Salut Sponge et la Rock n` Balls team
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Salut Sponge et la Rock n` Balls team
20 ans sans rien lâcher ! Après 20 ans d’activisme musical alternatif et libertaire, les bretons de Tagada Jones sont devenus les maitres de la scène punk metal française. Sans jamais rien lâcher de leurs idéaux et de la méthode DIY, la reconnaissance est plus que palpable et de plus en plus large. Rien de plus normal, leur dernier album Dissident est une pépite dans le genre. Toujours sur les routes pour donner à leur propos engagé et leurs brulots punks metal toute l’énergie d’une prestation scénique, Tagada Jones fait aussi exploser le score du nombre de concerts donnés. Bref, ils ont toujours la flamme et cela se ressent dans les réponses que le chanteurguitariste Niko a bien voulu nous donner. Une sympathique discussion avec un groupe très attachant et fédérateur qu’on vous livre ici en intégralité. Yec’Hed Mad les gars ! Entretien avec Niko (chant) et Stef (guitare) Interview et édition par Vanarkh1 La discussion ayant commencé sur le sujet des bières spéciales belges, nous apprenons que dès qu’ils franchissent la frontière du Royaume de Belgique, les membres de Tagada Jones s’arrêtent dans un magasin pour faire le plein de Triple Karmeliet, de Chouffe, Cuvée des Trolls, etc. La première question n’est pas vraiment musicale… Vanarkh (Rock'N'Balls): En tant que bons bretons, vous semblez aimer la bière… Niko : On aime bien tous les alcools, on n’est pas difficiles. Tu sais, le tout premier album qu’on a enregistré c’était à Bruxelles et on passait beaucoup de temps à aller faire les courses et chercher des bières dans les rayons des magasins pour en gouter des nouvelles. Pour ce premier album, on a dû gouter une centaine de bières… V : Venons-en à la musique et à votre dernier album Dissident pour lequel je ne taris pas d’éloges. C’est votre 9ème album si l’on compte le 6.6.6. Niko : C’est le 8ème album studio. Pour nous, le 666 n’est pas un album studio classique. Il y a eu aussi le « Worst of » et deux DVD. V : Concernant Dissident, j’ai envie de dire que c’est un album best of ou plutôt un album qui synthétise tout votre style et toutes vos influences. On retrouve tout Tagada Jones sur cet album. Niko : C’était un peu ça l’idée. Comme c’était l’album des 20 ans, on voulait qu’il y ait un peu tous les styles représentés, tout ce qu’on a pu jouer pendant toutes ces années. On l’a aussi composé de manière très différente. Plutôt que de faire comme les 2 derniers albums et se mettre derrière un ordinateur à faire des pré-prods et ce genre de choses, on a vraiment tout composé dans un local de répète, à l’ancienne. C’était ça le challenge : 20 ans après, faire un disque comme on le faisait au tout début. Tout ce qu’on a composé en répète se retrouve sur le morceau final. Et on est vraiment content du résultat. On voulait aussi représenter un peu tout ce qui est punk rock, métal, hardcore. Il y a même un morceau très indus mais on n’a pas eu le temps de faire les machines comme on voulait. Du coup, il ne figure pas sur l’album. V : Justement, j’ai l’impression que les machines, les sons électros et indus que vous aviez introduits à une certaine époque, c’est le seul aspect qui n’a pas vraiment été abordé sur cet album Dissident. Niko : On a fait 26 morceaux, pour n’en laisser que 20. A un moment, on a été un peu pris de court par le temps. C’est bien de faire beaucoup de morceaux mais quand tu les enregistres, ça fait quasi un double album, ce qui demande deux fois plus de prises de son, de mix, etc. Et comme maintenant, c’est nous qui faisons toutes les machines, ça prend beaucoup de temps aussi. On a donc préféré décaler un petit peu ces morceaux-là. Ils sont quand même prêts, ils ont été enregistrés mais les machines ne sont pas assez travaillées pour qu’on puisse les sortir tels quels. Il existe quelque chose qu’on sortira vraisemblablement d’ici la fin de l’année dans un 45 tours par exemple. Et puis comme ça, les 20 titres étaient là, bien faits jusqu’au bout et prêts en temps et en heure parce qu’on ne voulait pas décaler tout le projet de quelques mois juste pour avoir ces morceaux indus. « Je trouve que les groupes actuels de rock, punk ou métal ne sont pas assez engagés. » (Niko) V : Comme je le disais, on sent toutes vos influences. Il y a Les Shériff de façon évidente sur « Liberticide » par exemple. Il y a aussi l’influence de Bérurier Noir. Après notre première interview, je me suis rendu compte que vous avez mis en pratique ce que Loran et François ont dit à l’Olympia un soir de novembre 1989 : « formez des groupes de rock libres ! ». Vous avez vraiment appliqué ce conseil et on sent tout cet héritage sur un morceau comme « De l’Amour et du Sang » et surtout « Karim et Juliette ». Niko : On le dit clairement depuis le début : nous, on est vraiment des enfants de l’alternatif et ce sont ces groupes-là qui nous ont donné envie de faire de la musique. Quand on a commencé le groupe, on a tout de suite défendu ces valeurs-là. Aujourd’hui, il ne faut pas avoir peur de le dire : j’ai l’impression qu’on est les derniers défenseurs de l’alternatif libertaire. On me demande souvent ce que je reproche le plus aux groupes actuels. Eh bien justement, je trouve que les groupes actuels de rock, punk ou métal ne sont pas assez engagés. Après, c’est un point de vue, tout le monde n’est pas obligé de le partager mais voilà, nous on est fiers de dire ça. D’ailleurs Loran a super bien résumé la situation sur notre DVD en disant que Tagada Jones a réussi à faire tout ce que les Bérus ont voulu faire mais n’ont pas réussi à concrétiser. Comme on a commencé directement avec l’objectif d’être indépendant et de ne rien lâcher, on a réussi à le mettre en application. C’est aussi pour ça que 20 ans après, dans ce nouveau disque, on voulait faire des morceaux hommage comme par exemple « Karim et Juliette » qui est un morceau de Tagada en hommage aux Bérus. Il a tellement plu à Loran (car François a vraiment décroché) que non seulement il a accepté de venir chanter le morceau avec nous (ce qu’il ne fait jamais dans les autres groupes surtout quand ça touche un peu Bérurier Noir) mais en plus il nous a fait en cadeau cette version 100% Béru. V : Effectivement, lorsque je l’avais rencontré, il m’avait dit que vous étiez potes, qu’il y a cette sorte de filiation... Niko : Oui et Loran est très attaché à ça, sur le fait que de laisser une trace, que ça ne doit pas être juste un coup d’éclat personnel. Il est très attaché à tout ce que cela peut générer sur d’autres personnes et d’autres groupes. Tu l’as très bien résumé quand tu dis qu’il a clôturé l’Olympia en disant de former des groupes de rock libres. C’est sûr que nous ça nous avait allumé à l’époque. V : J’aime beaucoup les paroles de « Karim et Juliette » ainsi que celles de « Tout va bien ». Je vois ces textes davantage comme des fables modernes amenant à réfléchir que comme des pamphlets dénonçant l’une ou l’autre aberration évidente. Est-ce une certaine forme de maturité qui te fait écrire comme cela ou un autre regard sur le monde ? Est-ce que tu penses que des textes et histoires comme celles-là ont plus d’impact que de dire « mort aux fachos » ? Niko : Je pense que cela n’a pas forcément plus d’impact. Souvent quand tu commences, t’as envie de crier haut et fort, d’être direct, c’est un peu la fougue de la jeunesse. En ce qui nous concerne, les sujets qu’on traite dans les morceaux, on en a déjà parlé une, deux ou trois fois. Donc, il faut les tourner d’une manière différente en changeant la forme du discours. Le fond, est toujours le même mais on ne va pas se répéter sans cesse. Dans ces deux morceaux-là, il y a un peu un côté satyrique, surtout dans « Tout va bien ». C’était un trip du moment de le faire comme ça. On le fera sans doute encore différemment sur le prochain album. Parce que malheureusement on voit que les sujets dont on parle, à mon avis, on devra encore les traiter dans 5 ans parce que ça ne va pas s’arranger. « Karim et Juliette », c’est une petite histoire pour parler du racisme. On avait arrêté de faire des morceaux sur le racisme parce qu’on ressentait un peu une baisse de cette tension. Quand on a commencé à la fin des années 80, début des années 90, c’était une grosse tension sociale. Dans les années 2000, on sentait moins cette tension-là. En tout cas, tous les gens qui étaient fachos ne sortaient plus, ils se cachaient. Les gens qui votaient FN avaient un peu honte de le dire et du coup, nous, on avait arrêté de mettre la pression. Quand on voit ce qu’il se passe maintenant, on est obligé de refaire des morceaux sur ce thème. C’est important de ne pas tout le temps se redire alors c’était une façon différente de traiter un sujet en amenant un peu les gens à s’interroger. Et les jeunes surtout ! Parce que je pense tout le temps à eux quand j’écris des paroles. Je me rappelle quand j’étais ado, les discours des profs, j’en avais rien à branler. Les discours de mes parents idem. Par contre, les discours de tous les groupes alternos que j’écoutais, c’était emmagasiné direct. Le rôle que l’on a me parait donc important par rapport à tous les jeunes d’aujourd’hui. « Quand j’étais ado, les discours des profs, j’en avais rien à branler. Les discours de mes parents idem. Par contre, les discours de tous les groupes alternos que j’écoutais, c’était emmagasiné direct. Le rôle que l’on a me parait donc important par rapport à tous les jeunes d’aujourd’hui. » (Niko) V : Il y a un autre texte qui m’a aussi marqué car il est assez différent de ce que tu chantes d’habitude : c’est « Vendetta ». Est-ce que ce texte est une fiction complète ou bien t’es-tu inspiré de faits réels ? Et autre petite question par rapport à cette chanson : est-ce Gus que l’on y entend chanter ? Niko : Non, c’est vraiment un effet sur la voix mais c’est vrai que ça aurait pu être Gus. Au début, on avait demandé à Gus s’il ne voulait pas venir faire un morceau avec nous mais il a complètement arrêté de faire de la musique. Ce morceau est effectivement une fiction mais je trouvais que c’est vraiment un sujet assez important qui permet dans un second degré de critiquer la justice. Après, les gens sont d’accord ou pas... Il y a même un mec qui m’a écrit en disant que je suis pour la peine de mort. Alors là pas du tout… V : C’est vrai que la première fois que je l’ai entendu, ça peut être équivoque. Par la suite, en écoutant bien, on comprend que non… Niko : Justement, je trouve ça bien que ce mec se soit posé cette question car si tu analyses, c’est le contraire. Faire la justice soi-même, ce n’est pas une justice d’aujourd’hui. La position même du texte, c’est de questionner si ce n’est pas un acte naturel de venger son enfant. Moi, je trouve que si. Et il y a énormément de gens qui pensent que oui. Pourtant, la justice d’aujourd’hui est tellement corrompue et menée énormément par le pognon. C’est triste de le dire mais ce sentiment de vengeance existe, il est humain et plus personne n’en parle. C’est aussi une satyre de cette société où on va faire des procès pour tout et pour rien. Ça n’a pas lieu d’être. Cette chanson était une façon assez intéressante d’interpeller les gens. Il y a beaucoup de gens qui m’ont parlé de ce texte-là et donc de ce point de vue, c’est une réussite car c’est un morceau qui interpelle vraiment. V : Si le texte interpelle, ça vient aussi du fait que tu chantes en français. Je trouve que les textes de Tagada Jones me parlent vraiment, ça résonne en moi, ça me fait vibrer, il y a un écho à beaucoup de mes idées. Ça me rassure aussi car je me dis que je ne suis pas le seul à penser ainsi. Il me semble que Tagada Jones ne serait pas ce qu’il est sans ses textes. Qu’en penses-tu ? Es-tu le seul à écrire les textes ou bien les autres participent aussi ou donnent leur avis ? Niko : Non, je suis le seul à écrire les textes. Parfois, c’est vrai qu’ils pourraient ne pas être d’accord avec moi. Dans ce cas-là, je pense qu’on ne ferait pas le morceau. Je pense que j’ai toujours eu un style d’écriture qui n’est pas du tout littéraire. Moi, j’appelle ça un style de rue. C’est instinctif, le punk c’est une musique de rue. Les mecs qui écrivent du Baudelaire sur de la musique punk, je trouve que ça ne colle pas. Certains supers intellos tournent les phrases d’une façon où tu ne comprends rien. Moi, ça ne me touche pas du tout. Mais on s’en fout, chacun fait ce qu’il veut. Il y a beaucoup de gens qui reviennent vers nous ou qui envoient des messages au groupe en disant exactement ce que tu viens de nous dire : « les textes, ça me touche tous les jours, ça me donne de la force pour aller bosser et puis je me rends compte que je ne suis pas tout seul à penser ça ». Quand je te disais tout à l’heure qu’il n’y a plus tant de groupes que ça à crier haut et fort des revendications, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui se retournent vers nous parce qu’on est un des derniers groupes à chanter en français, à continuer à revendiquer sans changer de fusil d’épaule. Il y a plein de gens que cela motive dans la vie de tous les jours. Ils ne se sentent pas tous seuls. On a déjà eu des chroniques où les mecs disaient qu’on ne se fait pas chier dans la façon d’écrire. C’est presqu’un plaisir pour moi de lire ça car à aucun moment on essaie de faire du littéraire. C’est du franc-parler comme on parle dans la vie de tous les jours. On a envie que ce soit compris, clair et net, qu’il n’y ait pas un monde d’ambiguïté dans le discours. Ça colle bien à la musique punk. V : Je me suis senti un peu visé par la chanson « Superpunk » car je critique la musique (que je suis incapable de créer) puisque je fais des chroniques sur un webzine. Alors, juste pour voir si tu vas me péter ma putain de gueule sur mon putain de clavier, je vais te poser des questions qui fâchent. Si je prends « Dissident », « Tous Unis », « Superpunk », « Blasphème », « On ne chante pas, on crie », et encore, je ne cite que cet album-ci, je trouve que vous parlez beaucoup de vous-même. Alors quoi, vanité tout cela ? Niko : Je ne sais pas. Je pense que ça dépend des morceaux. Par exemple, « Blasphème » ne parle pas du tout de nous. C’est vraiment un morceau que j’ai écrit en pensant à Steph de Loudblast et aux clichés qui collent au métal. Dans le lot, si on regarde l’ensemble des paroles, on parle beaucoup plus d’autres choses que de nousmêmes. Je trouve qu’on n’est pas si centrés sur nous-mêmes. Et pour parler de « Superpunk », c’est marrant que tu aies ressenti cela car ce n’était pas dédié aux chroniqueurs mais plutôt aux gens qui passent leur temps à baver sur tout le monde et dont la seule motivation quand ils sont sur leur ordi, c’est d’aller raconter des saloperies, pas uniquement sur nous mais aussi sur la musique, sur la politique ou sur n’importe quoi. Il y a des gens qui ne font rien de leur vie et qui passent leur temps à balancer. Si j’ai écrit ce morceau, c’est qu’à la base il y a quand même un truc qui nous a touché directement. On a eu le cas avec un mec très con sur le forum. J’ai essayé de lui montrer par A + B qu’il avait tort, ce qui était assez évident et incontestable, mais il s’est obstiné. Ou alors il a très bien compris mais il n’en a rien à foutre car sa seule motivation, c’était de faire chier. Après ça, j’ai arrêté de répondre aux gens et on a fermé le forum. On est moins emmerdés. Je connais des groupes qui continuent à répondre et qui se prennent la tête sans fin. On n’a avait pas encore fait de morceau sur gens-là mais je ne pensais pas des chroniqueurs se sentiraient visés… « Il y a beaucoup de gens qui se tournent vers nous parce qu’on est un des derniers groupes à chanter en français, à continuer à revendiquer sans changer de fusil d’épaule. Il y a plein de gens que cela motive dans la vie de tous les jours. Ils ne se sentent pas tous seuls. » (Niko) V : Je ne me suis pas senti trop visé mais l’analogie possible était amusante. Dans mes chroniques, j’espère arriver à apprécier, décrire et juger la musique en toute honnêteté mais parfois, il y a des trucs qui ne sont vraiment pas bons et il faut aussi pouvoir le dire. Niko : En parlant des chroniques, l’album Dissident est plutôt très bien reçu, environ 95 chroniques sur 100 sont bonnes. Après il y a forcément quelques mecs qui ont pas aimé. Ça prouve aussi qu’une chronique est un ressenti très humain et personnel. C’est subjectif. Si des gens se rendent compte qu’ils ont les mêmes goûts qu’un certain chroniqueur, ça a quand même une vraie valeur. Si on envoie des disques à chroniquer, ce n’est pas pour que les mecs disent forcément que c’est super bien. Il a le droit de donner son avis, ça ne me gêne pas du tout. A l’inverse des mecs qui passent leur temps à baver et raconter des saloperies. Bon, parfois c’est bien si quelques chroniqueurs se sentent un peu visés parce qu’il y en a qui sont parfois très méchants pour rien. V : Question qui fâche suivante. Tu connais le groupe punk canadien D.O.A. Ils ont eu un album qui s’appelle Talk – Action = Zero. Alors, vous, c’est quoi votre action ? Niko : Ça, c’est un sacré débat. Je pense que notre action est même plus importante que ce que les gens peuvent penser. Par exemple, le fait de continuer aujourd’hui à prôner l’indépendance et d’avoir tout fait nous-mêmes en DIY. Pour certaines personnes et pour les jeunes, on est un petit peu une sorte d’exemple. C’est pour cela qu’il y a autant de jeunes qui viennent à nos concerts. Cette action-là est peut-être plus importante que d’aller avec 50 potes à une manif où au final il ne se passe pas grand-chose. Je trouve que ce que l’on fait est concret. C’est une belle évolution pour notre petit groupe punk qui ne valait rien et dont on a reçu les premières lettres de retour de distributeurs et professionnels qui disaient « on ne distribuera jamais de punk à chien ». Ils nous ont bien fait comprendre qu’on était des sous-merdes et bien tu vois, les sous-merdes continuent à jouer 20 ans après ! On a fait 24 pays mais en plus de ça, pour ne pas parler que de nous-mêmes, on a créé Rage Tour et Enrage Prod. Aujourd’hui, Rage Tour embauche plus de 200 intermittents et représente presque 500.000 € de masse salariale par an. Ce n’est pas rien. Je pense que notre action est là. Il n’y en a pas d’autres comme nous actuellement en France. Un peu comme disait Loran, j’espère que notre action va donner envie à d’autres gens de faire la même chose. Pourquoi ça ne donnerait pas des velléités à de jeunes groupes pour qu’ils fassent pareil, qu’ils créent leur propre boite, se démerdent tout seuls sans compter forcément sur des grosses maisons de disques et des gros tourneurs pour faire des choses. Cette action est vachement importante. V : Autre point sur lequel je me posais une question, c’est la façon dont vous gérez votre empreinte environnementale. Vous semblez plutôt écolos mais n’est-ce pas en contradiction avec les tournées, prendre souvent l’avion, rouler beaucoup en camionnette, etc. ? Niko : C’est le paradoxe d’avoir un groupe. On a passé le cap en 1998 quand on s’est décidé à faire notre vie dans la musique et à essayer d’en vivre. Cela veut dire qu’on accepte de mettre nos disques dans les magasins. On aurait très bien pu essayer d’aller dans la branche très dure et tout faire en underground. A ce moment-là, on a décidé de s’ouvrir plus vers le public sinon tu ne peux pas en vivre. Cela implique de tourner. Et quand on tourne à 9 dans un camion, on fait des km mais est-ce qu’on pollue plus que 9 personnes différentes qui prennent chacun leur voiture ? Je pense que non. On est bien conscient d’être dans le système, on ne s’est jamais mis en dehors du système. Il y a plein de mecs qui viennent te faire la leçon alors qu’ils sont RMIstes (le RMIste dépend du système encore plus que quelqu’un d’autre). Je n’accepte des critiques comme ça que de la part d’un punk ou d’un baba cool qui est tout seul en haut d’une montagne, qui élève ses chèvres, qui n’a pas l’eau ni l’électricité et qui ne touche pas un centime du gouvernement. Il en reste quelques uns et je trouve ça incroyablement courageux dans les années 2000 de continuer à vivre en complète autarcie. Effectivement, on est conscient de notre impact environnemental mais on essaie de faire de notre mieux. Je pense que si tout le monde se mettait un peu à réfléchir et à essayer de porter ça vers le mieux, vers le positif, on arriverait à des actions vraiment très concrètes. Par exemple, chez nous en Bretagne, la prise de conscience sur l’écologie et la bouffe est vraiment importante. Un morceau comme « Ecowar », on l’a fait à une certaine époque et aujourd’hui, je ne le ferais plus. Non pas parce qu’il n’y a plus de mecs qui polluent mais énormément de gens sont conscientisés. Il en y a qui n’ont pas encore les moyens de manger bio mais ça a déjà changé dans la mentalité des jeunes. Chez nous, des gens qui font des paniers bios, des coopératives qui permettent d’arrêter d’acheter des fruits, des légumes et de la viande dans les supermarchés se sont vraiment développées. Ce n’est certainement pas généralisé mais il y a quand même une prise de conscience quand tu discutes avec les jeunes. Je vais te donner un autre exemple très concret. Ça se passe lors du festival de nos 20 ans. Le lendemain, on se dit qu’il va falloir nettoyer les parkings. Eh bien, les festivaliers l’avaient déjà fait. C’est une belle preuve que les gens ont respecté l’événement et les lieux. Il y avait bien quelques trucs qui trainaient, faut pas exagérer, mais les gens s’étaient pris en main et avaient un peu nettoyé les endroits qu’ils avaient utilisés. Il y a quelques années, ça ne se serait pas fait. On n’est pas au top bien sûr mais à partir du moment où il y a eu une prise de conscience, je me vois mal leur rabâcher les mêmes discours. Après, il y en a qui n’ont pas encore les moyens financiers, notamment pour s’acheter de la bonne bouffe. Je me rappelle avoir eu des critiques à l’époque du morceau « Ecowar » parce que je dis que je suis prêt à payer le prix. La bonne viande, ça coute plus cher et ben, t’en mange deux fois moins ! Quand on voit maintenant toutes ces infos qui nous tombent dessus où on se rend compte qu’on nous a fait bouffer de la merde pendant les années 80, 90, 2000 de manière incroyable, la prise de conscience ne peut être que générale. « J’espère que notre action va donner envie à de jeunes groupes de faire la même chose, de se démerder tout seuls sans compter forcément sur des grosses maisons de disques et des gros tourneurs pour faire des choses. » (Niko) V : Tu considères l’industrie du disque comme moribonde. Alors que penses-tu du téléchargement illégal et quelle est la solution pour lutter (ou pas) contre cela ? Niko : Je pense qu’il n’y a pas de solution parce qu’en fait il n’y a pas de problème. Moi, ça ne me dérange pas du tout. On faisait la même chose en version toute petite en copiant des cassettes. Aujourd’hui, c’est un autre système. A la fin des années 90, on a créé notre propre studio pour que dans quelques années quand il n’y aura plus du tout de ventes de disques, on arrive à produire pour zéro. Je comprends les mecs qui disent que la musique ne vaut pas zéro. Mais maintenant, tu ne vas pas demander à des gens qui n’ont pas une thune de continuer à acheter. Je comprends les jeunes qui téléchargent gratuitement. Ils ont tout à portée de main. Le gros problème, c’est plutôt que les maisons de disque, surtout en France, ont voulu absolument continuer à gagner un max de thunes jusqu’au dernier moment. Ils ont été jusqu’au bord du précipice et maintenant qu’ils sont tombé dedans, ça devrait être la faute de tout le monde ? Moi, je ne considère pas ça comme un problème. De toute façon, les groupes qui font de la musique alternative n’ont jamais gagné un centime sur les ventes de disques. Ceux qui ont vraiment gagné leur vie sont les artistes de variété ou ceux qui ont connu des gros succès. V : Ne crois-tu pas que le vrai fan attache encore beaucoup d’importance à l’objet, au visuel et essaie de donner son dû à l’artiste en achetant l’album ? Niko : C’est sûr qu’il y en a qui continuent à acheter des disques aussi. Même si on a plutôt divisé par 2 ou par 3 nos ventes, à aucun moment on a gagné de l’argent en vendant des disques. Car notre vision c’était de réinvestir ce que l’on gagne avec les disques pour reproduire autre chose. On savait juste qu’on aurait à un moment moins de retour pour produire autre chose et c’est pour ça qu’on a fait le studio comme je te l’ai dit. Comme beaucoup de groupes indépendants, on gagne notre vie en faisant des concerts. C’est toujours ça qui nous a fait crouter. Si les gens téléchargent illégalement et qu’ils apprécient ton groupe, ils vont venir te voir en concert. A la limite, si tu vas même plus loin, ils vont t’acheter du merchandising ou des disques en direct. Finalement, le groupe en lui-même, il n’est pas tellement perdant. Ceux qui sont perdants dans cette histoire, c’est les maisons de disques. C’est dommage pour certains indépendants qui avaient des vrais valeurs et qui galèrent. Par contre, pour les grosses multinationales qui s’en sont mis plein les fouilles pendant des années, je ne vois pas comment on pourrait les plaindre. V : Revenons au nouvel album et à l’actualité chaude. Vous avez réussi à avoir plein d’invités de marque sur Dissident. Est-ce que cela a été facile ? Est-ce qu’ils ont tous dit oui et y a-t-il eu des refus ? Niko : En fait, c’est aussi facile que d’inviter un pote à venir faire morceau avec toi. C’est une grande famille. Ce sont des gens que l’on côtoie depuis longtemps, notamment avec le Bal des Enragés. Quand t’invite un pote à bouffer à la maison, il ne va pas t’envoyer à la merde. Quand t’as un pote qui est musicien, il ne va pas refuser de venir faire un morceau. On n’a donc eu aucun refus. Il y avait des gens avec qui on avait vraiment partagé beaucoup de choses et avec lesquels on n’avait pas encore fait de morceau. C’est quelque chose qu’on fait depuis pas mal d’albums et on n’a pas encore fait le tour complet de tous nos potes, il y a encore de la marge ! Il reste Parabellum avec lesquels on aurait voulu faire un truc mais ça n’a pas été possible pour des questions de planning. Ce sera sûrement un truc à faire pour le prochain album par exemple. « Comme beaucoup de groupes indépendants, on gagne notre vie en faisant des concerts. C’est toujours ça qui nous a fait crouter. Si les gens téléchargent illégalement et qu’ils apprécient ton groupe, ils vont venir te voir en concert. » (Niko) V : Parmi les chansons avec invité, j’ai pointé « Blasphème » parce que Stéphane Buriez en français, ça change et c’est sympa, évidemment « Karim et Juliette » parce que c’est Loran et que je suis un fan des Bérus mais j’ai un petit faible pour « Dernier Rendezvous » avec Guizmo de Tryo. Je trouvais déjà formidable sa reprise de « Combien de Temps Encore ? », et là, je trouve qu’il y a un petit côté mélancolique et désabusé dans cette chanson. Comme la superposition de vos deux chants fonctionne bien, je me demandais si tu as déjà essayé le chant clair et si c’est quelque chose qui te tente ? Niko : La première fois, c’est eux qui avaient fait la zique sur la version plus acoustique. Ici, l’idée, c’était qu’il se colle sur un morceau plus rock. On lui a quand même filé le morceau le plus soft de ce qu’on avait composé mais c’était drôle parce qu’il n’avait jamais posé de voix sur un morceau rock. Son placement étant hyper différent, ce fut une bonne expérience, il était content de le faire. Oui, j’ai chanté par-dessus en doublant avec une voix mi-claire. C’est un bon challenge aussi. Il faut s’essayer à d’autres choses, il ne faut pas tout le temps aller vers la facilité et là je trouvais que c’était un truc un peu différent à faire mais intéressant pour les deux entités. V : J’aimerais bien savoir s’il y a des invités sur « Skin ou Keupon » et qui chante « I’m Hungry » ? Niko : Sur « Skin ou Keupon », c’est nous tous. Sur « I’m Hungry », c’est moi. Ce sont deux reprises. C’est le Bal des Enragés qui nous a un peu poussé dans ce sens car le fait d’essayer de t’approprier des morceaux est une super expérience pour des musiciens. A force de faire ça, tu essaies vraiment de créer une osmose entre ce que les compositeurs initiaux ont voulu faire et ta version, ta façon de le jouer. C’est aussi pour cela qu’il fallait absolument que je chante un morceau en anglais pour le disque des 20 ans. Quasi à chaque album, on m’a demandé si j’allais chanter un jour en anglais. Je n’ai jamais répondu non, je bottais souvent en touche en disant « faut jamais dire jamais ». Mais en moi-même, je ne pensais pas le faire tout simplement parce que je ne me sens pas d’écrire en anglais. Et ça, je le crois toujours. J’ai trop souvent entendu des canadiens québécois se foutre de la gueule des groupes français chantant en anglais parce que ça ne veut rien dire. Il y en a quelques uns qui arrivent à faire des textes qui ont un peu de sens et à choper l’accent mais si tu veux un texte qui a du sens et un chanteur qui a l’accent, tu élimines déjà 90% des groupes français ! Après, pour ceux qui ont l’accent et qui arrivent à écrire quelque chose, il manque encore les expressions de la rue. Quand tu fais du punk ou du hardcore, tu ne vas pas l’écrire dans la langue de Baudelaire. C’est pareil en anglais, ça reste souvent de l’anglais scolaire. Quand tu fais ce style de musique, tu devrais être capable d’écrire en argot et sans quoi ça devient vite ridicule. Les mecs dénoncent mais de manière très courtoise si tu veux. Moi, je n’ai pas envie de faire ça. Comme on me demandait depuis 20 ans de chanter en anglais, faire une reprise était intéressant et une astuce parfaite. « I’m Hungry » est une reprise d’un groupe américain appelé Anti-Hero dont le chanteur a produit les premiers Agnostic Front, Iron Cross, etc. Le bassiste a joué au début avec Beastie Boys. C’est un groupe qui a eu une importance énorme sur la scène mais que quasiment personne ne connait. V : « Skin ou Keupon », c’est aussi une reprise ? Stef : Oui, du groupe Tulaviok. C’est un groupe qui reprenait des chansons paillardes en punk. En général, ça ne parle que de cul. Celle-là est quasi une des seules qui ne parle pas de cul. Niko : C’est un groupe qui a un peu tourné en France dans les années 80 et puis qui est passé aux oubliettes. Son texte est assez clair et toujours d’actualité : pas de différence, soyons tous unis dans la scène. Stef : Pour la petite histoire, le premier album de Tulaviok est resté mythique. Il se présentait sous forme d’un double album et quand on l’ouvrait, il y avait une bite de 40 cm qui se levait comme dans les cartes-surprises pour les gamins. Niko : Et le 2ème, c’est la même chose avec une bière, non, une bouteille de Jack Daniels ! « J’ai trop souvent entendu des canadiens québécois se foutre de la gueule des groupes français chantant en anglais parce que ça ne veut rien dire. » (Niko) V : J’ai vu le DVD sorti pour vos 20 ans où à la fin Seb annonce son départ. J’ai cru comprendre qu’il en avait un peu marre d’être sur la route et qu’il voulait se poser. N’avez-vous pas peur que cette lassitude vous tombe dessus un jour ou l’autre aussi ? Niko : Au tout début du groupe, il y a deux musiciens qui ont arrêté très très vite parce qu’ils n’ont simplement jamais eu envie de tourner. Après, tous ceux qui ont appartenu de manière plus conséquente au groupe savent ce que c’est la vie de zikos, le fait de partir souvent sur la route et il y a des moments où certains personnes décident de poser les valises (je trouve que l’image est bonne). Par exemple Boiboi, notre ancien batteur, avait envie de fonder une famille, avoir des enfants et il n’arrivait pas à trouver de copine. Quand il en a eu une, elle lui a dit –même si ça n’a jamais été totalement avoué– que ce ne sera pas possible s’il se barre tous les weekends et parfois 2 ou 3 semaines à l’étranger. Seb est quelqu’un qui n’a jamais vraiment parlé de son for intérieur. Il est parti habiter à Lyon avec sa copine. Gus, c’était une envie de changer de vie. Il a arrêté la zique. Au début, c’était pour faire des arts martiaux puis il s’est pété le genou donc maintenant il est maraîcher bio. Tu vois, on n’est jamais à l’abri que la petite flamme s’éteigne. D’un autre côté, je trouve pathétique de voir des groupes sur scène qui n’ont plus envie de jouer. Parce que ça se voit comme le nez au milieu de la figure. On croise parfois des groupes en festival et on se dit qu’il faut vraiment qu’ils arrêtent. Stef : Vas-y balance des noms ! Niko : Trust par exemple. Ça devient vraiment minable ce qu’ils font alors que c’est un groupe plus que mythique. Si on est là, c’est aussi grâce à eux. Ça a été le premier mec à chanter en français sur de la musique dure et ça a ouvert des portes à plein de monde. Mais je trouve qu’aujourd’hui, il faut qu’il arrête de faire ça. Il faut y croire, tu ne peux pas ne pas être à fond dans ce genre de musique. Ou alors tu fais une musique qui n’a plus rien d’énervé et d’engagé. Je pense que pour jouer du rock, il faut avoir cette petite flamme-là. Le jour où je n’aurai plus envie de jouer, j’arrêterai. Je ne me poserai même pas la question de savoir si je vais continuer à jouer pour avoir ma paie à la fin du mois. Stef : Quand on viendra en déambulateur sur scène, ça posera peut-être des problèmes techniques… Niko : Non, ça change rien. Il y a le mec de Possessed qui est handicapé et en fauteuil roulant. Il croit toujours en ce qu’il fait, il n’y a aucun problème. Si tu crois tout le temps et que tu es toujours motivé, le concert va être bon. Par contre, si tu n’en as plus rien à foutre, ça se sent trop. V : En 20 ans, vous avez presque tout fait. Vous êtes devenus les portes étendards de la scène française, il suffit de voir tous vos potes et le concert des 20 ans sold-out. Je trouve cela assez magnifique alors qu’il y a à peine 10 ans, je ne vous connaissais pas encore. Vous reste-t-il des rêves ou des choses à accomplir ? Niko : On n’a pas tout fait, on n’a pas encore été jouer en Antarctique comme Metallica ! Stef : Couvrir d’autres pays, se taper des scènes qu’on a encore jamais fait, ouais, il reste pas mal de choses à accomplir. Niko : Oui, comme dit Stef, quand tu vas jouer dans un pays où tu es inconnu, où les gens ne parlent pas français, c’est marrant. Comme ils ne connaissent pas l’univers du groupe, tu as plein de trucs à prouver et à toi-même en premier. On continue à faire ça souvent. En jouant dans les pays où on n’est pas connu, on est obligé de sortir nos tripes et il se passe toujours des choses importantes. Même entre nous. Ça resserre vachement les liens d’amitié et aussi les liens musicaux qu’il peut y avoir entre nous tous. Parce que là faut qu’on aille au charbon tous ensemble et ce n’est pas gagné d’avance. Tu disais qu’on commence à être connu mais pour nous, ça a vraiment mis du temps. Je compare très souvent notre parcours de 20 ans à plein de petits cailloux qu’on a mis nous-mêmes sur notre chemin les uns après les autres. Notre succès, on ne le doit qu’à nous même, à notre propre équipe sans avoir eu aucun renfort d’argent. On n’a jamais rien demandé à personne, on a toujours refusé l’aide de structures. On a dû faire des emprunts pour s’acheter notre premier camion. Tout a été fait en interne avec les gens du groupe et Séverine qui s’occupe de tout le management depuis le début. C’est en faisant plein de concerts partout qu’on a réussi à être aussi connus que des groupes qui ont été sur des majors. Parce que les trois-quarts des groupes avec lesquels on joue maintenant ont été sur des majors ou sur des très grosses maisons disque. C’est la petite fierté de Tagada Jones. Cela n’empêche de continuer à faire encore plein de choses. Dans les objectifs qu’on aimerait encore atteindre, c’est par exemple d’aider d’autres groupes. Maintenant, c’est à notre tour de donner un coup de pouce. Rage Tour c’est un peu ça mais c’est très compliqué à cause de la législation en France. Tu es légalement obligé de déclarer chaque mec qui monte sur scène, ce qui est complètement stupide. On aimerait prendre des groupes différents avec nous chaque weekend en support. Le problème c’est qu’on ne peut pas vendre ça aux salles parce que sinon, ils sont obligé de les déclarer. « Je pense que pour jouer du rock, il faut avoir cette petite flamme-là. Le jour où je n’aurai plus envie de jouer, j’arrêterai. Je ne me poserai même pas la question de savoir si je vais continuer à jouer pour avoir ma paie à la fin du mois. » (Niko) V : Et si tu fais un système de coopérative où chaque groupe cotise et participe à la structure, comme les maraîchers par exemple ? Niko : Dans l’absolu, oui, ce sont des solutions que l’on pourrait envisager. Le seul souci, c’est qu’en France, tu n’as pas le droit de jouer sans être déclaré. En fait, on ne peut pas faire un contrat avec une salle officielle et mettre d’autres groupes sur le contrat parce que sinon, il faut que chacun musicien ait un salaire. Cela veut dire qu’un groupe qui est inconnu devrait être payé 1200 ou 1300 €. A ce prix-là, les salles vont toutes refuser. Un support, on lui donne 200€ grand maximum. On espère qu’avec le temps on va réussir à faire évoluer ça. C’est des choses qu’à l’avenir des gens comme nous allons devoir mettre en place. Ce sera aussi notre rôle de passer le flambeau au bout d’un moment. C’est important. V : Je vais terminer par une question que j’aurais dû poser au début en fait. Je ne sais même pas pourquoi vous vous appelez Tagada Jones ! Niko : Nous non plus ! La question, on nous l’a posée plein de fois. Tagada, c’est pas comme les fraises tagada comme tout le monde le pense. C’est le tagada tagada tagada des guitares. Mais après le Jones, c’est un jeu de mot stupide qu’on a inventé quand on était pètés. Comme tous les jeunes groupes, un jour, on s’est dit qu’il fallait absolument prendre un nom. Quand on a commencé à jouer, pendant 2 ans on a changé 3, 4 ou 5 fois de nom. On changeait tous les 3, 4 mois. On s’en foutait. Et puis un jour il a bien fallu choisir un nom définitif. Donc grand brainstorming. Le soir, on commence à discuter, on écrit des choses sur un tableau parce qu’il n’y avait pas d’ordinateur, rien à l’époque, c’était encore bien un crayon et une feuille. Du coup, on a écrit plein de choses. Tagada, ça vient des guitares. Après, il a peut-être dû y avoir des conneries du genre Indiana Jones mais au final, on ne sait pas pourquoi on a choisi le Jones. Il n’y a vraiment aucune explication, les souvenirs de cette soirée sont assez flous. Le lendemain matin, on s’est tous réveillés avec un mal de crâne pas possible et ce nom qu’il restait sur le tableau. Voilà toute l’histoire. On a trouvé ça tellement nul que sur le premier disque qu’on a sorti, il n’y avait pas le Jones, ça s’appelait juste Tagada. Après, on l’a remis. A un moment, tu te demandes s’il faut encore changer de nom ou garder celui-là. Même si le nom est stupide, ça se retient et ça fait un peu contrepoids aux paroles engagées du groupe. Quand on fait un concert, on va quand même passer un bon moment avec les gens qui viennent nous voir, on n’est pas là pour se prendre la tête avec eux et souvent ils pensent la même chose que nous. Notre nom donne une certaine légèreté au groupe. V : Toute dernière question pour Rock ‘n Balls. Comme dans ma première interview, tu m’avais déjà donné ton TOP 3 des meilleurs albums de tous les temps, en voici une autre : quels sont les groupes ou personnes que vous rêveriez d’inviter sur un album ? Stef : Mireille Mathieu et Eminem. Niko : Rêver d’avoir quelqu’un, c’est pas vraiment le mot. En fait, on a plus envie de faire des morceaux avec des potes. Et mis à part Parabellum, on a vraiment fait le tour. Faire un morceau avec un mec juste parce qu’il est connu… Je trouve que la musique il faut la partager. Se retrouver un jour en studio avec un mec qu’on ne connait pas pour faire un morceau, il ne se passera rien. Il faut les connaitre les gens, ça ne marche pas comme ça sur commande la musique. « En jouant dans les pays où on n’est pas connu, on est obligé de sortir nos tripes et il se passe toujours des choses importantes. Ça resserre vachement les liens d’amitié et aussi les liens musicaux qu’il peut y avoir entre nous tous. » (Niko) V : Merci beaucoup les gars ! Et merci pour la Triple Karmeliet ! Et la discussion se termine comme elle a commencé : autour des bières spéciales belges qui pètent bien la gueule…