john cassavetes - Splendor Films

Transcription

john cassavetes - Splendor Films
DOSSIER DE PRESSE
Gena
ROWLANDS
SYNOPSIS
John
CASSAVETES
LOVE
STREAMS
UN FILM DE JOHN
En amour, Sarah est passionnée, jalouse et possessive. Se sentant trahie par son mari et
sa fille, elle débarque chez Robert, riche écrivain accro à la débauche, alors que le fils
de ce dernier vient de lui être confié. Dès qu’il la reconnaît, il se jette dans ses bras. Leur
amour mutuel réussira-t-il à les apaiser ?
CASSAVETES
LE 1ER FÉVRIER AU CINÉMA
Distribution :
SPLENDOR FILMS
2 boulevard Saint-Denis 75010 Paris
Tél. : 09 81 09 83 55
[email protected]
Relations presse :
SF EVENTS
Tél. : 07 60 29 18 10
[email protected]
RÉCOMPENSES
1984 – Ours d’Or, Festival de Berlin
« D
e tous les auteurs, quel est celui avec lequel vous avez eu le plus de plaisir à
travailler ?
Cassavetes. Il donnait tout au cinéma. Il a tourné le film (Love Streams) dans sa propre
maison, à Los Angeles. Mais il détestait Hollywood et a monté le film à New York. Il m’a
appelé pour me dire que le montage était fini, j’ai pris l’avion. Le film faisait deux heures et
quart. Je lui ai demandé de couper un quart d’heure. Il m’a dit de revenir une semaine plus
tard. Et quand je suis revenu, le film faisait trois heures. Je lui ai demandé s’il était fou. »
Menahem Golan, producteur du film
« L'Amour est une chimère de petite fille. »
JOHN CASSAVETES (1929 – 1989)
Né le 29 décembre 1929 à New York, John Cassavetes est un acteur et réalisateur américain,
représentant d’un cinéma indépendant libre dans ses thématiques et affranchis des
contraintes économiques des studios.
Sa carrière d’acteur sert ses projets de réalisateurs (il tient des rôles notamment pour la
télévision, puis dans des films de Don Siegel, Henry Hataway, Martin Ritt, Robert Aldrich,
Roman Polanski, Larry Pierce…), puisqu’elle lui permet de financer ses films, tournés avec
des proches que ce soit naturellement sa femme Gena Rowlands, qu’il rencontre en 1954
sur les planches, sa troupe d’acteurs (Peter Falk, Ben Gazzara, Seymour Cassel) et ses
techniciens (Al Ruban).
En 1959, il réalise Shadows, dans un New York filmé de façon quasi documentaire avec une
caméra à l’épaule. Le film remporte le Prix de la critique au Festival de Venise.
Il se sert de son expérience théâtrale pour affiner son style cinématographique à partir de
Faces (après la double expérience douloureuse de ses productions pour la Paramount – Too
late blues et pour la United Artist pour Un enfant attend sous la houlette d’un Stanley Kramer
qui lui refuse le final cut) qui place l’acteur au centre de son dispositif cinématographique.
Faces (1968) est un véritable retour aux sources, le réalisateur revenant au style de
Shadows. Le film nous raconte l’histoire d’un couple d’âge mûr sur la dérive ayant des
aventures extraconjugales. Le jeu d’acteur est un pilier du film et le tournage prendra six
mois. Salué par la critique, le film remportera trois nominations aux Oscars et permettra à
John Marley de décrocher le prix d’interprétation au Festival de Venise.
Peter Falk et Ben Gazzara se rencontrent sur Husbands en 1970. Au cours de cette décennie,
Gena Rowlands va interpréter ses trois rôles majeurs dans Une Femme sous influence
(1974), Opening night (1977) et Gloria (1980). Ces films lui permettront de remporter de
nombreux prix et nominations dont l’Ours d’Argent de la meilleure actrice pour Opening
Night au Festival de Berlin en 1978. Gloria, quand à lui, remporta le Lion d’Or à la Mostra
de Venise en 1980. Au milieu de ces films, Cassavetes mettra en scène Ben Gazzara dans
Meurtre d’un bookmaker chinois (1976).
Au début des années 1980, John Cassavetes revient au théâtre en tant qu’acteur et metteur
en scène. Il dirigera notamment son fils Nick Cassavetes dans East/West Games. En 1984,
il fera un retour au cinéma avec son ultime chef d’œuvre, Love Streams puis réalisera en
1985 son dernier film à la demande de Peter Falk, Big Trouble.
FILMOGRAPHIE EN TANT QUE RÉALISATEUR
1959 – Shadows
1961 – La Ballade des sans-espoirs
1963 – Un Enfant attend
1968 – Faces
1970 – Husbands
1971 – Ainsi va l’amour (Minnie and Moskowitz)
1974 – Une femme sous influence
1976 – Meurtre d’un bookmaker chinois
1977 – Opening Night
1980 – Gloria
1984 – Love Streams (Torrents d’amour)
1986 – Big Trouble
FILMOGRAPHIE EN TANT QU’ACTEUR
1951 – Quatorze heures de Henry Hathaway avec Richard Basehart
1956 – Face au crime de Don Siegel avec Mark Rydell
1964 – A bout portant (The Killers) de Don Siegel avec Lee Marvin
1967 – Les Douze Salopards de Robert Aldrich avec Lee Marvin
1968 – Rosemary’s Baby de Roman Polanski avec Mia Farrow
1969 – Rome contre Chicago (Roma come Chicago) d’Alberto De Martino
1970 – Husbands avec Ben Gazzara, Peter Falk
1971 – Ainsi va l’amour (Minnie and Moskowitz) avec Seymour Cassel
1975 – Capone de Steve Carver avec Ben Gazzara, Harry Guardino
1978 – Furie (The Fury) de Brian De Palma avec Kirk Douglas
1978 – Opening Night avec Ben Gazzara, Gena Rowlands
1982 – Tempête (Tempest) de Paul Mazursky avec Raul Julia
1984 – Love Streams avec Gena Rowlands
est un torrent. Il est continu.
« - IlL'Amour
ne s'arrête pas.
- Oh si. Il s'arrête.
- Oh non. Il ne s'arrête pas. »
GENA ROWLANDS (1930)
Gena Rowlands débute sa carrière d’actrice sur les planches et à la télévision dans les
années 50 (Top secret, Robert Montgomery présents, Johnny Staccato, Alfred Hitchcock
présents).
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE
1958 – L’amour coûte cher (High cost of Loving) de José Ferrer
1959 – Shadows de John Cassavetes
1962 – Seuls sont les indomptés (Lonely Are the Brave) de David Miller
Muse de John Cassavetes qu’elle rencontre en 1954, elle tournera avec lui sept films et
deviendra un des couples cinématographiques les plus mythiques de l’histoire du cinéma.
1962 – L’Homme de Bornéo (The Spiral Road) de Robert Mulligan
Si elle n’est que figurante dans Shadows, Cassavetes lui offrira ses plus importants rôles
dans Une femme sous influence et Opening night.
1967 – Tony Rome est dangereux (Tony Rome) de Gordon Douglas
Lors de sa carrière, elle tourne avec Robert Mulligan, William Friedkin, Woody Allen, Paul
Schrader, Paul Mazursky, Jim Jarmusch… qui ont en commun une certaine indépendance
du système hollywoodien.
Après le décès de son mari en 1989, elle tourne sous la direction de son fils Nick ou de sa
fille Zoe, perpétuant ainsi le tournage en famille cher à John.
Elle reçoit un Oscar d’honneur en 2015.
1963 – Un enfant attend (A child is wainting) de John Cassavetes
1968 – Faces de John Cassavetes
1968 – Les Intouchables (Gli Intoccabili) de Giuliano Montaldo
1971 – Ainsi va l’amour (Minnie and Moskowitz) de John Cassavetes
1974 – Une femme sous influence (A woman under the influence) de John Cassavetes
1976 – Un tueur dans la foule (Two-minute warning) de Larry Peerce
1977 – Opening Night de John Cassavetes
1978 – Têtes vides cherchent coffres pleins (The Brink’s Job) de William Friedkin
1980 – Gloria de John Cassavetes
1982 – Tempête (Tempest) de Paul Mazursky
1984 – Love Streams de John Cassavetes
1987 – Light of Day de Paul Schrader
1988 – Une autre femme (Another woman) de Woody Allen
1991 – Ce cher intrus (Once around) de Lasse Hallström
1991 – Night on Earth de Jim Jarmusch
1995 – Amour et Mensonges (Something to talk about) de Lasse Hallström
1995 – The Neon Bible de Terence Davies
1996 – Décroche les étoiles (Unhook the Stars) de Nick Cassavetes
1997 – She’s so Lovely de Nick Cassavetes
1998 – Ainsi va la vie (Hope Floats) de Forest Whitaker
1998 – Les Puissants (The Mighty) de Peter Chelsom
2004 – N’oublie jamais (The Notebook) de Nick Cassavetes
2005 – Paris, je t’aime (segment 6ème arrondissement, Quartier Latin)
2007 – Persepolis de Marjane Satrapi (voix anglaises)
2011 – Olive de Patrick Gilles et Hooman Khalili
2012 – Yellow Mimi de Nick Cassavetes
2014 – Six Dance Lessons in Six Weeks d’Arthe Allan Seidelman
INTERVIEW DE JOHN CASSAVETES
Vous jouez dans Love Streams alors que ce n’était pas prévu...
Quelques semaines avant le début du tournage, Jon Voight qui, comme Gena Rowlands,
devait reprendre son rôle du théâtre à l’écran, m’a annoncé vouloir réaliser lui-même le film.
J’ai alors été obligé de l’évincer et je me suis retrouvé contraint d’incarner le personnage
de Robert Harmon. J’ai repris ce rôle, mais à contre-cœur. Ç’a été très délicat. J’en ai voulu
à Jon de nous avoir abandonnés. Du coup, il y a eu de nombreux changements. Je n’ai ni
la personnalité de Jon, ni son tempérament. Et je ne parle même pas de la ressemblance
physique qui existe entre lui et Gena. Ils sont blonds tous les deux ; et ils donnent vraiment
l’impression d’avoir un air de famille. Parce que Jon et moi n’avons rien en commun, j’ai dû
tout changer. Primo, je n’ai rien d’un séducteur – j’étais donc paumé. Incarner un séducteur,
c’était taillé sur mesure pour Voight, mais moi, j’ai tout sauf le physique de James Bond,
alors que le personnage de Robert Harmon vit entouré de filles. Je me trouvais bien trop
vieux pour le rôle et je trouvais ça déplacé. Jon l’avait interprété de manière hilarante au
théâtre. Il était vraiment formidable. J’aurais adoré pouvoir marcher sur ses traces car je
préfère nettement son interprétation à la mienne. Mais j’en étais incapable. Il fallait que je
m’y prenne différemment. Je me suis donc plongé dans le scénario, il fallait que je découvre
la nature de ces deux personnages, frère et sœur, leur essence : leurs types d’existence,
leurs échecs, leurs mystères, le grand vide qui les entourait.
Comment définiriez-vous Sarah, jouée par Gena Rowlands, la sœur de Robert Harmon ?
C’est comme si Sarah et Robert rêvaient l’un de l’autre ! Robert voit Sarah avec un amant,
ce qui provoque en lui une série de réactions complexes – le rêve classique frère-sœur,
si ce n’est qu’ici il s’agit de la réalité. Sarah voit Robert s’enfuir virtuellement de la maison
chaque fois qu’elle a besoin de lui – le rêve classique de rejet, mais, une fois de plus,
il s’agit de la réalité. Sarah achète des animaux que Robert pourrait aimer, puisqu’il ne
croit plus en l’homme. Elle se dit que les animaux pourraient être pour lui un bon moyen
d’apprendre à aimer. Mais il faut voir de quels animaux on parle ! Deux poneys, une chèvre,
un canard, des poules et un pitbull, qu’elle installe dans la maison d’Hollywood Hills de
Robert ! Comme dans un rêve, les animaux ont pris possession de la maison, et Robert et
Sarah semblent désormais pris dans le même rêve dont ils ne peuvent se réveiller puisque,
en fait, il s’agit de leurs vies.
Les femmes ont toujours su obtenir ce qu’elles voulaient. Sarah, elle, n’abandonne jamais,
parce que, pour elle, l’important c’est d’aimer. C’est tout ce qui compte car sans amour il
n’y a pas de miracle. Ça me froisse quand j’entends les gens dire que Sarah est folle. Elle
voudrait que l’amour soit quelque chose de spécial. Ça n’a rien de fou ; c’est simplement
compliqué. Elle ferait tout pour être aimée. Tout. Elle essaie d’obtenir de son frère ce qu’elle
n’a pas pu avoir avec son mari, mais c’est impossible. Il n’a jamais eu le courage d’aimer
(rires). J’adore raconter toujours les mêmes histoires.
En quoi la mort dirige-t-elle ce film ?
Je ne suis plus un jeune homme, et je chéris la mémoire de mon père et de ma mère. C’est
eux qui m’ont donné le goût à la vie, par la manière dont ils ont dirigé notre famille et ont
orchestré nos existences. Ce besoin d’avoir une famille est ancestral ; du coup, lorsqu’on
n’en a pas, on ressent un grand vide. Ce besoin de voir mon père s’est transmis à mes deux
personnages, qui sont eux-mêmes en quête de leur père, de leur mère et de leur vie de
famille, laquelle est même devenue écrasante, dans mon cas, depuis que ma mère, mon
père et mon frère ont disparu (le père de John Cassavetes est mort quatre ans avant Love
Streams, sa mère seulement six semaines avant le tournage). Love Streams m’a aidé à
poser des questions : qu’est-on sans famille ? S’il ne vous reste qu’un proche, quel rapport
avoir avec lui ? Comment exprimer son amour ? Mourrons-nous sans jamais avoir exprimé
quoi que ce soit ? Poursuivrons-nous notre existence sans jamais rien exprimer ? Et ce
questionnement me semblait très intéressant, parce qu’il explorait un sujet capital. C’est
le film le plus triste que j’ai jamais réalisé, sans conteste.
Est-ce un hommage à Gena Rowlands ?
Pendant des années, je n’ai pensé qu’à moi. J’invoquais le droit des artistes à n’être bridé
par rien ni personne. Et puis j’ai voulu faire un film pour Gena, pour me faire pardonner
d’avoir gâché la vie de mon épouse depuis si longtemps, en ne cessant de tourner, de me
saouler, de m’éloigner en permanence de la maison. Ce qui, pourtant, ne l’a pas empêchée
de rester à mes côtés, même enceinte, enfant après enfant. Ce film est un hommage à
toutes les saloperies que j’ai pu lui faire. (...)
Dans quel état étiez-vous lors de ce tournage ?
Réaliser un film n’a rien d’une sinécure. Pour moi, en tout cas, c’est une bataille. Il y a
tout ce qui se passe avant le premier tour de manivelle – vos pensées, vos sentiments, la
manière dont le talent que vous pouvez avoir s’exprime – et puis, dès le premier jour de
tournage, il ne s’agit plus que d’un jeu cruel. Je travaille dans l’anxiété la plus totale. J’en
suis conscient. Je suis angoissé au dernier degré. Même lorsque tout est écrit, je ne sais
pas comment on va s’y prendre ! Et les acteurs ne savent pas non plus ce qu’ils vont faire
tellement je suis versatile. On ne sait donc jamais de quoi sera fait demain. Du coup, tout
le monde doit faire preuve de créativité si on veut éviter le chaos. Les réalisateurs doivent
comprendre qu’ils ne maîtrisent rien. Rien de ce qu’on prévoit ne se retrouve jamais dans
le film. Il y a, bien sûr, un résultat final, mais qui ne ressemble, dans l’absolu, en rien à ce
que vous aviez prévu. Les meilleurs plans ont tous été improvisés. Il y a quelque chose de
vivant dans un film qui vous dit : « Je te résiste. » Et c’est aussi le cas pour le film lui-même
qui vous dit : « Tu crois que tu vas faire ça, mais je vais faire autrement, et je ne te dirai
pas ce que je vais faire. »
Saviez-vous vers quel film vous alliez ?
J’avais soixante-quinze débuts, mais pas de fin ! Les fins sont toujours des moments
critiques. Elles sont pour beaucoup dans la compréhension du film. Je suis certain que le
public attend de la fin d’un film qu’elle lui explique les raisons de cette suite de mouvements
fous, elliptiques. Conscients de cela, les acteurs donnent généralement le meilleur d’euxmêmes à la fin du film. Ils sont nettement plus réceptifs aux rêves et aux fantasmes du film à
la fin qu’au début. Ce sont les fins qui font que j’entre en conflit avec les studios. Ils veulent
un scénario finalisé, et je refuse de le leur donner. Je veux travailler à ma manière, qui
revient à écrire la moitié ou les trois quarts d’un film à l’avance. Ensuite, je vois ce que les
acteurs en font. Je trouve que c’est une manière beaucoup plus intelligente de travailler.
J’écris généralement la fin du film quelques jours avant de la tourner. Jamais avant que
cela ne soit nécessaire, et donc souvent à la toute dernière minute. Bien sûr, il se peut
que j’aie une fin en tête, mais ce ne sera jamais celle qu’on utilisera, en raison même de
la manière dont on travaille : tout le monde apporte sa pierre au scénario et amène le film
plus loin que prévu. Une fin doit toujours rester indéfinissable.
Propos recueillis par Ray Carney, Cassavetes on Cassavetes, Éditions Faber & Faber, 2001, extrait traduit par
Gilles Boulenger et Jean-Pascal Grosso pour Libération (11 juin 2003)
À LIRE APRÈS VISIONNEMENT DU FILM
JOHN CASSAVETES’ LAST SCENE
dans la salle. Il visionna les rushes attentivement, la cigarette coincée entre ses lèvres
se consumant alors qu’il en oubliait l’existence, la cendre tombait sur sa chemise, et il
l’époussetait distraitement. Il aima ce qu’il vit ce jour-là. Lorsque la lumière revient, il se
leva et dit, « C’est un beau film. Si je meurs, ce sera un beau dernier film ». […]
De Michael Ventura (8 mars 2002)
Le pourquoi du comment je me suis retrouvé dans l’obscurité du salon de John Cassavetes
à côté de la caméra qui filmait sa dernière scène en tant qu’acteur, n’est pas ce dont il est
question ici. Il suffit de dire que John souhaitait que je sois sur le plateau de tournage de
Love Streams en ces printemps et été 1983 car, malgré le courage avec lequel il prenait
connaissance de sa propre fragilité croissante, il souhaitait avoir quelqu’un sur le plateau
de tournage qui ne soit ni un acteur, ni un membre de l’équipe, ni un membre de sa famille
ou un vieil ami. Quelqu’un en qui il pouvait avoir confiance sans qu’il n’y ait eu pour autant
de collaboration passée, quelqu’un qu’il pouvait prendre à part pour parler, ou plutôt tout
déballer (à part lui poser des questions, je ne dis que très peu de choses). Il avait besoin
d’entendre à haute voix ses pensées mais à l’écart – à l’écart de ceux qui travaillaient en
fait sur son film. Cependant, comme à son habitude, il parlait aussi du film à tout le monde,
tant au machiniste qu’à Peter Bogdanovitch, et il avait parfois besoin de s’entendre réfléchir
à haute voix, en privé, pour ainsi dire. Mais c’était complètement un acteur, un performer, à
tel point qu’il réfléchissait mieux en public, même un public composé d’une seule personne.
Love Streams a principalement été tourné dans la maison de John et Gena à Hollywood
Hills, là où la plupart de leurs films ont été tournés. Si vous connaissiez les films de John,
entrer dans sa maison était alors comme rentrer à l’intérieur de l’écran. Il y avait les
chambres et les salles de bains des éprouvantes scènes de Faces, et cet escalier où le film
se termine – comme auraient pu dire ses personnages, même aussi épuisés qu’ils aient pu
être, ils avaient encore le choix de monter, ou descendre. Il y avait la salle à manger dans
laquelle la voyante parle à l’actrice (Gena) dans Opening Night. Nous avons tous passé
l’été chez eux, lieu qui servait autant de maison que de plateau de tournage. Et de bar.
Nous faisions du café dans leur cuisine, nous nous saoulions dans leur bar, et restions
assis à ne rien faire dans leur salon et coin repas. Nous étions autant des invités que des
employés, mais nous étions (la plupart du temps) accueillis avec la courtoisie réservée aux
invités. Il nous a amenés non seulement dans sa maison, mais dans son univers mental,
dans lequel l’humble lourdeur du quotidien était magnifiée dans un spectacle projeté sur
grand écran. […]
Pour ma part, c’était l’honneur de ma vie d’être à son service. Mais les deux ou trois fois
où je me suis risqué à lui faire part de ce sentiment, il le balaya, bourru et impatient. En
partie parce qu’il avait du mal à accepter les éloges, et aussi parce qu’il ne voulait pas se
laisser distraire du moment présent : à savoir, son film – qu’il supposait être son dernier.
Quelques jours avant le tournage de la scène finale du film, nous regardions des rushes dans
une salle de projection à Hollywood. Lentement, la fumée de nos cigarettes se répandait
Dans la dernière scène de Love Streams, le personnage de Robert Harmon joué par John,
un écrivain brillant ayant gâché son talent, est à bout de souffle, sinon au bout de sa vie.
La façon de vivre et d’être de Harmon dans ce monde n’a pas marché pour lui depuis
longtemps, et le film prend fin au moment où il doit s’en rendre compte – ou plutôt, aucun
des trucs qu’il usait pour s’échapper ne sont encore disponibles, ou faisables. Ce que fera
Robert Harmon de ce nouveau dilemme existentiel, c’est notre affaire. Cassavetes amène
Harmon jusqu’à la rupture, et le quitte. Un tel ravage et ses conséquences, chez un tel
homme, est en fait la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Au moins, il sera désormais
beaucoup plus difficile pour Harmon de vivre dans ses mensonges. John aurait dit que
c’était une bonne chose, le jeu en valant la chandelle – peu importe les moyens. C’est
pourquoi cette scène complètement folle, en particulier, est si étrangement tendre.
« S
i je meurs, je ne veux pas que l’on parle de moi.
Je préférerais que les gens aillent voir mes films.
Ces films parlent mieux de moi que n’importe quel discours. »
John Cassavetes
John Cassavetes ne devait sans doute pas être persuadé que cela constituait ses derniers
moments en tant qu’acteur (il n’avait, après tout, que 54 ans). […]
Dans cette scène, le salon est très sombre. Dehors, sévit une grosse tempête (machines à
vent et pluie artificielle grondissant). John s’assoit, trempé jusqu’aux os, vêtu d’un trench
et portant un chapeau à larges rebords. Dans le film il est assis face à un très beau chien.
Soudain, le chien se transforme en un homme à demi-nu, à l’apparence solennelle. Puis
il redevient un chien. Puis un homme, puis encore un chien. Face à cette hallucination
ou vision, Robert Harmon interprété par John se met à rire, comme jamais John n’a ri
dans une scène tout au long de sa vie, un rire maniaque mi-joyeux mi-fou constituant une
surprise ultime, totale, qui explose du personnage, lui qui, depuis un temps considérable,
était devenu si prévisible.
La vision se dissipe. Robert Harmon se lève de son fauteuil, va jusqu’à la fenêtre balayée
par la pluie et, (c’est filmé à travers la fenêtre depuis l’extérieur) fait au revoir de la main.
Dans le contexte du film, il dit au revoir à sa sœur sur le départ, interprétée par Gena.
Mais il continue à faire au revoir de la main après qu’elle soit partie en voiture, portant son
chapeau tout froissé, en faisant des gestes vagues. Il semble dire au revoir à des moments
non-connectés au temps réel, des moments qui ne se finiraient jamais. […]
À plusieurs reprises, après le décès de John, Gena et moi parlions de la dernière scène de
Love Streams. Elle fit part de notre conversation l’automne dernier dans un entretien avec
Chuck Wilson pour LA Weekly : « Cette scène dans laquelle John fait au revoir de la main
depuis la fenêtre avec cet étrange chapeau sur la tête, c’est formidable. Michael fut le
premier qui en fit la remarque, car je ne pouvais pas revoir cette scène. Il me dit, "Tu sais,
Gena, quand John dit au revoir à la fenêtre ?" me dit-il. Je lui dis "Oui". il me dit, "Je crois
que c’était à nous qu’il disait au revoir". Et je lui répondis "Nom de Dieu !" ».
LISTE TECHNIQUE
Réalisateur : John Cassavetes
Producteurs : Menahem Golan, Yoran Globus
LISTE ARTISTIQUE
Scénaristes : John Cassavetes, Ted Allan
John Cassavetes – Robert Harmon
D'après la pièce de Ted Allan
Gena Rowlands – Sarah Lawson
Chef-opérateur : Al Ruban
Diahnne Abbot – Susan
Monteur : George C. Villasenor
Seymour Cassel – Jack Lawson
Décors : Phedon Papamichael
Jakob Shaw – Albie Swanson
Musique : Bo Harwood
Michele Conway – Agnes Swanson
Format image : 1:85
Eddy Donno – le beau-père Swanson
Son : Dolby
Version : VOSTF
VISA n° 59160
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