Grippe aviaire et mission
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Grippe aviaire et mission
Conseils de santé sur la grippe pour les voyageurs et leurs familles Professeur Pierre Aubry. Docteur Bernard-Alex Gaüzère Mise à jour le 12/11/2014. 1. Introduction Les épidémies de grippe ont pour principale caractéristique d'être imprévisible. La souche virale A(H1N1)2009 a émergé en mars 2009 au Mexique alors que les autorités sanitaires internationales s'attendaient depuis 2003 à une pandémie de grippe aviaire A(H5N1) venant d'Asie. Pour traiter des conseils sur la grippe, c'est-à-dire des moyens de prévention que doivent appliquer les voyageurs, il faut rappeler ce que sont la grippe, les virus grippaux et la vaccination contre la grippe. 2. Rappel sur la grippe, les virus grippaux et la vaccination anti-grippale. 2.1. La grippe Quand on parle de grippe, on pense à la grippe saisonnière, qui sévit chaque année dans l’hémisphère Nord pendant les mois froids (de novembre à avril) et dans l’hémisphère Sud pendant la saison fraîche (de février à septembre). Tous les ans, 5 à 15% de la population mondiale est infectée, soit prés de 500 millions de personnes, avec 3 à 5 millions de cas graves et 250 000 à 500 000 décès. La grippe est une maladie très contagieuse, à contamination interhumaine, directe, par voie aérienne. Le diagnostic de la grippe est clinique caractérisé, après une incubation très courte (1 à 2 jours) par deux phases : une phase d’invasion avec fièvre et malaise général, une phase d’état avec un contraste entre les signes généraux toujours intenses (fièvre à 40°C), le syndrome douloureux diffus et la pauvreté des signes physiques. Le diagnostic est confirmé par la RT-PCR, premier choix du laboratoire, et l’isolement du virus. Les TDR par immunochromatographie, réalisés à partir d'un échantillon de salive ou d'un écouvillonnage nasal ou par aspirations nasale, naso-pharyngée ou naso-trachéal, permettent un diagnostic rapide de grippe Chez les groupes à risque (enfants, sujets âgés, femmes enceintes, immunodéprimés), on observe des formes graves et des formes compliquées à type de surinfections pulmonaires chez les patients atteints de pathologie respiratoire chronique ou des atteintes des voies aériennes supérieures [otite, laryngite, sinusite] chez l’enfant. 2.2. Les virus de la grippe La grippe est une maladie virale due au virus influenza. Il est composé d’un génome à ARN et d’une enveloppe constituée d’une couche protéique interne (M) et d'une couche lipidique externe dans laquelle sont ancrés des spicules glycoprotéiques : hémagglutinine (HA) et neuraminidase (NA) qui jouent une rôle essentiel dans les phénomènes de relation avec les cellules et dans les réponses immunitaires (figure 1). 1 Figure 1; Schéma du virus grippa Il y a trois types de virus de la grippe, les virus A, B et C : - les virus de type A sont les plus pathogènes et sont responsables des grandes pandémies. Ils peuvent toucher l'homme, ainsi que d'autres espèces animales comme les porcs et les oiseaux qui constituent le réservoir naturel. Selon la nature des antigènes de surface HA et NA, on distingue plusieurs sous-types : (A)H1N1, (A)H1N2, A(H2N2), A(H3N2), .... - les virus de type B sont faiblement épidémiques. On les trouve chez l'homme uniquement. - les virus de type C se manifestent sous forme sporadique, Ils sont plus rarement observés et peuvent toucher les hommes et les porcs. Les virus dans la grippe saisonnière sont les virus A(H1N1), A(A3N2) et les virus B 2.3. La vaccination contre la grippe. La prévention de la grippe repose essentiellement sur la vaccination par les vaccins antigrippaux trivalents, purifiés et inactivés, vaccins injectables, surs, efficaces, bien tolérés. Les vaccins doivent être adaptés chaque année aux virus en circulation, car les antigènes de surface des virus grippaux mutent fréquemment. La vaccination contre la grippe est recommandée chaque année pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Il est, de plus, recommandé de vacciner : - les personnes, y compris les enfants à partir de l'âge de 6 mois et les femmes enceintes, atteintes d’une pathologie chronique en particulier : affections broncho-pulmonaires chroniques, insuffisances respiratoires chroniques, mucoviscidose, cardiopathies mal tolérées, néphropathies chroniques graves, hémoglobinopathies, diabète, déficits immunitaires, - les personnes séjournant dans un établissement de soins de suite ainsi que dans un établissement médico-social d'hébergement quel que soit leur âge, - l'entourage familial des nourrissons de moins de 6 mois présentant des facteurs de risque de grippe grave. Les professionnels de santé et tout professionnel en contact régulier et prolongé avec des personnes à risque de grippe sévère doivent être vaccinés. Le schéma vaccinal comporte une injection au début de l'automne ou de la saison fraîche à renouveler chaque année. 3. Les pandémies grippales Une pandémie grippale est définie comme une forte augmentation dans l'espace et dans le temps des cas de grippe. Elle fait suite à la circulation d'un virus de composition antigénique nouvelle contre lequel l'immunité de la population est faible ou nulle. Cette émergence entraîne un nombre de cas important et une mortalité élevée. e Le XX siècle a connu plusieurs pandémies grippales : - la grippe espagnole en 1918-1919 due au virus A(H1N1) avec 40 à 50 millions de morts, - la grippe asiatique en 1957-1958 due au virus A(H2N2) avec 2 à 3 millions de morts, - la grippe de Hongkong en 1968-1970 due au virus A(H3N2) avec 1 million de morts, - la grippe russe en 1977 due au virus A(H1N1) e et au début du XXI siècle : - la grippe aviaire due au virus A(H5N1) en 2003, - la grippe porcine ou grippe mexicaine due au virus A(H1N1)pdm2009 en 2009. 3.1. La grippe aviaire due au virus A(H5N1) Peut-on parler de pandémie en ce qui concerne la grippe aviaire A(H5N1) ? Non, car il y a eu de 2003 à 2014 (au 09/04/2014) « seulement » 664 cas avec 391 décès (létalité : 60%) confirmés dans le monde. Mais, au début de l'épidémie, le risque réel de pandémie grippale a nécessité des mesures de prévention à l'échelon mondial. Le virus A(H5N1) est un virus grippal hautement pathogène, strictement aviaire, qui a la capacité de se transmettre directement des oiseaux à l'homme. Le virus a été isolé chez les oiseaux en Afrique du sud en 1961 et détecté pour la première fois chez l’homme en 1997 à Hongkong lors d’une épidémie survenue dans des élevages de poulets. La grippe aviaire reste rare et sporadique chez l'homme, malgré la circulation endémique du virus A(H5N1) chez les volailles en Asie et en Egypte. Il y a eu en 2013-2014 des flambées de pneumonies 2 atypiques sévères en Egypte dues au virus A(H5N1), avec 75 cas et 44 décès. Récemment, des cas sont signalés dans les pays d’Asie, le Cambodge, la Chine, l’Indonésie, le Viet Nam et au Canada (cas importés). D’autres grippes zoonotiques sont dues à des contacts avec des volailles ou des environnements contaminés. Les premiers cas ont tous été rapportés en Chine. Citons : - la grippe A(H7N9) dont les premiers cas humains ont été rapportés en Chine en 2011. Des cas liés aux voyages ont été signalés à Hong Kong, à Taiwan et en Malaisie. Au 09/04/2014, 412 cas ont été confirmés avec 142 décès (létalité : 30%), - la grippe A(H9N2) avec 2 cas humains en 2013 en Chine et à Hong Kong - la grippe A(H10N8) avec 3 cas humains fin 2013-début 2014 en Chine. Voici les conseils que les voyageurs doivent suivre pour éviter une grippe aviaire 1- Respecter les règles suivantes : - Ne fréquenter aucun endroit où se trouvent des volailles et tous autres oiseaux vivants ou morts : fermes, marchés, combats de coqs. - Eviter tout contact avec des surfaces souillées par les volailles ou leurs déjections. - Ne consommer de volailles et d’œufs que très cuits ( >70°C). - Respecter les règles d’hygiène classique, en particulier : - lavage fréquent des mains et systématique avant toute manipulation d’aliments, - se munir d’une solution hydro-alcoolique, en cas de lavage au savon impossible. - Emporter un thermomètre, consulter en cas de fièvre. - Se rappeler qu’après dix jours sans symptôme au retour, tout risque est écarté. 2- Pouvoir débuter rapidement un traitement antiviral par les molécules antivirales spécifiques (anti neuraminidases : Tamiflu® ou Relenza®) qui ne sont efficaces que dans les 30 heures après le début des signes cliniques. - Le Tamiflu® se présente en gélules de 75 mg (boîte de 10) et de poudre pour suspension buvable à 12 mg/ml (flacon de 30 g de poudre). A titre curatif, la posologie est de 2 gélules par jour pendant 5 jours. A titre préventif, la posologie est d’une gélule par jour pendant au moins 7 jours (dose adulte). 3- Port de masque si épidémie confirmée : Le port de masques de protection est un élément prophylactique en cas de pandémie. La catégorie de masques recommandée pour se protéger est dite « FFP2 » (masque jetable). Le masque peut être porté quelques heures. (4-6 heures). 4- Vaccination Le vaccin trivalent contre la grippe ne protége pas contre les grippes aviaires. 3.2. La grippe A(H1N1)pdm2009 En mars 2009, les premiers cas d'une infection par un nouveau virus A(H1N1)pdm2009 sont signalés au Mexique. Le nombre de cas augmente rapidement au Mexique et aux Etats-Unis d'Amérique et l'OMS déclare le 24 avril l'urgence de santé publique concernant un risque pandémique. Malgré la mise en place de campagnes massives d'éducation sur les mesures d'hygiène à respecter, le virus se propage partout dans tout le monde et le 11 juin l'OMS déclare le passage en phase pandémique de niveau 6. Fin juin, 28 119 cas sont confirmés avec 144 décès. Rapidement, la grippe A(H1N1)2009 est apparue comme potentiellement grave, notamment chez les sujets jeunes, les patients obèses, les femmes enceintes et les patients présentant des co-morbidités. Des cas de pneumonie sévère évoluant vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë sont décrits. La grippe A(H1N1)2009 est née de la recombinaison de trois virus qui circulaient chez le porc, mais n'étaient pas pathogènes pour l'homme. Suite à la pandémie de 2009, le virus de la grippe A(H1N1)2009 est devenu saisonnier et a circulé de nouveau en 2010 d'abord dans les pays du sud en hiver austral, puis dans les pays du nord en période hivernale 2010-2011. Cependant, le nombre de cas ayant diminué, l'OMS a déclaré le passage en phase post-pandémique dès le 10 août 2010. Actuellement, tous les virus de la grippe saisonnière A(H1N1) détectés dans le mode sont des virus A(H1N1)pdm09 Voici les mesures de prévention contre la grippe A(H1N1)2009 1. Les mesures « barrières » 3 Comme la grippe saisonnière, la grippe A(H1N1)2009 se transmet par voie aérienne ou par contact direct. Des mesures d'hygiène standard simples et efficaces sont recommandées : - se laver fréquemment les mains au savon ou avec une solution hydro-alcoolique notamment après des épisodes de toux ou d'éternuement ou après tout contact direct avec une personne infectée ou avec une surface potentiellement contaminée. - se couvrir la bouche en cas d'épisodes d'éternuement ou de toux Les personnes infectées, les professionnels de santé en contact avec les personnes infectées doivent porter un masque chirurgical. La protection par un masque FFP2 est recommandée pour les professionnels de santé dans les situations pouvant générer des aérosols de particules (intubation, extubation, ventilation non invasive, aérosothérapie,... 2. La vaccination : L'OMS établit chaque année les souches contenues dans les vaccins antigrippaux. Six mois sont généralement requis pour la validation et la mise sur le marché d'un vaccin. Les vaccins contre la grippe saisonnière saison 2008-2009 n'étaient donc pas protecteurs contre la grippa A(H1N1)pdm2009. Actuellement, les virus grippaux A(H1N1)pdm09 restent homogènes sur le plan antigénique et sont étroitement apparentés au virus vaccinal A/California/7/2009 dont la souche est incluse dans les vaccins trivalents pour la saison grippale 2014-2015 dans les deux hémisphères. 4. La composition recommandée des vaccins antigrippaux en 2014 et 2015. Compte-tenu de l’activité grippale dans le monde, les vaccins pour la saison grippale 2014-2015 dans l’hémisphère Nord et la saison grippale 2015 dans l’hémisphère Sud sont des vaccins trivalents protégeant contre la grippe saisonnière due aux virus grippaux A(H1N1)pdm09, A(H3N2) et B. Des caractéristiques antigéniques et génétiques des virus saisonniers récents découle la composition recommande des vaccins antigrippaux en 2014 et 2015. Pour l’hémisphère Nord, ce sont les trois souches suivantes qui sont contenues dans les vaccins : - A/California/7/2009 (H1N1)pdm09, - A/Texas/50/2012 (H3N2), - B/Massachusetts/2/2012. Il est recommandé que les vaccins quadrivalents contenant 2 virus grippaux B renferment aussi les 3 vaccins ci-dessus et une souche B/Brisbane /60/2008. Pour l’hémisphère Sud, ce sont les trois souches suivantes qui sont contenues dans les vaccins : - A/California/7/2009 (H1N1)pdm09, - A/Switzerland/9715293(H3N2), - B/Phuket/3073/2013. Il est de même recommandé que les vaccins quadrivalents contenant 2 virus de la grippe B renferment aussi les 3 vaccins ci-dessus et une souche B/Brisbane /60/2008. Les vaccins trivalents correspondent bien aux virus circulants actuellement : A(H1N1)2009, A(H3N2) et B. Cependant la composition des virus grippaux différent entre les deux hémisphères et il faut tenir compte de la destination des voyageurs pour la vaccination antigrippale Le vaccin adapté à l’hémisphère Sud n’est à ce jour disponible en France que sur autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative. 5. Conclusion Il est impératif de maintenir une vigilance de tous les instants et les pratiques de surveillance, de lutte et de traitement appropriés permettant de maîtriser aussi bien les virus de la grippe saisonnière, dont le virus A(H1N1)pdm09, ainsi que les virus aviaires, en particulier les virus A(H5N1) et A(H7N9). Mais les virus de la grippe sont extrêmement labiles sur le plan antigénique et toute « cassure » antigénique se traduit par l'apparition d'un nouveau sous-type du virus infectant une population non immunisée et pouvant être cause d'une pandémie grippale. Pour en savoir plus - OMS. Composition recommandée des vaccins antigrippaux pour la saison grippale 2014-2015 dans l'hémisphère Nord, REH, 2014, 89, 93-104. - OMS. Composition recommandée des vaccins antigrippaux pour la saison grippale 2015 dans l'hémisphère Sud. REH, 2014, 89, 441-456. - InVS. Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2014. BEH, n° 16 et 27, 3 juin 2014. 4