Cities-V3 Couv_p01 - GALERIE HELENE LAMARQUE

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Cities-V3 Couv_p01 - GALERIE HELENE LAMARQUE
L’ÉTONNANT MAGAZINE QUI VA VOIR AILLEURS
HS N°03
BERLIN
BRASILIA
HAMBOURG
KINSHASA
LONDRES
MELBOURNE
MIAMI
NEW YORK
PANAMA CITY
TOKYO
AMBIANCES BRASILIA
ARCHITECTURE TALLINN
L’ESTONIE LIBÉRÉE
A
Photo : Portraits de villes - Brasilia par Vincent Fournier, aux éditions be-poles, Paris, 2012.
ART CONTEMPORAIN PHNOM PENH
UNE NOUVELLE
SCÈNE ÉMERGE
SONS LA HAVANE
A
BUENA VISTA
OU REGGAETON ?
A
DESIGN STOCKHOLM
PLACE À L’AUDACE
A
QUARTIER NEW YORK
HARLEM, RENAISSANCE
EN NOIR ET BLANC
A
L’INSOLITE EST
AU COIN DE LA RUE
MUSIQUE MELBOURNE
A
LA VILLE DU LIVE
CRÉATION KINSHASA
A
ÉNERGIE ET SYSTÈME D
VISIONS NEW YORK
A
LA GROSSE POMME
SAISIE ET... CROQUÉE
TENDANCES TOKYO
A
LES FILLES VIDENT
LEURS SACS
A
40
A
TEXTE : RÉMI MAURER
(c) Wolfsonian - FIU
MIAMI
Œuvres du Centre National des Arts plastiques présentées lors de l’exposition Liberty, Equality and Fraternity qui s’est tenue jusqu’au 26 mars dernier au Wolfsonian Museum à Miami.
A MIAMI, LES ARTISTES
FRANÇAIS ONT LA COTE
Les “froggies” envahissent Miami ! Par une convergence de volontés françaises
et américaines, et aussi quelques heureuses coïncidences, l’art contemporain français
se donne à voir comme jamais dans la ville de Floride depuis la dernière édition de la
grande foire Art Basel Miami.
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Dialogue entre passé et présent
Pourtant, devant la déferlante hexagonale, la
galeriste s’est lancée. « Nous avons présenté
Claude Viallat et ORLAN, pour laquelle nous
avons fait produire des sculptures très particulières en 3D. » Un risque financier, car les
coûts de production sont importants, mais qui
se révèle payant. « A travers les expositions,
les catalogues très sérieux, les gens ont vu que
l’art français est crédible dans les institutions
et les collections privées de Floride. Beaucoup
d’acheteurs découvraient la scène française.
Ils ne pensaient pas jusque-là qu’elle était si
variée et si bonne. » Toutes choses qui rassurent le collectionneur anxieux de la valeur de
son investissement et ont permis au moins
une vente déterminante à la galeriste.
Côté musées, les places sont chères au
moment d’Art Basel, et la grosse présence
française est le fruit à la fois d’un hasard et de
volontés : Laurent Grasso était connu de la
directrice du Bass Museum. « Nous savions
qu’il aime travailler sur le passé, notamment
sur la Renaissance. Nous sommes intéressés
par le dialogue entre les artistes contemporains et les maîtres anciens, et nous l’avons
invité à produire des œuvres répondant aux
œuvres anciennes de notre musée », expliquet-elle. Tour de France et Liberty Equality
Fraternity, elles, doivent beaucoup au travail de
l’attaché culturel français, Norbert Duffort.
(c) Roger Tallon (c) ADAGP / CNAP / Photo Y. Chenot, Paris
N
e poussons pas de débiles
“Cocorico !”, car comme dirait
Hélène Lamarque, galeriste
française installée en Floride,
« on ne peut pas raisonner en
termes de pays : si les artistes
sont bons, ils sont pris au
sérieux, c’est tout ». Mais il s’est passé quelque
chose de plutôt hors du commun à Miami
autour de l’art contemporain français. Quatre
musées d’art moderne et contemporain sur
les cinq que compte la ville ont décidé de
monter simultanément des expositions
consacrées à des artistes tricolores, designers
compris. Et comme ces expos étaient inaugurées juste avant Art Basel Miami, et que cette
foire attire plus ou moins tout ce que la planète compte de grandes galeries et de grands
collectionneurs, les conséquences furent
heureuses.
Lesdits collectionneurs et autres grosses personnalités de l’art, en effet, ne manquent pas
de suivre le “VIP Tour” qui les emmène voir les
musées et collections privées de la ville. Ils ont
donc pu admirer Liberty Equality, Fraternity,
une exposition dédiée au design français,
curatée par Matali Crasset et M/M, au
Wolfsonian Museum ; Tour de France au Frost
Museum, qui montrait exclusivement des
œuvres françaises présentes dans des collections privées de Floride ; une exposition
monographique de l’artiste Laurent Grasso,
Portrait of a Young Man, au Bass Museum ; et
même une exposition sur Marcel Duchamp.
Le coup est joli, car les artistes français peinent parfois à s’imposer sur la scène internationale. Et pas toujours pour les raisons qu’on
croit : « Un galeriste pointu montre surtout les
artistes chers, or les Français ne sont pas
assez chers, surtout eu égard à la qualité de
leur travail », estime Hélène Lamarque qui
représente quelques Français, mais aussi, et
en plus grand nombre, des artistes étrangers :
d’Inde, d’Irak... Trop bas, les prix des Français ?
« Nous manquons de collectionneurs »,
reconnaît Richard Lagrange, directeur du
Centre national des arts plastiques (CNAP).
Donc pas de surenchère, et à part pour quelques grands noms qui se sont fait leur place
au soleil de la globalisation, comme Boltanski,
Buren, Sophie Calle ou Claire Fontaine, vendre
des Français, « ça ne paie pas les frais d’une
grosse foire ! », conclut Hélène Lamarque.
Cryptogamme, 1969/2006, de Roger Tallon. Editeur : Sentou (Paris), fabricant : ERGO (Bankok, Thaïlande). Tabouret-coussin (H 55 cm, diam. 42 cm)
demi-sphère en résine polyester moulée rouge, assise en tissu noir Njord et mousse Bultex, réalisé dans le cadre d’un projet de réédition. Présenté
lors de l’exposition Liberty, Equality and Fraternity qui s’est tenue jusqu’au 26 mars dernier au Wolfsonian Museum à Miami.
E L L E A D I TA A
Cathy Leff, directrice du Wolfsonian Museum, responsable d’une exposition sur le design français : « Ce qui m’intéressait, c’était de montrer
l’interaction entre politique et design. L’Etat français achète, soutien l’art, et le partage avec le public. je trouvais important de mettre en avant
cet aspect de la culture française. »
MIAMI
A
Ce méridional effervescent a passé de nombreuses années à diriger des centres d’art en
France. C’est donc à son dada qu’il s’est naturellement attaché en arrivant en poste à Miami.
C’est lui qui a éveillé l’intérêt du Wolfsonian
Museum, dont le fondateur, Mitchell Wolfson,
était déjà très francophile ; de ce terrain favorable est née l’exposition sur le design français. Comme le réseau culturel hexagonal à
l’étranger s’appauvrit dramatiquement (avec
100 000 euros alloués cette année pour la
culture française en Floride), le CNAP, dont la
vocation est de soutenir les artistes vivant en
France (par des aides directes ou des achats
d’œuvres, et en constituant une vaste collection d’art, pas seulement français) est venu à
la rescousse avec 60 000 euros, en plus des
60 000 alloués par l’ambassade, pour coproduire l’exposition avec le musée. Mais l’opportunité financière pour une institution comme
le Wolfsonian, qui dépend uniquement de
fonds privés, n’est pas la raison principale du
succès de l’opération.
Un pont entre deux Amériques
« Norbert nous a présenté Richard Lagrange,
directeur du CNAP, lequel nous a donné carte
blanche, raconte Cathy Leff, directrice du
Wolfsonian, un musée qui se donne pour mission de raconter la transformation du monde
moderne par son industrialisation. Nous
avons choisi nous-même les œuvres dans les
collections du CNAP, poursuit Cathy, mais
aussi les commissaires, Matali Crasset et M/M,
et le titre. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer l’interaction entre politique et design.
L’Etat français achète, soutien l’art, et le partage avec le public. Je trouvais important de
mettre en avant cet aspect de la culture française. »
« Nous vendions déjà des objets signés Starck
et Bouroullec dans notre boutique, renchérit
Marianne Lamonaca, commissaire au musée,
car ils sont un peu connus. Mais si l’on montre
leur travail dans un autre environnement, les
gens comprennent toute la complexité qu’ils
recèlent. » L’exposition Tour de France au
Frost Museum (un très beau musée situé sur le
campus de l’université publique de Miami) est
également due au dynamisme de l’attaché
culturel, secondé ici par son épouse, commissaire indépendante qui a monté l’exposition
avec la direction du Frost.
Outre ce concours de circonstances, le terrain
est favorable. Miami est une ville à part sur la
scène américaine : avec une population hispanophone à 70 % (on peut même y vivre,
désormais, sans parler anglais), elle est un
pont entre les deux Amériques, et même vers
la Chine, « avec l’élargissement en cours du
canal de Panama, explique Hélène Lamarque.
C’est plus facile de mettre des Français en
valeur ici qu’à New York, où les galeries pullulent, surtout que pour Art Basel, tout New York
débarque ! » « La communauté cubaine est
très puissante, elle influe énormément sur la
politique locale, observe Norbert Duffort. Or,
parmi les Cubains, il se trouve des gens très
lettrés, qui apprécient énormément tout ce
qui vient d’Europe, France incluse. »
Et voilà comment la pluie de “grenouilles” d’art
est tombée sur la ville. Et si, comme le regrette
un peu Hélène Lamarque, « un tel grand chelem est rare » pour l’art hexagonal, et « sans
doute pas près de se reproduire », elle a réjoui
son monde, initiant de belles rencontres... et
quelques billets verts appréciés.
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Photo Sonia Desprez
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UN GALERISTE POINTU MONTRE
SURTOUT LES ARTISTES CHERS, OR
LES FRANÇAIS NE LE SONT PAS ASSEZ
VU LA QUALITÉ DE LEUR TRAVAIL.
(c) Martin Szekely / CNAP / Photo Jean Tholance / les Arts décoratifs, Paris
Hélène Lamarque, galeriste française installée en Floride, ci-dessus dans sa galerie devant l’œuvre de ORLAN.
Pi , 1984, de Martin Skekely. Chaise longue en acier et aluminium peints, cuir et mousse (95 x 125 x 55 cm). Editeur : Neotu. Centre national des arts plastiques, France.
Présentée lors de l’exposition Liberty, Equality and Fraternity qui s’est tenue jusqu’au 26 mars dernier au Wolfsonian Museum à Miami.