Dimanche 19 octobre 2014 Ludwig van Beethoven Intégrale des
Transcription
Dimanche 19 octobre 2014 Ludwig van Beethoven Intégrale des
Dimanche 19 octobre 2014 Ludwig van Beethoven Intégrale des sonates et variations pour piano et violoncelle Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr Ludwig van Beethoven | Intégrale des sonates et variations pour piano et violoncelle | Dimanche 19 octobre 2014 Roch-Olivier Maistre, Président du Conseil d’administration Laurent Bayle, Directeur général DIMANCHE 19 OCTOBRE 2014 – 11H Salle des concerts Ludwig van Beethoven Intégrale des sonates et variations pour piano et violoncelle Sonate no 1 en fa majeur op. 5 no 1 Sonate no 2 en sol mineur op. 5 no 2 entracte Sept Variations sur « Bei Männern, welche Liebe fühlen » Sonate no 3 en la majeur op. 69 Jean-Guihen Queyras, violoncelle Alexander Melnikov, piano Ce concert est enregistré et diffusé par France Musique le 12 novembre 2014 à 14h. Fin du concert vers 12h50. 2 DIMANCHE 19 OCTOBRE 2014 – 15H Salle des concerts Ludwig van Beethoven Intégrale des sonates et variations pour piano et violoncelle Douze Variations sur « Ein Mädchen oder Weibchen » Sonate no 4 en ut majeur op. 102 n° 1 entracte Douze Variations sur « See the Conquering Hero Comes » Sonate no 5 en ré majeur op. 102 n° 2 Jean-Guihen Queyras, violoncelle Alexander Melnikov, piano Ce concert est enregistré et diffusé par France Musique le 13 novembre 2014 à 14h. Fin du concert vers 16h30. 3 Bien que moins nombreuses que les sonates pour piano et violon, les pièces consacrées par Beethoven au duo clavier-violoncelle sont loin de représenter dans son œuvre un corpus sans grande importance. Trois recueils de variations et surtout cinq sonates : il y a là de quoi apprécier toutes les subtilités de l’écriture beethovénienne pour la « petite basse », que le Triple concerto de 1804 met lui aussi particulièrement en valeur, lui accordant un rôle à sa mesure. Les dates de composition de ces partitions, qui s’étendent de 1796 à 1815, suggèrent également un intérêt soutenu pour l’instrument (tandis que les sonates pour violon, écrites pour l’essentiel en l’espace de quelque six ans, semblent dans une plus grande mesure devoir leur existence à une nécessité ponctuelle), tout en apportant un témoignage de ce que l’on définit fréquemment, bien qu’un peu schématiquement, comme les « trois styles » de Beethoven, les deux premières sonates appartenant à la période de formation, la troisième au style « héroïque » et les deux dernières à la maturité. La fréquentation de nombreux violoncellistes, bons amateurs ou virtuoses (Frédéric-Guillaume II, les frères Duport, Bernhard Romberg, Joseph Linke…), fut pour le compositeur, qui lui-même ne pratiquait pas l’instrument, un élément déclencheur et lui permit de ne pas sacrifier la pertinence du geste aux idées musicales. Instrument au passé déjà glorieux, honoré par Bach, Vivaldi, Boccherini ou – dans une moindre mesure – Haydn, le violoncelle entre avec Beethoven dans la période romantique de son histoire, expérimentant une nouvelle liberté à l’égard des canons classiques de la musique de chambre et un travail mélodique poussé, à l’opposé du rôle qu’il pouvait jouer dans un continuo, tout en s’enrichissant de la confrontation et du dialogue avec un autre instrument, le piano, dont il est devenu l’égal. Angèle Leroy 4 Ludwig van Beethoven (1770-1827) Sonate pour piano et violoncelle no 1 en fa majeur, op. 5 no 1 Adagio sostenuto - Allegro Allegro vivace Sonate pour piano et violoncelle no 2 en sol mineur, op. 5 no 2 Adagio sostenuto ed espressivo - Allegro molto più tosto presto Rondo (Allegro) Composition : 1796. Dédiées à Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse. Durée : environ 42 minutes. L’année 1796 fut marquée pour Beethoven, Viennois depuis quelques années, par de nombreux voyages destinés à asseoir sa réputation dans le monde musical. Prague, Leipzig, Dresde et Budapest représentèrent quelques-unes des étapes de sa grande tournée qui le mena également à Berlin. La fréquentation de la cour, où Frédéric-Guillaume II, bon violoncelliste (c’est pour lui que furent composées quelques années plus tôt les parties de violoncelle des Quatuors « Prussiens » de Mozart), employait les virtuoses Jean-Pierre et Jean-Louis Duport, donna au jeune homme de vingt-six ans le désir de faire preuve tout à la fois de ses talents de compositeur et de pianiste. Il en résulta les deux sonates opus 5 (ainsi que les Variations sur un thème de Haendel WoO 45), qui rompent avec la tradition des sonates pour violoncelle seul avec basse continue en proposant une partie de piano entièrement écrite – et qui plus est, tout à fait complexe. Leur interprétation, par Beethoven lui-même aux côtés de l’un des frères Duport (mais lequel ? Sur ce point, les sources diffèrent), valut au compositeur de recevoir une boîte remplie de louis d’or de la part du souverain : un cadeau « de ceux que l’on donne aux ambassadeurs », se réjouit-il auprès de ses amis. Rentré à Vienne, Beethoven fit publier les deux œuvres chez Artaria en 1797 sous le titre Deux Grandes Sonates pour le clavecin ou piano-forte avec un violoncelle obligé (la référence au clavecin, quelque peu étonnante, obéissant probablement à des visées commerciales, l’idée étant d’accroître la diffusion de l’ouvrage). La Première Sonate, en fa majeur, ouvre le diptyque sous un jour serein, où la facture classique de l’écriture mélodique et harmonique, qui manifeste comme les autres œuvres de cette époque l’influence de Haydn et de Mozart, se trouve mâtinée d’une propension à l’irrégularité formelle toute beethovénienne. Au lieu d’adopter une architecture tripartite avec un épisode central plus lent, elle déplace l’Adagio en introduction, comme Mozart l’avait fait dans deux de ses sonates pour violon (K. 303 et K. 379). Il lui revient alors d’élaborer le discours, en un geste qui deviendra fréquent chez le compositeur, le rhapsodisme du flux musical servant une construction « en direct » qui permet au violoncelle de donner la preuve, dès les premières minutes, de ses possibilités déclamatoires et lyriques. La suite de ce mouvement inaugural, qui bifurque vers l’Allegro, n’invalide pas l’impression première : des tournures parfois conventionnelles (l’écriture 5 pianistique n’est notamment pas sans rappeler une œuvre légèrement antérieure comme le Concerto pour piano no 1), une grande attention portée aux détails, visible notamment dans le travail sur les nuances, un usage avisé des possibilités modulatoires, notamment dans le développement. Après un court rappel de l’introduction puis un presto éclatant, qui vient clore avec panache cet ample premier mouvement, Beethoven choisit pour seconde partie un Allegro vivace qui adopte la forme du rondo. En guise de thème, une mélodie bondissante où violoncelle et piano ne cessent de se poursuivre ; caractérisé par ses notes répétées sautillantes et son rythme fondateur (trois brèves-une longue), le refrain alterne, fidèle à la règle, avec des passages contrastants, dont une danse rustique du piano émaillée de petites notes sur fond de pizzicati du violoncelle, avant de mener à une conclusion rayonnante. Moins « solaire », notamment en raison de sa tonalité principale, ici sol mineur, la Deuxième Sonate op. 5 partage cependant bien des traits avec sa jumelle, qu’ils soient stylistiques ou formels. De nouveau, Beethoven y renonce aux charmes d’un mouvement lent central, déplaçant celui-ci au début de l’œuvre. Cette fois, l’Adagio sostenuto ed espressivo dépasse clairement le format et la portée d’une introduction lente ; d’un caractère presque théâtral, il possède un poids expressif important, inhabituel chez le compositeur à cette époque. Tour à tour dramatique, désolé, émouvant, lyrique, il se développe sans hâte, n’amenant à l’Allegro molto più tosto presto qu’au terme d’un long voyage. L’entrée dans celui-ci se fait piano, encore dans l’esprit des cadences suspendues précédentes ; mais bientôt l’énergie s’y épanouit pleinement, secondée par une véritable abondance thématique. On gage que les premiers auditeurs ont dû reconnaître immédiatement l’originalité et l’exigence de cet Allegro, qui rompt sans hésitation avec la tradition de l’époque et demande de ses interprètes une technique plus que solide. De conception plus simple, mais toujours difficile, notamment en raison de sa rapidité (le violoncelle n’ayant rien à envier à ce sujet au piano), le finale emprunte une fois encore au rondo. Un thème-refrain carré, bonhomme, marqué par un élan vers l’aigu plusieurs fois affirmé, piqué de notes répétées inaugure quelque huit minutes de musique souvent en flot pressé, jusqu’au couronnement de la coda. Sept variations pour violoncelle et piano sur le thème « Bei Männern, welche Liebe fühlen » de La Flûte enchantée de Mozart WoO 46 Composition : 1801. Dédiées à « mon ami le comte de Browne », comme cadeau de nouvel an, le 1er janvier 1802. Durée : environ 10 minutes. Parmi les opéras de Mozart, il en est un que Beethoven chérit tout particulièrement, tant pour la richesse et la variété de son écriture musicale que pour la dimension initiatique et morale de son livret : La Flûte enchantée (par certains aspects, Fidelio est d’ailleurs tributaire de son prédécesseur viennois). Ainsi, l’hommage à ce Singspiel prend sous la plume du jeune Beethoven la forme de deux séries de variations pour violoncelle et piano au tournant du siècle, sur le thème 6 « Ein Mädchen oder Weibchen » (air de Papageno) et sur celui du duo Papageno/Pamina « Bei Männern, welche Liebe fühlen » (la composition de ces dernières étant vraisemblablement déclenchée par la reprise en 1801 de La Flûte enchantée au Hoftheater puis au Theater an der Wien). Composées quelques années après les deux autres cahiers (sur Haendel et sur « Ein Mädchen oder Weibchen »), les Variations WoO 46 marquent un net saut qualitatif. Le dialogue y est considérablement plus présent, rappelant les sonates op. 5 ; le thème, où le violoncelle reprend les phrases de Papageno tandis que celles de Pamina se voient confiées au piano, génère sept variations, parmi lesquelles une quatrième en mineur – dans la tonalité périlleuse de mi bémol – dont l’expressivité trouve un écho dans la sixième, notée adagio, qui prend des allures de méditation. Sonate pour piano et violoncelle no 3 en la majeur, op. 69 Allegro ma non tanto Scherzo : Allegro molto Adagio cantabile (en mi majeur) Allegro vivace Composition : 1807-1808. Dédiée à Ignaz von Gleichenstein. Durée : environ 27 minutes. Alors que les deux premières sonates, tout comme les variations, appartenaient à la jeunesse du compositeur, la Troisième Sonate op. 69 est, elle, œuvre de maturité. En effet, Beethoven a déjà derrière lui un catalogue impressionnant, comprenant notamment vingt-quatre sonates pour piano, la quasi-totalité de celles pour le violon, neuf quatuors à cordes (dont les trois « Razumovski » qui renouvellent considérablement le point de vue sur le genre), quatre concertos pour piano ou six symphonies. Poursuivant avec constance ce « nouveau chemin » qu’il appelait de ses vœux en 1802, Beethoven applique à tous les genres ses nouvelles exigences, suscitant plus souvent qu’à son tour l’incompréhension du public. La Sonate pour violoncelle op. 69, moins foisonnante que ses aînées, appartient quant à elle à une période heureuse, où Beethoven « crée en abondance, dans l’effervescence et l’exubérance de son génie », comme le notent Jean et Brigitte Massin. Si les esquisses de celle-ci voisinent avec celles de la Cinquième Symphonie, c’est plus à sa sœur cadette, la « Pastorale », qu’elle fait penser par son caractère lyrique sans dramatisme. Dédiée à un autre protecteur de Beethoven qui jouait du violoncelle, le baron von Gleichenstein, elle semble avoir été créée par Joseph Linke, violoncelliste du célèbre quatuor de Schuppanzigh, accompagné par Karl Czerny (Linke sera d’ailleurs le destinataire – mais non le dédicataire – des sonates op. 102 de 1815). 7 Alors qu’il s’attache dans cette sonate tout particulièrement à résoudre les questions d’équilibre entre les deux instruments, réactualisées par les avancées techniques de la facture de piano, qui eurent pour résultat une sonorité plus ample, Beethoven commence en un geste compositionnel typé par un solo de violoncelle, qui énonce le thème à découvert (à noter que l’on trouve des gestes similaires dans le Trio op. 70 no 2, les sonates pour violon opus 47 « À Kreutzer » et opus 96 ou la Quatrième Sonate pour violoncelle). Les deux instruments se partagent ensuite le matériau mélodique avec équité – il ne viendrait plus à l’idée de personne de parler de sonate pour piano avec violoncelle obligé. Le scherzo qui suit est anguleux dans son thème, avec un côté heurté très beethovénien, dû au jeu sur les temps faibles qui le fonde ; il adopte une forme à double trio ABABA opposant mineur et majeur, forme également utilisée dans les Sixième et Septième Symphonies ainsi que dans le Quatuor à cordes no 11 op. 95, un peu plus tardif. Toujours pas de mouvement lent à proprement parler, mais un court Adagio cantabile lyrique et expressif, aux sonorités très fondues, qui mène à un Allegro vivace extrêmement plaisant, à l’écriture instrumentale variée, et où le violoncelle conquiert notamment son registre grave. Douze Variations pour violoncelle et piano sur le thème « Ein Mädchen oder Weibchen » de La Flûte enchantée de Mozart op. 66 Composition : 1798. Durée : environ 9 minutes. « En tous temps, je me suis compté au nombre des grands admirateurs de Mozart et je le resterai jusqu’à mon dernier souffle », écrivait Beethoven à l’abbé Stadler en 1826. Il n’y a donc rien de si étonnant à ce que sur les trois cahiers de variations que le compositeur consacre au duo violoncelle et piano, deux d’entre eux recourent à Mozart, et plus particulièrement à un opéra que le compositeur appréciait tout spécialement, La Flûte enchantée. Celui-ci, le plus ancien des deux (l’autre date de 1801), prend pour thème le fameux air où Papageno exprime son désir d’une femme. Comme dans les variations sur Haendel, Beethoven accorde la prééminence au piano, à qui revient d’énoncer le thème (le violoncelle le complétant ou le doublant) et qui s’attribue la totalité de la première variation, d’une grande légèreté. L’instrument à cordes retrouve cependant sa place dès la deuxième variation, et Beethoven lui réserve déjà quelques passages d’une difficulté redoutable. Expression lyrique, caractère martial, habituelles variations dans le mode mineur, vélocité ou au contraire lenteur… sont quelques-uns des procédés utilisés par Beethoven au fil de cet album attachant. 8 Sonate pour piano et violoncelle no 4 en do majeur, op. 102 no 1 Andante - Allegro vivace Adagio - Allegro vivace Composition : 1815. Dédiée à la comtesse Maria von Erdödy. Durée : 15 minutes. Quelque sept ans séparent les deux sonates op. 102, écrites à l’été 1815 pour Joseph Linke, avec qui le compositeur séjourne cette année-là auprès de la comtesse Erdödy, du précédent essai de Beethoven dans le genre, la « classique » Sonate pour violoncelle op. 69. Ces sept ans ont été accompagnés de changements esthétiques non négligeables, Beethoven traversant une période difficile sur le plan personnel et artistique dès 1813. Dans ce contexte, l’année 1815 révèle une première réflexion du compositeur sur les possibilités qui s’offrent à lui, et les deux sonates pour violoncelle représentent une tentative de solution apportée aux problèmes de sens et de forme qui se posent alors. Maynard Salomon le résume ainsi : « Dans l’évolution de Beethoven, nous constatons une tension entre le désir de ne pas abandonner les formes classiques reçues et le besoin rebelle de les dissoudre, ou au moins de les remodeler. Cette tension […], c’est après 1815 qu’elle apparaît au grand jour. Les formes classiques restent la pierre de touche à laquelle il retourne inévitablement après chacune de ses incursions (de plus en plus hardies) dans les régions expérimentales. Les formes traditionnelles sont tacitement minées […] dans les Sonates op. 101 et op. 102 de 1815-1816, ouvrant doucement la porte au romantisme. » Sans surprise, les deux sonates pour violoncelle furent confrontées à l’incompréhension du public et des critiques, le journaliste de l’Allgemeine Musikalische Zeitung écrivant ainsi : « Elles appartiennent au goût le plus inaccoutumé et le plus étrange. Nous n’avons jamais pu prendre goût aux deux sonates ; mais ces compositions sont peut-être un chaînon nécessaire dans les créations de Beethoven pour nous conduire là où la main du maître voulait nous mener. » Il ne pensait pas, le pauvre, que malgré toute sa bonne volonté les années à venir allaient rendre sa tâche plus ardue encore, Beethoven persistant – progressant même – dans l’inouï et l’intransigeance. C’est à la Sonate op. 102 no 1 qu’il revient d’illustrer avec le plus d’acuité cette tendance à pervertir les formes classiques qui culminera dans les derniers quatuors. Elle porta d’ailleurs un temps le qualificatif de « freie Sonate », « sonate libre », une façon de prévenir ceux qui y attendraient quoi que ce soit de classique. Marquant un nouveau pas vers l’épure (l’Opus 69 était déjà plus ramassé dans son écriture instrumentale que les deux premières sonates), cette œuvre dans la tonalité « blanche » de do majeur se présente en une seule coulée, ses quatre moments s’enchaînant les uns aux autres. C’est à un Andante – souvenir des introductions lentes de l’Opus 5 ? – qu’il revient d’ouvrir ; mais cette fois, Beethoven y place les germes de toute la sonate, en un geste 9 unificateur dont Brahms fera lui aussi, en son temps, grand usage. L’extraordinaire Adagio central, au discours rhapsodique, en forme clairement le pendant, tandis que les deux Allegro vivace, le premier au relatif mineur (la), le second dans la tonalité principale, manifestent une énergie concentrée, le finale infléchissant le discours vers l’humour, dont on sait qu’il n’est pas incompatible, chez Beethoven, avec les questions existentielles. Douze Variations pour violoncelle et piano sur le thème « See the conquering hero comes » de l’oratorio de Haendel Judas Macchabée WoO 45 Composition : vraisemblablement 1796. Dédiées à la princesse Marie Christiane de Lichnowsky. Durée : environ 12 minutes. En guise d’intermède entre les deux sonates de l’Opus 102, les Variations sur « See the conquering hero comes », furent probablement écrites en 1796 durant le séjour berlinois de Beethoven. Celui-ci, qui eut pour conséquence notable la composition des deux premières œuvres pour le duo violoncelle-piano, les sonates op. 5, inspirées par Frédéric-Guillaume II et les frères Duport, permit vraisemblablement à Beethoven d’assister aux répétitions de Judas Macchabée de Haendel (« le plus grand compositeur qui ait jamais existé. Je voudrais m’agenouiller sur sa tombe »). Le choix d’un thème de ce dernier, cher au cœur du compositeur, ne pouvait que plaire à Frédéric-Guillaume II, qui avait été à l’origine d’une mémorable interprétation du Messie à la cathédrale de Berlin. Le grand chœur « See, the conquering hero comes », le passage le plus connu de la partition, inspire au jeune compositeur douze variations où le piano se taille la part du lion (il est d’ailleurs seul en lice pour la première variation), ce qui n’exclut pas à l’occasion des passages virtuoses au violoncelle, comme dans la périlleuse variation 7. Sans atteindre au niveau des sonates contemporaines, ces Variations WoO 45 présentent tout de même de beaux moments (telle la variation 11) et permettent parfois d’apercevoir ce qui deviendra le style beethovénien. 10 Sonate pour piano et violoncelle no 5 en ré majeur, op. 102 no 2 Allegro con brio Adagio con molto sentimento d’affetto Allegro – Allegro fugato Composition : 1815. Dédiée à la comtesse Maria von Erdödy. Durée : environ 20 minutes. Après la forme enchaînée de la « freie Sonate » précédente, la Sonate no 5 revient, en apparence du moins, à des schémas moins originaux, se découpant selon le schéma habituel en trois mouvements rapide-lent-rapide. Pour autant, la remarque du pianiste Hans von Bülow, qui expliquait qu’il fallait être, pour interpréter les sonates, non seulement un très bon musicien, mais aussi « un être humain très cultivé », s’applique ici parfaitement. Les premières mesures n’en font déjà pas mystère, et le lever de rideau par le piano a quelque chose du manifeste. Le matériau utilisé est relativement simple (un premier thème conquérant, un second plus lié, plus chantant, suivant la dialectique classique), mais son traitement fait montre d’une puissance imaginative hors du commun, opérant des développements et transformations harmoniques, mélodiques ou rythmiques d’une grande richesse. L’Adagio con molto sentimento d’affetto représente le premier véritable mouvement lent des sonates pour piano et violoncelle ; et quel mouvement lent ! Rhapsodique, d’un lyrisme chaleureux qui n’exclut pas une mélancolie poignante, il libère définitivement le violoncelle du rôle qu’on lui attribue volontiers à l’époque, celui d’un instrument plutôt rythmique assez peu à même de rivaliser avec le piano dans les cantilènes, et préfigure les grandes pages du romantisme, celles de Brahms par exemple. À l’interrogation métaphysique implicitement contenue dans cet Adagio, Beethoven choisit de répondre par une fugue, la première de celles qui émailleront les pages instrumentales de la fin de sa vie dans une « véritable obsession contrapuntique » (François-René Tranchefort). Puissante, jubilatoire, élaborée comme en temps réel (avec ces gammes montantes qui formeront la tête du thème), elle préfigure le dernier mouvement de la monumentale Sonate « Hammerklavier » composée quelques années après. Clairement, Beethoven a cessé de composer pour le public de son époque ; il s’adresse au contraire aux futures générations, comme en témoigne sa réponse (« Ça viendra ») à son future biographe Schindler, qui lui confiait : « J’avoue ne pas bien comprendre encore le fugato de la Sonate op. 102 no 2. » Angèle Leroy 11 Jean-Guihen Queyras Musicien réputé pour son éclectisme, Jean-Guihen Queyras se produit aux côtés d’orchestres et de chefs de renom international. Sa carrière l’a amené à collaborer avec des formations de premier plan dont le Philharmonia Orchestra, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre Symphonique de la NHK, l’Orchestre Symphonique de Tokyo, l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich, l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, l’Orchestre du Festival de Budapest, l’Orchestre de la Suisse Romande et l’Orchestre Philharmonique des Pays-Bas, sous la baguette de chefs tels que Franz Brüggen, Günther Herbig, Ivan Fischer, Philippe Herreweghe, Yannick Nézet-Séguin, Jiri Belohlavek, Olivier Knussen et Sir Roger Norrington. Il est régulièrement engagé comme soliste par divers ensembles de musique ancienne comme le Freiburger Barockorchester et l’Akademie für Alte Musik Berlin. Fréquemment accueilli en résidence, Jean-Guihen Queyras a collaboré pour divers projets avec le Muziekcentrum Vredenburg d’Utrecht, le Concertgebouw d’Amsterdam et De Bijloke de Gand. Nommé artiste en résidence de l’Ensemble Resonanz, il a dirigé cet orchestre de chambre hambourgeois et interprété avec lui un répertoire éclectique dans des cadres tels que la Laieszhalle de Hambourg, la Philharmonie de Cologne, le Théâtre des Bouffes du Nord, le Konzerthaus de Vienne et le Muziekgebouw d’Amsterdam. Au cours de cette saison, il se verra accorder une carte blanche au Festival d’Aix-en-Provence et sera également artiste en résidence du Bochum Symphoniker. La saison à venir l’amènera à se produire avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, le Philadelphia Orchestra, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam et l’Orchestra della Svizzera Italiana. Le violoncelliste donnera également en tournée européenne l’œuvre complète pour violoncelle et piano de Beethoven avec le pianiste Alexander Melnikov. Célèbre pour ses récitals Bach, Jean-Guihen Queyras en offrira dans le monde entier au cours de la saison 20142015. Cet ardent défenseur du répertoire contemporain repousse avec passion les frontières du répertoire de son instrument. Il collabore régulièrement avec des compositeurs tels que Bruno Mantovani, Jörg Widmann et Pierre Boulez ; il a également passé commande auprès de Thomas Larcher d’une composition pour violoncelle solo et orchestre à cordes avec une première prévue pour 2016. Il a créé le Concerto pour violoncelle de Michael Jarrell et celui de Johannes-Maria Staud (au Konzerthaus de Berlin, au Musikverein de Vienne en 2010 puis au Festival de Salzbourg). En novembre 2014, il interprétera le Concerto pour violoncelle de Peter Eötvös avec l’Orchestre 12 Philharmonique de Radio France pour le 70e anniversaire du compositeur et donnera le concerto Tout un monde lointain de Dutilleux pour le centenaire de sa naissance (2016). Jean-Guihen Queyras est régulièrement invité par les festivals d’Aldeburgh, d’Édimbourg et au Wigmore Hall de Londres. Ses principaux partenaires de musique de chambre sont les pianistes Alexandre Tharaud et Alexander Melnikov ainsi que la violoniste Isabelle Faust. Il est membre du Quatuor Arcanto avec Tabea Zimmermann, Antje Weithaas et Daniel Sepec. Il collabore également avec les percussionnistes Kevyan et Bijan Chemirani, spécialistes du zarb, et se produira avec eux à la Sam Wanamaker Playhouse de Londres et au Festival de Cheltenham. Jean-Guihen Queyras a réalisé de nombreux enregistrements pour harmonia mundi. Son intégrale des suites pour violoncelle seul de Bach a été immédiatement récompensée du Diapason d’or et nommée Disque de l’année de Diapason. Sa discographie compte d’autres titres très applaudis comme un disque de concertos pour violoncelle du XXIe siècle, les concertos pour violoncelle de Haydn et Monn sur instrument d’époque avec le Freiburger Barockorchester, un album Debussy-Poulenc avec le pianiste Alexandre Tharaud ; elle s’est récemment enrichie du Concerto pour violoncelle d’Elgar et des Variations Rococo de Tchaïkovski avec le BBC Symphony Orchestra et Jiří Bělohlávek. Actuellement engagé dans un projet entièrement consacré à Schumann, le violoncelliste enregistre les trios pour piano et cordes avec Isabelle Faust et Alexander Melnikov ainsi que les concertos avec le Freiburger Barockorchester. Jean-Guihen Queyras joue un violoncelle de Gioffredo Cappa de 1696, prêt de l’association Mécénat Musical Société Générale depuis novembre 2005. Il enseigne à la Musikhochschule de Freiburg. Alexander Melnikov Alexander Melnikov est diplômé du Conservatoire de Moscou où il a étudié avec Lev Naoumov. Sa formation moscovite a été marquée par des moments particulièrement forts comme sa rencontre précoce avec Sviatoslav Richter, lequel l’a ensuite régulièrement invité lors de festivals en Russie et en France. Il s’est distingué lors de concours aussi éminents que le Concours Robert Schumann de Zwickau (1989) et le Concours Reine Élisabeth de Bruxelles (1991). Célèbre pour l’originalité de ses options musicales et de ses programmes, Alexander Melnikov s’est découvert dès son plus jeune âge une passion pour l’interprétation historique, passion qui s’est développée tout au long de sa carrière. Dans ce domaine, il a bénéficié de l’influence d’Andreas Staier et d’Alexei Lubimov, avec lesquels il a collaboré pour de nombreux projets. Alexander Melnikov se produit régulièrement avec des ensembles de musique ancienne de renom tels que Concerto Köln et l’Akademie für Alte Musik Berlin. Aux côtés d’Andreas Staier, Alexander Melnikov a élaboré un programme associant en un véritable dialogue musical des extraits du Clavier bien tempéré de Bach (Andreas Staier au clavecin) et les 24 Préludes et fugues de Chostakovitch (Alexander Melnikov au piano). Son activité intense de musicien de chambre forme une part essentielle de son travail et l’amène à collaborer avec des artistes comme les violoncellistes Alexandre Roudine et Jean-Guihen Queyras ou le baryton Georg Nigl. Son partenariat avec le label harmonia mundi découle de son travail avec la violoniste Isabelle Faust, complice de nombreux récitals ; leur enregistrement de l’intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven a reçu en 2010 le Gramophone Award ainsi que le prix allemand ECHO Klassik. Ce disque, aujourd’hui un incontournable du répertoire, a également été nominé pour le Grammy. Leur dernier CD, consacré à la musique de chambre de Weber, est paru en janvier 2013. L’enregistrement d’Alexander Melnikov de l’intégrale des Préludes et fugues de Chostakovitch a été récompensé par le BBC Music Magazine Award, le Choc de Classica, le Prix annuel de la Critique discographique allemande 13 et cité en 2011 par le BBC Music Magazine parmi les « Cinquante meilleurs enregistrements de tous les temps ». Sa discographie compte également des œuvres de Brahms, Rachmaninov et Scriabine. Son enregistrement des concertos pour piano de Chostakovitch avec le Mahler Chamber Orchestra et Teodor Currentzis a reçu lui aussi un accueil très chaleureux de la critique. Comme soliste, Alexander Melnikov s’est produit avec des orchestres tels que l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam, l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, le Philadelphia Orchestra, l’Orchestre Symphonique de la NDR de Hambourg, le hrSinfonieorchester de Francfort, le Russian National Orchestra, l’Orchestre Philharmonique de Munich, l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, le BBC Philharmonic et l’Orchestre Symphonique de la NHK, sous la direction de chefs comme Mikhail Pletnev, Teodor Currentzis, Charles Dutoit, Paavo Järvi et Valery Gergiev. Durant la saison 2013-2014, Alexander Melnikov a été artiste en résidence du Muziekgebouw d’Amsterdam. Cette saison avait débuté avec les débuts du pianiste aux BBC Proms de Londres avec l’Orchestre Philharmonique de Varsovie sous la direction d’Antoni Wit, suivis de concerts pour l’ouverture de la saison de l’Orchestre Philharmonique Tchèque dirigé par Jiří Bělohlávek. Il a également eu l’occasion de collaborer avec le Mahler Chamber Orchestra, le Freiburger Barockorchester, l’Ensemble Sinfonietta d’Amsterdam, le Seattle Symphony, l’Utah Symphony et le New Zealand Symphony. Ses engagements en soliste l’ont mené dans des lieux tels que la Maison symphonique de Montréal, le Wigmore Hall de Londres, le De Singel d’Anvers et le Mozarteum de Salzbourg, ainsi que dans des salles de concert d’Osaka, de Nagoya et de Tokyo. Concerts enregistrés par France Musique 14 Philharmonie de Paris. Saison 1. Réservez dès maintenant Concerts, ateliers, musée et expositions, pratique et culture musicales : Demandez le programme ! philharmoniedeparis.fr 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris 01 44 84 44 84