. 8234-1 CT). L’existence d’un
tel préjudice résultera le plus souvent de ce que le personnel
mis à disposition ne bénéficie pas des mêmes avantages que
les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. Il faudra donc
comparer le statut des salariés « prêtés » par le sous-traitant
et celui des salariés du donneur d’ordre. Si un préjudice est
constaté, le salarié pourra en demander réparation devant le
conseil de prud’hommes ou en se constituant partie civile devant
les tribunaux répressifs à l’encontre des deux entreprises.
L’infraction de marchandage et/ou de prêt illicite de maind’œuvre peut être constatée par l’inspecteur du travail dans un
procès verbal.
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P6
DOSSIER / LE PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE DEPUIS LA LOI DU 28 JUILLET 2011
L’article L. 8233-1 du Code du travail dispose qu’en cas de prêt
de main-d’œuvre illicite, les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes actions en faveur d’un
salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.
Enfin, le prêt de main-d’œuvre illicite et la violation des
dispositions légales relatives au travail temporaire, en diminuant la possibilité d’embauche de travailleurs permanents, sont
de nature à causer à la profession représentée par le syndicat
demandeur un préjudice matériel et moral distinct de celui subi
personnellement par le salarié (Cass. crim., 15 nov. 1983, n° 82-94092).
2
LE RÉGIME JURIDIQUE DU PRÊT DE
MAIN D’ŒUVRE LICITE ISSUE DE LA
LOI CHERPION
Les prêts de main-d’œuvre bouleversent l’ordonnancement
traditionnel des relations de travail. En effet, ces opérations
constituent des relations juridiques triangulaires ou tripartites de travail puisqu’il existe 3 acteurs : une entreprise
prêteuse, une entreprise utilisatrice et un salarié « prêté ».
La loi de 2011 a modifié les règles applicables afin d’aménager
ces relations d’un type particulier. L’article L. 8241-2 du Code
du travail a été complété par non moins de 13 alinéas.
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A- RELATION TRIPARTITE
Jusqu’à l’intervention de la loi de juillet 2011, les opérations de
mise à disposition faisaient généralement l’objet d’une convention
tripartite conclue entre l’entreprise prêteuse, l’entreprise utilisatrice et le salarié mis à disposition. C’était donc un seul document qui fixait les conditions de la mise à disposition entre les
3 parties. Désormais, prenant modèle sur les dispositions relatives à une opération de mise à disposition particulière qu’est le
recours à l’intérim et reprenant l’ANI du 8 juillet 2009, la loi prévoit
l’obligation de conclure, d’une part, une convention de mise à
disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice
et, d’autre part, un avenant au contrat de travail entre le salarié
mis à disposition et l’entreprise prêteuse.
1- Convention de mise à disposition
L’article L. 8241-2 alinéa 3, 2° du Code du travail prévoit que
la convention de mise à disposition conclue entre les 2 entreprises doit définir :
l’identité du salarié : les conventions sont donc nominatives. Il
n’est pas possible d’établir une convention applicable à plusieurs salariés.
la qualification du salarié
la durée de la mise à disposition : les conventions de mise à
disposition ne peuvent donc a priori qu’avoir une durée déterminée. En revanche, le terme peut être certain ou incertain.
Reste entière la question de savoir si une même convention
peut prévoir plusieurs périodes de mise à disposition espacées
dans le temps ou s’il est nécessaire de conclure une nouvelle
convention à chaque mise à disposition du même salarié auprès
de la même entreprise utilisatrice pour la même mission.
le mode de détermination des salaires, des charges sociales
et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice. Les frais de gestion ne pouvant être, a priori, refacturés dans
la mesure où les dispositions prévues par la loi sont limitatives.
2- Avenant au contrat de travail
Le 3° de l’alinéa 3 de l’article L. 8241-2 du Code du travail
énonce que l’avenant au contrat de travail doit préciser :
le travail confié au salarié dans l’entreprise utilisatrice
les horaires
le lieu d’exécution
les caractéristiques particulières du poste de travail
s’il existe ou non une période probatoire, sa durée et ses modalités
En revanche, rien n’est prévu s’agissant de la durée et du
terme de la mise à disposition (par opposition au contrat de
travail temporaire).
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P7
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La loi de juillet 2011 met
l’accent sur l’obligation
de recueillir le consentement
du salarié.
n° 02-14680). L’article L. 8241-2 al.3 1° du Code du travail prévoit
que le prêt de main-d’œuvre requiert l’accord du salarié. Cet
accord est formalisé par la signature de l’avenant au contrat
de travail. La loi insiste donc sur la possibilité pout tout salarié
de refuser de faire l’objet d’une mise à disposition et rappelle
que le salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet
de mesures discriminatoires en cas de refus (art. L. 8241-2 al.6 CT).
3- articulation convention de mise à disposition et
avenant au contrat de travail
Auparavant, la mise à disposition d’un salarié ne devait
faire l’objet d’un avenant que lorsque cette opération avait
pour conséquence une modification du contrat de travail dudit
salarié. En effet, la mise à disposition d’un salarié ne constitue
pas en soi une modification du contrat de travail (Cass.soc., 1er avril
2003, n° 02-14680). Toutefois, dès lors que cette mise à disposition entrainait une modification du lieu de travail au sens d’une
modification du contrat de travail (hors secteur géographique
en l’absence de clause de mobilité) ou que la rémunération, la
durée de travail ou les fonctions du salarié étaient modifiées,
l’opération de mise à disposition nécessitait l’accord du salarié
et partant la conclusion d’un avenant au contrat de travail.
Désormais, la conclusion d’un avenant au contrat est systématique, peu importe que le contrat de travail du salarié concerné
soit modifié ou non.
On peut regretter le caractère lacunaire de la loi s’agissant
de la rupture de la mise à disposition (qu’il s’agisse de la rupture
de la convention de mise à disposition ou de l’avenant) et de
l’articulation entre les 2 conventions. Par exemple, en cas de
rupture de la convention entre les deux employeurs, le salarié
pourra–t-il refuser un retour à son poste de travail originaire ?
Si la mise à disposition a pour conséquence une modification
de son contrat de travail, il est en droit de refuser une nouvelle
modification de son contrat de travail. Et puisqu’il y a eu signature d’un avenant à son contrat qui a nécessairement une nature
contractuelle, ne peut-il pas exiger la poursuite de la mise à
disposition ?
Les réponses à ces questions devront nécessairement être
déterminées par la jurisprudence.
B- RELATIONS INDIVIDUELLES
La qualification de modification du contrat de travail du salarié
à la suite d’une mise à disposition conserve un intérêt puisque la
loi de 2011 impose en pareille hypothèse la mise en œuvre d’une
période probatoire. Il appartient alors aux parties de prévoir sa
durée et un éventuel délai de prévenance pour y mettre fin.
Une période probatoire, à la différence d’une période d’essai,
n’a pas pour effet de permettre, notamment à l’employeur, de
rompre le contrat de travail mais seulement de mettre fin à
l’opération de mise à disposition, sans motif. Ainsi, lorsque
l’entreprise prêteuse ou le salarié concerné décide de mettre fin
à la mise à disposition pendant la période probatoire, le contrat
de travail initial du salarié n’est pas rompu, et le salarié doit réintégrer son poste de travail. Toutefois, l’article L. 8241-2 alinéa 12
du Code du travail prévoit que la cessation de la mise à disposition
pendant la période probatoire peut constituer un motif de sanction
ou de licenciement en cas de faute grave du salarié.
Quid en revanche de la convention de mise à disposition ?
Est-elle aussi rompue ? La réponse doit être positive puisque
cette convention est nominative.
La loi de juillet 2011 met l’accent sur l’obligation de recueillir
le consentement du salarié qui fait l’objet d’une mise à disposition alors qu’auparavant la jurisprudence considérait qu’elle
pouvait en principe être imposée au salarié (Cass.soc. 1er avril 2003,
1- Statut du salarié pendant la mise à disposition
La loi (art. L. 8241-2 al. 5 et 8 CT) prévoit désormais que :
« Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de
travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu
ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de
l’entreprise prêteuse » ;
« Il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail
dans l’entreprise prêteuse » ;
« Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et
moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de
l’entreprise utilisatrice ».
S’agissant du pouvoir disciplinaire, l’employeur du salarié
prêté reste l’employeur d’origine même si la prestation de travail
du salarié est effectuée au service de l’entreprise utilisatrice.
L’utilisateur oriente le travail du salarié, lui donne des directives
et contrôle le travail réalisé. Mais il ne peut exercer son pouvoir
disciplinaire que sur ses propres salariés. Le salarié prêté est
toutefois soumis aux dispositions du règlement intérieur de
l’entreprise d’accueil, mais en cas de non respect des dispositions, c’est l’employeur d’origine qui doit prononcer une éventuelle sanction.
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En matière d’hygiène et sécurité, ce sont les dispositions
relatives au travail temporaire qui sont applicables (art. L. 1251-21
à L. 1251-24 CT). Ainsi, l’entreprise utilisatrice est responsable
des conditions d’exécution du travail lesquelles comprennent
la santé et la sécurité au travail. Le salarié prêté doit respecter
les dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité prévues
par le règlement intérieur. Les obligations relatives à la médecine du travail relèvent de l’entreprise utilisatrice, sauf exception. Les équipements de protection individuelle sont fournis par
l’entreprise d’accueil, sauf exception. Le salarié ne doit jamais
subir la charge financière de ces équipements. Enfin, est prévu
l’accès aux installations collectives de l’entreprise d’accueil par
le salarié prêté.
En matière d’hygiène
et sécurité, ce sont les
dispositions relatives au
travail temporaire qui sont
applicables.
On peut relever que contrairement aux dispositions relatives aux intérimaires, rien n’est prévu s’agissant de l’égalité de
traitement et, en particulier, de l’égalité salariale. En matière de
travail temporaire, le contrat de mise à disposition doit comporter
l’indication du montant de la rémunération y compris « les primes
et accessoires de salaire que percevrait dans l’entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant le même
poste de travail » (art. L. 1251-42 CT) dont on connaît déjà les difficultés de mise en œuvre. Enfin, il est important de préciser que
la question de l’égalité de traitement sera difficile à appréhender
puisque les salariés relèvent en pareille hypothèse d’employeurs
différents, et que partant, leur situation n’est par définition pas
identique.
2- Fin de la mise à disposition
« A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son
poste de travail dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution
de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la
période de prêt » (art. L. 8241-2 al.4 CT) : le texte vise expressément le poste de travail et non l’emploi ou un emploi équivalent.
Cette exigence ne sera pas sans poser difficultés lorsque le prêt
sera de longue durée et que l’entreprise d’origine aura dû, entre
temps, se réorganiser.
La loi ne fait pas mention des modifications de rémunération dans l’entreprise d’origine surtout en ce qui concerne les
augmentations collectives.
C- RELATIONS COLLECTIVES
1- Rôle des représentants du personnel dans
l’entreprise prêteuse
« Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du
personnel de l’entreprise prêteuse sont consultés préalablement
à la mise en œuvre d’un prêt de main-d’œuvre et informés des
différentes conventions signées » (art. L. 8241-2 al.9 CT). La consultation peut être postérieure à la signature de la convention dans
la mesure où elle a trait à la mise en œuvre du prêt. De plus, la
consultation du CE parait concerner un prêt nominatif (utilisation
du singulier dans le texte) et non le recours général au prêt de
main-d’œuvre.
« Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
de l’entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé
dans l’entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure
sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la
santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa
de l’article L. 4154-2 » (art. L. 8241-2 al.10 CT).
2- Rôle des représentants du personnel dans
l’entreprise utilisatrice
« Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du
personnel de l’entreprise utilisatrice sont informés et consultés
préalablement à l’accueil de salariés mis à la disposition de
celle-ci dans le cadre de prêts de main-d’œuvre » (art. L. 8241-2
al.11 CT). L’information et la consultation sont ici préalables mais
elles paraissent pouvoir être globales et concerner une pluralité
de salariés (information/consultation sur le principe du recours et
non à chaque accueil de salariés prêtés).
De plus, l’employeur de l’entreprise utilisatrice doit informer
le comité d’entreprise, dans le cadre de l’information annuelle
(art. L. 2323-47 et R. 2323-9 CT relatifs au rapport annuel dans les entreprises de moins de 300 salariés) ou trimestrielle (art. L. 2323-51 et R.
2323-10 relatifs à l’information trimestrielle dans les entreprises de plus de
300 salariés), du nombre de salariés appartenant à une entreprise
extérieure.
S’agissant des activités sociales et culturelles, elles peuvent
être ouvertes aux travailleurs extérieurs du moment qu’ils ne
sont pas majoritaires. En revanche, il y a égalité d’accès aux
moyens collectifs de transport et de restauration.
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P9
DOSSIER / LE PRÊT DE MAIN D’ŒUVRE DEPUIS LA LOI DU 28 JUILLET 2011
En effet, l’article L. 1251-24 du Code du travail relatif au
travail temporaire est applicable au prêt de main-d’œuvre. Cet
article prévoit le remboursement des dépenses supplémentaires
qui incombent au CE en cas d’accès aux installations collectives et notamment de restauration, dès lors qu’elles sont gérées
par le CE. Ces modalités de remboursement sont définies dans
le contrat de mise à disposition. Par ailleurs, le CE ne peut
refuser l’accès aux installations collectives aux salariés extérieurs à l’entreprise sous peine de commettre une discrimination
(Cass.soc., 21 nov. 1990, n° 89-13056).
Enfin, il est de la compétence des délégués du personnel
de l’entreprise d’accueil de présenter les réclamations des salariés prêtés intéressant les conditions d’exécution du travail qui
relèvent du chef d’établissement, ainsi que les réclamations en
matière de rémunération, de conditions de travail et d’accès aux
moyens de transport collectifs et aux installations collectives
(art. L. 2313-3 à L. 2313-5 CT). Les délégués du personnel de
l’entreprise d’accueil ont par ailleurs un droit d’accès aux contrats
de mise à disposition. De même, le CHSCT a pour mission de
contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de
la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa
disposition par une entreprise extérieure (art. L. 4612-1 CT).
au CHSCT, rappelons qu’il n’existe aucune condition particulière pour être candidat au CHSCT. L’administration avait eu
l’occasion de préciser que les critères à privilégier sont la bonne
connaissance des travaux effectués dans l’entreprise, ainsi que
l’aptitude à l’étude et à l’analyse des problèmes de conditions
de travail et de prévention des risques professionnels (Circ. DRT
93-15, 25 mars 1993).
être désigné DS dans l’entreprise utilisatrice sous condition de
pouvoir y être éligible et d’avoir obtenu au moins 10% des voix
aux élections professionnelles bien que l’hypothèse semble
peu probable.
La mise à disposition ne peut avoir pour effet de mettre fin au
mandat du salarié qu’il a obtenu dans son entreprise d’origine.
En revanche, si le salarié prêté a été élu par exemple délégué
du personnel dans l’entreprise d’accueil, son mandat prendra
fin à l’issue de la mise à disposition en raison de la perte des
conditions requises pour l’éligibilité (art. L. 2314-26 CT). Toutefois,
la protection attachée à son mandat continue de produire effet
dans les conditions prévues à l’article L. 2411-5 du Code du
travail à savoir pendant 6 mois suivant l’expiration du mandat.
A noter également que le salarié qui a demandé l’organisation
des élections ou qui y a été candidat est protégé pendant 6 mois
(art. L. 2411-6 et L. 2411-7 CT).
3 – Prise en compte du mandat du salarié prêté
« La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un
salarié en vertu d’un mandat représentatif » (art. L. 8241-2 al.7 CT).
Rappelons tout d’abord que le salarié prêté peut soit :
être élu ou désigné représentant du personnel dans son entreprise d’origine
être élu DP dans l’entreprise d’accueil dès lors que le salarié mis
à disposition est compté dans l’effectif de l’entreprise d’accueil
et qu’il y travaille depuis 24 mois continus (art. L. 2341-18-1 CT).
être élu membre du CHSCT. Bien que rien ne soit prévu
concernant la possibilité d’être élu représentant du personnel
Pour conclure, il faut rappeler que la loi du 20 août 2008
portant rénovation de la démocratie sociale a aménagé les
conditions de prise en compte dans l’effectif et de participation
aux élections professionnelles des salariés mis à disposition (voir
lettre aux CE n°18 janvier/février 2009).
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N°34 MARS - AVRIL 2012 - P10
LES FORMATIONS JDS
er
DU 1 SEMESTRE
Niveau I
POSER LES BASES
Représenter les salariés au CE : missions économiques, activités
sociales et culturelles, fonctionnement, moyens
Niveau II
POUR UN CE ACTIF ET EFFICACE
La gestion du CE (en collaboration avec un Cabinet d’expertscomptables)
Comptabilité générale et analyse financière (animée par un Cabinet
d’experts-comptables)
Niveau III
POUR ALLER PLUS LOIN
Le CE face aux restructurations
Les éléments juridiques pour peser sur le processus
Le rôle du CE à l’annonce d’une restructuration
Le rôle du CE dans la phase d’examen du plan de licenciements
L’épargne salariale (animée par un Cabinet d’experts-comptables)
La santé au travail
DE L’INDIVIDUEL AU COLLECTIF
La formation professionnelle
Le logement
Le salaire
Les seniors
Intervenir dans la politique de l’entreprise (1/2 journée)
Conseiller et accompagner : le point sur la retraite de base
Le CE face aux restructurations
Conseiller les salariés : restructuration et mobilités
Le chômage partiel
Faire respecter les limites du pouvoir disciplinaire
La rupture du CDI : Notions, actualités et stratégies
La rupture conventionnelle
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