Annales concours TISF - Prépa Concours Santé

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Annales concours TISF - Prépa Concours Santé
Institut Régional du Travail Social
Service Scolarité Générale / Sélections
11 rue Guyon de Guercheville
14200 HÉROUVILLE SAINT CLAIR
Sélection des Techniciens(iennes) de l’Intervention
Sociale et Familiale
Épreuve écrite du 05 novembre 2009
Nombre total de pages du dossier : 4
DURÉE DE L’ÉPREUVE : 2 heures
Document :
Yves Lacoste, géographe, in, Géo, n° 307, septembre 2004.
Après avoir lu le texte joint, répondez à la série de questions suivantes en
indiquant, au début de chaque réponse, le numéro de la question.
1. Compréhension de texte (6 points sur 20)
1.1.
1.2.
Expliquer : (4 points)
« …ils s’estiment porteurs de religions différentes …» (1 point)
« …quand le pétrole donne le pouls du marché mondial …» (1 point)
« …même si les enjeux territoriaux sont de très petites dimensions …»
(1 point)
« …la mondialisation semble être un processus qui affaiblit les rivalités
de pouvoirs sur des territoires …» (1 point)
Reformuler en une phrase la thèse de l’auteur (2 points).
2. Maîtrise de la langue (4 points sur 20)
2.1.
-
Donner une définition des mots et expressions (3 points).
« consécration »
« singularité »
« hégémonie »
-1-
2.2.
Réécrire le passage suivant en utilisant le passé composé à la place du
présent ( 1 point)
« Un libéralisme qui va jusqu’à compromettre l’équilibre financier
des grands États, y compris le plus puissant d’entre eux : les États-Unis, pays le
plus endetté de tous, au profit des réseaux bancaires supranationaux et des
spéculateurs.
La liberté avec laquelle circule l’argent sur le marché mondial
s’accompagne de la diffusion – par des médias qui sont essentiellement
occidentaux – des idées, des informations, des sons, des images, des
modes. »
3. Discussion (10 points sur 20)
Pensez-vous
culturelles ?
que
la
mondialisation
puisse
aplanir
les
différences
Dans une discussion ordonnée et argumentée (introduction, développement
avec paragraphes, conclusion), vous montrerez votre réflexion sur cette
question.
N.B : il est attendu de la part des candidats qu’ils rendent une copie propre,
dans une orthographe et une syntaxe correctes. Les correcteurs pourront, au
cas échéant, pénaliser une copie défaillante à ces niveaux à hauteur de 4
points.
AUCUNE FEUILLE DE BROUILLON NE SERA ACCEPTÉE
-2-
Document
« Depuis que les géographes européens ont parlé d’un nouveau
monde pour désigner le continent qu’ils nommeront ensuite Amérique, on a
progressivement pris l’habitude de parler du monde chrétien, du monde
musulman, du monde chinois… mais aussi du monde polaire, du monde
tropical ou du monde des océans. Dans chacune de ces expressions, monde
désigne un ensemble spatial de grande taille ( chacun d’eux se mesure en
milliers de kilomètres ) dont on veut souligner l’unité et ses caractéristiques
particulières qui le différencient de l’ensemble du globe. Parallèlement, le
mot mondialisation est apparu il y a quelques décennies ; il a gagné en
usage depuis la disparition de l’Union soviétique et, avec elle, celle de
l’affrontement entre blocs communiste et capitaliste.
Par mondialisation, on entend l’extension de l’économie de marché à
l’ensemble du globe, mais aussi un changement récent au sein même du
système capitaliste : l’instantanéité de transferts massifs de capitaux d’une
place bancaire à l’autre en fonction des perspectives de profits à court
terme. Cela se fait grâce aux techniques nouvelles de l’informatique, aux
liaisons par satellites et au réseau Internet, mais aussi sous l’effet d’un
phénomène culturel nouveau : sous prétexte de la faillite du socialisme, les
principes du libéralisme économique sont déclarés incontournables et
poussés à l’extrême. Un libéralisme qui va jusqu’à compromettre l’équilibre
financier des grands États, y compris le plus puissant d’entre eux : les ÉtatsUnis, pays le plus endetté de tous, au profit des réseaux bancaires
supranationaux et des spéculateurs.
La liberté avec laquelle circule l’argent sur le marché mondial
s’accompagne de la diffusion – par des médias qui sont essentiellement
occidentaux – des idées, des informations, des sons, des images, des
modes. Un flot très souvent anglophone, la langue « internationale »
développant son propre univers. Cet ensemble de phénomènes financiers
et culturels qui se déploient au niveau planétaire réduit les pouvoirs des
États et se joue des frontières politiques et géographiques. Pour les
théoriciens et les idéologues de la mondialisation, la circulation quasi
instantanée des capitaux entre les Bourses, les centres d’affaires et les
paradis fiscaux, l’accélération des transports et la circulation des idées à la
surface du globe, tout cela marque une étape nouvelle et capitale dans le
développement économique et social de l’humanité. En internationalisant,
comme jamais auparavant, le pouvoir de l’argent au profit de ceux qui en
ont beaucoup, la mondialisation semble être un processus qui affaiblit les
rivalités de pouvoirs sur des territoires, c’est à dire les problèmes
géopolitiques. Du coup, les rivalités entre les États, les conflits religieux et les
questions militaires perdraient toute importance devant la logique du
marché mondial, les grandes évolutions stratégiques dépendraient
désormais de la finance internationale et de ses choix quant à la
localisation de ses investissements de capitaux. Bref, la géopolitique serait
-3-
sous peu supplantée par une problématique nouvelle, celle de la géoéconomie. Une consécration du primat de l’économie et surtout de la
finance sur le politique et le culturel.
Les attentats du 11 septembre 2001, le développement du terrorisme
au plan mondial, la guerre en Irak montrent que tout ne dépend pas
seulement de l’économie, même quand le pétrole donne le pouls du
marché mondial. Pour ce qui est des techniques, le monde s’uniformise
rapidement, et les gratte-ciel qui poussent dans les grandes villes chinoises
sont les cousins de ceux de la plupart des pays du tiers monde. Cependant,
en Palestine et au Cachemire, des conflits pour un même territoire opposent
violemment des peuples parce qu’ils s’estiment porteurs de religions
différentes ; conflits dont les conséquences internationales sont très
dangereuses, même si les enjeux territoriaux sont de très petites dimensions.
Bien que l’économie de marché se développe à toute vitesse en Chine, un
milliard et demi de Chinois ( y compris ceux d’outre mer ) savent qu’ils sont
une très grande civilisation qui n’a pas à s’incliner devant celle de
l’Amérique.
La mondialisation est aussi une façon occidentale de se représenter le
monde : les Européens et les Américains estiment que la mondialisation est
déjà réalisée, ou qu’elle quadrille suffisamment le globe pour être un fait à
vocation générale. Or, à mon sens, cet ensemble de phénomènes
économiques, et surtout culturels, concerne environ la moitié de la
population mondiale. En effet, le monde chinois, le monde hindou et le
monde musulman – chacun conscient de sa singularité culturelle – sont en
position de résister à cette hégémonie culturelle occidentale qu’est la
« mondialisation ». Enfin, il ne faut pas oublier que celle-ci est presque un vain
mot sur les trois quarts du globe, puisque le monde polaire et celui des
océans sont presque vides d’hommes. »
Yves Lacoste, géographe, in, Géo, n° 307, septembre 2004.
-4-
Institut Régional du Travail Social
Service Scolarité Générale / Sélections
11 rue Guyon de Guercheville
14200 HÉROUVILLE SAINT CLAIR
Sélection des Techniciens(iennes) de l’Intervention
Sociale et Familiale
Épreuve écrite du Lundi 26 mars 2012
Nombre total de pages du dossier : 5
DURÉE DE L’ÉPREUVE : 2 heures
Documents :
Texte 1 : ACI MULTIMEDIA, Tyrannie du jeunisme : rester jeune toujours… (en
ligne), disponible sur : http://www.aci-multimedia.net
Texte 2 : SENK Pascale, Mesdames, vous vieillirez aussi ! Le Monde, 1er novembre
2009
1. Compréhension de texte (10 points sur 20)
1.1.
Expliquez à partir du :
texte 1 : « jeunisme » (1 point)
texte 2 : « déni de vieillesse » (1 point)
« compulsion consommatoire (1 point)
« ne vous leurrez pas » (1 point)
1.2.
Donnez des synonymes des mots :
texte 1 : « arsenal » (1 point)
texte 2 : « corsetées » (1 point)
1.3
Pour chaque texte, reformulez en quelques phrases l’idée principale.
(4 points)
2. Discussion (10 points sur 20)
Nicole Pericone, pédopsychiatre, souligne que « nous vivons à une époque où
les adultes jouent volontiers aux grands enfants ». Elle parle « d’un père en rollers,
d’une mère qui s’habille comme une gamine », de parents en proie, semble-t-il,
à un « jeunisme » croissant.
Rapprochement des générations, confusion des générations ?
Dans quelle mesure avez-vous constaté ce phénomène ? Comment le
comprenez-vous ? Qu’en pensez-vous ?
Dans un discussion ordonnée et argumentée (introduction, développement
avec paragraphes, conclusion), vous montrerez votre réflexion sur cette
question.
N.B : il est attendu de la part des candidats qu’ils rendent une copie propre, dans une
orthographe et une syntaxe correctes. Les correcteurs pourront, au cas échéant,
pénaliser une copie défaillante à ces niveaux à hauteur de 4 points.
1
TEXTE 1 :
Tyrannie du jeunisme : rester jeune toujours… (extraits d’article)
(ACI multimedia)
Heureusement notre société a mis à notre disposition un arsenal important de
moyens pour se maquiller, garder la forme, soigner et traiter sa peau, ses
cheveux et sauver les apparences : thalasso, cosmétologie, phytothérapie et
huiles essentielles, lifting, ... sont là pour vous aider. On parle même de
molécules (DHEA,....) et de produits divers pour rajeunir ou ne par vieillir. Nous
les examinerons plus loin. Vous avez également la chirurgie esthétique pour
vous tirer la peau si elle fait des plis car être jeune est synonyme de peau lisse
; vous pouvez aussi vous faire des seins sur mesure, siliconés à la Pamela
Anderson si vous le décidez, ou des lèvres en cul de poule bien collagènées
pour paraître plus sensuelle. Pareil pour le nez, vous pouvez opter pour celui
de Cléopâtre ou de Cyrano tout dépend des goûts. Si monsieur veut être
beau, sexy et dans le vent, il peut passer entre les mains expertes des as du
bistouri, techniciens de surface qui lui referont le portrait ou remodèleront son
corps afin d'en faire un play boy.
Le fin du fin aujourd'hui, c'est le beau mec body buildé, doré sur tranche y
compris aux UV l'hiver, les mâchoires retendues pour faire viril, le regard de
l'aventurier qui sent bon le sable chaud. […] ça fait des ravages.
En France, on estime à environ 100 000 /an le nombre de personnes qui ont
recours au lifting pour améliorer leur image[…] 30% de la clientèle est
masculine, ce qui témoigne que les hommes sont de plus en plus soucieux
de leur apparence. La plupart du temps ils le font pour des raisons
professionnelles car de nos jours, il faut avoir un aspect jeune, dynamique et
être compétitif pour réussir et faire carrière. Chez les femmes, la démarche
est moins "professionnelle" et répond à des motifs plus typiquement féminins
que nous connaissons bien.
[…] les gens agissent souvent sous la pression du jeunisme qui est toujours
dans l'air du temps.
[…] les problèmes de la jeunesse et de la vieillesse, de la vie et de la mort, de
l'éternelle jeunesse, ne datent pas d'aujourd'hui.
2
TEXTE 2 :
Mesdames, vous vieillirez aussi !
Une tribune de Pascale Senk parue dans Le Monde du 1er novembre 2009.
" Dans la presse féminine française, une étrange planète, personne ne
s’autorise à parler franchement d’une évidence existentielle qui pourtant
nous concerne toutes : vieillir.
Ces équipes rédactionnelles, qui, depuis quarante ans, ont su initier leurs
lectrices à jouir, à se libérer ou à s’entraider face au pouvoir machiste, se
retrouvent aujourd’hui corsetées avec une mission unique : faire consommer
des femmes savamment maintenues dans le déni de vieillesse.
Au mois de juin, je suis autorisée à participer à une expérience pionnière en
France : des groupes de cinq jours sur "L’art de vieillir" animés par la
psychologue Marie de Hennezel. Là ou d’autres proposent de simples
conseils de santé et de nutrition "anti-âge", Marie de Hennezel permet de
partager ses craintes avec d’autres nouveaux retraités à qui les seuls mots de
"maisons de retraite" et "anciens" font froid dans le dos... Enthousiaste, je sais
que je tiens là un beau sujet de reportage.
J’appelle mes contacts dans la presse féminine. Premier, Marie-France, le
magazine des femmes de plus de 40 ans. Je suis accueillie à bras ouverts par
la rédaction en chef. "Très beau sujet", me répète-t-on le jour où l’on se met
d’accord sur l’article. L’angle choisi atténue un peu le côté "trop direct" d’un
reportage sur la peur de vieillir, pourtant évoqué par téléphone : j’écrirai le
texte du point de vue d’une "quadra +" qui regarde s’exprimer des stagiaires
plus âgées qu’elle.
Quelques jours après, je remets ma copie, une chef de service me lit et
trouve très bien mon papier... et j’attends. Les vacances de juillet arrivent. Je
pars en Californie […].
Je rencontre des peintres qui ne font que des portraits de "plus de 60 ans"
pour compenser le manque d’images médiatiques de la vieillesse, lis des
articles fustigeant "Los Angeles comme ville de culte du corps qui ne fait pas
de place aux vieilles", je comprends qu’un grand tabou est en train d’être
levé...
On va enfin parler de cette grande affaire de nos vies qui commence à
partir de 20 ans : vieillir et s’améliorer, gagner en expérience et force
intérieure au lieu de décliner ! A mon retour, toujours grand silence du
magazine Marie-France. J’appelle, la rédactrice en chef ennuyée me
prend, au téléphone : "Ah... vous n’avez pas eu mon message ? Désolée... Il
est très bien, votre papier... mais les dernières études nous empêchent de
parler de vieillesse comme ça à nos lectrices, vous comprenez ?"
Non, je ne comprends pas : "Mais vos lectrices approchent de la
cinquantaine, non ?" "Oui, mais il vaut mieux ne pas les mettre en face de
ça. Nous sommes désolées et vous paierons en non-paru (- 50 %) car ce n’est
3
pas de votre fait, mais notre lectorat n’est pas encore prêt..."
Je fulmine et appelle un contact à Marie-Claire. Oui, le grand titre des
combats féministes, des grands reportages chez les femmes muselées du
tiers-monde... Elle lit mon papier, me rappelle : "Désolée, mais on ne peut pas
parler comme ça de la vieillesse à nos lectrices de 25-35 ans." Je fulmine.
J’envoie mon papier à la rédaction de Madame Figaro. Là, je n’ai même
pas d’accusé de réception.
[…] Ficelées par leurs rapports fantasmatiques entre les annonceurs
publicitaires et leurs lectrices qu’elles imaginent inaptes à entendre toute
vérité, les rédactrices en chef de la presse féminine maintiennent tout leur
"joli monde" dans le leurre de l’éternelle jeunesse et de la compulsion
consommatoire. Qu’est-ce qui intéresse les femmes selon ces industries
complices ? Acheter une jupe Prada, une crème Clinique et ressembler à
Victoria Beckham. C’est là avoir une opinion bien dégradée des femmes de
ce pays.
Mais mesdames les rédactrices en chef, ne vous leurrez pas trop longtemps :
vos lectrices vieillissent un peu plus chaque jour, vous aussi... et même
Victoria Beckham n’y échappera pas ! Ne vous prenez pas pour des
"leveuses de tabous" et des pionnières parce que vous parlez d’orgasme
dans chaque numéro. Ça, c’était le combat d’il y a quarante ans. Quand
vous étiez jeunes, courageuses et réellement libérées ! Aujourd’hui, l’heure
est à d’autres urgences. "
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Institut Régional du Travail Social
Service Sélections
11 rue Guyon de Guercheville
14200 HÉROUVILLE SAINT CLAIR
Sélection des Techniciens(iennes) de l’Intervention
Sociale et Familiale
Épreuve écrite du 15 novembre 2007
Nombre total de pages du dossier : 4
DURÉE DE L’ÉPREUVE : 2 heures
Document :
« Interdits, interdits chéris… » de Catherine VINCENT
Le Monde – Dossiers & documents (juin 2006)
Après avoir lu le texte joint, répondez à la série de questions suivantes en
indiquant, au début de chaque réponse, le numéro de la question.
1. Compréhension de texte (6 points sur 20)
1.1.
-
Expliquer :
- « avec comme fil d’Ariane (1 point)
- « le surmoi » (1 point)
- « la perte des valeurs » (1 point)
- « les principes, érigés en dogmes » (1 point)
1.2.
Reformuler en une phrase la thèse de l’auteur (2 points).
2. Maîtrise de la langue (4 points sur 20)
2.1.
-
Donner la définition des mots :
un paradoxe (1 point)
l’intangibilité (1 point)
consumériste (1 point)
-1-
2.2.
Réécrire le passage : « Parmi ces tendances généralement
inconscientes qui dirigent l’activité des individus, il existe en effet des
pulsions agressives, visant à nuire à autrui, le contraindre, le détruire,
l’humilier » en utilisant le passé composé à la place du présent
(1 point).
3. Discussion (10 points sur 20)
Peut-on éduquer sans sanctionner ?
Dans une discussion ordonnée et argumentée (introduction, développement
avec paragraphes, conclusion), vous montrerez votre réflexion sur cette
question.
Orthographe et expression écrite (4 points sur 20)
AUCUNE FEUILLE DE BROUILLON NE SERA ACCEPTÉE
-2-
« Interdits, interdits chéris… »
Jadis la censure, aujourd’hui le politiquement correct ou le principe de précaution
balisent notre quotidien. Sans parler des lois, surabondantes. C’est pour notre bien,
selon Freud, puisque la confrontation à l’interdit permet au surmoi de se construire,
et à l’enfant de grandir. Ensuite seulement viendra la transgression.
Il est interdit d’interdire ! S’il devait, de mai 68, ne subsister qu’un slogan, ce pourrait
être celui-là. Formidable séduction du paradoxe, incitation à la remise en cause
absolue des règles éditées par la société… L’interdit social s’appuyant toujours sur
une morale, sur une théorie annoncée comme « intangible », c’est de cette
intangibilité que voulaient débattre les étudiants. Au-delà de son apparente
contradiction, « Il est interdit d’interdire » signifiait « Ne cessons pas le
questionnement ». Questionnement sur lequel se propose précisément d’agir, pour
lui rogner les ailes, la censure ou le « politiquement correct ».
Près de quarante ans plus tard, force est de l’admettre : les interdits se portent bien.
Ceux qu’édictent les religions dont les principes, érigés en dogmes, ont de tout
temps modelé les civilisations. Mais aussi, dans nos sociétés laïques et
démocratiques, ceux de l’Etat, qui n’a jamais tant légiféré sur notre vie –sur notre
passé historique, sur l’évolution des mœurs familiales et sociales, sur ce qu’il convient
de boire ou de manger pour protéger notre santé.
Il est pourtant un domaine –et il est de taille- où les interdits et l’autorité qu’ils
impliquent sont actuellement mis à l’épreuve comme ils ne l’avaient pas été depuis
longtemps : celui de l’éducation. Professeurs exténués et dépassés par les violences
à l’école, parents soumis par des enfants rois devenus tyrans, les exemples abondent
qui, au-delà de la « perte des valeurs » si souvent évoquée, témoignent d’un
immense désarroi face à l’usage qu’il convient de faire de l’autorité.
Peut-on éduquer sans sanctionner ? Sanctionner sans humilier ? Comment protéger
nos enfants de produits considérés comme n’étant pas de leur âge, alors que notre
société consumériste ne cesse de les promouvoir (deux adolescents sur trois ont déjà
vu un film porno) ? Questions délicates, que chaque parent, chaque enseignant
aborde désormais à tâtons. Avec comme fil d’Ariane la conviction quasi unanime
des pédiatres, pédopsychiatres et autres spécialistes : pour s’acheminer vers l’âge
adulte et se construire, enfants comme adolescents ont besoin de se confronter à
une autorité, d’apprendre à supporter la frustration en se heurtant à des limites.
Donc à des sanctions.
L’enjeu ? Ni plus ni moins que la culture, c’est-à-dire ce que l’homme ajoute à la
nature en concevant et partageant des règles qu’il s’impose à lui-même et qu’il
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impose aux autres. Si le besoin est susceptible d’une satisfaction immédiate, le désir,
lui, doit apprendre à voir sa réalisation différée, voire réprimée. C’est là tout l’intérêt
social du « surmoi », cette instance intérieure dont la fonction première, telle que
définir par Freud, est d’exercer une censure sur nos pulsions.
Parmi ces tendances généralement inconscientes qui dirigent l’activité des individus,
il existe en effet des pulsions agressives, visant à nuire à autrui, le contraindre, le
détruire, l’humilier. Livré à lui-même, l’individu nouveau-né est donc naturellement en
conflit avec les lois de toutes les sociétés. C’est à son éducation qu’il devra
d’intérioriser les interdits édictés par ces lois, et de forger, par le biais de l’autorité
parentale et collective, les prémisses de ce fameux surmoi, autour duquel s’organise
peu ou prou tout le psychisme humain.
De lui, selon Freud, découleront en effet la conscience morale et la formation des
idéaux, tandis que le pervers est une personne dont les désirs sont très forts et le
surmoi très faible. Reste qu’il en va de l’histoire des sociétés comme de celle des
espèces : sans ruptures avec l’ordre établi, pas de changements, donc pas
d’évolution. Les interdits sont faits, aussi, pour être transgressés.
Catherine VINCENT
(juin 2006) - Le Monde – Dossiers & documents
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