LES RENCONTRES DE L`AFDAS-TCA

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LES RENCONTRES DE L`AFDAS-TCA
LES RENCONTRES DE L’AFDAS-TCA
« Comment venir en aide aux familles »
Mercredi 19 mai 2010
Centre Hospitalier Sainte Anne, CMME, Paris
Pr Pierre LEICHNER, psychiatre, Vancouver et Montréal
Les TCA se soignent d’eux-mêmes
Après la visite de nombreux centres de soins spécialisés TCA dans le monde occidental, et
malgré les trente années de recherche dans leur compréhension, j’ai constaté que les
propositions de soins restent très variées, basées sur les ressources des centres cliniques et
les approches des responsables : approche comportementale, approche psychanalytique,
approche motivationnelle, avec possibilité de séparation avec les parents, avec le soutien de
l’autorité des parents…..Toutes apportent le même résultat d’amélioration des patients. D’où
un questionnement : quelle méthode choisir ?
Aux Etats-Unis, puis dans le monde entier, les maladies mentales, dont les TCA, ont été
répertoriées dans les DSM successifs, livres établis à partir des diagnostics et statistiques, et
au fur et à mesure de l’augmentation des connaissances. Ils ont permis le développement de
la recherche, des produits pharmaceutiques, mais ils ont conduit à la catégorisation des
maladies, ce qui a entraîné la simplification des symptômes, la sous-estimation des diverses
problématiques, la dévaluation des patients, d’où résistance à la guérison, acceptation de la
maladie, et leur déresponsabilisation. Les premières approches de soins ont été bâties sur
une division du corps et de l’esprit : le corps est la machine qui permet à l’esprit de
fonctionner d’où l’élaboration d’une approche scientifique quantitative de la maladie et la
division soignant-patient.
Or, l’homme se construit à partir de racines indispensables : biologiques, sociales,
culturelles, spirituelles. Il doit donc être appréhendé dans sa globalité et sous tous ses
aspects. Les TCA sont très complexes et particuliers. Ce sont des troubles nutritionnels
graves et leur traitement est indispensable. Ils sont très souvent accompagnés d’autres
symptômes : dépression, anxiété, troubles de la personnalité, addiction, phobie…. Tous ces
troubles doivent être pris en compte.
Depuis quinze ans environ, une révolution silencieuse s’est mise en place pour le
traitement : comprendre le patient dans sa globalité, d’où la mise en place d’une
collaboration avec le patient et leurs proches et la disparition d’une approche coercitive et
intrusive.
Pour le soignant, les façons de voir les choses sont subjectives, mais rien n’est statique, car
ses connaissances sont très partielles et changent dans le temps avec leur amélioration. Le
malade est celui qui possède vraiment les connaissances et la réponse. Il ne doit donc pas y
avoir d’écart entre le soignant et le patient.
La première nécessité est de comprendre le patient. Pour cela, dès le début des soins, il faut
le motiver, par exemple en lui demandant d’écrire une lettre à un ami et à un ennemi. Ainsi
peut-on lire : « Tu me protèges, tu es ma gardienne, tu me contrôles, tu me donnes
confiance, tu me permets d’échapper à des conflits. Je me sens spéciale et supérieure ».
Pour lui, le TCA entraîne donc de vrais bénéfices, d’où déni du trouble et résistance à ne pas
vouloir changer. Avec le temps, les termes changent pour arriver finalement à un
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basculement : « Tu me trompes, je suis déprimée, je souffre et j’ai honte ». La situation réelle
est appréhendée par le patient et exprime son vouloir de changer.
Les TCA sont auto-thérapeutiques. C’est la personne qui doit se décider et doit
trouver sa voie conduisant à la guérison, en relation avec sa famille. Ceci nécessite
des soignants Compétents (connaissances indispensables sur les besoins nutritionnels, les
conceptions actuelles et la compréhension des TCA), faire preuve de Compassion (vouloir
d’être avec la personne) avoir une approche Consistante et Cohérente (tout le monde doit
avoir une même approche). C’est la règle des 3C qui est aussi valable pour la famille
aidante.
Pour mettre en place cette cohérence, Il doit y avoir continuité entre le milieu hospitalier et la
maison, même si tout n’est pas possible à faire. Des rencontres sont indispensables, entre
l’équipe soignante et les proches, dès le début et tout au long du traitement, de façon
régulière afin de mettre en place communication et soutien. Ces rencontres, qui peuvent se
faire par téléphone, permettent les échanges de sentiments et de pensées des équipes et
des familles : qu’est-ce qui va, qui ne va pas, qu’est-ce qu’on pourrait faire ensemble ? Cette
construction ensemble, dans un cadre non défini, se fait avec des hauts et des bas.
L’équipe soignante doit être créative car elle va à la rencontre d’une singularité : elle doit
être ouverte, à l’écoute, faire preuve de patience et persistance pour aboutir à cette action
cohérente logique, indispensable au soin, car stabilisatrice. Les échanges de connaissances
sont indispensables, par oral, par écrit. Cette ouverture sur les connaissances permet au
patient de se poser les questions : « D’où je viens ? Pourquoi je pense comme cela ? » pour
conduire aux explications des bases de la thérapie. Ces échanges permettent
progressivement de détruire les barrières entre l’ équipe soignante et le patient, conduisant
finalement à l’ accord de ce dernier. Cette créativité nécessite un dévouement à toute
épreuve pour les équipes qui ont choisi de travailler dans les unités spécialisées.
L’équipe soignante doit toujours se questionner sur ce qui est le meilleur pour le patient,
comment se sent ce dernier, quelles sont ses émotions, quelles relations comptent pour lui.
Elle doit aider à avoir espoir pour vouloir s’en sortir, et pour cela, connaître les issues et leurs
conditions, donner patience et persévérance dans la souffrance vécue, sachant que le
voyage de souffrances est utile pour lui car il permet de lui faire comprendre les choses ; le
contexte de la souffrance devient moins négatif car il n’existe pas d’effets irréversibles de la
souffrance.
Cette attitude des soignants qui amène à la guérison est très difficile à tenir, mais
indispensable. Pour cela, de façon simple et claire, il faut expliquer le cadre de soins, en
faisant attention, car les mêmes mots peuvent avoir des significations différentes selon les
personnes, il faut expliquer les attentes, certaines n’étant pas négociables, alors que
d’autres peuvent l’être, d’où un choix possible pour le patient. Le rythme de la progression,
qui est indispensable, varie selon le patient et doit s’adapter à celui-ci. L’attente ne doit pas
être passive, mais doit être constructive, à plusieurs, en donnant des perspectives concrètes.
Le soutien qui peut durer plusieurs années, ne doit pas être alarmiste pour garder espoir.
Les soignants n’ont pas un savoir pré-établi, mais doivent faire preuve d’inventivité et de
créativité, indispensables pour s’adapter à chacun, au fur et à mesure de l’évolution du
patient. Ils doivent laisser la maladie avancer jusqu’au retournement et savoir quand et
comment réagir.
Ecouter les patients et les familles est indispensable afin de leur donner le pouvoir de
guérison. Rien ne se perd, rien ne se créée, tout se transforme.
Finalement, le choix et le pouvoir de guérir vient du self. Le travail de l’équipe soignante,
avec compétence, compassion et cohérence se doit d’être attentive à ne pas abîmer la
capacité réparatrice du self du patient et, avec l’aide des familles, de soutenir, guider, aider à
créer la situation ou l’environnement dans lequel le self du patient peut se renforcer, afin de
le conduire vers la guérison aussi complète que possible.
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Questions :
1) Quelle attitude avoir avec un(e) adolescent(e) de 15 ans ?
Il faut réagir tout de suite, avec l’aide familiale : valoriser la famille et lui redonner son
pouvoir de décision.
2) Quand faut-il hospitaliser ?
-si la vie est en danger, la seule alternative est l’hospitalisation ;
-si la vie n’est pas en danger, il faut mettre en place une approche faisant appel aux
ressources du patient et de la famille, demander une thérapie familiale, avec entente et
organisation des soins et une rencontre une fois par mois.
Messages principaux contenus dans la vidéo « Un soutien aux
repas efficace » (2003)
Vidéo et manuel correspondant (versions françaises de 2008) distribués par la Fondation
Sandrine Castellotti
1)De l’entourage vers le jeune TCA :
a) Pratiquer une écoute active :
-Prendre le temps d’écouter ;
-Ne pas croire avoir compris d’emblée ;
-Clarifier si nécessaire par des questions ;
-Ne pas se sentir obligé de protéger le jeune des émotions difficiles.
b)Dans un esprit de collaboration :
-Impliquer le jeune dans la recherche de solutions ;
-Considérer de multiples options ;
-Adopter une solution souple dans les essais ;
-Toujours se souvenir d’être patient.
2)Scénario avec les amis ou en famille :
a)Ce qui ne marche pas :
-Parler de régime ;
-Soudoyer ou menacer ;
-Culpabiliser ;
-Forcer.
b)Ce qui marche :
-Patience ;
-Sujets distrayants et distractions ;
-Mettre des règles.
3)Les relations parents-enfants :
a)Ce qui ne marche pas :
-Soudoyer ou focer ;
-Parler d’alimentation ou de régimes.
b)Ce qui marche :
-Structurer, mettre des règles ;
-Servir de bon exemple ;
-Patience, toujours ;
-Etre présents, sans juger.
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Dr Brigitte REMY et Dr Delphine BARBIER, psychiatres, CSMRP – MGEN, Paris
« Pourquoi un groupe parents ? »
Le travail avec les familles est indispensable dans la pathologie TCA, même s’il s’agit de
patients adultes. Le groupe de parole est le travail minimal avec les familles que doit
proposer une équipe spécialisée TCA. Il est destiné à l’entourage (parents et proches),
exposés au traumatisme lié à la maladie, au regard social, à l’isolement….En France, au
minimum, 24 structures de soins et 9 associations pratiquent les groupes parents (d’après
les fiches AFDAS-TCA)
Au sein de ce groupe sont discutés les différente situations et vécus que traversent les
parents et les proches tout au long de la maladie, ce qui permet un accompagnement et une
mobilisation positive en utilisant les principes et les objectifs définis par le Maudsley à
Londres, autour du Pr Janet Treasure.
1)Faciliter la compréhension des points cruciaux du parcours de soins
a)Informer sur les aspects médicaux
-mesurer la gravité de la situation et le risque vital éventuel ;
-soutenir les parents dans la mise hors de danger des patients (actes
d’urgence dont hospitalisation, en psychiatrie, parfois en HDT, ou en médecine, ou en
réanimation).
b)Informer sur les possibilités de soins
actuellement disponibles en France (institutions, approches thérapeutiques, réseaux de
professionnels spécialisés).
c)Informer sur les aspects comportementaux et psychodynamiques
de ces pathologies addictives (interdépendances, difficulté à la séparation).
d)Comprendre les fonctionnements intrafamiliaux repérés
afin de restaurer une communication plus fluide et moins stigmatisante pour les patients.
2)Offrir un lieu d’accueil apaisant et structurant
a)Créer un espace de partage non jugeant
tout en guidant et donnant des informations afin de libérer la parole et favoriser les
perceptions des ressentis en chacun
b)Oser exprimer
sa souffrance, son ambivalence, être rassuré sur ce qui est normal de ressentir, afin de
diminuer la culpabilité et la honte.
c)Veiller au maintien du respect mutuel et à l ‘intimité de chacun
par les thérapeutes. Il ne s’agit pas de tout dire dans ces groupes.
3)Solliciter les ressources intra-familiales
a)Renforcer les ressources psychologiques de l’entourage
souvent usé par la durée des troubles afin de les aider à sortir du scénario traumatique.
b)Encourager le dégagement d’une culpabilité excessive
afin de réinvestir une position parentale affirmée et contenante.
c)Reconnaître les capacités de son enfant
afin d’accepter ensuite son autonomisation.
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d)Expérimenter les changements possibles
e)Relancer la motivation aux soins au sein de la famille.
3)Renforcer l’alliance thérapeutique
En facilitant la construction d’une bonne alliance thérapeutique parents-équipe de
soins de l’enfant pour un travail en confiance. Pour cela :
a)Reconnaître les parents comme partenaires de soins
tout en redéfinissant les rôles de chacun.
b)Expliquer les phases de séparation
notamment les hospitalisations.
c)Expliquer les différentes approches thérapeutiques
leur nécessité et leur rôle.
d)Encourager le dialogue
avec les équipes de soins.
Le groupe vise à renforcer les capacités des familles afin de permettre une bonne alliance
thérapeutique nécessaire à une bonne évolution des patients. Mais il est à rappeler que les
groupes parents ne remplacent pas une prise en charge individuelle, ni une thérapie
familiale.
Avec des modalités différentes, mais suivant les mêmes principes et objectifs, le groupe
parents est une véritable thérapie, en soutenant le projet thérapeutique de l’enfant et en
permettant une évolution psychologiques des parents, favorable pour eux et leurs enfants. Il
peut aussi favoriser le début d’une thérapie individuelle et/ou familiale.
Dr Sophie CRIQUILLION, psychiatre, CMME, CH sainte Anne, Paris
Les groupes multifamilles
Les groupes multifamilles proposés à la CMME sont une adaptation des thérapies
multifamiliales intensives, développées depuis une quinzaine d’années, notamment en
Grande-Bretagne (Dr Janet Treasure, au Maudsley Hospital), en Belgique (Dr Yves simon),
et en France (Solange Cook et le Dr Catherine Doyen, Hôpital Robert Debré),
essentiellement pour les adolescents.
Ils sont destinés à aider les familles de sujets adultes souffrant de TCA, parfois depuis de
longues années, des guérisons et rémissions longues étant observées.
Ils sont proposés à la suite des groupes de parents de sujets consultants ou hospitalisés
pour TCA à la CMME.
1)Les 4 objectifs des groupes multifamiliaux
a)Développer une alliance forte entre les parents
afin d’agir ensemble et de définir les règles de vie de la communauté. Cette union parentale,
formant une équipe soudée, tous partageant les mêmes valeurs éducatives, est
indispensable pour la réussite du travail de fond
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b)Soutenir, mobiliser et encourager les parents
dans l’accompagnement de leur enfant, en les aidant à :
redevenir
compréhensifs,
soutenants,
valorisants,
sécurisants,
constants ;
- Savoir poser des limites, fixées par les parents, répartissant les rôles de
chacun dans la famille, intendance liée à l’alimentation, temps pour
chacun, temps en commun, place physique et symbolique de chacun dans
la famille;
- rétablir une communication qui ne passe pas exclusivement par le trouble
alimentaire.
c)Renforcer les rôles de chacun dans le système familial
dans le soutien du patient et dans l’encouragement de l’expression de sa vie émotive : rôle
de parent, rôle d’enfant / frère ou soeur
d)Favoriser
-la prévention des rechutes ;
-l’autonomie du patient ;
-la qualité de vie de chacun au sein de la famille.
2)Déroulement de la thérapie multi-familiale
a)Organisation du groupe
-constitué de 3 à 5 familles (2parents et patient), après leur accord préalable ;
-6 séances de 2H, une fois par quinzaine, filmées afin de permettre une revisualisation par les thérapeutes ;
-animées par une psychiatre et une infirmière, en présence d’un observateur,
stagiaire psychologue.
b)Cadre théorique
-dimension psycho-éducative :
informer les familles sur la maladie, ses exigences spécifiques et la manière optimale de la
gérer.
But : Rendre les parents et les patients plus compétents dans la gestion du trouble et de les
aider à trouver une meilleure adaptation possible .
-dimension groupe de parole
Favoriser les échanges entre les familles et à l’intérieur d’une même famille, tout en
maintenant une distance émotionnelle.
But : lutter contre l’isolement, la honte, la culpabilité par un soutien mutuel et s’ouvrir à
d’autres modèles.
-dimension thérapie familiale
Travailler certains dysfonctionnements familiaux ou d’éviter la mise en place d’interactions
dysfonctionnelles entre famille, patient et maladie.
But :ouvrir et favoriser le changement.
c)Déroulement des séances
-1ère séance : comment aborder et gérer le TCA en famille
1er temps : description de la situation actuelle : repas (composition, structure, rythme,
discussions), de la préparation, des courses, de l’ambiance familiale….
résumé des progrès accomplis depuis le début de la maladie et des difficultés
rencontrées.
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2ème temps :: les idées reçues sur la maladie, le rôle de la famille dans l’amélioration des
troubles et dans le maintien des symptômes.
-2ème séance : valeurs, croyances et image
1er temps :réflexion personnelle, puis en famille, puis dans le groupe sur les valeurs
personnelles et les valeurs familiales, l’image de soi, l’image sociale.
2ème temps : les liens entre ces valeurs et le trouble alimentaire.
-3ème séance : relations familiales et identité de la famille
1er temps : : réalisation par chaque membre de la famille d’une « sculpture de la famille »
avec ses différents membres, leurs liens entre eux et à l’extérieur…… reflet des relations
entre les différents membres de la famille, la place de chacun…… d’où mise en évidence de
la diversité des familles.
2ème temps : représentation de « la sculpture idéale » de la famille afin de montrer quels
types de liens chacun aimerait établir.
-4ème séance : identité de la famille dans et en-dehors de la famille
1 temps : réflexion sur une problématique, des parents d’une part et des jeunes d’autre part
Attitude de chacun pendant les repas ;
Impact de la maladie sur les relations intra- et extra-familiales ;
Quels projets pour la famille sans la maladie ?
Comment se séparer de la maladie ?
2ème temps : Mise en commun des réfexions
er
-5ème séance : relations familiales et place de la fratrie
1er temps : présentation de chacun
2ème temps : échanges sur la maladie, ses répercussions et l’impact dans la famille sous
l’angle de la fratrie.
-6ème séance : bilan
Réflexion de chaque famille sur les changements possibles, ralistes, spécifiques, dans un
temps assez proche.
Les groupes multifamilles proposent une modalité de travail complémentaire des autres
approches familiales et constituent une véritable alternative à l’hospitalisation.
Ils nécessitent une mobilisation très réduite des familles, parents et fratrie.
Malgré les durées longues d’évolution de la maladie, les chances de guérison sont
renforcées par la mobilisation des ressources familiales, souvent grandes et riches, et mises
à mal par le TCA.
Solange COOK-DARZENS, thérapeute familiale, service de psychopathologie
de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital Robert Debré
La fratrie, dans l’ombre de l’anorexie mentale
Les liens de fratrie représentent l’une des relations les plus longues dans la vie d’une
personne. Ils s’inscrivent dans deux dimensions : verticale ou intergénérationnelle et
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horizontale ou intragénérationnelle. La fratrie remplit trois fonctions : attachement,
apprentissage des rôles sociaux et parfois suppléance parentale.
De tout temps les thérapeutes familiaux ont donné une place à la fratrie dans leur travail
avec les familles d’enfants en souffrance. Pourtant, dans le champ des TCA, les cliniciens et
chercheurs ont souvent négligé l’impact de ces troubles sur la fratrie et son rôle protecteur et
curatif possible.
1)Le rôle de la fratrie dans le développement de l’anorexie mentale (AM)
a) Vision des relations intrafamiliales par le patient
Les patients en ont une vision plus négative que les autres membres de la fratrie. Ils
estiment qu’il existe plus de compétition dans la famille, du favoritisme.
b)Vision de lui-même par le patient
Est plus négative : moins bien intégré à la société, moins autonomes, une apparence
physique moins attrayante.
c)Causes ou conséquences ou interaction des deux ?
-rivalités, isolement, non appartenance, incompréhension ;
-relations fusionnelles.
2)Vécus et réactions de la fratrie
a)Vécus
La fratrie est malmenée
-par les symptômes de la maladie d’où mise à distance du fait de la perte de
soutien, d’attention et de valorisation parentale ;
-par les changements des routines et des activités familiales liées à la maladie
et à certaines exigences thérapeutiques d’où son isolement
Conséquences : un vécu émotionnel difficile d’où culpabilité, colère, crainte de
séparation/contagion/mort, besoin de se désidentifier de la sœur ou du frère malade,
inversion de rôle d’aîné et de puiné.
b)Les différentes réactions
-L’autruche : éviter de parler de la maladie, fuir avec les amis, refuser les
entretiens thérapeutiques ;
-Le rebelle : opposition, troubles du comportement, crise d’adolescence
accentuée ;
-L’enfant parfait : ne pas donner de soucis ;
-Le kangourou ou pseudo-parent : aidant ;
-L’enfant malade.
c)Au total , toutes sortes de risques
-Rancoeurs, positionnement dangereux ou inadéquats ;
-Psychopathologie : dévéloppement émotionnel et affectif touché ;
-Patient coupé du lien avec la fratrie ;
-Détresse des parents.
3)Aider la fratrie : des potentialités
a)Le TCA aide la fratrie
-Développement personnel ;
-Rapprochement familial ;
-Amélioration de la communication;
-Plus grande empathie;
b)La fratrie peut avoir un rôle curatif
-Témoin du processus de renutrition, sans s’y impliquer directement ;
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-Soutien le patient en l’encourageant à des activités et des discussions en
dehors de la maladie ;
-Rôle de porte-parole ou de médiateur ;
-Rôle de tremplin vers l’autonomie, la normalisation ;
-Rôle indirect auprès des parents : distraction, valorisation du rôle parental .
L’implication de la fratrie permet de minimiser les risques et d’optimiser les points positifs.
Pour cela, le thérapeute familial doit faire une évaluation des potentialités de la fratrie en
interrogeant les différents membres de la famille sur leurs liens ressentis, évaluation suivie
d’un thérapie familiale, avec toute la famille, avec la fratrie avec un frère ou une sœur.
L’anorexie malmène la fratrie, la fragilise et peut entraîner des risques graves. La famille et
les cliniciens doivent assumer un rôle préventif. Ils doivent aussi impliquer la fratrie afin de
mobiliser son potentiel thérapeutique et de neutraliser son potentiel délétère. Les effets
positifs de l’anorexie mentale sur la fratrie, avec un fonctionnement fraternel plus optimal
qu’avant la maladie, ce qui provoque une possibilité d’amélioration du patient.
Bernard COCHY, président de l ‘Association AAB44, Nantes
Le groupe de parole de l’Association AAB44
Les familles dont l’un de leurs enfants souffre d’un TCA sont en attente pour sortir de leur
isolement , de leur questionnement. Le groupe de parole est une réponse parmi d’autres à
leurs attentes.
1)Objectifs
a)Soutien :
lutter contre l’isolement des familles.
b)Ecoute :
Libérer la parole, permettre l’expression de la souffrance,
questionnements des familles.
Entendre les prises de consciences et le cheminement des autres.
des
c)Echange :
Favoriser l’échange entre parents, chacun témoignant de son vécu et
apprenant de celui des autres.
d)Donner des informations
Chaque participant détient sa part d’information utiles au reste du groupe.
2)Organisation
a)Périodicité et lieu
Une fois par mois, de 10H30 à 12H, à Nantes.
b) Animation :
Un ou deux animateurs, parents, membres du bureau de l’association, ayant
une ancienneté dans la pratique des groupes de parole, garantissent le cadre :
respect des horaires, garantie de la libre expression de ceux qui le souhaitent,
sollicitations de certains.
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S’y ajoute parfois un membre de l’association qui a connu les TCA et est
maintenant guérie. Elle apporte un double éclairage : la guérison est possible et aide
à la compréhension du vécu et ressentis des personnes souffrant de TCA.
c)Participants
Familles de jeunes souffrant de TCA et résidant en Loire Atlantique et dans
les départements limitrophes.
3)Thèmes abordés
a)Le lien
-Fusion/distance ;
-Rôle et place de chacun dans la famille : relation parents/patient ;
-Relation du jeune avec la fratrie, souvent en souffrance elle aussi ;
-Relation du jeune avec ses pairs : maintien des liens et isolement ;
-Relation parfois difficile des mères avec leur propre mère.
b)Les soins
-Hospitalisation : séparation, durée, sortie ;
-HDJ : utilité, rôle des ateliers, mélange anorexiques-boulimiques ;
-HDT ;
-Notion de confiance avec les soignants, favorisée par la communication ;
-Médicaments : antidépresseurs, anxiolytiques qui font peur aux parents et
aux jeunes ;
-La rechute ;
-Les différentes thérapies et modalités de soins;
-L’importance du travail en réseau des professionnels pour une prise en
charge multiple du patient ;
-L’urgence, ses signes d’alerte et le rôle et la place de l’association.
c)Souffrance des parents :
-Sentiment de culpabilité ;
-Sentiment de se sentir exclus, à l’écart des soins, en particulier lorsque les
enfants sont majeurs ;
-La violence due à la tyrannie du jeune envers la famille et quelles limites
poser ;
-Les TS : entre la peur des parents et la réalité.
d)La boulimie
-Est-ce un passage obligé après une anorexie ?
-Comment réagir ? Quelles sont les limites à poser ? Doit-on laisser faire ?
e)La scolarité
-Hyper-investissement malgré une santé physique déficiente ;
-Phobie scolaire et arrêt des études;
-L’orientation ;
-Pensionnat ?
e) La psychogénéalogie :
-Les facteurs d’hérédité ;
-Rôle et place de certains comportements et fonctionnements familiaux ;
-Situations qui se reproduisent lorsqu’il y a plusieurs cas dans une même
famille.
f)Le jeune qui va mieux
-Est-ce vrai ?
-Quel suivi ?
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A l’issue du groupe de parole, l’association propose un prêt de livres aux adhérents, à partir
de la bibliothèque constituée.
Le groupe de parole est un moment privilégié pour permettre aux familles de se retrouver
avec leurs pairs. Les parents s’y sentent entendus, compris, reconnus, chacun cheminant à
son rythme.
Un autre groupe de parole est organisé par l’association AAB44, destiné aux jeunes
souffrant de TCA, à raison de deux par mois, de 18H54 à 20H15.
Danielle CASTELLOTTI, présidente de la Fondation Sandrine Castellotti, Paris
Les moyens de communication des associations parentales
Plaquette, site internet, e- mail, assistance téléphonique sont trois modes de communication
possibles entre une association, les patients et/ou leurs proches (famille, amis, collègues de
travail). Leurs rôles sont complémentaires, chacun ayant cependant un ou des objectif(s)
spécifique(s).
1)La plaquette
déposée chez les médecins généralistes, les thérapeutes (psychiatres,
psychologues, nutritionnistes), les pharmaciens, les services sociaux des villes, comme par
exemple les Point Ecoute Familles (ou similaires) lorsqu’ils existent,
permet un premier contact informel avec l’association, faisant connaître son
existence, ses objectifs, ainsi que ses diverses coordonnées : site web, adresse mail,
adresse de correspondance, numéro de téléphone.
2)Le site web
permet d’approfondir la connaissance de l’association :
-Son histoire,
-Des informations sur les TCA, la prise en charge…..
-Ses différentes actions, avec les rendez-vous importants,
-Les compte-rendus de colloques auxquels elle participe,
-La bibliographie spécialisée, avec quelques commentaires afin de permettre un
choix,
-Les spécialistes TCA selon les régions.
Dans un seul but :
-Aider les patients et leurs proches.
-Faire comprendre la maladie et le malade à ses proches afin que le dialogue soit
maintenu ou rétabli.
-Permettre une prise en charge par un spécialiste TCA le plus rapidement possible
pour une meilleure évolution de la maladie dans l’avenir.
Tout ceci nécessite une mise à jour régulière ce qui est parfois difficile à faire pour les
associations familiales qui ont peu de moyens financiers et dont les bénévoles ont souvent
peu de temps disponible dans la durée.
3)Adresse mail et assistance téléphonique
L’adresse mail permet des échanges ponctuels et précis. Le plus souvent, ils se poursuivent
par des échanges téléphoniques plus personnels : parcours du patient, situation de la
famille, renseignements conseils.
Ce qui nécessite une grande écoute et disponibilité afin que l’interlocuteur se sente compris,
soutenu et moins seul.
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Des questions se posent quant aux jours et horaires de conversation possible :
-tous les jours et à tout moment, pour pouvoir répondre au moment opportun, en
particulier au moment des crises ;
-mais cet investissement énorme requiert plusieurs personnes totalement
disponibles, ce qui est difficile, voire impossible à faire pour une petite association, d’où des
temps de conversation téléphoniques limités : certains jours et heures.
Christine CHIQUET, présidente de la FNA-TCA
« Anorexiques, boulimiques, hyperphages. Nous voulons vivre »
Les TCA, l’anorexie, la boulimie notamment, sont probablement des maux de notre époque.
Malgré l’absence de statistiques fiables, on estime qu’une femme sur dix a souffert, souffre
ou souffrira de ces troubles.
Ces femmes et ces hommes (moins nombreux, mais ils sont aussi concernés) sont souvent
privés de parole, par la difficulté à mettre du sens sur ce symptôme, par le déni, la honte,
l’incompréhension de l’entourage et parfois même de soignants mal informés. Ce recueil vise
à leur donner la parole, parole riche, vraie, pleine de souffrance, parfois de désillusion, mais
aussi d’espoir.
Ces textes nous permettent de toucher en profondeur une réalité complexe, bien loin des
idées reçues sur ces troubles, et qui au fond ne nous est pas toujours étrangère. En ce sens
ce recueil se veut un appel à reconnaître en nous la difficulté d’être tout simplement humain,
avec nos failles et nos forces.
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