Date - Commission d`accès à l`information

Transcription

Date - Commission d`accès à l`information
Commission d’accès à
l’information du Québec
Dossier :
05 08 42
Date :
Le 7 mars 2007
Commissaire :
Me Christiane Constant
CAMÉLÉON INFORMATIQUE
ET ROBOTIQUE INC.
Demanderesse
c.
COMMISSION SCOLAIRE
DE MONTRÉAL
Organisme
-et-
BRAULT & BOUTHILLIER
Tierce partie
DÉCISION
05 08 42
Page : 2
LE LITIGE
DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS,
selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1
[1]
Le 16 mars 2005, par l’intermédiaire de M. Stéphane Bélanger, président, la
demanderesse requiert de M. Gilles Petitclerc de la Commission scolaire de
Montréal (l’Organisme) les documents suivants :
-
Document complet et détaillé de l’offre de Brault &
Bouthillier (incluant les bordereaux de soumission et
questionnaires) dans le cadre de l’appel d’offre 28071P auquel notre entreprise a également répondu.
-
Relevé périodique de consommation mensuelle et
annuelle des achats effectués par produit avec
sommaire pour les années 2002, 2003 et 2004 pour
votre fournisseur Brault & Bouthillier.
[2]
Le 23 mars 2005, M. Petitclerc, secrétaire général de l’organisme, transmet
à la demanderesse un accusé de réception et lui fait savoir qu’elle recevra une
réponse avant le 11 avril 2005.
[3] Le 21 avril 2005, M. Bélanger sollicite, au nom de la demanderesse,
l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que
soit révisée la décision de l’Organisme sur le refus présumé de celui-ci
d’acquiescer à sa demande.
L’AUDIENCE
[4]
À la demande de Me Karolyne Gagnon du cabinet d’avocats Parent,
Renaud, procureure de l’Organisme, l’audience de la présente cause a été
reportée, pour se tenir à Montréal le 5 mai 2006. La demanderesse est
représentée par Me Pierre-Yves Leduc du cabinet d’avocats Lafortune Cadieux et
la tierce partie par Me Mark Bantey du cabinet d’avocats Gowling Lafleur
Henderson.
1
L.R.Q., c. A-2.1 (la Loi sur l’accès).
05 08 42
Page : 3
LA PREUVE
A)
DE L’ORGANISME
Témoignage de Mme Guylaine Voyzelle
[5]
Interrogée par Me Gagnon, Mme Voyzelle déclare qu’elle est analyste en
développement des ententes pour les besoins des écoles de l’Organisme. Elle
s’occupe de la préparation des appels d’offres, de l’octroi de contrats et du suivi
des ententes. Pour ce faire, l’Organisme est tenu de respecter les conditions
générales inscrites dans sa « Politique d’achat de biens et services » et la
procédure établie lors de l’ouverture des soumissions à la suite d’appels d’offres
(pièce O-1). Ce document se trouve sur le site Internet de l’Organisme.
[6]
Elle souligne que le but visé par la politique ci-dessus mentionnée est,
entre autres, d’assurer l’acquisition de produits au prix le plus bas et un traitement
équitable entre les fournisseurs et les entrepreneurs. L’Organisme a comme
principe de base de recourir systématiquement à la concurrence entre ces
derniers.
[7]
Elle précise que l’Organisme possède une liste de produits les plus
recherchés par les membres de son personnel, ceux-ci étant les utilisateurs. Il
recourt aux appels d’offres dans les trois secteurs suivants :
a) le matériel d’arts plastiques;
b) le matériel des jeux éducatifs;
c) le matériel de science et technologie au niveau primaire dans près de
200 établissements scolaires et dans plusieurs services de garde et
autres unités administratives.
[8]
Elle indique qu’à l’ouverture des soumissions, le « Comité d’analyse des
soumissions » (le Comité) de l’Organisme, composé de deux à cinq personnes
incluant l’analyste, procède à l’examen des appels d’offres, ces derniers devant
préalablement détenir les renseignements recherchés par cet organisme, tel qu’il
est inscrit dans l’ « Appel d’offres 28-071P » non complété déposé en preuve à
titre d’exemple (pièce O-2). Il se réfère aux critères établis dans ce document et
vérifie notamment le prix net proposé par un soumissionnaire ou « […] l’escompte
ferme accordé […] pour les autres produits disponibles pour chaque catégorie. »
05 08 42
Page : 4
[9]
Dans le cas sous étude, quatre entreprises se sont procuré des enveloppes
et procès-verbaux relativement à l’appel d’offres en question. Deux d’entre elles
ont fait parvenir leur soumission à l’Organisme, soit la demanderesse et la tierce
partie. Ces soumissions reçues avant la date d’ouverture sont conservées sous
clé dans le bureau de Mme Voyzelle, pour être ouvertes aux heure et date prévues
à cette fin (pièce O-3). Elles contiennent notamment le bordereau de prix, le prix
total par catégorie, incluant les taxes, les conditions de paiement et tout escompte
relatif à l’appel d’offres. De plus, à l’ouverture de ces enveloppes, l’Organisme a
remis à la demanderesse certains documents.
[10] Me Gagnon dépose, sous le sceau de la confidentialité, les documents en
litige et signale qu’une personne se présentant au Service des
approvisionnements de l’Organisme doit s’identifier. Dans le cadre de ses
fonctions, elle procède, entre autres, à l’examen des soumissions et dresse un
tableau comparatif des prix que les soumissionnaires lui ont fait parvenir. Ce
tableau contient, entre autres, les prix unitaires transmis par ces soumissionnaires
et les conditions de vente. Ce document et ceux relatifs aux soumissions
contiennent des renseignements confidentiels et sont traités à ce titre. De plus, les
originaux sont conservés sous clé dans son bureau, dont une copie est remise
pour étude au Comité.
[11] Mme Voyzelle signale que, sur recommandation du Comité, elle prépare un
rapport qu’elle dépose au Conseil exécutif de l’Organisme (pièce O-4), dont le
coût total de la catégorie y est inscrit. Elle a transmis à M. Bélanger une copie de
ce document, à l’exception de l’annexe, celle-ci contenant des renseignements
nominatifs concernant des personnes physiques et ne faisant pas partie de la
demande.
[12] Elle ajoute par ailleurs que lorsqu’elle reçoit une demande d’accès, comme
dans le cas sous étude, elle la transmet à M. Petitclerc, responsable de l’accès
aux documents au sein de l’Organisme.
Le premier point de la demande
Document complet et détaillé de l’offre de Brault & Bouthillier
(incluant les bordereaux de soumission et questionnaires) dans le
cadre de l’appel d’offre 28-071P auquel notre entreprise a
également répondu.
[13] Mme Voyzelle répond au premier point de la demande, précisant que le
contrat a été octroyé par l’Organisme au plus bas soumissionnaire, soit la tierce
partie. Celle-ci a répondu au questionnaire et possède, par exemple, un catalogue
contenant des prix qui sont déjà escomptés.
05 08 42
Page : 5
Le deuxième point de la demande
Relevé périodique de consommation mensuelle et annuelle des
achats effectués par produit avec sommaire pour les années
2002, 2003 et 2004 pour votre fournisseur Brault & Bouthillier.
[14] En ce qui a trait au relevé mensuel périodique de consommation tel que
décrit au deuxième point de la demande (pièce O-5), elle réfère au paragraphe 39
du document « Appel d’offres 28-071P » (pièce O-2 précitée), indiquant les
renseignements que doit communiquer un fournisseur à l’Organisme, dont le
relevé annuel des achats effectués par produit, dans le cadre d’une demande de
soumission. En d’autres mots, la tierce partie est détentrice des relevés mensuels
et annuels recherchés par la demanderesse.
[15] Elle affirme que le contrat existant avec la tierce partie est d’une durée de
deux ans. L’Organisme peut effectuer une vérification afin de savoir si les termes
du contrat sont toujours respectés par la tierce partie et si les prix les plus bas
sont toujours maintenus sur ses produits. De plus, la tierce partie a requis de
l’Organisme de ne pas divulguer les prix de ceux-ci, étant confidentiels. Elle ajoute
que la divulgation de ces renseignements lui causerait un préjudice.
[16] Elle souligne par ailleurs que tous les documents relatifs aux soumissions
sont conservés durant une période de sept ans dans un endroit précis au sein de
l’Organisme.
[17] Elle indique que l’Organisme ne détient ni « relevé périodique de
consommation » ni relevés annuels pour les années 2002, 2003 et 2004.
[18] Interrogée par Me Bantey, Mme Voyzelle déclare que l’Organisme ne permet
pas aux soumissionnaires de consulter les documents provenant de leurs
compétiteurs. Ils ont seulement accès à l’appel d’offres déjà déposé en preuve
(pièce O-2 précitée). Elle ajoute que, dans le cas sous étude, si la tierce partie
vérifiait les prix de son compétiteur, elle pourrait effectuer un ajustement de prix,
ce qui ne serait pas en faveur de l’Organisme.
Contre-interrogatoire de Mme Guylaine Voyzelle
[19] Contre-interrogée par Me Leduc, Mme Voyzelle réitère l’essentiel de son
témoignage, ajoutant que le prix d’escompte est inscrit par produit. Elle maintient
que l’Organisme ne détient pas de relevés pour les années 2002 à 2004. Elle
précise de plus que le relevé périodique mensuel par produit recherché par la
demanderesse est inexistant.
05 08 42
Page : 6
[20] Faisant référence à la liste des produits, elle déclare qu’il s’agit des produits
les plus recherchés par le personnel de l’Organisme, précisant que l’Organisme
souhaite maintenir compétitifs les prix de ceux-ci. Cette compétition porte sur le
prix global, ce renseignement revêtant un caractère public, tandis que le prix en
détail est confidentiel.
[21] Elle reconnaît par ailleurs qu’elle a produit en preuve le rapport, mais que
celui-ci ne fait pas partie de la demande.
B)
DE LA TIERCE PARTIE
Témoignage de M. Yves Brault
[22] Interrogé par Me Bantey, M. Brault déclare qu’il est vice-président marketing
et l’un des propriétaires de la tierce partie. Celle-ci existe depuis 1960 et vend du
matériel scolaire aux institutions d’enseignement du niveau préscolaire au
secondaire. Ses employés travaillent, entre autres, à Montréal, à Québec et à
l’extérieur de la province de Québec.
[23] Il signale qu’il est responsable du dossier en litige. En collaboration avec
E. P., un employé de l’entreprise, il a rempli le document prévu pour les appels
d’offres de l’Organisme (pièce O-2 précitée). Il a fourni à ce dernier les
renseignements exigés et y a inscrit les prix nets escomptés. Les documents
relatifs à l’appel d’offres sont conservés sous clé dans un lieu sécuritaire chez la
tierce partie.
[24] Il indique qu’il ne consulte pas les soumissions de ses compétiteurs, dont
celle de la demanderesse. Il précise que si les prix de ses produits étaient rendus
publics, cette divulgation aurait un impact négatif sur la tierce partie, puisqu’elle
leur permettrait de réduire leurs prix lors d’éventuels appels d’offres afin d’obtenir
une soumission.
[25] Il signale que la demanderesse représente l’un des compétiteurs de la
tierce partie. Il en existe d’autres dans la région de Montréal et de Québec.
Preuve ex parte
[26] À la demande de Me Bantey, une preuve ex parte est recueillie par la
Commission, selon les termes de l’article 20 des Règles de preuve et de
procédure de la Commission 2 , à l’exclusion de la demanderesse et de son
procureur :
2
R.R.Q. [A-2.1, r. 2] D. 2058-84.
05 08 42
Page : 7
20.
La Commission peut prendre connaissance, en
l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que
l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à
l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la
Loi.
Poursuite de l’audience
[27] À la poursuite de l’audience, M. Brault précise que la tierce partie est une
entreprise privée et fournit l’adresse de celle-ci.
LES ARGUMENTS
A)
DE L’ORGANISME
[28] Me Gagnon plaide que les motifs de refus de l’Organisme à la divulgation
des renseignements contenus dans les documents en litige sont basés sur les
articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès.
[29] Elle résume le témoignage de Mme Voyzelle et plaide que, dans le cadre
d’appels d’offres, l’Organisme doit agir de façon transparente à l’endroit des
soumissionnaires, sauf en ce qui a trait aux renseignements fournis par un tiers,
conformément à l’affaire Tremblay c. Société générale de financement du
Québec 3 .
[30] Elle fait de plus remarquer que, selon la preuve, l’Organisme doit exiger le
prix le plus bas possible lors d’un appel d’offres afin de sauvegarder la libre
concurrence entre les compétiteurs. Il a de plus été établi que le prix ventilé
demeure confidentiel (pièce O-1 précitée), conformément à l’affaire Entretien Sani
Choc inc. c. Musée de la civilisation 4 , lorsque la Commission indique, notamment :
La preuve entendue me convainc que la divulgation des
coûts ventilés risquerait vraisemblablement de procurer un
avantage appréciable à toute personne œuvrant dans le
secteur de l’entretien ménager lors d’éventuelles
soumissions, au sens de l’article 24 de la loi. […].
3
4
[2004] C.A.I. 604.
[1993] C.A.I. 184, 188.
05 08 42
Page : 8
[31] De plus, commentant la décision Norstan Canada inc. c. Université de
Sherbrooke 5 , elle argue que, même en l’absence de preuve par la tierce partie
quant à la nature confidentielle des coûts ventilés, la Commission a déjà reconnu,
dans l’affaire Syndicat canadien de la Fonction publique c. Centre hospitalier
Anna-Laberge 6 , le caractère objectivement confidentiel des renseignements
portant notamment sur les coûts ventilés.
[32] Elle rappelle par ailleurs l’aspect compétitif entre les entreprises
relativement, entre autres, au prix unitaire indiqué dans la liste des produits. Quant
au « Relevé périodique de consommation » recherché par la demanderesse,
Me Gagnon rappelle le témoignage de Mme Voyzelle voulant que ce document soit
inexistant. Elle a plutôt défini cette expression en référant la Commission à la
clause 39 de l’appel d’offres non rempli (pièce O-2 précitée).
B)
DE LA DEMANDERESSE
[33] Me Leduc fait remarquer que la demanderesse souhaite avoir accès aux
documents en litige afin de se mettre sur le même pied d’égalité que la tierce
partie. Il rappelle que la demanderesse souhaite de plus avoir accès à la liste de
produits préparée par la tierce partie et à son rapport annuel. L’Organisme
dépense des fonds publics. Celui-ci doit agir de façon transparente en divulguant
les renseignements recherchés, conformément aux décisions Regroupement des
étudiantes et étudiants en sociologie de l’Université de Montréal c. Université de
Montréal 7 .
[34] Il plaide que Mme Voyzelle a fait ressortir que les relevés mensuels des
achats effectués recherchés par la demanderesse existent, ces derniers ayant été
préparés par la tierce partie; ils devraient donc également lui être accessibles.
C)
DE LA TIERCE PARTIE
[35] Me Bantey plaide que, pour voir à l’application de l’article 23 de la Loi sur
l’accès, les tests objectif et subjectif doivent être satisfaits par la tierce partie.
L’article 23 de la Loi sur l’accès
[36] Me Bantey plaide que, dans le présent cas, la tierce partie doit démontrer
que le renseignement en litige a été fourni par celle-ci, qu’il est notamment
commercial et financier, qu’il émane de cette dernière, qu’il est de nature
5
6
7
[1997] C.A.I. 226.
[1990] C.A.I. 302.
C.A.I. Montréal, no 01 01 08, 4 décembre 2002, c. Laporte.
05 08 42
Page : 9
confidentielle et traité à ce titre, conformément à la décision Malolepszy c.
Université Concordia 8 .
[37] Faisant référence à la preuve de la tierce partie, il ajoute que celle-ci a
démontré que les conditions législatives relatives au test objectif de l’article 23 de
la Loi sur l’accès ont été satisfaites, conformément à l’affaire Reeves c. Québec
(Ministère de la Santé et des Services sociaux) 9 :
La Commission a déjà décidé qu’un renseignement de
nature technique est celui appartenant à un domaine
particulier et spécialisé, par opposition à ce qui est
commun ou général. La description des activités, des
opérations ou un portrait des ressources humaines d’une
entreprise se qualifie habituellement d’informations de
nature industrielle. Un renseignement financier est celui se
rattachant aux ressources pécuniaires, à l’argent.
Finalement, le taux horaire des honoraires d’un
professionnel, la vente de terrains, la location de locaux ou
une liste de clients sont des informations considérées de
nature commerciale.
[38] Il souligne que, si la tierce partie n’avait pas soulevé à l’audience la nature
confidentielle des renseignements contenus dans les documents en litige, la
Commission aurait déjà reconnu leur caractère objectivement confidentiel portant
notamment sur les coûts ventilés, tel qu’il est mentionné dans l’affaire Norstan
Canada inc. c. Université de Sherbrooke 10 , selon laquelle la Commission a
statué :
Toutefois, il importe de rappeler, qu’en dépit de l’absence
de preuve par le tiers quant à la nature confidentielle des
renseignements en litige, la Commission a reconnu dans
l’affaire Syndicat canadien de la Fonction publique c.
Centre
hospitalier
Anna-Laberge,
le
caractère
objectivement confidentiel des renseignements portant
entre autres, sur les coûts ventilés. C’est sur la base de
plusieurs décisions antérieures reconnaissant le caractère
objectivement confidentiel de ces renseignements que la
Commission a conclu à leur nature confidentielle.
8
9
10
[2001] C.A.I. 292.
[2004] C.A.I. 415, 422.
Précitée, note 5, 240.
05 08 42
Page : 10
[39] Il réfère de plus à la preuve de la tierce partie, celle-ci ayant démontré que
les renseignements en litige sont confidentiels et traités à ce titre par cette
dernière, conformément à l’affaire Malolepszy c. Université Concordia 11 , lorsque la
Commission indique :
La preuve révèle que cette information est confidentielle et
traitée confidentiellement. L’information est gardée dans
un endroit fermé sous clé et seules certaines personnes y
ont accès. Les entreprises mentionnées ci-dessus ne se
partagent pas cette information.
La preuve révèle qu’il s’agit d’informations commerciales
de nature compétitive et que la divulgation de celles-ci aux
compétiteurs dévoilerait la fixation des prix et l’approche
de l’entreprise relativement aux variables impliquées dans
la soumission.
L’article 24 de la Loi sur l’accès
[40] Il plaide que, relativement aux exigences prévues à l’article 24 de la Loi sur
l’accès, la tierce partie doit démontrer que le renseignement est fourni par celle-ci
à l’Organisme et que sa divulgation risquerait, entre autres, de procurer un
avantage appréciable à une autre personne.
[41] Il fait remarquer que les exigences prévues à cet article ont été respectées
par la tierce partie, celle-ci ayant démontré, par exemple, que la divulgation du
coût unitaire des produits risquerait de causer une perte économique à cette
dernière et procurerait un avantage appréciable à la demanderesse et aux autres
compétiteurs, conformément, entre autres, à l’affaire Inter-Sélect Québec inc. c.
Cégep Lévis-Lauzon 12 . Dans cette décision, la Commission mentionne :
[…] M. Leblond explique que les informations faisant partie
de la soumission de Bell Canada sont traitées
confidentiellement par l’entreprise. L’accès à ces
informations au sein de l’entreprise est limité au personnel
des ventes et au groupe d’appels d’offres. Les documents
sont gardés sous clé. Les copies de la soumission sont en
nombre restreint au sein de l’entreprise Bell Canada; le
service des ventes et le groupe d’appels d’offres
détiennent respectivement une copie.
11
12
Précitée, note 8, 294.
[1992] C.A.I. 65, 66.
05 08 42
Page : 11
DÉCISION
[42] La preuve non contredite démontre que l’Organisme a transmis des
documents à la demanderesse, dont certains renseignements ont été élagués.
Ceux déposés à l’audience, sous le sceau de la confidentialité, sont :
a) la première page de l’appel d’offres 28-071P sur laquelle sont inscrits
les mots « pour toutes les catégories »;
b) l’appel d’offres 28-071P intitulé « Bordereau de soumission » pour les
catégories A (Matériel d’arts plastiques), B (Jeux éducatifs) et C
(Matériel de science et technologie au primaire) »;
c) le questionnaire comportant 11 questions;
d) les 20 pages de documents sur lesquelles est inscrit le mot « Annexe »
référant chacune à un numéro spécifique;
e) la liste des produits comportant, entre autres, huit sections, dont
notamment les numéros de produits, la description, la page et le prix
régulier par catalogue, le pourcentage d’escompte accordé et le prix
unitaire accordé à l’Organisme.
[43] Le refus d’accès par l’Organisme aux documents en litige ci-dessus
mentionnés est basé sur les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, tels qu’ils se
lisaient avant l’adoption du Projet de loi no 86 au mois de juin 2006 :
23.
Un organisme public ne peut communiquer le secret
industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier,
commercial, scientifique, technique ou syndical de nature
confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par
un tiers de façon confidentielle, sans son consentement.
24.
Un organisme public ne peut communiquer un
renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation
risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en
vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce
tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre
personne ou de nuire de façon substantielle à la
compétitivité de ce tiers, sans son consentement.
05 08 42
Page : 12
L’article 23 de la Loi sur l’accès
[44] Pour voir à l’application de l’article 23 de la Loi sur l’accès, la tierce partie,
qui refuse de communiquer à un demandeur des documents, doit démontrer que
le renseignement recherché :
a)
b)
c)
d)
est industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical;
est confidentiel;
a été fourni par un tiers; et
est traité habituellement de façon confidentielle par ce tiers.
[45] Dans le cas sous étude, la preuve démontre que les renseignements
recherchés par la demanderesse sont commerciaux et financiers, confidentiels et
qu’ils ont été fournis par la tierce partie à l’Organisme. Ils ne doivent pas être
communiqués à la demanderesse. Il s’agit ici de conditions objectives.
[46] La quatrième condition représente cependant un critère subjectif. En effet,
la tierce partie a démontré qu’elle traite habituellement les renseignements la
concernant de façon confidentielle. Cet élément de preuve est ressorti par
M. Brault particulièrement lors de la preuve ex parte. Les conditions de l’article 23
de la Loi sur l’accès sont donc satisfaites par la tierce partie.
[47] De plus, l’examen de l’appel d’offres démontre que la tierce partie indique,
entre autres, la description d’un produit, la marque, la quantité, le prix unitaire et le
prix total de ce produit. Lors de la preuve ex parte, M. Brault a expliqué les motifs
pour lesquels la tierce partie a décidé d’inscrire les renseignements indiqués.
L’article 24 de la Loi sur l’accès
[48] L’un des critères d’application de l’article 24 de la Loi sur l’accès pour qu’un
organisme refuse de communiquer un renseignement fourni par un tiers à un
demandeur est que sa divulgation risquerait vraisemblablement de procurer un
avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la
compétitivité de ce tiers.
[49] Dans le cas sous étude, la preuve non contredite a démontré que la tierce
partie et la demanderesse sont des entreprises oeuvrant dans le milieu scolaire et
qu’elles sont en compétition l’une contre l’autre.
05 08 42
Page : 13
[50] Quant au questionnaire, M. Brault identifie les personnes et les fonctions
occupées par celles-ci, non seulement en raison de leur titre, mais également par
le travail qu’elles auront à faire dans le cadre de la soumission.
[51] Les annexes, pour leur part, contiennent des renseignements très précis
relativement, entre autres, à la description des produits, au prix unitaire et au prix
total. Le témoin de la tierce partie a démontré que ces renseignements sont
propres à cette dernière.
[52] Quant à la liste de produits, la preuve ex parte a clairement démontré que
les renseignements contenus à ce document doivent demeurer confidentiels. Il est
évident que leur divulgation risquerait vraisemblablement de procurer un avantage
appréciable à la demanderesse ou à toute autre entreprise oeuvrant dans le
domaine scolaire au sens de l’article 24 de la Loi sur l’accès.
[53]
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :
ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse
contre l’Organisme;
PREND ACTE que l’Organisme a communiqué à la demanderesse des
documents;
REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse;
FERME le présent dossier.
CHRISTIANE CONSTANT
Commissaire
Lafortune Cadieux
(Me Pierre-Yves Leduc)
Procureurs de la demanderesse
Parent, Renaud
(Me Karolyne Gagnon)
Procureurs de l’Organisme
05 08 42
Gowling Lafleur Henderson
(Me Mark Bantey)
Procureurs de la tierce partie
Page : 14