DP Alice - Théâtre de Sète

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DP Alice - Théâtre de Sète
Saison 2016-2017
Dossier pédagogique
Alice et autres merveilles
De Lewis Caroll
Texte de Fabrice Melquiot
Mise en scène : Emmanuel Demarcy-Mota
Dates de représentation :
Jeudi 8 décembre 2016 à 20h30
Vendredi 9 décembre 2016 à 20h30
Durée de la représentation : 1h15
Saad BELLAJ
Enseignant missionné Théâtre
Ser vice Educatif : Scène Nationale de Sète.
Courriel : [email protected]
Té l : 0 6 2 2 18 0 8 17
Sommaire
1 . Avant de voir le spectacle
1.1 L’élève « spect-acteur »
1.2 Avant de voir le spectacle
2. Alice …. De L. Carroll à F. Melquiot.
2.1 L’auteur : Lewis Caroll
2 2 Le metteur en scène : Emmanuel Demarcy-Mota
2.3 Alice… » du conte au théâtre
2.4 L’horizon d’attente.
3. Pistes pédagogiques
3.1 A la frontière du conte et du théâtre.
A. L’univers du conte
B. L’univers du réel et l’univers de la fiction.
C. Le théâtre dans le théâtre
3.2 Le thème de la métamorphose.
3.3 La force des quatre éléments.
3.4 L’intertextualité.
4. Annexe
1. Avant de voir le spectacle
1.1 L’élève « spect-acteur »
Voir un spectacle est un temps fort dans l’année ; c’est l’occasion pour l’enseignant de partager avec sa classe la
rencontre d’une œuvre. Les élèves se déplacent à l’extérieur de l’établissement, se retrouvent parmi d’autres
personnes dans un lieu public. Un travail en amont sur le savoir être au théâtre pourra éviter à l’enseignant
accompagnateur quelques déconvenues et lui permettra d’aborder plus sereinement ce moment de partage avec
la classe. Il est possible d’accorder une ou plusieurs séances de cours à la question qu’est-ce qu’un « spectacteur » ou spectateur accompli ?
L’enseignant peut d’appuyer sur un corpus littéraire varié pour aborder ou approfondir la question du
spectateur :
Dario Fo, Le Gai savoir de l’acteur, l’Arche Editeur, 1990. : Le silence requis lors des
représentations n’est pas une exigence arbitraire mais bien une composante essentielle du spectacle vivant.
Gustave Flaubert, Madame Bovary, (Chapitre XV) : l’évocation ironique de l’émotion d’Emma
devant la représentation de Lucia di Lamermoor.
Marcel Proust, Du Côté de chez Swann, (Chapitre XXVI) : Le narrateur évoque l’attente du
spectateur et ce qu’il imagine d’après l’affiche.
Jean-Michel Ribes, Tragédie in Théâtre sans animaux, Actes Sud, 2001 : mise en abyme par une
discussion animée entre deux personnages (Jean-Claude et Louise) autour du rôle de Phèdre de Racine.
Agnès Jaoui, Le goût des autres, 2000 : un travail sur les impressions ressenties par le héros
(Jean-Jacques Castella) joué par Jean-Pierre Bacri qui en une représentation, découvre à son corps défendant
une émotion inattendue devant une comédienne (interprétée par Anne Alvaro) jouant le rôle de Bérénice.
Le préambule « être spect-acteur » donne à l’enseignant l’occasion de s’attarder, selon le profil de sa classe, sur
les comportements susceptibles de poser problème lors du déplacement au théâtre à fin d’en faire un objet
éducatif : retard, agitation, bavardage, téléphone mobile, désire de boire ou manger.
Un code de bonne conduite peut être établi avec les élèves sous une forme ludique et orientée par
l’enseignant : ce qu’il ne faut pas faire / ce qu’on peut faire.
Un carnet de bonne conduite peut être écrit par chaque élève sous la forme d’un abécédaire du jeune
spectateur.
1.2 Avant de voir le spectacle
Il est indispensable de préparer la sortie au spectacle. En effet, ce dernier n’est pas à considérer comme un
divertissement, mais comme une œuvre d’art à rencontrer. Il ne s’agit donc pas de le promouvoir, d’affirmer sa
réussite ou de chercher à susciter d’avance une adhésion qui risque d’être déçue. En revanche, il faut rendre les
élèves conscients que ce qu’ils vont voir est le résultat du travail conjugué de nombreux professionnels qui y ont
investi des mois de travail et d’énergie. Ainsi, le travail en amont de la représentation a plusieurs objectifs :
Préparer les élèves à leur rôle de spectateur.
Créer les conditions d’une bonne écoute.
Susciter leur curiosité à l’égard du spectacle.
Créer des horizons d’attente.
Favoriser une optique d’observation curieuse.
2 . Alice… de Lewis. Carroll à Fabrice Melquiot
L’objectif de cette partie est multiple : découvrir l’auteur de l’œuvre initiale, comprendre la notion de « réécriture »
- en l’occurrence une réécriture dramatique - et enfin le rôle du metteur en scène.
2.1. Lewis Carroll :
On pourra demander aux élèves d’effectuer des recherches documentaires. Elles pourront porter sur Lewis Carroll,
son époque et/ou sur ses œuvres. La restitution de ces recherches pourra se faire :
•
à l’oral (sous la forme d’exposés)
•
à l’écrit (affiches, panneaux à exposer…)
•
sous la forme d’une scène théâtrale : entretien entre l’auteur anglais et un journaliste
Les sites proposés ci-dessous peuvent être une aide utile :
http://www.larevuedesressources.org/-lewis-carroll,006-.html
http://www.ricochet-jeunes.org/auteurs/recherche/1665-lewis-carroll
http://www.lewiscarroll.org/ (site en anglais)
2.2 Le metteur en scène : E. Demarcy-Mota
Il s’agit de replacer le spectacle dans un parcours d’artiste et la cohérence d’une œuvre et amener ainsi les élèves
à construire des repères chronologiques ou thématiques. On peut donc tracer avec les élèves le parcours de E.
Demarcy-Mota.
Les élèves peuvent ainsi découvrir le rôle du metteur en scène en la personne d’Emanuel Demarcy-Mota
avec son parcours, ses multiples mises en scène et ses motivations pour mettre en scène le roman.
Voir le lien : http://www.theatre-contemporain.net/biographies/Emmanuel-Demarcy-Mota/
Voir la note d’intention en annexe
2.3 « Alice… » Du conte au théâtre :
A. Mémoire du conte :
On peut commencer par construire avec les élèves une mémoire commune du conte en recensant ce qu’ils
« possèdent » déjà sur Alice.
Quels souvenirs du conte les élèves ont-ils ? Diviser la classe en trois groupes. Les élèves du premier
groupe dressent un portrait d’Alice, à la fois physique et psychologique, en énonçant un détail ou un
trait de caractère chacun. Le deuxième groupe raconte l’histoire d’Alice, au présent, une phrase par
élève. Le troisième groupe énonce des phrases prononcées par les personnages ou des paroles de
chansons venues du conte.
Ce travail de description chorale permettra en tout cas de poser les bases du récit tout en commençant à jouer
théâtralement avec certaines répliques (« Qu’on leur coupe la tête ! »). Pour stimuler leurs réminiscences, on
pourra lire ou projeter la liste des chapitres du conte de Lewis Carroll. Quels souvenirs associent-ils à chacun de
ces chapitres ?
B. Du conte au théâtre : la réécriture de Fabrice Melquiot :
Demander aux élèves de décrire la couverture d’Alice et autres merveilles aux éditions de L’Arche.
Qu’évoque-t-elle pour eux ? Connaissent-ils d’autres œuvres d’esthétique similaire ?
La couverture conçue par Susanne Gerhards propose une variation sur la notion de réécriture : on y voit les
jambes d’une petite fille s’enfoncer dans une machine à écrire. Le modèle de machine (Underwood), la robe et les
bottines blanches de la fillette, le papier peint à motifs, tout renvoie à une époque révolue, la fin du XIXème
siècle, ou, pour la machine, le début du XXème siècle. Cette image, d’inspiration surréaliste à la fois par sa
thématique cruelle « à la Hans Bellmer » et son esthétique du collage « à la Max Ernst », renvoie au conte de Lewis
Carroll par plusieurs aspects : l’écriture (la machine), la fillette (dont on voit les jambes), et la royauté (suggérée
par le motif de fleurs de lys du papier peint). Elle suggère surtout la pratique de la réécriture : un personnage
existe déjà et c’est sur lui – au sens propre comme au figuré – qu’on écrit. C’est lui qui sert à la fois de sujet et de
feuille : il est un palimpseste qu’on gratte pour y inscrire une histoire, nouvelle certes, mais qui entretient des
liens avec l’histoire originale. C’est l’acte d’écriture réalisé par Fabrice Melquiot dans son Alice qui est suggéré
ici.
C. Les promesses d’un titre : Alice et autres merveilles :
Comment les élèves comprennent-ils les « autres » merveilles ? Quelles merveilles appellent-ils de leurs vœux ?
Ce titre double annonce les retrouvailles avec certains éléments constitutifs de l’histoire d’Alice, condition de
reconnaissance du conte-source, mais il promet également des nouveautés : peut-être les élèves auront-ils
l’intuition de certaines des pistes explorées par l’auteur : l’introduction d’autres contes, la rencontre avec des
personnages venus de films (E.T.) ou de l’univers du jouet (Barbie), etc.
2.4 L’horizon d’attente :
La sensibilisation des élèves au contenu de la pièce peut se faire de différentes manières : lectures d’extraits,
observation et analyse de ou des affiches …
Les élèves peuvent découvrir la pièce à travers les photographies présentées sur le site de la Scène
Nationale de Sète : http://www.theatredesete.com/spectacle/alice-et-autres-merveilles
•
A partir de l’affiche du spectacle et des photographies :
Une lecture analytique de l’image est nécessaire. Elle mettra l’accent sur deux aspects importants de la mise en
scène : la modernisation de la pièce et l’univers féérique. Ce dernier point à mettre en relation avec le
« fantastique » qui est un point du programme de français de la classe de 6ème.
•
A partir des répliques :
Pour faire naître des horizons d’attente chez les élèves et pour les mettre en appétit, il est possible de partir de
quelques répliques de la pièce sélectionnées en amont et de procéder à ce que Chantal Dulibine et Bernard
Grosjean appellent1 la « profération de répliques ». L’intérêt de la profération de répliques est de faire entendre
des « bouts de texte » et de commencer à dégager les thématiques dominantes de la pièce.
Donner à lire un extrait (p. 44) d’Alice et autres merveilles dans lequel un personnage d’un autre conte
fait irruption. Quel effet produit cette rencontre ? Alice et Pinocchio
À partir de cette lecture, demander aux élèves de proposer de courtes improvisations mettant en scène
la rencontre entre Alice et un autre personnage de fiction qui n’est pas satisfait de son sort, de son
histoire (un personnage de conte, de pièce de théâtre, de film, de dessin-animé, un jouet, etc.).
Pour sensibiliser les élèves au travail choral et au travail d’écoute que suppose le fait d’être nombreux
sur scène, on peut leur faire lire ces quatre didascalies d’Alice et autres merveilles. Ils composeront
1
Chantal Dulibine et Bernard Grosjean , Coups de théâtre en classe entière SCEREN-CRDP de Créteil, 2011.
ensuite à leur tour un tribunal qui réagira comme un vaste chœur à d’autres gestes effectués par la
Cuisinière. Les membres du tribunal devront être à l’écoute les uns des autres et suivre le premier qui
proposera un geste.
Salle de tribunal.
Le Roi et la Reine sont assis sur leur trône, au milieu d’une grande foule composée de petits animaux et de petits
oiseaux, ainsi que de toutes les cartes de jeu. (…)
Entre la Cuisinière, portant à la main sa boîte de poivre.
Toute l’assemblée se met à éternuer, échanger des mouchoirs, se postillonne à la figure.(…)
La Cuisinière souffle sur sa boîte de poivre.
Tout le monde se met à éternuer.
Elle disparaît en courant
La Reine embrasse fougueusement le Roi.
Tout le monde se mouche. (p. 123)
Quel décor ? A partir des extraits du roman, l’enseignant peut faire imaginer, dans un rôle de metteur en scène,
aux élèves le décor dans lequel peuvent évoluer les personnages. L’enseignant peut orienter les élèves à partir
des recherches sur les scénographies précédentes d’E. Demarcy-Mota. Celle de Victor ou les enfants au pouvoir
constitue un bon exemple car elle intègre « un plan d’eau » comme celle d’Alice. :
Alice pleure de plus belle.
LE VIEIL HOMME À LA BARBE FLEURIE : Des litres de larmes !
ALICE : On est comme ça, nous, les filles.
LE VIEIL HOMME À LA BARBE FLEURIE : À la fin, elle était entourée d’une mare de larmes, profonde de dix
centimètres.
ALICE : Les grandes petites-filles. On a nos raisons.
Pied gauche glisse, Pied Droit décolle, plouf ! Alice dans l’eau jusqu’au menton.
Oh ! Comme je regrette d’avoir tant pleuré ! Je vais me noyer dans mes propres larmes alors que girls just want to
have fun !
Alice se met à nager.
On entend un autre clapotis dans la mare, tout près.
Alice nage de ce côté-là. (p. 44)
Quelle musique ? Un travail interdisciplinaire, dans une collaboration avec le professeur de musique peut
permettre aux élèves de choisir et placer des partitions musicales en harmonie avec des extraits de la pièce.
L’enseignant peut inviter les élèves à.
visionner des extraits du film de Walt Disney
Les gravures d’Arthur Rackham ou de John Tenniel
Interpréter la « song de la Serpillère » en inventant un rythme et un accompagnement :
La Chanson de la Serpillière !
Tordez-moi dans tous les sens
Épongez-moi le front
Soufflez-moi dans les bronches
Je sèche d’impatience
Que vous séchiez mes larmes !
It’s the Song of the Serpillière !
Plusieurs chansons ponctuent Alice et autres merveilles. À côté de « Lovecasts » de Cure ou de « It’s Oh so quiet »
de Björk, deux chansons occupent une place importante dans le spectacle et évoquent toutes deux les enfants
confrontés au monde répressif de l’école : « Mad world » de Gary Jules et « The Wall » de Pink Floyd.
L’évocation des larmes et de la mare permet aussi d’imaginer un travail sonore sur le bruit de l’eau
ou sur le « clapotis » ;
•
A partir des articles de presse2 : Les articles de presse concernant le spectacle peuvent constituer une
excellente approche pour les élèves. Ce travail de découverte indirecte de la pièce peut être fait réparti
sur différents groupes d’élèves pour aboutir à une mutualisation des extraits.
3. Pistes pédagogiques
3.1 A la frontière du conte et du théâtre :
A. L’univers du conte :
Il convient de sensibiliser les élèves aux caractéristiques du conte traditionnel :
Le héros : surnom, souvent un enfant ou un animal
Des êtres imaginaires : fées, sorcières, ogres, magiciens
Le manichéisme : les bons et les méchants
Le statut social : rois, reines, princes, princesses, famille très pauvre ; les personnages peuvent aussi être
désignés par leur métier.
Le statut familial : un père et ses fils/un père et ses filles, une marâtre, des demi-sœurs…
L’apparence physique : les bons sont toujours très beaux (ou le deviennent) ; les méchants toujours très laids
2
Voir les articles de presse concernant le spectacle sur le rubrique « publications » :
http://www.theatredesete.com/sites/theatre-sete/files/brochures/pdf/alice_revue_de_presse_2015-2016.pdf
Une morale explicite ou implicite.
La structure : Le conte traditionnel a généralement une construction facile à reconnaître :
1. La situation initiale : présentation des personnages
2. Le problème : définition de la mission
3. L’action : les épreuves à affronter
4. La résolution du problème : la victoire du héros
5. La situation finale : dénouement heureux
B. L’univers du réel et l’univers de la fiction :
Travail sur l’ouverture de la pièce où se mélangent la fiction et le réel, ce que les élèves ont mémorisé sur
le conte et la mise en scène qui s’offre à eux.
Le début du spectacle est placé d’emblée sous le signe du trouble entre l’univers réel et l’univers de la fiction,
entre l’univers du conte et celui du théâtre, comme entre celui de la veille et celui du rêve. En effet, le rideau rouge
est baissé et fortement mis en valeur par les lumières. On s’attend à un lever un peu magistral et l’on découvre
qu’en réalité Alice était là, parmi nous et que nous ne le savions pas. Les élèves auront sans doute été surpris de
sa manière de s’adresser au public3, de faire des remarques sur l’allure de certains spectateurs, de poser des
questions très directes. Le costume d’Alice contraste : entre la petite robe bleue du conte et l’anorak jaune et
jupe de tulle de la mise en scène d’E. Demarcy-Mota.
C. Le théâtre dans le théâtre :
Un relevé peut être fait avec les élèves sur les passages qui contribuent à exhiber le théâtre dès le
début de la représentation :
– Le Lapin sort par une trappe installée sur la passerelle mais sans porter son masque de lapin, comme pour
montrer le comédien « sous » le lapin : il se montre tête nue avant de passer son costume complet.
– Il s’adresse au public en demandant à Alice de répéter certaines phrases, comme pour un exercice de répétition
théâtrale.
– Il suggère l’existence d’une différence entre les êtres réels et les êtres de fiction : « nous ne sommes pas du
même monde ».
Sensibiliser les élèves au rôle et l’importance du rideau dans le théâtre.
Au début du spectacle, le rideau est baissé, mais plutôt que de servir à cacher quelque chose, il attire notre
attention : il est illuminé et sert d’écran de projection pour les photos d’Alice Liddell. Un léger mouvement l’agite
ensuite et une silhouette semble se détacher du tissu même du rideau : c’est le Petit Chaperon rouge, dont le
fameux chaperon est fait du même velours rouge que le rideau de scène. Alice, juchée sur une échelle double,
passe dans une ouverture ménagée dans le rideau pour pénétrer dans l’autre monde : c’est lui qui symbolise le
passage d’un univers à l’autre.
3
Alice se présente (« Moi je m’appelle Alice. Je suis un enfant. Je suis une petite fille moderne ») et s’amuse à qualifier les
jeunes spectateurs qui l’entourent (« tu me fais penser à… une tartine de beurre »).
3.2 Le thème de la métamorphose :
En lien avec les nouveaux programmes de Français de la classe de 6ème, les élèves peuvent aborder les
transformations physiques d’Alice et les différentes manières de les suggérer par la mise en scène.
– Jeux d’ombres : Alice s’approche ou s’éloigne de la surface lumineuse pour augmenter ou diminuer la taille sa
silhouette.
– Élévation : deux guindes accrochées à son baudrier lui permettent de s’élever à plusieurs mètres de sol.
– Sa longue jupe translucide se déplie lorsqu’elle s’élève dans les airs.
– Montée sur une petite chaise, elle se retrouve ensuite confrontée à une immense chaise sur laquelle se
trouve posée la clef.
– Une petite maquette de maison et reproduite à une autre échelle sur le plateau : Alice est coincée dans la
première et son image est projetée sur la deuxième : elle y apparaît gigantesque.
– À chaque métamorphose, des bruits de craquements donnent le sentiment que ses os se brisent à force de
s’allonger ou de se rétrécir.
La symbolique de la chaise : description et interprétation
La chaise est un objet qui revient à de multiples reprises dans la mise en scène. Les chaises apparaissent lors de
l’enfoncement d’Alice dans le terrier : elles flottent dans les airs, les pieds en l’air, et donnent l’impression d’un
univers en apesanteur. Plus tard, tantôt minuscules, tantôt gigantesques, elles servent de repère pour signifier les
métamorphoses d’Alice. Durant la scène du thé chez les fous, le plateau est occupé par une multitude de chaises
vides sur lesquelles Le Chapelier, le Lapin et le Loir refusent à Alice le droit de s’assoir. À chaque fois, les chaises
soulignent les métamorphoses du monde dans lequel se trouve Alice, elles en font un univers mouvant sans
assises solides.
3.3 La force des quatre éléments :
Inviter les élèves à revenir, après la représentation, sur la présence des quatre éléments : terre, air, feu
et eau. Diviser la classe en quatre groupes, chacun étant chargé de s’intéresser à un élément. Dresser la
liste au tableau des différentes images où apparaît chaque élément. Indiquer les effets recherchés sur le
public.
La mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota fait naître une profusion d’images qui se placent résolument sous
le signe des éléments : terre, air, feu et eau.
La terre :
– Le Lapin sort de terre par une trappe ménagée dans la passerelle qui relie le plateau à la salle.
– On voit Alice pénétrer dans une ouverture ménagée dans le rideau : c’est l’entrée du terrier.
– Elle s’enfonce au fond du terrier en une sorte de long vol qui suggère une interminable chute.
– Plus tard, elle apparaît au milieu d’une sphère en rotation, comme devenue elle-même une partie de la terre.
L’Air :
– les vols d’Alice ;
– les chaises suspendues en l’air ;
– la tasse et la théière en lévitation ;
– le chat en apesanteur ;
– Alice prise dans une sphère qui est à la fois la terre et une bulle de savon.
Le Feu :
Alice court le risque d’être brûlée vive dans la maison sans pouvoir en sortir. Sur le plateau, la maison est double :
la grande forme située en fond de scène est doublée d’une maquette de taille réduite posée à l’avant-scène. Alice
est coincée dans la petite maison tandis qu’au lointain, son image est projetée sur la grande maison, sur laquelle
on voit aussi la projection d’immenses flammes.
L’eau *
Le plateau du Théâtre est recouvert d’eau du début à la fin du spectacle :
– La rencontre d’Alice et de Pinocchio dans l’eau : tous deux nagent sur le plateau inondé,
– La longue jupe d’Alice flotte dans l’eau et se déploie lorsqu’elle est hissée en l’air.
– Au moment où Alice pleure, une pluie stylisée apparaît sur le mur de fond de scène.
– Les oiseaux et la souris se livrent à une chorégraphie à vélo dans l’eau, chaussés de bottes en caoutchouc.
– Les chaises ont toutes les pieds dans l’eau pendant le thé chez les fous.
– La partie de croquet se transforme en jeux d’eau.
3.4 L’intertextualité :
Répartir la classe en plusieurs groupes. Chacun d’eux doit prêter attention aux références à d’autres
contes et plus précisément aux personnages d’autres contes connus.
La mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota évoque à plusieurs reprises des personnages connus des élèves.
Ces références culturelles font appel à d’autres lectures de contes ou de dessins animés: Le petit chaperon
rouge, Pinocchio, le lapin des frères Grimm, la poupée Barbie …
Annexe
NOTES D'INTENTION : Du Snark à Alice
J’ai toujours eu, dès mon enfance, une fascination pour Lewis Carroll, qui a commencé par La Chasse au Snark.
Deux choses me fascinaient en tant qu’enfant :
1. Que les adultes puissent réinventer un langage, un monde.
2. Qu’enfant aussi, on puisse inventer des mots nouveaux: sur le modèle de ce mot-valise qu’était « snark »,
combinaison de snake (serpent), shark (requin) et snail (escargot). J’étais fasciné par les différents pouvoirs de
l’imagination et les libertés offertes par le langage. Cela a développé chez moi un goût pour la puissance de
l’imaginaire aussi bien dans la littérature que dans la peinture, la danse et la musique. On retrouve évidemment
cette trajectoire dans les œuvres de théâtre qui constituent mon « répertoire »: dans Pirandello, par l’idée de «
personnage éternel »; dans ma rencontre avec l’oeuvre d’Ionesco et notamment les mots-valises de la fin de La
Cantatrice chauve; chez Vitrac, dans Victor, à propos de l’enfant qui invente, lui aussi, un langage insolite et des
mots « porte-manteaux », un monde 9. Chez Shakespeare aussi, bien sûr, à propos duquel Lewis Carroll avait
inventé le mot « Rilchiam » rencontre de Richard et William. En somme : le nonsense (Lewis Carroll), le
surréalisme (Vitrac), l’ « absurde » (Ionesco). Avec cette idée de la créativité, de la faculté d’étonnement et
d’émerveillement que l’on perd si souvent avec le temps. C’est à 15 ans que je suis entré totalement dans
l’univers de Lewis Carroll, à travers d’autres lectures. Avec Fabrice Melquiot, lors d’une discussion sur ce thème
Pirandellien de l’éternité du personnage, du réel et du sur-réel, nous nous sommes proposés de nous interroger
théâtralement sur le voyage d’Alice aujourd’hui. Il est rare, en effet, de rencontrer un personnage féminin qui soit
une héroïne, douée d’une force et d’une capacité de révolte, de l’entêtement, une forme de droit revendiqué de sa
propre jouissance, même comme petite fille, et qui l’apparente presque à Antigone. Un personnage
contemporain quant à la féminité. En ce qui concerne le spectacle, c’est grâce à vingt ans de travail effectué
ensemble, avec la troupe, au travers de longues tournées, dans de nombreux pays, avec les œuvres dont j’ai
parlé, que je puis tenter, grâce à eux, cette Alice et autres merveilles. Notre souci a été de ne pas reproduire
l’imaginaire auquel renvoient des films comme ceux de Walt Disney, avec la prééminence accordée par eux au
jardin. Mais que chaque acteur puisse développer son imaginaire, inventer librement son personnage et laisser
grandir son désir de fantaisie. Le souci de revenir d’abord sous terre (comme était le premier titre de Carroll) pour
accéder à la surface – une question essentielle au théâtre – arriver à une nouvelle surface des choses : à une
perspective qui soit sur-réelle. Comme, quand on nage, on a accès à un dessus et à un dessous de l’eau. Une
façon pour Alice de partir de la profondeur pour accéder au pays du théâtre. Ce spectacle est le premier épisode
d’un triptyque, les deux autres suivront dans un avenir relativement proche.
Emmanuel Demarcy-Mota