Photochimique et analogique - Rencontres Cinématographiques de

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Photochimique et analogique - Rencontres Cinématographiques de
Rencontres Cinématographiques de Beaune
Samedi 22 octobre, 14h30-17h
De l’univers photochimique et analogique à l’ère numérique
Note préparatoire réalisée par le Service Etudes de l’ARP, en collaboration avec le groupe
Thomson pour la dimension technologique. Nous remercions tout particulièrement M. Kumar
Ramaswamy, Directeur Général des Corporate Research Laboratories de Thomson.
Après un siècle de relative stabilité technologique, l’industrie cinématographique
mondiale connaît actuellement une des plus impressionnantes mutations de son histoire : les
technologies numériques s’intègrent désormais à toutes les étapes de la chaîne
cinématographiques, du tournage à la diffusion sur internet en passant par la post-production,
la salle de cinéma, le DVD, la télévision et le téléphone. Les structures de coûts et la
flexibilité promises par ces technologies bousculent le traitement de nombre d’aspects de la
post-production et de la distribution de contenus cinématographiques.
Ces changements sont essentiellement motivés par des critères économiques et
l’augmentation des modes de diffusion des œuvres cinématographiques car grâce aux
équipements électroniques et à la gestion des flux en numérique, les processus de capture
d’images, de stockage, de traitement et de diffusion s’avèrent moins coûteux et plus flexibles,
poussant la convergence vers le tout numérique.
Mais la disponibilité des contenus dans les différents formats numériques pose de nouveaux
défis, notamment en termes de sécurité, de prévention du piratage et d’économie de
l’ensemble de la filière cinématographique.
Le numérique c’est :
-
la transformation d’images et de son en données binaires (des 0 et des 1), la
compression de ces données, leur codage, leur transport, leur décodage
-
la multiplication du nombre de modes de diffusion des films (vidéo à la demande,
télévision sur le câble, l’ADSL, le téléphone, …)
-
l’amélioration croissante de la qualité (télévision haute définition, dvd HD)
-
la substitution technologique (du photochimique au numérique pour la prise de
vue, la diffusion en salle,..)
-
l’arrivée de nouveaux acteurs économiques dans notre filière (les entreprises
d’électronique et d’informatique, les opérateurs de télécommunications)
1
I) La filière cinématographique
A) Prise de vue et post-production
1) Prise de vue
La prise de vue est longtemps restée majoritairement argentique mais la haute définition et
l’innovation en matière de prise de vue, notamment l’arrivée des caméras capables de
délivrer des données non compressées (2K et 4K) viennent remettre en cause les
comparaisons entre le 35mm et le numérique.
Par ailleurs, les avantages du tournage en numérique se multiplient, le principal étant
d'unifier la chaîne de production du film. Cette dernière permet de disposer d'une image
d'origine sous forme numérique et de bénéficier par la suite des possibilités infinies de
réglages offertes par l'étalonnage numérique sans avoir besoin de scanner entièrement le film,
comme cela avait été le cas pour le Pacte des Loups et Le fabuleux destin d’Amélie Poulain.
La captation de l’image en numérique permet en outre de multiplier les prises de vues
éventuellement de filmer plus longtemps, sans coupure et surtout sans risque de coût
supplémentaire important. Dès lors, toutes les expérimentations deviennent possibles :
lumière, cadre, jeu d’acteur.
Le numérique en prise de vues doit se voir comme un outil supplémentaire. Lorsque les
valeurs d’usage d’une nouvelle technologie surpassent la technologie plus ancienne, le
remplacement se fait. Les points techniques qui handicapaient les caméras numériques HD
ou Data non-compressée, comme la dynamique, les capacités de stockage, s’effacent. Il suffit
que quelques figures emblématiques de la profession s’emparent de ces nouveaux outils pour
que leur acceptation se fasse plus naturellement, et justement cette étape est train d’être
franchie.
2) Post-production
Le processus de numérisation est l’étape la plus importante du transfert du
contenu original vers le domaine numérique. Cette étape est limitée par le débit de la bande
passante que l'infrastructure de post-production est en mesure de gérer. En général, la limite
se situe aux alentours d'une résolution sur 10 à 12 bits. Toutefois, rien n'exclut la possibilité
d'une future numérisation sur 16 bits, qui autoriserait une correction numérique du processus
de capture bien plus poussée. Le traitement des copies intermédiaires numériques implique les
étapes liées à la correction chromatique, à l'élimination des rayures de surface, à l'ajout
éventuel d'incrustations numériques ou encore aux traitements numériques visant à satisfaire
les exigences d'homogénéité et de créativité imposées par le créateur du contenu. Une
matrice numérique d’une qualité satisfaisante devient alors disponible pour une
diffusion en cinéma numérique et pour un « internégatif » destiné à la duplication
commerciale.
La matrice numérique est ensuite exploitée sur différentes étapes, pour les
conversions de format adaptés vers les différentes plates-formes, notamment les DVD, la
télévision, le cinéma numérique, et autre. Chacune de ses étapes peut entraîner un traitement
spécifique du signal pour s’adapter aux différentes contraintes des supports de distribution.
2
Le vrai défi consiste à respecter l'intention créatrice, quelque que soit le format support de
distribution. La copie numérique du master peut également être archivée dans une chambre
forte numérique.
La création et la gestion des informations doivent permettre de défaire n'importe quelle phase
de traitement engagée, sans déperdition des données. Ainsi, un contenu peut être manipulé
selon une série d'étapes réversibles, ce qui est difficilement réalisable en analogique.
La post-production numérique semble aujourd'hui s’implanter dans l'industrie du film.
Cependant, au fur et à mesure que de nouveaux formats de distribution apparaissent, les
questions technologiques nouvelles apparaissent. L'homogénéité des normes, les mécanismes
de sécurité, ou encore le respect des intentions du créateur, notamment en termes de couleurs
et d'atmosphère, restent des problématiques constantes.
B) Le cinéma numérique en salles, c’est parti
Même si un certain nombre d’expérimentations du cinéma numérique se développent
ponctuellement en Europe (Angleterre, Irlande) et dans des pays émergents d’un point de vue
de l’exploitation cinématographique, le feu vert de l’équipement massif des salles a sans
doute été donné cet été sur le marché dominant du cinéma, les Etats-Unis.
En effet, en juillet 2005, suite aux discussions entre la DCI (Digital Cinema Initiative, une
joint-venture composé des six majors américaines (Sony, Paramount, Disney, Universal, 20th
Century Fox, Warner Bros.) et le NATO (National Association of Theatre Owners), ont été
rendues publiques les recommandations techniques pour le format d’échange de copies
numériques pour les salles de cinéma aux Etats-Unis.
Ces discussions ont porté sur quatre sujets :
-
-
-
Les spécifications techniques : l’interopérabilité, le contrôle par l’exploitant,
l’unicité des standards, le cryptage et les clefs de sécurité
Le niveau de qualité en terme de colorimétrie de contraste, de résolution : il
semble que l’on se dirige vers le 2 K qui égale les qualités du 35 mm (cette norme
convergera sans aucun doute avec les travaux réalisés en France par la CST puis se
traduira au niveau international ISO)
Le modèle économique : pendant une période transitoire de cinq ans, afin de
permettre l’équipement des salles de cinéma, une entité nouvellement créée
finance l’achat des projecteurs des salles de cinéma, les studios transfèrent auprès
de cette entité les gains réalisés en terme de tirage de copies.
La gestion de la transition : à l’occasion du congrès des exploitants qui s’est
déroulé à Deauville en septembre 2005, le président du NATO, John Fitian, a
annoncé la création d’un marché pilote en 2006 afin de tester en grandeur nature
l’ensemble des problèmes techniques (fiabilité, modes de transmission, ..) et de
trancher le débat 2K / 4K. A partir de 2007 la transition vers le numérique
s’effectuera zone géographique par zone géographique afin de ne pas créer de
distorsions de concurrence.
Le film sera transféré vers la salle, soit au moyen d'un support physique (tel qu’un disque
dur), soit via une liaison électronique (telle qu'une connexion satellite ou à large bande). Dans
ce cas, il sera diffusé à partir d’un serveur sur le mode d’un flux numérique, puis projeté par
3
différents biais numériques. A l'inverse d'un film physique 35 mm traditionnel, les salles de
cinéma numériques vont offrir aux détenteurs de contenus une flexibilité inédite pour la
distribution (y compris en termes de gestion des droits) et des économies de coût
produites par un support réutilisable. Par définition, ce mode d'exploitation supprime tout
risque de dégradation de la qualité jusqu’ici affectée par des utilisations répétées.
La numérisation de la projection présente un double avantage : pour le spectateur, la
possibilité de voir un film d’une fidélité parfaite, sans la moindre altération depuis le
tournage jusqu’à la salle, et pour l’industrie cinématographique, la réalisation
d’économies d’échelle.
C) Les autres modes de diffusion des œuvres cinématographiques.
La multiplication des modes de diffusion de contenus associée à l’amélioration de leur
qualité portée par les nouveaux appareils électroniques (home cinéma, écrans plats
aujourd’hui, home media center dans le futur) va sans doute bouleverser dans les années à
venir les comportements des ménages.
1) Vidéo : du DVD à la vidéo à la demande ?
Le contenu vidéo destiné à l’espace familial est distribué aujourd’hui principalement
sous forme de DVD. Cette tendance va se poursuivre au moins jusqu'à la fin de cette
décennie, en attendant sans doute le déploiement de mécanismes de distribution électroniques
complètement fiables.
Le DVD qui occupe une part croissante dans les recettes des producteurs de films va
connaître en 2006 une amélioration qualitative importante du fait de l’apparition d’une
nouvelle génération de DVD. Malheureusement cette évolution ne se fera pas dans le calme
puisque la bataille pour la création d’un nouveau standard, entre les défenseurs du BluRay (menés par Sony) et ceux du DVD-HD (menés par Toshiba), semble être parvenue à
son épilogue en août 2005. Les deux principaux consortiums ont en effet pris acte de
l’impossibilité de s’entendre sur un standard commun et ont décidé de commercialiser leur
modèle propre, chacun de leur côté. Comme cela s’est produit avec les DVD gravables
(DVD+R, DVD-R), des lecteurs multi-standards devraient faire leur apparition, mais certains
craignent malgré tout un manque de lisibilité pour le consommateur et un frein à la
croissance.1
La vidéo à la demande (VoD): elle constitue désormais une réalité en France avec le
lancement des offres de Canal + en octobre 2005, qui seront suivies dans les semaines à venir
par le lancement d’une offre TF1 puis par la montée en puissance des offres développées par
les opérateurs de télécommunications (MaligneTV et Wanadoo pour France Télécom, Free,
Club Internet, …). Elle permet aux foyers équipés en haut débit de disposer d’une offre de
films qui ne connaît pas de limite physique et d’une qualité équivalente au DVD, sur
l’ordinateur ou sur le poste de télévision.
Cette distribution se fait par le biais des différents réseaux à large bande et implique le recours
à des agrégateurs de contenus ou des prestataires de réseaux qui fourniront un service
d'agrégation. On peut raisonnablement imaginer que des détenteurs de contenus voudront
1
Christophe GUILLEMIN, « DVD haute définition: pas de format unique pour les premiers équipements »,
ZDNET France, 23 août 2005
4
distribuer directement leurs produits auprès du grand public par l'Internet à haut débit. Ils
devront avant tout résoudre les questions classiques liées à ce type de distribution, notamment
la sécurité des contenus et la gestion des droits. Ils devront ensuite faire face aux problèmes
liés à la bande passante des réseaux et aux coûts de mise à disposition, comparés à ceux de la
livraison d'un support physique (surtout dans le cas de supports optiques, particulièrement
efficaces). Mais ces tendances vont aller en s'accélérant au fur et à mesure que le grand
public disposera de connexions à très haut débit.
2) La télévision de demain
En matière de télévision, l’univers de la rareté que constituait la diffusion de chaînes
de télévision sur des fréquences hertziennes analogiques est désormais derrière nous. Après le
déploiement du câble et du satellite qui ont multiplié le nombre de chaînes de télévision c’est
au tour de l’ADSL de devenir un réseau supplémentaire de diffusion. A ce changement
quantitatif s’ajoute une révolution qualitative. En effet, la télévision numérique terrestre
(TNT) comme l’ADSL permettent désormais la diffusion de programmes (films, événements
sportifs) en haute définition. La télévision haute définition (TVHD) est un standard de
diffusion (norme de compression numérique MPEG 4) destiné à remplacer les standards
analogiques actuels, tels que NTSC (aux Etats-Unis) ou PAL (en Europe). Il permet un bond
qualitatif important, dont on estime que, pour le spectateur, il est comparable au passage de
la télévision noir et blanc à la télévision couleur.
3) Le téléphone et les nouveaux équipements
L’arrivée des téléphones mobiles de 3e génération (UMTS, Edge) supportant de
hauts débits a permis l’éclosion d’un nouveau marché de télévision mobile. Encore
balbutiante en Europe (en France2, les opérateurs proposent depuis fin 2004 des forfaits à
quelques milliers d’abonnés, mais prévoient un accroissement important en 2006), la
télévision sur mobile s’est développée surtout aux Etats-Unis et au Japon3. Elle se base sur
différentes technologies selon les continents (CDMA2000 aux Etats-Unis, DVB-H en Europe)
et propose des programmes en VOD, généralement des informations ou des programmes
courts (la FOX a même adapté sa série 24h en épisodes de 2 minutes 30 pour la télévision
mobile).
Des appareils hybrides sont également en train de faire leur apparition sur le marché. A la fois
téléphones portables, consoles de jeux, PDA, baladeurs MP3, ces appareils consacrent la
convergence des medias et le nomadisme comme mode de consommation. Sony et sa console
portable PSP (capable de lire des mini-DVD avec un format propre, l’UMD) s’inscrit dans
cette évolution.
2
Catherine MAUSSION, « La télé incruste le mobile », Libération 26-09-05
Jérôme BOUTEILLER, « Etats-Unis, Coréen, Japon : pionniers en télévision mobile », Les nouveaux dossiers
de l’audiovisuel, Avril-Mai 2005, n°4
3
5
II) Révolution numérique et piratage : un paradoxe
A) Risques et opportunités de la révolution numérique
La multiplication des moyens de distribution numérique va entraîner des changements
radicaux au niveau de l’économie de la production cinématographique. La rentabilisation des
équipements informatiques et de traitement numérique va, à terme, faire chuter les coûts
techniques de la production même si cette baisse va être en partie compensée par l’inflation de
la demande en matière d’effets spéciaux et de post-production. De même, la multiplication
des modes de diffusion des œuvres cinématographiques s’effectue dans une nouvelle
économie de structure de coûts.
Mais dans le même temps, le piratage met à mal la possibilité pour l’ensemble des modes
d’exploitation des œuvres cinématographiques de s’organiser dans le temps et dans
l’espace réduisant ainsi le potentiel de la révolution numérique. En effet, la révolution
technologique actuelle modifie profondément la donne en matière de lutte contre le piratage et
ce pour deux raisons simples :
-
le numérique fait que chaque copie "d'origine" est de qualité parfaite et ne
subit aucune des dégradations liées à des générations de copies successives
le développement des réseaux internet haut débit permet aux internautes de
s’échanger illégalement des fichiers (peer to peer). L’augmentation du débit
accompagne l’augmentation de la rapidité et de la qualité de ces fichiers.
La sécurisation des accès aux contenus est donc devenue un enjeu majeur tant pour les
producteurs de contenus que pour les diffuseurs, et l’ensemble des acteurs s’accordent à
penser que le seul moyen efficace de contrecarrer le pirate, qu’il soit professionnel ou
amateur, consiste à combiner réglementation, technologie et modifications du modèle qui
régit la distribution. Si la réduction des calendriers de sortie constitue pour certains une
parade efficace, en autorisant les détenteurs de contenus à diffuser leurs produits dans tous les
formats et dans le monde entier, il n'en demeure pas moins que, potentiellement, cette tactique
réduit tout autant les multiples opportunités commerciales qu'autorise le modèle actuel et
rompt la dynamique existant entre les détenteurs de contenus et les prestataires de
services de différents écosystèmes.
La protection des contenus est aujourd’hui la condition préalable à un développement
sain des nouveaux modes de diffusion numérique. Le vrai défi, dès lors, sera la répartition
des différents revenus le long de la chaîne de valeur alors que les contenus vont devenir
disponibles sur une variété croissante d'équipements grand public.
Avec l’explosion des fenêtres de diffusions et les nouveaux comportements qu’ils induisent
(mobilité, piratage), ce n’est pas seulement la filière cinématographique qui risque d’être
profondément remodelée, mais l’ensemble des industries audiovisuelles, électroniques, de
télécommunications et de loisirs. Les possibilités d’exploitations des biens culturels, et
notamment des films, pourraient être largement augmentées, avec à la clé des retombées
positives pour tous ces secteurs d’activité, mais également des risques nouveaux, appelant de
nouvelles régulations.
6
B) La sécurisation et la traçabilité le long de la filière numérique :
Le piratage des contenus peut intervenir à n’importe quelle étape de la chaîne de
production et de distribution. Bien sûr, plus le piratage intervient en amont de cette chaîne,
plus les conséquences sont lourdes pour le détenteur de contenus. Dans l'environnement de la
post-production, le recours croissant à des sites distants pour les différentes étapes de
traitement implique que la sécurité des contenus soit un critère essentiel sur ces réseaux
étendus.
La mise en œuvre de techniques de tatouage numérique à chaque étape du processus
permet au détenteur de contenus de détecter l'emplacement exact de fuites liées au piratage au
sein du processus. Dans le cadre de la prévention des vols et de la détection des actes de
piratage, des techniques destinées à enrayer l'utilisation de caméscopes, à la fois dans les
salles de cinéma analogiques et numériques, sont à différents stades de maturité.
Les solutions techniques peuvent se décomposer en deux parties : les mesures techniques
de protection (MTP) qui visent à protéger de la copie, et les Digital Right Management
(DRM), qui contrôlent l’accès aux œuvres.
Les mesures techniques de protection consistent à chiffrer les contenus à l’aide
d’algorithmes de cryptage et de clés secrètes et/ou publiques. Elles se basent essentiellement
sur 4 techniques4 :
-
-
Le chiffrement du contenu, à l’aide d’une clé (cryptage)
Le tatouage d’image (ou watermark), permet de cacher au sein de l’image les
informations de contrôle de copie. Ces informations peuvent ensuite permettre le
traçage des copies et ainsi remonter à la source du piratage.
Les mécanismes de révocation, permettent d’empêcher la lecture sur des
appareils piratés.
Les règles de conformité permettent d’imposer le respect de certaines contraintes,
comme par exemple l’impossibilité de lire un contenu non tatoué.
Le DRM est un procédé technique « embarqué » dans un support numérique contenant
un produit culturel (un DVD, un CD…), qui en régule les droits d’accès, de lecture, de
copie, selon une licence établie au préalable. Concrètement, le DRM est un instrument
destiné à limiter l’utilisation des œuvres aux seules actions autorisées par la loi (comme la
copie privée par exemple). Il dépasse donc les simples mesures anti-copie ou de traçage, et
permet un réglage fin des comportements des consommateurs vis-à-vis des œuvres.
Chaque œuvre diffusée en numérique devrait être protégée par un système DRM dans le
futur. Ce marché est donc amené à se développer, mais il est pour l’instant freiné par le
manque d’interopérabilité entre les systèmes, autrement dit par l’incapacité des différents
systèmes à communiquer entre eux. En effet, plusieurs constructeurs se sont lancés sur ce
marché et proposent des solutions de DRM souvent associées à un seul format, et parfois
même un seul lecteur5. Par exemple, le DRM de Microsoft associé à son format propriétaire
4
Eric DIEHL, « La protection de copie des contenus haute définition », REE, Septembre 2005
Laurent MICHAUD, Mathieu MASSOT, Alain PUISSOCHET, « DRM et distribution dématérialisée de
contenus », IDATE, édition 2005
5
7
WMA (Windows Media Audio), n’est pas compatible avec celui d’Apple (FairPlay associé au
format AAC), ni avec celui de Sony (OpenMG X) ou de RealNetworks (Helix), pour citer les
principales offres de DRM sur le marché.
Si dans le futur aucun constructeur ne parvient à imposer son système, on risque d’aboutir à
un marché extrêmement fragmenté. Or on sait d’expérience que les consommateurs n’aiment
pas êtres captifs, surtout si par ailleurs existe une offre gratuite, illimitée, et ne posant pas de
problème de compatibilité (c’est ce qui a permis l’explosion du MP3 et du Divx).
C) L’expérience française de lutte contre les échanges illégaux de fichier sur internet
Partant du diagnostic partagé suivant lequel la lutte contre l’échange de fichiers
illégaux sur internet est un phénomène de masse difficile à juguler par les seules réponses
techniques ou juridiques, les responsables français de la filière cinématographique et les
fournisseurs d’accès internet tentent de développer un modèle original, la riposte graduée. La
vocation de la riposte graduée contractuelle est essentiellement de prévenir et sensibiliser
l’abonné de façon croissante en trois étapes :
1- courrier électronique,
Les FAI acceptent de répercuter par courriel à leurs abonnés des messages
d’avertissement (sans autre conséquence) relayant les constatations par un agent assermenté
de la matérialité de faits de contrefaçon, et/ou de faits constitutifs de la nouvelle faute ou
incrimination dont la définition est envisagée plus loin dans ce document. L’utilisation d’une
technologie d’empreinte numérique anonymisée doit permettre à un organisme habilité par la
loi (art 9.4 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa rédaction de 2004) de comptabiliser le nombre
d’incidents de ce type qui se produit sur le compte d’un même abonné.
2- courrier recommandé,
L’envoi à un stade suivant d’un courrier recommandé avec accusé de réception
d’avertissement peut être techniquement réalisé. L’autorisation de la CNIL est nécessaire pour
le traitement des données concernées.
3- sanctions financières.
Au delà d’une série d’avertissements sans autre conséquence, par exemple à la suite de
l’envoi du 3ème avertissement, une sanction pécuniaire forfaitaire serait encourue par
l’abonné.
La mise en place de cette riposte graduée est complexe sur le plan technique, juridique et sans
doute législatif. Elle doit être construite par la filière cinématographique et les fournisseurs
d’accès à Internet à l’aune de deux critères, l’efficience et le maintien du niveau de protection
actuel de la propriété littéraire et artistique.
CONCLUSION
Une rupture technologique qui modifie les frontières d’un secteur d’activité, fait apparaître de
nouvelles menaces et constitue dans le même temps une extraordinaire opportunité, quoi de
plus naturel !
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