Good Morning Business

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Good Morning Business
Source : BFM BUSINESS
Date : February 08, 2012
Good Morning Business :
Interview Chris Viehbacher, Directeur Général de Sanofi
Stéphane Soumier : Chris Viehbacher, le patron de SANOFI qui est donc avec nous. Bonjour
Chris Viehbacher.
Chris Viehbacher : Bonjour Stéphane.
Stéphane Soumier : Et merci beaucoup d’être avec nous. Alors, je vous le dis, ça va vous
embêter et je le dis comme ça, ça va être assez compliqué, parce qu’on cherche toujours un
petit peu la petite bête, et avec vous il n’y a pas de petite bête, Chris Viehbacher…
Chris Viehbacher : Désolé.
Stéphane Soumier : Non, mais voilà, et puis je le dis comme je le pense, c'est-à-dire que
vous êtes venu nous voir dès le début, d’ailleurs, il y a trois ans, je crois que vous n’avez pas
changé une ligne au plan que vous aviez mis en place, il y a trois ans, Chris Viehbacher.
Chris Viehbacher : Moi, je trouve que le plan marche, donc, il n’y avait pas de raison de
changer. Ce qui est différent dans notre métier, on peut regarder dans les distances, les
problèmes, mais ce qui est un problème également, ça demande beaucoup de temps de
changer. On est une industrie extrêmement réglementée, donc changer, ce n'est pas évident,
et surtout dans une organisation de plus de 100 000 personnes, mais à l’époque, il y avait 25
% du chiffre d’affaires menacés par les génériques, et la moitié des bénéfices. Donc, moi je
suis content de dire : mais non, aujourd'hui, même dans la « dernière année de la falaise »,
je pense que l’on est bien positionné pour sortir de notre situation, et commencer la période
de croissance.
Stéphane Soumier : Donc, il faut expliquer cette falaise, pour ceux qui ne sont pas dans
l’industrie de la pharmacie, c'était la falaise des brevets, c'est-à-dire, comme vous l’aviez dit,
c’était du jour en lendemain, enfin, c'est sur trois ans que ça s’étendait, 50 % de vos
bénéfices allaient disparaitre, parce que ces médicament allaient être copiés.
Chris Viehbacher : Regardons Plavix. Plavix est aujourd'hui le plus grand médicament au
monde, après la chute du brevet du Lipitor. Ça fait 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, au
niveau mondial, aux Etats-Unis le brevet va chuter à mi-mai, et en trois mois, nous allons
perdre 90 % du chiffre d’affaires de Plavix. Donc c'est pourquoi on appelle ça la falaise.
Stéphane Soumier : La falaise de brevets, « Cliff pattern ». Mais là où… moi je trouve ça,
enfin, c'est presque une leçon pour l’ensemble de ceux qui essaient de comprendre comment
marchent les entreprises. Vous vous êtes dit : eh bien, il va y avoir des génériques, je vais
devenir le meilleur dans les génériques.
Chris Viehbacher : Eh bien, il y a un certain nombre de choses qu’il faut accepter, on
souhaite les choses autrement, mais bon, on accepte la situation et là on cherche des
réserves de croissance. Et il y avait des réserves de croissance dans les pays émergents, et
surtout là il y a les génériques, il y a l’OTC, vous avez tout à l'heure parlé de l’importance de
la marque. Je crois beaucoup aux marques.
Stéphane Soumier : Là aussi, il faut expliquer : OTC « Over the counter », c'est les
médicaments que l’on va consommer nous-mêmes sans ordonnance.
Chris Viehbacher : Oui, c'est ça. Par exemple…
Stéphane Soumier : Consommation.
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Date : February 08, 2012
Chris Viehbacher : … c'est disponible avec ou sans ordonnance. Il y a des médicaments
comme Maalox. Aux Etats-Unis il y avait un médicament contre les allergies, qui s’appelle
Allegra, qui était jusqu’en 2011 un médicament de prescription. Ils nous ont obtenu le statut
« non prescription » et c'est comme ça que nous avons acheté la société CHATTEM, en 2009,
pour avoir une plateforme pour commercialiser cette marque sur le marché américain. Et le
pari que nous avons fait, c’est qu’on peut faire aussi bien que les grandes sociétés en santé
grand public et nous avons lancé l’année dernière Allegra, avec un grand succès, en 3
semaines il a pris la 2ème position, on vise déjà la 1ère position sur le marché américain.
Stéphane Soumier : Ça veut dire qu’il faut faire du commerce.
Chris Viehbacher : Oui.
Stéphane Soumier : SANOFI doit faire du commerce.
Chris Viehbacher : Oui. Il ne faut pas oublier le client, et dans notre industrie, on est
beaucoup plus focalisé sur les technologies, sur les produits, on a oublié les clients. Et ce que
j’aime avec l’OTC, avec la santé grand public, on a un client, et ça c'est important aussi, en
interne, pour notre culture.
Stéphane Soumier : Et là, vous gagnez dans les deux sens, c'est-à-dire que vous avez…
Alors, il faut développer des capacités commerciales, des forces commerciales, a priori ce
n'est pas le métier de SANOFI quand même, mais vous avez le label qui rassure, c'est-à-dire
le label laboratoire.
Chris Viehbacher : Eh bien, surtout, ce que j’ai cherché, c'est une croissance durable. Dans
notre métier, c'est bien d’avoir les médicaments brevetés, le problème, c’est que le brevet a
une vie limitée, 10 ans, 11 ans, à peu près. Bon, vous avez une belle vie quand vous avez un
médicament breveté, mais un jour, l’histoire va être terminée. Avec l’OTC il y a des marques
qui durent, vous avez parlé d’aspirine, quand on regarde Doliprane, c'est une marque qui
existe depuis des décennies, Allegra également. Nous avons acheté CHATTEM aux Etats-Unis,
qui existe depuis 140 ans, ça s’appelle la croissance durable.
Stéphane Soumier : Jusqu’où on va dans la grande consommation, comme ça ? Chris
VIEHBACHER, quand il regarde SANOFI dans 15 ans, il voit SANOFI vendre des yaourts qui
améliorent le transit intestinal, à un moment ou un autre ?
Chris Viehbacher : Eh bien je dois dire que c’était un peu ambitieux, il y a trois ans, parce
que franchement, on n’avait pas grand-chose, il y avait un produit ici, un produit là. Mais,
entre temps nous avons fait des acquisitions aux Etats-Unis, en Inde et en Chine et on est
devenu l’une des 5 meilleures sociétés en OTC aujourd'hui.
Stéphane Soumier : Oui mais vous allez transformer, d’une certaine manière, la façon dont
nous on regarde SANOFI, et à un moment on va peut-être en demander un peu plus à
SANOFI, que du médicament. Peut-être que l’on va aller chercher SANOFI, non plus
seulement à la pharmacie mais quelque part dans les rayons des grands distributeurs.
Chris Viehbacher : La question stratégique, c'est quoi exactement notre métier ? Est-ce que
notre métier est simplement fournir les comprimés ou est-ce que notre métier est d’aider un
patient ? Parce que si on prend la vision d’un patient, on peut proposer un certain nombre de
choses. Si on prend le diabète, par exemple, il y a trois ans, on était une société qui vendait
Lantus, qui est la meilleure marque dans l’insuline. Mais notre objectif n'est pas simplement
fournir l’insuline, mon autre objectif est de dire : qu’est-ce qu’on peut faire pour aider un
patient avec du diabète. Si on prend le Brésil par exemple, là il n’y a pas d’assurance maladie,
les patients…
Stéphane Soumier : Au Brésil.
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Date : February 08, 2012
Chris Viehbacher : Au Brésil, les gens, les patients, ils doivent payer eux-mêmes. Nous
avons crée un paquet de soins, donc on achète une boîte, il y a l’insuline, il y a des
bandelettes pour les appareils de glucose. On met un médicament contre l’hypertension,
contre le cholestérol et tout ça est pour un prix fixe. Mais c’est pour, en fait, soigner un
patient et c’est adapté à ce patient. Donc ça, c’est la transformation si vous voulez, et comme
ça on peut imaginer une offre de soins et pas simplement un médicament. On fait ça un peu
partout dans le monde, chaque pays un peu différemment parce que la culture et la santé
sont très liées mais ça ouvre beaucoup d’opportunités et dans le business, ce qu’il faut faire
c’est chercher des réserves de croissance.
Stéphane Soumier : Chez nous, société développée, il y a une nouvelle falaise quand
même. C’est ce que j’ai envie d’appeler la falaise de la rigueur, la falaise qui va faire en sorte
que l’ensemble des sociétés développées vont réduire les frais de santé et vont réduire
justement la façon dont ils subventionnent les frais de santé. Comment est-ce que vous
affrontez ça ?
Chris Viehbacher : Justement c’est pourquoi en fait santé grand public, santé animale,
même vaccins sont très importants parce qu’ils ne sont pas remboursés par le gouvernement.
Il est clair que les gouvernements, tous, surtout en Europe, ont des problèmes de déficit.
Donc si on peut développer les business dans les pays émergents, on n’est pas dans le
business du remboursement par les gouvernements donc il faut baisser. Aujourd'hui à peu
près 50 % de notre chiffre d’affaires est remboursé par le gouvernement mais 50 % ne l’est
pas, donc…. Mais en même temps, l’autre chose qu’il faut faire, c’est miser sur la recherche
sur les médicaments qui sont nettement meilleurs que les médicaments existants. La barre
pour avoir le remboursement de nouveaux médicaments est très élevée maintenant, et donc
ce que j’aime avec un notre scenario aujourd'hui, c’est avec une perspective d’une croissance
durable, nous pouvons continuer à investir dans la recherche et développement. On ne met
pas tout dans la recherche et le développement mais on peut être extrêmement exigeant
parce qu’on ne dépend pas de ça et comme ça, on peut vraiment investir dans les qualités de
recherche qui va sortir des médicaments qui sont meilleurs que ceux qui sont sur le marché
et comme ça, j’espère gagner le remboursement du gouvernement, même en Europe.
Stéphane Soumier : 50 % aujourd'hui remboursé par le gouvernement, de votre chiffre
d’affaires. C’est vraiment une falaise, c’est une autre falaise. Il y a la falaise des brevets et la
falaise…
Chris Viehbacher : C’est principalement en Europe et à peu près 50 % des médicaments
aux Etats-Unis sont remboursés soit par Medicare ou d’autres agences du gouvernement.
Stéphane Soumier : Et donc ça, c’est la stratégie de biotech, c’est la stratégie GENZYME qui
va vous permettre justement d’aller passer cette barre de l’efficacité qui seule ouvrira la porte
des remboursements gouvernementaux.
Chris Viehbacher : Les biotechnologies sont extrêmement importantes parce qu’il y a
beaucoup de savoir-faire. En fait, toutes les plateformes de croissance, on va chercher des
business avec une barrière d’entrée quelque part. Ça peut être une marque, ça peut être un
investissement en capital, ça peut être un savoir-faire. Si vous prenez les vaccins, nous
sommes très forts en France dans les vaccins. Moi je crois que dans cinquante ans, on aura
toujours des emplois en France pour les vaccins. Pourquoi ? Parce qu’il y a un savoir-faire. Si
vous prenez – j’espère que vous prenez chaque année le vaccin contre la grippe saisonnier.
Ça, c’est une technologie qui date de cinquante ans mais il n’y a que trois fabricants de ce
vaccin parce qu’il y a le savoir-faire et c’est ça qui protège un business et trouver des
barrières d’entrée.
Stéphane Soumier : Chris Viehbacher, en 2012 l’ensemble des cabinets spécialisés nous
disent : « SANOFI sera le numéro un mondial de la pharma. »
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Date : February 08, 2012
Chris Viehbacher : Ce serait bien, ça c’est des autres cabinets. Nous, pour nous c’est
important d’avoir la croissance durable. C’est bien d’être numéro un mais moi, je cherche un
avenir qui est beaucoup plus stable et beaucoup plus prévisible.
Stéphane Soumier : Et vous l’avez, là, cet avenir ? Vous êtes passé au-dessus de
l’ensemble des falaises et vous avez le sentiment là, après trois ans et demi, c’est ça ? à la
tête de SANOFI ?
Chris Viehbacher : Oui.
Stéphane Soumier : D’avoir construit maintenant un truc qui vous donne une croissance
durable et prévisible ?
Chris Viehbacher : Il y avait beaucoup de travail, les derniers trois ans effectivement, mais
moi je suis très content avec SANOFI. Cette année ce sera quand même difficile. On va
perdre des brevets mais je pense que SANOFI est bien positionné pour la période après la
falaise. Par exemple si on prend les brevets, c’est ça qui est la menace pour nous. A partir de
2013, uniquement 6 % de notre chiffre d’affaires est breveté aux Etats-Unis, en Europe, au
Japon, donc on a quasiment le risque de brevets le plus bas dans l’industrie pharmaceutique
et si on regarde nos plateformes de croissance qui sont maintenant deux tiers de notre chiffre
d’affaires, qui seront en fait 80 % de notre chiffre d’affaires vers 2015, on voit qu’ils sont en
croissance de deux chiffres.
Stéphane Soumier : Toute dernière question, je précise qu’il est huit heures mais voilà, on
va en profiter encore deux minutes, 23 milliards d’euros sur une vingtaine d’acquisitions, c’est
à peu près ça qui a transformé le groupe.
Chris Viehbacher : Oui.
Stéphane Soumier : Il faut que ça marche ensemble, Chris Viehbacher. C’est ça peut-être le
défi de 2012, 2013, 2014.
Chris Viehbacher : Mais ce que nous avons fait avec les acquisitions, c’est, je pense, créer la
valeur parce que nous avons professionnalisé encore plus des cibles.
Stéphane Soumier : Oui, il faut que ça marche ensemble.
Chris Viehbacher : Oui, mais si on prend GENZYME, toute l’année 2011 a été focalisée sur
GENZYME. Bon, le pari était de dire : « Ok, on a pu acheter cette société pour un prix
convenable mais c’est parce que c’était en difficulté en termes de production », donc la valeur
qui est créée c’est parce que nous pourrons remettre en forme la production. Et on vient
d’avoir la nouvelle usine approuvée par l’agence européenne et l’agence américaine, et donc
moi je suis confiant qu’on peut ré-établir GENZYME comme un moteur de croissance à
l’intérieur de SANOFI. Mais c’est ça qu’on fait si on prend nos acquisitions en Inde, des
acquisitions en Chine. Il y a une force à l’intérieur de SANOFI qui peut en fait aider d’autres
business en créant de la valeur. Dans notre – vous avez remarqué, il y a des acquisitions
récemment, 11 milliards pour des sociétés qui n’ont pas de chiffre d’affaires, pas de
bénéfices. Ça, ce n’est pas notre stratégie. Notre stratégie, c’est d’acheter des sociétés qui
peuvent en fait apporter une vraie valeur à SANOFI.
Stéphane Soumier : Merci Chris Viehbacher. Merci beaucoup d’être venu nous voir ce matin.
Chris Viehbacher : Merci à vous.
Stéphane Soumier : Le patron de SANOFI sur BFM Business.
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