Dispositif GS-ILLETT Dire, Lire, Calculer en grande section de
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Dispositif GS-ILLETT Dire, Lire, Calculer en grande section de
1 Dispositif GS-ILLETT Dire, Lire, Calculer en grande section de maternelle créolophone à La Réunion : logiques, spatialité, numération Livret pédagogique pour une didactique et une pédagogie de l’illettrisme : la spatialité Adriana Folgoat (janvier 2014) 2 Table des matières « L’expression linguistique de la spatialité : les points importants pour l’apprentissage en grande section de maternelle et comparaison français/créole réunionnais » : pp. 3-23 Les formations DIFOR pp. 24-56 Conférences dans le cadre du Dispositif de Grande Section pp. 57-64 3 Outillage pour un apprentissage de l’expression linguistique de la spatialité en contexte créolophone. « L’expression linguistique de la spatialité : Les points importants pour l’apprentissage en grande section de maternelle et comparaison français/créole réunionnais » La situation dans l’espace fait partie du programme de l’école primaire, et cela commence à partir de la maternelle, notamment à travers les activités sportives et manuelles. Les élèves sont initiés à trois types de repères fondamentaux dans l’espace. Dans un premier temps, la distinction entre la gauche et la droite. Ensuite la prise de repère dans l’espace afin de localiser un objet ou une personne. Et l’un des objectifs est aussi d’apprendre à l’élève à se repérer et à localiser par rapport à d’autres entités que lui-même. L’apprentissage de la spatialité en maternelle implique alors l’acquisition d’un vocabulaire lié aux relations spatiales de localisation, de mouvement et de déplacement (Ex. n° 1). Néanmoins, à La Réunion, le créole réunionnais possède un système spatial différent de celui du français. La langue créole n’exprimera pas forcément les notions spatiales citées dans l’exemple n° 1 de la même manière (Ex. n° 2). Cette langue emploie rarement les notions telles que à droite de/à gauche de, mais plutôt koté/koté la, parfois accompagné d’un geste du bras ou de la main. Rarement puisqu’il n’est pas exclu qu’une partie de la population créolophone emploie ces notions spatiales. Par exemple, lorsque la langue française utilise une préposition dans un énoncé, de manière générale le créole réunionnais n’en garde pas l’emploi avec une structure d’énoncé à préposition ø (Ex. n° 3 et n° 4). La prise en compte de ces particularités linguistiques est importante dans l’apprentissage du français aux élèves dans un milieu créolophone. Les deux premiers exemples, ci-dessous, illustrent des unités lexicales et grammaticales qui ne sont pas autonomes lorsqu’elles sont suivies d’un groupe nominal ou d’un pronom de personne. Ces unités prennent alors sens en lien avec les autres éléments de l’énoncé. Les deux derniers exemples représentent la différence d’emploi prépositionnel entre le français et le créole réunionnais. Ex. (1) : devant/derrière qqc/qqn, au-dessus de/au-dessous de qqc/qqn, à droite de/à gauche de qqc/qqn, loin de/près de qqc/qqn Ex. (2) : dovan/déryèr, anlèr/anba/dannfon, laba/térla/atérla Ex. (3) : Je vais chez le médecin Ex. (4) : Mi sava ø doktér La lecture du livret d’« aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin d’école maternelle », éditions 2010, du Ministère de l’éducation nationale, nous a permis de cerner et de regrouper les éléments importants et essentiels dans l’expression linguistique de la spatialité incluant des fiches d’exercices dans une visée pédagogique et didactique. Dans la partie « Découvrir le monde » de ce livret figure la thématique du repérage dans l’espace. Les objectifs étant de « se situer dans l’espace et situer les objets par rapport à soi, comprendre et utiliser à bon escient le vocabulaire du repérage et des relations dans l’espace ». Cette thématique ne fait pas l’objet de fiches d’exercices comme cela est proposé pour d’autres rubriques comme « s’approprier le langage, découvrir l’écrit ». C’est en analysant la rubrique « Guide d’observation » que nous avons découvert les « indicateurs » de la spatialité à évaluer auprès des élèves. Nous dressons la liste du « vocabulaire des relations dans l’espace » donnée dans le livret : 4 - marcher (mars/marsé) courir (kour/kouri) passer (pas/pasé) se placer ou placer quelque chose (mét + Pronom personnelle/mét + Nom) prendre quelque chose sur…, sous…, au-dessus/par-dessus…, au-dessous/pardessous…, au-dessus de… et au-dessous de…, entre… et…, devant…, derrière…, en haut de…, en bas de… ; aller jusqu’à… (pran/trap + Nom + si/dsi/anlèr, sou/dosou/anba, anlèr/pardsi, anba/dannfon/andsou/pardsou, ant, dovan, dérièr, anlèr, anba/dannfon ; alé ziska…) Il est aussi important d’évaluer « le repérage par rapport à sa droite, à sa gauche » et « le repérage par rapport à la droite ou la gauche d’un tiers non orienté comme lui », ce dernier n’étant pas une connaissance et une compétence obligatoire à acquérir en raison du niveau des élèves. Ensuite, on retrouve une liste non exhaustive de « verbes d’action qui traduisent des relations dans l’espace » : - descendre (dsann) - monter (mont) - avancer (avans/alé/vien) - reculer (rokil/rokilé/avans dérièr) - enjamber (pas si/dosi) - soulever (lèv), etc. Les listes de ce livret nous permettent dans un premier temps de constater des éléments de divergence concernant l’expression linguistique de la spatialité entre le français et le créole réunionnais. Nous notons en caractère italique et entre parenthèses les équivalences possibles en créole à côté des termes français cités. Ces équivalences précisent la forme verbale à l’accompli et la forme verbale non-accomplie. Cette première comparaison démontre que certains termes sont semblables en français et en créole réunionnais même si la conjugaison est différente. Toutefois, certains d’entre eux peuvent être dits différemment en créole. Par exemple, « se placer/placer quelque chose » (mét), « enjamber » (pas si/dosi). Au début de la mise en place du dispositif de prévention de l’illettrisme en Grande Section de maternelle, nous avons commencé à regrouper les éléments importants liés à l’apprentissage de la spatialité que nous avons développés sous forme de fiches d’exercices. L’élaboration de ces exercices a notamment été inspirée de la Méthode Lettris (2003) et du Test de Boehm- 3 (2009). Le premier est une méthode d’apprentissage destinée à un public d’adultes en situation d’illettrisme ou en difficulté d’apprentissage et le second est un test psychologique appliqué aux élèves de la maternelle dans le but de vérifier le niveau d’acquisition des concepts abordés. Certains documents iconographiques proposés dans ces méthodes d’apprentissage et d’évaluation nous paraissaient intéressants pour l’élaboration de nos fiches d’exercices. Objectifs : - Savoir se repérer dans l’espace par rapport à son corps, qui sert alors de point de repère. - Localiser dans l’espace à partir de repères autres que soi. 5 - Habituer les élèves à utiliser les prépositions « à, de, chez » qui peuvent poser problème aux élèves créolophones de La Réunion. En effet, celles-ci ne sont pas attestées dans le système prépositionnel commun du créole réunionnais de manière générale même si elles sont employées par certains locuteurs créolophones. Ces prépositions doivent faire l’objet d’un intérêt particulier. - Comprendre et utiliser le vocabulaire lié au déplacement et au mouvement dans l’espace. - Apprendre à gérer les différents espaces. Nous nous sommes principalement intéressée au micro espace représenté par exemple par la table de travail de l’élève, la feuille de papier ou le cahier. Dans le cadre du dispositif de prévention de l’illettrisme en maternelle, nous considérons la cour de l’école et le terrain de sport comme le macro-espace, la salle de classe comme le méso-espace, la table et la feuille de papier comme micro-espace. Pour cela nous nous appuyons sur les travaux de Jean-Luc Bregeon, mathématicien, qui définit les notions de micro-espace, méso-espace et macro-espace dans une étude centrée sur la « structuration de l’espace et géométrie » pour les élèves de maternelle. Cette étude figure sur un site internet dédié à la pédagogique et à la didactique réunissant des travaux et documents utiles aux étudiants. Ces définitions sont les suivantes : « Micro-espace : Espace proche du sujet ; on peut voir, toucher et déplacer les objets de cet espace ; il y a perception exhaustive des objets. Le sujet est à l’extérieur de l’espace. Il n’est pas nécessaire de conceptualiser pour appréhender cet espace. Méso-espace : Espace accessible à une vision globale. Les objets sont fixes ou semi-fixes, visibles selon diverses perspectives. Le sujet est à l’intérieur de l’espace ; il peut s’y déplacer pour observer selon différents points de vue. Une conceptualisation est utile pour appréhender cet espace (maquette, plan). Macro-espace : Espace accessible seulement à des visions locales. Les objets sont fixes et une partie seulement est sous le contrôle de sa vue. Le sujet est à l’intérieur de l’espace et doit coordonner des informations partielles. Une conceptualisation est indispensable pour appréhender cet espace (plan, carte) ». (J-L., Bregeon, « Structuration de l’espace et géométrie ») Si on prend en compte l’environnement proche de l’élève en dehors de l’école, c’est-à-dire l’endroit où il vit ou son environnement familial, on peut donner comme exemple de macroespace tout ce qui est autour de sa maison (la rue, le quartier, etc.). Comme exemple de mésoespace l’intérieur de sa maison et pour le micro-espace un magazine ou un prospectus. En maternelle, l’apprentissage passe principalement par le langage oral. Les exercices à appliquer aux élèves de maternelle se passeront principalement à l’oral. Dans les exercices que nous proposons, il est important de donner les autres possibilités pour exprimer l’unité linguistique à valeur spatiale choisie dans le but d’enrichir le vocabulaire de l’élève. Suite à la collaboration avec l’équipe pédagogique et l’équipe enseignante ainsi qu’à l’analyse linguistique de la spatialité du Test Diagnostic 1, nous avons choisi six éléments essentiels 6 parmi les neuf choisis au départ. Ceux-ci constituent les plus importants dans le cadre de l’apprentissage du langage spatial. La majorité des fiches d’exercices est accompagnée d’une explication pour le cas du créole réunionnais en fonction de la notion spatiale abordée et d’une traduction en créole. Les six éléments fondamentaux de la spatialité retenus sont les suivants : 1) Prise de conscience des axes d’orientation spatiale naturels de son corps Fiche 1 : Le corps et l’espace 2) Le repérage spatial par rapport à son corps Fiche 2 : La place du corps dans l’espace Fiche 3 : Éloignement et rapprochement Fiche 4 : Face à face Fiche 5 : Intérieur et extérieur 3) La localisation spatiale en fonction d’un repère autre que soi (objet ou personne) Fiche 6 : L’espace et l’environnement autour de soi 4) Les prépositions « à, de, chez, dans » Fiche 7 : Où vas-tu ? D’où (re)viens-tu ? 5) Le vocabulaire du mouvement et du déplacement dans l’espace Fiche 8 : Se déplacer et se mouvoir 6) La localisation dans l’espace de la feuille Fiche 9 : Les points spatiaux d’une feuille Fiche 10 : Les coins Fiche 11 : Où sont les ananas ? Fiche 12 : Ecris ton prénom mais fais attention ! 7 1) Prise de conscience des axes d’orientation spatiale naturels de son corps Fiche 1 : Le corps et l’espace Situation : Prendre un groupe de 8 à 10 élèves. Cet exercice peut se dérouler dans la salle de classe ou dans la cour de l’école. Remarques : Il faut aligner les élèves de manière à ce qu’ils ne s’observent pas entre eux pour répondre à la consigne. Bien observer la réaction des élèves pendant l’exercice. Consignes : Levez votre main droite. Levez votre main gauche. Regardez la personne à côté de/près de vous. Levez les bras devant. Levez les bras derrière. Mettez le doigt en haut. Mettez le doigt en bas. Penchez-vous en avant. Penchez-vous en arrière. Particularités du créole réunionnais : Lèv zot min droit anlèr. Lèv zot min gosh anlèr. Gard lo moune lé koté zot. Lèv zot dé bra dovan zot. Lèv zot dé bra déryèr zot. Lèv in doi anlèr. Béss in doi anba. Pansh/avans/pous out kor dovan. Pansh out kor déryèr. L’expression du duel en français passe par l’emploi d’un article des adjectifs droite/gauche (Ex. n° 5). En créole réunionnais, c’est l’unité koté qui marque le duel. L’expression du pluriel passe par l’unité koté qui est précédée de l’adjectif numéral « deux ». Il permet d’exprimer le côté d’un objet ou des parties du corps humain (Ex. n° 6 et n° 7). Selon R. Chaudenson (1974), « ces déterminants ne particuliers ne peuvent être utilisés que pour des objets qui sont membres d’une paire ; […] De toute façon, l’emploi de ces déterminants particuliers n’est pas obligatoire ».1 Nous élaborons un tableau pour regrouper les unités du duel en créole réunionnais et en français, en prenant en compte la condition que l’entité soit constituée d’une paire. Ex. (5) : J’ai mal à la jambe droite. Ex. (6) : Mon koté zoréy « Mon oreille gauche/droite » (au singulier) Ex. (7) : Mon dé koté zoréy « Mes oreilles » (au pluriel) 1 Robert, Chaudenson, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Librairie Honoré Champion, Tome I, pp. 358-359. 8 Tableau 1 – L’expression du duel Français un deux Créole réunionnais lo/in koté lo dé koté / dé koté 9 2) Le repérage spatial par rapport à son corps Situation : Individuelle. Les espaces d’activités possibles sont par exemple la cour de l’école ou la salle de classe. Il s’agit de vérifier l’emploi d’unités grammaticales et lexicales de la spatialité (prépositions, verbes, noms, adverbes, adjectifs). Cf. tableau n°1. Fiche 2 : La place du corps dans l’espace Remarque : Placer l’élève à un endroit stratégique de la salle de classe ou de la cour de l’école. Il faut qu’il soit placé de manière à être entouré de plusieurs objets. Consignes : Demander à l’élève d’indiquer la position des objets autour de lui (devant, derrière, à droite, à gauche, à côté, en face, etc.), par la formule « Où se trouve (tel objet) par rapport à toi ? » : - Où se trouve le tableau ? - Où se trouve l’armoire ? - Où se trouve la fenêtre ? - Où est situé le bureau de maîtresse ? - Où est la chaise ? - Où sont placés vos sacs ? - Où est posé le dictionnaire ? Particularités du créole réunionnais : En créole réunionnais comme dans les autres langues, le repérage dans l’espace se fait notamment à l’aide de repères concrets naturels ou autres dans l’environnement tels que les arbres, les cours d’eau ou les bâtiments (mairies, églises, etc.). Le repérage passe par l’expression Ousa i lé... ? Ousa i tonm… ? Les questions équivalentes en créole de cet exercice sont : - Ousa tablo i lé? - Ousa larmoir i lé? - Ousa la fenèt i lé ? - Ousa buro métréss i lé? - Ousa la shèz i lé? - Ousa zot la métt zot sak ? - Ousa diksionér i lé? L’ordre des constituants n’est pas le même en français et en créole réunionnais : français créole réunionnais Pronom interrogatif + auxiliaire « être » + Groupe Nominal Pronom interrogatif + Groupe Nominal + Prédicat verbal Dans ce tableau, on constate que la place du pronom interrogatif ne change pas mais ce qui se passe en créole réunionnais, en comparaison au français, c’est l’inversion entre le groupe verbal et le groupe nominal. 10 Fiche 3 : Éloignement et rapprochement Remarque : À l’aide d’objets, tester l’acquisition des notions d’éloignement et de rapprochement. Consignes : Poser à l’élève la question suivante en deux fois avec un objet proche et loin de lui : - Est-ce que (nom de l’objet) est près de toi ou loin par rapport à toi ? Mettre l’élève près d’un arbre et lui demander de s’en éloigner (vice-versa). - Demander à l’élève de se rapprocher de la classe ou d’un autre objet ou bâtiment. Particularités du créole réunionnais : L’expression de l’éloignement et du rapprochement dans l’espace ainsi que l’indication d’un lieu en créole est appuyée par l’emploi de l’unité minm. Selon G. Staudacher-Valliamée, dans sa grammaire, « toute unité – simple, complexe, groupe d’unités et phrase – peut être déterminée par minm dont la fonction syntaxique est de renforcer l’idée exprimée par l’unité déterminée ».2 Dans Le créole réunionnais de poche (2004), elle dit encore que « pour marquer un grand éloignement, le créole répète l’adjectif et l’adverbe trois fois en modulant l’intonation : I tonm / Lé loin, loin, loin minm. Cela se trouve / C’est très loin ».3 Le vocabulaire de l’éloignement et du rapprochement en créole réunionnais comporte notamment les unités lexicales et grammaticales suivantes : térla/atérla « ici », isi « ici », la « là », laba « là-bas », loin dannfon laba « loin là-bas » koté « près (de) ». En fonction des consignes de l’exercice proposé, en créole réunionnais on pourrait les formuler de la manière suivante : (objet) lé koté ou/térla sinonsa /laba/térlaba/dannfon laba/loin laba. Alé laba/dannfon laba ! Vyin isi/térla/par isi ! Fiche 4 : Face à face Remarque : Cet exercice doit se dérouler à deux. Placer les élèves face à face. Consignes : Touchez l’épaule droite de votre camarade. Touchez le bras gauche de votre camarade. Touchez l’oreille gauche de votre camarade. 2 3 Gillette, Staudacher-Valliamée, Grammaire du créole réunionnais, Paris, Sedes, Le Publieur, 2004, p. 92. Gillette, Staudacher-Valliamée, Le créole réunionnais de poche, Assimil, 2004, p. 46. 11 Touchez l’oreille droite de votre camarade. Particularités du créole réunionnais : cf. Fiche 1 concernant le marqueur du duel. Fiche 5 : Intérieur et extérieur Situation : Collective. Cette activité peut avoir lieu dans la salle de classe ou dans la cour de l’école. Consignes : Former un cercle (assis ou debout) avec les élèves et demander à l’un d’entre eux de se placer à l’intérieur du cercle et à un autre de se mettre à l’extérieur. Demander à un autre d’entrer dans le cercle, et à un autre de sortir du cercle. Puis, poser les questions suivantes : - Où est-il (elle) ? (en désignant le prénom de l’élève) - Qu’est-ce qu’il (elle) a fait ? (en désignant le prénom de l’élève) Réponses possibles : Il est dedans. Il est dehors. Il est dans le cercle. Il est en dehors du rond. Il est à l’intérieur (du cercle). Il est à l’extérieur (du cercle). Il est entré dans le cercle. Il est sorti du cercle. Équivalences en créole réunionnais : Questions : - Ousa li lé ? - Kosa li la pou/trann fé ? Réponses possibles : Li lé anndan/dedan. Li lé déor. Li la sort déor. Li lé dann (lo) ron. Li lé déor lo ron. Li lé anndan/dedan. Li lé déor. Li la rant dann (lo) ron. Li la sort déor lo ron. On remarque qu’en créole, on n’exprime pas les notions françaises « à l’intérieur de, à l’extérieur de » mais plutôt les unités lexicales suivantes : anndan/dedan/dann // déor/andéor. dan lakaz « à l’intérieur de la maison » par anndan « à l’intérieur » 12 3) La localisation spatiale en fonction d’un repère autre que soi (objet ou personne) Fiche 6 : L’espace et l’environnement autour de soi Situation : Individuelle. Cet exercice peut se dérouler dans la salle de classe ou dans la cour de l’école. Remarque : Placer des objets un peu partout à l’intérieur de la classe ou dans l’espace de la cour de l’école. Consignes : Questions possibles (adapter les questions en fonction du matériel choisi) : Où se trouve le stylo ? (sur la table, par terre, etc.) Où se trouve la trousse ? (sous la chaise, sous la table, etc.) Où se trouve la boîte de craies ? (en haut de l’armoire, en bas de l’étagère, etc.) Où mets-tu le dictionnaire ? (Je mets le dictionnaire sur l’étagère de la bibliothèque) Où mets-tu ton sac ? (Je mets mon sac dehors) Où poses-tu ton cahier ? (Je pose mon cahier sur la table/dans le casier de ma table) Est-ce que la table est près du tableau ou loin du tableau ? Montrer l’image qui suit à l’élève et lui poser la question suivante : Qu’est-ce qu’il y a / Qu’est-ce que tu vois entre le soleil et la lune ? (Il y a une étoile) Équivalences en créole réunionnais : Questions : Ousa lo léstilo i lé ? (si/dosi la tab, atér, etc.) Ousa la trouss i lé ? (sou/dosou la shèz, la tab, etc.) Ousa boit la kré i lé ? (anlér/dosi larmoir, anba létazèr, etc.) Ousa zot i mét diksionér ? (Mi mét diksionér si/dosi létazèr la bibliotèk) Ousa zot i mét zot sak ? (Mi mét mon sak déor) Ousa zot i poz zot kayé ? (Mi poz mon kayé si/dosi la tab, dann kazié mon tab) La tab lé loin lo tablo oubien lé koté tablo ? Pour l’image à montrer à l’élève : Kosa néna rant lo solèy ék la line ? (Nana in zétoil). 13 4) Les prépositions « à, de, chez, dans » Fiche 7 : Où vas-tu ? D’où (re)viens-tu ? Situation : Prendre un groupe de 5 élèves. Cette activité peut se réaliser dans la salle de classe. Remarques : L’idée est de faire un jeu illustrant, par exemple, un endroit où se trouve une boulangerie, un cabinet de dentiste et une bibliothèque. Cela peut permettre l’emploi des prépositions spatiales « à, de, chez » dans l’expression orale des élèves. Consignes : Expliquer aux élèves la situation dans laquelle ils doivent s’imaginer. Ils devront se déplacer dans cet espace en précisant l’endroit vers lequel ils se dirigent. Il faut alors leur poser les questions suivantes : Où vas-tu ? Où allez-vous ? Où allons-nous ? D’où (re)viens-tu ? Où entres-tu ? Les réponses possibles sont par exemple : - Je vais à la boulangerie. - Nous allons à la bibliothèque. - Je vais chez le dentiste. - Je sors de la bibliothèque. - Je reviens de la bibliothèque. - J’entre dans la boulangerie. Particularités du créole réunionnais : En créole réunionnais les prépositions « à, de, chez » ne sont pas attestées dans le système prépositionnel commun du créole réunionnais (cf. les traductions en créole des réponses possibles de l’exercice). Mais, il est possible qu’une partie de la population créolophone emploie ces prépositions. Toutefois les prépositions « à, de » entrent dans la composition de locutions figées telles que piédboi, piédri, koudmin, sabakane, tabamanzé, etc. La préposition « chez » du français se réalise sous la forme lakaz en créole réunionnais (Ex. n° 8). Ex. (8) : Mi sava lakaz Élisa. « Je vais chez Élisa. » Réponses possibles en créole réunionnais : - Mi sava la boulanzri. Nou sava la bibliotèk. Mi sava dantiss. Mi sort dan la bibliotèk. Mi sort la bibliotèk. Mi rant dann la boulanzri. La polysémie de certaines prépositions et même de certains verbe créoles peut poser problème dans l’apprentissage du/en français pour un public créolophone. Par exemple, la préposition créole dan’ véhicule plusieurs sens sous les formes suivantes en français : dans, de, du (Ex. n° 9, 10, 11). Ex. (9) : Trap deu tomat dann tant bazar « Prends deux tomates dans le panier à légumes » Ex. (10) : Sort dan la shanm « Sors de la chambre » 14 Ex. (11) : Tir out pié dann fotéy « Enlève tes pieds du canapé » L’unité lexicale et grammaticale qui se réalise sous les formes alé/alon/anon/sava « aller, partir » en créole réunionnais est particulière. Elle peut : - être un syntagme verbal : Mi sava Sin-Pol « Je vais à Saint-Paul » - être un marqueur préverbal (aspectuel et temporel) véhiculant une valeur injonctive : Alé pass balié ! « Va balayer ! » - être un marqueur préverbal (aspectuel et temporel) du futur, dont les variantes morphologiques sont sava/sa/sar/va : Mi sa manz in mang « Je vais manger une mangue » - entrer dans la composition de locutions figées : Alé marshé don ! « Va voir là-bas si j’y suis ! » - être une interjection : Alé oir ! « à vrai dire, que dalle ».4 Un autre exemple avec la structure alé oir : Ex. (12) : Loulou la di amoin linz té fine lavé, alé oir, le linz té sal ! « Loulou m’avait dit que les vêtements avaient été lavés alors qu’ils étaient sales ! » 4 Alain, Armand, Dictionnaire kréol rénioné/français, Saint-André, Océan Éditions, 1987, p. 317. 15 5) Le vocabulaire du mouvement et du déplacement dans l’espace Fiche 8 : Se déplacer et se mouvoir Situation : Prendre un groupe de 8 à 10 élèves. Ces exercices peuvent se dérouler dans la cour de l’école ou sur un terrain de sport. Remarques : Mise en place d’activités sportives dont les consignes contiennent des unités lexicales et grammaticales à valeur spatiale. Matériel : Bancs, cerceaux, un bâton, des plots, une craie pour marquer le sol, etc. Consignes : Demander aux élèves de : - Courir jusqu’aux toilettes Marcher depuis la classe jusqu’à l’aire de jeux Marcher depuis le trait (ou le bâton) et s’arrêter devant le banc Enjamber le banc Monter sur le banc Sauter du banc Poser les mains sur le banc Soulever le banc Sauter dans (à l’intérieur du) le cerceau Traverser le cerceau (le cerceau placé à la verticale) /Passer à travers le cerceau Entrer dans le cerceau Sortir du cerceau Mettre les élèves en ligne et leur demander d’avancer puis de reculer. Placer un cerceau un peu loin de la position initiale de l’élève. Donner un plot à l’élève. Enoncer les consignes suivantes : - Avance vers le cerceau. - Place le plot à l’intérieur du cerceau. - Tourne à gauche (ou à droite) du cerceau. - Et reviens vers moi. Particularités du créole réunionnais : Pour le premier exercice la traduction en créole serait la suivante : - Kour ziska kabiné/toilét - Marsh dopi la klass ziska ousa i zoué - Komans marsh dopi lo baton, apréla kal/arét dovan lo ban - Pass dosi lo ban - Mont anlèr lo ban - Sot atér - Poz zot min si/dosi lo ban - Lèv lo ban anlèr - Sot anndan lo sérso 16 - Pass anndan lo sérso Rant dan lo sérso Sort dan lo sérso Pour le deuxième exercice, l’équivalent en créole réunionnais serait : - Avanss - Rokil Pour le troisième exercice : - Avanss ziska lo sérso. - Métt lo plo dan/anndan lo sérso. - Tourn koté lo sérso. Tourn par isi/par laba. - Apré rovien koté moin. On remarque, dans les consignes créoles, que l’expression de certains verbes ne sont pas toujours les même et que là où en français le verbe suffit pour exprimer le mouvement (enjamber, soulever), en créole on utilise un verbe combiné à une préposition, qui est placée avant ou après le syntagme nominal (Ex. n° 13). Ex. (13) : Pass dosi lo ban. « Enjamber le banc. » 17 6) La localisation dans l’espace de la feuille Remarques : Etant considérée comme micro espace, les exercices avec la feuille de papier consisteront à reconnaître le haut, le bas, les côtés, les coins, la droite et la gauche de la feuille. Il s’agira également de savoir repérer des éléments sur une feuille de papier. Fiche 9 : Les points spatiaux d’une feuille Situation : Prendre un groupe de 5 élèves. Dans la salle de classe. Matériel : une feuille blanche de format A4. Consignes : Posez le doigt sur le haut de la feuille. Posez le doigt sur le bas de la feuille. Posez le doigt sur la droite de la feuille. Posez le doigt sur la gauche de la feuille. Équivalences en créole réunionnais : Poz zot doi dési le féy anlèr. Poz zot doi dési lo féy anba/dannfon. Poz zot doi koté par la si lo féy. Poz zot doi koté par isi si lo féy. Fiche 10 : Les coins Situation : Collective. Matériel : une feuille blanche de format A4. Consignes : Coloriez en rouge les quatre coins de la feuille de papier. Particularités du créole réunionnais : Le nom « coin » du français est attesté en créole réunionnais mais uniquement sous la forme prépositionnelle dann koin (Ex. n° 11, 12). Ex. (14) : Boug-la i asiz toultan dann koin la boutik « Cet homme s’assoit souvent au coin de l’épicerie » Ex. (15) : Métt balyé dann koin la kizine « Pose le balai dans un coin de la cuisine » Ex. (16) : Mét aou bien dann koin somin « Mets-toi sur le côté du chemin » 18 Fiche 11 : Où sont les ananas ? Situation : Prendre un groupe de 5 élèves. Matériel : un document iconographique illustrant plusieurs ananas, des feutres. Consignes : L’espace et ses limites Entourez en rouge l’ananas qui se trouve à gauche de la feuille. Entourez en bleu l’ananas qui se trouve en haut de la feuille. Entourez en vert l’ananas qui se trouve à droite de la feuille. Entourez en jaune l’ananas qui se trouve en bas de la feuille. Entourez orange l’ananas qui se trouve au milieu de la feuille. Équivalences en créole réunionnais : Antour an rouz lo zanana lé koté par isi si lo fèy. Antour an blé lo zanana lé anlèr si lo fèy. Antour an vér lo zanana lé koté par la si lo fèy. Antour an zone lo zanana lé anba si lo fèy. Antour an oranz lo zanana lé dann milié lo fèy. 19 Fiche 12 : Ecris ton prénom mais fais attention ! Situation : Collective. Remarques : Il faut faire comprendre à l’élève qu’il existe des espaces limités, notamment la feuille de papier ou encore le contour d’un dessin. Il doit apprendre à gérer cet espace restreint et donc à ne pas dépasser ses limites. Matériel : une feuille de papier avec quatre rectangles de dimension différente. Consigne (1) : Écrivez votre prénom en majuscule à l’intérieur des deux rectangles en utilisant tout l’espace. Mais il ne faut pas déborder des rectangles. Consigne (2) : Ecrivez votre prénom en écriture cursive (en attaché) dans les deux rectangles en utilisant tout l’espace. Mais il ne faut pas déborder des rectangles. 20 21 Tableaux des unités lexicales et grammaticales de la spatialité selon les critères de localisation, de mouvement, de déplacement en français Tableau 1 – Unités lexicales et grammaticales de localisation Noms Le côté Le coin Le bout Le bord Le sommet Le dessus Le dessous L’avant, le devant L’arrière, le derrière Le milieu Le centre Le fond Le haut/le bas L’intérieur/l’extérieur Verbes Etre Se trouver Se situer Localisation Adjectifs Droit(e)/gauche Avant/arrière Haut(e)/bas(se) Intérieur/extérieur Adverbes Ici/là/là-bas Dessus/dessous Par terre En haut En bas Dedans Dehors Devant/derrière Au fond Sur le bord Loin/près Où Partout Prépositions A Y De En Entre Sous/sur Dessous/dessus Au-dessus de/audessous de Dedans/dehors En haut/en bas A côté/près de/loin de/auprès de Hors de En face de Face à Devant/derrière Au coin Au bout de Dans Contre Au bord de Au milieu de Au fond de A gauche A droite 22 Tableau 2 – Unités lexicales et grammaticales de mouvement Noms Un tour Un saut Un pas Une enjambée Verbes S’asseoir Se lever Se mettre debout Se pencher S’agenouiller Sauter Se retourner Tourner Prendre Attraper Lâcher Jeter Lancer Taper (dans les mains, dans la balle…) Frapper (des mains, dans le ballon…) Mettre Placer Rendre (quelque chose) Envoyer (quelque chose) Joindre Enjamber Contourner Mouvement Adjectifs Debout, assis ; Allongé ; accroupi, Intérieur/extérieur Adverbes ici, autour, dedans, dehors, derrière, dessous, devant, là, loin, où, partout, près Prépositions Sur/sous, vers, dans, de, sous/sur, entre, dessous/dessus Au-dessus de/audessous de Dedans/dehors En haut/en bas A côté/près de/loin de/auprès de Hors de En face de Face à Devant/derrière Au coin Au bout de Dans Contre Au bord de Au milieu de Au fond de A gauche A droite Tableau 3 – Unités lexicales et grammaticales de déplacement Noms Le départ L’arrivée La venue L’entrée La sortie La montée La descente Un aller Un retour (allerretour) Une course Le long de Verbes Marcher Courir Avancer Reculer Partir Aller Venir Arriver Revenir Passer Descendre Monter Sortir S’éloigner Se rapprocher Traverser Entrer Se déplacer Se rendre Tourner Grimper S’arrêter Rejoindre Déplacement Adjectifs Droit Intérieur/extérieur Adverbes Autour, ici, ailleurs, dedans, dehors, derrière, dessous, devant, là, loin, près, où, partout, y Prépositions Chez A Par De Vers Dans Sur Y Jusque/jusqu’à Depuis A partir de A travers A l’intérieur/à l’extérieur Loin de/près de A l’envers/à l’endroit 23 Tableaux de certaines unités lexicales et grammaticales de la spatialité en créole réunionnais Tableau 4 – Les prépositions à valeur spatiale R. Chaudenson (1974) An « en, de », An bas d’ « au-dessous de », An déor « au dehors de, à l’extérieur de », Anfas « en face de », Anlèr « sur, en haut de », En o d’ « au-dessus de », Koté « près de, à côté de », Dan, dann « dans, au milieu de, parmi, au voisinage de, près de, à, sur, de », La kaz « chez », Depi « depuis », Devan « devant », Déryèr « derrière », Dsi « de plus de, de», De dsi « de dessus », Par « de, par », Pou « pour, à », Sir « sur », Sou « sous », Vizavi « en face de », Ziska « jusqu’à »5 P. Cellier (1985) An, Anba, Andéor, Anfas, Anlèr, Anndan, an-o, (a)koté « près de », (d)dan, (d)sir, (d)sou « sous », Dan, dann « dans, au, de, du », Dann fon « du fond de », La kaz « chez », Lebor « au niveau de », Rant « entre », Su « sur », Par, Ziska…6 G. Staudacher-Valliamée (2004) Anba « en bas de, au-dessous de » Anler « au-dessus de », Bor « au bord de », Bordazh « près de », Dan « dans, de », Dann bor « au bord de », Dann fon « au fond de », Dann koin « au coin de », Dann milië « au milieu de », Dëvan « devant », Deryèr « derrière », Koté « près de », Sï « dessus », Sou « dessous », Vizavi « en face de »7 Tableau 5 – Les adverbes à valeur spatiale Adverbes à valeur spatiale Créole réunionnais Français anler « dessus » anba « dessous » ater « par terre » anho « en haut » anndan « dedans » dëhor « dehors » dëvan « devant » deryer « derrière » dëssi « dessus » dëssou « dessous » issi « ici » là « là » laba « là-bas » sikoté, parkoté « sur le côté, en accompagnement » dannfon « au fond » dannbor « sur le bord » 5 Robert, Chaudenson, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Centre national de la Recherche scientifique, 1974, pp. 370-375. 6 Pierre, Cellier, Description syntaxique du créole réunionnais : Essai de standardisation, Thèse pour le doctorat d’Etat, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1985, pp. 525, 535-537. 7 Gillette, Staudacher-Valliamée, 2004, op. cit. Grammaire..., p. 95. 24 FORMATIONS DIFOR pour le Dispositif de grande section 26 et 27 mars 2012, Université du Tampon : Deuxième année de doctorat en linguistique et en créolistique sous la direction du Pr. GSV. Rattachée au Laboratoire du LCF – (Langues, textes et communication dans les espaces Créolophones et Francophones) et à l’Institut de l’illettrisme de l'Université de La Réunion. Plan de l’intervention : 1) Brève présentation de mon travail de recherche 2) Ce qu’est la spatialité ou système spatial 3) De quoi est fait le système spatial du créole réunionnais en comparaison avec celui du français 4) Le lien entre l’étude linguistique de la spatialité et le dispositif de prévention 5) Mutualisation de pratiques (Contribution des enseignants au dispositif de prévention) Introduction : Mon travail de thèse est la continuité d’une recherche précédente sur l’étude linguistique de la spatialité dans un corpus de chansons créoles de La Réunion de trois auteurs nés entre 1922 et 1928. Il s’agissait de Maxime Laope, Loulou Pitou et Henri Madoré. Actuellement, pour ma thèse, je mène toujours une étude linguistique de la spatialité, en faisant une comparaison entre le créole réunionnais et le français. La particularité de ce travail de recherche réside dans l’intérêt porté à l’apprentissage du et en français et aux situations de l’illettrisme dans un milieu créolophone comme l’île de La Réunion. Ma thèse s’intitule : Étude linguistique de la spatialité : comparaison créole/français, savoirs de base et applications aux situations de l’illettrisme à La Réunion. Mon sujet de Thèse constitue une continuité de mon Mémoire de Master 2 sur la thématique de la spatialité dans les langues. Pour mon Mémoire de Master 2, j'ai procédé à l’étude linguistique de la spatialité dans un corpus de chansons créoles de La Réunion. J'ai analysé les chansons de Maxime Laope, Loulou Pitou et Henri Madoré (né entre 1922 et 1928), trois grands représentants du séga et du maloya des années cinquante. Ces 3 auteurs étaient des locuteurs créolophones âgés et faiblement scolarisés. Définition et explications en linguistique générale et en créolistique : L’hypothèse de mon travail de recherche est qu’il existe une organisation de la spatialité en créole réunionnais. En effet, après l’identification d’un système verbal (cf. GSV, 1992, 2004) et d'un système prépositionnel (cf. GSV, 92, 2004) par G. Staudacher-Valliamée, mon travail de recherche a observé comment verbes et prépositions exprimaient linguistiquement la spatialité. J'ai étendu l'analyse à d’autres unités qui contribuent à l'expression linguistique de la spatialité en créole réunionnais notamment les adverbes, syntagmes nominaux, les toponymes (noms de lieux). Je m'intéresse à l'étude de l'Espace dans sa différence au Temps. La notion du Temps constitue une place importante dans les études linguistiques. Selon O. Ducrot (linguiste français, 1995), le temps et le mode déterminent le fonctionnement du temps grammatical. Les modes, dans le système verbal français, étant l’indicatif, le subjonctif, le conditionnel, l’impératif, l’infinitif, le gérondif et le participe ; et les temps : le présent, l’imparfait, le futur, le passé simple, le passé composé, le plus-que-parfait, le futur antérieur, le passé antérieur. Dans son article, O. Ducrot s’intéresse « à la façon dont l’expérience humaine du temps est 25 représentée à travers l’organisation linguistique des énoncés – et elle l’est par bien d’autres moyens que par les Temps Grammaticaux »8 Cette citation de Ducrot est intéressante dans la mesure où l’auteur souligne la possibilité d’exprimer la temporalité autrement que par le temps grammatical. L’auteur montre alors l’importance des « indications temporelles »9 qui peuvent être véhiculées par des adverbes ou des groupes nominaux. Par exemple en créole réunionnais, ces indicateurs temporels peuvent représenter des datations (Dimanche grand matin10, L’année 5911), des saisons (dans la saison goyavier12). Le temps se rattache à la spatialité en raison de la présence des marqueurs aspectuels et temporels dans le système verbal du créole réunionnais. Ceux-ci permettent l’expression de la spatialité par la description du déplacement futur ou du mouvement en cours. Concernant l'espace, on peut dire que de nombreux travaux ont été menés sur cette thématique notamment en littérature, en géographie et en anthropologie. Mais pour le créole réunionnais, les études linguistiques centrées sur la spatialité font encore défaut, à l’exception des travaux menés par G. Staudacher-Valliamée, cités précédemment. Dialogue avec les prédécesseurs : Dans un article intitulé « Une classe de fonctionnels en créole réunionnais : forme et sens ? » (1996), G. Staudacher-Valliamée propose une étude de la morphologie et du sens des prépositions en créole réunionnais selon des corpus oraux et écrits. Son corpus était constitué de données collectées sur le terrain par plusieurs linguistes tels que Cellier (1985), Ramassamy (1985) ou encore Papen (1978). L’auteur de l’article s’appuie aussi sur le lexique de Chaudenson (1978) et les dictionnaires d’Armand et de Baggioni (1987-1990), mais également sur « les sketchs audio-oraux »13 de Thierry Jardinot (1990, 1992), les histoires créoles de Daniel Vabois (1988) ainsi que les contes créoles de Héry (1828). Afin de comprendre le fonctionnement des prépositions du créole réunionnais, L’auteur s’intéresse à la morphologie, au sens et à la valeur de celles-ci. Dans son article, G. Staudacher-Valliamée démontre la prédominance des unités à valeur spatiale dans l’inventaire qu’elle effectue et le faible nombre d’unités à valeur temporelle. Elle inventorie « 13 prépositions spatiales et temporelles »14. Dans son inventaire des prépositions du créole réunionnais, celles qui véhiculent une valeur spatiale sont par exemple : 25 unités variation de valeur autres classes syntagmes figés (spatiale, (adverbes, fonction- la forme traduction (contexte) temporel- particule, 8 Id. 9 Id, p. 567. 10 Chanson de Maxime Laope, Agnès, cf. Annexe 2, p. 8. 11 Chanson de Loulou Pitou, La coupe carrée, cf. Annexe 2, p. 24. 12 Chanson de Loulou Pitou, Viens ici cf. Annexe 2, p. 35. 13 Gillette, Staudacher-Valliamée, 1996, op. cit. « Une classe de fonctionnels en créole réunionnais… », p. 62. 14 Id, p. 66. 26 nelles le, autre) subordonnant, adjectif) èk avèk spat. dan dann' spat., temp. dedan dodan, spat. anndan, ddan loc. adv. adv., adj., particule mèt èk mèt dobwa èk l fini èk sa fini èk ou rant' èk kour dann' somin in kolyé dan mon kou (dann'pyé) sòrt dan lé o dann' tan lontan sòrt dan mon zanm'! banna lé anndan, zòt lé ddan (dodan) anndan la, moin la gliss anndan. dann'tan lontan dann' kwin lârmwâr mon koté dzyé rèss koté moin lotkoté laba dann'+N spat., temp. loc. prép. koté spat. nom, adv. vizavi dovan spat. spat. nom adv., particule, mèt dovan nom sòrt dovan! devan, dvan pass dovan la di dovan nou dèryèr si desi dsi desou dosou, dsou anlèr i koné pi son dovan mon bluz lé dovan dèryèr spat. particule, adv. râl dèryèr pass dèryèr assiz dèryèr spat., kòz si li quantité, mont'si mon lanp, temp. grinp' si li spat., adv., particule, mèt desi temp. adj. lé desi spat. adv., adj. gliss dosou lé dosou spat. adv., particule, rèss anlèr adj. lé anlèr déposer chez sermoner qqn en finir se débarasser de agresser courir dehors un collier au cou, (au pied) venir des Hauts autrefois pousse-toi ! ils sont à l'intérieur, dedans là dedans, je me suis glissé à l'intérieur (je l'ai glissé dedans) autrefois derrière l'armoire un oeil reste près de moi là-bas prendre la fuite pousse toi! attention! évincer nous étions témoins il a perdu la tête ma chemise de nuit est sens devant derrière tricher rectifier s'asseoir à l'arrière dire du mal de insulter qqn être pris de (peur) ajouter de l'argent être dessus glisser dessous être dessous être perdante, être en haut, en vedette 27 assiz anlèr anlèr Lantanyé anba spa dannfon spat. avan temp. apré temp. depi dopï ziska zïska, Zyska, temp. źiska amonté, armonté apârtir (postposé) temp. temp., quantit. adv., adj., particule adv., adj., particule anba Larivyèr assiz anba(dannfon) lé anba dannfon laravine dannfon Gran Brilé domoun' dannfon lé dannfon adj., adv. i lav avan, apré ssa i manz i pass avan adv., particule apré ssa na wâr li tonm' apré li vyen apré Milyen adv., subord. depï tanpti i fé dé zour, nana dé mwa adv., subord. ziskatan, ziskalèr ziska talèr s'asseoir en haut dans la région au dessus de... dans les quartiers de… s'asseoir en bas être au rez-dechaussée, dehors au bord, sur les rives de… au fin fond de… les gens demunis être au plus bas d'abord on les lave, puis on les mange avoir la priorité après, nous verrons il est plus jeune qu'Emilien depuis l'enfance depuis deux jours, deux mois jusqu'à ce que, jusqu'à présent, d'ici peu moin la ziska anvi j'ai même envie de wâr aou te voir dé zan amonté au moins trant' apârtir Pour ce qui est du français : La lecture de l’ouvrage sur la sémantique de B. Pottier (1992), dans lequel il évoque certains aspects de la spatialité, m'a été utile pour mon travail de recherche. Selon lui, « le spatial » est le « domaine qui est le plus facilement imaginable15 ». Dans son ouvrage, il propose une figure qui schématise l’approche, l’intériorité et l’éloignement, qui sont des critères de la spatialité. Pottier présente aussi ce qu'il considère comme des critères de la spatialité, par exemple : « hors (de), à l’extérieur (de) ; contre, au contact (de) ; (entrer) dans, en ; dans, au centre (de), à l’intérieur (de) ; (sortir) de ; (partir) de ; (s’éloigner) de »16. Dans le cadre de mon étude linguistique, je me suis intéressée à ces critères de la spatialité que propose Pottier, mais j'en ai rajoutés huit autres pour l'identification des verbes dans mon corpus. Les autres critères de description sont, par exemple, les mouvements impliquant l'axe d'orientation vertical : haut/bas, ou encore l'axe d'orientation frontal : devant/derrière. Dans son ouvrage, Pottier parle également des verbes à sens abstrait et ceux à sens concret. 15 Id, p. 40. 16 Id, p. 55. 28 Cette distinction implique la représentation mentale du mouvement spatial. Dans son ouvrage, il donne pour exemple de verbe à sens abstrait « entrer en religion » et « entrer en classe17 » pour le sens concret. Selon Andrée Borillo, dans son ouvrage L'espace et son expression en français (1998), ce qui est important dans la situation spatiale, c’est le contexte de celle-ci en représentation mentale ou en situation réelle. L’auteure parle d'« entités concrètes qui correspondent aux « êtres, objets et lieux ». Elle identifie, la dimension « statique » qui concerne les « relations de localisation », (ex.) et « la mise en perspective spatio-temporelle de changement de lieu » qui concerne les « relations de déplacement » (ex.). Ex. : La lampe est sur la table. Ex. : Le train quitte ma gare. L’auteure précise que « la description du déplacement, assurée principalement par des verbes et des prépositions, prend en compte des facteurs temporels et aspectuels grâce auxquels peuvent être focalisées des phases différentes du procès (les phases initiale, médiane et finale) et peuvent être caractérisés les états s’appliquant à la cible ou au site (avant, pendant ou après le déplacement) ».18 Quand A. Borillo évoque les notions de mouvement et de déplacement, elle précise que « Le mouvement d’un objet peut être vu comme un changement de posture ou de position, mais qui ne va pas jusqu’à entraîner un véritable déplacement de l’endroit […] où il se trouve : Elle cite pour exemples : Paul se pencha à la fenêtre. Il s’agenouilla sur le sol. Il tourna la tête vers la porte. Il s’appuya contre le mur ».19 L’objet n’est pas déplacé du « support »20 mais il est juste positionner autrement. C’est donc un mouvement. Ce type de verbe est désigné par différents auteurs « sous le même terme (cf. Laur 1991) ou sous un terme différent : verbes d’agitation (cf. Dervullez-Bastuji 1982), verbes de mouvement de corps (cf. Lamiroy 1987), verbes de postures (cf. Asher 1994) ». Concernant « Le déplacement, en revanche, est à considérer comme un événement de nature spatio-temporelle, puisqu’il entraîne une modification des relations spatiales d’un objet avec son support à des instants temporels successifs. »21 Ex. : Le train quitte ma gare. → déplacement On constate qu'il s'agit d'un passage d’une localisation à une autre. Rappel : Mon travail de recherche sur la thématique de la spatialité. Pour mon étude, je parle de système spatial. 17 Id. 18 Andrée, Borillo, 1998, op. cit., L’espace et son expression…, p. V. 19 Id, p. 38. 20 Id. 21 Id. 29 Qu'est-ce qu'un système spatial, d'un point de vue linguistique ? En m'appuyant sur ce qui a été dit dans les ouvrages précédemment cités, un Système Spatial pourrait se définir par l'ensemble des unités linguistiques véhiculant l’expression des relations spatiales telles que la localisation ou le repérage, le déplacement et le mouvement. Les verbes et les prépositions sont les principales unités lexicales et grammaticales permettant d'exprimer ces relations spatiales, toutefois les adverbes, les noms, les adjectifs ou encore les toponymes (nom de lieu) sont d'autres unités lexicales et grammaticales qui font partie du système spatial d'une langue. Méthodologie de la recherche : description intrinsèque du créole réunionnais /comparaison avec le français De quoi est fait le système spatial du créole réunionnais ? En créole réunionnais, l'expression de la spatialité est véhiculée : → à travers le système verbal : selon les trois sens spatiaux : locatif, destinatif et origine (tableau) - Sens locatifs Locatif Destinatif origine - Français Où ? Vers où ? D’où ? - Créole réunionnais Ousa i lé ? Ousa i sava ? Ousa i sort ? Ex. : Pépé i asiz dosou pié tamarin. « Pépé est assis sous le tamarinier. » (locatif) Ex. : Mi sava Sin-Pol. « Je vais à Saint-Paul. » (destinatif) Ex. : Mi sort lékol. « Je reviens de l'école. » (origine) Les verbes de mouvement : Ex. : Moin la dépoz mon tant atèr. « J'ai déposé mon panier par terre. » → Il existe d'autres critères pour identifier les verbes véhiculant la spatialité qui valent pour le créole réunionnais (vu précédemment) : 1. Le sens concret et le sens abstrait des verbes : Ex. : Marie la ramass mang dan la kour. « Marie a ramassé les mangues dans le jardin. » [sens concret] Ex. : Momon la ramass ti garson-la. « Maman a recueilli ce petit garçon. » [sens abstrait] 1. le caractère statique ou dynamique d'un verbe et même d'une préposition : Ex. : Mi dobout koté légliz. « Je me tiens debout à côté de l’église. » (statique) Ex. : Mi marsh dannbor la mér. « Je marche près du rivage » (dynamique) → Les prépositions à valeur spatiale du créole réunionnais : Grille des prépositions à valeur spatiale du créole extraites de différents ouvrages linguistiques sur le créole réunionnais : R. Chaudenson (1974) P. Cellier (1985) G. StaudacherValliamée (1993) G. Staudacher-Valliamée (2004) 30 An « en, de », An bas d’ « au-dessous de », An déor « au dehors de, à l’extérieur de », Anfas « en face de », Anlèr « sur, en haut de », En o d’ « au-dessus de », Koté « près de, à côté de », Dan, dann « dans, au milieu de, parmi, au voisinage de, près de, à, sur, de », La kaz « chez », Depi « depuis », Devan « devant », Déryèr « derrière », Dsi « de plus de, de», De dsi « de dessus », Par « de, par », Pou « pour, à », Sir « sur », Sou « sous », Vizavi « en face de », Ziska « jusqu’à »22 An, Anba, Andéor, Anfas, Anlèr, Anndan, an-o, (a)koté « près de », (d)dan, (d)sir, (d)sou « sous », Dan, dann « dans, au, de, du », Dann fon « du fond de », La kaz « chez », Lebor « au niveau de », Rant « entre », Su « sur », Par, Ziska…23 èk dan dedan dann'+N koté vizavi dovan dèryèr si desi desou anlèr anba dannfon Anba « en bas de, audessous de » Anler « au-dessus de », Bor « au bord de », Bordazh « près de », Dan « dans, de », Dann bor « au bord de », Dann fon « au fond de », Dann koin « au coin de », Dann milië « au milieu de », Dëvan « devant », Deryèr « derrière », Koté « près de », Sï « dessus », Sou « dessous », Vizavi « en face de »24 Il faut savoir que les prépositions françaises « à, de » ne sont pas attestées en créole réunionnais mais entrent dans la composition de synthèmes nominaux, il s'agit de structures nominales figées. Ex. : Mi sava bazar « Je vais au marché » Ex. : Mi sort lékol « Je reviens de l’école » Ex. : shifon-d-rak «ivrogne», tabamanzé « table à manger », piédboi « arbre ». (synthèmes nominaux) → Il y a un autre point à préciser : La polysémie de certaines prépositions et même de certains verbe créoles peut poser problème dans l’apprentissage du/en français pour un public créolophone. Par exemple, la préposition dan’ à dans, de, du. Ex. : Trap deu tomat dann panié légum à Prend deux tomates dans le panier à légumes Ex. : Sort dan la shamb à Sors de la chambre Ex. : Tir out pié dann fotéy à Enlève tes pieds du canapé Mi tir mon zano dan mon zoréy « J’enlève mes boucles d’oreilles de mes oreilles » Mi métt mon zano dan mon zoréy « Je mets mes boucles d’oreilles dans mes oreilles » 22 Robert, Chaudenson, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Centre national de la Recherche scientifique, 1974, pp. 370-375. 23 Pierre, Cellier, Description syntaxique du créole réunionnais : Essai de standardisation, Thèse pour le doctorat d’Etat, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1985, pp. 525, 535-537. 24 Gillette, Staudacher-Valliamée, 2004, op. cit. Grammaire..., p. 95. 31 (1) Exemples en français de verbes à sens concret et abstrait : Lever les bras. (concret) Lever une interdiction. (abstrait) à Faire cesser quelque chose (2) Exemples en français de verbes statiques et dynamiques : Je suis assis sur un banc. Lucie tourne le volant vers la gauche. Pour le cas du français, en me basant sur un compte-rendu linguistique de C. Hagège (linguiste français, 2006), on constate que la spatialité est aussi marquée par : - l’utilisation de préfixes telles que « entre-, sur- » à Ex. « Entreposer, survoler » - l’utilisation de « formules de lexicalisation »25 à Ex. « Écrémer, embouteiller » Dans le cas de ces exemples, il s’agit d’une lexicalisation par « soudures de plusieurs mots en un seul ou agglutinations ».26 Pour en revenir aux prépositions, dans un ouvrage consacré aux « réflexions prépédagogiques », Pierre Cellier note la difficulté d’acquisition de la classe des prépositions en français pour les locuteurs créolophones. Cela mène à des « erreurs sur la préposition en français »27 qu’il appelle « absences », « hypercorrections » et « confusions »28 dans leurs productions orales ou écrites (Ex. n° 10, 11, 12). Ex. : Il dit Jean : « on va lécole ». [Absence] Ex. : Il y avait de la fête [Hypercorrection] 29 Ex. : Quelle belle journée par une promenade en forêt (pour) [Confusion] → À présent, si on s’interroge sur les notions spatiales françaises qui semblent rarement utilisées en créole réunionnais. (Gauche, droite, points cardinaux, etc.) Les notions spatiales droite/gauche ainsi que les points cardinaux semblent rarement utilisées en créole réunionnais par une population plus âgée. Par exemple, l’étude linguistique de la spatialité que j’ai menée dans des corpus chantés en créole démontre l’absence de l’usage des notions spatiales droite/gauche, des points cardinaux pour se situer ou situer un objet ou une personne dans l’espace. Je rappelle que ces auteurs étaient nés dans les années 20. Toutefois, il est indéniable que la jeune population réunionnaise emploie ces notions spatiales. Comment sont-elles alors exprimées en créole réunionnais ? L’expression de ces notions spatiales en créole réunionnais semble passer par l’emploi de la préposition spatiale koté accompagné ou non d’une autre préposition ou d’un geste de la main et/ou du bras, par exemple koté la, koté par isi, ou alors la préposition koté suivi d’un élément 25 Claude, Hagège, Compte-rendu de Space in Languages Linguistic Systems and Cognitive Categories édité par Maya Hickmann et Stéphane Robert, Typological Studies in Languages, vol.66, John Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphie, VII+ 361 p in Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, Tome CIII-2008, Fascicule II, Paris-Louvain, Peeters, pp.7-16, 2006, p. 9. 26 Michèle, Fruyt, « Adverbes latins, grammaticalisation et lexicalisation », communication au colloque international : « Les adverbes latins » (colloque du centre A. Ernout), Université Paris IV-Sorbonne, 6-8 juin 2004 ; à paraître. 27 Id, p. 107. 28 Id, p. 108. 29 Les exemples n° 13, n° 14 et n° 15 sont extraits de l’ouvrage de Pierre Cellier, 1985, op. cit, Comparaison syntaxique…, pp. 108-109. 32 concret (boutique, arbre « pié tamarin », etc.) comme par exemple koté gro pié tamarin « près du gros tamarinier », koté la boutik shinoi « près de l'épicerie ». Toutefois, l'emploi des déictiques sa et la qui servent à « montrer des objets et les mettre en valeur »30, jouent un rôle important dans le système spatial du créole réunionnais. Ex. : Mon kaz i tomb koté lékol dannfon la. « Ma maison se trouve près de l'école en bas. ». On constate aussi que l'usage de repères concrets (boutique, arbre, etc.) et des toponymes (nom de lieu = par exemple, les noms de villes ou des rue « Rue du Maréchal Leclerc »), est aussi très important dans l'expression de la spatialité. Petit exercice d'identification des unités lexicales et grammaticales à valeur spatiale : (extrait de chanson) 1. 2. 3. 4. Tous les lundis matin quand moin tait qui prend l’train Dans la rue Grand-Chemin avec mon morceau de pain Mon çapeau si le côté, mon soubique dans mon main Quand même tait qui fait frais pourvi qu’mi gaingne’ le train 5. 6. 7. 8. Mi passe Saint-Gilles-Les-Bains marchands poissons i vient Vendèrs bonbons cocos z’aut’ i vend’ bons gâteaux Dan’ mon compartiment un mamzelle gentiment I dit à moin missié prends un pour vous goûter 9. Quand moin l’arrive Saint-Leu not’ tout’ l’a débarqué 10. Z’aut’ l’a parti la fête voir Not’ Dame la Salette 11. Un pé l’était la plage pour ramasse coquillage 12. Not’ tout’ l’étais bien content dans ce p’tit train longtemps Spatialité et dispositif de prévention en Grande Section de Maternelle : Didactique du français LV2 en milieu créolophone Ma participation à ce projet est liée à mon sujet de Thèse. Comme je travaille sur le système spatial, ma partie concerne « l’acquisition du langage spatial ». Ma contribution a pour objectif : l'acquisition du vocabulaire lié aux relations spatiales, c’està-dire à la localisation, au déplacement et au mouvement. Pourquoi l'étude linguistique de la spatialité ? Pourquoi l’étude linguistique de la spatialité est importante quand on apprend et quand on enseigne les langues ? Pour qui ? L’acquisition et la maîtrise du langage spatial sont importantes aussi bien pour les enfants que pour les adultes en situation d’illettrisme ou en difficulté d’apprentissage. Ce qui le prouve c’est la prise en compte de la spatialité dans l’apprentissage et l’évaluation des élèves à l’école maternelle. Ainsi que l’élaboration de fiches d’exercices liées au repérage dans l’espace dans le cadre de méthodes d’apprentissage comme par exemple la Méthode Lettris pour les adultes, donc en lutte. Pourquoi ? L’évaluation des « indicateurs » spatiaux donnés dans le livret d’aide à 30 GSV, p. 71. 33 l’évaluation d’Éduscol, démontre l’importance de l’expression linguistique et gestuelle de la localisation, du déplacement et du mouvement dans l’espace ; et cela dans différents domaines. Ça peut concerner les activités manuelles, sportives et artistiques, les mathématiques (en géométrie par exemple), et bien d’autres disciplines. → Savoir comment l’être humain exprime par le langage et la langue, mouvement, déplacement, et localisation dans l’espace, constitue un point important pour la connaissance et la compréhension des fondamentaux de l’apprentissage. Étude la spatialité en prévention : Pour cela je me suis intéressée au livret d’« aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin d’école maternelle », d'ÉDUSCOL, de 2010. Dans ce livret, c’est la partie « Découvrir le monde » qui aborde la thématique du repérage dans l’espace. Les objectifs étant de « se situer dans l’espace et situer les objets par rapport à soi, comprendre et utiliser à bon escient le vocabulaire du repérage et des relations dans l’espace ». Toutefois, cette thématique ne fait pas l’objet de fiches d’exercices comme cela est proposé pour d’autres telles que « s’approprier le langage, découvrir l’écrit ». C’est la rubrique « Guide d’observation » qui propose des « indicateurs » à évaluer en terme de spatialité auprès des enfants. La liste du « vocabulaire des relations dans l’espace » donnée dans le livret est la suivante : - marcher - courir - passer - se placer ou placer quelque chose - prendre quelque chose sur…, sous…, au-dessus/par-dessus…, au-dessous/pardessous…, au-dessus de… et au-dessous de…, entre… et…, devant…, derrière…, en haut de…, en bas de… ; aller jusqu’à… Parmi les indicateurs spatiaux à évaluer, il y a aussi « le repérage par rapport à sa droite, à sa gauche » et « le repérage par rapport à la droite ou la gauche d’un tiers non orienté comme lui ». Ensuite, il y a une liste non-exhaustive de « verbes d’action qui traduisent des relations dans l’espace » : - descendre - monter - avancer - reculer - enjamber - soulever, etc. Les verbes de déplacement et de mouvement, ainsi que les prépositions font partie du vocabulaire spatial à acquérir en grande section. L'enfant doit savoir reconnaître la partie gauche et la partie droite de son corps mais aussi celles d'autres objets et personnes. Il doit aussi savoir se repérer dans l'espace par rapport à son corps mais aussi par rapport à d'autres repères que lui-même (objets, personnes, etc.). Le Test de Boehm : 34 Le test de Boehm-3-2009, est aussi destiné aux enfants de la maternelle. « Ce test a été conçu pour mesurer, chez les jeunes enfants, la compréhension de 26 concepts de base importants pour le développement du langage et de la cognition ainsi que pour la réussite scolaire ».31 Ce test est passé de manière individuelle pendant 15 à 20 minutes. Les concepts de ce test sont liés à la « qualité, l’espace, le temps, la quantité ».32 Les objectifs de ce test sont de : − Identifier les enfants qui ne maîtrisent pas certains concepts de base − Évaluer les effets d'une remise à niveau ou d'une prise en charge − Mettre en place une pédagogie et/ou une rééducation adaptée à l'enfant − Dépister les enfants « à risque » pour les apprentissages (notamment lecture et écriture) et pour lesquels une évaluation plus approfondie est nécessaire Ce test a été élaboré par l’ECPA. Les « Éditions du Centre de Psychologie Appliquée », qui existent depuis une soixantaine d’années, qui « adaptent et créent des tests afin de répondre aux besoins des professionnels de l’évaluation des personnes dans les secteurs de la santé, de l’éducation ou des Ressources Humaines ».33 Ce qui est intéressant c'est que ce Test de Boehm a fait l’objet d’une adaptation en créole réunionnais par Céline P. Il s’agit d’une enseignante dans une classe bilingue de Grande Section (GS). Elle propose donc aux enfants la version française et la version créole du test. Ce test est composé d’un livret de documents iconographiques qui permettent de tester un certains nombres de concepts (50). La description de l’image en français, de la part de l’enseignant, passe par le verbe « regardez » suivi d’un groupe nominal précis. La consigne à donner aux enfants est de leur demander de faire une croix sur l’image correspondant au concept concerné : « Faites une croix… ». L’équivalent en créole réunionnais est : « Mont amoin… » et là l'enfant doit désigner la réponse à l'aide de ses doigts. → (Donner exemples sur diapo : consignes, etc.) (français) Regardez les jouets. Faites une croix sur le jouet qui est à côté du camion. (créole) Mont amoin kosa lé koté lo fiy. (français) Regardez les animaux. Faites une croix sur l'animal qui est dessous. (créole) Mont amoin kisa lé pardsou lo torti. Remarques : il y a des changements entre les consignes en français et les consignes en créole. Pour le premier exemple, en français il faut repérer par rapport au camion, en créole il faut repérer par rapport à la fille (poupée). Dans le deuxième exemple, il faut repérer l'animal qui est dessous, en créole il faut repérer celui qui se trouve en-dessous de la tortue. Grille des concepts à évaluer dans le Test de Boehm -3 2009 : Concepts français du test de Boehm Traduction des concepts 31 Plaquette d’informations du site internet de l’ECPA (Éditions du Centre de Psychologie Appliquée). 32 Id. 33 Id, lien « à propos des ecpa », « activités ». 35 en créole réunionnais Localisation 1. En haut anlér 2. A côté koté 3. Devant promyé/dovan 4. Derrière déyèr/par déyèr 5. Au coin dann koin 6. En rang inn déyèr lot/an ran/droit 7. Entre rant 8. Dessous dosou/désou/pardsou/annsou 9. Au bout dann bout/dann bor 10. Plus haut plis anlér/pli o 11. Sur un côté si koté/par koté 12. Au-dessus annsi/pardsi/anlér 13. Sous désou/anndsou/pardsou 14. En avant dovan/pardovan 15. Au centre dann milyé 16. A droite si la droit/adroit 17. A gauche agos/si la gos Déplacement 18. Loin de loin 19. Le plus loin pli loin 20. A travers dann/anndan 21. Séparées fané/fane fané/dégréné Dimension spatiale 22. La plus large lo pli larz 23. Le plus étroit pli séré/pli ti/pli mèg Dans le cadre de ce dispositif de prévention j'ai élaboré des grilles d'unités lexicales et grammaticales véhiculant la spatialité, selon les trois principales relations spatiales (localisation, mouvement et déplacement). Voyons par exemple la grille liée au déplacement : Grille des unités lexicales et grammaticales de déplacement Noms Verbes Déplacement Adjectifs Adverbes Prépositions 36 Le départ L’arrivée La venue L’entrée La sortie La montée La descente Un aller Un retour (allerretour) Une course Le long de Marcher Courir Avancer Reculer Partir Aller Venir Arriver Revenir Passer Descendre Monter Sortir S’éloigner Se rapprocher Traverser Entrer Se déplacer Se rendre Tourner Grimper S’arrêter Rejoindre Droit Intérieur/extérieur Autour, ici, ailleurs, dedans, dehors, derrière, dessous, devant, là, loin, près, où, partout, y Chez A Par De Vers Dans Sur Y Jusque/jusqu’à Depuis A partir de A travers A l’intérieur/à l’extérieur Loin de/près de A l’envers/à l’endroit Analyse de la grille des unités lexicales et grammaticales de déplacement : Par exemple pour les noms en français, en créole réunionnais on emploiera plutôt des formes verbales au lieu des noms. (Ex. L'arrivée du président est prévue en mars → Le prézidan i ariv/i vien moi d'mars) (La montée pour aller à Notre Dame de La Salette est de ce côté. → I fo mont par isi pou alé oir La Salette) Si on s'interroge sur ce qui se passe en lutte contre l'illettrisme = Les personnes en situation d’illettrisme ou en difficulté d'apprentissage doivent acquérir un certain nombre de compétence, et le repérage dans l’espace en fait partie. Il en est de même pour les élèves de maternelle. D’ailleurs, dans une définition des savoirs de bases de Colette Dartois et de Dominique Brossier du Groupe Permanent de Lutte contre l’Illettrisme, il est dit que parmi les savoirs de base figure la compétence de savoir « se repérer dans l’espace : situer la droite, la gauche, la droite de l’un qui est la gauche de l’autre quand ils sont face à face…, imaginer les faces cachées d’un volume, considérer un objet de face, de profil, de trois quarts, de dessus…, lire un plan, des cotes, s’orienter sur une carte… »34 Pour la lutte contre l'illettrisme, j'ai étudié une méthode d'apprentissage, il s'agit de la Méthode Lettris. LETTRIS éditions 2003 = « une méthode pour comprendre, lire, écrire, calculer ». à Élaborée par différents auteurs sous la direction d’Alain Bentolila (linguiste) et de Claude Bouthier (professeur de français). à Cette méthode s’inscrit dans le cadre de la « formation pour adultes et jeunes adultes ». Elle concerne aussi bien les « jeunes en rupture scolaire » que les « adultes en difficulté 34 Jean-Philippe, Rivière, Illettrisme, la France cachée, Éditions Gallimard, 2001, p. 53-54. 37 d’apprentissage ». à Méthode LETTRIS se décline en quatre axes : cognitif, lecture, écriture, calcul. à L’Objectif = de cette méthode d’apprentissage est de combler le manque de pratiques langagières des personnes illettrées. à le but pour l’apprenant = acquérir un certain nombre de compétences : quotidien (savoir se situer dans l’espace, remplir un formulaire administratif, savoir signer, écrire son nom, savoir lire les horaires des transports en commun, savoir lire une ordonnance médicale, remplir une feuille de sécurité sociale, remplir un chèque. Mais également écrire une lettre d’amour, une autobiographie imaginaire) à Les fiches d’exercices de la Méthode Lettris se basent sur des illustrations de figures, d’images, de photos, de dessins, de plans, de tableaux. Il s’agit de développer la capacité de représentation mentale des stagiaires et donc de travailler leur logique. → (Montrer la diapo avec l'exercice du personnage au milieu de la pièce.) Par exemple, dans l’axe cognitif, l’un des exercices consiste à savoir donner la position d’une personne dans un espace défini à partir d’éléments concrets. L'image représente un personnage photographié. La description de la position du personnage va principalement par l’utilisation de préposition de lieu. (devant le lit, derrière la table, à droite de la commode, à gauche de la chaise). Équivalence en créole réunionnais : dovan lo li, dérièr la tab, koté komod, koté la shèz. En étudiant l’axe cognitif de la Méthode Lettris, j’ai constaté que les activités proposées sur le thème de la spatialité confirmaient la nécessité de connaître les prépositions à valeur spatiale telles que sur, sous, à côté de, au-dessus de, au-dessous de, et certaines notions spatiales comme à droite/à gauche, pour les stagiaires. → On peut dire que les connaissances et les compétences à acquérir en terme de spatialité sont à peu près les même en lutte et en prévention. On retrouve le repérage par rapport à sa droite et à sa gauche ainsi que l'acquisition du vocabulaire spatial qui passe principalement par l'emploi de verbes et de prépositions. → Savoir se repérer dans l’espace est important dans n’importe quel contexte et situation, notamment pour demander son chemin. → L'élaboration de méthodes et outils pédagogiques implique la prise en compte du milieu créolophone réunionnais et donc de la langue. Il semble alors intéressant d'intégrer le contexte socioculturel dans la mise en place de méthodes d'apprentissage pour des élèves de Grande Section. Mutualisation de pratiques [Travail de réflexion avec les enseignants (production des enseignants)] Les questions qu'il faut se poser c'est : comment se passe l'apprentissage du système spatial du français en grande section ? Quelle est la place du créole dans cet apprentissage ? Comment est géré la présence du créole en grande section? ñ Comment travaillez-vous les aspects les plus importants de la spatialité dans vos pratiques d’enseignants ? (activités sportives, activités manuelles, lecture de livres, 38 etc.) ñ Quels sont les indicateurs spatiaux qui entrent dans les fondamentaux linguistiques et logiques ? ñ Quelles activités proposez-vous aux enfants pour travailler la spatialité ? ñ Lister les activités proposées en lien avec la spatialité. ñ Précisez aussi à quel moment vous travaillez la spatialité et quelle est la place du créole dans vos pratiques ? C'est-à-dire, si les enfants répondent en créole lors de l'activité ? Et comment vous gérez cela ? BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE : BENTOLILA, Alain, BOUTHIER, Claude, Le nouveau Lettris : une méthode pour comprendre, lire, écrire, calculer, Éditions Nathan, 2003. BORILLO, Andrée, L'espace et son expression en français, Paris, Éditions Ophrys, 1998. CELLIER, Pierre, Comparaison syntaxique du créole réunionnais et du français (Réflexions pré-pédagogiques), Université de la Réunion, Unité Associée au CNRS 04 1041, 1985. CELLIER, Pierre, Description syntaxique du créole réunionnais : Essai de standardisation, Thèse pour le doctorat d’Etat, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1985. CHAUDENSON, Robert, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Centre national de la Recherche scientifique, 1974. DUCROT Oswald, Schaeffer Jean-Marie, Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Editions du Seuil, 1995. HAGEGE, Claude, Compte-rendu de Space in Languages Linguistic Systems and Cognitive Categories édité par Maya Hickmann et Stéphane Robert, Typological Studies in Languages, vol.66, John Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphie, VII+ 361 p in Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, Tome CIII2008, Fascicule II, Paris-Louvain, Peeters, pp.7-16, 2006. HAGEGE, Claude, Compte-rendu de Space in Languages Linguistic Systems and Cognitive Categories édité par Maya Hickmann et Stéphane Robert, Typological Studies in Languages, vol.66, John Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphie, VII+ 361 p in Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, Tome CIII-2008, Fascicule II, Paris-Louvain, Peeters, pp.7-16, 2006. RIVIERE, Jean-Philippe, Illettrisme, la France cachée, Éditions Gallimard, 2001. STAUDACHER-VALLIAMEE, Gillette, Grammaire du créole réunionnais, B.U.F. Paris, Sedes, 2004. STAUDACHER-VALLIAMEE, Gillette, « Une classe de fonctionnels en créole réunionnais : forme et sens », 1993. STAUDACHER-VALLIAMEE, Gillette, « système verbal créole réunionnais : forme et sens », 1993. 27 et 28 septembre 2012, Université du Tampon : Plan de l’intervention : JOURNÉE 1 : Présentation de notre axe de recherche dans le dispositif de prévention JOURNÉE 1 : Compte-rendu des productions écrites des enseignants lors de des deux journées de formation (26 et 27 mars 2012), observations, échanges → 3 ateliers de 1h30. JOURNÉE 2 : Production d'outils, de fiches par les enseignants (choix d'un axe à travailler parmi les 3 ateliers de 2h30. JOURNÉE 1 : Présentation de notre axe de recherche dans le dispositif de prévention à Doctorante en linguistique et en créolistique, sous la direction de GSV. Je suis rattachée au Laboratoire du LCF – EA 4549 (Langues, textes et communication dans les espaces Créolophones et Francophones) et à l‘institut de l’illettrisme. → Ma Thèse s’intitule : Étude linguistique de la spatialité : comparaison créole/français, savoirs de base et applications aux situations de l’illettrisme à La Réunion. Le but est de procéder une étude du système spatial, en faisant une comparaison entre le créole réunionnais et le français. Dans ce travail, un intérêt particulier est porté à 39 l’apprentissage en français et aux problématiques de l’illettrisme dans un milieu créolophone comme La Réunion. à L’intérêt d’une étude linguistique de la spatialité en lien avec les apprentissages en français et les problématiques de l’illettrisme réside dans l’importance de l’acquisition des notions spatiales. Puisque la situation dans l’espace fait partie des savoirs de base pour les adultes et du programme de l’école primaire pour les enfants. La comparaison entre le système spatial du français et celui du créole réunionnais est également importante parce que les deux systèmes spatiaux ne coïncident pas point par point. De la recherche fondamentale à la didactique à Ma participation au dispositif de prévention de l’illettrisme pour les enfants de Grande Section découle de mon sujet de thèse sur la thématique de la spatialité. En effet, ma partie concerne « l’acquisition du langage spatial ». à Je me suis intéressée au livret d’« aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin d’école maternelle », d'ÉDUSCOL, de 2010, qui aborde la thématique du repérage dans l’espace en proposant des « indicateurs » à évaluer en terme de spatialité auprès des enfants mais sans donner de fiches d’exercices. J’ai tenté d’identifier les points de recherche importants au service de la prévention de l’illettrisme, notamment à partir d’une méthode d’apprentissage pour les adultes en situation d’illettrisme et d’un ouvrage de Pierre Cellier consacré aux « réflexions pré-pédagogiques » (donner la biblio). Ce travail m’a permis d’élaborer des fiches d’exercices concernant le langage spatial pour ce dispositif. Axe de recherche du Test Diagnostic 1 Dans le dispositif de prévention de l’illettrisme, j’ai participé à l’élaboration du Test Diagnostic à faire passer aux élèves de grande section choisis. Mon axe de recherche s’intitule : Axe 1 : « Langues, langages et Structuration spatiale ». Compétence : Maîtrise du langage spatial à travers l'usage du vocabulaire adapté. Objectif : Vérifier l’utilisation, à bon escient, des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom. JOURNÉE 1 : Compte-rendu des productions écrites des enseignants lors de des deux journées de formation (26 et 27 mars 2012), observations, échanges → 3 ateliers de 1h30. (avec synthèse à la fin) État des lieux des pratiques des enseignants selon les productions écrites récoltées Lors de notre intervention lors des deux journées de formation du 26 et du 27 mars 2012, une partie était consacrée à la « Mutualisation de pratiques ». Il s’agissait d’un travail de réflexion avec les enseignants duquel a découlé des productions écrites collectées par le chercheur de l’axe concerné. Les questionnements portaient sur leurs manières de procéder à l'apprentissage du système spatial du français en grande section. Mais également sur la place accordée au créole dans cet 40 apprentissage, ainsi que la manière dont est gérée la présence du créole en grande section. Un des rendus des enseignants présente un apprentissage de la spatialité à travers les activités sportives. Notamment par le biais : • De manipulation d’objets : Ex. : lancer loin/dans/sur/vers le haut ≠ en l’air/à droite/à gauche, etc. • De création de parcours, dans une dynamique de mouvements, utiliser différents termes spatiaux et temporels. Ex. Tout d’abord, je monte sur la chaise, ensuite je saute dans le cerceau, ensuite je passe sous le banc, etc. à Concepts par rapport à soi, aux autres, aux objets, au temps. • De la danse Les jeux notamment en chansons constituent un moyen d’apprendre la spatialité : • Jeux de chansonnettes : jouer avec les termes spatiaux (Tiens voilà main droite…). Il s’agit d’un travail sur les notions de latéralisation. • Jouer avec les termes ordinaux. En premier, je tel ou tel objet se trouve entre le premier et le troisième. L’apprentissage de la spatialité passe également par un travail sur un micro espace, celui de la feuille (couverture du livre, feuille imprimée, etc.) avec des indicateurs spatiaux tels que gauche/droite, en haut/en bas, au milieu, sur/sous, etc. Les objets sont également utilisés comme par exemple les ciseaux pour gaucher ou droitier avec personnalisation. Ex. : Mettre un ruban bleu pour les gauchers. Il existe également un outil appelé « Topologie 1 et 2 » de Nathan dont l’objectif pour l’enfant est d’analyser une fiche, la reproduire, et expliquer ce que l’on a fait. Concernant la prise en compte du créole réunionnais dans l’apprentissage de la spatialité, un intérêt est porté aux termes spatiaux spécifiques, en voici la liste : • Avance derrière à reculer Avance : se mettre en avant Avance derrière : contradiction. • Met’ ça la : mettre à un endroit précis, bien spécifier sur ? sous ? à gauche de ?... • Met’ à ou sur le coin : En créole sur une route, face à un danger que présente une voiture, se mettre sur le coin, c’est se mettre sur le bas côté de la route. Coin : angle que présente une figure. Ex. : un carré a quatre « coins ». Il est mis au coin : il est puni ; il est mis au coin de la salle. - En l’air : Créole : envoyer en l’air : lancer vers le haut. « Li habite en l’air la bas » Il habite tout en haut ». Le deuxième rendu des enseignants s’accompagne de dessins et montre un apprentissage de la spatialité lors de « séances spécifiques » pour le vocabulaire et de « séances transversales (sur les rangs et en sport) ». 41 Les moyens employés sont les mêmes que le groupe d’enseignants précédent. Ce groupe dévoile même des séances de travail comme les suivants : Apprentissage du lexique spatial : 2. Vivre les notions spatiales par le corps : Jacques a dit : « Mets-toi sous la table ». L’élève le fait. (photographier la séance). 3. En classe, partir des photos pour réinvestir ce qui a été fait (décrire la photo en utilisant le vocabulaire). Transfert du vocabulaire « acquis » : Elèves face au jeu X X X X X : Boîte au trésor : Maison. Deux élèves sortent, pendant que les autres cachent le trésor dans la boîte. Puis, ils entrent et doivent demander où se trouve le trésor en posant des questions en utilisant le vocabulaire spatial acquis. État des lieux des informations concernant notre axe de recherche dans le bilan des deux journées de formation Il est indéniable que la thématique de la spatialité est travaillée en classe. Ces deux journées confirment que la spatialité est présente dans la vie de tous les jours, que ce soit dans les gestes ou dans la langue. Le bilan des deux journées de formation que l’on a pu obtenir par Frédérique Dauby présente des informations collectées lors de la partie « Mutualisation des pratiques avec les enseignants ». Les enseignants travaillent la spatialité sous les formes suivantes : 1. en EPS sous forme de parcours, avec un travail sur la représentation de parcours 2. en ateliers de topologie 3. reproduction de carte 42 4. en atelier langage avec le collage de post it sur une affiche, en posant la question « Où est ? » 5. avec les « jeux de langage » de Nathan pour lequel il faut piocher une carte, la décrire, et celui qui a la même la montre, etc. 6. un jeu de cache-cache en français et en créole 7. des jeux de latéralisation : ex. : « Jacques a dit » 8. des jeux mimés 9. arts visuels, le graphisme 10. sur le micro espace de la feuille où il s’agit de se repérer sur une page. Bilan et perspectives Ces deux états des lieux démontrent un apprentissage de la spatialité dans le cadre du meso et du micro espace (cour de l’école, espaces d’activités sportives, espace de la classe, espace de la feuille, du livre, etc.). Cet apprentissage en grande section passe par les activités sportives, manuelles et de réflexion, et notamment à partir d’outils concernant l’acquisition des notions spatiales. Ces activités permettent alors aux élèves de grande section de constituer ou d’enrichir leur vocabulaire spatial. Par ailleurs, quelques activités sont similaires à ce que nous proposons dans les fiches d'exercices élaborées dans le cadre du dispositif de prévention concernant « L'acquisition du langage spatial » comme par exemple l'exercice de repérage sur le feuille de papier avec l'apprentissage des indicateurs spatiaux tels que « haut/bas, milieu, gauche/droite, etc. ». L'élaboration de méthodes et outils pédagogiques implique la prise en compte du milieu créolophone réunionnais et donc de la langue. Il serait alors intéressant d’y intégrer les spécificités linguistiques du créole réunionnais. C’est pour cette raison que nous élaborons des fiches explicatives concernant le créole réunionnais et ses différences avec le français, que ce soit en syntaxe ou en sémantique. Par exemple, en créole réunionnais, les notions telles que (à) droite/(à) gauche sont rarement employées et les prépositions françaises « à, de, chez » ne sont pas attestées dans les système prépositionnel commun du créole réunionnais. (Ex. : Mi sava bazar à Je vais au marché, Mi sort lékol à Je reviens de l’école, Mi sava lakaz momon à Je vais chez maman) La prise en compte de ces divergences linguistiques est importante dans l’apprentissage du et en français aux enfants issus d’un milieu créolophone. Phase de réflexion avec les enseignants, échanges, et élaboration de fiches (ce qui a été fait depuis les deux journées de formation du mois de Mars). Depuis la dernière formation comment avez-vous travaillé l’apprentissage du langage spatial ? Faire des fiches à l’écrit par les enseignants (à collecter). Les questions à se poser sont les suivantes : 1. À quelle fréquence faut-il travailler l’apprentissage de la spatialité en grande section pour une plus grande efficacité en termes de vocabulaire acquis ? 2. Comment et quels types d’outils construire afin d’améliorer l’apprentissage des notions spatiales ? Et plus particulièrement de ceux qui sont problématiques ? 3. Comment prendre en compte la langue créole qui fait partie du vocabulaire de certains 43 enfants ? (substitution) Synthèse de la journée par une des enseignants pour chaque groupe passé dans l'atelier (3 groupes). JOURNÉE 2 : Présentation des grands résultats du Test Diagnostic. Production d'outils, de fiches par les enseignants (choix d'un axe à travailler parmi les 3 ateliers de 2h30. (avec synthèse de la séance à la fin) Présentation des grands résultats du Test Diagnostic 1 (Axe 1) Exercice graphique : Après la première semaine de passation du Test Diagnostic, nous avons décidé de faire passer un petit exercice graphique aux élèves à la fin du Test. Dans le cadre de notre axe de recherche, la consigne était la suivante : « Dessine un rond en bas à droite de la feuille. » Cet exercice représente un indicateur d'usage de logique pour la spatialité qui permet de vérifier la maîtrise en abstraction de la gauche et de la droite, notamment sur l'espace de la feuille. La feuille sur laquelle l’enfant a dessiné était une moitié de feuille de format A4, disposée à la verticale. Cet exercice implique la coordination des yeux et des mains pour le tracé de la forme demandée à l’endroit demandé. Il s’agit donc de localiser ou de situer dans l’espace par le tracé. Cet exercice de repérage sur feuille de papier a été effectué dans cinq classes de trois circonscriptions (Tampon 2 dans deux classes, Saint-Denis 2 dans deux classes et Saint-Pierre 2 dans une classe). Sur 282 élèves seuls 90 ont fait cet exercice lié au repérage spatial. Les autres élèves n'ont pas fait l'exercice parce qu'ils ont passé le test avec un autre chercheur. Rond Classes Classe 5 (17 élèves) Classe 8 (19 élèves) Classe 9 (22 élèves) Classe 10 (17 élèves) Classe 13 (15 élèves) Total : 90 élèves Autres : Classe 8 : 1 en haut au milieu Classe 9 : 1 en haut à gauche Classe 10 : 1 en haut à droite En bas à droite En bas au milieu En bas à gauche Au milieu de la feuille Au milieu à droite 10 10 7 4 6 37 2 5 7 5 5 24 2 1 3 3 4 13 2 1 2 3 / 8 2 / 2 1 / 5 44 Analyse : Le compte-rendu de la mutualisation des pratiques avec les enseignants lors de la dernière formation montre que le repérage spatial sur le micro espace de la feuille, du livre ou autres est travaillé en classe par l’apprentissage des indicateurs spatiaux « en haut/en bas, au milieu, gauche/droite, etc. ». Sur 90 élèves 37 ont réussi l’exercice graphique demandé en dessinant le rond en bas à droite de la feuille. 24 d’entre eux ont dessiné le rond en bas au milieu de la feuille et 13 en bas à gauche. Les deux classes qui se démarquent sont les classes 5 et 8, avec un meilleur taux de réussite pour la première puisque que plus de la moitié des élèves a réussi l’exercice. Et pour la deuxième classe la moitié des élèves a réussi l’exercice. L’analyse de cet exercice sur un échantillon de 90 élèves démontre tout de même un taux de réussite (41% de réussite). On peut supposer que l’apprentissage des indicateurs spatiaux sur l’espace de la feuille n’est pas complètement assimilé par certains élèves du dispositif, en raison des hésitations et des erreurs commises lors de l’exercice. Observations: des gros rond ou des tout petits rond, une seule élève a dessiné un trait vertical au milieu de la feuille. Il semble qu’elle n’assimilait pas la double consigne malgré la répétition de la consigne. certains gêner par le format de la feuille, la retourner pour dessiner nombreuses hésitations concernant le repérage sur la feuille de papier, c’est-à-dire, le bas de la feuille dans un premier temps, et ensuite la droite de la feuille. Cela résulte certainement de la double consigne qi implique dans un premier temps le repérage du bas de la feuille et ensuite le repérage de la droite de la feuille. Analyse qualitative : Nous avons procédé à une première phase d’analyse en sélectionnant 20 productions d’enfants, donc 20 vidéos. Il s'agit d'une analyse de phrases-énoncés. Lors de la transcription de ces vidéos, nous avons noté à la fois les énoncés de l'évaluateur et ceux de l'enfant. Nous avons segmenté les productions orales des enfants en phrases. Les questions et les remarques de l'évaluateur ainsi que les réponses de l'enfant sont numérotées. Le choix : Trois ou quatre élèves par classe ont été choisis dans six classes sur les 14 classes des quatre circonscriptions. Parmi les vingt élèves choisis pour l’analyse, il y a 12 garçons et 8 filles. Le choix des élèves a été effectué selon leur capacité à verbaliser pendant le jeu du tiroir, toutefois suite à l'inventaire nous avons constaté que certains n'avaient pas totalement compris le principe du « jeu du tiroir » et d'autres ne l'avaient pas réussi du premier coup et avaient du mal à le refaire en verbalisant. Nous avons aussi essayé de choisir les élèves les plus rapides pour le test. Concernant notre axe de recherche, la partie du Test Diagnostic qui nous intéresse principalement, en terme d’analyse linguistique, c’est le « jeu du tiroir » pour lequel l’élève explique à l’évaluateur, en gestes et en paroles, comment déplacer les images afin de faire sortir l’une d’entre elle, et cela en utilisant des repères concrets. Ce qui nous intéresse aussi 45 c’est lorsque l'enfant décrit l'image avec l'homme qui grimpe sur le cocotier et l'image de l'enfant qui met ses chaussures. Sur 8 minutes de vidéos, environ 5 à 6 minutes de productions de l'élève nous intéressent en termes d’analyse. Concernant l'élaboration de notre grille de paramètres, parmi les listes d’indicateurs de la spatialité du livret EDUSCOL, nous avons retenu les plus pertinents pour l’exécution du « jeu du tiroir ». Ensuite, nous en avons rajoutés d’autres toujours en cohérence avec le jeu. Notre grille de paramètres est donc constituée de listes de prépositions, de verbes, d’adverbes et d’adjectifs liés à la spatialité, que l’enfant peut employer dans ses phrases-énoncés, lors du Test. L'analyse des 20 vidéos démontre, en effet, l'usage des indicateurs spatiaux dans les énoncés des élèves pendant le Test Diagnostic. Trois types de productions langagières des indicateurs spatiaux ont été dégagés : productions en français (Ex. 1) productions en français avec des mots créoles (Ex. 2) productions en créole (Ex. 3) Ex. 1 : [n° 8-T-M] :E(24) : L'homme qui grimpe sur un arbre. [n° 14-É-E] E(15) : Je mets le chien loin des aubergines. [n° 6-T-L, n° 11-T-M, n° 5-F-M, n° 10-É-E, n° 9-T-M] : E(11) : Il met ses chaussures. (x6) / E(14) : Il met ses saussures. Ex. 2 : [n° 10-É-E] E(24) : J'ai poussé anlér. [n° 11-É-A] E(9) : Il mét ses chaussures. [n° 10-É-A] E(15) : On tire les haricots. [n° 10-É-A] E(23) : À côté de le baro. Ex. 3 : [n° 15-F-M] E(3) : Le ti marmay i mét le baskét. [n° 21-É-A] E(36) : Apré le shien i gingn sorti. [n° 10-F-M] E(21) : Akoté le portay. Cette analyse de vingt vidéos démontre que certains élèves possèdent un vocabulaire spatial qui entremêle deux langues : le français et le créole réunionnais. De manière générale, Ils savent employer les indicateurs de la spatialité mais lorsqu'ils ne savent pas exprimer ceux-ci en français ils les substituent par des mots créoles de manière spontanée. Proposition : Demander aux enseignants un travail sur les groupes verbaux tels que « mettre » et « enlever » (vocabulaire de l'habillement et du déplacement d'objets) Un travail sur les prépositions problématiques en termes de maîtrise pour les enfants (dans, de, à côté de/du, sur) Insister sur l’apprentissage du repérage spatial sur l’espace de la feuille, du livre ou du cahier. Surtout travailler la distinction entre la droite et la gauche. Une fiche complète avec une activité qui part du meso espace à travers le sport, pour arriver au micro espace (feuille ou autre support [photo, plan, dessin, etc.]) 46 11 et 12 février 2013, IUFM : Travaux de groupe – Atelier 2 : Spatialité et Premiers nombres I. Présentation des résultats des tests et des priorités retenues pour l’entraînement des élèves à Axe de recherche 1 : « Langues, Langages et Structuration spatiale » Nous avons procédé à une étude linguistique de la spatialité dans un corpus de production oral de vingt élèves de grande section, ayant passé le Test Diagnostic 1, dans quatre circonscriptions de La Réunion : Saint-Denis 2, Saint-Paul 2, Saint-Pierre 2 et Tampon 2. L’implication de cet axe dans l’élaboration du Test Diagnostic 1 (juin 2012) avait pour but d’évaluer la maîtrise du langage spatial des élèves à travers l'usage du vocabulaire adapté. Le choix des élèves s’est fait selon les critères de rapidité et de verbalisation maximale au « Jeu du tiroir ». Nous nous basons sur les phases de description d’images impliquant l’emploi de notions spatiales, sur le « jeu du tiroir » ainsi que sur l’exercice graphique de repérage spatial sur une feuille de format A5. Nous avons mené des analyses linguistiques concernant la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux, et l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom, ainsi qu’une analyse de l’exercice graphique. Les résultats de l’analyse de la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux démontrent que certains indicateurs n’ont pas été employés par les vingt élèves étudiés. Par exemple, si on se réfère à la grille de paramètres proposée au départ, c’est le cas des syntagmes prépositionnels suivants en français : 1. 2. 3. 4. contre + Syntagme Nominal à l’intérieur de/à l’extérieur de + Syntagme Nominal au milieu de/au centre de + Syntagme Nominal en face de + Syntagme Nominal. Concernant les syntagmes verbaux, les suivants n'ont pas été employés en français : − décaler − tourner − contourner − rapprocher. Parmi les indicateurs spatiaux qui sont le plus fréquemment employés en français par ces élèves figurent, dans l’ordre de fréquence, les suivants : - sur - en haut de/en bas de - à côté de - à droite de/à gauche de - dans - vers - derrière 47 - là ici là-bas En créole réunionnais on retrouve les suivants : - akoté/koté anlèr Concernant les syntagmes verbaux, les plus utilisés en français sont les suivants : - mettre - déplacer - sortir - descendre - monter - passer En créole réunionnais, on retrouve les syntagmes verbaux suivants : mét’ « mettre, enfiler, déplacer » tir’ « enlever, déchausser, déplacer » Pour ce qui est des résultats de l’analyse de l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom, ils démontrent une distinction entre les emplois en français et les emplois en français avec introduction de mots créoles. Parmi les vingt élèves étudiés, dix élèves ont employé des énoncés en français, des énoncés français avec introduction de mots créoles, et des énoncés en créole réunionnais, sept d’entre eux ont utilisé des énoncés en français et des énoncés français avec introduction de mots créoles, et trois d’entre eux ont employé des énoncés uniquement en français. Cette analyse démontre qu'il faut travailler particulièrement sur les syntagmes verbaux créoles mét' et tir' en apprenant aux élèves la polysémie de ces syntagmes verbaux. Puisqu’un seul syntagme verbal créole véhicule différentes significations en français. Les prépositions qui semblent difficiles à acquérir dans cette analyse sont principalement : « à côté de/du », « en haut de », « sur ». Il y a en effet un fort emploi des prépositions du créole réunionnais anlèr et akoté/koté de la part des élèves étudiés. Quant à l’analyse de l’exercice graphique, les résultats permettent de supposer que l’apprentissage des indicateurs spatiaux permettant le repérage sur l’espace de la feuille n’est pas complètement acquis par certains élèves du dispositif, en raison des hésitations et des erreurs commises pendant cet exercice. Il y a eu de nombreuses hésitations concernant le repérage du bas de la feuille dans un premier temps, et ensuite le repérage de la droite de la feuille. Cela peut être dû à la double consigne de l’exercice (« Dessine un rond en bas, à droite de la feuille »). Journées de formations avec les enseignantes Constats : - Apprentissage de la spatialité pendant les séances transversales ; - Manque de séances spécifiques sur la thématique de la spatialité même si certaines d’entre vous le font déjà ; 48 - Manque de productions langagières chez les élèves pendant les activités. à Travail déjà commencé sur la préposition du créole akoté/koté avec l’apprentissage des sens français suivants : « devant/derrière, à gauche de/à droite de ». Cette fiche concerne principalement la localisation dans l'espace. Son élaboration s'appuie sur les outils comme par exemple « Topologie 1 de Nathan » dont elles se servent en classe mais qu'il faut améliorer. Dans leur cas, il faudra modifier et donc créer des cartes, agrandir des images, etc. Les exercices de cette fiche commencent toujours par une situation représentée à faire vivre aux élèves notamment avec des objets. Ensuite, il s'agit de retravailler en classe sur cette même situation. Pistes de travail pour l’équipe pédagogique et l’équipe enseignante En termes de pistes à travailler avec l’équipe pédagogique et l’équipe enseignante, nous proposons également un travail spécifique sur : - les syntagmes prépositionnels du créole : akoté/koté « à droite de/à gauche de, devant/derrière, près de, à côté de », et anlèr « en haut de, au dessus de, au sommet de » - les syntagmes verbaux du créole suivants : mét’ « mettre, poser, enfiler, placer, déplacer », tir’ « enlever, déchausser, déplacer, supprimer, retirer » Notions spatiales en français à travailler (ordre de priorité) : Syntagmes prépositionnels : à droite de/à gauche de, devant/derrière, près de, à côté de : akoté ; en haut de/au-dessus de/au sommet de : anlèr ; sur/sous : si/dosi, dosou ; en bas de : anba, dannfon dans/dedans/dehors au milieu de : dann milié à l’intérieur de/à l’extérieur de : anndan/déor en dessous de : anba, dannfon entre Syntagmes verbaux : mettre, poser, enfiler, placer, déplacer : mét’ enlever, déchausser, déplacer, supprimer, retirer : tir’ prendre/attraper : trap’ avancer/reculer II. Production d’outils ateliers de langage oral, outils récapitulatifs Idées pour la production d’outils : 1) Ateliers de langage oral • Mèt’ (syntagme verbal) Vocabulaire de l’habillement : 49 - je mets (mon pull, mon T-shirt, mon pantalon, ma robe), j’enfile (ma robe, mon short, etc.) Vocabulaire du déplacement : - je pose (tel objet) à (tel endroit), - je mets (tel objet) à (tel endroit), - je déplace (tel objet), - je place (tel objet) à (tel endroit). • Tir’ (syntagme verbal) Vocabulaire de l’habillement : - j’enlève (mon pantalon, mon T-shirt, mes chaussures, etc.), - je me déchausse - retirer un vêtement Vocabulaire du déplacement : - j’enlève (tel objet) de (tel endroit) - je déplace (tel objet), - retirer (un objet) d’un endroit 2) Outils récapitulatifs Le syntagme verbal ou le syntagme prépositionnel au milieu et les possibilités autour. Les outils récapitulatifs : Micheline Cellier (Eduscol) travail sous forme de sac avec dessus les différentes acceptions travail sur les contraires (gauche/droite) travail sur le champ lexical la fleur Pour « à droite de/à gauche de », « au-dessus de », « au sommet de », etc. à travail sur les contraires. 06 et 07 juin 2013, Université du Tampon : Ces journées de formation du Dispositif de prévention étaient ciblées sur la production d’outils et la formalisation des pratiques. Depuis la formation précédente, les enseignants ont estimé le temps d’entraînement des élèves trop court. Ils ont manqué de temps pour préparer les séquences sur tous les points problématiques abordés dans chaque groupe (Découverte du Monde et Lecture/Compréhension). La première étape de la journée a consisté en l’échange des pratiques entre enseignants. Ces derniers ont dévoilé les outils employés et les méthodes mises en place pour travailler la spatialité. Par exemple, un enseignant a mis en place un Jeu de 7 familles avec pour thème les animaux de La Réunion. Ce jeu comporte 6 familles « dessus/dessous, devant/derrière, à droite de/à gauche de ». L’objectif est langagier puisqu’il s’agit de formuler les questions et les réponses. Les comptines sont utilisées dans le cadre d’activités sportives avec pour but de se placer à l’endroit demandé. La notion travaillée est « à côté de », avec l’apprentissage des autres 50 manières de l’exprimer avec plus de précisions en terme de repérage dans l’espace. Des photos sont prises pour être commentées et travaillées en classe. Les exercices de positionnement dans l’espace sont aussi travaillées par le biais du jeu « Jacques a dit… mets-toi à gauche de… ». Il y a aussi l’album écho qui contient des photos d’activités sportives liées à la localisation spatiale, les cartes paysages avec des personnages à placer dans l’espace, le jeu de Kim, le jeu Play mobil, le jeu de promenade au parc, les quadrillages dont le but est de trouver le bon endroit pour placer l’objet grâce aux indications d’un camarade de classe. La deuxième journée de formation était consacrée à l’écriture synthétique des fiches de séquences retenues par les enseignants (cf. Protocole de remédiation). 19 et 21 novembre 2013, Université du Tampon : Mots-clés : Formalisation – Identification des gestes professionnels – Diffusion. Axe 1 « Langues, Langage et Structuration spatiale : L’axe de recherche n° 1 intitulé « Langues, Langage et Structuration spatiale » a pour but d’évaluer la maîtrise du langage spatial à travers l'usage du vocabulaire adapté par les élèves de grande section. Plan de l’intervention : 1. Bilan des journées de formation pour l’axe 1 2. Présentation des résultats du TD1 et des premiers résultats des TD2 et TD3 3. Conclusions et Perspectives 1. Bilan des travaux pour l’axe 1 26 et 27 mars 2012 : Nous avons débuté notre intervention par une présentation de notre sujet de recherche en lien avec les problématiques de l’illettrisme et donc avec le dispositif de prévention. Nous avons ensuite présenté quelques éléments de notre recherche concernant la linguistique de la spatialité pour apporter un éclairage sur l’intérêt de notre participation à ce dispositif. Nous avons notamment proposé une comparaison entre l’expression linguistique de la spatialité en créole réunionnais et celle du français. Cette formation s’est terminée par une phase de mutualisation des pratiques. Il s’agissait d’un travail de réflexion avec les enseignants. De cette dernière partie, nous avons recueilli leur production écrite concernant leurs pratiques en classe liée à notre axe de recherche. 27 et 28 septembre 2012 : Dans un premier temps, nous avons présenté notre axe de recherche et quelques résultats de notre analyse du Test Diagnostic 1 (qualitative et quantitative). Ensuite, nous avons proposé un état des lieux des pratiques des enseignants selon les productions écrites récoltées avec ces derniers. L’apprentissage de la spatialité en grande section passe par les activités sportives, manuelles et de réflexion, et notamment à partir d’outils concernant l’acquisition des notions spatiales. Ces activités permettent alors aux élèves de grande section de constituer ou d’enrichir leur vocabulaire spatial. Les enseignants travaillent la spatialité sous les formes suivantes : 51 1) 2) 3) 4) en EPS sous forme de parcours, avec un travail sur la représentation de parcours en ateliers de topologie reproduction de carte en atelier langage avec le collage de post it sur une affiche, en posant la question « Où est ? » 5) avec les « jeux de langage » de Nathan pour lequel il faut piocher une carte, la décrire, et celui qui a la même la montre, etc. 6) un jeu de cache-cache en français et en créole 7) des jeux de latéralisation : ex. : « Jacques a dit » 8) des jeux mimés 9) arts visuels, le graphisme 10) sur le micro espace de la feuille où il s’agit de se repérer sur une page. Pour terminer, la phase de remédiation a débuté avec la création d’une fiche de progression de séquences par les enseignants. Cette fiche porte sur la localisation dans l’espace et s’appuie des outils comme « Topologie 1 de Nathan » à adapter. Cette fiche débute par une situation représentée à faire vivre aux élèves à l’aide d’objets divers, puis de retravailler sur cette même situation en classe. 11 et 12 février 2013 : Nous avons présenté les résultats de l’analyse du Test Diagnostic 1, les constats des enseignants lors de la précédente formation, ainsi que les priorités retenues pour l’entraînement des élèves. Ensuite, les enseignants ont procédé à la production d’outils récapitulatifs et d’atelier de langage oral. Les points à travailler portaient sur les prépositions créoles akoté/koté « devant/derrière, à gauche de/à droite de » et anlèr « en haut de, au-dessus de », ainsi que sur les verbes mèt « mettre, poser, se chausser, enfiler, placer » et tir « enlever, déchausser, retirer ». Les enseignants ont eu pour idées de travailler sur des séances - d’activité sportive (situation en E.P.S) avec des objets à placer dans un parcours, - Jeu de 7 familles avec les prépositions akoté/koté et anlèr avec les différentes acceptions du français, - Jeu du loto de Nathan « Jeux de langage », - Outils : Cartes contraires pour les verbes avec pour consigne de combiner les contraires Mettre/enlever Enfiler/retirer Poser/enlever Chausser/déchausser Mettre/retirer Sac avec plusieurs acceptions pour les verbes mèt et tir, - Jeu du Taboo : mot qu’on n’a pas le droit de prononcer. Il faut donc trouver d’autres mots exprimant le même sens, - Outils d’affichage : Liste des expressions avec mèt et tir. Mimer les actions. 06 et 07 juin 2013 : Les journées de formation des 6 et 7 juin étaient ciblées sur la production d’outils et la formalisation des pratiques. La première étape de la journée a consisté en l’échange des pratiques entre enseignants. Ces derniers ont dévoilé les outils employés et les méthodes mises en place pour travailler la spatialité. 52 Par exemple, un enseignant a mis en place un Jeu de 7 familles avec pour thème les animaux de La Réunion. Ce jeu comporte 6 familles « dessus/dessous, devant/derrière, à droite de/à gauche de ». L’objectif est langagier puisqu’il s’agit de formuler les questions et les réponses. Les comptines sont utilisées dans le cadre d’activités sportives avec pour but de se placer à l’endroit demandé. La notion travaillée est « à côté de », avec l’apprentissage des autres manières de l’exprimer avec plus de précisions en terme de repérage dans l’espace. Des photos sont prises pour être commentées et travaillées en classe. Les exercices de positionnement dans l’espace sont aussi travaillées par le biais du jeu « Jacques a dit… mets-toi à gauche de… ». Il y a aussi l’album écho qui contient des photos d’activités sportives liées à la localisation spatiale, les cartes paysages avec des personnages à placer dans l’espace, le jeu de Kim, le jeu Playmobil, le jeu de promenade au parc, les quadrillages dont le but est de trouver le bon endroit pour placer l’objet grâce aux indications d’un camarade de classe. La deuxième journée de formation était consacrée à l’écriture synthétique des fiches de séquences retenues par les enseignants (cf. Protocole de remédiation). 2. Présentation des résultats du TD1 et des premiers résultats des TD2 et TD3 TD1 : Dans le cadre de notre axe de recherche, nous avons proposé une analyse qualitative de 20 séquences filmées du TD1. L’analyse s’appuie la phase de description d’images impliquant l’emploi d'indicateurs spatiaux, dans la partie consacrée au lexique. Elle se fonde également sur le « jeu du tiroir » (jeu où il faut déplacer les images en gestes et en paroles, sur un quadrillage, pour en faire sortir une autre), ainsi que sur un exercice graphique de repérage spatial sur une feuille de format A5. Nous avons élaboré une grille de paramètres de la spatialité notamment à partir des données du Livret Éduscol.35 Le critère de choix des élèves s’est basé sur la rapidité et la verbalisation maximale au « jeu du tiroir ». Nous avons relevé les énoncés contenant des indicateurs spatiaux et avons ensuite mené des analyses linguistiques concernant la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux, et l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom. A1 : Les résultats de l’analyse de la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux démontrent que ceux qui sont les plus fréquemment employés par ces élèves sont les suivants dans l’ordre de fréquence (tableau n° 1). Dans ce tableau, nous présentons les emplois en français, ensuite ceux en créole réunionnais. La première colonne concerne les syntagmes prépositionnels, la deuxième est consacrée aux syntagmes adverbiaux et la troisième aux syntagmes verbaux. Tableau n° 1 : Les indicateurs spatiaux les plus utilisés par les élèves Syntagmes prépositionnels (9) Syntagmes adverbiaux (3) Syntagmes verbaux (6) Français 11) sur 12) en haut de/en bas de 13) à côté de 14) à droite de/à gauche de 15) dans 16) vers 1) là 2) ici 3) là-bas 1) mettre 2) déplacer 3) sortir 4) descendre 5) monter 35 Livret d'« aide à l'évaluation des acquis des élèves en fin d'école maternelle », EDUSCOL, 2010. 53 17) derrière 6) passer Créole réunionnais 1. akoté/koté 2. anlèr 1) mét’ « mettre, enfiler, déplacer » 2) tir’ « enlever, déchausser, déplacer » A2 : L’analyse des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom a démontré qu'il fallait travailler particulièrement sur les syntagmes verbaux créoles mét' et tir' en expliquant aux élèves la polysémie de ceux-ci. Puisqu’un seul syntagme verbal créole véhicule différents sens en français. Les prépositions du français qui semblent difficiles à acquérir sont principalement : « à côté de/du », « en haut de », « sur ». Conclusion résultats : De manière générale, les résultats de l'analyse de vingt séquences filmées du TD1 démontrent que 17 élèves savent employer les indicateurs de la spatialité mais lorsqu'ils ne parviennent pas à exprimer ceux-ci en français ils les substituent par des mots créoles (cf. Ex. n° 1, II. 2). Remédiation : En termes de remédiation et en fonction des résultats obtenus, nous avons donc proposé aux enseignants du dispositif de travailler sur les prépositions créoles akoté/koté « devant/derrière, à gauche de/à droite de » et anlèr « en haut de, au-dessus de, sur ». Les verbes mèt « mettre, poser, placer » et tir « enlever, retirer ». TD2 et TD3 : Les Tests 2 et 3 ont pour objectif d’observer l’évolution de l’élève selon les quatre axes de recherche et surtout en fonction de la phase de remédiation mise en place dans les classes. Il faut savoir que les productions orales collectées, avec les élèves de grande section, sont conditionnées par le contexte des exercices proposés dans les tests diagnostics. Les réponses correspondent alors à un contexte précis et le vocabulaire employé sera en lien avec celui-ci. Le TD2 et le TD3 contiennent une première partie qui traite de l’histoire du crapaud et une seconde partie consacrée aux exercices mathématiques. L’un des objectifs de ces tests est de privilégier la production langagière chez l’élève de grande section. Pour mener notre analyse linguistique de la spatialité, nous avons choisi vingt élèves selon le critère d’emploi maximum d’indicateurs spatiaux. Nous ciblons l’analyse de ces tests sur les emplois corrects et non corrects des énoncés contenant des indicateurs spatiaux. Donc nous préciserons pour chaque élève la validité totale ou partielle de l’expression linguistique de la spatialité. Ce que l’on entend par validation de l’expression linguistique de la spatialité c’est si les énoncés produits par chaque élève sont corrects et cohérents concernant le sens spatial véhiculé. Que ces énoncés soient produits en 54 français ou en créole réunionnais. Nous observons également si la phase de remédiation suivie par ces élèves a fonctionné. Il s’agit alors de montrer les points problématiques résolus et ceux qui persistent. Si on se base sur les langues employées lors de la passation des tests, sur vingt élèves 4 ont parlé uniquement en français, 12 se sont exprimés par des énoncés en français et par des énoncés en français avec introduction de mots créoles. Et 4 ont utilisé des énoncés en français, des énoncés en français avec introduction de mots créoles mais aussi des énoncés en créole réunionnais. L’analyse linguistique de la spatialité dans ce corpus de productions orales d’élèves de grande section n’est pas terminée mais nous pouvons déjà dire que sur vingt élèves 13 d’entre eux valident totalement l’expression linguistique de la spatialité et 7 la valident partiellement, en raison de quelques énoncés non cohérents. De manière générale, pour quelques élèves, la majorité des énoncés de la spatialité est validé et très peu d’énoncés sont non validés. Concernant les points problématiques qui semblent persister, on retrouve en plus grand nombre le verbe créole mèt. Nous signalons toutefois que quelques élèves emploient ce verbe créole mais aussi les équivalents en français « poser, mettre, rajouter ». On retrouve beaucoup moins mais quand même le verbe créole tir « enlever, retirer ». Un nouveau point problématique, à vérifier suite à l’analyse totale de ce corpus, semble s’ajouter à la liste. Il s’agit de l’emploi du verbe créole trap « prendre, attraper ». Tout cela démontre que la remédiation est essentielle et que l’apprentissage des notions spatiales du français est important. Aujourd’hui, nous présentons un cas d’élève qui valide totalement l’expression linguistique de la spatialité et un cas d’élève qui illustre une validation partielle et qui montre quelques difficultés. L’élève (n°6) qui valide totalement l’expression linguistique de la spatialité, valide aussi la logique spatiale. Concernant la logique spatiale, on remarque dans ses productions orales un emploi correct et cohérent du langage spatial. On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au TD2. Pendant les deux tests cette élève s’est exprimée en français, on ne retrouve aucun mot créole. Montrer ses énoncés pour le TD2 et le TD3 sur diapo. Ce qui attire l’attention c’est son usage du verbe « se tirer » qui peut porter à confusion quant au sens que l’élève souhaite véhiculer. En effet, l’emploi du verbe dans les énoncés n°19 et n°20 est correcte, toutefois c’est dans l’énoncé n°25 qu’on note la confusion dans le sens où le verbe peut signifier « se tirer des algues » comme dans le n°20, ou « enlever les algues », et là ce serait le sens créole de ce verbe qui domine : Q : Et là, est-ce que tu peux me la décrire ? (E19) : Elle essaie de se tirer. Q : Elle essaie de quoi ? (E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues. Q : Pourquoi elle est contente ? (E25) : Parce que elle a réussi à tirer les algues. En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants, qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, on peut dire que l’élève les maîtrise en français si on se base sur la passation de ces deux tests. 55 Son vocabulaire spatial est riche et on note un enrichissement de celui-ci dans le TD3. L’élève a évolué depuis le TD2 puisqu’on remarque une meilleure acquisition des indicateurs spatiaux. En effet, pendant le TD3 on relève l’emploi des verbes « se tirer de, s’enrouler, être entouré de », ainsi que de la préposition « autour de », ce qui n’est pas commun pour un élève créolophone de grande section : Q : Elle essaie de quoi ? (E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues. Q : Pourquoi elle est moche ? (E22) : Parce que elle s’est enroulée dans la boue. Q : Hmm… (E39) : Et après il y avait un dinosaure qui courait et la grenouille était entourée d’algues. Q : Pourquoi elle n’est pas contente ? (E18) : Parce que il y a des algues autour d’elle. De manière générale, cette élève illustre une bonne maîtrise du langage spatial si l’on se base sur le TD2 et le TD3. Elle possède un vocabulaire spatial très riche et s’exprime bien en français. Pour l’élève (n°1) qui valide partiellement l’expression linguistique de la spatialité, on relève dans le TD2 un énoncé non validé en créole réunionnais et douze énoncés validés (dont 6 en créole réunionnais, 4 en français et 2 en français avec introduction de mots créoles). Pour le TD3, trois énoncés non validés en créole réunionnais et 28 énoncés validés (dont 20 en créole réunionnais, 2 en français avec introduction de mots créoles et 6 en français). Dans les productions orales de cet élève on retrouve un grand nombre d’énoncés en créole réunionnais (30), puis 10 énoncés en français et 5 énoncés en français avec introduction de mots créoles. On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au TD2. C’est dans les énoncés français avec introduction de mots créoles que l’on retrouve les indicateurs spatiaux français qui sont difficiles à acquérir pour l’élève. Celui-ci utilise le créole réunionnais pour combler le vocabulaire de la spatialité qu’il n’a pas. En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants, qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, nous ne retrouvons qu’une seule forme du verbe mèt du créole réunionnais dans le TD3 : Q : Et qu’est-ce qu’il fait le lézard ? (E30) : I krann mét sa lang deor ! « Il tire la langue ! » L’élève ne semble pas connaître l’expression française « tirer la langue ». Concernant l’aspect logique de la spatialité, l’élève n’a pas répondu correctement à une seule question, mais de manière générale il a la logique de la spatialité mais ne sait pas vraiment l’exprimer en français : Q : Et il est où ce caméléon ? (E15) : Il abit dan l’fe ! Cet élève a besoin de participer à des activités langagières lui permettant de s’exprimer avec les indicateurs spatiaux du français parce qu’il a tendance à utiliser son vocabulaire créole. 56 3. Perspectives Le point positif concernant notre axe de recherche dans le dispositif c’est que la phase de remédiation a été efficace pour certains élèves et a permis un enrichissement de leur vocabulaire spatial. L’une des difficultés pour les élèves créolophones de grande section c’est l’expression de la spatialité dans la langue française c’est pour cette raison que certains d’entre eux puisent dans leur vocabulaire créole. En perspective, il serait intéressant de continuer et d’approfondir le travail sur la polysémie des verbes et des prépositions du créole réunionnais, à partir des outils déjà élaborés. 57 CONFERENCE DISPOSITIF DE PREVENTION (06 novembre 2013 au Port) 1h: les représentations de l'espace chez l'enfant (aspects développementaux), Thierry Rousset 1h : une présentation d'outils pédagogiques, Christelle Petit 1h : la pédagogie du langage (présentation d'un projet de recherche action Illettrisme en GS), D. Ouin, A. Folgoat. Le vocabulaire de la spatialité chez les élèves de grande section en contexte créolophone. Propos introducteur : Nous menons une thèse en Linguistique et en Créolistique: L’étude linguistique de la spatialité avec ses applications aux problématiques de l’illettrisme à La Réunion. Sous la direction du Pr. Gillette Staudacher-Valliamée, à l’UR. Depuis 2011, nous participons au dispositif de prévention de l’illettrisme : Dire, Lire, Calculer en grande Section de maternelle créolophone à La Réunion : logiques, spatialité, numération. L’objectif de notre travail de thèse est de mener une étude linguistique de la spatialité dans un corpus de productions orales de locuteurs créolophones de La Réunion en lien avec les problématiques de l’illettrisme. Les locuteurs de notre corpus sont aussi bien des jeunes élèves que des adultes. Nous nous intéressons aux domaines de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme. L’étude de la spatialité est importante en prévention parce qu’elle fait partie du programme scolaire, et ce depuis la maternelle. Le programme de l’école maternelle (2008) précise que : « L’objectif essentiel de l’école maternelle est l’acquisition d’un langage oral riche, organisé et compréhensible par l’autre. » (Programme de l’école maternelle – Petite section, Moyenne section, Grande section, 2008) Pour ces élèves de grande section, nous parlons plutôt de prévention de l’illettrisme. Les rubriques « Agir et s’exprimer avec son corps » et « Découvrir le monde » du programme de grande section de maternelle (Bulletin Officielle 2008), sont consacrées à l’apprentissage de la spatialité. Principalement à travers « l’activité physique et les expériences corporelles » (jeux d’opposition, jeux d’adresse, etc.). Cela permet à l’enfant d’apprendre à se situer dans l’espace, et donc de distinguer « ce qui est : devant, derrière, au-dessus, au-dessous, puis à droite et à gauche, loin et près ». « L’enfant découvre le monde proche ; il apprend à prendre et à utiliser des repères spatiaux et temporels ». La spatialité est véhiculée par la langue mais aussi par le langage corporel. Dans notre travail de thèse, nous parlons de véhicules linguistiques de la spatialité, que l’on appelle aussi unités lexicales et grammaticales, telles que les prépositions, les verbes, les noms, les adjectifs, les adverbes, les toponymes. Le lien entre la linguistique de la spatialité et les problématiques de l’illettrisme a pour objectif de démontrer l’importance de l’apprentissage de la spatialité pour un public en situation d’illettrisme et pour des jeunes élèves dans un milieu créolophone. Savoir situer et se situer dans l’espace faisant partie des savoirs de base notamment pour comprendre et se faire comprendre en situation de communication orale ou écrite. Plan de l’intervention : 58 4. Contexte créolophone à La Réunion 5. Le vocabulaire de la spatialité dans le Dispositif de prévention de l’illettrisme 6. Particularités du créole réunionnais dans l’expression linguistique de la spatialité des élèves de grande section. 4. Contexte créolophone à La Réunion L’île de La Réunion est l’antre de la plus vieille société créole de l’Océan Indien, son peuplement remontant à 1663. Cette société créole s’est constituée dans l’oralité, et notamment grâce au contact de langues et de cultures des populations. La transmission de la tradition orale réunionnaise se maintient de génération en génération et se perpétue, par exemple, à travers les devinettes, les proverbes, les contes, et les chansons. Nous pouvons considérer que nous nous plaçons dans la tradition orale lorsque nous étudions le corpus de productions orales d’élèves de grande section notamment parce qu’ils ne savent pas encore lire et à peine écrire et sont donc au tout début de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Pour certains élèves créolophones la langue créole est celle de l’oral et celle pratiquée au quotidien. Prenons par exemple le cas d’un élève créolophone réunionnais des années 1950/1960. Sa langue maternelle est le créole réunionnais et il évolue dans un environnement familial où la seule langue parlée est le créole. On suppose que la rencontre avec le français se fait par le biais des médias (radio, télévision…) et notamment à l’entrée à l’école. Il s’agit là d’un contexte bien spécifique pour l’exemple de La Réunion. L’école sera alors aussi pour lui le lieu de l’apprentissage du français. Le profil dressé de cet élève est encore aujourd’hui celui de beaucoup d’élèves créolophone réunionnais. Le contexte linguistique et socio-culturel de l’île entraîne des spécificités quant à l’apprentissage du/et/en français pour des élèves créolophones. 5. Le vocabulaire de la spatialité dans le Dispositif de prévention de l’illettrisme Dans le cadre du Dispositif de prévention de l’illettrisme Dire, Lire, Calculer en grande section de maternelle créolophone à La Réunion : logiques, spatialité numération, nous travaillons sur l’axe de recherche n° 1 « Langues, Langage et Structuration spatiale ». Cet axe est ciblé sur la linguistique de la spatialité. Le but est d’évaluer la maîtrise du langage spatial à travers l'usage du vocabulaire adapté par les élèves de grande section. Nous avons mis en place un protocole de recherche comprenant des Tests Diagnostics à soumettre aux élèves de grande section dans différentes circonscriptions de l’île. Le premier test s’est déroulé en juin 2012 et a notamment servi à l’élaboration des deux autres qui ont eu lieu en octobre/novembre 2012 et en juin 2013. Test 1 : Dans le cadre de notre axe de recherche, nous avons proposé une analyse qualitative de 20 séquences filmées du TD1. L’analyse s’appuie sur un corpus de productions orales des élèves collecté pendant la phase de description d’images impliquant l’emploi d'indicateurs spatiaux, dans la partie consacrée au lexique. L’analyse se fonde également sur le « jeu du tiroir » (jeu où il faut déplacer les images en gestes et en paroles, sur un quadrillage, pour en faire sortir une autre), ainsi que sur un exercice graphique de repérage spatial sur une feuille de format 59 A5. Nous avons élaboré une grille de paramètres de la spatialité notamment à partir des données du Livret Éduscol.36 Le critère de choix des élèves s’est basé sur la rapidité et la verbalisation maximale au « jeu du tiroir ». Nous avons relevé les énoncés contenant des indicateurs spatiaux et avons ensuite mené des analyses linguistiques concernant la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux, et l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom. Analyse 1 : Les résultats de l’analyse de la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux démontrent que ceux qui sont les plus fréquemment employés par ces élèves sont les suivants dans l’ordre de fréquence (tableau n° 1). Dans ce tableau, nous présentons les emplois en français, ensuite ceux en créole réunionnais. La première colonne concerne les syntagmes prépositionnels, la deuxième est consacrée aux syntagmes adverbiaux et la troisième aux syntagmes verbaux. Tableau n° 1 : Les indicateurs spatiaux les plus utilisés par les élèves Syntagmes prépositionnels (9) Syntagmes adverbiaux (3) Syntagmes verbaux (6) Français 4. sur 5. en haut de/en bas de 6. à côté de 7. à droite de/à gauche de 8. dans 9. vers 10. derrière 1) là 2) ici 3) là-bas 1) mettre 2) déplacer 3) sortir 4) descendre 5) monter 6) passer Créole réunionnais 3. akoté/koté 4. anlèr 1) mét’ « mettre, enfiler, déplacer » 2) tir’ « enlever, déchausser, déplacer » Quelques exemples d'énoncés incluant les syntagmes prépositionnels : Ex. : sur [n° 10-éper-classe 3] E(25) : Je pousse l'image où quelqu'un monte sur un palmier. Ex. : en haut de [n° 6-tamarins-classe 9] E(23) : À côté de l'homme qui grimpe tout en haut de l'arbre. Ex. : à côté de [n° 21-éper-classe 3] E(14) : J'avance le grain à côté de l'arbre. Un exemple d'énoncé incluant un syntagme adverbial : Ex. : là [n° 21-tamarins-classe 9] E(12) : On déplace là. Quelques exemples d'énoncés incluant les syntagmes verbaux: Ex. : mettre [n° 14-éper-classe 3] E(15) : Je mets le chien loin des aubergines. 36 Livret d'« aide à l'évaluation des acquis des élèves en fin d'école maternelle », EDUSCOL, 2010. 60 Ex. : déplacer [n° 21-éper-classe 4] E(31) : Je prends une maison, je déplace là. Ex. : sortir [n° 16-GS23-classe 8] E(21) : Et je fais traverser le chien et je fais sortir. Analyse 2 : L’analyse des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom a d’abord illustré les langues employées dans les productions orales des élèves. Sur le corpus de vingt élèves, dix d'entre eux ont produit trois types d'énoncés : en français, en français avec introduction de mots créoles, et en créole réunionnais uniquement (Ex. n° 1). Sept d’entre eux ont utilisé deux types d'énoncés : en français et en français avec introduction de mots créoles (Ex. n°2). Et trois d’entre eux ont employé des énoncés uniquement en français (Ex. n° 3). Ex. 1 : (classe 4, n° 21, Éperon) E(26) : Je déplace ça. E(32) : Après, je trap le... à côté de l'arbre. « Après, je prends le… à côté de l’arbre » E(35) : Mi mét, euh... okoté térla... le piédboi. « Je mets, euh… à côté de l’arbre ici » Ex. 2 : (classe 3, n° 14, Éperon) E(20) : Et je déplace les petits pois rouges. E(21) : Puis, je fais sort' le chien. Ex. 3 : (classe 9, n° 6, Tamarins) E(20) : L'homme qui... qui grimpe dans l'arbre. E(21) : Je mets en bas. L'analyse des énoncés français avec introduction de mots créoles et ceux en créole réunionnais démontre qu'il faut travailler particulièrement sur les syntagmes verbaux créoles mét' et tir' en expliquant aux élèves la polysémie de ceux-ci. Puisqu’un seul syntagme verbal créole véhicule différents sens en français. Les prépositions du français qui semblent difficiles à acquérir sont principalement : « à côté de/du », « en haut de », « sur ». Conclusion résultats : De manière générale, les résultats de l'analyse de vingt séquences filmées du TD1 démontrent que 17 élèves savent employer les indicateurs de la spatialité mais lorsqu'ils ne parviennent pas à exprimer ceux-ci en français ils les substituent par des mots créoles (cf. Ex. n° 1, II. 2). Remédiation : En termes de remédiation et en fonction des résultats obtenus, nous avons donc proposé aux enseignants du dispositif de travailler sur les prépositions créoles akoté/koté « devant/derrière, à gauche de/à droite de » et anlèr « en haut de, au-dessus de, sur ». Les verbes mèt « mettre, poser, placer » et tir « enlever, retirer ». Il faut savoir qu’on retrouve les prépositions akoté et anlèr dans le « Précis de grammaire comparative créole/français » de G. Ramassamy et de Patrick Bègue. Ces deux unités figurent dans la fiche 25 intitulée « Prépositions et locutions adverbiales ». Anlèr : en haut, au-dessus, dans, sur, de/du. Akoté/koté : à côté de, près de, auprès de. TD2 et TD3 : 61 Le TD2 a été passé par des nouveaux élèves en Octobre-Novembre 2012. Le protocole de remédiation a été mis en place dans les classes en Mars 2013. Et le Test Diagnostic 3 a été effectué en Juin 2013 sur ces mêmes élèves. Les Tests 2 et 3 ont une visée comparative. Les deux étant presque identiques, il s’agit d’observer l’évolution de l’élève selon les quatre axes de recherche et surtout en fonction de la phase de remédiation mise en place dans les classes. Il faut savoir que les productions orales collectées, avec les élèves de grande section, sont conditionnées par le contexte des exercices proposés dans les tests diagnostics. Les réponses correspondent alors à un contexte précis et le vocabulaire employé sera en lien avec celui-ci. Le TD2 et le TD3 contiennent une première partie qui traite de l’histoire du crapaud et une seconde partie consacrée aux exercices mathématiques. L’un des objectifs de ces tests est de privilégier la production langagière chez l’élève de grande section. Pour mener notre analyse linguistique de la spatialité, nous avons choisi vingt élèves selon le critère d’emploi maximum d’indicateurs spatiaux. Nous ciblons l’analyse de ces tests sur les emplois corrects et non corrects des énoncés contenant des indicateurs spatiaux. Donc nous préciserons pour chaque élève la validité totale ou partielle de l’expression linguistique de la spatialité. Ce que l’on entend par validation de l’expression linguistique de la spatialité c’est si les énoncés produits par chaque élève sont corrects et cohérents concernant le sens spatial véhiculé. Que ces énoncés soient produits en français ou en créole réunionnais. Nous observons également si la phase de remédiation suivie par ces élèves a fonctionné. Il s’agit alors de montrer les points problématiques résolus et ceux qui persistent. Si on se base sur les langues employées lors de la passation des tests, sur vingt élèves 4 ont parlé uniquement en français, 12 se sont exprimés par des énoncés en français et par des énoncés en français avec introduction de mots créoles. Et 4 ont utilisé des énoncés en français, des énoncés en français avec introduction de mots créoles mais aussi des énoncés en créole réunionnais. L’analyse linguistique de la spatialité dans ce corpus de productions orales d’élèves de grande section n’est pas terminée mais nous pouvons déjà dire que sur vingt élèves 13 d’entre eux valident totalement l’expression linguistique de la spatialité et 7 la valident partiellement, en raison de quelques énoncés non cohérents. De manière générale, pour quelques élèves, la majorité des énoncés de la spatialité est validé et très peu d’énoncés sont non validés. Nous pouvons déjà dire que ce qui reste problématique c’est l’acquisition de certaines notions en français. En créole réunionnais, certains élèves de grande section arrivent à exprimer la spatialité mais dans la langue française c’est plutôt complexe pour eux. La plupart des emplois en créole réunionnais résultent certainement d’une habitude à s’exprimer en créole réunionnais. Concernant les points problématiques qui semblent persister, on retrouve en plus grand nombre le verbe créole mèt. Nous signalons toutefois que quelques élèves emploient ce verbe créole mais aussi les équivalents en français « poser, mettre, rajouter ». On retrouve beaucoup moins mais quand même le verbe créole tir « enlever, retirer ». Un nouveau point problématique, à vérifier suite à l’analyse totale de ce corpus, semble s’ajouter à la liste. Il s’agit de l’emploi du verbe créole trap « prendre, attraper ». Tout cela démontre que la remédiation est essentielle et que l’apprentissage des notions spatiales du français est important. 62 Aujourd’hui, nous présentons un cas d’élève qui valide totalement l’expression linguistique de la spatialité et un cas d’élève qui illustre une validation partielle et qui montre quelques difficultés. L’élève (n°6) qui valide totalement l’expression linguistique de la spatialité, valide aussi la logique spatiale. Concernant la logique spatiale, on remarque dans ses productions orales un emploi correct et cohérent du langage spatial. On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au TD2. Pendant les deux tests cette élève s’est exprimée en français, on ne retrouve aucun mot créole. Ce qui attire l’attention c’est son usage du verbe « se tirer » qui peut porter à confusion quant au sens que l’élève souhaite véhiculer. En effet, l’emploi du verbe dans les énoncés n°19 et n°20 est correcte, toutefois c’est dans l’énoncé n°25 qu’on note la confusion dans le sens où le verbe peut signifier « se tirer des algues » comme dans le n°20, ou « enlever les algues », et là ce serait le sens créole de ce verbe qui domine : Q : Et là, est-ce que tu peux me la décrire ? (E19) : Elle essaie de se tirer. Q : Elle essaie de quoi ? (E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues. Q : Pourquoi elle est contente ? (E25) : Parce que elle a réussi à tirer les algues. En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants, qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, on peut dire que l’élève les maîtrise en français si on se base sur la passation de ces deux tests. Son vocabulaire spatial est riche et on note un enrichissement de celui-ci dans le TD3. L’élève a évolué depuis le TD2 puisqu’on remarque une meilleure acquisition des indicateurs spatiaux. En effet, pendant le TD3 on relève l’emploi des verbes « se tirer de, s’enrouler, être entouré de », ainsi que de la préposition « autour de », ce qui n’est pas commun pour un élève créolophone de grande section : Q : Elle essaie de quoi ? (E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues. Q : Pourquoi elle est moche ? (E22) : Parce que elle s’est enroulée dans la boue. Q : Hmm… (E39) : Et après il y avait un dinosaure qui courait et la grenouille était entourée d’algues. Q : Pourquoi elle n’est pas contente ? (E18) : Parce que il y a des algues autour d’elle. De manière générale, cette élève illustre une bonne maîtrise du langage spatial si l’on se base sur le TD2 et le TD3. Elle possède un vocabulaire spatial très riche et s’exprime bien en français. Pour l’élève (n°1) qui valide partiellement l’expression linguistique de la spatialité, on relève dans le TD2 un énoncé non validé en créole réunionnais et douze énoncés validés (dont 6 en créole réunionnais, 4 en français et 2 en français avec introduction de mots créoles). Pour le TD3, trois énoncés non validés en créole réunionnais et 28 énoncés validés (dont 20 en créole réunionnais, 2 en français avec introduction de mots créoles et 6 en français). 63 Dans les productions orales de cet élève on retrouve un grand nombre d’énoncés en créole réunionnais (30), puis 10 énoncés en français et 5 énoncés en français avec introduction de mots créoles. On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au TD2. C’est dans les énoncés français avec introduction de mots créoles que l’on retrouve les indicateurs spatiaux français qui sont difficiles à acquérir pour l’élève. Celui-ci utilise le créole réunionnais pour combler le vocabulaire de la spatialité qu’il n’a pas. En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants, qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, nous ne retrouvons qu’une seule forme du verbe mèt du créole réunionnais dans le TD3 : Q : Et qu’est-ce qu’il fait le lézard ? (E30) : I krann mét sa lang deor ! « Il tire la langue ! » L’élève ne semble pas connaître l’expression française « tirer la langue ». Concernant l’aspect logique de la spatialité, l’élève n’a pas répondu correctement à une seule question, mais de manière générale il a la logique de la spatialité mais ne sait pas vraiment l’exprimer en français : Q : Et il est où ce caméléon ? (E15) : Il abit dan l’fe ! Cet élève a besoin de participer à des activités langagières lui permettant de s’exprimer avec les indicateurs spatiaux du français parce qu’il a tendance à utiliser son vocabulaire créole. 6. Particularités du créole réunionnais dans l’expression linguistique de la spatialité des élèves de grande section Un de nos objectifs est de démontrer les particularités du créole réunionnais dans l’apprentissage de la spatialité pour un élève créolophone de grande section. Ces particularités sont liées au contexte linguistique, historique et socio-culturel de La Réunion. En nous basant sur le corpus d’élèves de grande section du dispositif, nous pouvons dire que parmi les particularités du créole réunionnais figure : - La polysémie de quelques verbes et de quelques prépositions. En effet, en créole réunionnais un même verbe ou une même préposition peut véhiculer plusieurs sens en français comme nous l’avons déjà dit pour le cas des verbes créoles mèt et tir et des prépositions créoles anlèr et akoté. - En créole réunionnais, il est rare d’employer les prépositions françaises « à, de, chez ». Dans le langage spatial des élèves on retrouve parfois des erreurs d’emploi de ces prépositions. Par exemple certains élèves ont employé des énoncés de type : « (E17) : Parce que la grenouille a sorti dans sa bouche… la grenouille a sorti dans sa bouche ». (au lieu de dire de sa bouche, il emploie la préposition dans « dans sa bouche ») (E17) : La grenouille a sorti de le lac. (au lieu d’utiliser la préposition du, l’élève dit de le) 64 - la préposition créole dan est véhiculée en français par les prépositions « de, du, dans », comme le souligne aussi G. Ramassamy dans son précis de grammaire comparative en rajoutant la préposition « au » du français. En créole réunionnais, on exprime la préposition française « chez » par la préposition créole lakaz. Toutefois, un élève a utilisé la forme française : (E8) : Il va aller chez lui. Ces particularités nous permettent de comprendre que le fonctionnement de la spatialité peut être spécifique d’une langue à l’autre. C’est ce qu’on a constaté en menant la recherche bibliographique pour notre thèse. (Citer dans diapo biblio Moyse-Faurie 2007, Hagège 2008) Conclusion : L’organisation de la spatialité en créole réunionnais est différente de celle du français. Et qu’il faut prendre en compte cette spécificité dans le cadre de l’apprentissage de la spatialité pour des élèves créolophones de grande section. Le point positif concernant notre axe de recherche dans le dispositif c’est que la phase de remédiation a été efficace pour certains élèves et a permis un enrichissement de leur vocabulaire spatial. L’une des difficultés pour les élèves créolophones de grande section c’est l’expression de la spatialité dans la langue française c’est pour cette raison que certains d’entre eux puisent dans leur vocabulaire créole.