LA GRANDE MÔME

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LA GRANDE MÔME
Prix des lycéens autrichiens 2010
DOSSIER PEDAGOGIQUE
La grande môme
Jérôme Leroy
Syros , 2007
Dossier réalisé par Edouard Raix,
sous la direction de Tristan Fabiani-Pradeilles, Attaché de coopération pour le français
Institut Français de Vienne
Prix des lycéens autrichiens
2009 – 2010
DOSSIER PEDAGOGIQUE
La grande môme
de Jérôme Leroy (Ed. Rat Noir/Syros)
Comment utiliser ce dossier ?
Ce dossier est destiné à faciliter votre lecture du roman. Il comprend trois grandes parties :
un travail préliminaire sur le titre et la couverture du livre,
une évocation des références culturelles et historiques, une présentation des
personnages, une analyse thématique, une analyse narratologique et une courte
bibliographie,
un parcours du roman chapitre par chapitre, incluant des pistes de lecture sous forme
de questions, des renvois à des faits de civilisation, une analyse du lexique, et des
propositions d’approfondissement ou de recherche.
Ce dossier doit accompagner votre lecture et aider votre prise de notes dans votre carnet de
bord, qui reste votre principal instrument de travail. Ce carnet permet en effet de noter vos
impressions de lecture chapitre par chapitre, de dresser et d’affiner au fur et à mesure le
portrait des personnages principaux, de dessiner la topographie des lieux, de relever les
indices dispersés dans le roman, de faire le point sur les thèmes abordés, etc. C’est à partir de
ce carnet que vous préparerez votre présentation du roman en classe.
Introduction
Analyse de la première et de la quatrième de couverture
- Quels sont les différents éléments qui composent la couverture et dans quoi sont-ils rangés ?
- A priori, dans quel genre romanesque nous fait entrer d’emblée la réunion de ces différents
objets ?
- En quoi la typographie utilisée pour le titre confirme-t-elle cette hypothèse ?
- Concernant le titre, comment peut-on le comprendre au sens propre et au sens figuré ?
- Qu’imaginez-vous du personnage de la grande môme ?
- Lisez la quatrième de couverture. De quel type de discours s’agit-il ? À votre avis, quels sont
les personnages en présence ?
- Le petit résumé qui suit vous met-il en haleine et vous permet-il d’expliciter l’image de la
couverture ? Comment ?
Quand vous aurez lu le livre, jouez au détective et lisez l’article de journal sur la couverture
avec un miroir et voyez s’il est en lien avec le roman. Que peut-on en déduire ?
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1. Références culturelles et historiques
Le groupe « Action Directe »
La coïncidence des dates (période de la fin des années 80), la similitude des méthodes
employées (assassinats de personnes liées au capital, actions violentes et braquages de
banques), l’analogie entre le nom « Action Rouge » et le groupe « Action Directe » font sans
aucun doute référence à des faits et des personnes ayant existé.
- Formation et débuts d’Action Directe :
« Le groupe Action Directe naît dans la seconde moitié des années 70. Rencontre de
tendances activistes diverses, ses membres refusent l’organisation politique de type « parti »
et sont connus, encore aujourd’hui, pour leur volonté de confrontation avec les forces de
l’ordre.
De 1977 à 1979, le groupe passe à la « guérilla urbaine » . Les premières actions violentes ont
lieu (mitraillage du siège du patronat, de ministères, de bâtiments de l’armée française, etc...)
dirigées contre les symboles du pouvoir politique ou économique. Néanmoins, aucune victime
n’est à déplorer malgré les dizaines d’actions menées. Dans l’atmosphère de l’après 68,
Action Directe n’est pas seule à s’inscrire dans cette logique de « sabotage du capitalisme »
et quelques grouscules n’hésitent pas à se servir des cocktails Molotov. La plupart se contente
dans les faits de débats théoriques abscons, associés parfois à des actions plus proches du
vandalisme que du terrorisme.
A cette époque, en France, des membres de ces mouvances d’extrême gauche, seules les
« Brigades Internationales » (groupe d’inspiration maoïste) ont commis des assassinats, contre
un colonel uruguayen en 1975 et l’ambassadeur de Bolivie à Paris en 1976.
L’année 1981 marque cependant un tournant. La plupart des chefs de l’organisation ayant été
arrêtés, Action Directe décide de suspendre ses actions le temps des élections présidentielles.
Une fois élu, François Mitterrand gracie ces prisonniers dits politiques en échange d’un arrêt
de la lutte armée. La majorité des militants accepte l’offre du pouvoir, mais quelques-uns
restent néanmoins actifs et décident de coordonner leurs actions avec d’autres organisations
d’extrême gauche et des groupes de militants étrangers (essentiellement européens et turcs).
- Internationalisation du groupe et assassinats :
Ainsi dans la première moitié des années 80, Action Directe s’internationalise et va jusqu’à
passer un accord avec la Fraction Armée Rouge ouest-allemande (1985). Puis, en 1985, le
groupe tue pour la première fois, assassinant le général Audran, responsable des ventes
d’armes française à l’étranger. L’année suivante, le PDG de Renault, Georges Besse, est
assassiné devant chez lui.
- Arrestation des chefs et fin de l’organisation :
Un an plus tard, les chefs d'Action Directe sont arrêtés ensemble dans une ferme du Loiret,
sans doute à la suite d'une trahison de militants du FLNC corse. Jean-Marc Rouillan, Nathalie
Ménigon, Joëlle Aubron, et Georges Cipriani sont plusieurs fois condamnés à perpétuité en
vertu de lois antiterroristes parfois qualifiées de justice d'exception.
On peut à l’évidence établir des correspondances entre le roman et la réalité, à la fois sur les
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revendications et les méthodes du groupe Action Directe, mais aussi sur les personnes qui le
composent.
En effet, comme Nathalie Ambricourt et son compagnon d’armes, le père d’Émilie, Nathalie
Ménigon et Jean-Marc Rouillan ont été amants. Ils se sont mariés en 1999 à la prison de
Fleury Mérogis. Cependant, les faits évoqués dans le roman ne correspondent pas en tous
points à la véritable histoire des terroristes. La réalité est romancée.
Une des différences majeures est le personnage d’Émilie. l’union de Nathalie Ménigon et de
Jean-Marc Rouillan n’avait pas donné naissance à un enfant.
Question : Pour quelles raisons selon vous, l’auteur Jérôme Leroy choisit-il de s’inspirer de
ce fait-divers et d’y ajouter la présence de cette adolescente?
L’engagement terroriste de la mère n’est finalement qu’une toile de fond, un prétexte pour
évoquer le parcours d’Émilie et des thèmes comme : le mensonge, la violence, la famille, la
relation parent/enfant, la dégradation de la société, la justice…
Question : Quel est l’impact de ces effets de réel sur le lecteur ? En quoi peut-il s’identifier
au personnage principal ?
« La grande môme » est donc bien un roman d’apprentissage (Bildungsroman). Le lecteur luimême s’instruit en suivant par étapes les découvertes et les réflexions personnelles de
l’héroïne.
La société de l'époque
La société décrite par Émilie est celle de la France de la fin des années 80. La période de
prospérité des Trente Glorieuses est passée. La Nation connaît une période croissante de
chômage et on observe une précarisation grandissante des classes les plus populaires. Les
grands ensembles architecturaux construits en périphérie des villes se dégradent. L’humoriste
Coluche lance un appel pour aider les plus démunis et ouvre les Restos du cœur. C’est dans ce
contexte socio-économique que les protagonistes du roman militent à leur manière pour
« changer le monde ».
Dans sa lettre d’adieu à ses parents (chap.4), la mère d’Émilie évoque précisément ce contexte
pour justifier son militantisme d’extrême gauche. Elle y dénonce la pauvreté, l’inégalité de la
répartition des richesses, la faim dans le monde, en bref elle veut lutter pour l’équité sociale,
contre ce qu’elle appelle « l’ordre injuste ». C’est la justification apportée à son engagement
aux côtés du groupe Action Rouge.
Le système scolaire
Le système scolaire est celui d’un établissement français avec son organisation hiérarchique
propre. Les professeurs, le CPE (Conseiller Principal d’Education) et le proviseur sont les
figures-clés du lycée.
Les contraintes et les obligations sont les mêmes : assister aux cours, prévenir en cas
d’absence, respecter les professeurs faute de quoi on risque d’être renvoyé pendant un jour ou
plusieurs, voire définitivement si l’on estime que la faute est très grave. C’est le cas d’Émilie
qui est renvoyée une demi-journée pour avoir manqué de respect à l’égard de son professeur
de gymnastique. Le fait qu’elle soit bonne élève n’est pas considéré par le proviseur, M.
Tuvache, comme une excuse.
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2. Présentation des personnages
- Émilie Ambricourt (Dora Suarez) : c’est le personnage principal du roman écrit à la
première personne dans un français très contemporain. Elle est née en 1990. Elle se
surnomme elle-même tantôt « l’écrevisse à lunettes » car elle a tendance à rougir ou « la
sauterelle » car elle mesure 1 mètre 80.
Elle a deux prénoms et noms de famille parce que sa mère a caché son identité pour les
protéger de la police et en particulier de l’inspecteur Duvert qui les traque sans relâche. C’est
ce même policier qui parviendra à tuer le père d’ Émilie.
Émilie passe toute son enfance sous le faux nom de Dora Suarez et suit les déplacements
incessants de sa mère, toujours en fuite. Ainsi vit-elle en Espagne et dans de nombreuses
villes de France. Elle peine à se nouer des amitiés et devient assez sauvage parce qu’elle est
régulièrement obligée de quitter les lieux où elle s’est installée.
Peu avant la rentrée des classes de 2005, Nathalie Ambricourt est arrêtée et sa fille remise à
ses véritables grands-parents qui habitent Rouen. La jeune fille découvre alors
progressivement qu’elle a une autre identité et une famille. Elle est dès lors scolarisée dans en
classe de seconde dans un lycée de Rouen où elle fait la connaissance de Jean-Sébastien.
Tout au long du roman, on suit Émilie dans sa vie quotidienne et on découvre sa vie passée
par les souvenirs qu’elle rapporte mais aussi par l’évocation de nombreuses personnes de son
entourage.
- Jean-Sébastien Reydet de Doudeauville : fils d’aristocrates rouennais, c’est le modèle du
jeune garçon « bien sous tous rapports ». Poli, « bon chic bon genre », il tombe amoureux
d’Émilie parce qu’elle est son contraire, rebelle et originale. Il est dans la même classe
qu’elle. Ensemble, ils sèchent le cours de gym et organisent une manifestation pour soutenir
la mère d’Emilie. Dès le début, naît entre eux une histoire d’amour qui se renforce avec les
événements qu’ils traversent.
- Nathalie Ambricourt (Nathalie Suarez) : c’est la mère d’Émilie. Elle est en cavale depuis
20 ans, attendant la prescription judiciaire pour les faits qui lui sont reprochés. Elle est
présentée comme une femme forte, courageuse et intelligente. Elle n’existe dans le roman
qu’en arrière-plan et on ne la découvre qu’au travers des autres car elle est enfermée en prison
dans un quartier de haute sécurité.
Elle a participé dans le passé à des actions violentes, alors qu’elle était membre du groupe
Action Rouge. Révoltée contre un système social injuste, elle s’engage à la fin de son
adolescence dans une lutte en faveur de l’égalité des droits et des ressources des citoyens.
- Maître Etienne Derville : avocat de Nathalie Ambricourt. Il l’a connue alors qu’ils
étudiaient ensemble. Ils faisaient partie du même mouvement contestataire. Il est souvent
présenté par Émilie comme un homme hypocrite et opportuniste. Défendre un dossier comme
celui de Nathalie Ambricourt lui donne l’image de l’ami fidèle qui ne laisse pas tomber ses
anciens compagnons de lutte. Mais c’est surtout un moyen de faire parler de lui en plaidant
dans un procès très médiatisé, dont toute la France parle. (Chap.2) L’héroïne précise dans le
dernier chapitre qu’il « a fait son intéressant » à la télévision lors du dénouement de l’affaire.
Maître Derville est la figure romanesque d’avocats français connus pour la défense de grands
criminels ou de gros dossiers judiciaires et que l’on voit souvent à la télévision, comme
Gilbert Collard, Jacques Vergès ou Jean-Marc Varaut.
- M. et Mme Ambricourt : ce sont les grands-parents d’Émilie. M. Ambricourt est
ophtalmologiste à Rouen, où cette famille est établie depuis 5 générations. Ils ne connaissent
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pas leur petite fille et leurs rapports avec elle ne sont pas faciles dans un premier temps.
Émilie n’aime guère leur vie réglée comme du papier à musique et leur côté bourgeois. Elle
leur fait finalement le même reproche que sa mère au même âge. Mais ne doit-on pas voir ici
un conflit normal de génération entre des adultes insérés dans le monde du travail et les
adolescents idéalistes ? Tout de même, à la fin, Émilie parvient à se rapprocher de ces grandsparents si attentionnés et soucieux de son bien-être. (Chap.8)
- M. Tuvache : c’est le proviseur de l’école. Il était professeur quand la mère d’Émilie était
encore lycéenne dans ce même établissement. Il est compréhensif mais aussi soucieux de faire
appliquer le règlement de l’école. Recevant Émilie dans son bureau, il lui raconte une histoire
incroyable où Mme Ambricourt s’est battue violemment devant le lycée. (Chap.4)
- L’inspecteur William Duvert : il démantèle le réseau Action Rouge en 1988 et il est exclu
de la police pour ses méthodes considérées par ses pairs comme aussi violentes que celles du
groupe terroriste. Depuis, il traque Émilie et sa mère jusqu’au moment où ils les retrouve dans
leur maison entre Villeneuve et Lille. C’est aussi lui qui a tué le père de l’héroïne.
- Manuel Moreau : un peu plus âgé qu’Émilie, il fait partie d’une bande de Redskins, un
groupe d’extrême gauche antiraciste. Au début, Jean-Sébastien ne l’aime pas beaucoup mais
son aide sera finalement précieuse pour organiser la manifestation en faveur de Mme
Ambricourt devant la prison.
- Élodie : amie d’Émilie enviée par elle pour la taille de ses seins mais à la voix agaçante.
- Madame Vigard (dite la Sèche) : professeur d’EPS des filles. Émilie n’aime ni le sport ni
cette femme qu’elle juge sévère et méchante.
- Le Bouledogue : professeur d’EPS des garçons. Son surnom, comme celui de Madame
Vigard, est intéressant. Il est le résultat d’une attitude et d’un physique observés finement par
les élèves. Tous les professeurs ont un surnom, plus ou moins gentil selon leur degré de
popularité.
- Bruno : un ami de Mme Ambricourt, tué par l’inspecteur Duvert à la fin de la poursuite. Il
servait entre autres d’intermédiaire pour aider la mère et la fille à changer de domicile.
La relation mère/fille
La mère et la fille ont vécu clandestinement ensemble jusqu’à ce qu’elle soient arrêtées.
Émilie est admirative de sa mère, de son engagement. Simultanément, elle lui en veut d’avoir
menti sur son passé. En effet, ce n’est qu’à 15 ans que la jeune fille découvre qu’elle ne
s’appelle pas Suarez mais Ambricourt et que sa mère est une ancienne terroriste en cavale. En
passant par l’Espagne et de nombreuses villes de France, elles n’ont pas cessé de déménager
pour fuir l’inspecteur Duvert. Pour grandir, mûrir et s’épanouir, elle a besoin de connaître
l’histoire véritable qui la lie à sa mère. (Chap.6)
Emilie a comme modèle maternel celui d’une femme forte et débrouillarde mais parfois aussi
angoissante et totalement irresponsable : c’est le cas par exemple quand elle demande à sa
fille de la rejoindre à Paris, l’obligeant à quitter la colonie où elle passait ses vacances en
Bretagne et à effectuer seule ce long voyage.
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Le secret
Le secret d’Émilie est révélé tout au long du roman par différents personnages et par Émilie
elle-même. On découvre en même temps qu’elle cache la vérité sur son passé. Le partage en
temps réel de ce secret est la clé du processus d’identification de ce roman. Le lecteur peut se
reconnaître dans cette figure de l’adolescent en quête de sens, en quête de son histoire. La
vérité est dévoilée au cours du roman : Emilie a un faux nom pour cacher la véritable identité
de sa mère, obligée de se cacher pour échapper à la justice. Cette vérité éclate lors de
l’arrestation de Mme Ambricourt. Le récit permet donc de reconstituer les fragments, les
différents épisodes de cette cavale.
L'évolution du personnage principal
À la rentrée de septembre, Émilie est inscrite dans une école de Rouen. Elle est au début très
révoltée en découvrant qu’on lui a menti sur son passé. Les adultes semblent ne pas
considérer qu’elle a grandi et qu’elle est en âge de savoir et de comprendre sa propre histoire,
en particulier celle qui la lie à sa mère.
La jeune fille est une grande lectrice. Les citations de romans sont nombreuses et elle
s’exprime d’ailleurs sur les bénéfices de ses lectures qui selon elle, sont plus proches de sa vie
que ce qui est montré à la télévision.
Dès le début, on comprend que la jeune fille a un caractère bien trempé et qu’elle ne se laisse
pas faire. Elle a des convictions, comme la suite du récit le confirmera.
La relation amoureuse
Dès le début du roman, on pressent qu’un lien amoureux est en train de se nouer entre les
deux adolescents. Les deux personnages s’épanouissent mutuellement. Émilie, la rebelle,
trouve force, réconfort affectif et stabilité auprès de Jean-Sébastien. À l’inverse, JeanSébastien, le jeune homme de bonne famille, apprend avec elle à aller contre ses principes et
son éducation très rigides et à affirmer ses convictions. Comme il le précise à la page 44, il
n’a jamais fait de bêtises depuis sa naissance, n’a jamais répondu à un adulte, n’est jamais
arrivé en retard et cette rigueur morale est une tradition familiale.
3. Analyse narratologique
Structure du roman
Le roman est composé de 9 chapitres et d’un épilogue. Le récit procède à de nombreux retours
en arrière mais le fil conducteur du présent est la vie quotidienne d’Émilie dans cette ville,
cette famille, cette école qu’elle ne connaît pas.
On notera que les deux derniers chapitres sont beaucoup plus courts que tous les précédents,
ce qui produit une accélération du rythme du récit et une augmentation de la tension
dramatique.
Procédés de narration
Le récit est écrit à la première personne. Parfois, aucun signe typographique ne distingue les
passages narratifs des passages dialogués.
Émilie s’adresse de temps à autre au lecteur ce qui a pour effet de l’impliquer davantage dans
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le récit : c’est le cas par exemple quand elle dit « Je vous jure ». À la fin du roman, anticipant
sur la sympathie du lecteur à son égard, elle s’adresse à lui avec cette phrase : « Votre
sauterelle à lunettes ».
Tout au long du récit, on accède à ses pensées intérieures, comme dans un journal intime, par
l’intermédiaire de formules du type : « je me suis dit », « je sens bien que »… Le journal a
une fonction d’exutoire : en se racontant on se libère du poids des maux de la vie. C’est aussi
ce dont l’héroïne se félicite à la fin : avoir tout raconté à Jean-Sébastien l’a libérée.
Toutefois, ne nous y trompons pas, ce récit est bien un roman et non pas un journal intime. On
le voit à l’utilisation de certains artifices narratifs. L’auteur utilise par exemple le récit
enchâssé, notamment lorsque la narratrice évoque l’organisation de la manifestation devant la
prison de B. « Je reviens deux semaines en arrière » dit-elle à la page 122 après avoir déjà
raconté comment s’était déroulé l’événement.
La narratrice peut aussi tenir le lecteur en haleine sous la forme d’une anticipation. Ainsi
Émilie dit-elle à Jean-Sébastien (et donc au lecteur qui devient lui aussi le confident du
secret) : « Mais j’anticipe, Jean-Sébastien, je te reparlerai de l’Inspecteur Duvert bien assez
tôt. »
Il est intéressant d’observer que tous ces choix de narration faits par l’auteur ont pour utilité
de capter et de retenir l’attention des jeunes lecteurs, d’une part en utilisant leur langage,
d’autre part en utilisant les ressorts du suspense (attente, rebondissements, découvertes,
personnages énigmatiques…).
4. Pour élargir
Études sur Action directe
Alain Hamon et Jean-Charles Marchand, Action directe. Du terrorisme français à
l'euroterrorisme, Le Seuil 1986
Roland Jacquard, La longue traque d'Action directe, Albin Michel, 1987
Filmographie
Action directe : la révolution à tout prix, Jean-Charles Deniau, France 3
Faites entrer l'accusé : Action directe, France2
Ni vieux, ni traîtres, Pierre Carles, 2006
5. Au fil des chapitres
Chapitre 1
(p. 7-18)
Ce qu'il faut avoir compris
Dans quelle période de sa vie se trouve l’héroïne ?
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Quel est son cadre de vie et s’y plaît-elle?
A propos de quelle personne Émilie a-t-elle un poids lourd à porter ?
Pourquoi Émilie accepte-t-elle difficilement son allure physique ?
Culture et civilisation
p. 8 Carmen de Mérimée : Mérimée a écrit cette nouvelle en 1845. De nombreuses
adaptations en sont issues tant au cinéma qu’à l’opéra. Le personnage de Carmen fascine par
son charme, son indépendance.
Lexique
p. 7
ce qui le fait moins
félin(e)
p. 8
des moyennes qui font exploser le compteur
une sauterelle
dieser Name klingt weniger gut
sich katzenartig bewegen
être myope comme une taupe
hier : sehr gute Noten haben
eine Hopfenstange (großes, dünnes
Mädchen)
blind sein wie ein Maulwurf
p. 9
la peau qui se parchemine
die Haut macht Falten
p. 10
anémique
transforme en écrevisse
des barres énergétiques
blutarm
rot wie ein Krebs werden (Haut)
Müsliriegel
p. 11
le bide (fam)
une boîte privée
die Wampe (ugs)
eine Privatschule
p. 12
le troquet
la thune (fam)
eine kleine Bar, Kneipe
das Geld
p. 13
un keffieh
ein arabisches Halstuch
p. 14
les fachos
s’échauffer
die Faschisten
sich warm laufen
p. 15
des notables
sévir
hoch angesehene Persönlichkeiten
strenger sein
9
p. 16
puer la sueur
nach Schweiß riechen
p. 17
qch. gonfle qn.
etwas regt jemanden auf
p. 18
défier l’autorité
sich auflehnen
Pour approfondir
Chercher dans un dictionnaire des œuvres littéraires la référence à un roman autobiographique
à partir de la phrase : « J’ai 15 ans et je ne veux pas courir » que l’on trouve au début et à la
fin du chapitre. Expliquez cette citation en disant pourquoi l’auteur y fait référence.
(Christine Arnothy, « J’ai 15 ans et je ne veux pas mourir »)
D’un point de vue narratif, expliquez pourquoi les premières phrases du roman sont
captivantes.
Faire une recherche lexicale sur les surnoms des professeurs : La Sèche, Le Bouledogue (et
plus tard, Tuvache le proviseur)
À la page 8, Émilie fait une description assez sévère de son allure physique. Relevez,
expliquez et commentez les détails qui le montrent.
Chapitre 2
(p. 19-32)
Ce qu'il faut avoir compris
Est-ce qu’Émilie s’habitue à son changement de nom ?
On apprend qu’Emilie a eu un accident. De quelle nature ?
Dans quelle ville vit Émilie ?
Que propose Jean-Sébastien à Émilie ?
Culture et civilisation
p. 26 Rouen : ville située au nord-ouest de la France et traversée par la Seine. C’est aussi le
chef-lieu du département de la Seine-Maritime.
p. 29
- De France ou de Navarre : expression signifiant « partout en France, dans tous les coins,
même les plus reculés ». A l’origine le Roi de France régnait sur le Royaume de France et
celui de Navarre, un territoire qui a été rattaché à la France seulement en 1620. L’expression
« de France et de Navarre » est restée.
- Royan : station renommée de la côte atlantique en Charente Maritime.
- Voyage au bout de la nuit : roman du médecin et écrivain Louis Ferdinand Céline publié en
1932. Ce roman a marqué l'histoire de la littérature. Dès sa publication, le scandale et les
polémiques sont soulevés par l'emploi de la langue orale et la dénonciation d'une société
abrutissante et humiliante pour l'homme.
10
Lexique
p. 19
les fringues
le cache-cœur
die Klamotten
das Bustier
p. 20
le flingue (fam)
la prison à perpétuité
débile
l’incarcération (f)
die Knarre (Revolver) ugs
lebenslange Haft
dumm
die Inhaftierung
p. 22
la gifle
die Ohrfeige
p. 23
se la jouer « djeune »
auf jung machen
p. 24
le vestiaire
die Garderobe
p. 25
la cavale
pitoyable
die Flucht
armselig
p. 27
un rien de temps
CHR (Centre Hospitalier Régional)
in kurzer Zeit
das Krankenhaus
p. 28
enlever
séquestrer
se faire peloter
entführen
einsperren
sich befummeln lassen
p. 29
se faufiler entre les bagnoles
p. 30
craquer pour un aristo
sich zwischen
durchschlängeln
un ophtalmologiste
sich
in
einen
verlieben
ein Augenarzt
p. 31
le Conseil municipal
der Gemeinderat
den
Autos
Aristokraten
Pour approfondir
p. 23 : Quel effet produit sur le lecteur l’expression « je vous jure » ?
p. 19 : A quoi sert la notation « à la prison de B. » ? Pourquoi ne pas lui donner un nom
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véritable ?
Chapitre 3
(p.33-49)
Ce qu'il faut avoir compris
Que font Émilie et Jean Sébastien dans Rouen ?
Quel portrait de la France dresse Émilie ? Quelle description fait-elle de la pauvreté ?
Que révèle Jean-Baptiste du passé d’Emilie ?
Culture et civilisation
p. 34
- Louis XIV : roi français, surnommé Roi Soleil, qui régna au château de Versailles de 1643
jusqu’à sa mort pendant 72 ans. Il est le roi qui a gouverné la France le plus longtemps et le
monarque qui a régné le plus longtemps en Europe.
- Flaubert : écrivain français du 19ème siècle né à Rouen. Il est l’auteur de romans majeurs de
la littérature : Madame Bovary, l’Éducation sentimentale, Salammbô…
p. 41 Stimorol : chewing gum d’origine danoise.
p. 43 L’Internationale : c’est l’un des chants révolutionnaires les plus connus au monde. A
l’origine, c’est un poème d’Eugène Pottier mis par la suite en musique. Ce chant est
traditionnel des mouvements ouvriers et repris par les organisations socialistes ou
communistes.
p. 46 Monet : peintre français lié au mouvement impressioniste du 19ème siècle. Il s’était établi
dans une magnifique demeure avec jardins, à Giverny, non loin de Rouen.
Lexique
p. 33
les ardoises (f)
die Dachziegel
p. 34
la taule (fam)
changer de coin
der Knast, das Kittchen(ugs)
den Ort wechseln
p. 35
un SDF (sans domicile fixe)
la croisade
ein Obdachloser
ein Kampf gegen
p. 36
des coupures de presse (f)
cinq plaques
die Zeitungsartikel
« Fünftausend » (Geld)
12
p. 37
l’isolement (m)
la prescription
die Isolierung
die Verjährung
p. 38
bourlinguer
die Welt bereisen
p. 39
faire des rodéos
la téloche (fam)
einen PKW stehlen und schnelle
Runden ziehen
die Glotze (ugs), der Fernseher
p. 40
les gamins
la cloque
die Kinder
die Blase
p. 41
l’haleine (f)
der Atem
p. 42
un assassinat
mytho
ein Mord
für Mythomane
(Geschichtenerzähler)
p. 46
la clavicule
das Schlüsselbein
p. 47
peser ses paroles
aufpassen, was man sagt
p. 49
le gribouillis
die Kritzelei
Pour approfondir
Par quels moyens Jean-Sébastien fait une déclaration d’amour à Émilie ?
Commentez la phrase suivante de Céline « le tout c’est qu’on s’explique dans la vie. À deux
on y arrive mieux que tout seul. »
Chapitre 4
(p. 51-72)
Ce qu'il faut avoir compris
Qu’a appris la mère d’Émilie à sa fille à propos des logos sur les tee-shirts ?
Comment se passe son retour à l’école et sa rencontre avec la CPE ?
Qu’apprend-on sur la jeunesse de la mère d’Émilie ? Quel souvenir de Nathalie Ambricourt
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raconte le proviseur?
Nathalie Ambricourt a laissé une lettre à ses parents quand elle les a fuis à 20 ans. Que dit
cette lettre sur son engagement et ses convictions ?
A quelles actions violentes participe-t-elle ?
Culture et civilisation
p. 51 Appartement hausmannien : appartement situé dans un immeuble typique de
l’architecture de l’époque du Baron Haussman qui a marqué l’aspect de la capitale française.
p. 64 Rimbaud : poète français du 19ème siècle. L’œuvre de Rimbaud est nourrie de révolte et
a profondément influencé la poésie moderne.
p. 70
- Normale sup. : abréviation de l’École Normale Supérieure (ENS). C’est un établissement
supérieur d’élite et un haut lieu de la recherche française. Elle accueille quatorze
départements d’enseignement et de recherche qui couvrent l’essentiel des disciplines
littéraires et scientifiques.
- Stendhal : écrivain français de la première moitié du 19ème siècle. Il a écrit entre autres Le
rouge et le noir et La Chartreuse de Parme.
Lexique
p. 55
les fesses (fam)
der Hintern
p. 56
hallucinant(e)
unglaublich
p. 57
cruel(le)
le courage
l’affection (f.)
grausam
der Mut
die Zuneigung
p. 59
le fourgon
un médecin urgentiste
der Polizeibus
ein Notarzt
p. 60
douloureux
schmerzvoll
p. 62
SVT (Sciences de la vie et de la terre)
l’ennui (m.)
die Biologie
die Langeweile
p. 63
le visage s’est fermé
la complicité
sich verschließen
die Gemeinsamkeit, der
Zusammenhalt
14
p. 64
une bonne sœur
eine Klosterschwester
p. 65
jouxter
nebenan sein
p. 67
sécher ses larmes
une fille brillante
seine Tränen trocknen
ein intelligentes Mädchen
p. 68
la cataracte
le glaucome
grauer Star (Augenkrankheit)
grüner Star (Augenkrankheit)
p. 69
la manif (manifestation)
dans la perspective de
die Demonstration
mit dem Ziel, dass…
p. 70
le braquage
der Banküberfall
p. 71
à ta vue
aus deiner Perspective
Pour approfondir
Il est fait mention p. 68 d’une phrase d’Arthur Rimbaud : « Il faut changer la vie ». Faites une
recherche sur ce poète et expliquez le sens de cette phrase.
Émilie découvre un livre de poésie de Rimbaud que lisait sa mère au même âge. Avez-vous
déjà lu un livre qu’avaient lu vos parents ou qu’ils vous ont recommandé ? Cela a-t-il ajouté
de l’intérêt à votre lecture ? Pourquoi ?
Chapitre 5
(p. 73-84)
Ce qu'il faut avoir compris
Émilie décide de raconter les souvenirs de sa vie à Jean-Sébastien ? De quelle manière les
raconte-t-elle finalement ?
Que voudrait faire le Redskin Manuel Moreau en faveur de la cause de Mme Ambricourt ?
Émilie est-elle d’accord ?
Culture et civilisation
p. 77 Georges Perec : écrivain français du 20ème siècle. Je me souviens est un livre publié en
1978 où il raconte son enfance et son adolescence par bribes. Chaque souvenir, même court,
commence par cette phrase : « Je me souviens ».
15
Lexique
p. 73
être démodé
des plaisanteries grasses (f)
altmodisch sein
grobe Witze
p. 78
un doudou
ein Stofftier
p. 82
la matraque
der Gummiknüppel
Pour approfondir
À la manière de Georges Perec, racontez vous aussi quelques souvenirs en commençant à
chaque fois par « Je me souviens ».
Chapitre 6
(p. 85-100)
Ce qu'il faut avoir compris
Qu’apprend-on sur la naissance et les toutes premières années d’Emilie ?
A t-elle des photos souvenirs de sa jeunesse ?
Pourquoi Émilie a-t-elle le sentiment de ne pas avoir vraiment existé?
Quelles graves interrogations exprime Émilie à propos de sa mère ?
Pour quelles raisons Émilie aime-t-elle les livres et réussit-elle à l’école ?
Quel mémorable souvenir de vacances raconte-t-elle ?
Culture et civilisation
p. 86
- Saint-Amand-Montrond : commune de la région Centre
- Mantes : commune de la région Île-de-France, à moins de 100 km à l’Ouest de Paris
- Roubaix : commune du nord de la France
- Limay : commune des Yvelines, non loin de Mantes.
p. 124 Le désert de l’Amour de François Mauriac : roman publié en 1967 qui décrit la vie de
personnages bourgeois incapables d’exprimer naturellement leurs sentiments. Dans La
Grande môme, cette thématique est également présente.
Lexique
p. 86
la saloperie
die Schweinerei
16
p. 88
le déménagement
le cambriolage
der Umzug
der Einbruch
p. 89
une soupe pour les oreilles
schlechte Musik
p. 91
obséder
quälen
p. 92
en position de tir
le pare-brise
in Schießstellung
die Windschutzscheibe
p. 93
(être) branché
un plouc (fam)
un fayot(e)
« in » sein
ein Prolo (ugs)
ein « Kriecher » , Schleimer
p. 95
la tronche (fam)
à la gomme
die Fresse
unfähig, wertlos
p. 97
baratinant
un relais H
une famille nombreuse
« volllabernd »
ein Kiosk am Bahnhof
eine Großfamilie
Pour approfondir
Émilie dit à la page 100 : « Plus je parle, plus quelque chose en moi se dénoue et me permet
de respirer à fond, enfin. ». Qu’est ce que cette phrase vous inspire ? Discutez en classe des
bienfaits de la parole.
Chapitre 7
(p. 101-118)
Ce qu'il faut avoir compris
Pourquoi Émilie est-elle fière de sa mère, malgré ses doutes sur sa possible implication dans
des assassinats ?
Quel épisode décisif et terrible confie-t-elle à son ami Jean-Sébastien ?
Qui est finalement celui qui lui raconte une partie de son passé ?
Lexique
p. 102
des délinquants (m)
Kriminelle
17
des Françaises paumées
verlorene Französinnen
p. 104
un ouvrier
un Beur
ein Arbeiter
ein Araber der zweiten Generation,
der in Frankreich lebt
p. 105
une ordure
Mist
p. 107
la balafre
die Gesichtsnarbe, der Schmiss
p. 109
la trouille (fam)
der Schiss (ugs), die Angst
p. 110
être désorientée
bosser
les usines d’armement (f)
les boîtes de sécurité
orientierungslos sein
arbeiten
die Waffenfabriken
die Sicherheits-Firmen
p. 111
la torture
die Folter
p. 114
désaffecté(e)
verlassen
p. 115
rouler sur l’or
la fermeture Eclair
reich sein
der Reißverschluß
Pour approfondir
L’onomastique révèle que le patronyme Duvert est assez proche de Javert, personnage
romanesque célèbre pour son acharnement à traquer Jean Valjean dans Les Misérables. Faites
une recherche sur ce roman de Victor Hugo pour mettre en parallèle les deux personnages et
montrer comment Hugo a pu inspirer l’auteur de La Grande môme.
Chapitre 8
(p. 119-132)
Ce qu'il faut avoir compris
Quelle action mènent Emilie et ses amis devant la prison de B. ? Combien sont-ils ?
Que raconte Émilie de cet événement en utilisant le procédé du retour en arrière ?
18
Lexique
p. 119
des miradors (m)
die Wachtürme
p. 122
tousser
vulnérable
husten
verwundbar, verletzbar
p. 123
des bourgeois coincés
Spießer
p. 124
les persiennes (f)
die Jalousien
p. 126
une clope roulée
eine selbst gerollte Zigarette
p. 127
des conditions de détention
die Haftbedingungen
p. 129
le crâne rasé
die Glatze
p. 130
de vieilles guimbardes (fam) (f)
le poing serré
alte Karren (Autos)
die geballte Faust
Pour approfondir
p. 131 : Que souhaite éveiller l’auteur comme sentiment chez le lecteur en faisant dire à
Émilie : « vous connaissez la chance incroyable de votre formidable écrevisse à lunettes ? »
Chapitre 9
(p. 133-136)
Ce qu'il faut avoir compris
Pour quelles raisons Émilie connaît-elle une soudaine renommée nationale ?
Lexique
p. 133
inélégant
unelegant
p. 135
inaudible
unhörbar
19
Pour approfondir
Il est question p. 134 de quatre journaux français. Lesquels ? Faites un petit travail de
recherche sur chacun d’eux (localisation, diffusion nationale ou locale, ligue éditoriale …).
Déduisez-en l’importance pour Émilie d’être en une de ces journaux.
Épilogue
(p. 137)
Comment se présente au lecteur le dénouement de l’histoire ? Pourquoi, selon vous, l’auteur
a-t-il fait ce choix formel ?
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