1796 attaque du courrier de lyon

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1796 attaque du courrier de lyon
1796
ATTAQUE DU COURRIER DE LYON
Le 8 floréal de l’an IV de la République ou le 27 avril 1796, vers
cinq heures du soir, dans la cour de la poste aux lettres, une foule se
pressait autour de la malle-poste de Lyon. Les palefreniers attachaient
deux robustes chevaux au véhicule tandis que les employés finissaient les
paquets. C’étaient des lettres pour l’armée d’Italie ; lettres de mères,
d’épouses, mais aussi messages du gouvernement à ses généraux qui
conduisaient à la victoire leurs soldats en haillons.
Il y avait là, le citoyen Excoffon :
« fais bien attention, on lit dans les journaux tant de récits de
brigands… » Disait son épouse.
En ce moment, les fameuses bandes des chauffeurs, des
compagnons, des chouans, terrorisaient la France et chaque jour, un ou
plusieurs méfaits étaient effectués ; rançons, vols et massacres étaient le
sort de simples particuliers.
Un voyageur attendait pour prendre place dans la voiture alors
que l’on attendait la Trésorerie avec ses boites de bois pour partir. Ces
boites contenaient dix mille francs en numéraire et sept cent quatre-vingtdouze mille francs en assignats, destinés à l’armée d’Italie ; le tout dans
un coffre fermé à l’aide de fortes serrures, renforcées par de solides
courroies de cuir.
Après un repas court d’une demi-heure, la voiture se mit en route.
Au premier relais, à Villeneuve-Saint-Georges, on change les chevaux et
le postillon change de place avec son camarade. La malle-poste se remet
en route vers Melun et traverse la forêt de Sénart sans encombre.
Jusqu’à Lieusaint, tout se passe sans encombre et après une
courte halte la malle-poste redémarre ; lorsqu’à trois quarts de lieue de
là, quatre cavaliers, surgissant des ténèbres, entourent le postillon.
Bernède, Arthur (1871-1937). Landru / Arthur Bernède. 1931./Gallica-BNF
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ATTAQUE DU COURRIER DE LYON
D’un coup vigoureux de fouet, le postillon cingle le visage de son
agresseur qui lui envoie un coup de pointe de sabre en pleine figure ;
avant même qu’Excoffon ne puisse se mettre en défense, il est percé par
trois fois dans la poitrine.
Bien que très grièvement blessé, le postillon tient ferme en selle
et continue de s’opposer aux assaillants, mais il finit par rouler par terre,
cherchant à frapper ses assassins jusqu’à ce qu’un dernier coup lui ouvre
le crâne, il rendit le dernier soupir.
Pendant ce temps, le mystérieux voyageur, après avoir poignardé
le malheureux courrier, s’efforçait de lui couper le cou avec son sabre.
Le double crime accompli, les misérables se livrent au pillage de la
diligence et disparaissent dans la nuit.
Le lendemain matin, vers quatre-heures et demie, des paysans
qui se dirigeaient vers le pont de Pouilly, aperçoivent le véhicule
abandonné, un cheval y étanit encore attelé. Reconnaissant la malle-poste
qui faisait le service des dépêches entre Paris et Lyon, ils soupçonnèrent
une attaque qui fut confirmée après avoir découvert les deux cadavres.
Deux d’entre eux se dirigèrent à Lieusaint prévenir le maître de
poste qui arriva sur les lieux de l’attaque en moins de dix minutes. Il
alerta ensuite le citoyen Defain qui chargea d’enquête le juge de paix de
Melun. Arrivés sur les lieux, ils constatèrent que les cadavres étaient
rigides, Audebert, le postillon était littéralement percés de coups de sabre
et tout alentour montrait une lutte acharnée ; quant à Excoffon, le buste
était percé de trois coups et la trachée-artère complètement coupée.
En examinant le coffre, les gendarmes constatèrent que tous les
paquets avaient été ouverts et que seuls l’argent et les assignats avaient
disparus, ne laissant plus de doute sur les motifs de l’attaque. Les
gendarmes trouvèrent une houppelande grise bordée d’un liseré bleu
Bernède, Arthur (1871-1937). Landru / Arthur Bernède. 1931./Gallica-BNF
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ATTAQUE DU COURRIER DE LYON
foncé qui ne pouvait appartenir à aucune des deux victimes, un fourreau
et un sabre cassé sur lequel était gravé une devise : L’Honneur me
conduit, et de l’autre côté : Pour le salut de ma patrie !. On trouva encore
un second fourreau de sabre, un éperon raccommodé avec de la ficelle.
Suite à l’enquête menée par les gendarmes, six personnes sont
arrêtées et accusées de l’attaque, dont un certain Lesurques, Couriol et
quatre autres. Couriol et deux individus sont d’abord arrêtés et on
découvre une partie de l’argent volé. Quant à Lesurques, il est reconnu
par deux témoins et son alibi n’est pas pris en compte.
Cinq des six hommes sont accusés et quatre sont condamnés à
mort, un est condamné à perpétuité et l’autre se trouve innocenté ;
Lesurques est guillotiné le 3 octobre 1796, bien qu’il clame toujours sont
innocence.
Le 22 février 1801, Jean Guillaume Duboscq dont la ressemblance
avec Lesurques, était la cause sa perte, se déclare coupable de la mort du
courrier (Excoffon) et fait connaître que Joseph Lesurques de Douai,
décédé le 30 octobre 1796, n’y avait participé en aucune manière.
Lesurques fut condamné comme les auteurs de l’assassinat du
courrier de Lyon et du vol des valeurs que transportait la malle. La
restitution des sommes volées et d’autres frais s’élevaient à 74.585fr35 ;
à ôter les 20.000fr retrouvés sur Couriol, un des auteurs du crime. Etant
le seul solvable, ses biens furent vendus au bénéfice du trésor.
Durant près de soixante dix années, la famille ne cessa de
réclamer la révision du procès, la réhabilitation de Lesurques, ainsi que la
restitution des sommes perçues par l’Etat. C’était donc une erreur
judiciaire et la réhabilitation ne fut jamais réalisée.
Bernède, Arthur (1871-1937). Landru / Arthur Bernède. 1931./Gallica-BNF