Dispositif GS-ILLETT Dire, Lire, Calculer en grande section de

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Dispositif GS-ILLETT Dire, Lire, Calculer en grande section de
1 Dispositif GS-ILLETT
Dire, Lire, Calculer en grande section de
maternelle créolophone à La Réunion :
logiques, spatialité, numération
Livret pédagogique pour une didactique et une
pédagogie de l’illettrisme : la spatialité
Adriana Folgoat
(janvier 2014)
2 Table des matières
« L’expression linguistique de la spatialité : les points importants
pour l’apprentissage en grande section de maternelle
et comparaison français/créole réunionnais » :
pp. 3-23
Les formations DIFOR
pp. 24-56
Conférences dans le cadre du Dispositif de Grande Section
pp. 57-64
3 Outillage pour un apprentissage de l’expression linguistique de la spatialité
en contexte créolophone.
« L’expression linguistique de la spatialité :
Les points importants pour l’apprentissage en grande section de maternelle
et comparaison français/créole réunionnais »
La situation dans l’espace fait partie du programme de l’école primaire, et cela commence à
partir de la maternelle, notamment à travers les activités sportives et manuelles. Les élèves
sont initiés à trois types de repères fondamentaux dans l’espace. Dans un premier temps, la
distinction entre la gauche et la droite. Ensuite la prise de repère dans l’espace afin de
localiser un objet ou une personne. Et l’un des objectifs est aussi d’apprendre à l’élève à se
repérer et à localiser par rapport à d’autres entités que lui-même. L’apprentissage de la
spatialité en maternelle implique alors l’acquisition d’un vocabulaire lié aux relations
spatiales de localisation, de mouvement et de déplacement (Ex. n° 1). Néanmoins, à La
Réunion, le créole réunionnais possède un système spatial différent de celui du français. La
langue créole n’exprimera pas forcément les notions spatiales citées dans l’exemple n° 1 de la
même manière (Ex. n° 2). Cette langue emploie rarement les notions telles que à droite de/à
gauche de, mais plutôt koté/koté la, parfois accompagné d’un geste du bras ou de la main.
Rarement puisqu’il n’est pas exclu qu’une partie de la population créolophone emploie ces
notions spatiales. Par exemple, lorsque la langue française utilise une préposition dans un
énoncé, de manière générale le créole réunionnais n’en garde pas l’emploi avec une structure
d’énoncé à préposition ø (Ex. n° 3 et n° 4). La prise en compte de ces particularités
linguistiques est importante dans l’apprentissage du français aux élèves dans un milieu
créolophone.
Les deux premiers exemples, ci-dessous, illustrent des unités lexicales et grammaticales qui
ne sont pas autonomes lorsqu’elles sont suivies d’un groupe nominal ou d’un pronom de
personne. Ces unités prennent alors sens en lien avec les autres éléments de l’énoncé. Les
deux derniers exemples représentent la différence d’emploi prépositionnel entre le français et
le créole réunionnais.
Ex. (1) : devant/derrière qqc/qqn, au-dessus de/au-dessous de qqc/qqn, à droite de/à gauche de qqc/qqn, loin
de/près de qqc/qqn
Ex. (2) : dovan/déryèr, anlèr/anba/dannfon, laba/térla/atérla
Ex. (3) : Je vais chez le médecin
Ex. (4) : Mi sava ø doktér
La lecture du livret d’« aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin d’école maternelle »,
éditions 2010, du Ministère de l’éducation nationale, nous a permis de cerner et de regrouper
les éléments importants et essentiels dans l’expression linguistique de la spatialité incluant des
fiches d’exercices dans une visée pédagogique et didactique.
Dans la partie « Découvrir le monde » de ce livret figure la thématique du repérage dans
l’espace. Les objectifs étant de « se situer dans l’espace et situer les objets par rapport à soi,
comprendre et utiliser à bon escient le vocabulaire du repérage et des relations dans
l’espace ». Cette thématique ne fait pas l’objet de fiches d’exercices comme cela est proposé
pour d’autres rubriques comme « s’approprier le langage, découvrir l’écrit ». C’est en
analysant la rubrique « Guide d’observation » que nous avons découvert les « indicateurs » de
la spatialité à évaluer auprès des élèves. Nous dressons la liste du « vocabulaire des relations
dans l’espace » donnée dans le livret :
4 -
marcher (mars/marsé)
courir (kour/kouri)
passer (pas/pasé)
se placer ou placer quelque chose (mét + Pronom personnelle/mét + Nom)
prendre quelque chose sur…, sous…, au-dessus/par-dessus…, au-dessous/pardessous…, au-dessus de… et au-dessous de…, entre… et…, devant…, derrière…, en
haut de…, en bas de… ; aller jusqu’à… (pran/trap + Nom + si/dsi/anlèr,
sou/dosou/anba, anlèr/pardsi, anba/dannfon/andsou/pardsou, ant, dovan, dérièr,
anlèr, anba/dannfon ; alé ziska…)
Il est aussi important d’évaluer « le repérage par rapport à sa droite, à sa gauche » et « le
repérage par rapport à la droite ou la gauche d’un tiers non orienté comme lui », ce dernier
n’étant pas une connaissance et une compétence obligatoire à acquérir en raison du niveau des
élèves. Ensuite, on retrouve une liste non exhaustive de « verbes d’action qui traduisent des
relations dans l’espace » :
- descendre (dsann)
- monter (mont)
- avancer (avans/alé/vien)
- reculer (rokil/rokilé/avans dérièr)
- enjamber (pas si/dosi)
- soulever (lèv), etc.
Les listes de ce livret nous permettent dans un premier temps de constater des éléments de
divergence concernant l’expression linguistique de la spatialité entre le français et le créole
réunionnais. Nous notons en caractère italique et entre parenthèses les équivalences possibles
en créole à côté des termes français cités. Ces équivalences précisent la forme verbale à
l’accompli et la forme verbale non-accomplie. Cette première comparaison démontre que
certains termes sont semblables en français et en créole réunionnais même si la conjugaison
est différente. Toutefois, certains d’entre eux peuvent être dits différemment en créole. Par
exemple, « se placer/placer quelque chose » (mét), « enjamber » (pas si/dosi).
Au début de la mise en place du dispositif de prévention de l’illettrisme en Grande Section de
maternelle, nous avons commencé à regrouper les éléments importants liés à l’apprentissage
de la spatialité que nous avons développés sous forme de fiches d’exercices. L’élaboration de
ces exercices a notamment été inspirée de la Méthode Lettris (2003) et du Test de Boehm- 3
(2009). Le premier est une méthode d’apprentissage destinée à un public d’adultes en
situation d’illettrisme ou en difficulté d’apprentissage et le second est un test psychologique
appliqué aux élèves de la maternelle dans le but de vérifier le niveau d’acquisition des
concepts abordés. Certains documents iconographiques proposés dans ces méthodes
d’apprentissage et d’évaluation nous paraissaient intéressants pour l’élaboration de nos fiches
d’exercices.
Objectifs :
-
Savoir se repérer dans l’espace par rapport à son corps, qui sert alors de point de
repère.
-
Localiser dans l’espace à partir de repères autres que soi.
5 -
Habituer les élèves à utiliser les prépositions « à, de, chez » qui peuvent poser
problème aux élèves créolophones de La Réunion. En effet, celles-ci ne sont pas
attestées dans le système prépositionnel commun du créole réunionnais de manière
générale même si elles sont employées par certains locuteurs créolophones. Ces
prépositions doivent faire l’objet d’un intérêt particulier.
-
Comprendre et utiliser le vocabulaire lié au déplacement et au mouvement dans
l’espace.
-
Apprendre à gérer les différents espaces. Nous nous sommes principalement intéressée
au micro espace représenté par exemple par la table de travail de l’élève, la feuille de
papier ou le cahier.
Dans le cadre du dispositif de prévention de l’illettrisme en maternelle, nous considérons la
cour de l’école et le terrain de sport comme le macro-espace, la salle de classe comme le
méso-espace, la table et la feuille de papier comme micro-espace. Pour cela nous nous
appuyons sur les travaux de Jean-Luc Bregeon, mathématicien, qui définit les notions de
micro-espace, méso-espace et macro-espace dans une étude centrée sur la « structuration de
l’espace et géométrie » pour les élèves de maternelle. Cette étude figure sur un site internet
dédié à la pédagogique et à la didactique réunissant des travaux et documents utiles aux
étudiants. Ces définitions sont les suivantes :
« Micro-espace :
Espace proche du sujet ; on peut voir, toucher et déplacer les objets de cet espace ; il y a
perception exhaustive des objets.
Le sujet est à l’extérieur de l’espace.
Il n’est pas nécessaire de conceptualiser pour appréhender cet espace.
Méso-espace :
Espace accessible à une vision globale.
Les objets sont fixes ou semi-fixes, visibles selon diverses perspectives.
Le sujet est à l’intérieur de l’espace ; il peut s’y déplacer pour observer selon différents
points de vue.
Une conceptualisation est utile pour appréhender cet espace (maquette, plan).
Macro-espace :
Espace accessible seulement à des visions locales.
Les objets sont fixes et une partie seulement est sous le contrôle de sa vue.
Le sujet est à l’intérieur de l’espace et doit coordonner des informations partielles.
Une conceptualisation est indispensable pour appréhender cet espace (plan, carte) ».
(J-L., Bregeon, « Structuration de l’espace et géométrie »)
Si on prend en compte l’environnement proche de l’élève en dehors de l’école, c’est-à-dire
l’endroit où il vit ou son environnement familial, on peut donner comme exemple de macroespace tout ce qui est autour de sa maison (la rue, le quartier, etc.). Comme exemple de mésoespace l’intérieur de sa maison et pour le micro-espace un magazine ou un prospectus.
En maternelle, l’apprentissage passe principalement par le langage oral. Les exercices à
appliquer aux élèves de maternelle se passeront principalement à l’oral.
Dans les exercices que nous proposons, il est important de donner les autres possibilités pour
exprimer l’unité linguistique à valeur spatiale choisie dans le but d’enrichir le vocabulaire de
l’élève.
Suite à la collaboration avec l’équipe pédagogique et l’équipe enseignante ainsi qu’à l’analyse
linguistique de la spatialité du Test Diagnostic 1, nous avons choisi six éléments essentiels
6 parmi les neuf choisis au départ. Ceux-ci constituent les plus importants dans le cadre de
l’apprentissage du langage spatial. La majorité des fiches d’exercices est accompagnée d’une
explication pour le cas du créole réunionnais en fonction de la notion spatiale abordée et
d’une traduction en créole.
Les six éléments fondamentaux de la spatialité retenus sont les suivants :
1) Prise de conscience des axes d’orientation spatiale naturels de son corps
Fiche 1 : Le corps et l’espace
2) Le repérage spatial par rapport à son corps
Fiche 2 : La place du corps dans l’espace
Fiche 3 : Éloignement et rapprochement
Fiche 4 : Face à face
Fiche 5 : Intérieur et extérieur
3) La localisation spatiale en fonction d’un repère autre que soi (objet ou personne)
Fiche 6 : L’espace et l’environnement autour de soi
4) Les prépositions « à, de, chez, dans »
Fiche 7 : Où vas-tu ? D’où (re)viens-tu ?
5) Le vocabulaire du mouvement et du déplacement dans l’espace
Fiche 8 : Se déplacer et se mouvoir
6) La localisation dans l’espace de la feuille
Fiche 9 : Les points spatiaux d’une feuille
Fiche 10 : Les coins
Fiche 11 : Où sont les ananas ?
Fiche 12 : Ecris ton prénom mais fais attention !
7 1) Prise de conscience des axes d’orientation spatiale naturels de son corps
Fiche 1 : Le corps et l’espace
Situation :
Prendre un groupe de 8 à 10 élèves. Cet exercice peut se dérouler dans la salle de classe ou
dans la cour de l’école.
Remarques :
Il faut aligner les élèves de manière à ce qu’ils ne s’observent pas entre eux pour répondre à la
consigne. Bien observer la réaction des élèves pendant l’exercice.
Consignes :
Levez votre main droite.
Levez votre main gauche.
Regardez la personne à côté de/près de vous.
Levez les bras devant.
Levez les bras derrière.
Mettez le doigt en haut.
Mettez le doigt en bas.
Penchez-vous en avant.
Penchez-vous en arrière.
Particularités du créole réunionnais :
Lèv zot min droit anlèr.
Lèv zot min gosh anlèr.
Gard lo moune lé koté zot.
Lèv zot dé bra dovan zot.
Lèv zot dé bra déryèr zot.
Lèv in doi anlèr.
Béss in doi anba.
Pansh/avans/pous out kor dovan.
Pansh out kor déryèr.
L’expression du duel en français passe par l’emploi d’un article des adjectifs droite/gauche
(Ex. n° 5). En créole réunionnais, c’est l’unité koté qui marque le duel. L’expression du
pluriel passe par l’unité koté qui est précédée de l’adjectif numéral « deux ». Il permet
d’exprimer le côté d’un objet ou des parties du corps humain (Ex. n° 6 et n° 7).
Selon R. Chaudenson (1974), « ces déterminants ne particuliers ne peuvent être utilisés que
pour des objets qui sont membres d’une paire ; […] De toute façon, l’emploi de ces
déterminants particuliers n’est pas obligatoire ».1
Nous élaborons un tableau pour regrouper les unités du duel en créole réunionnais et en
français, en prenant en compte la condition que l’entité soit constituée d’une paire.
Ex. (5) : J’ai mal à la jambe droite.
Ex. (6) : Mon koté zoréy « Mon oreille gauche/droite » (au singulier)
Ex. (7) : Mon dé koté zoréy « Mes oreilles » (au pluriel)
1
Robert, Chaudenson, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Librairie Honoré Champion, Tome I,
pp. 358-359.
8 Tableau 1 – L’expression du duel
Français
un
deux
Créole réunionnais
lo/in koté
lo dé koté / dé koté
9 2) Le repérage spatial par rapport à son corps
Situation :
Individuelle. Les espaces d’activités possibles sont par exemple la cour de l’école ou la salle
de classe. Il s’agit de vérifier l’emploi d’unités grammaticales et lexicales de la spatialité
(prépositions, verbes, noms, adverbes, adjectifs).
Cf. tableau n°1.
Fiche 2 : La place du corps dans l’espace
Remarque :
Placer l’élève à un endroit stratégique de la salle de classe ou de la cour de l’école. Il faut
qu’il soit placé de manière à être entouré de plusieurs objets.
Consignes :
Demander à l’élève d’indiquer la position des objets autour de lui (devant, derrière, à droite, à
gauche, à côté, en face, etc.), par la formule « Où se trouve (tel objet) par rapport à toi ? » :
- Où se trouve le tableau ?
- Où se trouve l’armoire ?
- Où se trouve la fenêtre ?
- Où est situé le bureau de maîtresse ?
- Où est la chaise ?
- Où sont placés vos sacs ?
- Où est posé le dictionnaire ?
Particularités du créole réunionnais :
En créole réunionnais comme dans les autres langues, le repérage dans l’espace se fait
notamment à l’aide de repères concrets naturels ou autres dans l’environnement tels que les
arbres, les cours d’eau ou les bâtiments (mairies, églises, etc.).
Le repérage passe par l’expression Ousa i lé... ? Ousa i tonm… ?
Les questions équivalentes en créole de cet exercice sont :
- Ousa tablo i lé?
- Ousa larmoir i lé?
- Ousa la fenèt i lé ?
- Ousa buro métréss i lé?
- Ousa la shèz i lé?
- Ousa zot la métt zot sak ?
- Ousa diksionér i lé?
L’ordre des constituants n’est pas le même en français et en créole réunionnais :
français
créole réunionnais
Pronom interrogatif + auxiliaire « être » + Groupe Nominal
Pronom interrogatif + Groupe Nominal + Prédicat verbal
Dans ce tableau, on constate que la place du pronom interrogatif ne change pas mais ce qui se
passe en créole réunionnais, en comparaison au français, c’est l’inversion entre le groupe
verbal et le groupe nominal.
10 Fiche 3 : Éloignement et rapprochement
Remarque :
À l’aide d’objets, tester l’acquisition des notions d’éloignement et de rapprochement.
Consignes :
Poser à l’élève la question suivante en deux fois avec un objet proche et loin de lui :
- Est-ce que (nom de l’objet) est près de toi ou loin par rapport à toi ?
Mettre l’élève près d’un arbre et lui demander de s’en éloigner (vice-versa).
- Demander à l’élève de se rapprocher de la classe ou d’un autre objet ou bâtiment.
Particularités du créole réunionnais :
L’expression de l’éloignement et du rapprochement dans l’espace ainsi que l’indication d’un
lieu en créole est appuyée par l’emploi de l’unité minm. Selon G. Staudacher-Valliamée, dans
sa grammaire, « toute unité – simple, complexe, groupe d’unités et phrase – peut être
déterminée par minm dont la fonction syntaxique est de renforcer l’idée exprimée par l’unité
déterminée ».2
Dans Le créole réunionnais de poche (2004), elle dit encore que « pour marquer un grand
éloignement, le créole répète l’adjectif et l’adverbe trois fois en modulant l’intonation :
I tonm / Lé loin, loin, loin minm.
Cela se trouve / C’est très loin ».3
Le vocabulaire de l’éloignement et du rapprochement en créole réunionnais comporte
notamment les unités lexicales et grammaticales suivantes :
térla/atérla « ici »,
isi « ici »,
la « là »,
laba « là-bas »,
loin
dannfon laba « loin là-bas »
koté « près (de) ».
En fonction des consignes de l’exercice proposé, en créole réunionnais on pourrait les
formuler de la manière suivante :
(objet) lé koté ou/térla sinonsa /laba/térlaba/dannfon laba/loin laba.
Alé laba/dannfon laba !
Vyin isi/térla/par isi !
Fiche 4 : Face à face
Remarque : Cet exercice doit se dérouler à deux. Placer les élèves face à face.
Consignes :
Touchez l’épaule droite de votre camarade.
Touchez le bras gauche de votre camarade.
Touchez l’oreille gauche de votre camarade.
2
3
Gillette, Staudacher-Valliamée, Grammaire du créole réunionnais, Paris, Sedes, Le Publieur, 2004, p. 92.
Gillette, Staudacher-Valliamée, Le créole réunionnais de poche, Assimil, 2004, p. 46.
11 Touchez l’oreille droite de votre camarade.
Particularités du créole réunionnais : cf. Fiche 1 concernant le marqueur du duel.
Fiche 5 : Intérieur et extérieur
Situation :
Collective. Cette activité peut avoir lieu dans la salle de classe ou dans la cour de l’école.
Consignes :
Former un cercle (assis ou debout) avec les élèves et demander à l’un d’entre eux de se placer
à l’intérieur du cercle et à un autre de se mettre à l’extérieur. Demander à un autre d’entrer
dans le cercle, et à un autre de sortir du cercle.
Puis, poser les questions suivantes :
- Où est-il (elle) ? (en désignant le prénom de l’élève)
- Qu’est-ce qu’il (elle) a fait ? (en désignant le prénom de l’élève)
Réponses possibles :
Il est dedans. Il est dehors.
Il est dans le cercle. Il est en dehors du rond.
Il est à l’intérieur (du cercle). Il est à l’extérieur (du cercle).
Il est entré dans le cercle. Il est sorti du cercle.
Équivalences en créole réunionnais :
Questions :
- Ousa li lé ?
- Kosa li la pou/trann fé ?
Réponses possibles :
Li lé anndan/dedan. Li lé déor. Li la sort déor.
Li lé dann (lo) ron. Li lé déor lo ron.
Li lé anndan/dedan. Li lé déor.
Li la rant dann (lo) ron. Li la sort déor lo ron.
On remarque qu’en créole, on n’exprime pas les notions françaises « à l’intérieur de, à
l’extérieur de » mais plutôt les unités lexicales suivantes : anndan/dedan/dann // déor/andéor.
dan lakaz « à l’intérieur de la maison »
par anndan « à l’intérieur »
12 3) La localisation spatiale en fonction d’un repère autre que soi (objet ou personne)
Fiche 6 : L’espace et l’environnement autour de soi
Situation :
Individuelle. Cet exercice peut se dérouler dans la salle de classe ou dans la cour de l’école.
Remarque : Placer des objets un peu partout à l’intérieur de la classe ou dans l’espace de la
cour de l’école.
Consignes :
Questions possibles (adapter les questions en fonction du matériel choisi) :
Où se trouve le stylo ? (sur la table, par terre, etc.)
Où se trouve la trousse ? (sous la chaise, sous la table, etc.)
Où se trouve la boîte de craies ? (en haut de l’armoire, en bas de l’étagère, etc.)
Où mets-tu le dictionnaire ? (Je mets le dictionnaire sur l’étagère de la bibliothèque)
Où mets-tu ton sac ? (Je mets mon sac dehors)
Où poses-tu ton cahier ? (Je pose mon cahier sur la table/dans le casier de ma table)
Est-ce que la table est près du tableau ou loin du tableau ?
Montrer l’image qui suit à l’élève et lui poser la question suivante :
Qu’est-ce qu’il y a / Qu’est-ce que tu vois entre le soleil et la lune ? (Il y a une étoile)
Équivalences en créole réunionnais :
Questions :
Ousa lo léstilo i lé ? (si/dosi la tab, atér, etc.)
Ousa la trouss i lé ? (sou/dosou la shèz, la tab, etc.)
Ousa boit la kré i lé ? (anlér/dosi larmoir, anba létazèr, etc.)
Ousa zot i mét diksionér ? (Mi mét diksionér si/dosi létazèr la bibliotèk)
Ousa zot i mét zot sak ? (Mi mét mon sak déor)
Ousa zot i poz zot kayé ? (Mi poz mon kayé si/dosi la tab, dann kazié mon tab)
La tab lé loin lo tablo oubien lé koté tablo ?
Pour l’image à montrer à l’élève :
Kosa néna rant lo solèy ék la line ? (Nana in zétoil).
13 4) Les prépositions « à, de, chez, dans »
Fiche 7 : Où vas-tu ? D’où (re)viens-tu ?
Situation : Prendre un groupe de 5 élèves. Cette activité peut se réaliser dans la salle de classe.
Remarques :
L’idée est de faire un jeu illustrant, par exemple, un endroit où se trouve une boulangerie, un
cabinet de dentiste et une bibliothèque. Cela peut permettre l’emploi des prépositions spatiales
« à, de, chez » dans l’expression orale des élèves.
Consignes :
Expliquer aux élèves la situation dans laquelle ils doivent s’imaginer. Ils devront se déplacer
dans cet espace en précisant l’endroit vers lequel ils se dirigent. Il faut alors leur poser les
questions suivantes : Où vas-tu ? Où allez-vous ? Où allons-nous ? D’où (re)viens-tu ? Où
entres-tu ?
Les réponses possibles sont par exemple :
- Je vais à la boulangerie.
- Nous allons à la bibliothèque.
- Je vais chez le dentiste.
- Je sors de la bibliothèque.
- Je reviens de la bibliothèque.
- J’entre dans la boulangerie.
Particularités du créole réunionnais :
En créole réunionnais les prépositions « à, de, chez » ne sont pas attestées dans le système
prépositionnel commun du créole réunionnais (cf. les traductions en créole des réponses
possibles de l’exercice). Mais, il est possible qu’une partie de la population créolophone
emploie ces prépositions. Toutefois les prépositions « à, de » entrent dans la composition de
locutions figées telles que piédboi, piédri, koudmin, sabakane, tabamanzé, etc. La préposition
« chez » du français se réalise sous la forme lakaz en créole réunionnais (Ex. n° 8).
Ex. (8) : Mi sava lakaz Élisa. « Je vais chez Élisa. »
Réponses possibles en créole réunionnais :
-
Mi sava la boulanzri.
Nou sava la bibliotèk.
Mi sava dantiss.
Mi sort dan la bibliotèk.
Mi sort la bibliotèk.
Mi rant dann la boulanzri.
La polysémie de certaines prépositions et même de certains verbe créoles peut poser
problème dans l’apprentissage du/en français pour un public créolophone. Par exemple, la
préposition créole dan’ véhicule plusieurs sens sous les formes suivantes en français : dans,
de, du (Ex. n° 9, 10, 11).
Ex. (9) : Trap deu tomat dann tant bazar « Prends deux tomates dans le panier à légumes »
Ex. (10) : Sort dan la shanm « Sors de la chambre »
14 Ex. (11) : Tir out pié dann fotéy « Enlève tes pieds du canapé »
L’unité lexicale et grammaticale qui se réalise sous les formes alé/alon/anon/sava « aller,
partir » en créole réunionnais est particulière. Elle peut :
- être un syntagme verbal : Mi sava Sin-Pol « Je vais à Saint-Paul »
- être un marqueur préverbal (aspectuel et temporel) véhiculant une valeur injonctive :
Alé pass balié ! « Va balayer ! »
- être un marqueur préverbal (aspectuel et temporel) du futur, dont les variantes
morphologiques sont sava/sa/sar/va : Mi sa manz in mang « Je vais manger une
mangue »
- entrer dans la composition de locutions figées : Alé marshé don ! « Va voir là-bas si
j’y suis ! »
- être une interjection : Alé oir ! « à vrai dire, que dalle ».4
Un autre exemple avec la structure alé oir :
Ex. (12) : Loulou la di amoin linz té fine lavé, alé oir, le linz té sal !
« Loulou m’avait dit que les vêtements avaient été lavés alors qu’ils étaient sales ! »
4
Alain, Armand, Dictionnaire kréol rénioné/français, Saint-André, Océan Éditions, 1987, p. 317.
15 5) Le vocabulaire du mouvement et du déplacement dans l’espace
Fiche 8 : Se déplacer et se mouvoir
Situation :
Prendre un groupe de 8 à 10 élèves. Ces exercices peuvent se dérouler dans la cour de l’école
ou sur un terrain de sport.
Remarques :
Mise en place d’activités sportives dont les consignes contiennent des unités lexicales et
grammaticales à valeur spatiale.
Matériel : Bancs, cerceaux, un bâton, des plots, une craie pour marquer le sol, etc.
Consignes :
Demander aux élèves de :
-
Courir jusqu’aux toilettes
Marcher depuis la classe jusqu’à l’aire de jeux
Marcher depuis le trait (ou le bâton) et s’arrêter devant le banc
Enjamber le banc
Monter sur le banc
Sauter du banc
Poser les mains sur le banc
Soulever le banc
Sauter dans (à l’intérieur du) le cerceau
Traverser le cerceau (le cerceau placé à la verticale) /Passer à travers le cerceau
Entrer dans le cerceau
Sortir du cerceau
Mettre les élèves en ligne et leur demander d’avancer puis de reculer.
Placer un cerceau un peu loin de la position initiale de l’élève. Donner un plot à l’élève.
Enoncer les consignes suivantes :
- Avance vers le cerceau.
- Place le plot à l’intérieur du cerceau.
- Tourne à gauche (ou à droite) du cerceau.
- Et reviens vers moi.
Particularités du créole réunionnais :
Pour le premier exercice la traduction en créole serait la suivante :
- Kour ziska kabiné/toilét
- Marsh dopi la klass ziska ousa i zoué
- Komans marsh dopi lo baton, apréla kal/arét dovan lo ban
- Pass dosi lo ban
- Mont anlèr lo ban
- Sot atér
- Poz zot min si/dosi lo ban
- Lèv lo ban anlèr
- Sot anndan lo sérso
16 -
Pass anndan lo sérso
Rant dan lo sérso
Sort dan lo sérso
Pour le deuxième exercice, l’équivalent en créole réunionnais serait :
- Avanss
- Rokil
Pour le troisième exercice :
- Avanss ziska lo sérso.
- Métt lo plo dan/anndan lo sérso.
- Tourn koté lo sérso. Tourn par isi/par laba.
- Apré rovien koté moin.
On remarque, dans les consignes créoles, que l’expression de certains verbes ne sont pas
toujours les même et que là où en français le verbe suffit pour exprimer le mouvement
(enjamber, soulever), en créole on utilise un verbe combiné à une préposition, qui est placée
avant ou après le syntagme nominal (Ex. n° 13).
Ex. (13) : Pass dosi lo ban. « Enjamber le banc. »
17 6) La localisation dans l’espace de la feuille
Remarques :
Etant considérée comme micro espace, les exercices avec la feuille de papier consisteront à
reconnaître le haut, le bas, les côtés, les coins, la droite et la gauche de la feuille. Il s’agira
également de savoir repérer des éléments sur une feuille de papier.
Fiche 9 : Les points spatiaux d’une feuille
Situation : Prendre un groupe de 5 élèves. Dans la salle de classe.
Matériel : une feuille blanche de format A4.
Consignes :
Posez le doigt sur le haut de la feuille.
Posez le doigt sur le bas de la feuille.
Posez le doigt sur la droite de la feuille.
Posez le doigt sur la gauche de la feuille.
Équivalences en créole réunionnais :
Poz zot doi dési le féy anlèr.
Poz zot doi dési lo féy anba/dannfon.
Poz zot doi koté par la si lo féy.
Poz zot doi koté par isi si lo féy.
Fiche 10 : Les coins
Situation : Collective.
Matériel : une feuille blanche de format A4.
Consignes : Coloriez en rouge les quatre coins de la feuille de papier.
Particularités du créole réunionnais :
Le nom « coin » du français est attesté en créole réunionnais mais uniquement sous la forme
prépositionnelle dann koin (Ex. n° 11, 12).
Ex. (14) : Boug-la i asiz toultan dann koin la boutik « Cet homme s’assoit souvent au coin de l’épicerie »
Ex. (15) : Métt balyé dann koin la kizine « Pose le balai dans un coin de la cuisine »
Ex. (16) : Mét aou bien dann koin somin « Mets-toi sur le côté du chemin »
18 Fiche 11 : Où sont les ananas ?
Situation : Prendre un groupe de 5 élèves.
Matériel : un document iconographique illustrant plusieurs ananas, des feutres.
Consignes : L’espace et ses limites
Entourez en rouge l’ananas qui se trouve à gauche de la feuille.
Entourez en bleu l’ananas qui se trouve en haut de la feuille.
Entourez en vert l’ananas qui se trouve à droite de la feuille.
Entourez en jaune l’ananas qui se trouve en bas de la feuille.
Entourez orange l’ananas qui se trouve au milieu de la feuille.
Équivalences en créole réunionnais :
Antour an rouz lo zanana lé koté par isi si lo fèy.
Antour an blé lo zanana lé anlèr si lo fèy.
Antour an vér lo zanana lé koté par la si lo fèy.
Antour an zone lo zanana lé anba si lo fèy.
Antour an oranz lo zanana lé dann milié lo fèy.
19 Fiche 12 : Ecris ton prénom mais fais attention !
Situation : Collective.
Remarques :
Il faut faire comprendre à l’élève qu’il existe des espaces limités, notamment la feuille de
papier ou encore le contour d’un dessin. Il doit apprendre à gérer cet espace restreint et donc à
ne pas dépasser ses limites.
Matériel : une feuille de papier avec quatre rectangles de dimension différente.
Consigne (1) :
Écrivez votre prénom en majuscule à l’intérieur des deux rectangles en utilisant tout l’espace.
Mais il ne faut pas déborder des rectangles.
Consigne (2) :
Ecrivez votre prénom en écriture cursive (en attaché) dans les deux rectangles en utilisant tout
l’espace. Mais il ne faut pas déborder des rectangles.
20 21 Tableaux des unités lexicales et grammaticales de la spatialité selon les critères
de localisation, de mouvement, de déplacement en français
Tableau 1 – Unités lexicales et grammaticales de localisation
Noms
Le côté
Le coin
Le bout
Le bord
Le sommet
Le dessus
Le dessous
L’avant, le devant
L’arrière, le derrière
Le milieu
Le centre
Le fond
Le haut/le bas
L’intérieur/l’extérieur
Verbes
Etre
Se trouver
Se situer
Localisation
Adjectifs
Droit(e)/gauche
Avant/arrière
Haut(e)/bas(se)
Intérieur/extérieur
Adverbes
Ici/là/là-bas
Dessus/dessous
Par terre
En haut
En bas
Dedans
Dehors
Devant/derrière
Au fond
Sur le bord
Loin/près
Où
Partout
Prépositions
A
Y
De
En
Entre
Sous/sur
Dessous/dessus
Au-dessus de/audessous de
Dedans/dehors
En haut/en bas
A côté/près de/loin
de/auprès de
Hors de
En face de
Face à
Devant/derrière
Au coin
Au bout de
Dans
Contre
Au bord de
Au milieu de
Au fond de
A gauche
A droite
22 Tableau 2 – Unités lexicales et grammaticales de mouvement
Noms
Un tour
Un saut
Un pas
Une enjambée
Verbes
S’asseoir
Se lever
Se mettre debout
Se pencher
S’agenouiller
Sauter
Se retourner
Tourner
Prendre
Attraper
Lâcher
Jeter
Lancer
Taper (dans les
mains, dans la
balle…)
Frapper (des mains,
dans le ballon…)
Mettre
Placer
Rendre (quelque
chose)
Envoyer (quelque
chose)
Joindre
Enjamber
Contourner
Mouvement
Adjectifs
Debout, assis ;
Allongé ; accroupi,
Intérieur/extérieur
Adverbes
ici, autour, dedans,
dehors, derrière,
dessous, devant, là,
loin, où, partout,
près
Prépositions
Sur/sous, vers,
dans, de, sous/sur,
entre,
dessous/dessus
Au-dessus de/audessous de
Dedans/dehors
En haut/en bas
A côté/près de/loin
de/auprès de
Hors de
En face de
Face à
Devant/derrière
Au coin
Au bout de
Dans
Contre
Au bord de
Au milieu de
Au fond de
A gauche
A droite
Tableau 3 – Unités lexicales et grammaticales de déplacement
Noms
Le départ
L’arrivée
La venue
L’entrée
La sortie
La montée
La descente
Un aller
Un retour (allerretour)
Une course
Le long de
Verbes
Marcher
Courir
Avancer
Reculer
Partir
Aller
Venir
Arriver
Revenir
Passer
Descendre
Monter
Sortir
S’éloigner
Se rapprocher
Traverser
Entrer
Se déplacer
Se rendre
Tourner
Grimper
S’arrêter
Rejoindre
Déplacement
Adjectifs
Droit
Intérieur/extérieur
Adverbes
Autour, ici, ailleurs,
dedans, dehors,
derrière, dessous,
devant, là, loin,
près, où, partout, y
Prépositions
Chez
A
Par
De
Vers
Dans
Sur
Y
Jusque/jusqu’à
Depuis
A partir de
A travers
A l’intérieur/à
l’extérieur
Loin de/près de
A l’envers/à
l’endroit
23 Tableaux de certaines unités lexicales et grammaticales de la spatialité en créole réunionnais
Tableau 4 – Les prépositions à valeur spatiale
R. Chaudenson (1974)
An « en, de »,
An bas d’ « au-dessous de »,
An déor « au dehors de, à
l’extérieur de »,
Anfas « en face de »,
Anlèr « sur, en haut de »,
En o d’ « au-dessus de »,
Koté « près de, à côté de »,
Dan, dann « dans, au milieu de,
parmi, au voisinage de, près de, à,
sur, de »,
La kaz « chez »,
Depi « depuis »,
Devan « devant »,
Déryèr « derrière »,
Dsi « de plus de, de»,
De dsi « de dessus »,
Par « de, par »,
Pou « pour, à »,
Sir « sur »,
Sou « sous »,
Vizavi « en face de »,
Ziska « jusqu’à »5
P. Cellier (1985)
An,
Anba,
Andéor,
Anfas,
Anlèr,
Anndan, an-o,
(a)koté « près de »,
(d)dan,
(d)sir,
(d)sou « sous »,
Dan, dann « dans, au, de, du »,
Dann fon « du fond de »,
La kaz « chez »,
Lebor « au niveau de »,
Rant « entre »,
Su « sur »,
Par,
Ziska…6
G. Staudacher-Valliamée (2004)
Anba « en bas de, au-dessous de »
Anler « au-dessus de »,
Bor « au bord de »,
Bordazh « près de »,
Dan « dans, de »,
Dann bor « au bord de »,
Dann fon « au fond de »,
Dann koin « au coin de »,
Dann milië « au milieu de »,
Dëvan « devant »,
Deryèr « derrière »,
Koté « près de »,
Sï « dessus »,
Sou « dessous »,
Vizavi « en face de »7
Tableau 5 – Les adverbes à valeur spatiale
Adverbes à valeur spatiale
Créole réunionnais
Français
anler
« dessus »
anba
« dessous »
ater
« par terre »
anho
« en haut »
anndan
« dedans »
dëhor
« dehors »
dëvan
« devant »
deryer
« derrière »
dëssi
« dessus »
dëssou
« dessous »
issi
« ici »
là
« là »
laba
« là-bas »
sikoté, parkoté
« sur le côté,
en accompagnement »
dannfon
« au fond »
dannbor
« sur le bord » 5
Robert, Chaudenson, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Centre national de la Recherche
scientifique, 1974, pp. 370-375.
6
Pierre, Cellier, Description syntaxique du créole réunionnais : Essai de standardisation, Thèse pour le doctorat
d’Etat, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1985, pp. 525, 535-537.
7
Gillette, Staudacher-Valliamée, 2004, op. cit. Grammaire..., p. 95.
24 FORMATIONS DIFOR pour le Dispositif de grande section
26 et 27 mars 2012, Université du Tampon :
Deuxième année de doctorat en linguistique et en créolistique sous la direction du Pr. GSV.
Rattachée au Laboratoire du LCF – (Langues, textes et communication dans les espaces
Créolophones et Francophones) et à l’Institut de l’illettrisme de l'Université de La Réunion.
Plan de l’intervention :
1) Brève présentation de mon travail de recherche
2) Ce qu’est la spatialité ou système spatial
3) De quoi est fait le système spatial du créole réunionnais en comparaison avec celui du
français
4) Le lien entre l’étude linguistique de la spatialité et le dispositif de prévention
5) Mutualisation de pratiques (Contribution des enseignants au dispositif de prévention)
Introduction :
Mon travail de thèse est la continuité d’une recherche précédente sur l’étude linguistique de la
spatialité dans un corpus de chansons créoles de La Réunion de trois auteurs nés entre 1922 et
1928. Il s’agissait de Maxime Laope, Loulou Pitou et Henri Madoré.
Actuellement, pour ma thèse, je mène toujours une étude linguistique de la spatialité, en
faisant une comparaison entre le créole réunionnais et le français. La particularité de ce travail
de recherche réside dans l’intérêt porté à l’apprentissage du et en français et aux situations de
l’illettrisme dans un milieu créolophone comme l’île de La Réunion.
Ma thèse s’intitule : Étude linguistique de la spatialité : comparaison créole/français, savoirs
de base et applications aux situations de l’illettrisme à La Réunion.
Mon sujet de Thèse constitue une continuité de mon Mémoire de Master 2 sur la thématique
de la spatialité dans les langues. Pour mon Mémoire de Master 2, j'ai procédé à l’étude
linguistique de la spatialité dans un corpus de chansons créoles de La Réunion. J'ai analysé les
chansons de Maxime Laope, Loulou Pitou et Henri Madoré (né entre 1922 et 1928), trois
grands représentants du séga et du maloya des années cinquante. Ces 3 auteurs étaient des
locuteurs créolophones âgés et faiblement scolarisés.
Définition et explications en linguistique générale et en créolistique :
L’hypothèse de mon travail de recherche est qu’il existe une organisation de la spatialité en
créole réunionnais. En effet, après l’identification d’un système verbal (cf. GSV, 1992, 2004)
et d'un système prépositionnel (cf. GSV, 92, 2004) par G. Staudacher-Valliamée, mon travail
de recherche a observé comment verbes et prépositions exprimaient linguistiquement la
spatialité. J'ai étendu l'analyse à d’autres unités qui contribuent à l'expression linguistique de
la spatialité en créole réunionnais notamment les adverbes, syntagmes nominaux, les
toponymes (noms de lieux).
Je m'intéresse à l'étude de l'Espace dans sa différence au Temps. La notion du Temps
constitue une place importante dans les études linguistiques. Selon O. Ducrot (linguiste
français, 1995), le temps et le mode déterminent le fonctionnement du temps grammatical.
Les modes, dans le système verbal français, étant l’indicatif, le subjonctif, le conditionnel,
l’impératif, l’infinitif, le gérondif et le participe ; et les temps : le présent, l’imparfait, le futur,
le passé simple, le passé composé, le plus-que-parfait, le futur antérieur, le passé antérieur.
Dans son article, O. Ducrot s’intéresse « à la façon dont l’expérience humaine du temps est
25 représentée à travers l’organisation linguistique des énoncés – et elle l’est par bien d’autres
moyens que par les Temps Grammaticaux »8 Cette citation de Ducrot est intéressante dans la
mesure où l’auteur souligne la possibilité d’exprimer la temporalité autrement que par le
temps grammatical. L’auteur montre alors l’importance des « indications temporelles »9 qui
peuvent être véhiculées par des adverbes ou des groupes nominaux.
Par exemple en créole réunionnais, ces indicateurs temporels peuvent représenter des
datations (Dimanche grand matin10, L’année 5911), des saisons (dans la saison goyavier12).
Le temps se rattache à la spatialité en raison de la présence des marqueurs aspectuels et
temporels dans le système verbal du créole réunionnais. Ceux-ci permettent l’expression de la
spatialité par la description du déplacement futur ou du mouvement en cours.
Concernant l'espace, on peut dire que de nombreux travaux ont été menés sur cette thématique
notamment en littérature, en géographie et en anthropologie. Mais pour le créole réunionnais,
les études linguistiques centrées sur la spatialité font encore défaut, à l’exception des travaux
menés par G. Staudacher-Valliamée, cités précédemment.
Dialogue avec les prédécesseurs :
Dans un article intitulé « Une classe de fonctionnels en créole réunionnais : forme et sens ? »
(1996), G. Staudacher-Valliamée propose une étude de la morphologie et du sens des
prépositions en créole réunionnais selon des corpus oraux et écrits. Son corpus était constitué
de données collectées sur le terrain par plusieurs linguistes tels que Cellier (1985),
Ramassamy (1985) ou encore Papen (1978). L’auteur de l’article s’appuie aussi sur le lexique
de Chaudenson (1978) et les dictionnaires d’Armand et de Baggioni (1987-1990), mais
également sur « les sketchs audio-oraux »13 de Thierry Jardinot (1990, 1992), les histoires
créoles de Daniel Vabois (1988) ainsi que les contes créoles de Héry (1828).
Afin de comprendre le fonctionnement des prépositions du créole réunionnais, L’auteur
s’intéresse à la morphologie, au sens et à la valeur de celles-ci. Dans son article, G.
Staudacher-Valliamée démontre la prédominance des unités à valeur spatiale dans l’inventaire
qu’elle effectue et le faible nombre d’unités à valeur temporelle. Elle inventorie « 13
prépositions spatiales et temporelles »14.
Dans son inventaire des prépositions du créole réunionnais, celles qui véhiculent une valeur
spatiale sont par exemple :
25 unités variation de valeur
autres classes syntagmes figés
(spatiale, (adverbes,
fonction- la forme
traduction
(contexte)
temporel- particule,
8
Id.
9
Id, p. 567.
10
Chanson de Maxime Laope, Agnès, cf. Annexe 2, p. 8.
11
Chanson de Loulou Pitou, La coupe carrée, cf. Annexe 2, p. 24.
12
Chanson de Loulou Pitou, Viens ici cf. Annexe 2, p. 35.
13
Gillette, Staudacher-Valliamée, 1996, op. cit. « Une classe de fonctionnels en créole réunionnais… »,
p. 62.
14
Id, p. 66.
26 nelles
le, autre) subordonnant,
adjectif)
èk
avèk
spat.
dan
dann'
spat.,
temp.
dedan
dodan,
spat.
anndan, ddan
loc. adv.
adv., adj.,
particule
mèt èk
mèt dobwa èk l
fini èk sa
fini èk ou
rant' èk
kour dann' somin
in kolyé dan mon
kou (dann'pyé)
sòrt dan lé o
dann' tan lontan
sòrt dan mon
zanm'!
banna lé anndan,
zòt lé ddan
(dodan)
anndan la,
moin la gliss
anndan.
dann'tan lontan
dann' kwin
lârmwâr
mon koté dzyé
rèss koté moin
lotkoté laba
dann'+N
spat.,
temp.
loc. prép.
koté
spat.
nom, adv.
vizavi
dovan
spat.
spat.
nom
adv., particule, mèt dovan
nom
sòrt dovan!
devan, dvan
pass dovan
la di dovan nou
dèryèr
si
desi
dsi
desou
dosou, dsou
anlèr
i koné pi son
dovan
mon bluz lé dovan
dèryèr
spat.
particule, adv. râl dèryèr
pass dèryèr
assiz dèryèr
spat.,
kòz si li
quantité,
mont'si mon lanp,
temp.
grinp' si li
spat.,
adv., particule, mèt desi
temp.
adj.
lé desi
spat.
adv., adj.
gliss dosou
lé dosou
spat.
adv., particule, rèss anlèr
adj.
lé anlèr
déposer chez
sermoner qqn
en finir
se débarasser de
agresser
courir dehors
un collier au cou,
(au pied)
venir des Hauts
autrefois
pousse-toi !
ils sont à l'intérieur,
dedans
là dedans,
je me suis glissé à
l'intérieur (je l'ai
glissé dedans)
autrefois
derrière l'armoire
un oeil
reste près de moi
là-bas
prendre la fuite
pousse toi!
attention!
évincer
nous étions témoins
il a perdu la tête
ma chemise de nuit
est sens devant
derrière
tricher
rectifier
s'asseoir à l'arrière
dire du mal de
insulter qqn
être pris de (peur)
ajouter de l'argent
être dessus
glisser dessous
être dessous
être perdante,
être en haut, en
vedette
27 assiz anlèr
anlèr Lantanyé
anba
spa
dannfon
spat.
avan
temp.
apré
temp.
depi
dopï
ziska
zïska, Zyska, temp.
źiska
amonté,
armonté
apârtir
(postposé)
temp.
temp.,
quantit.
adv., adj.,
particule
adv., adj.,
particule
anba Larivyèr
assiz
anba(dannfon)
lé anba
dannfon laravine
dannfon Gran
Brilé
domoun' dannfon
lé dannfon
adj., adv.
i lav avan, apré ssa
i manz
i pass avan
adv., particule apré ssa na wâr
li tonm' apré
li vyen apré
Milyen
adv., subord. depï tanpti
i fé dé zour,
nana dé mwa
adv., subord. ziskatan, ziskalèr
ziska talèr
s'asseoir en haut
dans la région au
dessus de...
dans les quartiers
de…
s'asseoir en bas
être au rez-dechaussée, dehors
au bord, sur les
rives de…
au fin fond de…
les gens demunis
être au plus bas
d'abord on les lave,
puis on les mange
avoir la priorité
après, nous verrons
il est plus jeune
qu'Emilien
depuis l'enfance
depuis deux jours,
deux mois
jusqu'à ce que,
jusqu'à présent,
d'ici peu
moin la ziska anvi j'ai même envie de
wâr aou
te voir
dé zan amonté
au moins
trant' apârtir
Pour ce qui est du français :
La lecture de l’ouvrage sur la sémantique de B. Pottier (1992), dans lequel il évoque certains
aspects de la spatialité, m'a été utile pour mon travail de recherche. Selon lui, « le spatial » est
le « domaine qui est le plus facilement imaginable15 ». Dans son ouvrage, il propose une
figure qui schématise l’approche, l’intériorité et l’éloignement, qui sont des critères de la
spatialité. Pottier présente aussi ce qu'il considère comme des critères de la spatialité, par
exemple : « hors (de), à l’extérieur (de) ; contre, au contact (de) ; (entrer) dans, en ; dans, au
centre (de), à l’intérieur (de) ; (sortir) de ; (partir) de ; (s’éloigner) de »16.
Dans le cadre de mon étude linguistique, je me suis intéressée à ces critères de la spatialité
que propose Pottier, mais j'en ai rajoutés huit autres pour l'identification des verbes dans mon
corpus. Les autres critères de description sont, par exemple, les mouvements impliquant l'axe
d'orientation vertical : haut/bas, ou encore l'axe d'orientation frontal : devant/derrière.
Dans son ouvrage, Pottier parle également des verbes à sens abstrait et ceux à sens concret.
15
Id, p. 40.
16
Id, p. 55.
28 Cette distinction implique la représentation mentale du mouvement spatial. Dans son ouvrage,
il donne pour exemple de verbe à sens abstrait « entrer en religion » et « entrer en classe17 »
pour le sens concret.
Selon Andrée Borillo, dans son ouvrage L'espace et son expression en français (1998), ce qui
est important dans la situation spatiale, c’est le contexte de celle-ci en représentation mentale
ou en situation réelle.
L’auteure parle d'« entités concrètes qui correspondent aux « êtres, objets et lieux ».
Elle identifie, la dimension « statique » qui concerne les « relations de localisation », (ex.) et
« la mise en perspective spatio-temporelle de changement de lieu » qui concerne les
« relations de déplacement » (ex.).
Ex. : La lampe est sur la table.
Ex. : Le train quitte ma gare.
L’auteure précise que « la description du déplacement, assurée principalement par des verbes
et des prépositions, prend en compte des facteurs temporels et aspectuels grâce auxquels
peuvent être focalisées des phases différentes du procès (les phases initiale, médiane et finale)
et peuvent être caractérisés les états s’appliquant à la cible ou au site (avant, pendant ou après
le déplacement) ».18
Quand A. Borillo évoque les notions de mouvement et de déplacement, elle précise que « Le
mouvement d’un objet peut être vu comme un changement de posture ou de position, mais
qui ne va pas jusqu’à entraîner un véritable déplacement de l’endroit […] où il se trouve :
Elle cite pour exemples :
Paul se pencha à la fenêtre. Il s’agenouilla sur le sol. Il tourna la tête vers la porte. Il
s’appuya contre le mur ».19
L’objet n’est pas déplacé du « support »20 mais il est juste positionner autrement. C’est donc
un mouvement. Ce type de verbe est désigné par différents auteurs « sous le même terme (cf.
Laur 1991) ou sous un terme différent : verbes d’agitation (cf. Dervullez-Bastuji 1982),
verbes de mouvement de corps (cf. Lamiroy 1987), verbes de postures (cf. Asher 1994) ».
Concernant « Le déplacement, en revanche, est à considérer comme un événement de nature
spatio-temporelle, puisqu’il entraîne une modification des relations spatiales d’un objet avec
son support à des instants temporels successifs. »21
Ex. : Le train quitte ma gare. → déplacement
On constate qu'il s'agit d'un passage d’une localisation à une autre.
Rappel :
Mon travail de recherche sur la thématique de la spatialité.
Pour mon étude, je parle de système spatial.
17
Id.
18
Andrée, Borillo, 1998, op. cit., L’espace et son expression…, p. V.
19
Id, p. 38.
20
Id.
21
Id.
29 Qu'est-ce qu'un système spatial, d'un point de vue linguistique ?
En m'appuyant sur ce qui a été dit dans les ouvrages précédemment cités, un Système Spatial
pourrait se définir par l'ensemble des unités linguistiques véhiculant l’expression des relations
spatiales telles que la localisation ou le repérage, le déplacement et le mouvement. Les verbes
et les prépositions sont les principales unités lexicales et grammaticales permettant d'exprimer
ces relations spatiales, toutefois les adverbes, les noms, les adjectifs ou encore les toponymes
(nom de lieu) sont d'autres unités lexicales et grammaticales qui font partie du système spatial
d'une langue.
Méthodologie de la recherche : description intrinsèque du créole réunionnais
/comparaison avec le français
De quoi est fait le système spatial du créole réunionnais ?
En créole réunionnais, l'expression de la spatialité est véhiculée :
→ à travers le système verbal : selon les trois sens spatiaux : locatif, destinatif et origine
(tableau)
-
Sens locatifs
Locatif
Destinatif
origine
-
Français
Où ?
Vers où ?
D’où ?
-
Créole réunionnais
Ousa i lé ?
Ousa i sava ?
Ousa i sort ?
Ex. : Pépé i asiz dosou pié tamarin. « Pépé est assis sous le tamarinier. » (locatif)
Ex. : Mi sava Sin-Pol. « Je vais à Saint-Paul. » (destinatif)
Ex. : Mi sort lékol. « Je reviens de l'école. » (origine)
Les verbes de mouvement :
Ex. : Moin la dépoz mon tant atèr. « J'ai déposé mon panier par terre. »
→ Il existe d'autres critères pour identifier les verbes véhiculant la spatialité qui valent pour le
créole réunionnais (vu précédemment) :
1. Le sens concret et le sens abstrait des verbes :
Ex. : Marie la ramass mang dan la kour. « Marie a ramassé les mangues dans le jardin. » [sens concret]
Ex. : Momon la ramass ti garson-la. « Maman a recueilli ce petit garçon. » [sens abstrait]
1. le caractère statique ou dynamique d'un verbe et même d'une préposition :
Ex. : Mi dobout koté légliz. « Je me tiens debout à côté de l’église. » (statique)
Ex. : Mi marsh dannbor la mér. « Je marche près du rivage » (dynamique)
→ Les prépositions à valeur spatiale du créole réunionnais :
Grille des prépositions à valeur spatiale du créole extraites de différents ouvrages
linguistiques sur le créole réunionnais :
R. Chaudenson (1974)
P. Cellier (1985)
G. StaudacherValliamée (1993)
G. Staudacher-Valliamée
(2004)
30 An « en, de »,
An bas d’ « au-dessous
de »,
An déor « au dehors de, à
l’extérieur de »,
Anfas « en face de »,
Anlèr « sur, en haut de »,
En o d’ « au-dessus de »,
Koté « près de, à côté de »,
Dan, dann « dans, au milieu
de, parmi, au voisinage de,
près de, à, sur, de »,
La kaz « chez »,
Depi « depuis »,
Devan « devant »,
Déryèr « derrière »,
Dsi « de plus de, de»,
De dsi « de dessus »,
Par « de, par »,
Pou « pour, à »,
Sir « sur »,
Sou « sous »,
Vizavi « en face de »,
Ziska « jusqu’à »22
An,
Anba,
Andéor,
Anfas,
Anlèr,
Anndan, an-o,
(a)koté « près de »,
(d)dan,
(d)sir,
(d)sou « sous »,
Dan, dann « dans, au, de, du »,
Dann fon « du fond de »,
La kaz « chez »,
Lebor « au niveau de »,
Rant « entre »,
Su « sur »,
Par,
Ziska…23
èk
dan
dedan
dann'+N
koté
vizavi
dovan
dèryèr
si
desi
desou
anlèr
anba
dannfon
Anba « en bas de, audessous de »
Anler « au-dessus de »,
Bor « au bord de »,
Bordazh « près de »,
Dan « dans, de »,
Dann bor « au bord de »,
Dann fon « au fond de »,
Dann koin « au coin de »,
Dann milië « au milieu
de »,
Dëvan « devant »,
Deryèr « derrière »,
Koté « près de »,
Sï « dessus »,
Sou « dessous »,
Vizavi « en face de »24
Il faut savoir que les prépositions françaises « à, de » ne sont pas attestées en créole
réunionnais mais entrent dans la composition de synthèmes nominaux, il s'agit de structures
nominales figées.
Ex. : Mi sava bazar « Je vais au marché »
Ex. : Mi sort lékol « Je reviens de l’école »
Ex. : shifon-d-rak «ivrogne», tabamanzé « table à manger », piédboi « arbre ». (synthèmes
nominaux)
→ Il y a un autre point à préciser :
La polysémie de certaines prépositions et même de certains verbe créoles peut poser
problème dans l’apprentissage du/en français pour un public créolophone. Par exemple, la
préposition dan’ à dans, de, du.
Ex. : Trap deu tomat dann panié légum à Prend deux tomates dans le panier à légumes
Ex. : Sort dan la shamb à Sors de la chambre
Ex. : Tir out pié dann fotéy à Enlève tes pieds du canapé
Mi tir mon zano dan mon zoréy « J’enlève mes boucles d’oreilles de mes oreilles »
Mi métt mon zano dan mon zoréy « Je mets mes boucles d’oreilles dans mes oreilles »
22
Robert, Chaudenson, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Centre national de la Recherche
scientifique, 1974, pp. 370-375.
23
Pierre, Cellier, Description syntaxique du créole réunionnais : Essai de standardisation, Thèse pour le
doctorat d’Etat, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1985, pp. 525, 535-537.
24
Gillette, Staudacher-Valliamée, 2004, op. cit. Grammaire..., p. 95.
31 (1) Exemples en français de verbes à sens concret et abstrait :
Lever les bras. (concret)
Lever une interdiction. (abstrait) à Faire cesser quelque chose
(2) Exemples en français de verbes statiques et dynamiques :
Je suis assis sur un banc.
Lucie tourne le volant vers la gauche.
Pour le cas du français, en me basant sur un compte-rendu linguistique de C. Hagège
(linguiste français, 2006), on constate que la spatialité est aussi marquée par :
- l’utilisation de préfixes telles que « entre-, sur- » à Ex. « Entreposer, survoler »
- l’utilisation de « formules de lexicalisation »25 à Ex. « Écrémer, embouteiller »
Dans le cas de ces exemples, il s’agit d’une lexicalisation par « soudures de plusieurs mots en
un seul ou agglutinations ».26
Pour en revenir aux prépositions, dans un ouvrage consacré aux « réflexions prépédagogiques », Pierre Cellier note la difficulté d’acquisition de la classe des prépositions en
français pour les locuteurs créolophones. Cela mène à des « erreurs sur la préposition en
français »27 qu’il appelle « absences », « hypercorrections » et « confusions »28 dans leurs
productions orales ou écrites (Ex. n° 10, 11, 12).
Ex. : Il dit Jean : « on va lécole ». [Absence]
Ex. : Il y avait de la fête [Hypercorrection]
29
Ex. : Quelle belle journée par une promenade en forêt (pour) [Confusion]
→ À présent, si on s’interroge sur les notions spatiales françaises qui semblent rarement
utilisées en créole réunionnais. (Gauche, droite, points cardinaux, etc.)
Les notions spatiales droite/gauche ainsi que les points cardinaux semblent rarement utilisées
en créole réunionnais par une population plus âgée. Par exemple, l’étude linguistique de la
spatialité que j’ai menée dans des corpus chantés en créole démontre l’absence de l’usage des
notions spatiales droite/gauche, des points cardinaux pour se situer ou situer un objet ou une
personne dans l’espace. Je rappelle que ces auteurs étaient nés dans les années 20.
Toutefois, il est indéniable que la jeune population réunionnaise emploie ces notions spatiales.
Comment sont-elles alors exprimées en créole réunionnais ?
L’expression de ces notions spatiales en créole réunionnais semble passer par l’emploi de la
préposition spatiale koté accompagné ou non d’une autre préposition ou d’un geste de la main
et/ou du bras, par exemple koté la, koté par isi, ou alors la préposition koté suivi d’un élément
25
Claude, Hagège, Compte-rendu de Space in Languages Linguistic Systems and Cognitive Categories
édité par Maya Hickmann et Stéphane Robert, Typological Studies in Languages, vol.66, John Benjamins
Publishing Company, Amsterdam/Philadelphie, VII+ 361 p in Bulletin de la Société de Linguistique de Paris,
Tome CIII-2008, Fascicule II, Paris-Louvain, Peeters, pp.7-16, 2006, p. 9.
26
Michèle, Fruyt, « Adverbes latins, grammaticalisation et lexicalisation », communication au colloque
international : « Les adverbes latins » (colloque du centre A. Ernout), Université Paris IV-Sorbonne, 6-8 juin
2004 ; à paraître.
27
Id, p. 107.
28
Id, p. 108.
29
Les exemples n° 13, n° 14 et n° 15 sont extraits de l’ouvrage de Pierre Cellier, 1985, op. cit,
Comparaison syntaxique…, pp. 108-109.
32 concret (boutique, arbre « pié tamarin », etc.) comme par exemple koté gro pié tamarin « près
du gros tamarinier », koté la boutik shinoi « près de l'épicerie ». Toutefois, l'emploi des
déictiques sa et la qui servent à « montrer des objets et les mettre en valeur »30, jouent un rôle
important dans le système spatial du créole réunionnais.
Ex. : Mon kaz i tomb koté lékol dannfon la. « Ma maison se trouve près de l'école en bas. ».
On constate aussi que l'usage de repères concrets (boutique, arbre, etc.) et des toponymes
(nom de lieu = par exemple, les noms de villes ou des rue « Rue du Maréchal Leclerc »), est
aussi très important dans l'expression de la spatialité.
Petit exercice d'identification des unités lexicales et grammaticales à valeur spatiale : (extrait
de chanson)
1.
2.
3.
4.
Tous les lundis matin quand moin tait qui prend l’train
Dans la rue Grand-Chemin avec mon morceau de pain
Mon çapeau si le côté, mon soubique dans mon main
Quand même tait qui fait frais pourvi qu’mi gaingne’ le train
5.
6.
7.
8.
Mi passe Saint-Gilles-Les-Bains marchands poissons i vient
Vendèrs bonbons cocos z’aut’ i vend’ bons gâteaux
Dan’ mon compartiment un mamzelle gentiment
I dit à moin missié prends un pour vous goûter
9. Quand moin l’arrive Saint-Leu not’ tout’ l’a débarqué
10. Z’aut’ l’a parti la fête voir Not’ Dame la Salette
11. Un pé l’était la plage pour ramasse coquillage
12. Not’ tout’ l’étais bien content dans ce p’tit train longtemps
Spatialité et dispositif de prévention en Grande Section de Maternelle : Didactique du
français LV2 en milieu créolophone
Ma participation à ce projet est liée à mon sujet de Thèse. Comme je travaille sur le système
spatial, ma partie concerne « l’acquisition du langage spatial ».
Ma contribution a pour objectif : l'acquisition du vocabulaire lié aux relations spatiales, c’està-dire à la localisation, au déplacement et au mouvement.
Pourquoi l'étude linguistique de la spatialité ?
Pourquoi l’étude linguistique de la spatialité est importante quand on apprend et quand on
enseigne les langues ?
Pour qui ? L’acquisition et la maîtrise du langage spatial sont importantes aussi bien pour les
enfants que pour les adultes en situation d’illettrisme ou en difficulté d’apprentissage. Ce qui
le prouve c’est la prise en compte de la spatialité dans l’apprentissage et l’évaluation des
élèves à l’école maternelle. Ainsi que l’élaboration de fiches d’exercices liées au repérage
dans l’espace dans le cadre de méthodes d’apprentissage comme par exemple la Méthode
Lettris pour les adultes, donc en lutte.
Pourquoi ? L’évaluation des « indicateurs » spatiaux donnés dans le livret d’aide à
30
GSV, p. 71.
33 l’évaluation d’Éduscol, démontre l’importance de l’expression linguistique et gestuelle de la
localisation, du déplacement et du mouvement dans l’espace ; et cela dans différents
domaines. Ça peut concerner les activités manuelles, sportives et artistiques, les
mathématiques (en géométrie par exemple), et bien d’autres disciplines.
→ Savoir comment l’être humain exprime par le langage et la langue, mouvement,
déplacement, et localisation dans l’espace, constitue un point important pour la connaissance
et la compréhension des fondamentaux de l’apprentissage.
Étude la spatialité en prévention :
Pour cela je me suis intéressée au livret d’« aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin
d’école maternelle », d'ÉDUSCOL, de 2010.
Dans ce livret, c’est la partie « Découvrir le monde » qui aborde la thématique du repérage
dans l’espace. Les objectifs étant de « se situer dans l’espace et situer les objets par rapport à
soi, comprendre et utiliser à bon escient le vocabulaire du repérage et des relations dans
l’espace ». Toutefois, cette thématique ne fait pas l’objet de fiches d’exercices comme cela est
proposé pour d’autres telles que « s’approprier le langage, découvrir l’écrit ».
C’est la rubrique « Guide d’observation » qui propose des « indicateurs » à évaluer en terme
de spatialité auprès des enfants.
La liste du « vocabulaire des relations dans l’espace » donnée dans le livret est la suivante :
- marcher
- courir
- passer
- se placer ou placer quelque chose
- prendre quelque chose sur…, sous…, au-dessus/par-dessus…, au-dessous/pardessous…, au-dessus de… et au-dessous de…, entre… et…, devant…, derrière…, en
haut de…, en bas de… ; aller jusqu’à…
Parmi les indicateurs spatiaux à évaluer, il y a aussi « le repérage par rapport à sa droite, à sa
gauche » et « le repérage par rapport à la droite ou la gauche d’un tiers non orienté comme
lui ».
Ensuite, il y a une liste non-exhaustive de « verbes d’action qui traduisent des relations dans
l’espace » :
- descendre
- monter
- avancer
- reculer
- enjamber
- soulever, etc.
Les verbes de déplacement et de mouvement, ainsi que les prépositions font partie du
vocabulaire spatial à acquérir en grande section.
L'enfant doit savoir reconnaître la partie gauche et la partie droite de son corps mais aussi
celles d'autres objets et personnes.
Il doit aussi savoir se repérer dans l'espace par rapport à son corps mais aussi par rapport à
d'autres repères que lui-même (objets, personnes, etc.).
Le Test de Boehm :
34 Le test de Boehm-3-2009, est aussi destiné aux enfants de la maternelle.
« Ce test a été conçu pour mesurer, chez les jeunes enfants, la compréhension de 26 concepts
de base importants pour le développement du langage et de la cognition ainsi que pour la
réussite scolaire ».31
Ce test est passé de manière individuelle pendant 15 à 20 minutes. Les concepts de ce test
sont liés à la « qualité, l’espace, le temps, la quantité ».32
Les objectifs de ce test sont de :
− Identifier les enfants qui ne maîtrisent pas certains concepts de base
− Évaluer les effets d'une remise à niveau ou d'une prise en charge
− Mettre en place une pédagogie et/ou une rééducation adaptée à l'enfant
− Dépister les enfants « à risque » pour les apprentissages (notamment lecture et
écriture) et pour lesquels une évaluation plus approfondie est nécessaire
Ce test a été élaboré par l’ECPA. Les « Éditions du Centre de Psychologie Appliquée », qui
existent depuis une soixantaine d’années, qui « adaptent et créent des tests afin de répondre
aux besoins des professionnels de l’évaluation des personnes dans les secteurs de la santé, de
l’éducation ou des Ressources Humaines ».33
Ce qui est intéressant c'est que ce Test de Boehm a fait l’objet d’une adaptation en créole
réunionnais par Céline P. Il s’agit d’une enseignante dans une classe bilingue de Grande
Section (GS). Elle propose donc aux enfants la version française et la version créole du test.
Ce test est composé d’un livret de documents iconographiques qui permettent de tester un
certains nombres de concepts (50). La description de l’image en français, de la part de
l’enseignant, passe par le verbe « regardez » suivi d’un groupe nominal précis. La consigne à
donner aux enfants est de leur demander de faire une croix sur l’image correspondant au
concept concerné : « Faites une croix… ». L’équivalent en créole réunionnais est : « Mont
amoin… » et là l'enfant doit désigner la réponse à l'aide de ses doigts.
→ (Donner exemples sur diapo : consignes, etc.)
(français) Regardez les jouets. Faites une croix sur le jouet qui est à côté du camion.
(créole) Mont amoin kosa lé koté lo fiy.
(français) Regardez les animaux. Faites une croix sur l'animal qui est dessous.
(créole) Mont amoin kisa lé pardsou lo torti.
Remarques : il y a des changements entre les consignes en français et les consignes en créole.
Pour le premier exemple, en français il faut repérer par rapport au camion, en créole il faut
repérer par rapport à la fille (poupée).
Dans le deuxième exemple, il faut repérer l'animal qui est dessous, en créole il faut repérer
celui qui se trouve en-dessous de la tortue.
Grille des concepts à évaluer dans le Test de Boehm -3 2009 :
Concepts français du test de Boehm
Traduction des concepts
31
Plaquette d’informations du site internet de l’ECPA (Éditions du Centre de Psychologie Appliquée).
32
Id.
33
Id, lien « à propos des ecpa », « activités ».
35 en créole réunionnais
Localisation
1. En haut
anlér
2. A côté
koté
3. Devant
promyé/dovan
4. Derrière
déyèr/par déyèr
5. Au coin
dann koin
6. En rang
inn déyèr lot/an ran/droit
7. Entre
rant
8. Dessous
dosou/désou/pardsou/annsou
9. Au bout
dann bout/dann bor
10. Plus haut
plis anlér/pli o
11. Sur un côté
si koté/par koté
12. Au-dessus
annsi/pardsi/anlér
13. Sous
désou/anndsou/pardsou
14. En avant
dovan/pardovan
15. Au centre
dann milyé
16. A droite
si la droit/adroit
17. A gauche
agos/si la gos
Déplacement
18. Loin de
loin
19. Le plus loin
pli loin
20. A travers
dann/anndan
21. Séparées
fané/fane fané/dégréné
Dimension spatiale
22. La plus large
lo pli larz
23. Le plus étroit
pli séré/pli ti/pli mèg
Dans le cadre de ce dispositif de prévention j'ai élaboré des grilles d'unités lexicales et
grammaticales véhiculant la spatialité, selon les trois principales relations spatiales
(localisation, mouvement et déplacement).
Voyons par exemple la grille liée au déplacement :
Grille des unités lexicales et grammaticales de déplacement
Noms
Verbes
Déplacement
Adjectifs
Adverbes
Prépositions
36 Le départ
L’arrivée
La venue
L’entrée
La sortie
La montée
La descente
Un aller
Un retour (allerretour)
Une course
Le long de
Marcher
Courir
Avancer
Reculer
Partir
Aller
Venir
Arriver
Revenir
Passer
Descendre
Monter
Sortir
S’éloigner
Se rapprocher
Traverser
Entrer
Se déplacer
Se rendre
Tourner
Grimper
S’arrêter
Rejoindre
Droit
Intérieur/extérieur
Autour, ici, ailleurs,
dedans, dehors,
derrière, dessous,
devant, là, loin,
près, où, partout, y
Chez
A
Par
De
Vers
Dans
Sur
Y
Jusque/jusqu’à
Depuis
A partir de
A travers
A l’intérieur/à
l’extérieur
Loin de/près de
A l’envers/à
l’endroit
Analyse de la grille des unités lexicales et grammaticales de déplacement :
Par exemple pour les noms en français, en créole réunionnais on emploiera plutôt des formes
verbales au lieu des noms.
(Ex. L'arrivée du président est prévue en mars → Le prézidan i ariv/i vien moi d'mars)
(La montée pour aller à Notre Dame de La Salette est de ce côté. → I fo mont par isi pou alé
oir La Salette)
Si on s'interroge sur ce qui se passe en lutte contre l'illettrisme =
Les personnes en situation d’illettrisme ou en difficulté d'apprentissage doivent acquérir un
certain nombre de compétence, et le repérage dans l’espace en fait partie. Il en est de même
pour les élèves de maternelle.
D’ailleurs, dans une définition des savoirs de bases de Colette Dartois et de Dominique
Brossier du Groupe Permanent de Lutte contre l’Illettrisme, il est dit que parmi les savoirs de
base figure la compétence de savoir « se repérer dans l’espace : situer la droite, la gauche, la
droite de l’un qui est la gauche de l’autre quand ils sont face à face…, imaginer les faces
cachées d’un volume, considérer un objet de face, de profil, de trois quarts, de dessus…, lire
un plan, des cotes, s’orienter sur une carte… »34
Pour la lutte contre l'illettrisme, j'ai étudié une méthode d'apprentissage, il s'agit de la
Méthode Lettris.
LETTRIS éditions 2003 = « une méthode pour comprendre, lire, écrire, calculer ».
à Élaborée par différents auteurs sous la direction d’Alain Bentolila (linguiste) et de Claude
Bouthier (professeur de français).
à Cette méthode s’inscrit dans le cadre de la « formation pour adultes et jeunes adultes ».
Elle concerne aussi bien les « jeunes en rupture scolaire » que les « adultes en difficulté
34
Jean-Philippe, Rivière, Illettrisme, la France cachée, Éditions Gallimard, 2001, p. 53-54.
37 d’apprentissage ».
à Méthode LETTRIS se décline en quatre axes : cognitif, lecture, écriture, calcul.
à L’Objectif = de cette méthode d’apprentissage est de combler le manque de pratiques
langagières des personnes illettrées.
à le but pour l’apprenant = acquérir un certain nombre de compétences : quotidien (savoir
se situer dans l’espace, remplir un formulaire administratif, savoir signer, écrire son nom,
savoir lire les horaires des transports en commun, savoir lire une ordonnance médicale,
remplir une feuille de sécurité sociale, remplir un chèque. Mais également écrire une lettre
d’amour, une autobiographie imaginaire)
à Les fiches d’exercices de la Méthode Lettris se basent sur des illustrations de figures,
d’images, de photos, de dessins, de plans, de tableaux. Il s’agit de développer la capacité de
représentation mentale des stagiaires et donc de travailler leur logique.
→ (Montrer la diapo avec l'exercice du personnage au milieu de la pièce.)
Par exemple, dans l’axe cognitif, l’un des exercices consiste à savoir donner la position d’une
personne dans un espace défini à partir d’éléments concrets.
L'image représente un personnage photographié. La description de la position du personnage
va principalement par l’utilisation de préposition de lieu.
(devant le lit, derrière la table, à droite de la commode, à gauche de la chaise).
Équivalence en créole réunionnais : dovan lo li, dérièr la tab, koté komod, koté la shèz.
En étudiant l’axe cognitif de la Méthode Lettris, j’ai constaté que les activités proposées sur le
thème de la spatialité confirmaient la nécessité de connaître les prépositions à valeur spatiale
telles que sur, sous, à côté de, au-dessus de, au-dessous de, et certaines notions spatiales
comme à droite/à gauche, pour les stagiaires.
→ On peut dire que les connaissances et les compétences à acquérir en terme de spatialité
sont à peu près les même en lutte et en prévention. On retrouve le repérage par rapport à sa
droite et à sa gauche ainsi que l'acquisition du vocabulaire spatial qui passe principalement
par l'emploi de verbes et de prépositions.
→ Savoir se repérer dans l’espace est important dans n’importe quel contexte et situation,
notamment pour demander son chemin.
→ L'élaboration de méthodes et outils pédagogiques implique la prise en compte du milieu
créolophone réunionnais et donc de la langue.
Il semble alors intéressant d'intégrer le contexte socioculturel dans la mise en place de
méthodes d'apprentissage pour des élèves de Grande Section.
Mutualisation de pratiques [Travail de réflexion avec les enseignants (production des
enseignants)]
Les questions qu'il faut se poser c'est : comment se passe l'apprentissage du système spatial
du français en grande section ?
Quelle est la place du créole dans cet apprentissage ? Comment est géré la présence du créole
en grande section?
ñ Comment travaillez-vous les aspects les plus importants de la spatialité dans vos
pratiques d’enseignants ? (activités sportives, activités manuelles, lecture de livres,
38 etc.)
ñ Quels sont les indicateurs spatiaux qui entrent dans les fondamentaux linguistiques et
logiques ?
ñ Quelles activités proposez-vous aux enfants pour travailler la spatialité ?
ñ Lister les activités proposées en lien avec la spatialité.
ñ Précisez aussi à quel moment vous travaillez la spatialité et quelle est la place du
créole dans vos pratiques ? C'est-à-dire, si les enfants répondent en créole lors de
l'activité ? Et comment vous gérez cela ?
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE :
BENTOLILA, Alain, BOUTHIER, Claude, Le nouveau Lettris : une méthode pour comprendre, lire, écrire,
calculer, Éditions Nathan, 2003.
BORILLO, Andrée, L'espace et son expression en français, Paris, Éditions Ophrys, 1998.
CELLIER, Pierre, Comparaison syntaxique du créole réunionnais et du français (Réflexions pré-pédagogiques),
Université de la Réunion, Unité Associée au CNRS 04 1041, 1985.
CELLIER, Pierre, Description syntaxique du créole réunionnais : Essai de standardisation, Thèse pour le
doctorat d’Etat, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1985.
CHAUDENSON, Robert, Le lexique du parler créole de La Réunion, Paris, Centre national de la Recherche
scientifique, 1974.
DUCROT Oswald, Schaeffer Jean-Marie, Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage,
Editions du Seuil, 1995.
HAGEGE, Claude, Compte-rendu de Space in Languages Linguistic Systems and Cognitive Categories édité par
Maya Hickmann et Stéphane Robert, Typological Studies in Languages, vol.66, John Benjamins Publishing
Company, Amsterdam/Philadelphie, VII+ 361 p in Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, Tome CIII2008, Fascicule II, Paris-Louvain, Peeters, pp.7-16, 2006. HAGEGE, Claude, Compte-rendu de Space in
Languages Linguistic Systems and Cognitive Categories édité par Maya Hickmann et Stéphane Robert,
Typological Studies in Languages, vol.66, John Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphie, VII+
361 p in Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, Tome CIII-2008, Fascicule II, Paris-Louvain, Peeters,
pp.7-16, 2006.
RIVIERE, Jean-Philippe, Illettrisme, la France cachée, Éditions Gallimard, 2001.
STAUDACHER-VALLIAMEE, Gillette, Grammaire du créole réunionnais, B.U.F. Paris, Sedes, 2004.
STAUDACHER-VALLIAMEE, Gillette, « Une classe de fonctionnels en créole réunionnais : forme et sens »,
1993.
STAUDACHER-VALLIAMEE, Gillette, « système verbal créole réunionnais : forme et sens », 1993.
27 et 28 septembre 2012, Université du Tampon :
Plan de l’intervention :
JOURNÉE 1 : Présentation de notre axe de recherche dans le dispositif de prévention
JOURNÉE 1 : Compte-rendu des productions écrites des enseignants lors de des deux
journées de formation (26 et 27 mars 2012), observations, échanges → 3 ateliers de 1h30.
JOURNÉE 2 : Production d'outils, de fiches par les enseignants (choix d'un axe à travailler
parmi les 3 ateliers de 2h30.
JOURNÉE 1 : Présentation de notre axe de recherche dans le dispositif de prévention
à Doctorante en linguistique et en créolistique, sous la direction de GSV. Je suis rattachée au
Laboratoire du LCF – EA 4549 (Langues, textes et communication dans les espaces
Créolophones et Francophones) et à l‘institut de l’illettrisme.
→ Ma Thèse s’intitule : Étude linguistique de la spatialité : comparaison créole/français,
savoirs de base et applications aux situations de l’illettrisme à La Réunion.
Le but est de procéder une étude du système spatial, en faisant une comparaison entre le
créole réunionnais et le français. Dans ce travail, un intérêt particulier est porté à
39 l’apprentissage en français et aux problématiques de l’illettrisme dans un milieu créolophone
comme La Réunion.
à L’intérêt d’une étude linguistique de la spatialité en lien avec les apprentissages en français
et les problématiques de l’illettrisme réside dans l’importance de l’acquisition des notions
spatiales. Puisque la situation dans l’espace fait partie des savoirs de base pour les adultes et
du programme de l’école primaire pour les enfants. La comparaison entre le système spatial
du français et celui du créole réunionnais est également importante parce que les deux
systèmes spatiaux ne coïncident pas point par point.
De la recherche fondamentale à la didactique
à Ma participation au dispositif de prévention de l’illettrisme pour les enfants de Grande
Section découle de mon sujet de thèse sur la thématique de la spatialité. En effet, ma partie
concerne « l’acquisition du langage spatial ».
à Je me suis intéressée au livret d’« aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin d’école
maternelle », d'ÉDUSCOL, de 2010, qui aborde la thématique du repérage dans l’espace en
proposant des « indicateurs » à évaluer en terme de spatialité auprès des enfants mais sans
donner de fiches d’exercices.
J’ai tenté d’identifier les points de recherche importants au service de la prévention de
l’illettrisme, notamment à partir d’une méthode d’apprentissage pour les adultes en situation
d’illettrisme et d’un ouvrage de Pierre Cellier consacré aux « réflexions pré-pédagogiques »
(donner la biblio). Ce travail m’a permis d’élaborer des fiches d’exercices concernant le
langage spatial pour ce dispositif.
Axe de recherche du Test Diagnostic 1
Dans le dispositif de prévention de l’illettrisme, j’ai participé à l’élaboration du Test
Diagnostic à faire passer aux élèves de grande section choisis. Mon axe de recherche
s’intitule : Axe 1 : « Langues, langages et Structuration spatiale ».
Compétence : Maîtrise du langage spatial à travers l'usage du vocabulaire adapté.
Objectif : Vérifier l’utilisation, à bon escient, des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et
le nom.
JOURNÉE 1 : Compte-rendu des productions écrites des enseignants lors de des deux
journées de formation (26 et 27 mars 2012), observations, échanges → 3 ateliers de 1h30.
(avec synthèse à la fin)
État des lieux des pratiques des enseignants selon les productions écrites récoltées
Lors de notre intervention lors des deux journées de formation du 26 et du 27 mars 2012, une
partie était consacrée à la « Mutualisation de pratiques ». Il s’agissait d’un travail de réflexion
avec les enseignants duquel a découlé des productions écrites collectées par le chercheur de
l’axe concerné.
Les questionnements portaient sur leurs manières de procéder à l'apprentissage du système
spatial du français en grande section. Mais également sur la place accordée au créole dans cet
40 apprentissage, ainsi que la manière dont est gérée la présence du créole en grande section.
Un des rendus des enseignants présente un apprentissage de la spatialité à travers les activités
sportives. Notamment par le biais :
• De manipulation d’objets : Ex. : lancer loin/dans/sur/vers le haut ≠ en l’air/à droite/à
gauche, etc.
• De création de parcours, dans une dynamique de mouvements, utiliser différents
termes spatiaux et temporels.
Ex. Tout d’abord, je monte sur la chaise, ensuite je saute dans le cerceau, ensuite je
passe sous le banc, etc.
à Concepts par rapport à soi, aux autres, aux objets, au temps.
• De la danse
Les jeux notamment en chansons constituent un moyen d’apprendre la spatialité :
• Jeux de chansonnettes : jouer avec les termes spatiaux (Tiens voilà main droite…). Il
s’agit d’un travail sur les notions de latéralisation.
• Jouer avec les termes ordinaux. En premier, je tel ou tel objet se trouve entre le
premier et le troisième.
L’apprentissage de la spatialité passe également par un travail sur un micro espace, celui de la
feuille (couverture du livre, feuille imprimée, etc.) avec des indicateurs spatiaux tels que
gauche/droite, en haut/en bas, au milieu, sur/sous, etc.
Les objets sont également utilisés comme par exemple les ciseaux pour gaucher ou droitier
avec personnalisation.
Ex. : Mettre un ruban bleu pour les gauchers.
Il existe également un outil appelé « Topologie 1 et 2 » de Nathan dont l’objectif pour l’enfant
est d’analyser une fiche, la reproduire, et expliquer ce que l’on a fait.
Concernant la prise en compte du créole réunionnais dans l’apprentissage de la spatialité, un
intérêt est porté aux termes spatiaux spécifiques, en voici la liste :
• Avance derrière à reculer
Avance : se mettre en avant
Avance derrière : contradiction.
• Met’ ça la : mettre à un endroit précis, bien spécifier sur ? sous ? à gauche de ?...
• Met’ à ou sur le coin :
En créole sur une route, face à un danger que présente une voiture, se mettre sur le
coin, c’est se mettre sur le bas côté de la route.
Coin : angle que présente une figure. Ex. : un carré a quatre « coins ».
Il est mis au coin : il est puni ; il est mis au coin de la salle.
- En l’air :
Créole : envoyer en l’air : lancer vers le haut. « Li habite en l’air la bas » Il habite tout
en haut ».
Le deuxième rendu des enseignants s’accompagne de dessins et montre un apprentissage de la
spatialité lors de « séances spécifiques » pour le vocabulaire et de « séances transversales (sur
les rangs et en sport) ».
41 Les moyens employés sont les mêmes que le groupe d’enseignants précédent. Ce groupe
dévoile même des séances de travail comme les suivants :
Apprentissage du lexique spatial :
2. Vivre les notions spatiales par le corps : Jacques a dit : « Mets-toi sous la table ».
L’élève le fait. (photographier la séance).
3. En classe, partir des photos pour réinvestir ce qui a été fait (décrire la photo en
utilisant le vocabulaire).
Transfert du vocabulaire « acquis » :
Elèves face au jeu
X X X X X : Boîte au trésor
: Maison.
Deux
élèves
sortent,
pendant que les autres cachent le trésor dans la boîte. Puis,
ils entrent et doivent demander où se trouve le trésor en posant des questions en utilisant le
vocabulaire spatial acquis.
État des lieux des informations concernant notre axe de recherche dans le bilan des deux
journées de formation
Il est indéniable que la thématique de la spatialité est travaillée en classe. Ces deux journées
confirment que la spatialité est présente dans la vie de tous les jours, que ce soit dans les
gestes ou dans la langue.
Le bilan des deux journées de formation que l’on a pu obtenir par Frédérique Dauby présente
des informations collectées lors de la partie « Mutualisation des pratiques avec les
enseignants ».
Les enseignants travaillent la spatialité sous les formes suivantes :
1. en EPS sous forme de parcours, avec un travail sur la représentation de parcours
2. en ateliers de topologie
3. reproduction de carte
42 4. en atelier langage avec le collage de post it sur une affiche, en posant la question « Où
est ? »
5. avec les « jeux de langage » de Nathan pour lequel il faut piocher une carte, la décrire,
et celui qui a la même la montre, etc.
6. un jeu de cache-cache en français et en créole
7. des jeux de latéralisation : ex. : « Jacques a dit »
8. des jeux mimés
9. arts visuels, le graphisme
10. sur le micro espace de la feuille où il s’agit de se repérer sur une page.
Bilan et perspectives
Ces deux états des lieux démontrent un apprentissage de la spatialité dans le cadre du meso et
du micro espace (cour de l’école, espaces d’activités sportives, espace de la classe, espace de
la feuille, du livre, etc.).
Cet apprentissage en grande section passe par les activités sportives, manuelles et de
réflexion, et notamment à partir d’outils concernant l’acquisition des notions spatiales.
Ces activités permettent alors aux élèves de grande section de constituer ou d’enrichir leur
vocabulaire spatial.
Par ailleurs, quelques activités sont similaires à ce que nous proposons dans les fiches
d'exercices élaborées dans le cadre du dispositif de prévention concernant « L'acquisition du
langage spatial » comme par exemple l'exercice de repérage sur le feuille de papier avec
l'apprentissage des indicateurs spatiaux tels que « haut/bas, milieu, gauche/droite, etc. ».
L'élaboration de méthodes et outils pédagogiques implique la prise en compte du milieu
créolophone réunionnais et donc de la langue. Il serait alors intéressant d’y intégrer les
spécificités linguistiques du créole réunionnais.
C’est pour cette raison que nous élaborons des fiches explicatives concernant le créole
réunionnais et ses différences avec le français, que ce soit en syntaxe ou en sémantique. Par
exemple, en créole réunionnais, les notions telles que (à) droite/(à) gauche sont rarement
employées et les prépositions françaises « à, de, chez » ne sont pas attestées dans les système
prépositionnel commun du créole réunionnais.
(Ex. : Mi sava bazar à Je vais au marché,
Mi sort lékol à Je reviens de l’école,
Mi sava lakaz momon à Je vais chez maman)
La prise en compte de ces divergences linguistiques est importante dans l’apprentissage du et
en français aux enfants issus d’un milieu créolophone.
Phase de réflexion avec les enseignants, échanges, et élaboration de fiches (ce qui a été fait
depuis les deux journées de formation du mois de Mars).
Depuis la dernière formation comment avez-vous travaillé l’apprentissage du langage spatial ?
Faire des fiches à l’écrit par les enseignants (à collecter).
Les questions à se poser sont les suivantes :
1. À quelle fréquence faut-il travailler l’apprentissage de la spatialité en grande section
pour une plus grande efficacité en termes de vocabulaire acquis ?
2. Comment et quels types d’outils construire afin d’améliorer l’apprentissage des
notions spatiales ? Et plus particulièrement de ceux qui sont problématiques ?
3. Comment prendre en compte la langue créole qui fait partie du vocabulaire de certains
43 enfants ? (substitution)
Synthèse de la journée par une des enseignants pour chaque groupe passé dans l'atelier (3
groupes).
JOURNÉE 2 : Présentation des grands résultats du Test Diagnostic. Production d'outils, de
fiches par les enseignants (choix d'un axe à travailler parmi les 3 ateliers de 2h30. (avec
synthèse de la séance à la fin)
Présentation des grands résultats du Test Diagnostic 1 (Axe 1)
Exercice graphique :
Après la première semaine de passation du Test Diagnostic, nous avons décidé de faire passer
un petit exercice graphique aux élèves à la fin du Test. Dans le cadre de notre axe de
recherche, la consigne était la suivante :
« Dessine un rond en bas à droite de la feuille. »
Cet exercice représente un indicateur d'usage de logique pour la spatialité qui permet de
vérifier la maîtrise en abstraction de la gauche et de la droite, notamment sur l'espace de la
feuille. La feuille sur laquelle l’enfant a dessiné était une moitié de feuille de format A4,
disposée à la verticale.
Cet exercice implique la coordination des yeux et des mains pour le tracé de la forme
demandée à l’endroit demandé. Il s’agit donc de localiser ou de situer dans l’espace par le
tracé.
Cet exercice de repérage sur feuille de papier a été effectué dans cinq classes de trois
circonscriptions (Tampon 2 dans deux classes, Saint-Denis 2 dans deux classes et Saint-Pierre
2 dans une classe). Sur 282 élèves seuls 90 ont fait cet exercice lié au repérage spatial. Les
autres élèves n'ont pas fait l'exercice parce qu'ils ont passé le test avec un autre chercheur.
Rond
Classes
Classe 5 (17 élèves)
Classe 8 (19 élèves)
Classe 9 (22 élèves)
Classe 10 (17 élèves)
Classe 13 (15 élèves)
Total : 90 élèves
Autres :
Classe 8 :
1 en haut au milieu
Classe 9 :
1 en haut à gauche
Classe 10 :
1 en haut à droite
En bas à droite
En bas au milieu
En bas à gauche
Au milieu de
la feuille
Au milieu à
droite
10
10
7
4
6
37
2
5
7
5
5
24
2
1
3
3
4
13
2
1
2
3
/
8
2
/
2
1
/
5
44 Analyse :
Le compte-rendu de la mutualisation des pratiques avec les enseignants lors de la dernière
formation montre que le repérage spatial sur le micro espace de la feuille, du livre ou autres
est travaillé en classe par l’apprentissage des indicateurs spatiaux « en haut/en bas, au milieu,
gauche/droite, etc. ».
Sur 90 élèves 37 ont réussi l’exercice graphique demandé en dessinant le rond en bas à droite
de la feuille.
24 d’entre eux ont dessiné le rond en bas au milieu de la feuille et 13 en bas à gauche.
Les deux classes qui se démarquent sont les classes 5 et 8, avec un meilleur taux de réussite
pour la première puisque que plus de la moitié des élèves a réussi l’exercice. Et pour la
deuxième classe la moitié des élèves a réussi l’exercice.
L’analyse de cet exercice sur un échantillon de 90 élèves démontre tout de même un taux de
réussite (41% de réussite).
On peut supposer que l’apprentissage des indicateurs spatiaux sur l’espace de la feuille n’est
pas complètement assimilé par certains élèves du dispositif, en raison des hésitations et des
erreurs commises lors de l’exercice.
Observations:
des gros rond ou des tout petits rond, une seule élève a dessiné un trait vertical au milieu de la
feuille. Il semble qu’elle n’assimilait pas la double consigne malgré la répétition de la
consigne.
certains gêner par le format de la feuille, la retourner pour dessiner
nombreuses hésitations concernant le repérage sur la feuille de papier, c’est-à-dire, le bas de
la feuille dans un premier temps, et ensuite la droite de la feuille. Cela résulte certainement de
la double consigne qi implique dans un premier temps le repérage du bas de la feuille et
ensuite le repérage de la droite de la feuille.
Analyse qualitative :
Nous avons procédé à une première phase d’analyse en sélectionnant 20 productions
d’enfants, donc 20 vidéos. Il s'agit d'une analyse de phrases-énoncés. Lors de la transcription
de ces vidéos, nous avons noté à la fois les énoncés de l'évaluateur et ceux de l'enfant. Nous
avons segmenté les productions orales des enfants en phrases. Les questions et les remarques
de l'évaluateur ainsi que les réponses de l'enfant sont numérotées.
Le choix : Trois ou quatre élèves par classe ont été choisis dans six classes sur les 14 classes
des quatre circonscriptions. Parmi les vingt élèves choisis pour l’analyse, il y a 12 garçons et
8 filles.
Le choix des élèves a été effectué selon leur capacité à verbaliser pendant le jeu du tiroir,
toutefois suite à l'inventaire nous avons constaté que certains n'avaient pas totalement compris
le principe du « jeu du tiroir » et d'autres ne l'avaient pas réussi du premier coup et avaient du
mal à le refaire en verbalisant. Nous avons aussi essayé de choisir les élèves les plus rapides
pour le test.
Concernant notre axe de recherche, la partie du Test Diagnostic qui nous intéresse
principalement, en terme d’analyse linguistique, c’est le « jeu du tiroir » pour lequel l’élève
explique à l’évaluateur, en gestes et en paroles, comment déplacer les images afin de faire
sortir l’une d’entre elle, et cela en utilisant des repères concrets. Ce qui nous intéresse aussi
45 c’est lorsque l'enfant décrit l'image avec l'homme qui grimpe sur le cocotier et l'image de
l'enfant qui met ses chaussures.
Sur 8 minutes de vidéos, environ 5 à 6 minutes de productions de l'élève nous intéressent en
termes d’analyse.
Concernant l'élaboration de notre grille de paramètres, parmi les listes d’indicateurs de la
spatialité du livret EDUSCOL, nous avons retenu les plus pertinents pour l’exécution du « jeu
du tiroir ». Ensuite, nous en avons rajoutés d’autres toujours en cohérence avec le jeu. Notre
grille de paramètres est donc constituée de listes de prépositions, de verbes, d’adverbes et
d’adjectifs liés à la spatialité, que l’enfant peut employer dans ses phrases-énoncés, lors du
Test.
L'analyse des 20 vidéos démontre, en effet, l'usage des indicateurs spatiaux dans les énoncés
des élèves pendant le Test Diagnostic. Trois types de productions langagières des indicateurs
spatiaux ont été dégagés :
productions en français (Ex. 1)
productions en français avec des mots créoles (Ex. 2)
productions en créole (Ex. 3)
Ex. 1 :
[n° 8-T-M] :E(24) : L'homme qui grimpe sur un arbre.
[n° 14-É-E] E(15) : Je mets le chien loin des aubergines.
[n° 6-T-L, n° 11-T-M, n° 5-F-M, n° 10-É-E, n° 9-T-M] : E(11) : Il met ses chaussures. (x6) / E(14) : Il met ses
saussures.
Ex. 2 :
[n° 10-É-E] E(24) : J'ai poussé anlér.
[n° 11-É-A] E(9) : Il mét ses chaussures.
[n° 10-É-A] E(15) : On tire les haricots.
[n° 10-É-A] E(23) : À côté de le baro.
Ex. 3 :
[n° 15-F-M] E(3) : Le ti marmay i mét le baskét.
[n° 21-É-A] E(36) : Apré le shien i gingn sorti.
[n° 10-F-M] E(21) : Akoté le portay.
Cette analyse de vingt vidéos démontre que certains élèves possèdent un vocabulaire spatial
qui entremêle deux langues : le français et le créole réunionnais. De manière générale, Ils
savent employer les indicateurs de la spatialité mais lorsqu'ils ne savent pas exprimer ceux-ci
en français ils les substituent par des mots créoles de manière spontanée.
Proposition :
Demander aux enseignants un travail sur les groupes verbaux tels que « mettre » et
« enlever » (vocabulaire de l'habillement et du déplacement d'objets)
Un travail sur les prépositions problématiques en termes de maîtrise pour les enfants (dans,
de, à côté de/du, sur)
Insister sur l’apprentissage du repérage spatial sur l’espace de la feuille, du livre ou du cahier.
Surtout travailler la distinction entre la droite et la gauche.
Une fiche complète avec une activité qui part du meso espace à travers le sport, pour arriver
au micro espace (feuille ou autre support [photo, plan, dessin, etc.])
46 11 et 12 février 2013, IUFM :
Travaux de groupe – Atelier 2 : Spatialité et Premiers nombres
I. Présentation des résultats des tests et des priorités retenues pour l’entraînement des
élèves
à Axe de recherche 1 : « Langues, Langages et Structuration spatiale »
Nous avons procédé à une étude linguistique de la spatialité dans un corpus de production oral
de vingt élèves de grande section, ayant passé le Test Diagnostic 1, dans quatre
circonscriptions de La Réunion : Saint-Denis 2, Saint-Paul 2, Saint-Pierre 2 et Tampon 2.
L’implication de cet axe dans l’élaboration du Test Diagnostic 1 (juin 2012) avait pour but
d’évaluer la maîtrise du langage spatial des élèves à travers l'usage du vocabulaire adapté.
Le choix des élèves s’est fait selon les critères de rapidité et de verbalisation maximale au
« Jeu du tiroir ».
Nous nous basons sur les phases de description d’images impliquant l’emploi de notions
spatiales, sur le « jeu du tiroir » ainsi que sur l’exercice graphique de repérage spatial sur une
feuille de format A5.
Nous avons mené des analyses linguistiques concernant la fréquence d’emploi des indicateurs
spatiaux, et l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom, ainsi qu’une
analyse de l’exercice graphique.
Les résultats de l’analyse de la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux démontrent que
certains indicateurs n’ont pas été employés par les vingt élèves étudiés. Par exemple, si on se
réfère à la grille de paramètres proposée au départ, c’est le cas des syntagmes prépositionnels
suivants en français :
1.
2.
3.
4.
contre + Syntagme Nominal
à l’intérieur de/à l’extérieur de + Syntagme Nominal
au milieu de/au centre de + Syntagme Nominal
en face de + Syntagme Nominal.
Concernant les syntagmes verbaux, les suivants n'ont pas été employés en français :
− décaler
− tourner
− contourner
− rapprocher.
Parmi les indicateurs spatiaux qui sont le plus fréquemment employés en français par ces
élèves figurent, dans l’ordre de fréquence, les suivants :
- sur
- en haut de/en bas de
- à côté de
- à droite de/à gauche de
- dans
- vers
- derrière
47 -
là
ici
là-bas
En créole réunionnais on retrouve les suivants :
-
akoté/koté
anlèr
Concernant les syntagmes verbaux, les plus utilisés en français sont les suivants :
- mettre
- déplacer
- sortir
- descendre
- monter
- passer
En créole réunionnais, on retrouve les syntagmes verbaux suivants :
mét’ « mettre, enfiler, déplacer »
tir’ « enlever, déchausser, déplacer »
Pour ce qui est des résultats de l’analyse de l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le
verbe et le nom, ils démontrent une distinction entre les emplois en français et les emplois en
français avec introduction de mots créoles.
Parmi les vingt élèves étudiés, dix élèves ont employé des énoncés en français, des énoncés
français avec introduction de mots créoles, et des énoncés en créole réunionnais, sept d’entre
eux ont utilisé des énoncés en français et des énoncés français avec introduction de mots
créoles, et trois d’entre eux ont employé des énoncés uniquement en français.
Cette analyse démontre qu'il faut travailler particulièrement sur les syntagmes verbaux créoles
mét' et tir' en apprenant aux élèves la polysémie de ces syntagmes verbaux. Puisqu’un seul
syntagme verbal créole véhicule différentes significations en français.
Les prépositions qui semblent difficiles à acquérir dans cette analyse sont principalement : « à
côté de/du », « en haut de », « sur ». Il y a en effet un fort emploi des prépositions du créole
réunionnais anlèr et akoté/koté de la part des élèves étudiés.
Quant à l’analyse de l’exercice graphique, les résultats permettent de supposer que
l’apprentissage des indicateurs spatiaux permettant le repérage sur l’espace de la feuille n’est
pas complètement acquis par certains élèves du dispositif, en raison des hésitations et des
erreurs commises pendant cet exercice. Il y a eu de nombreuses hésitations concernant le
repérage du bas de la feuille dans un premier temps, et ensuite le repérage de la droite de la
feuille. Cela peut être dû à la double consigne de l’exercice (« Dessine un rond en bas, à
droite de la feuille »).
Journées de formations avec les enseignantes
Constats :
- Apprentissage de la spatialité pendant les séances transversales ;
- Manque de séances spécifiques sur la thématique de la spatialité même si certaines
d’entre vous le font déjà ;
48 -
Manque de productions langagières chez les élèves pendant les activités.
à Travail déjà commencé sur la préposition du créole akoté/koté avec l’apprentissage des
sens français suivants : « devant/derrière, à gauche de/à droite de ».
Cette fiche concerne principalement la localisation dans l'espace. Son élaboration s'appuie sur
les outils comme par exemple « Topologie 1 de Nathan » dont elles se servent en classe mais
qu'il faut améliorer. Dans leur cas, il faudra modifier et donc créer des cartes, agrandir des
images, etc.
Les exercices de cette fiche commencent toujours par une situation représentée à faire vivre
aux élèves notamment avec des objets. Ensuite, il s'agit de retravailler en classe sur cette
même situation.
Pistes de travail pour l’équipe pédagogique et l’équipe enseignante
En termes de pistes à travailler avec l’équipe pédagogique et l’équipe enseignante, nous
proposons également un travail spécifique sur :
- les syntagmes prépositionnels du créole : akoté/koté « à droite de/à gauche de,
devant/derrière, près de, à côté de », et anlèr « en haut de, au dessus de, au sommet
de »
- les syntagmes verbaux du créole suivants : mét’ « mettre, poser, enfiler, placer,
déplacer », tir’ « enlever, déchausser, déplacer, supprimer, retirer »
Notions spatiales en français à travailler (ordre de priorité) :
Syntagmes prépositionnels :
à droite de/à gauche de, devant/derrière, près de, à côté de : akoté ;
en haut de/au-dessus de/au sommet de : anlèr ;
sur/sous : si/dosi, dosou ;
en bas de : anba, dannfon
dans/dedans/dehors
au milieu de : dann milié
à l’intérieur de/à l’extérieur de : anndan/déor
en dessous de : anba, dannfon
entre
Syntagmes verbaux :
mettre, poser, enfiler, placer, déplacer : mét’
enlever, déchausser, déplacer, supprimer, retirer : tir’
prendre/attraper : trap’
avancer/reculer
II. Production d’outils ateliers de langage oral, outils récapitulatifs
Idées pour la production d’outils :
1) Ateliers de langage oral
• Mèt’ (syntagme verbal)
Vocabulaire de l’habillement :
49 -
je mets (mon pull, mon T-shirt, mon pantalon, ma robe),
j’enfile (ma robe, mon short, etc.)
Vocabulaire du déplacement :
- je pose (tel objet) à (tel endroit),
- je mets (tel objet) à (tel endroit),
- je déplace (tel objet),
- je place (tel objet) à (tel endroit).
• Tir’ (syntagme verbal)
Vocabulaire de l’habillement :
- j’enlève (mon pantalon, mon T-shirt, mes chaussures, etc.),
- je me déchausse
- retirer un vêtement
Vocabulaire du déplacement :
- j’enlève (tel objet) de (tel endroit)
- je déplace (tel objet),
- retirer (un objet) d’un endroit
2) Outils récapitulatifs
Le syntagme verbal ou le syntagme prépositionnel au milieu et les possibilités autour.
Les outils récapitulatifs : Micheline Cellier (Eduscol)
travail sous forme de sac avec dessus les différentes acceptions
travail sur les contraires (gauche/droite)
travail sur le champ lexical
la fleur
Pour « à droite de/à gauche de », « au-dessus de », « au sommet de », etc. à travail sur les
contraires.
06 et 07 juin 2013, Université du Tampon :
Ces journées de formation du Dispositif de prévention étaient ciblées sur la production
d’outils et la formalisation des pratiques.
Depuis la formation précédente, les enseignants ont estimé le temps d’entraînement des élèves
trop court. Ils ont manqué de temps pour préparer les séquences sur tous les points
problématiques abordés dans chaque groupe (Découverte du Monde et
Lecture/Compréhension).
La première étape de la journée a consisté en l’échange des pratiques entre enseignants. Ces
derniers ont dévoilé les outils employés et les méthodes mises en place pour travailler la
spatialité.
Par exemple, un enseignant a mis en place un Jeu de 7 familles avec pour thème les animaux
de La Réunion. Ce jeu comporte 6 familles « dessus/dessous, devant/derrière, à droite de/à
gauche de ». L’objectif est langagier puisqu’il s’agit de formuler les questions et les réponses.
Les comptines sont utilisées dans le cadre d’activités sportives avec pour but de se placer à
l’endroit demandé. La notion travaillée est « à côté de », avec l’apprentissage des autres
50 manières de l’exprimer avec plus de précisions en terme de repérage dans l’espace. Des
photos sont prises pour être commentées et travaillées en classe.
Les exercices de positionnement dans l’espace sont aussi travaillées par le biais du jeu
« Jacques a dit… mets-toi à gauche de… ». Il y a aussi l’album écho qui contient des photos
d’activités sportives liées à la localisation spatiale, les cartes paysages avec des personnages à
placer dans l’espace, le jeu de Kim, le jeu Play mobil, le jeu de promenade au parc, les
quadrillages dont le but est de trouver le bon endroit pour placer l’objet grâce aux indications
d’un camarade de classe.
La deuxième journée de formation était consacrée à l’écriture synthétique des fiches de
séquences retenues par les enseignants (cf. Protocole de remédiation).
19 et 21 novembre 2013, Université du Tampon :
Mots-clés : Formalisation – Identification des gestes professionnels – Diffusion.
Axe 1 « Langues, Langage et Structuration spatiale :
L’axe de recherche n° 1 intitulé « Langues, Langage et Structuration spatiale » a pour but
d’évaluer la maîtrise du langage spatial à travers l'usage du vocabulaire adapté par les élèves
de grande section.
Plan de l’intervention :
1. Bilan des journées de formation pour l’axe 1
2. Présentation des résultats du TD1 et des premiers résultats des TD2 et TD3
3. Conclusions et Perspectives
1. Bilan des travaux pour l’axe 1
26 et 27 mars 2012 :
Nous avons débuté notre intervention par une présentation de notre sujet de recherche en lien
avec les problématiques de l’illettrisme et donc avec le dispositif de prévention. Nous avons
ensuite présenté quelques éléments de notre recherche concernant la linguistique de la
spatialité pour apporter un éclairage sur l’intérêt de notre participation à ce dispositif. Nous
avons notamment proposé une comparaison entre l’expression linguistique de la spatialité en
créole réunionnais et celle du français.
Cette formation s’est terminée par une phase de mutualisation des pratiques. Il s’agissait d’un
travail de réflexion avec les enseignants. De cette dernière partie, nous avons recueilli leur
production écrite concernant leurs pratiques en classe liée à notre axe de recherche.
27 et 28 septembre 2012 :
Dans un premier temps, nous avons présenté notre axe de recherche et quelques résultats de
notre analyse du Test Diagnostic 1 (qualitative et quantitative). Ensuite, nous avons proposé
un état des lieux des pratiques des enseignants selon les productions écrites récoltées avec ces
derniers.
L’apprentissage de la spatialité en grande section passe par les activités sportives, manuelles
et de réflexion, et notamment à partir d’outils concernant l’acquisition des notions spatiales.
Ces activités permettent alors aux élèves de grande section de constituer ou d’enrichir leur
vocabulaire spatial.
Les enseignants travaillent la spatialité sous les formes suivantes :
51 1)
2)
3)
4)
en EPS sous forme de parcours, avec un travail sur la représentation de parcours
en ateliers de topologie
reproduction de carte
en atelier langage avec le collage de post it sur une affiche, en posant la question « Où
est ? »
5) avec les « jeux de langage » de Nathan pour lequel il faut piocher une carte, la décrire,
et celui qui a la même la montre, etc.
6) un jeu de cache-cache en français et en créole
7) des jeux de latéralisation : ex. : « Jacques a dit »
8) des jeux mimés
9) arts visuels, le graphisme
10) sur le micro espace de la feuille où il s’agit de se repérer sur une page.
Pour terminer, la phase de remédiation a débuté avec la création d’une fiche de progression de
séquences par les enseignants. Cette fiche porte sur la localisation dans l’espace et s’appuie
des outils comme « Topologie 1 de Nathan » à adapter. Cette fiche débute par une situation
représentée à faire vivre aux élèves à l’aide d’objets divers, puis de retravailler sur cette même
situation en classe.
11 et 12 février 2013 :
Nous avons présenté les résultats de l’analyse du Test Diagnostic 1, les constats des
enseignants lors de la précédente formation, ainsi que les priorités retenues pour
l’entraînement des élèves. Ensuite, les enseignants ont procédé à la production d’outils
récapitulatifs et d’atelier de langage oral.
Les points à travailler portaient sur les prépositions créoles akoté/koté « devant/derrière, à
gauche de/à droite de » et anlèr « en haut de, au-dessus de », ainsi que sur les verbes mèt
« mettre, poser, se chausser, enfiler, placer » et tir « enlever, déchausser, retirer ».
Les enseignants ont eu pour idées de travailler sur des séances
- d’activité sportive (situation en E.P.S) avec des objets à placer dans un parcours,
- Jeu de 7 familles avec les prépositions akoté/koté et anlèr avec les différentes
acceptions du français,
- Jeu du loto de Nathan « Jeux de langage »,
- Outils :
Cartes contraires pour les verbes avec pour consigne de combiner les contraires
Mettre/enlever
Enfiler/retirer
Poser/enlever
Chausser/déchausser
Mettre/retirer
Sac avec plusieurs acceptions pour les verbes mèt et tir,
- Jeu du Taboo : mot qu’on n’a pas le droit de prononcer. Il faut donc trouver d’autres
mots exprimant le même sens,
- Outils d’affichage : Liste des expressions avec mèt et tir. Mimer les actions.
06 et 07 juin 2013 :
Les journées de formation des 6 et 7 juin étaient ciblées sur la production d’outils et la
formalisation des pratiques.
La première étape de la journée a consisté en l’échange des pratiques entre enseignants. Ces
derniers ont dévoilé les outils employés et les méthodes mises en place pour travailler la
spatialité.
52 Par exemple, un enseignant a mis en place un Jeu de 7 familles avec pour thème les animaux
de La Réunion. Ce jeu comporte 6 familles « dessus/dessous, devant/derrière, à droite de/à
gauche de ». L’objectif est langagier puisqu’il s’agit de formuler les questions et les réponses.
Les comptines sont utilisées dans le cadre d’activités sportives avec pour but de se placer à
l’endroit demandé. La notion travaillée est « à côté de », avec l’apprentissage des autres
manières de l’exprimer avec plus de précisions en terme de repérage dans l’espace. Des
photos sont prises pour être commentées et travaillées en classe.
Les exercices de positionnement dans l’espace sont aussi travaillées par le biais du jeu
« Jacques a dit… mets-toi à gauche de… ». Il y a aussi l’album écho qui contient des photos
d’activités sportives liées à la localisation spatiale, les cartes paysages avec des personnages à
placer dans l’espace, le jeu de Kim, le jeu Playmobil, le jeu de promenade au parc, les
quadrillages dont le but est de trouver le bon endroit pour placer l’objet grâce aux indications
d’un camarade de classe.
La deuxième journée de formation était consacrée à l’écriture synthétique des fiches de
séquences retenues par les enseignants (cf. Protocole de remédiation).
2. Présentation des résultats du TD1 et des premiers résultats des TD2 et TD3
TD1 :
Dans le cadre de notre axe de recherche, nous avons proposé une analyse qualitative de 20
séquences filmées du TD1. L’analyse s’appuie la phase de description d’images impliquant
l’emploi d'indicateurs spatiaux, dans la partie consacrée au lexique. Elle se fonde également
sur le « jeu du tiroir » (jeu où il faut déplacer les images en gestes et en paroles, sur un
quadrillage, pour en faire sortir une autre), ainsi que sur un exercice graphique de repérage
spatial sur une feuille de format A5. Nous avons élaboré une grille de paramètres de la
spatialité notamment à partir des données du Livret Éduscol.35
Le critère de choix des élèves s’est basé sur la rapidité et la verbalisation maximale au « jeu
du tiroir ». Nous avons relevé les énoncés contenant des indicateurs spatiaux et avons ensuite
mené des analyses linguistiques concernant la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux, et
l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom.
A1 : Les résultats de l’analyse de la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux démontrent
que ceux qui sont les plus fréquemment employés par ces élèves sont les suivants dans l’ordre
de fréquence (tableau n° 1). Dans ce tableau, nous présentons les emplois en français, ensuite
ceux en créole réunionnais. La première colonne concerne les syntagmes prépositionnels, la
deuxième est consacrée aux syntagmes adverbiaux et la troisième aux syntagmes verbaux.
Tableau n° 1 : Les indicateurs spatiaux les plus utilisés par les élèves
Syntagmes prépositionnels (9) Syntagmes adverbiaux (3)
Syntagmes verbaux (6)
Français
11) sur
12) en haut de/en bas de
13) à côté de
14) à droite de/à gauche de
15) dans
16) vers
1) là
2) ici
3) là-bas
1) mettre
2) déplacer
3) sortir
4) descendre
5) monter
35
Livret d'« aide à l'évaluation des acquis des élèves en fin d'école maternelle », EDUSCOL, 2010.
53 17) derrière
6) passer
Créole réunionnais
1. akoté/koté
2. anlèr
1) mét’ « mettre, enfiler,
déplacer »
2) tir’ « enlever, déchausser,
déplacer »
A2 : L’analyse des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom a démontré qu'il fallait
travailler particulièrement sur les syntagmes verbaux créoles mét' et tir' en expliquant aux
élèves la polysémie de ceux-ci. Puisqu’un seul syntagme verbal créole véhicule différents
sens en français.
Les prépositions du français qui semblent difficiles à acquérir sont principalement : « à côté
de/du », « en haut de », « sur ».
Conclusion résultats :
De manière générale, les résultats de l'analyse de vingt séquences filmées du TD1 démontrent
que 17 élèves savent employer les indicateurs de la spatialité mais lorsqu'ils ne parviennent
pas à exprimer ceux-ci en français ils les substituent par des mots créoles (cf. Ex. n° 1, II. 2).
Remédiation :
En termes de remédiation et en fonction des résultats obtenus, nous avons donc proposé aux
enseignants du dispositif de travailler sur les prépositions créoles akoté/koté « devant/derrière,
à gauche de/à droite de » et anlèr « en haut de, au-dessus de, sur ». Les verbes mèt « mettre,
poser, placer » et tir « enlever, retirer ».
TD2 et TD3 :
Les Tests 2 et 3 ont pour objectif d’observer l’évolution de l’élève selon les quatre axes de
recherche et surtout en fonction de la phase de remédiation mise en place dans les classes.
Il faut savoir que les productions orales collectées, avec les élèves de grande section, sont
conditionnées par le contexte des exercices proposés dans les tests diagnostics. Les réponses
correspondent alors à un contexte précis et le vocabulaire employé sera en lien avec celui-ci.
Le TD2 et le TD3 contiennent une première partie qui traite de l’histoire du crapaud et une
seconde partie consacrée aux exercices mathématiques. L’un des objectifs de ces tests est de
privilégier la production langagière chez l’élève de grande section.
Pour mener notre analyse linguistique de la spatialité, nous avons choisi vingt élèves selon le
critère d’emploi maximum d’indicateurs spatiaux.
Nous ciblons l’analyse de ces tests sur les emplois corrects et non corrects des énoncés
contenant des indicateurs spatiaux. Donc nous préciserons pour chaque élève la validité totale
ou partielle de l’expression linguistique de la spatialité. Ce que l’on entend par validation de
l’expression linguistique de la spatialité c’est si les énoncés produits par chaque élève sont
corrects et cohérents concernant le sens spatial véhiculé. Que ces énoncés soient produits en
54 français ou en créole réunionnais. Nous observons également si la phase de remédiation suivie
par ces élèves a fonctionné. Il s’agit alors de montrer les points problématiques résolus et
ceux qui persistent.
Si on se base sur les langues employées lors de la passation des tests, sur vingt élèves 4 ont
parlé uniquement en français, 12 se sont exprimés par des énoncés en français et par des
énoncés en français avec introduction de mots créoles. Et 4 ont utilisé des énoncés en français,
des énoncés en français avec introduction de mots créoles mais aussi des énoncés en créole
réunionnais.
L’analyse linguistique de la spatialité dans ce corpus de productions orales d’élèves de grande
section n’est pas terminée mais nous pouvons déjà dire que sur vingt élèves 13 d’entre eux
valident totalement l’expression linguistique de la spatialité et 7 la valident partiellement,
en raison de quelques énoncés non cohérents. De manière générale, pour quelques élèves, la
majorité des énoncés de la spatialité est validé et très peu d’énoncés sont non validés.
Concernant les points problématiques qui semblent persister, on retrouve en plus grand
nombre le verbe créole mèt. Nous signalons toutefois que quelques élèves emploient ce verbe
créole mais aussi les équivalents en français « poser, mettre, rajouter ». On retrouve beaucoup
moins mais quand même le verbe créole tir « enlever, retirer ». Un nouveau point
problématique, à vérifier suite à l’analyse totale de ce corpus, semble s’ajouter à la liste. Il
s’agit de l’emploi du verbe créole trap « prendre, attraper ». Tout cela démontre que la
remédiation est essentielle et que l’apprentissage des notions spatiales du français est
important.
Aujourd’hui, nous présentons un cas d’élève qui valide totalement l’expression linguistique
de la spatialité et un cas d’élève qui illustre une validation partielle et qui montre quelques
difficultés.
L’élève (n°6) qui valide totalement l’expression linguistique de la spatialité, valide aussi la
logique spatiale. Concernant la logique spatiale, on remarque dans ses productions orales un
emploi correct et cohérent du langage spatial. On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés
liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au TD2. Pendant les deux tests cette élève s’est
exprimée en français, on ne retrouve aucun mot créole.
Montrer ses énoncés pour le TD2 et le TD3 sur diapo.
Ce qui attire l’attention c’est son usage du verbe « se tirer » qui peut porter à confusion quant
au sens que l’élève souhaite véhiculer. En effet, l’emploi du verbe dans les énoncés n°19 et
n°20 est correcte, toutefois c’est dans l’énoncé n°25 qu’on note la confusion dans le sens où le
verbe peut signifier « se tirer des algues » comme dans le n°20, ou « enlever les algues », et là
ce serait le sens créole de ce verbe qui domine :
Q : Et là, est-ce que tu peux me la décrire ?
(E19) : Elle essaie de se tirer.
Q : Elle essaie de quoi ?
(E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues.
Q : Pourquoi elle est contente ?
(E25) : Parce que elle a réussi à tirer les algues.
En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants,
qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, on peut dire que l’élève les maîtrise en français si on se base
sur la passation de ces deux tests.
55 Son vocabulaire spatial est riche et on note un enrichissement de celui-ci dans le TD3. L’élève
a évolué depuis le TD2 puisqu’on remarque une meilleure acquisition des indicateurs
spatiaux. En effet, pendant le TD3 on relève l’emploi des verbes « se tirer de, s’enrouler, être
entouré de », ainsi que de la préposition « autour de », ce qui n’est pas commun pour un élève
créolophone de grande section :
Q : Elle essaie de quoi ?
(E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues.
Q : Pourquoi elle est moche ?
(E22) : Parce que elle s’est enroulée dans la boue.
Q : Hmm…
(E39) : Et après il y avait un dinosaure qui courait et la grenouille était entourée d’algues.
Q : Pourquoi elle n’est pas contente ?
(E18) : Parce que il y a des algues autour d’elle.
De manière générale, cette élève illustre une bonne maîtrise du langage spatial si l’on se base
sur le TD2 et le TD3. Elle possède un vocabulaire spatial très riche et s’exprime bien en
français.
Pour l’élève (n°1) qui valide partiellement l’expression linguistique de la spatialité, on
relève dans le TD2 un énoncé non validé en créole réunionnais et douze énoncés validés (dont
6 en créole réunionnais, 4 en français et 2 en français avec introduction de mots créoles). Pour
le TD3, trois énoncés non validés en créole réunionnais et 28 énoncés validés (dont 20 en
créole réunionnais, 2 en français avec introduction de mots créoles et 6 en français).
Dans les productions orales de cet élève on retrouve un grand nombre d’énoncés en créole
réunionnais (30), puis 10 énoncés en français et 5 énoncés en français avec introduction de
mots créoles.
On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au
TD2.
C’est dans les énoncés français avec introduction de mots créoles que l’on retrouve les
indicateurs spatiaux français qui sont difficiles à acquérir pour l’élève. Celui-ci utilise le
créole réunionnais pour combler le vocabulaire de la spatialité qu’il n’a pas.
En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants,
qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, nous ne retrouvons qu’une seule forme du verbe mèt du
créole réunionnais dans le TD3 :
Q : Et qu’est-ce qu’il fait le lézard ?
(E30) : I krann mét sa lang deor ! « Il tire la langue ! »
L’élève ne semble pas connaître l’expression française « tirer la langue ».
Concernant l’aspect logique de la spatialité, l’élève n’a pas répondu correctement à une seule
question, mais de manière générale il a la logique de la spatialité mais ne sait pas vraiment
l’exprimer en français :
Q : Et il est où ce caméléon ?
(E15) : Il abit dan l’fe !
Cet élève a besoin de participer à des activités langagières lui permettant de s’exprimer avec
les indicateurs spatiaux du français parce qu’il a tendance à utiliser son vocabulaire créole.
56 3. Perspectives
Le point positif concernant notre axe de recherche dans le dispositif c’est que la phase de
remédiation a été efficace pour certains élèves et a permis un enrichissement de leur
vocabulaire spatial.
L’une des difficultés pour les élèves créolophones de grande section c’est l’expression de la
spatialité dans la langue française c’est pour cette raison que certains d’entre eux puisent dans
leur vocabulaire créole.
En perspective, il serait intéressant de continuer et d’approfondir le travail sur la polysémie
des verbes et des prépositions du créole réunionnais, à partir des outils déjà élaborés.
57 CONFERENCE DISPOSITIF DE PREVENTION (06 novembre 2013 au Port)
1h: les représentations de l'espace chez l'enfant (aspects développementaux), Thierry Rousset
1h
:
une
présentation
d'outils
pédagogiques,
Christelle
Petit
1h : la pédagogie du langage (présentation d'un projet de recherche action Illettrisme en GS),
D. Ouin, A. Folgoat.
Le vocabulaire de la spatialité chez les élèves de grande section en contexte créolophone.
Propos introducteur :
Nous menons une thèse en Linguistique et en Créolistique: L’étude linguistique de la
spatialité avec ses applications aux problématiques de l’illettrisme à La Réunion. Sous la
direction du Pr. Gillette Staudacher-Valliamée, à l’UR.
Depuis 2011, nous participons au dispositif de prévention de l’illettrisme : Dire, Lire,
Calculer en grande Section de maternelle créolophone à La Réunion : logiques, spatialité,
numération.
L’objectif de notre travail de thèse est de mener une étude linguistique de la spatialité dans un
corpus de productions orales de locuteurs créolophones de La Réunion en lien avec les
problématiques de l’illettrisme. Les locuteurs de notre corpus sont aussi bien des jeunes
élèves que des adultes. Nous nous intéressons aux domaines de la prévention et de la lutte
contre l’illettrisme. L’étude de la spatialité est importante en prévention parce qu’elle fait
partie du programme scolaire, et ce depuis la maternelle.
Le programme de l’école maternelle (2008) précise que : « L’objectif essentiel de l’école
maternelle est l’acquisition d’un langage oral riche, organisé et compréhensible par l’autre. »
(Programme de l’école maternelle – Petite section, Moyenne section, Grande section, 2008)
Pour ces élèves de grande section, nous parlons plutôt de prévention de l’illettrisme. Les
rubriques « Agir et s’exprimer avec son corps » et « Découvrir le monde » du programme de
grande section de maternelle (Bulletin Officielle 2008), sont consacrées à l’apprentissage de
la spatialité. Principalement à travers « l’activité physique et les expériences corporelles »
(jeux d’opposition, jeux d’adresse, etc.). Cela permet à l’enfant d’apprendre à se situer dans
l’espace, et donc de distinguer « ce qui est : devant, derrière, au-dessus, au-dessous, puis à
droite et à gauche, loin et près ». « L’enfant découvre le monde proche ; il apprend à prendre
et à utiliser des repères spatiaux et temporels ».
La spatialité est véhiculée par la langue mais aussi par le langage corporel.
Dans notre travail de thèse, nous parlons de véhicules linguistiques de la spatialité, que l’on
appelle aussi unités lexicales et grammaticales, telles que les prépositions, les verbes, les
noms, les adjectifs, les adverbes, les toponymes. Le lien entre la linguistique de la spatialité et
les problématiques de l’illettrisme a pour objectif de démontrer l’importance de
l’apprentissage de la spatialité pour un public en situation d’illettrisme et pour des jeunes
élèves dans un milieu créolophone. Savoir situer et se situer dans l’espace faisant partie des
savoirs de base notamment pour comprendre et se faire comprendre en situation de
communication orale ou écrite.
Plan de l’intervention :
58 4. Contexte créolophone à La Réunion
5. Le vocabulaire de la spatialité dans le Dispositif de prévention de l’illettrisme
6. Particularités du créole réunionnais dans l’expression linguistique de la spatialité des
élèves de grande section.
4. Contexte créolophone à La Réunion
L’île de La Réunion est l’antre de la plus vieille société créole de l’Océan Indien, son
peuplement remontant à 1663. Cette société créole s’est constituée dans l’oralité, et
notamment grâce au contact de langues et de cultures des populations. La transmission de la
tradition orale réunionnaise se maintient de génération en génération et se perpétue, par
exemple, à travers les devinettes, les proverbes, les contes, et les chansons.
Nous pouvons considérer que nous nous plaçons dans la tradition orale lorsque nous étudions
le corpus de productions orales d’élèves de grande section notamment parce qu’ils ne savent
pas encore lire et à peine écrire et sont donc au tout début de l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture. Pour certains élèves créolophones la langue créole est celle de l’oral et celle
pratiquée au quotidien.
Prenons par exemple le cas d’un élève créolophone réunionnais des années 1950/1960. Sa
langue maternelle est le créole réunionnais et il évolue dans un environnement familial où la
seule langue parlée est le créole. On suppose que la rencontre avec le français se fait par le
biais des médias (radio, télévision…) et notamment à l’entrée à l’école. Il s’agit là d’un
contexte bien spécifique pour l’exemple de La Réunion. L’école sera alors aussi pour lui le
lieu de l’apprentissage du français. Le profil dressé de cet élève est encore aujourd’hui celui
de beaucoup d’élèves créolophone réunionnais.
Le contexte linguistique et socio-culturel de l’île entraîne des spécificités quant à
l’apprentissage du/et/en français pour des élèves créolophones.
5. Le vocabulaire de la spatialité dans le Dispositif de prévention de l’illettrisme
Dans le cadre du Dispositif de prévention de l’illettrisme Dire, Lire, Calculer en grande
section de maternelle créolophone à La Réunion : logiques, spatialité numération, nous
travaillons sur l’axe de recherche n° 1 « Langues, Langage et Structuration spatiale ». Cet axe
est ciblé sur la linguistique de la spatialité. Le but est d’évaluer la maîtrise du langage spatial
à travers l'usage du vocabulaire adapté par les élèves de grande section.
Nous avons mis en place un protocole de recherche comprenant des Tests Diagnostics à
soumettre aux élèves de grande section dans différentes circonscriptions de l’île. Le premier
test s’est déroulé en juin 2012 et a notamment servi à l’élaboration des deux autres qui ont eu
lieu en octobre/novembre 2012 et en juin 2013.
Test 1 :
Dans le cadre de notre axe de recherche, nous avons proposé une analyse qualitative de 20
séquences filmées du TD1. L’analyse s’appuie sur un corpus de productions orales des élèves
collecté pendant la phase de description d’images impliquant l’emploi d'indicateurs spatiaux,
dans la partie consacrée au lexique. L’analyse se fonde également sur le « jeu du tiroir » (jeu
où il faut déplacer les images en gestes et en paroles, sur un quadrillage, pour en faire sortir
une autre), ainsi que sur un exercice graphique de repérage spatial sur une feuille de format
59 A5. Nous avons élaboré une grille de paramètres de la spatialité notamment à partir des
données du Livret Éduscol.36
Le critère de choix des élèves s’est basé sur la rapidité et la verbalisation maximale au « jeu
du tiroir ». Nous avons relevé les énoncés contenant des indicateurs spatiaux et avons ensuite
mené des analyses linguistiques concernant la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux, et
l’emploi des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom.
Analyse 1 : Les résultats de l’analyse de la fréquence d’emploi des indicateurs spatiaux
démontrent que ceux qui sont les plus fréquemment employés par ces élèves sont les suivants
dans l’ordre de fréquence (tableau n° 1). Dans ce tableau, nous présentons les emplois en
français, ensuite ceux en créole réunionnais. La première colonne concerne les syntagmes
prépositionnels, la deuxième est consacrée aux syntagmes adverbiaux et la troisième aux
syntagmes verbaux.
Tableau n° 1 : Les indicateurs spatiaux les plus utilisés par les élèves
Syntagmes prépositionnels (9) Syntagmes adverbiaux (3)
Syntagmes verbaux (6)
Français
4. sur
5. en haut de/en bas de
6. à côté de
7. à droite de/à gauche de
8. dans
9. vers
10. derrière
1) là
2) ici
3) là-bas
1) mettre
2) déplacer
3) sortir
4) descendre
5) monter
6) passer
Créole réunionnais
3. akoté/koté
4. anlèr
1) mét’ « mettre, enfiler,
déplacer »
2) tir’ « enlever, déchausser,
déplacer »
Quelques exemples d'énoncés incluant les syntagmes prépositionnels :
Ex. : sur
[n° 10-éper-classe 3] E(25) : Je pousse l'image où quelqu'un monte sur un palmier.
Ex. : en haut de
[n° 6-tamarins-classe 9] E(23) : À côté de l'homme qui grimpe tout en haut de l'arbre.
Ex. : à côté de
[n° 21-éper-classe 3] E(14) : J'avance le grain à côté de l'arbre.
Un exemple d'énoncé incluant un syntagme adverbial :
Ex. : là
[n° 21-tamarins-classe 9] E(12) : On déplace là.
Quelques exemples d'énoncés incluant les syntagmes verbaux:
Ex. : mettre
[n° 14-éper-classe 3] E(15) : Je mets le chien loin des aubergines.
36
Livret d'« aide à l'évaluation des acquis des élèves en fin d'école maternelle », EDUSCOL, 2010.
60 Ex. : déplacer
[n° 21-éper-classe 4] E(31) : Je prends une maison, je déplace là.
Ex. : sortir
[n° 16-GS23-classe 8] E(21) : Et je fais traverser le chien et je fais sortir.
Analyse 2 : L’analyse des indicateurs spatiaux en lien avec le verbe et le nom a d’abord
illustré les langues employées dans les productions orales des élèves.
Sur le corpus de vingt élèves, dix d'entre eux ont produit trois types d'énoncés : en français, en
français avec introduction de mots créoles, et en créole réunionnais uniquement (Ex. n° 1).
Sept d’entre eux ont utilisé deux types d'énoncés : en français et en français avec introduction
de mots créoles (Ex. n°2).
Et trois d’entre eux ont employé des énoncés uniquement en français (Ex. n° 3).
Ex. 1 : (classe 4, n° 21, Éperon)
E(26) : Je déplace ça.
E(32) : Après, je trap le... à côté de l'arbre. « Après, je prends le… à côté de l’arbre »
E(35) : Mi mét, euh... okoté térla... le piédboi. « Je mets, euh… à côté de l’arbre ici »
Ex. 2 : (classe 3, n° 14, Éperon)
E(20) : Et je déplace les petits pois rouges.
E(21) : Puis, je fais sort' le chien.
Ex. 3 : (classe 9, n° 6, Tamarins)
E(20) : L'homme qui... qui grimpe dans l'arbre.
E(21) : Je mets en bas.
L'analyse des énoncés français avec introduction de mots créoles et ceux en créole
réunionnais démontre qu'il faut travailler particulièrement sur les syntagmes verbaux créoles
mét' et tir' en expliquant aux élèves la polysémie de ceux-ci. Puisqu’un seul syntagme verbal
créole véhicule différents sens en français.
Les prépositions du français qui semblent difficiles à acquérir sont principalement : « à côté
de/du », « en haut de », « sur ».
Conclusion résultats :
De manière générale, les résultats de l'analyse de vingt séquences filmées du TD1 démontrent
que 17 élèves savent employer les indicateurs de la spatialité mais lorsqu'ils ne parviennent
pas à exprimer ceux-ci en français ils les substituent par des mots créoles (cf. Ex. n° 1, II. 2).
Remédiation :
En termes de remédiation et en fonction des résultats obtenus, nous avons donc proposé aux
enseignants du dispositif de travailler sur les prépositions créoles akoté/koté « devant/derrière,
à gauche de/à droite de » et anlèr « en haut de, au-dessus de, sur ». Les verbes mèt « mettre,
poser, placer » et tir « enlever, retirer ».
Il faut savoir qu’on retrouve les prépositions akoté et anlèr dans le « Précis de grammaire
comparative créole/français » de G. Ramassamy et de Patrick Bègue. Ces deux unités figurent
dans la fiche 25 intitulée « Prépositions et locutions adverbiales ».
Anlèr : en haut, au-dessus, dans, sur, de/du.
Akoté/koté : à côté de, près de, auprès de.
TD2 et TD3 :
61 Le TD2 a été passé par des nouveaux élèves en Octobre-Novembre 2012. Le protocole de
remédiation a été mis en place dans les classes en Mars 2013. Et le Test Diagnostic 3 a été
effectué en Juin 2013 sur ces mêmes élèves.
Les Tests 2 et 3 ont une visée comparative. Les deux étant presque identiques, il s’agit
d’observer l’évolution de l’élève selon les quatre axes de recherche et surtout en fonction de
la phase de remédiation mise en place dans les classes.
Il faut savoir que les productions orales collectées, avec les élèves de grande section, sont
conditionnées par le contexte des exercices proposés dans les tests diagnostics. Les réponses
correspondent alors à un contexte précis et le vocabulaire employé sera en lien avec celui-ci.
Le TD2 et le TD3 contiennent une première partie qui traite de l’histoire du crapaud et une
seconde partie consacrée aux exercices mathématiques. L’un des objectifs de ces tests est de
privilégier la production langagière chez l’élève de grande section.
Pour mener notre analyse linguistique de la spatialité, nous avons choisi vingt élèves selon le
critère d’emploi maximum d’indicateurs spatiaux.
Nous ciblons l’analyse de ces tests sur les emplois corrects et non corrects des énoncés
contenant des indicateurs spatiaux. Donc nous préciserons pour chaque élève la validité totale
ou partielle de l’expression linguistique de la spatialité. Ce que l’on entend par validation de
l’expression linguistique de la spatialité c’est si les énoncés produits par chaque élève sont
corrects et cohérents concernant le sens spatial véhiculé. Que ces énoncés soient produits en
français ou en créole réunionnais. Nous observons également si la phase de remédiation suivie
par ces élèves a fonctionné. Il s’agit alors de montrer les points problématiques résolus et
ceux qui persistent.
Si on se base sur les langues employées lors de la passation des tests, sur vingt élèves 4 ont
parlé uniquement en français, 12 se sont exprimés par des énoncés en français et par des
énoncés en français avec introduction de mots créoles. Et 4 ont utilisé des énoncés en français,
des énoncés en français avec introduction de mots créoles mais aussi des énoncés en créole
réunionnais.
L’analyse linguistique de la spatialité dans ce corpus de productions orales d’élèves de grande
section n’est pas terminée mais nous pouvons déjà dire que sur vingt élèves 13 d’entre eux
valident totalement l’expression linguistique de la spatialité et 7 la valident partiellement,
en raison de quelques énoncés non cohérents. De manière générale, pour quelques élèves, la
majorité des énoncés de la spatialité est validé et très peu d’énoncés sont non validés. Nous
pouvons déjà dire que ce qui reste problématique c’est l’acquisition de certaines notions en
français. En créole réunionnais, certains élèves de grande section arrivent à exprimer la
spatialité mais dans la langue française c’est plutôt complexe pour eux. La plupart des
emplois en créole réunionnais résultent certainement d’une habitude à s’exprimer en créole
réunionnais.
Concernant les points problématiques qui semblent persister, on retrouve en plus grand
nombre le verbe créole mèt. Nous signalons toutefois que quelques élèves emploient ce verbe
créole mais aussi les équivalents en français « poser, mettre, rajouter ». On retrouve beaucoup
moins mais quand même le verbe créole tir « enlever, retirer ». Un nouveau point
problématique, à vérifier suite à l’analyse totale de ce corpus, semble s’ajouter à la liste. Il
s’agit de l’emploi du verbe créole trap « prendre, attraper ». Tout cela démontre que la
remédiation est essentielle et que l’apprentissage des notions spatiales du français est
important.
62 Aujourd’hui, nous présentons un cas d’élève qui valide totalement l’expression linguistique
de la spatialité et un cas d’élève qui illustre une validation partielle et qui montre quelques
difficultés.
L’élève (n°6) qui valide totalement l’expression linguistique de la spatialité, valide aussi la
logique spatiale. Concernant la logique spatiale, on remarque dans ses productions orales un
emploi correct et cohérent du langage spatial. On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés
liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au TD2. Pendant les deux tests cette élève s’est
exprimée en français, on ne retrouve aucun mot créole.
Ce qui attire l’attention c’est son usage du verbe « se tirer » qui peut porter à confusion quant
au sens que l’élève souhaite véhiculer. En effet, l’emploi du verbe dans les énoncés n°19 et
n°20 est correcte, toutefois c’est dans l’énoncé n°25 qu’on note la confusion dans le sens où le
verbe peut signifier « se tirer des algues » comme dans le n°20, ou « enlever les algues », et là
ce serait le sens créole de ce verbe qui domine :
Q : Et là, est-ce que tu peux me la décrire ?
(E19) : Elle essaie de se tirer.
Q : Elle essaie de quoi ?
(E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues.
Q : Pourquoi elle est contente ?
(E25) : Parce que elle a réussi à tirer les algues.
En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants,
qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, on peut dire que l’élève les maîtrise en français si on se base
sur la passation de ces deux tests.
Son vocabulaire spatial est riche et on note un enrichissement de celui-ci dans le TD3. L’élève
a évolué depuis le TD2 puisqu’on remarque une meilleure acquisition des indicateurs
spatiaux. En effet, pendant le TD3 on relève l’emploi des verbes « se tirer de, s’enrouler, être
entouré de », ainsi que de la préposition « autour de », ce qui n’est pas commun pour un élève
créolophone de grande section :
Q : Elle essaie de quoi ?
(E20) : Elle essaie de se tirer de tous les algues.
Q : Pourquoi elle est moche ?
(E22) : Parce que elle s’est enroulée dans la boue.
Q : Hmm…
(E39) : Et après il y avait un dinosaure qui courait et la grenouille était entourée d’algues.
Q : Pourquoi elle n’est pas contente ?
(E18) : Parce que il y a des algues autour d’elle.
De manière générale, cette élève illustre une bonne maîtrise du langage spatial si l’on se base
sur le TD2 et le TD3. Elle possède un vocabulaire spatial très riche et s’exprime bien en
français.
Pour l’élève (n°1) qui valide partiellement l’expression linguistique de la spatialité, on
relève dans le TD2 un énoncé non validé en créole réunionnais et douze énoncés validés (dont
6 en créole réunionnais, 4 en français et 2 en français avec introduction de mots créoles). Pour
le TD3, trois énoncés non validés en créole réunionnais et 28 énoncés validés (dont 20 en
créole réunionnais, 2 en français avec introduction de mots créoles et 6 en français).
63 Dans les productions orales de cet élève on retrouve un grand nombre d’énoncés en créole
réunionnais (30), puis 10 énoncés en français et 5 énoncés en français avec introduction de
mots créoles.
On note aussi un nombre plus élevé d’énoncés liés à la spatialité dans le TD3 par rapport au
TD2.
C’est dans les énoncés français avec introduction de mots créoles que l’on retrouve les
indicateurs spatiaux français qui sont difficiles à acquérir pour l’élève. Celui-ci utilise le
créole réunionnais pour combler le vocabulaire de la spatialité qu’il n’a pas.
En fonction des points problématiques ciblés lors des journées de formation des enseignants,
qui étaient mèt, tir, anlèr, akoté, nous ne retrouvons qu’une seule forme du verbe mèt du
créole réunionnais dans le TD3 :
Q : Et qu’est-ce qu’il fait le lézard ?
(E30) : I krann mét sa lang deor ! « Il tire la langue ! »
L’élève ne semble pas connaître l’expression française « tirer la langue ».
Concernant l’aspect logique de la spatialité, l’élève n’a pas répondu correctement à une seule
question, mais de manière générale il a la logique de la spatialité mais ne sait pas vraiment
l’exprimer en français :
Q : Et il est où ce caméléon ?
(E15) : Il abit dan l’fe !
Cet élève a besoin de participer à des activités langagières lui permettant de s’exprimer avec
les indicateurs spatiaux du français parce qu’il a tendance à utiliser son vocabulaire créole.
6. Particularités du créole réunionnais dans l’expression linguistique de la spatialité
des élèves de grande section
Un de nos objectifs est de démontrer les particularités du créole réunionnais dans
l’apprentissage de la spatialité pour un élève créolophone de grande section. Ces particularités
sont liées au contexte linguistique, historique et socio-culturel de La Réunion.
En nous basant sur le corpus d’élèves de grande section du dispositif, nous pouvons dire que
parmi les particularités du créole réunionnais figure :
- La polysémie de quelques verbes et de quelques prépositions. En effet, en créole
réunionnais un même verbe ou une même préposition peut véhiculer plusieurs sens en
français comme nous l’avons déjà dit pour le cas des verbes créoles mèt et tir et des
prépositions créoles anlèr et akoté.
- En créole réunionnais, il est rare d’employer les prépositions françaises « à, de, chez ».
Dans le langage spatial des élèves on retrouve parfois des erreurs d’emploi de ces
prépositions. Par exemple certains élèves ont employé des énoncés de type :
« (E17) : Parce que la grenouille a sorti dans sa bouche… la grenouille a sorti dans
sa bouche ». (au lieu de dire de sa bouche, il emploie la préposition dans « dans sa
bouche »)
(E17) : La grenouille a sorti de le lac. (au lieu d’utiliser la préposition du, l’élève dit
de le)
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la préposition créole dan est véhiculée en français par les prépositions « de, du, dans »,
comme le souligne aussi G. Ramassamy dans son précis de grammaire comparative en
rajoutant la préposition « au » du français.
En créole réunionnais, on exprime la préposition française « chez » par la préposition
créole lakaz. Toutefois, un élève a utilisé la forme française : (E8) : Il va aller chez lui.
Ces particularités nous permettent de comprendre que le fonctionnement de la spatialité peut
être spécifique d’une langue à l’autre. C’est ce qu’on a constaté en menant la recherche
bibliographique pour notre thèse. (Citer dans diapo biblio Moyse-Faurie 2007, Hagège 2008)
Conclusion :
L’organisation de la spatialité en créole réunionnais est différente de celle du français. Et qu’il
faut prendre en compte cette spécificité dans le cadre de l’apprentissage de la spatialité pour
des élèves créolophones de grande section.
Le point positif concernant notre axe de recherche dans le dispositif c’est que la phase de
remédiation a été efficace pour certains élèves et a permis un enrichissement de leur
vocabulaire spatial.
L’une des difficultés pour les élèves créolophones de grande section c’est l’expression de la
spatialité dans la langue française c’est pour cette raison que certains d’entre eux puisent dans
leur vocabulaire créole.