Analyser une image mobile (cinéma) - Collège Pierre Et Marie Curie

Transcription

Analyser une image mobile (cinéma) - Collège Pierre Et Marie Curie
L’interprétation découle des informations sur l’image et de la description que l’on en fait, exactement comme
lorsqu’on étudie un texte littéraire.
Il convient d’organiser l’interprétation, en allant du plus évident au moins évident, et en regroupant les éléments qui vont dans le même sens. Par exemple, pour le portrait de Napoléon, on peut analyser ensemble la
déformation des perspectives, le non-respect des proportions, la légère contre-plongée et les dimensions du
tableau, pour montrer que dans ce portrait, Napoléon, encore jeune et au début de son ascension vers le pouvoir absolu, cherche à se grandir aux yeux du spectateur.
La fonction de l’image
Une image peut avoir différentes fonctions :
– descriptive et narrative : portrait, nature morte, paysage, scène de genre (voir le tableau de Bruegel cidessous), événement historique, etc. ;
– argumentative : l’image a pour fonction de persuader, convaincre, critiquer, faire réfléchir (publicité, dessins
satiriques ou parodiques) ;
– esthétique : l’image vise à susciter l’émotion.
Analyser une image mobile
(cinéma)
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L’interprétation de l’image
Voici les principales techniques cinématographiques à prendre en compte pour analyser un film.
Les angles de prise de vue et les mouvements de caméra
2 Angle de prise de vue : l’angle de prise de vue désigne la place de la caméra par rapport au sujet filmé.
Si la caméra est placée à l’horizontale, l’angle est dit « normal », par opposition à :
– la plongée : la caméra est placée au-dessus du sujet filmé. Cet angle de prise de vue peut avoir comme
effet d’« écraser » le personnage, de le montrer comme étant fragile, vulnérable, dépassé par les événements, etc. ;
– la contre-plongée : la caméra est placée au-dessous du sujet filmé. Cet angle de prise de vue peut
donner l’impression que le personnage est puissant, dominateur, impressionnant, sûr de lui, etc.
4 Plongée
4 Contre-plongée
2 Travelling : la caméra est déplacée (sur des rails, dans un véhicule, ou à l’épaule) alors qu’elle filme
(to travel en anglais = se déplacer, voyager).
– Travelling avant : la caméra avance.
– Travelling arrière : la caméra recule.
– Travelling latéral : la caméra se déplace horizontalement, de gauche à droite ou de droite à gauche.
– Travelling vertical : la caméra se déplace du haut vers le bas ou du bas vers le haut.
2 Panoramique : le pied de la caméra est fixe
mais la tête (la caméra elle-même) est mobile :
elle peut être tournée vers la gauche ou vers la
droite, être inclinée vers le haut ou vers le bas.
Zoom (avant ou arrière) : la caméra ne bouge
pas, mais grâce à un objectif à focale variable
(dans le langage courant : un zoom), le spectateur a l’illusion de l’éloignement ou du rapprochement. Par exemple, dans le premier plan du
film de Zeffirelli, on passe d’un plan général de
la ville de Vérone (filmée en un lent panoramique
vers la droite) à un gros plan sur le soleil, grâce à un effet de zoom avant.
2
4 Bruegel l’Ancien, Danse des Paysans, 1568, huile sur bois de chêne, 114 x 164 cm (Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche)
En résumé : Dans un mouvement de travelling, la caméra se déplace, alors que dans un mouvement de
panoramique ou de zoom, la caméra reste au même endroit.
Un travelling demande plus de logistique (surtout quand il faut installer des rails) mais il permet de
filmer des choses différentes : alors qu’un panoramique est parfaitement adapté pour montrer un paysage, le travelling s’impose lorsqu’on veut filmer de près un sujet qui se déplace (par exemple, deux
personnages qui discutent en marchant).
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Fiches méthodologiques
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Fiches méthodologiques
Le champ visuel et les plans
1) Le champ visuel
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– Plan américain : on parle de plan américain car c’est un
plan qui s’est fait connaître avec les westerns : le personnage
est cadré de la tête au milieu des cuisses, ce qui laisse voir
ses pistolets accrochés à la ceinture.
Cadre : les bords de l’image.
2 Champ : le champ est l’espace visuel délimité par le cadre de l’image ; autrement dit, il correspond à ce que
l’on voit sur l’image.
Ce qui fait partie de la scène mais qui n’est pas dans le champ est hors champ : par exemple, un personnage
dans le champ s’adresse à un autre qu’on ne voit pas sur l’image. Dans un même plan, un acteur qui était hors
champ peut entrer dans le champ de la caméra, ou inversement.
2 Contrechamp : le contrechamp est une prise de vue effectuée dans la direction opposée à celle du champ. Par
exemple, si l’on film de face un personnage qui regarde en face de lui (donc à l’endroit où se trouve la caméra),
le contrechamp correspond à ce que voit ce personnage.
– Plan rapproché : la caméra est assez près des corps et
montre un personnage ou un groupe de la tête à la taille
(« plan rapproché taille »), ou de la tête à la poitrine (« plan
rapproché poitrine »). Il permet de créer une certaine proximité avec le personnage, surtout dans le cas du plan rapproché poitrine, qui se focalise sur le visage et donne à voir les
émotions du personnage.
2 Champ-contrechamp : technique de montage qui consiste à montrer de manière alternée le champ et le
contrechamp. Cette technique est très souvent utilisée pour les dialogues : on montre le personnage qui parle
puis celui qui lui répond, et ainsi de suite. Elle est également utilisée par Zeffirelli et Luhrmann pour traduire le
coup de foudre réciproque entre Roméo et Juliette.
4 Champ
– Gros plan : il permet de montrer les moindres expressions
du visage, les moindres nuances dans le regard ; c’est donc le
plan parfait pour montrer les émotions et sentiments d’un personnage. Mais le gros plan sert également à mettre l’accent
sur un détail qu’il est important que le spectateur repère (un
indice dans un film policier par exemple). Quand le cadre est
encore plus resserré (sur un petit objet comme une montre,
ou sur des yeux, une bouche…) on parlera de très gros plan.
4 Contrechamp
2) Les plans
Plan : terme polysémique, qui désigne à la fois :
– une durée : il s’agit dans ce cas d’une portion de film comprise entre le moment où l’on enclenche la caméra
et celui où on la coupe (entre le « Moteur ! » et le « Coupez ! » du réalisateur) ;
– un type de cadre (voir ci-dessous l’échelle des plans).
2 Échelle des plans : en fonction de la distance que l’on met avec le sujet filmé (place de la caméra mais aussi
choix de l’objectif), d’une part le sujet apparaîtra plus ou moins gros et d’autre part plus ou moins d’éléments
(personnages ou éléments du décor) entreront dans le cadre. Nous présentons ci-dessous les principaux types
de plans, du plus large au plus serré :
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– Plan général : il sert à décrire le lieu où se déroule l’action, son
contexte ; il est donc généralement placé au début d’un film ou d’une
séquence.
Le son et la lumière
3) Le son
On peut distinguer des sons de différentes natures.
Le texte prononcé : il faut en analyser le contenu bien évidemment (que disent les personnages et/ou
le narrateur ?) mais il faut également être attentif au ton, au volume de la voix (texte chuchoté, crié, etc.),
au débit de parole (un débit très rapide, ou haché, est souvent signe d’une émotion intense, alors qu’un
débit lent peut traduire par exemple le calme, la maîtrise de soi d’un personnage, etc.).
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2 Les bruits, les sons : on oublie souvent de les commenter, alors qu’ils jouent un rôle important dans
notre appréciation ou tout simplement notre compréhension du film. Ils peuvent accompagner l’image
(essayez d’imaginer une scène d’accident de voiture qui serait totalement silencieuse !), la précéder
(des bruits de chaussures à talon qui annoncent l’arrivée d’une femme dans le champ de l’image), ou la
remplacer (le bruit d’une voiture qui démarre suffit pour nous faire comprendre que le personnage qui
rangeait ses affaires dans le plan précédent est en train de partir).
La musique : De quel type de musique s’agit-il ? Quelle atmosphère crée-t-elle ? Est-elle en harmonie
ou au contraire en décalage avec l’image ? Imaginez la scène de rencontre entre Roméo et Juliette sur
du hard rock, ou sur la « Danse des canards » : ce ne serait pas du tout la même ! L’absence de musique
peut aussi être commentée : dans la vie réelle, lorsque l’on a un coup de foudre, il n’y a pas forcément
de belle musique romantique qui se déclenche comme par hasard… Ainsi, l’absence de musique peut
donner un caractère plus réaliste à une scène, notamment en faisant entendre les bruits environnants.
– Plan d’ensemble : il a à peu près la même fonction que le plan
général (montrer le lieu), mais se focalise sur une place, une rue… ; le
cadre est donc à l’échelle humaine, ce qui permet aussi de montrer
les personnages de loin, en train de se déplacer par exemple.
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– Plan moyen : ce type de plan ne met pas l’accent sur le décor
(comme les deux précédents), mais sur le personnage, qu’il montre
de la tête au pieds. Ce plan est privilégié pour la description d’ensemble d’un personnage, ainsi que pour montrer l’action.
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Il faut également faire la distinction entre les sons « in », les sons « hors champ » et les sons « off ».
Un son « in » est un son dont la source est visible à l’écran : par exemple, on entend ce que dit un
personnage que l’on voit à l’écran.
Un son « hors champ » est un son dont la source n’est pas visible à l’écran : par exemple, on entend un
téléphone sonner mais on ne le voit pas à l’écran.
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Un son « off » est détaché de l’histoire que l’on voit à l’écran : c’est le cas quand un narrateur ou une narratrice introduit, commente, explique, etc., ce que l’on voit à l’écran (on parle de « voix off »). Ce procédé est très
courant notamment dans les séries télévisées récentes.
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Dans le premier plan du film de Luhrmann, le son est « in » : le texte que l’on
entend (prologue de la pièce de Shakespeare) est censé être prononcé par la speakerine que l’on voit à l’écran.
Puis le même texte est repris, mais cette fois-ci en voix off : sur l’image, on ne voit
plus la personne qui est censée parler, mais des images qui illustrent le texte. La
personne qui prononce ces mots (un homme) ne sera jamais visible à l’écran.
Pour aller plus loin…
On peut également faire la distinction entre son direct et son indirect.
Un son direct est un son enregistré sur le tournage par l’équipe son (chef opérateur son, assistants son et
perchmans) : voix des personnages, bruits (de pas, de porte, de vêtements, etc.), mais aussi « atmosphère
sonore ». En effet, le silence total n’existe pas : le silence n’est pas le même dans une cuisine, dans une salle
de cours pendant un examen, dans une église… Il y a toujours un ronronnement de réfrigérateur, un grincement
de chaise, des gens qui respirent, et ces sons résonnent différemment selon les dimensions et la configuration
du lieu, les matériaux, la météo, etc. Ainsi, sur le tournage, l’équipe son « enregistre du silence », pour avoir
en réserve, si besoin, du silence qui corresponde à l’image. Autrement dit, la bande-son d’un film n’est jamais
vierge.
Un son indirect est un son rajouté en post-production, au moment du montage.
Mais pourquoi rajouter des sons ? Parce que les sons qui se produisent loin des micros s’entendent mal sur
la bande son. Or, on ne peut pas mettre des micros partout… Certains sons sont donc enregistrés à part, puis
rajoutés au moment du montage. De même, on
se rend compte parfois après le tournage, que
certains dialogues ne sont pas toujours très bien
enregistrés (parce qu’il y avait beaucoup de vent
par exemple) : les acteurs réenregistrent alors le
dialogue en studio, en faisant en quelque sorte
du « play-back » sur les images.
Enfin, certaines grosses productions notamment
américaines, ne fonctionnent presque qu’avec
des sons indirects enregistrés en studio : cela
permet d’avoir une bande son plus propre, avec
des sons plus détaillés, et qui seront mieux répartis dans les enceintes de la salle de cinéma
(gauche, droite, avant et arrière). Mais, en contrepartie, le son sera aussi beaucoup moins réaliste.
4 Lisbonne Story, réalisé par Wim Wenders, 1995. Un très beau film
sur un ingénieur du son et bruiteur, à Lisbonne, au Portugal.
4) La lumière
La lumière est très rarement naturelle sur un film, même quand le
tournage a lieu en extérieur. Pour obtenir des conditions d’éclairage
optimales (afin de sublimer les acteurs, le décor, et d’obtenir une belle
image), on rajoute tout un dispositif de spots lumineux, devant lesquels
on place des diffuseurs (panneaux blancs) qui vont permettre d’obtenir
une lumière plus douce. On ajoute aussi parfois de grands panneaux
(blancs, argentés ou dorés) pour réfléchir la lumière et mieux la diffuser.
Tout ce dispositif permet également de ne pas dépendre des conditions
climatiques ou de contraintes de planning : tourner une scène d’hiver en
plein mois d’août, ou une scène de canicule en plein mois de décembre…
tout est possible !
2 Matteo Sule, photographie
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