La femme adultère (Jean 8,1-11)
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La femme adultère (Jean 8,1-11)
Enseignement Mgr J-L HUDSYN « Dimanche autrement » 28.02.2016 La femme adultère (Jean 8,1-11) 8 Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2 Mais dès le matin il revint dans le temple et tout le peuple s'approcha de lui. Il s'assit et se mit à les enseigner. 3 Alors les spécialistes de la loi et les pharisiens amenèrent une femme surprise en train de commettre un adultère. Ils la placèrent au milieu de la foule 4 et dirent à Jésus: «Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes. Et toi, que dis-tu?» 6 Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur le sol. 7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa et leur dit: «Que celui d'entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle.» 8 Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol. 9 Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés et jusqu'aux derniers; Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. 10 Alors il se redressa et, ne voyant plus qu'elle, il lui dit: «Femme, où sont ceux qui t'accusaient? Personne ne t'a donc condamnée?» 11 Elle répondit: «Personne, Seigneur.» Jésus lui dit: «Moi non plus, je ne te condamne pas; vas-y et désormais ne pèche plus.»] Pour entrer dans ce texte, il est bon de se rappeler que les évangiles ne sont pas des reportages mais bien des catéchèses. C’est-à-dire que ce qui s’est vécu il y a 2000 ans s’accomplit encore pour nous aujourd’hui. Le Ressuscité est celui qui continue à nous parler, nous toucher aujourd’hui. Plutôt que de parler de « femme adultère », on pourrait parler de l’histoire d’un peuple adultère ou, mieux, d’un Dieu qui ne condamne personne, qui inlassablement pardonne. Le récit se passe dans le temple. La construction et le plan du temple sont chargés de symbolisme. Il y a au centre un espace vide, où personne ne pénètre hormis le grand-prêtre une fois l’an, le Saint des Saints. Il matérialise la présence mystérieuse de Dieu parmi son peuple. Près de ce Saint des Saints, il y a le « parvis des prêtres ». Puis le parvis des hommes, le parvis des femmes (il faut être purifié pour entrer dans ces parvis) et enfin, une cour plus grande, le « parvis des gentils » le plus éloigné du Saint des Saints ; C’est dans ce lieu que se donnaient les enseignements à la foule. C’est dans cette cour que la femme adultère est amenée. Dans cette scène, on perçoit toute la nouveauté de l’enseignement de Jésus. Pour les pharisiens, cette femme a péché et doit donc être tenue à distance ; elle n’est même plus de digne de vivre. Elle n’a plus sa place parmi le peuple. Or pour Jean, le nouveau Temple c’est Jésus lui-même. C’est en Jésus que Dieu est présent au milieu de nous. « Dieu a établi sa demeure parmi nous… ». Nous sommes en présence de deux visions de Dieu et de la loi. Pour les pharisiens, si nous avons péché, nous devons être éloignés de Dieu. Dans le cas de petites fautes, il fallait payer une offrande pour pouvoir réintégrer les parvis. Il fallait mériter le pardon. Pour Jésus, c’est tout le contraire ! Il ne craint pas de se faire proche ; il ne prend pas de recul. Les pécheurs méritent d’être proches de lui. Le pécheur est au centre de son attention (la femme est placée au centre). C’est ce même désir de proximité que l’on retrouve dans les paraboles de la miséricorde (Brebis perdue, père miséricordieux…). Jésus aussi demande de changer de vie, mais pas par nos mérites. Jésus se baisse et il dessine dans le sable, au lieu de dominer la femme du regard. Par son silence, il rompt la spirale accusatrice du discours des pharisiens. Et pour eux aussi il s’abaisse sans aucun regard condamnant. Quand tous les pharisiens sont partis, Jésus parle à la femme (alors que jusqu’à présent on parlait de la femme) et il lui donne la parole, refusée jusqu’à présent. Il la fait enfin exister. En lui disant « Va ! », il lui donne un avenir. Alors seulement il l’exhorte : « Ne pèche plus ». C’est Dieu qui a l’initiative. Son amour, il ne faut pas le mériter, « payer » pour le recevoir… C’est un amour sans condition. Et c’est cet amour gratuit, et seulement lui, qui suscite la conversion. « Pour Dieu, le remède au mal c’est la miséricorde » (Pape François). C’est l’amour gratuit qui fait renaître la capacité d’aimer. C’est l’amour, et l’amour seul qui guérit, relève et met en route. C’est la carte d’identité de Dieu : un amour qui se donne sans compter par delà nos manquements, nos fautes, nos infidélités. Savoir que Dieu nous aime le premier nous délivre de cette recherche d’être parfait pour mériter l’amour de Dieu. Et si nous vivons fidèlement l’amour de Dieu c’est parce que nous sommes aimés de Dieu. Notre amour est réponse à un amour premier. Nous n’observons pas les commandements pour être à la hauteur mais parce que nous sommes aimés. Nous vivons dans la foi et la joie que Dieu se donne toujours. Face à un tel excès d’amour nos cœurs deviennent tendres et miséricordieux. Remarquons que Jésus ne rejette pas la loi. IL ne dit pas « ne soyons pas légalistes ». Oui, Jésus ramène la question du péché mais pas comme une humiliation mais dans un dialogue avec la femme. La loi a mission d’indiquer des chemins à suivre ; de signaler des impasses et de mettre en lumière la gravité de certains comportements. Ainsi, l’adultère brise une double alliance et c’est grave. Mais les pharisiens ont fait de la loi un instrument de condamnation. Ils ne regardent pas la personne ; ils ne croient pas en la femme. Pour eux, elle est un « cas ». Ils ne soupçonnent pas en elle une capacité d’aimer, de grandir dans l’amour ; ils n’envisagent pas une blessure, un manque d’amour… Pour Jésus, la loi permet d’évaluer un comportement et de poser un discernement : ce que je fais engendre-t-il le bien ou le mal ? Alors, juger n’est plus condamner mais évaluer. Il sait trop bien que nous ne sommes jamais que nos actes. Jésus ne condamne pas, il fait avancer. Il appelle « mal » ce qui est mal mais en ayant CONFIANCE en la personne. Car la condamnation ne guérit rien : ni chez la personne condamnée ni chez celui qui condamne. Qu’est-ce qui permet d’être MISERICORDIEUX ? C’est la conscience que nous sommes tous des « adultères » - rompant sans cesse les alliances avec Dieu et avec les autre - ; que tous nous courons derrières de « faux dieux » jusqu’à notre propre égo. Savoir cela et en même temps ressentir l’invitation de Dieu : encore toujours et toujours reprendre le chemin de l’amour. Quelle grâce d’avoir rencontré des personnes qui m’ont pardonné(e), à l’image de Dieu. Alors, on devient humble (mot venant de « humus », la terre, la fragilité). C’est notre histoire à tous. Ne nous condamnons pas nous-mêmes. Jésus ne nous regarde jamais de haut, mais il lève les yeux vers nous et nous invite à nous relever. C’est le cœur du sacrement de Réconciliation qui nous dit que la reconnaissance de nos fautes n’est pas le dernier mot. Le dernier mot revient à l’Amour de Dieu. Voilà pourquoi, depuis le concile Vatican II, il nous est proposé de commencer en confessant l’amour de Dieu (En s’appuyant sur la Parole de Dieu, c’est le mieux car elle ouvre des portes et nous fait sortir d’un certain « catalogue » de péchés, nous faisant mesurer que nous blessons la relation à Dieu). Pardonnés, nous voici capables d’être pardon pour les autres.