Lucrèce Borgia - Atelier Théâtre Jean Vilar
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Lucrèce Borgia - Atelier Théâtre Jean Vilar
DOSSIER PEDAGOGIQUE Lucrèce Borgia Victor Hugo Distribution Mise en scène : Frédéric Dussenne Avec Valérie Bauchau Rachid Benbouchta Alan Bourgeois François Delcambre Simon Gautiez Pierre Haezaert Philippe Jeusette Juan Martinez Pierre Verplancken Scénographie : Vincent Bresmal Costumes : Lionel Lesire Lumière : Guy Simard Musique : Nicolas Achten Assistants à la mise en scène : Peggy Thomas et Quentin Simon Une coproduction de L!acteur et l!écrit, du manège.mons/Centre Dramatique de l!Atelier Théâtre Jean Vilar, du Festival de Théâtre de Spa. Avec la participation du Centre des Arts Scéniques, du Centre Dramatique d!Arlon et de l!Ecole de la Comédie Saint-Etienne Dates : du 27 janvier au 1er février 2009 Lieu : Théâtre Jean Vilar Durée du spectacle : 1h40 Sans entracte Réservations : 0800/25.325 Contact écoles : Adrienne Gérard - 010/47.07.11 - [email protected] Sources bibliographiques du dossier : Dossier pédagogique du manège.mons/Centre Dramatique, 2008. Préface de Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, Paris, 1979. Jean Gaudon, Victor Hugo et le théâtre. Stratégie et dramaturgie, Editions Suger, 1985. www.encarta.fr - www.a-e.be- www.wikipedia.fr Dictionnaire du Théâtre, Encyclopédie Universalis, Albin Michel, Paris, 2000. Le Théâtre en France, Encyclopédie d!aujourd!hui, La Pochothèque, Armand Colin Editeur, Paris, 1992. I. Victor Hugo (1802 – 1885) Le XIXème, contexte A la suite de la Révolution française, le pouvoir est remis en question par les intellectuels. Durant près d'un siècle, la France essaie de trouver un régime politique stable sans y arriver. La Monarchie et la République s!entremêlent. Faute de mieux, le pays adopte enfin et définitivement la République modérée, mais au prix de quelques révolutions et de beaucoup de divisions. Le XIXème siècle est aussi une époque où l!économie et l!industrie sont en pleine expansion. Le commerce se développe, l!agriculture se modernise, la notion du libre échange voit le jour et le capitalisme moderne fait son apparition ; et ce, pas toujours au profit des plus pauvres… La notion sociale est mise de côté. Un écrivain tel Zola rappellera ainsi dans ses romans la spéculation effrénée et la corruption nées de la flambée boursière, le choc que l'irruption des grands magasins a représenté pour le petit commerce et la dureté des luttes sociales. Napoléon III est le principal acteur de ce siècle. Le régime qu!il met en place est cependant longtemps discrédité, à cause notamment de son caractère autoritaire et répressif. La constitution de 1852 lui laisse un pouvoir personnel absolu, la presse est soumise à une censure rigoureuse, la justice est rendue en son nom. Il est également le dernier chef d'État français à s'arroger le droit de déclarer la guerre seul, ou de conclure les traités de paix ou de commerce. Plusieurs dizaines de députés sont proscrits après le coup d'État de 1851, parmi lesquels Victor Hugo, qui compose alors en exil les Châtiments et Napoléon-le-Petit pour stigmatiser Napoléon III. Des milliers d'opposants sont déportés en Algérie ou en Guyane. La fin de son règne est marquée par la désastreuse guerre franco-prussienne, immédiatement suivie par la guerre civile lors de la Commune de Paris. Ainsi, le mouvement romantique dans lequel s!inscrit Victor Hugo ne peut être analysé indépendamment des bouleversements qui secouent la France et l!Europe depuis 30 ans : tout le monde a vécu et subi la révolution et les guerres de l!Empire ; et aussi l!amertume de la défaite… Chaque couche de la population y a participé et il est dès lors impossible de l!en exclure des représentations artistiques. Victor Hugo « La République est une idée, la République est un principe, la République est un droit. La République est l!incarnation même du progrès ». Victor Hugo Poète, romancier et dramaturge, Victor Hugo est sans conteste un auteur d!une stature incomparable et inégalée. Il naît le 26 février 1802 à Besançon en France. Son père, Léopold Hugo, appartient à une famille d!artisans de Nancy, tandis que sa mère, Sophie Trébuchet, est issue de la bonne bourgeoisie nantaise. Travailleur acharné, l!auteur des Misérables a allié ambition, longévité et génie, ce qui ne pouvait que concourir à ce mélange de fascination et d!irritation qu!il suscite encore aujourd!hui. 2 Entre l!écriture de la célèbre préface de son drame Cromwell en 1827 et le triomphe teinté de scandale d!Hernani sur la scène de la Comédie-Française le 25 février 1830, Victor Hugo s!impose sans appel comme le chef du romantisme. De 1830 à 1840, il publie un grand roman historique, Notre-Dame de Paris (1831) ; des drames, Marion de Lorme (1831), Le Roi s!amuse (1832), Marie Tudor (1833), Lucrèce Borgia (1833), Ruy Blas (1838) ; et surtout quatre recueils de poésies, où il se montre maître dans l!expression lyrique des idées et des sentiments. Il a cinquante ans lorsqu!il prononce le 17 juillet 1851 un réquisitoire qui lui vaut d!être condamné à l!exil. Il a alors le courage d!abandonner sans hésiter une existence confortable au nom de la résistance à la dictature de Napoléon III. Victor Hugo meurt à Paris le 23 mai 1885 à 83 ans. Lorsque le catafalque du poète qui a voulu reposer dans le cercueil des pauvres - est exposé pour une nuit de veillée funèbre sous l!Arc de Triomphe de Paris, plus de deux millions de Parisiens viennent se recueillir et rendre hommage à celui qu!ils jugent être la conscience de leur temps. « Son théâtre relève une certaine forme de tragique dépendant des rapports nouveaux entre l!individu et l!histoire ; il met l!accent sur le concret, il rend au spectacle sa violence tragique et met en question l!ensemble de la scène bourgeoise du XIXème siècle. Il traduit l!impuissance de l!individu à trouver son être propre, à agir sur l!histoire, à dépasser les conflits des générations en rachetant la malédiction du passé. Ce qui paraît capital à Hugo, c!est la justification de l!être maudit, du monstre humain ou social, de l!individu marginal, révolté ou exilé de l!ordre social. » Anne Ubersfeld, Encyclopédie Universalis « Peut-on vraiment discuter l!importance de Victor Hugo, non seulement dans la littérature française, mais aussi dans l!Histoire de la pensée occidentale ? C!est le témoin privilégié d!un temps où on pensait que l!art pouvait exercer une action réelle sur le monde ; où on croyait à un avenir possible de l!Humanité, à une résorption progressive des injustices, à un progrès positif des connaissances… Toute son œuvre est irriguée par une énergie proprement révolutionnaire. Elle témoigne d!une foi inébranlable dans la possibilité du changement. » Frédéric Dussenne 3 II. Lucrèce Borgia L!auteur de ce drame sait combien c!est une grande et sérieuse chose que le théâtre. Il sait que le drame, sans sortir des limites impartiales de l!art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine. Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale du progrès s!entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va soulever le moment d!après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d!attente et de curiosité ; il sent que si son talent n!est rien, il faut que sa probité soit tout ; il s!interroge avec sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre ; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu!il aura enseigné. (dans la Préface de Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, Paris, 1979) Qui est Lucrèce Borgia ? le personnage historique Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d!une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de grandeur royale, qui donne de la saillie au crime ; et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre, mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. (dans la Préface de Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, Paris, 1979) La famille Borgia est originaire de Valence en Espagne. A cette époque, le monde est en pleine effervescence avec notamment la découverte de l!Amérique. Lucrèce Borgia naît à Rome en avril 1480. Elle est la fille naturelle du Pape Alexandre VI et la sœur de César Borgia. La famille Borgia a été mystifiée au point de devenir le symbole de la dépravation, de l!immoralité et de la débauche. Outre les crimes politiques, on accuse les membres de la famille Borgia de s!être livrés à l!inceste, aux meurtres fratricides et à une lutte sanguinaire pour le pouvoir. D!une grande beauté, Lucrèce Borgia est très tôt utilisée par son père et son frère à des fins politiques. Ses multiples mariages et les destinées tragiques de ses époux successifs contribueront à forger son mythe. L!imaginaire collectif la décrit volontiers comme une créature dévergondée et corrompue, impliquée dans d!obscures et sanglantes luttes de pouvoir. Qu!en est-il véritablement ? Elle se marie à 13 ans avec Giovanni Sforza. Le mariage est annulé en 1497 par son père le Pape, pour des raisons diplomatiques, même si officiellement, l!annulation est due à la non-consommation de l!union. Sforza, vexé, est le premier à faire courir le bruit de rapports incestueux entre Lucrèce Borgia, son père et son frère. Cinq ans plus tard, elle se marie une seconde fois, avec Alphonse d!Aragon, assassiné en 1500 par son beau-frère César Borgia puisque, le couple ayant un enfant, l!annulation pour non-consommation n!était plus possible. En 1501, troisième mariage, avec Alphonse 1er d!Este, futur Duc de Ferrare. Elle y devient protectrice des arts et mène une vie pieuse et exemplaire, en opposition totale avec son existence précédente à Rome. Elle meurt à 39 ans d!une septicémie lors d!une énième grossesse. L!ambiguïté du personnage de Lucrèce Borgia est le reflet de l!époque toute aussi ambiguë, complexe et paradoxale de la Renaissance. De par son nom et de par son rang, 4 Lucrèce s!inscrit dans une société où le raffinement n!exclut pas la cruauté, où vie privée et vie publique ne font qu!une, où les domaines du politique et de l!affectif ne cessent de se confondre… Elle appartient à l!une des plus puissantes familles d!Italie. Très vite, d!ailleurs, elle devient l!instrument politique d!un père avide de pouvoir et en perpétuelle rivalité avec les autres dynasties puissantes qui essaiment alors dans la péninsule. La qualifier de criminelle s!avère dès lors hasardeux, pour preuve, son mariage avec l!héritier du Duché d!Este et son installation à la cour de Ferrare marquent le commencement d!une nouvelle vie, loin de la manipulation paternelle et des complots de la cité romaine. Certains biographes actuels la présentent comme la victime d!une époque cruelle pour les femmes. La réputation de Lucrèce Borgia a souffert des agissements de ses proches, mais les historiens s!accordent aujourd!hui à la considérer comme innocente des multiples crimes et méfaits qui lui ont été imputés. L!œuvre Lucrèce Borgia est un drame en trois actes et en prose, représenté pour la première fois en 1833. Le drame fut présenté au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 2 février 1833. (…) L!accueil fut triomphal. Dès le lever du rideau la vue de Venise provoqua des applaudissements. La pièce fut écoutée « dans un silence religieux, interrompu seulement par des tonnerres de bravos frénétiques, sans sifflets, sans huées, sans éclats de rires moqueurs, sans injures (…) » (Le Courrier français, 4 février 1833). (Raymond Pouilliart, Introduction à Lucrèce Borgia, Garnier-Flammarion, Paris, 1979) Victor Hugo a trente ans lorsqu!il écrit Lucrèce Borgia. Quelques années auparavant, il avait jeté les bases d!un genre nouveau, le drame romantique, dans la célèbre préface de Cromwell. Il remet en cause les règles bien établies du théâtre classique, et introduit les thèmes romantiques sur la scène : multiplication des personnages, des lieux, mélange des registres - le vulgaire et le recherché, le sublime et le grotesque. Revers de la médaille : Cromwell, pièce aux 6 000 vers et aux innombrables personnages sera réputée injouable… Lucrèce Borgia est écrite pendant cette première période romantique de Victor Hugo : on y retrouve cette diversité des lieux, de l!espace-temps et des actions, le grotesque et le cynisme dynamisent la pièce. Lucrèce Borgia est représentée 63 fois. Le succès embarrasse une presse hostile à Victor Hugo : il est difficile d!en attaquer sa forme tant la langue est irréprochable. Les critiques portent donc sur son contenu moral. En consultant la liste des personnages, on voit que la distribution ne compte qu!un seul rôle de femme conséquent. On ne peut être plus clair. Lucrèce est une femme seule ; elle est fille, elle est sœur, elle est femme et, surtout, elle est mère. En tant que fille et en tant que soeur, elle est poursuivie par un passé qui la condamne impitoyablement. En tant que femme, elle est soumise à l!ordre masculin et patriarcal. En tant que mère, elle est condamnée au secret. L!enfant pour lequel elle donnerait sa vie et qu!elle cherche à protéger est le fruit de l!inceste. Révéler son identité équivaudrait à une condamnation à mort. Il y a plus. Le masque qu!elle est contrainte de porter va entraîner de cruels quiproquos. Son mari va la croire infidèle. Et son fils, au premier regard, tombera éperdument amoureux d!elle. Que dire de son trouble à elle ? C!est parce qu!elle a un fils qu!elle ne peut se satisfaire d!une vision cynique et désabusée du monde. C!est parce qu!elle est une mère qu!elle a besoin de sens, de justice. Comme tous les parents, elle souhaite pour ses enfants une vie meilleure que la sienne. 5 Même si Victor Hugo diabolise le personnage de Lucrèce Borgia et lui attribue tous les vices, la présentant comme un être sans peur et sans aucune pitié en chasse de pouvoir, la féminité émanant de son personnage reste touchante. La maternité lui donne des circonstances atténuantes… Pour Victor Hugo, l!amour parental peut tenir de valeur de rachat des monstruosités passées. Les personnages Doña Lucrezia Borgia : Lucrèce Borgia, femme de Don Alphonse d!Este, est une femme connue dans toute l!Italie pour sa cruauté. Autour d!elle règne un vent de panique. Elle a commis les crimes les plus horribles : adultère, inceste, meurtres… Un seul homme la fait trembler, Gennaro, son fils, qu!elle a eu avec son frère Jean Borgia, et qu!elle veut à tout prix protéger. Don Alphonse d!Este : Mari de Lucrèce Borgia, Il est éperdument amoureux de sa femme mais aussi terriblement jaloux ; notamment de la relation qu!elle entretient avec ce mystérieux Gennaro. Il va tout faire pour que cet homme disparaisse. Rusé, Don Alphonse d!Este a énormément de pouvoir dans la ville où il règne. Gubetta : Mentor de Lucrèce Borgia qui travaille pour elle depuis 15 ans. Il tente de s!intégrer à la bande d!amis de Gennaro pour connaître tous leurs secrets. Gennaro : Gennaro est soldat. Orphelin, il ne connaît rien de son passé ni de ses racines. Les seules traces qu!il a de sa mère sont ces lettres qu!elle lui fait parvenir régulièrement. Il tombe amoureux de Lucrèce Borgia, sans savoir qu!il s!agit de sa mère. Maffio Orsini, Jeppo Liveretto, Don Apostolo Gazella, Ascanio Petrucci, Oloferno Vitellozzo : Amis de Gennaro travaillant comme soldats pour Venise, ils sont envoyés au duc de Ferrare en ambassade. Chacun d!eux connaît au moins une personne de sa famille qui a cruellement été tuée par Lucrèce Borgia. Rustighello : Messager de Don Alphonse d!Este. Astolfo : Messager de Lucrèce Borgia. La Princesse Negroni : Princesse chez qui a lieu le repas où les amis de Gennaro se rendent le soir de leur arrivée à Ferrare. Un huissier, des moines, Seigneurs, pages, gardes Résumé Italie, XVIème siècle. Lucrèce Borgia, épouse du Duc d!Este, a sur la conscience de nombreux crimes. Mais ce n!est pas cela qui la torture… Elle doit en effet protéger son fils illégitime Gennaro, né d!une relation incestueuse avec son frère Jean Borgia. Lucrèce Borgia et Gennaro se rencontrent au carnaval de Venise. Elle exerce le pouvoir, il vit dans la rue. Elle est sa mère, il ne le sait pas. Pourtant une sorte de passion naît dans le cœur du jeune homme. Un jour, épris de rage, Gennaro arrache le B de Borgia au fronton du palais ducal de Ferrare. Ne connaissant pas l!identité du coupable, Lucrèce fait promettre à son mari qu!il ne 6 laissera pas la vie sauve au responsable de cet outrage. Elle ne sait pas qu!elle signe là l!arrêt de mort de son propre fils… Par une subtile ruse, le Duc d!Este, jaloux de Gennaro qu!il pense être l!amant de Lucrèce, lui fait promettre de ne donner aucune grâce à cet usurpateur qui a sali son nom. Elle parvient pourtant à le sauver. Croyant Gennaro parti loin de la ville, elle se venge auprès de ses amis en les conviant à un repas au cours duquel elle les empoisonne. Mais Gennaro est là et il veut se venger. Il tue Lucrèce avant de lui-même succomber au poison. ACTE 1 - AFFRONT SUR AFFRONT Première partie : Venise. Carnaval. Gennaro et ses amis racontent de nombreuses histoires sur la famille Borgia. Lucrèce rejoint Gubetta, son fidèle qui est parvenu à infiltrer le groupe. Elle veut se retrouver seule avec Gennaro. Don Alphonse, qui l!a suivie, pense qu!il s!agit de son amant. Pendant que Lucrèce et Gennaro discutent, les amis reviennent et dévoilent l!identité de cette femme mystérieusement belle… Deuxième partie : Lucrèce, outragée par cet affront, prévoit avec Gubetta de se venger des amis de Gennaro au cours d!un repas où ils sont conviés, excepté Gennaro. Ce dernier, en colère contre cette femme dont il est tombé amoureux, arrache le B de Borgia sur le mur du Palais. Il est repéré par Don Alphonse et est emmené au palais. ACTE 2 - LE COUPLE Première partie : Don Alphonse prépare sa ruse : il détient Gennaro. Lucrèce lui fait part de sa rage contre l!usurpateur qui a sali son nom et lui fait promettre qu!il le tuera. Lorsqu!elle s!aperçoit qu!il s!agit de Gennaro, elle tente de convaincre Don Alphonse de ne pas le tuer, sans succès. Ce dernier l!empoisonne. Mais Lucrèce parvient à lui faire boire un contre-poison et le contraint à quitter la ville au plus vite. Deuxième partie : Don Alphonse apprend que Lucrèce a sauvé Gennaro. Il veut le tuer jusqu!à ce qu!il se rende compte que ce dernier accompagne finalement ses amis au repas où il est prévu qu!ils soient empoisonnés… ACTE 3 - IVRES MORTS Tous festoient chez la princesse Negroni. Des voix inquiétantes leur parviennent, leurs armes ont disparu et ils sont enfermés : Lucrèce apparaît et leur annonce qu!ils ont été empoisonnés. Mais elle aperçoit Gennaro… Restée seule avec lui, ce dernier la tue par vengeance ; apprenant dans un dernier souffle qu!elle est sa mère. 7 III. Le metteur en scène : Frédéric Dussenne Frédéric Dussenne est acteur, metteur en scène et pédagogue. Il a fondé sa propre compagnie, L!Acteur et L!Ecrit en 1996, après dix ans d!expériences théâtrales au sein du collectif des Ateliers de l!Echange. Cette expérience construit son esthétique sur la confrontation de différentes disciplines artistiques (écriture, peinture, musique, sculpture, jeu, mise en scène…). Il est depuis dix ans professeur au Conservatoire de Mons où il a développé une pédagogie qui tente de se démarquer de la construction psychologique du personnage, au sens stanislavskien du terme, s!appuyant sur les notions de partition, de rôle et de récit. Son travail de metteur en scène alterne le répertoire et la création. Il est particulièrement attentif à l!écriture contemporaine théâtrale ou non. Il a notamment réalisé Oedipe sur la route de Henry Bauchau et Michèle Fabien au Théâtre de Namur (prix de la presse francophone du meilleur metteur en scène en 2000), Combat de nègre et de chiens de Bernard-Marie Koltès à l!Atelier Théâtre Jean Vilar (prix de la presse francophone du meilleur metteur en scène en 2003), Un Pays noyé d!après l!œuvre de Paul Willems, Une Saison en enfer d!Arthur Rimbaud, Le Roi lune et Le Livropathe de Thierry Debroux, Sokott d!Eric Durnez, Elseneur de Clément Laloy... Son travail théâtral intègre régulièrement la musique. Il réalise ainsi les mises en scène de Athalie de Jean Racine/Servaas De Konink à l!Abbaye de Villers-la-Ville, Les Amours de Ragonde de Jean-Joseph Mouret au Printemps Baroque du Sablon, L!Uomo dal Fiore in bocca/Monsieur Choufleuri restera chez lui le... de Luc Brewaeys/Jacques Offenbach à La Monnaie, Un Fil à la Patte de Georges Feydeau/Jacques Offenbach au Rideau de Bruxelles. Sa mise en scène des Géants de la Montagne de Luidgi Pirandello, créée à Mons, représentée à Bruxelles, en Wallonie, en France et à la Settimana Pirandello à Agrigente (Sicile), intégrait un petit opéra a capella de Christine Leboutte sur La Favola del Figlio Gambiatto. Il s!intéresse aussi au nouveau cirque et met en scène le solo de Emmanuel Gaillard, Fond de Tiroir, créé au Théâtre de la Place en novembre 2006. Il a joué de nombreux rôles comme acteur, notamment Le Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce créé au Théâtre de Namur en automne 2006 dans le cadre de l!année Lagarce, repris en tournées et au Festival de Théâtre de Spa. Il est artiste associé au Rideau de Bruxelles. En ce début de saison 2008-2009, vous avez pu voir deux de ses mises en scène : Nuit avec ombres en couleurs au Théâtre de l!Ancre repris début 2009 au Rideau de Bruxelles et, toujours au Rideau, Hamlet(s) à partir d!une nouvelle traduction du grand poète belge William Cliff, un projet auquel Frédéric Dussenne tenait depuis longtemps. Note d!intention L!œuvre entière de Hugo est traversée par l!énergie révolutionnaire. Elle témoigne d!un temps où on pensait que l!art pouvait changer la vie et la société. C!est pour cela qu!il faut la faire entendre à l!heure où les dirigeants politiques, économiques et médiatiques de la planète s!efforcent par tous les moyens de réduire l!humanité à l!impuissance, à la passivité et au cynisme fataliste du constat. Lucrèce Borgia n!est pas une pièce historique. C!est un théorème, au sens pasolinien. Hugo y expose l!impasse de l!immobilisme politique et social et de la soumission du faible au fort. Lucrèce et Gennaro ne sont pas du même monde : elle exerce le pouvoir, il aspire à la révolution. Elle est fille, elle est sœur, elle est 8 mère. Elle est femme, confrontée à une meute d!hommes. Il est un enfant du drapeau qui ne connaît pas sa famille. Un déraciné en quête d!identité. Un enfant qui veut un avenir. La raison devrait les réunir, la tragédie va les déchirer. Quand l!acteur s!avance au proscénium, il faut qu!il nous parle frontalement. Que les mots anciens qu!il prononce résonnent au cœur de nos préoccupations contemporaines. La domination des nantis s!étale aujourd!hui avec une arrogance qui n!a rien à envier à celle des Borgia ou de Charles X. Cette bande de jeunes gens révoltés qui arrachent le « B » de Borgia au fronton du palais ducal de Ferrare ne ressemblent pas seulement aux ouvriers typographes insurgés qui, en 1830, défilaient dans les rues de Paris au cri de « Vive la république ! » en réclamant la liberté de la presse. Elle nous renvoie aussi à l!image de ces enfants humiliés qui incendient des voitures dans les banlieues abandonnées des cités européennes. Que dire, enfin, de cette femme muselée par le secret ; écrasée sous le joug séculaire du pouvoir patriarcal ? Le temps passe, l!oppression demeure. Le vingtième siècle a célébré la fin de la tragédie. Il l!a enterrée avec pertes et profits au nom de la « mort de dieu ». Le théâtre s!en trouve souvent réduit à un journalisme de constat ou à une ironie de petit malin. Mais l!enjeu tragique, ce n!est pas Dieu, c!est le sacré. C!est-à-dire les valeurs par lesquelles l!humanité réinvente elle-même son projet à chaque moment de son histoire. Frédéric Dussenne 9
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Henry Bauchau (avant la parution d’Œdipe sur la route)