LA GRANDE GUERRE_UN TEMPS D`ACCULTURATION
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LA GRANDE GUERRE_UN TEMPS D`ACCULTURATION
LA GRANDE GUERRE : UN TEMPS D’ACCULTURATION SPORTIVE DE LA POPULATION FRANÇAISE EN GUERRE (1914-1919) Introduction : Cadre théorique de l’acculturation sportive de la population française pendant la Première Guerre mondiale Dans leur Memorandum for the Study of Acculturation1, Melville J. Herskovits, Ralph Linton et Robert Redfield constatent une transformation accrue des sociétés quand les individus qui la composent sont confrontés à une culture extérieure de façon directe et continue. L’exemple invoqué est la colonisation qui impose aux populations autochtones l’acceptation de traits d’une culture extérieure. Dans le cadre du cours, nous allons identifier dans les documentaires visionnés les indices (les facteurs) responsables des transformations culturo-sportives intervenues pendant la Première Guerre mondiale au sein de la population française. L’objectif est d’identifier les ruptures et les continuités dans l’évolution de la culture d’un groupe (la population française en guerre, les civils et soldats de la zone des armées) sur une période donnée (1914-1919). I.1 L’acculturation : définition et adaptation Fin XIXe, début XXe siècle, l’acculturation est envisagée comme une étude descriptive qui désigne des phénomènes de contacts et d’interpénétration entre cultures différentes 2. Dans cette perspective, elle se focalise sur l’étude des changements culturels liés à l’entrecroisement de cultures. De façon pragmatique, l’acculturation s’intéresse donc au produit de l’interaction d’individus porteurs de cultures différentes. La culture n’est en fait qu’une abstraction ; ce ne sont pas les cultures qui entrent en contact mais les individus3. Suivant ce postulat du contact interindividuel, M. J. Herskovits, principal théoricien du concept d’acculturation, le définit en 1936, comme « l’ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l’un ou des autres groupes »4. 1 Robert Redfield, Ralph Linton, Melville J. Herskovits, « Memorandum for the Study of Acculturation », in American Anthropologist, Blackwell Publishing, Vol. 38, n° 1, 1936, pp. 149-152. http://www.jstor.org/stable/662563, consulté le 16 octobre 2009. 2 Roger Bastide, « Acculturation », in Encyclopœdia Universalis, Paris, Encyclopœdia Universalis, 1985, Vol. 1, (2ème édition), pp. 104-109. 3 Denys Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte, 2004 (1ère édition 1996), p. 50. 4 Robert Redfield, Ralph Linton, Melville J. Herskovits, 1936, op.cit., p. 149. Populations et pratiques concernées par l’acculturation : Adapté à notre objet d’étude, le transfert concerne donc des pratiques sportives familières aux Français. Il s’opère entre deux groupes qui entrent en contact sur le front Ouest, c’est-à-dire entre les soldats alliés (le groupe donneur) qui possèdent une culture sportive basée sur les sports de compétition et la population française (le groupe receveur) qui possède quant à elle une culture sportive traditionnelle basée principalement sur la gymnastique patriotique5. Modélisation de l’acculturation sportive des Français pendant la Première Guerre mondiale I.2 Il existe sur plusieurs catégories de contacts. Tout d’abord, les contacts primaires entre groupe ‘donneur’ et groupe ‘receveur’. Il s’agit là de contacts directs du groupe ‘receveur’ avec la culture exogène. Ceux-ci s’inscrivent dans la durée ; condition indispensable au transfert culturel. Ensuite, les contacts symboliques représentés par l’ensemble des moyens de médiatisation de masse de la culture du groupe ‘donneur’ et qui atteignent le groupe ‘receveur’. Enfin, les contacts avec les membres de l’en-groupe à l’intérieur du groupe ‘receveur’. Il s’agit là de membres précurseurs appartenant au groupe ‘récepteur’ qui ont intégré les traits de la culture du groupe ‘donneur’ avant l’acculturation de masse de la culture autochtone. De leur dynamisme dépend l’intensité de l’acculturation. On peut donc identifier une acculturation endogène et exogène ; interne et externe à la population Française. 5 Cf. Chapitre 1 sur la culture sportive française avant la Première Guerre mondiale : « Le football-association en 1914 : un sport en marge de la culture sportive de la population française ». Contexte : La Première Guerre mondiale Groupe donneur : Les soldatssportifs alliés Contacts primaires : Interpénétration Groupe récepteur : La population française L’en-groupe : Sportifs français d’avant-guerre Contacts symboliques : Communication de masse (la presse) Figure 1 : Mécanismes des contacts de l’acculturation sportive des Français pendant la Première Guerre mondiale La Première Guerre mondiale, un moment culturel et sportif L’acculturation sportive de la population française n’a pas commencé pendant la Guerre. Cependant, c’est bien elle qui en a accéléré la progression au point d’engendrer une rupture avec le modèle culturel d’avant-guerre. En favorisant l’entrée en contact des Français, civils et militaires, avec les soldats-sportifs alliés et les sportsmen français d’avant-guerre, le front Ouest de la Grande Guerre s’impose en effet comme un creuset interculturel et sportif propice aux transferts culturels. En l’occurrence, la Grande Guerre place la France et les Français dans une conjoncture à la fois inédite et idéale pour le développement du sport. Inédite, car pour la première fois les hommes de France se trouvent réunis dans un même espace-temps, et idéale, car la France accueille des millions de passeurs culturels qui procèdent à l’éducation sportive des Français. Au terme de l’analyse, il est désormais possible de dire que la diffusion du football dans l’armée, sa démocratisation à l’arrière du front, sa légitimation dans la presse, le renforcement de sa dimension internationale, sa reconnaissance de construit de la virilité moderne et son implantation dans les villages de la zone des armées prouvent que la Première Guerre mondiale est bien le lieu d’une acculturation sportive de la population française. Première Guerre mondiale : un creuset interculturel et sportif responsable de l’accélération de la dynamique d’évolution culturelle Diffusion dans l’armée Développement dans les villes de garnison Modèle culturel et sportif du groupe de culture native Groupe donneur Contacts primaires : Interpénétration Groupe récepteur Ruralisation dans la zone des armées L’en-groupe Renforcement de la dimension internationale Contacts symboliques : Communication de masse Avant Contact Médiatisation (légitimation) Mécanismes des contacts de l’acculturation sportive des Français pendant la Première Guerre mondiale Ruptures Changement de modèle culturel et sportif pour le groupe acculturé Construction de la masculinité sportive en guerre Résultats des contacts sur le sport des français Figure 2 : Modélisation de l’acculturation sportive en guerre Après Contact