mondialisation et gouvernance - Olivier Bégin

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mondialisation et gouvernance - Olivier Bégin
LES CLASSEMENTS UNIVERSITAIRES MONDIAUX
UNE NOUVELLE PHASE DANS LA MONDIALISATION DES UNIVERSITÉS
TABLE DES MATIÈRES
1. Introduction
1.1. Faits : un modèle mondial émergent…………………………………...…...p.2
1.2. Hypothèse : une nouvelle phase dans la mondialisation des universités…...p.2
1.3. Méthodologie : les échelles spatiales et l’infranational....…………..……...p.2
1.4. Plan de l’essai…………………….…………………………………………p.3
2. De l’internationalisation à la mondialisation des universités
2.1. L’internationalisation des universités : ouverture sur le monde………….…p.3
2.2. La transnationalisation des universités : mobilité académique………….….p.3
2.3. La mondialisation des universités : redéfinition de l’espace d’action….…..p.4
3. Perspectives sur les classements mondiaux : nouvel ordre institutionnel
3.1. Les classements mondiaux...……….……………………………………….p.5
3.2. Un mécanisme de gouvernance mondiale……………….………………….p.6
4. Cinq transformations dans la mondialisation des universités
4.1. De la privatisation au réengagement de l’État……………………………p.13
4.2. De la quête du profit à la quête du prestige…………….…………………p.17
4.3. De la diversification à l’uniformisation des pratiques……….……………p.19
4.4. De la professionnalisation au culte de la recherche…………………….....p.21
4.5. De la profitabilité à l’excellence des interactions……….………………...p.22
5. Réflexion critique : les pièges de la nouvelle phase
5.1. Homogénéisation et survalorisation d’un modèle abstrait……..………….p.2
5.2. Incompatibilité avec les besoins économiques et sociaux………………...p.2
5.3. Exode des cerveaux et knowledge gap………………………….…………p.2
6. Conclusion……………...………………………….……………………………….p.2
Référence………………………………………………………………………………p.
Bibliographie…………………………………………………………………………..p.
1
LES CLASSEMENTS UNIVERSITAIRES MONDIAUX
UNE NOUVELLE PHASE DANS LA MONDIALISATION DES UNIVERSITÉS
1. Introduction
L’université est une institution qui, malgré son attachement à la tradition académique,
s’est considérablement transformée entre le moment de sa création au Moyen-âge et
l’époque moderne. Or, l’époque actuelle, caractérisée par la mondialisation et l’économie
du savoir, amène les universités à réviser leur mode de gouvernance et d’interactions.
1.1. Faits : un modèle mondial émergent
Pour Deem, Mok et Lucas1, le monde universitaire du 21e siècle voit l’apparition du
Modèle mondial émergent (MME) dont les caractéristiques sont : une mission globale,
une emphase sur la recherche, des sources de financement diversifiées, un recrutement
international et des collaborations partout sur la planète2. Ainsi, l’ouverture des frontières
et la compétition internationale des années ’90 semblent favoriser une convergence
transnationale vers une norme mondiale à laquelle les universités peuvent s’identifier ;
cette norme prenant la forme des classements universitaires mondiaux.
1.2. Hypothèse : une nouvelle phase dans la mondialisation des universités
Le présent essai pose donc deux hypothèses : (1) les classements mondiaux constituent
un mécanisme de gouvernance mondiale privé ; (2) la mondialisation des universités
observée dans les années ’90 et caractérisée par une diversification de l’offre éducative,
une pluralité d’acteurs et des accords commerciaux, est désormais orientée par ces
mécanismes. Ainsi, nous considérons que les classements mondiaux, par leurs critères
d’excellence, orientent cette nouvelle phase de la mondialisation universitaire.
1.3. Méthodologie : les échelles spatiales et l’infranational
Sassen3, offre une grille d’analyse de la mondialisation qui permet de mieux comprendre
comment une régulation mondiale privée, créée dans un contexte national particulier,
peut entraîner des changements majeurs au niveau local (la gouvernance des universités),
national (les politiques des États), régional (européanisation de l’éducation), international
(les accords bilatéraux ou multilatéraux de coopération), transnational (les réseaux
d’excellence et le recrutement académique) et mondial (la compétition internationale
pour le prestige). Bref, pour caractériser cette nouvelle phase de la mondialisation
2
universitaire, il est nécessaire de montrer comment les classements mondiaux
transforment les interactions des acteurs et à quelle échelle ses transformations ont lieu.
En outre, l’argumentaire de cet essai se base sur des observations infranationales,
conceptualisant ainsi à l’échelle mondiale des phénomènes locaux et nationaux.
1.4. Plan de l’essai
Tout d’abord, pour en venir à affirmer l’émergence d’une nouvelle phase dans la
mondialisation des universités, il apparaît nécessaire de faire un survol des phases
précédentes. Par la suite, nous décrirons en quoi consistent les classements mondiaux et
de quelle manière ils imposent un ordre institutionnel. Les pratiques de gouvernance que
cet ordre favorise seront ensuite comparées aux pratiques antérieures et nous terminerons
ce texte par une réflexion critique sur les pièges que pose cette nouvelle phase.
2. De l’internationalisation à la mondialisation des universités
À partir des années ’50, la reprise des échanges entre les pays semble amener les
universités à modifier leurs pratiques en accord avec la redéfinition de leur espace. Le
tableau ci-dessous trace brièvement les phases qui ont façonné les universités actuelles.
Tableau 1. Les phases de la mondialisation universitaire
Phase
Internationalisation
Période
1950-1970
Transnationalisation 1970-1990
Mondialisation
1990…
Caractéristique
Ouverture sur le monde
Compréhension
mutuelle
Dénationalisation
Transplanétarité
Redéfinition de l’espace
d’action des acteurs
Supra-territorialité
Exemples
Erasmus, Fulbright, Unesco,
OCDE, Banque mondiale
Étudiants étrangers,
universités virtuelles, réseaux
de recherche transnationaux
Concurrence mondiale des
universités, autonomie de
l’État, accords commerciaux,
diversité
2.1. L’internationalisation des universités : l’ouverture sur le monde
Pour Scholte4, l’internationalisation réfère à un phénomène marqué par la croissance des
échanges et l’interdépendance entre les acteurs. En ce sens, l’internationalisation des
universités débute après la 2e Guerre Mondiale avec une croissance du nombre
d’échanges d’étudiants, la naissance de réseaux comme Erasmus et l’implication
d’organisations internationales5. Cette période, selon Olds6, est celle de l’opposition entre
le national et l’international au cours de laquelle les universités ont adopté une stratégie
3
de « compréhension mutuelle »7, soit d’une part, l’internationalisation de la formation et,
d’autre part, la valorisation de l’échelle nationale comme espace privilégié d’action.
2.2. La transnationalisation des universités : la mobilité académique
Vincent-Lancrin8 et Olds9 constatent que la phase suivante, la transnationalisation, est
caractérisée par un processus de dénationalisation des préoccupations universitaires, la
volonté d’établir des partenariats transfrontaliers et le recrutement des étudiants à travers
le monde. Pendante cette période, « l’État-nation continue à encadrer l’action, mais une
partie de celle-ci est orientée à construire un système mondial à l’intérieur de l’Étatnation » [traduction libre]10. Ainsi, en plus du nombre croissant d’étudiants étrangers dans
le monde (2,7 millions en 200511), les nouvelles technologies permettent l’apparition des
cours en ligne, des universités virtuelles (représentant une industrie de 3,9 milliards) ainsi
que l’émergence de réseaux universitaires transnationaux (dont Universitas 21).
2.3. La mondialisation des universités : la redéfinition de l’espace d’action
Selon Gibbons12, la fin des années ’90 marque l’entrée des universités dans le processus
de la mondialisation qui les amène à devenir un sous-ensemble de l’économie du savoir.
S’ajoute ainsi à la « transplanétarité » caractérisant la période précédente, la « supraterritorialité », soit le fait que l’ensemble des acteurs locaux, nationaux, régionaux et
internationaux agissent et interagissent au sein du même espace mondialisé13. Cette
période est marquée par des campus d’universités à l’étranger (le campus de l’Université
de Chicago à Barcelone), des programmes « clé-en-main » conçus par une université dans
un pays et exportés dans une autre14, des franchises d’une université dans d’autres pays
(comme les 35 universités australiennes en Asie), des diplômes conjoints de deux
universités et reconnus dans les deux pays, des entreprises d’un pays X qui s’associent à
une université Y pour produire un médicament distribué dans un pays Z, et la mise en
réseaux de partenariats inter-institutionnels (comme la Coalition des 8 en Australie et le
Comité de coopération du Mid-West américain). Cette période est finalement marquée
par trois tendances. Tout d’abord, les universités se définissent de plus en plus au niveau
mondial et se concurrencent à cette échelle pour l’obtention de financement, d’étudiants
de chercheurs15. Cette redéfinition les rend plus autonomes face à l’État qui, de son côté,
par la signature de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), permet à de
nouveaux acteurs privés de le concurrencer sur un marché qui valait 30 milliards en
199916. En dernier lieu, cette concurrence, selon Sörlin, s’accompagne d’une diversité
4
institutionnelle dans presque tous les systèmes nationaux17.
3. Perspectives sur les classements universitaires mondiaux
3.1. Les classements mondiaux
Parallèlement à cette évolution mondialisée des universités, les classements mondiaux
passent également d’un modèle national à un modèle mondial entre les années ’80 et
2000. Ainsi, même si les gouvernements ont, depuis longtemps, établi des indicateurs de
performance pour les universités, ce n’est qu’en 1981 qu’apparaît aux États-Unis le
premier palmarès national, le US News & World Report18. Ce palmarès avait pour but de
faciliter les choix des étudiants et de favoriser la compétitivité des universités en
fournissant des barèmes de comparaison transparents. Cependant, au niveau mondial, les
individus et les universités n’avaient pour comparatif que la « réputation ». Ainsi, dans le
but de bâtir des universités de « classe mondiale », le gouvernement chinois mandata la
Shanghai Jiao Tong University pour qu’elle réalise un classement des universités
américaines et chinoises. Ce classement, le SJTU, paraît en 2003 et répertorie les 500
premières universités selon les quatre critères présentés dans le Tableau 219. Marginson20
indique cependant que l’importance accordée aux prix Nobel est discutable puisque ceuxTableau 2. Indicateurs du SJTU
Indicateur
Qualité de
l’éducation
Description
Nombre de diplômés ayant reçu le Prix Nobel ou autres médailles
Nombre de professeurs ayant reçu un prix Nobel ou autres médailles
ainsi que le nombre de chercheurs cités dans le HiCi
Qualité de la faculté
Nombre d’articles publiés dans les revues Science et Nature ainsi
que le nombre de citations
Nombre d’articles publiés dans les revues Science et Nature
Recherche
Nombre de citations dans le Science Citation Index et le Social
Science Citation Index
Taille de l’institution Performance académique selon la taille de l’institution
Total
%
10%
20%
20%
20%
20%
10%
100%
ci relèvent d’un processus hautement politique. Il mentionne aussi que l’Index de
citations ne prend pas en compte les livres et que le Higly Cited Index (HiCi) donne un
avantage indu aux américains qui comptent 3 835 des chercheurs du HiCi.
En 2004 apparaît le Times Higher Education Supplement (THES). Ce classement se base
sur divers indicateurs dont l’appréciation des universités par leurs compétiteurs et les
employeurs, le ratio étudiants-professeur, le nombre de chercheurs cités et le degré
5
d’internationalisation21. Cependant, bien que Marginson22 apprécie le caractère holistique
de ce classement, il souligne que le taux de réponse aux sondages de 1% est
problématique et qu’il survalorise les universités britanniques et australiennes.
L’Allemagne, de son côté, avec le support de l’Union européenne, construit un
classement multidimensionnel qui évalue les facultés plutôt que les universités23.
L’OCDE s’est également engagée à produire un classement qui, similaire au PISA pour
les études secondaires, mesurera les apprentissages des étudiants24. En somme, bien que
tous ces classements s’appuient sur des méthodologies contestables, Usher et Savino25
constatent qu’ils accordent tout de même les premiers rangs aux mêmes universités, ce
qui dénote une certaine fiabilité. Cependant, la variance y est plus grande au bas de la
liste et les classements y perdent alors de leur pertinence. Les auteurs croient donc que
tous les indicateurs utilisés mesurent probablement une même réalité implicite présente
chez les universités mondiales mais absente chez les autres. Selon Huisman26, cette
congruence des classements est essentielle pour que se mette en place une compétition
mondiale entre les universités et les gouvernements nationaux. Car, tel que l’affirme
Buhlher27, la sanction donnée à une université qui n’atteint pas le niveau de la
compétition est l’insignifiance. Bref, les classements mondiaux sélectionnent les « buts à
atteindre », suggèrent certaines pratiques, identifient les acteurs majeurs et, ainsi, régulent
à la fois la compétition interuniversitaire et la mondialisation des universités.
3.2. Un mécanisme de gouvernance mondiale
La première hypothèse de cet essai est que les classements mondiaux constituent un
mécanisme de gouvernance privée qui préconise certaines valeurs et pratiques. Cette
section présente donc les cinq fonctions que peuvent assumer les classements mondiaux
pour les quatre acteurs suivants : étudiants, professeurs, universités et gouvernements. Par
la suite, il sera possible de cerner avec plus d’acuité comment ces classements agissent
comme mécanismes à différentes échelles spatiales.
Tableau 3. Les fonctions des classements mondiaux et leur échelle d’influence
Fonctions
1. Indicateur de qualité
2. Mécanisme d’imputabilité
3. Instrument de prestige
4. Diplomatie du savoir
5. Modèle simplificateur
Acteurs concernés
Étudiants, professeurs
Professeurs, universités,
gouvernements
Universités, gouvernements
Gouvernements et régions
Étudiants, professeurs,
universités, gouvernements
Échelle spatiale
Transnationale
Locale et nationale
Internationale et mondiale
Internationale et régionale
Mondiale
6
3.2.1. Indicateur de qualité. Considérant la mondialisation, la mobilité des étudiants, les
activités commerciales et la diversité des offres éducatives, il est apparaît désormais
nécessaire que se mette en place un système mondial d’évaluation de la qualité qui soit
applicable à toutes les universités du monde. Ce dernier, selon dont l’ENAP28 devrait
même être construit par les États, sous l’égide de l’UNESCO, comme l’est l’Initiative
mondiale pour les capacités d’assurance-qualité pour les pays en voie de développement.
Or, d’ici à ce que les gouvernements y parviennent, les classements mondiaux jouent ce
rôle en mettant en rang des centaines d’universités sur la base de leur performance à des
indicateurs particuliers. Pour Usher et Savino29, il est cependant primordial de
comprendre quels sont ces indicateurs car ils constituent une définition implicite de la
qualité de l’éducation. En ce sens, SJTU, crée en fonction des préoccupations chinoises30,
considère qu’une université de qualité est une université de grande taille dont la
recherche est la priorité (90% du classement se base sur ce domaine), qui valorise les
sciences naturelles et qui diffuse ses résultats à grande échelle. Le THES, quant à lui,
considère que la qualité repose sur la réputation de l’université, la recherche et le niveau
d’internationalisation de l’université31. Néanmoins, même si les classements n’emploient
pas exactement la même méthodologie, ils tracent l’émergence du consensus sur lequel
on peut établir la qualité de l’éducation32. Et c’est sur ce quasi-consensus que de plus en
plus d’étudiants basent leur décision. En effet, une étude britannique montre que les
classements mondiaux sont un critère important dans la décision des étudiants33. Ceux-ci
veulent fréquenter les meilleures universités possibles dans le but d’avoir accès aux
professeurs les plus prestigieux, à une abondance de ressources technologiques et
matérielles et à un mode de fonctionnement rigoureux34. En outre, comme le mentionne
Altbach35, de plus en plus d’étudiants sont davantage préoccupés par leur diplôme que
par ce qu’ils ont appris. Ainsi, la déduction rationnelle qu’ils font est que la fréquentation
d’une université reconnue par les académiciens et les employeurs leur assurera un avenir
plus profitable. Un groupe anglo-américain recommande d’ailleurs au gouvernement
britannique de se préoccuper de la position de ses universités dans les classements plutôt
que des frais de scolarité puisque, selon eux, c’est la qualité d’une université qui
détermine le nombre d’étudiants qui la fréquentent et non les frais qu’elle leur impose36.
Les professeurs sont également intéressés à œuvrer dans une université qui leur fournira
les ressources pour des études d’envergure, qui les mettra en contact avec des réseaux
d’excellence transnationaux et donc qui leur permettra de publier des articles de grande
qualité dans les meilleures revues, ce qui leur assurera une plus grande visibilité et un
7
plus grand prestige. Ainsi, les universités les mieux classées tendent à compter de
nombreux professeurs étrangers (30% à Harvard37) soucieux d’œuvrer au sein des
meilleurs groupes d’excellence.
3.2.2. Mécanisme d’imputabilité. Les classements servent aussi aux gouvernements parce
que, bien que ces derniers aient leurs propres indicateurs de performance, ils sont, pour la
plupart, incapables de comparer leurs universités avec celles du monde. Ainsi, les
classements mondiaux permettent aux gouvernements de mesurer l’excellence relative de
leurs universités nationales, de baser leur financement sur ce niveau d’excellence et
d’exiger que les universités leur rendent des comptes38. À ce titre, l’exemple de la
Malaisie est percutant. En effet, en 2005, deux universités de Malaisie avaient perdu 100
points dans le THES (à cause de changement de méthodologie), ce qui avait indigné la
population et le gouvernement à un point tel qu’une commission d’enquête fut mise sur
pied et qu’un recteur dut démissionner39. Ainsi, les mécanismes d’imputabilité mis en
place par les gouvernements sont le signe que, considérant les investissements massifs
que ceux-ci doivent fournir dans le but de favoriser leurs meilleures universités, il n’est
aucunement question que ces fonds soient mal utilisés. Sörlin40 explique d’ailleurs que le
financement « permanent » fait place à un financement concurrentiel basé sur des projets
spécifiques et accordé proportionnellement au classement (Taïwan versant 25% de ses
fonds pour les universités privées les plus compétitives41). Cette volonté des
gouvernements de bâtir des universités de niveau mondial les amène, en outre, à établir
de nouveaux cadres de pratique, dont le Registre pour l’Assurance qualité européenne
mis en place par la Commission européenne, afin de s’assurer que les établissements
d’éducation supérieure atteignent un niveau minimal de qualité42. Depuis, certains
établissements européens (comme le Warnborough College en Angleterre ou l’Euclid
University Consortium de Belgique) ont été identifiés comme s’autoproclamant
universités sans en être. Cependant, au-delà de ce niveau minimal, le chercheur Philippe
Aghion43, mandaté par le gouvernement français pour trouver ce qui constituait une
université de classe mondiale, considère que les classements mondiaux peuvent servir
d’instrument d’imputabilité. En effet, pour établir une université de classe mondiale, il
faut instaurer des principes de bonne gouvernance comme une légitimité exécutive (un
président élu), administrative (un CA avec des membres extérieurs à l’université) et
académique (une assemblée des professeurs et des doyens), ainsi qu’une gestion
équilibrée qui tienne compte de l’administratif et du pédagogique.
8
Par rapport à la gestion interne des universités, Altbach44 ajoute que les universités de
classe mondiale tendent à avoir des mesures de stricte gouvernance où la communauté
académique bénéficie d’une autonomie et où chaque département est encouragé à
soutenir ses enseignants dans le processus d’innovation. Une étude menée auprès des
administrateurs américains45 indique d’ailleurs que la majorité d’entre eux ont inclus dans
leur plan stratégique les résultats des classements dans le but d’identifier leurs faiblesses,
d’améliorer le processus de gestion et de rehausser la transparence interne. En effet,
certaines directions ont mis en place une équipe qui fait une analyse systématique des
méthodologies employées dans chacun des classements afin d’expliquer la position de
l’université. D’autres ont affecté une partie du personnel à la mise en place des
recommandations énoncées dans les classements. Finalement, tous les répondants disent
que les classements ont favorisé une plus grande transparence de leur institution, laquelle
doit désormais s’efforcer de fournir aux gouvernements et aux entreprises les données les
plus justes et les plus récentes concernant l’évolution de leur clientèle académique.
3.2.3. Instrument de prestige. À notre époque, l’influence d’une université découle
principalement de son prestige, soit de la reconnaissance que lui accorde le monde
extérieur46. Auparavant, cette reconnaissance était basée sur un certain consensus autour
de la réputation (comme la Ivy League). Cependant, à l’ère de la mondialisation, bien des
universités indiquent sur leur site Internet qu’elles sont « de classe mondiale », mais rares
sont celles qui sont en mesure de le prouver47. Deem, Mok et Lucas48 expliquent ce
phénomène par le fait qu’il est extrêmement difficile de se tailler une place prestigieuse
dans les classements et que, conséquemment, celles qui y parviennent exercent une
influence considérable sur la scène universitaire mondiale49. Ces universités sont souvent
des institutions bien établies qui avaient déjà, avant l’apparition des classements, une
renommée mondiale. Ces universités deviennent des standards à partir desquels les autres
universités se comparent dans le but ultime de les dépasser. Au-delà de la mission sociale
ou même économique de l’université, une mission de séduction prend le devant de la
scène. En effet, la majorité des universités veulent « faire partie des meilleures » pour
attirer plus d’étudiants, plus de contrats de recherche, de meilleurs chercheurs et devenir
un acteur influent. Pour ce faire, certaines sont prêtes à sacrifier l’efficacité et engager
des dépenses titanesques pour un équipement de pointe, un chercheur ayant reçu un prix
Nobel, une nouvelle bibliothèque ou un site Internet respectant les standards les plus
avancés50. Ainsi, les classements mondiaux ont clarifié quels étaient les buts à atteindre
9
pour recevoir le titre « université de classe mondiale » (être dans les 50 premiers rangs du
SJTU ou du THES) et les universités, supportées par leurs gouvernements respectifs,
compétitionnent désormais férocement pour obtenir ces places. Plusieurs gouvernements
ont d’ailleurs adopté différentes stratégies. En Asie, les gouvernements ne financent que
quelques universités prometteuses afin de leur octroyer le maximum de fonds (10
milliards de dollars en Chine); la France et le Danemark ont supporté diverses fusions
d’universités51; l’Union européenne, dans sa déclaration de Bologne, a décrété vouloir
dominer les classements mondiaux d’ici 2010 et a mise sur pied des Réseaux européens
d’excellence (630 millions d’euros) et le Royaume-Uni et les États-Unis désirent
conclure une entente afin de préserver les premiers dans les classements de leurs
universités52. En somme, les classements mondiaux ont cette fonction indéniable de
servir aux universités et aux gouvernements d’instruments par lesquels ils peuvent
embellir leur image de marque sur la scène internationale et mondiale.
3.2.4. Diplomatie du savoir. Ce prestige des institutions universitaires peut même devenir
un pôle de développement des relations internationales. La thèse de King53 est qu’un pays
qui augmente le nombre d’universités mondiales sur son territoire favorise les
opportunités d’entrer dans l’économie du savoir, augmente le nombre d’étudiants
diplômés, conduit de grandes recherches scientifiques et forme une main d’œuvre
hautement qualifiée. De plus, une position appréciable dans les classements renforce le
statut du gouvernement national s’il est en mesure de montrer que les secteurs qui
performent sont ceux sous sa juridiction. Dans cette perspective, il est possible de
comprendre pourquoi une crise politique a éclaté en 2003 lorsque l’Australie a vu ses
universités perdre quelques points au SJTU. Olds pousse le raisonnement encore plus loin
en affirmant que l’engagement soutenu de l’État envers son système d’éducation
supérieure vise à faire de ce dernier une nouvelle voix de sa puissance diplomatique (soft
power). Ainsi, en devenant un modèle reconnu à l’étranger, en recevant des chercheurs et
des étudiants venant d’autres pays et en établissant des réseaux avec les autres puissances
éducatives, un pays peut externaliser ses valeurs, convaincre de la pertinence de son
agenda politique et augmenter son pouvoir attractif. Olds indique d’ailleurs que
l’éducation supérieure est la manière la plus malléable, efficace et abordable d’exercer
une influence implicite sur les autres pays. Dans les faits, l’aide d’USAID apportée au
système d’éducation Africain (par l’intermédiaire de l’AFRICOM) ainsi que l’implication
de Cornell en Asie du Sud-est et d’un groupe d’universités américaines au Qatar
10
constituent pour le gouvernement américain un instrument parmi d’autres pour parvenir à
ses objectifs en la matière54. Au niveau européen, ce n’est pas tant le désir de faire la
promotion de son système qui motive l’action que la volonté de résister aux assauts des
pays anglo-saxons et asiatiques. Ainsi, voyant qu’elle perdait ses chercheurs et ses
diplômés au profit des États-Unis, l’Europe a intégré au traité de Lisbonne un article
indiquant que l’Europe doit devenir l’endroit le plus compétitif dans l’économie du savoir
d’ici 2010. Cette économie du savoir entraîne donc plusieurs pays à vouloir occuper une
position appréciable dans les classements mondiaux afin de montrer au monde la
« réussite nationale » et de rehausser le poids moral du pays (ou de la région)55. C’est
d’ailleurs une des stratégies du Québec : « capitaliser sur sa réputation en éducation sur la
scène internationale »56 afin d’inscrire à l’ordre du jour de l’UNESCO la question d’un
instrument juridique lui permettant de protéger et de faire la promotion de son système
d’éducation. Pour les pays émergents, la compétitivité de leurs universités (et l’atteinte du
rang élevé dans les classements) fait partie de leur stratégie de développement. Ainsi,
pour montrer sa puissance, la Chine a pour objectif de dépasser l’Europe et l’Amérique
du Nord dans les classements mondiaux universitaires57 et, selon Marginson58, elle
devrait y parvenir d’ici quelques années. De son côté, la Thaïlande a sélectionné 9
universités prometteuses et leur apportera tout son soutien afin que celles-ci permettent
au pays de se hisser à un rang plus prestigieux dans le THES59. Finalement, d’autres pays
comme le Brésil et l’Inde ont compris qu’une position acceptable dans classements peut
favoriser de meilleurs investissements. Ainsi, la découverte de l’université Sao Paolo sur
le code génétique d’une bactérie et la politique de l’Inde de n’envoyer que ses élèves les
plus performants dans ses meilleures universités ont permis à ces deux pays d’attirer un
peu plus l’attention. En somme, les classements sont des armes diplomatiques qui
permettent aux pays d’augmenter leur influence, de diffuser leurs valeurs et d’attirer chez
eux la richesse académique.
3.2.5. Modèle simplificateur. La dernière fonction des classements, et peut-être ce qui en
fait un instrument de gouvernance globale, est sa capacité d’ordonner la mondialisation
universitaire et d’en simplifier les manifestations. En effet, selon Olds60, dans un monde
multi-scalaire fait de réseaux où la mondialisation prend toutes les formes, il est
nécessaire de produire un modèle qui permette d’assimiler la surcharge d’information.
Or, alors que le savoir est mondial et que le monde universitaire est régulé par l’État61, il
semble qu’un aspect important de la mondialisation universitaire est l’émergence d’un
11
espace collectif de régulation. Or, est-ce que les accréditations gouvernementales peuvent
à elles seules jouer ce rôle? La réponse est négative et ce, pour deux raisons. La première
est que les gouvernements, à cause du cycle électoral, de l’instabilité politique et des
frontières nationales, sont très mal placés pour répondre à ce type d’enjeu62. La deuxième
raison est que, contrairement aux classements mondiaux, les analyses binaires
(accepté/refusé) ne permettent pas de rendre compte de la nuance qui peut exister entre
les forces des universités et entre les critères de classement63. Ainsi, alors que de
nombreuses universités s’autoproclament de « classe mondiale », que des partenariats
prolifèrent (Université du Texas en Arabie Saoudite), dont certains avec des institutions
douteuses64, que des universités privées offrent des services virtuels et que d’autres
universités tentent d’attirer leur clientèle avec des diplômes conjoints, les classements
universitaires mondiaux peuvent débroussailler le paysage universitaire. Ils identifient, en
effet, les normes, valeurs et critères d’excellence tout en mettant en rang les joueurs en
présence selon leur prestige. King65 fait d’ailleurs la démonstration que ces classements
peuvent devenir un élément-clé dans la gouvernance mondiale en établissant des
standards sur la base desquels il est possible de comparer les acteurs. Ces standards
hiérarchiques étant acceptés par la majorité des acteurs sur la planète, deviennent le
symbole d’une gouvernance mondiale privée puisque, comme les agences de notation, les
classements évaluent des institutions particulières et clarifient les voies d’action pour les
partenaires. King considère donc les classements comme des « régulateurs du savoir » qui
assemblent une myriade de données disparates, les évaluent et les communiquent de
manière simplifiée sur le « marché mondial » de l’éducation.
En bref, pour combler des failles dans la gouvernance sur-étatique, une entreprise privée
et une institution parapublique chinoise ont construit un cadre réglementaire informel
utilisé par l’ensemble des acteurs mondiaux. Ces classements contribuent ainsi à la
« reconfiguration des appareils d’État »66, en constituant un socle de valeurs et de normes
(excellence, innovation, diffusion et internationalisation) et de pratiques (autonomie des
établissements, financement accru et activités de recherche) à l’intérieur duquel doit
désormais agir l’État s’il veut maintenir sa présence au niveau mondial. Les étudiants qui
acceptent ce socle peuvent également décider plus facilement l’institution qui correspond
à leurs besoins (et ne pas se laisser prendre par une université qui n’est pas classée). Il
faut, en outre, noter que cette régulation s’applique aussi aux développeurs de
plateformes éducatives virtuelles, aux index de citation et aux agences internationales qui
12
recentrent leur approche en accord avec les classements. Comme le dit Olds, même une
université au Bhoutan ne peut éviter cette nouvelle influence des classements mondiaux.
En somme, parce qu’ils sont en mesure de réguler, d’ordonner et de classer les universités
selon des critères acceptés par la majorité des acteurs, parce qu’ils préconisent certaines
valeurs et pratiques, parce qu’ils influencent l’ensemble des acteurs et parce qu’ils ont
acquis un statut institutionnel, nous considérons que les classements mondiaux sont un
mécanisme de gouvernance mondiale privée et que, depuis leur création, ils ont
profondément transformé la mondialisation des universités.
4. Cinq transformations dans la mondialisation des universités
Rôle de l’État
Échelle nationale et
transnationale
Objectif
Échelle transnationale
et mondiale
Pratiques
universitaires
Échelle locale et
mondiale
Finalité de la
formation
Échelle transnationale
Collaboration et
mobilité
Échelle internationale
et mondiale
Libéralisation
État régulateur
Délégation de pouvoir
Réengagement de l’État
État développeur
Délégation de pouvoir
Profit
Clientélisme
Culture entrepreneuriale
Prestige
Talent intellectuel
Recherches et publications
Diversification
Efficacité
Adaptation au marché
Uniformisation
Convergence transnationale
Isomorphisme
Professionnalisation
Emplois qualifiés
Recherche pour le financement
Recherche
Formation doctorale
Concentration des ressources
Rentabilité
Recrutement
Fusions fort/faible
Excellence
Internationalisation
Fusions fort/fort
La deuxième hypothèse de cet essai propose que les classements universitaires mondiaux,
en tant que mécanismes de gouvernance privés, orientent désormais la mondialisation des
universités et transforment en profondeur les stratégies de gouvernance universitaires et
étatiques. Ainsi, le tableau 4 ci-dessous montre comment 5 éléments caractérisant la
mondialisation universitaire des années ’90 se sont transformés avec l’arrivée des
classements universitaires mondiaux.
13
4.1. De la libéralisation au réengagement de l’État
La première transformation majeure concerne le rôle de l’État dans le financement et la
régulation du monde universitaire. Les années ’90 sont celles du libre-échange, de
l’expansion économique des États-Unis, de la prospérité des firmes multinationales et
d’une interdépendance accrue entre les États. Cette période poursuit la remise en cause
des services publics amorcée dans les années ’80. Dans le monde universitaire, le marché
est encore vierge et de nombreuses corporations font pression sur leurs gouvernements
afin de pouvoir y faire affaire. Par conséquent, en 1994, lors de la fondation de l’OMC,
l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) devient le troisième pôle de
négociation (après les biens matériels et la propriété intellectuelle). L’accord permet la
fourniture de services transfrontaliers, le commerce de services éducatifs et la
constitution de fournisseurs privés à but lucratif (comme des universités-entreprises, des
courtiers en éducation et des consortia universitaires)67. 30 des 144 pays de l’OMC disent
d’ailleurs vouloir abaisser les obstacles au commerce des services éducatifs (qui
constituent d’ailleurs 12% des exportations de services en Australie)68. Ainsi, entre 1990
et 2000, des universités virtuelles se créent, des campus de l’Université Monah
d’Australie sont construits en Malaisie et en Afrique du Sud et 1 600 universités privées
sont fondées aux États-Unis. Au niveau du financement, les dépenses publiques en
éducation des pays l’OCDE augmentent de 19% entre 1995 et 1999, alors que celles du
secteur privé augmentent de 70%69. En outre, les universités de plusieurs États adoptent
des modèles d’organisation corporatifs et orientés vers le marché. L’État devient alors
plus régulateur qu’opérateur puisque, remettant en question la lourdeur du financement
des universités, il incorpore des mesures de « privatisation »70 dans ses méthodes de
financement. Il croit ainsi que ces transformations vont rendre ses universités plus
flexibles et plus aptes à répondre aux changements socio-économiques. Par exemple,
considérant un nombre croissant d’étudiants et de fournisseurs, le gouvernement de
Taïwan délègue le rôle de pourvoyeur à d’autres sources comme les fondations, les
entreprises privées, les organismes internationaux, les frais étudiants.
Un financement qui ne dépend plus que de l’État a aussi pour conséquence une plus
grande autonomie des universités. Cette autonomie s’accompagne d’un encadrement
moins directif de la part de l’État. Ainsi, en 1980, les Pays-Bas déposent un mémorandum
sur l’autonomie des universités; en 2004 la Suisse vote une loi sur l’autonomie
universitaire71 et, la même année, la Chine confie aux échelons locaux des responsabilités
14
quant au curriculum et à la promotion du secteur privé dans l’éducation universitaire72.
Toutefois, il faut rappeler que la libéralisation ne signifie pas que l’ensemble du secteur
universitaire est privatisé, mais plutôt que l’État, devenu régulateur, permet à plusieurs
universités de développer une autonomie de gestion, de recevoir un financement
provenant du secteur privé et même à certaines universités de se privatiser.
Alors que les années ’90 sont marquées par une « rationalité orientée vers le marché et un
État régulateur », Olds73 considère que les années 2000 sont caractérisées par une
« rationalité de l’État orientée vers le développement». Cette rationalité signifie que
l’État favorise l’autonomie et la compétition entre les institutions, tout en intervenant
massivement afin d’améliorer la compétitivité économique de la nation. L’hypothèse de
cet essai estime que les classements mondiaux constituent l’élément qui cause ce
changement. En fait, comme l’indique l’OCDE74, les classements tendent à favoriser un
plus grand investissement et une plus grande implication de la part des gouvernements.
Parce qu’une telle implication favorise le développement économique et le prestige de la
nation, il a été recommandé aux gouvernements britannique et américain de conserver
leur rôle de premier pourvoyeur des universités75. Ainsi, selon une étude réalisée en
200776, la part du budget universitaire qui provient de fonds gouvernementaux avoisine
les 85% en Allemagne, les 83% en Finlande, les 65% au Royaume-Uni et les 83% aux
États-Unis. Il faut cependant noter qu’entre 25% et 60% de cette somme est accordée
selon un mode compétitif et est liée à des projets particuliers. Ainsi, considérant l’objectif
d’obtenir le meilleur classement possible, les gouvernements accordent des fonds en
priorité aux universités les plus performantes. Car, selon de nombreux observateurs77, une
université de classe mondiale coûte un milliard de dollars à opérer, plus 500 millions s’il
y a une école de médecine. Donc, pour répondre à la pression imposée par les
classements mondiaux et parce qu’il a été prouvé qu’il y avait une corrélation positive et
significative entre le niveau de financement par étudiant et la performance globale des
systèmes d’enseignement (un point dans le classement par tranche de 2,2 millions
d’investissement)78, plusieurs gouvernements sont entrés dans une course aux
subventions universitaires79. C’est dans cette perspective que le gouvernement chinois a
accordé 234 millions (USD) à cinq de ses meilleures universités et que la Corée du Sud
accordera 1,8 milliards (USD)80. En Occident, la Commission européenne a recommandé
à tous ses membres d’investir des sommes plus importantes dans un nombre plus restreint
d’institutions. Ainsi, l’Allemagne allouera 500 millions d’euros pour 10 universités
15
d’élite, la France finance ses « pôles de compétitivité » à hauteur de 2 milliards et
l’Espagne accorde 53 millions en subventions supplémentaires pour les meilleurs projets
de recherche81. Ce ne sont toutefois pas tous les pays qui ont suivi cette voie. Par
exemple, l’Université de Toronto demande sans succès depuis 20 ans un financement
supplémentaire de la part des paliers provincial et fédéral82. Au Canada, les 5 plus
grandes universités (Montréal, Toronto, McGill, Calgary et Colombie-Britannique)
demandent aussi aux gouvernements de concentrer sur elles l’ensemble du financement
pour en faire des universités de classe mondiale83. Par contre, ce ne sont pas tous les pays
qui ont adapté leur cadre de référence à la nouvelle réalité que constituent les classements
mondiaux. Certains agissent encore comme un État opérateur omnipotent et d’autres
laissent le marché fonctionner librement. Mais, somme toute, cette partie de l’essai vise à
montrer que la phase de libéralisation et de déréglementation amorcée dans les années
’90 ont fait place à un réinvestissement massif de la plupart des États. En fait, l’apparition
des classements amène plusieurs États à accorder plus d’autonomie aux universités tout
en les soutenant car elles sont les figures de proue de cette nouvelle économie du savoir.
4.2. De la quête du profit à la quête du prestige
La deuxième transformation qu’a subie la mondialisation des universités découle de la
première. En effet, avec la libéralisation d’une partie du secteur universitaire et la
possibilité pour les universités de générer des revenus par d’autres sources que le
financement de l’État, le profit devient un objectif pour de nombreuses universités et
gouvernements. En ce sens, comme le décrit Altbach84, la mondialisation des universités
a mené à la création d’universités qui cherchent le profit avant tout, comme l’Université
Phoenix qui forme des adultes qui ont déjà un emploi ou l’Université Strayer, fondée par
le Washington Post, et qui offre des cours privés spécialisés dans les télécommunications.
L’auteur rapporte ainsi que, dans 7 pays de l’OCDE, les universités privées et le
financement privé des universités sont en croissance. En outre, les nouvelles technologies
permettent à des universités, publiques ou privées, de rejoindre une clientèle d’ailleurs,
comme l’Université Monterry du Mexique qui offre une formation en ligne à 70 000
étudiants d’Amérique du Sud. L’ensemble de ces initiatives correspondent, pour VincentLancrin85, à la stratégie de « mobilisation des recettes » qui, dans une perspective
commerciale, implique de facturer les services éducatifs aux coûts réels, d’accepter plus
d’étudiants internationaux, d’abaisser les tarifs imposés aux produits éducatifs et de
consolider une industrie des services. Cette vision de la mondialisation est très forte aux
16
États-Unis, mais aussi en Malaisie puisque ce pays croit que les universités sont un
moteur de son développement économique et il milite pour une libéralisation accrue de ce
secteur86. Au niveau européen, ce sont les universités britanniques qui sont les plus
agressives sur le marché mondial de l’éducation. En effet, en misant sur leur « avantage
comparatif institutionnel »87, elles offrent des « cours clé-en-main » aux universités
étrangères, établissent des franchises à l’étranger et focalisent leur attention sur des
programmes pour lesquels il y a une demande mais qui sont peu exploités. En somme,
depuis les années ’90, il y a une pression pour que les universités deviennent rentables.
Toutefois, Altbach88 considère que, depuis la création des classements universitaires
mondiaux, ces initiatives commerciales ont perdu de leur valeur puisque les institutions
luttent désormais pour le talent intellectuel et le prestige académique. En effet, bien que
les universités les plus fortunées soit souvent les mieux cotées (ayant un budget annuel
variant entre 1 et 5 milliards de dollars89), il faut noter que les universités ne sont pas
classées selon leurs frais de scolarité, leur budget ou leurs dépenses mais sur la base de
leur réputation. Ainsi, le fait que les classements mondiaux s’imposent désormais comme
un instrument de régulation, l’objectif du profit est désormais concurrencé par l’objectif
du prestige. Or, le prestige, bien que menant souvent à davantage de ressources, n’est pas
synonyme de profit. En effet, l’OCDE90 remarque que, depuis quelques années, de
nombreuses institutions (soutenues par leurs pays) sont entrées dans une compétition qui
fait exploser leurs coûts de fonctionnement. En fait, au lieu de recruter un maximum
d’étudiants et de leur charger un prix respectable, les universités tentent de recruter les
meilleurs chercheurs (surtout ceux ayant un prix Nobel), de leur fournir des laboratoires à
la fine pointe de la technologie, d’offrir des bourses plus généreuses aux meilleurs
étudiants afin d’éviter qu’ils choisissent une autre institution; ce qui crée une pression sur
les budgets universitaires. En ce sens, les stratégies de gouvernance sont désormais axées
sur le financement du prestige et de l’excellence. Les universités continuent de favoriser
les partenariats entreprise-université, mais la plupart d’entre elles préfèrent que leurs
professeurs publient dans le 1er tiers des meilleures revues et qu’ils internationalisent
leurs résultats plutôt que de se concentrer sur d’autres projets qui auraient pu être
économiquement plus avantageux91. En fait, même si l’Université Harvard récolte
annuellement 12 millions en brevets et Stanford 4 millions, ces revenus sont relativement
marginaux comparativement aux frais d’inscription et aux subventions gouvernementales.
17
En sommes, la logique de la rentabilité qui prospérait pendant les années ’90 a été
supplantée par les classements mondiaux qui imposent un ordre institutionnel à l’intérieur
duquel les universités consacrent tous leurs efforts à la recherche du prestige.
4.3. De la diversification à l’uniformisation des pratiques
Vught, dans son article sur la diversité universitaire92, explique que le niveau de diversité
dans un système dépend du niveau d’uniformité dans l’environnement et du niveau
d’influence des valeurs et des normes. Il différencie également sept types de diversités :
systémique, structurelle, de programmes, procédurale, réputationnelle, constitutive et
d’environnement. Ces diversités ont été favorisées pendant la période des années ’90
car l’économie du savoir nécessitait une forme de dérégulation étatique et d’opération du
marché. Ainsi, pour l’auteur, la diversité favorise la performance de l’institution, sa
capacité de s’adapter aux cohortes d’étudiants, la mobilité sociale, l’équité pour tous les
groupes de la population, l’enseignement de masse et d’élite, l’efficacité, l’innovation et
permet de rencontrer les besoins du marché. En harmonie avec les changements sociaux,
les nouvelles populations et le marché du travail, la diversité permet aussi une plus
grande flexibilité institutionnelle. Ainsi, la mondialisation des années ’90 a donc suscité
l’apparition ou l’adaptation de divers modèles décrits par les auteurs suivants. Graf93 a
comparé les modèles britanniques et allemands pour montrer que les premiers avaient
développé une compétition entre les établissements alors que les seconds tendaient à
favoriser la complémentarité de celles-ci. Buhler94, de son côté, a identifié trois traditions
universitaires émanant de différents contextes nationaux: la tradition idéaliste allemande
(valorisant le savoir), fonctionnaliste anglaise(répondant aux besoins sociaux) et
d’agence-publique française (ayant une mission gérée par l’État). Finalement, VincentLancrin95 a observé quatre stratégies adoptées par les universités : la compréhension
mutuelle, la migration de personnel qualifié, la mobilisation des recettes et le
renforcement des capacités (la coopération internationale). Cependant, Vught96 remarque
que l’apparition des classements mondiaux, jumelée à l’autonomie institutionnelle,
résulte en une uniformisation des pratiques puisque les universités, voulant obtenir un
rang plus élevé, reproduisent les pratiques des universités les mieux cotées.
La création des classements mondiaux amène donc une convergence transnationale, soit
un processus dynamique qui fait que plusieurs pays et organisations adoptent
progressivement le même point de vue sur les objectifs, les instruments, les effets
18
recherchés et les acteurs dominants97. Plus précisément, les classements constituent une
convergence cognitive puisqu’ils changent le cadre de référence des acteurs de
l’éducation et les amène à adopter des pratiques qui répondent aux mêmes normes. En
fait, selon une étude approfondie de l’OCDE98, les classements mettent l’emphase sur la
différence verticale entre les institutions puisqu’ils mettent en rang des institutions et des
États sur la base de leur performance. Cependant, ces classements tendent à amenuiser la
différence horizontale qui est définie comme la diversité dans les missions universitaires
et les types d’institutions. En ce sens, il y a un mouvement vers des universités plus
homogènes et plus autonomes. Un des exemples est que les grandes écoles françaises
deviendront sous peu des universités pour qu’elles puissent rehausser la performance de
la France. Mais la convergence européenne est encore plus marquée. En effet, les pays
signataires de la Déclaration de la Sorbonne ont pris la décision d’harmoniser leurs
programmes universitaires et de les baser sur le modèle américain du LMD (Licence,
Master et Doctorat)99. Ce calque devrait permettre aux universités européennes d’être
plus compétitives sur le marché international de l’enseignement supérieur, d’attirer plus
d’étudiants étrangers, de permettre le transfert de crédits entre pays européens et,
finalement, de concurrencer les universités américaines en offrant un premier cycle de
trois ans alors qu’il est de quatre aux États-Unis100. Ainsi, même si certaines universités
(comme en Allemagne) ont de la difficulté à s’adapter à ces changements majeurs, la
convergence européenne tend à tracer les contours de ce qui a été nommé en introduction
« le modèle mondial émergent ». Ce modèle génère aussi un isomorphisme au niveau de
la gouvernance. En effet, la plupart des universités de classe mondiale proposent un
premier cycle diversifié, puis des cycles supérieurs spécialisés regroupant entre 20 et
30% de la clientèle universitaire, et qui prennent forme dans des « écoles supérieures »,
pivots de l’excellence universitaire101. Dans ce modèle, l’université (et son conseil
d’administration) gère les fonds, valide les nominations et octroie les bourses. L’école
supérieure, quant à elle, sélectionne les étudiants, les enseignants et trace le parcours
scolaire. Finalement, le département a pour responsabilité de définir les programmes et de
structurer les cours. En somme, c’est le modèle américain qui tend à se répandre à travers
l’Europe et l’Asie. Les universités ayant établi les nouvelles bases de leur gouvernance
par mimétisme, Buhler102 constate un isomorphisme au niveau de la langue. En effet,
puisque l’anglais est la langue la plus étudiée, la langue de la recherche et de la diffusion,
mais surtout parce que 19 des 20 premières universités du SJTU sont anglophones, il
existe maintenant des programmes et des universités en anglais dans des pays comme
19
l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, le Japon et même la France (avec la Paris School of
Economics). En somme, bien que le monde universitaire compte encore des grandes
écoles, des filiales étrangères, des universités-entreprises et des universités virtuelles, la
majorité les ouvrages consultés indiquent que les classements ont construit un cadre qui
tend à uniformiser la gouvernance, les pratiques et les structures universitaires.
4.4. De la professionnalisation de la formation au culte de la recherche
À partir des années ’60, l’expansion démographique et économique amène les États à
considérer les universités comme des composantes nécessaires à leurs politiques
publiques. En effet, pour qu’il fonctionne, l’État occidental a besoin de médecins,
d’avocats, de pharmaciens, de psychologues, de notaires, d’enseignants, de travailleurs
sociaux, de gestionnaires, d’architectes et d’ingénieurs; toutes des professions qui
nécessitent une formation universitaire. Dans les années ’90, la mondialisation et
l’économie du savoir transforment les universités en des pôles de croissance économique
sans précédent. Les historiens103 notent qu’avant les années ’80, les universités n’étaient
pas des joueurs majeurs au niveau de l’économie mais qu’avec la croissance exemplaire
de Stanford et du MIT, elles sont devenues des piliers de croissance, surtout si elles
s’associent à des entreprises. C’est donc à cette époque qu’apparaissent les BLEUs
(bureaux de liaison entreprise-université) et qu’à cause du recul du financement étatique,
les chercheurs trouvent davantage de fonds dans des partenariats avec les entreprises. En
somme, il est à noter que, même si la recherche était essentielle pour le financement,
plusieurs palmarès universitaires nationaux, comme le USNWR ou le Maclean’s,
n’accordaient aucune importance à la recherche universitaire dans leur pointage104. Il
semble donc y avoir un engouement plus grand pour la formation que pour la recherche
dans la population; surtout que les universités Phoenix et Strayer ne font que de la
formation professionnelle et suscitent beaucoup d’intérêt. De la même manière, les
universités virtuelles ont pour finalité d’offrir aux étudiants un diplôme qui leur permettra
de trouver un emploi dans leur pays. En ce sens, il n’est pas clair que la recherche soit le
moteur de la mondialisation universitaire dans les années ’90.
Cependant, l’arrivée des classements mondiaux renverse cette tendance et fait de la
recherche scientifique l’indicateur le plus important (la recherche valant près de 90% du
classement SJTU)105. Désormais, il est sous-entendu qu’une université de « classe
mondiale » produit un grand nombre d’articles et les communique dans les meilleures
20
revues. La recherche (même si elle n’est pas commerciale) devient l’élément-clé de toute
action publique puisqu’elle assure le prestige. Cela explique probablement que, même
aux États-Unis, où la culture entrepreneuriale est bien implantée, 69% des activités
américaines sont axées sur la recherche fondamentale, 24% sur la recherche appliquée et
7% sur le développement de produits106. Ainsi, même si certains peuvent dénoncer cette
perspective107, les classements mondiaux constituent un socle où la recherche a une
valeur intrinsèque, même si elle n’est pas liée à des préoccupations concrètes. Cet
encadrement fait que les universités qui ont une forte proportion d’étudiants au troisième
cycle (plus de 50%) et qui sont en mesure d’attirer chez eux des chercheurs de renommée
mondiale tendent à se mériter le titre d’université de « classe mondiale ». Pour atteindre
ce titre, le Royaume-Uni a mis en place un système de financement qui concentre ses
efforts en matière de recherche dans quelques universités (surtout situées à Londres), afin
qu’elles soient en mesure de produire plus de recherche de meilleure qualité108. En
somme, parce que la recherche a été la première activité mondialisée, parce qu’il est plus
facile de l’utiliser pour tracer des comparaisons internationales et parce qu’il se
développe un marché du travail international pour les chercheurs109, la recherche est
devenue l’élément central des classements mondiaux, transformant certaines pratiques
universitaires plus « professionnalisantes » en des pratiques axées sur la recherche.
4.5. De relations académiques profitables à des relations basées sur l’excellence
La dernière transformation observée est celle qui concerne les relations que les
universités établissent entre elles, avec les étudiants et les professeurs. La mondialisation
amène un éclatement de ces relations qui se manifeste par la création de programmes
conjoints, l’établissement de campus à l’étranger (comme l’Université de Chicago à
Barcelone), la création de réseaux universitaires (comme Universitas 21), des jumelages
d’universités (comme l’Institut MIT-Cambridge) et un nombre croissant d’étudiants et de
professeurs « mobiles ». Dans la présente section, nous étudierons comment l’apparition
des classements mondiaux a transformé les logiques qui soutenaient la mobilité des
personnes, d’une part, et la collaboration interuniversitaire, d’autre part.
Tout d’abord, la croissance de la mobilité étudiante caractérise la mondialisation des
universités. Cette mobilité, qui autrefois favorisait la compréhension culturelle,
représente désormais une industrie importante que de nombreux pays cherchent à
dominer. En effet, considérant que l’étudiant paie des frais de scolarité, des frais de
21
voyage et de logement, il injecte de l’argent dans l’économie locale110. Le Canada compte
d’ailleurs sur les étudiants internationaux pour lui assurer une source de revenus
supplémentaires. En 2008, les étudiants internationaux au Canada ont dépensé plus de 6,5
milliards de dollars, ont contribué à créer 83 000 emplois et ont rapporté 291 millions au
trésor public111. Ces étudiants pourraient aussi s’établir et constituer de la main d’œuvre
qualifiée pour le Canada. Les universités britanniques, de leur côté, embauchent des
agents privés qui recrutent des étudiants à l’étranger112. Donc, selon cette perspective, il
est essentiel pour les gouvernements d’attirer des étudiants qui vont dépenser dans le
pays et non pas de dépenser (en bourses et exemptions de toute sorte) pour les attirer.
Toutefois, les classements mondiaux changent la donne puisque la performance d’une
université dépend aussi, de son niveau d’internationalisation113. Ainsi, par exemple,
Harvard compte 19% d’étudiants internationaux et Columbia, 23%114. Selon le même
objectif, la France a établi à Toulouse un réseau de laboratoires de recherche qui
rassemblent 150 chercheurs, qui offre un « doctorat international » et dont 80% des
étudiants sont des étrangers. L’OCDE remarque également que les classements mondiaux
ont exacerbé la pression pour que les universités embauchent des chercheurs de pointe et
qu’elles recrutent les étudiants les plus talentueux. Donc, comme le souligne Salmi115,
une université de classe mondiale attire des chercheurs et des étudiants étrangers, faisant
passer la mobilité d’un objectif de rentabilité à un objectif d’excellence.
Un processus similaire est observé au niveau de la collaboration interuniversitaire. En
effet, Knight116 croit que la compétition interuniversitaire actuelle était impossible il y a
20 ans, puisqu’à ce moment, la coopération avait préséance. Cette coopération se
construisait par des réseaux et Olds117 se demande quelle portée ces avaient derniers. En
effet, il affirme que le choix d’appartenir à un réseau était avant tout politique et que les
décisions prises lors des rencontres étaient relativement superficielles. Parallèlement aux
réseaux, un autre phénomène prit de l’ampleur à partir des années ’90 et ce sont les
fusions d’universités. Harman et Harman118 ont décrit avec beaucoup de précision ce
phénomène. Ils ont classé la collaboration interuniversitaire en trois phases : la
coopération (informelle ou programmes conjoints), la coordination (consortiums,
affiliation et départements ou instituts conjoints) et la fusion (avec une structure fédérale
ou une structure unitaire). Leurs observations démontrent que, pendant les années ’90, les
fusions qui ont eu lieu relevaient d’une stratégie d’acquisition. En effet, les universités les
plus prestigieuses et les plus riches (comme l’Institut de technologie Canergie) pouvaient
22
augmenter leur clientèle et diversifier leurs offres de formation en fusionnant avec une
institution en difficulté (comme l’Institut de recherche industrielle Mellon). Cependant,
les auteurs remarquent qu’à partir de la fin des années ’90 et au milieu des années 2000,
les fusions se font de plus en plus entre deux institutions riches et prestigieuses (comme
l’Université Victoria de Manchester et l’Université des sciences et technologies de
Manchester). Les auteurs croient que ce type de fusion d’universités prestigieuses crée
des institutions plus populeuses, plus riches et produisant plus de recherche, permettant
l’atteinte d’un classement plus élevé119. Cette stratégie de fusion entre leaders semble se
transposer aussi avec les gouvernements puisqu’il a été recommandé aux gouvernements
américains et britanniques de constituer un Atlantic Trust où les deux pays
coordonneraient leurs efforts et leur financement afin que leurs universités (les meilleures
du monde selon les classements) conservent leur rang120. La même stratégie est employée
par la Chine qui a accordé 1,8 milliards de yuans pour que ses universités intègrent des
réseaux prestigieux (comme le Worldwide Universities Network, le CERNET, le LDSS et
le MEFSS) qui permettent de conduire des recherches d’envergure, de faire connaître ses
chercheurs et d’augmenter ses activités internationales121.
Ainsi, alors que les
partenariats basés sur l’excellence se multiplient, Vincent-Lancrin122 observe que les
initiatives profitables, comme celle d’établir un campus dans un autre pays, semblent en
perte de vitesse car elles coûtent cher et ne favorisent pas un meilleur rang dans les
classements. En somme, nous observons que, contrairement à la phase précédente de la
mondialisation où les initiatives visaient la collaboration ou le profit, il semble que la
mondialisation régulée par les classements mondiaux soit davantage orientée vers la
recherche de l’excellence puisqu’une université plus isolée sera moins bien classée.
En somme, les universités ont amorcé le processus de mondialisation depuis plusieurs
années. Agissant désormais à l’intérieur d’interconnexions d’échelles locales, nationales,
transnationales et mondiales, elles sont devenues des pôles d’innovation, de recherche et
de développement économique, affranchies du cloisonnement territorial. En revanche,
l’émergence des classements universitaires mondiaux a fait entrer la mondialisation des
universités dans une nouvelle phase. En effet, puisque l’État passe du rôle de régulateur
au rôle de développeur; puisque la stratégie de gouvernance est passée de la
« mobilisation des recettes » à la quête du prestige; puisque les sept diversités ont fait
place à un phénomène de convergence transnationale; puisque les activités de recherche
ont supplanté celles liées à l’enseignement et puisque les collaborations académiques se
23
fondent sur le principe de l’excellence plutôt que sur celui de la rentabilité, nous estimons
que notre seconde hypothèse se confirme, soit que la mondialisation des universités est
effectivement entrée dans une nouvelle phase, régulée par les classements mondiaux.
5. Réflexion critique : les pièges de la nouvelle phase
La nouvelle phase de la mondialisation, décrite précédemment, pose un certain nombre
de défis aux États et à la société civile. Dans cette dernière section, nous tenterons de
faire état des trois critiques les plus virulentes à propos du modèle mondial émergent :
l’homogénéisation des universités, la rupture avec leur mission sociale et le déséquilibre
entre les pays riches et pauvres.
5.1. Homogénéisation et sur-valorisation d’un modèle universitaire abstrait
Les classements mondiaux utilisent une méthodologie douteuse qui vise à accumuler des
indicateurs qualitatifs et quantitatifs, à leur accorder un poids de manière arbitraire et à
construire un index à partir de cette pondération. Ainsi, selon Usher et Savino123, les
classements ont construit un modèle qui ne correspond à aucune université concrète et le
pouvoir attractif de ces classements tend à créer un mouvement massif des universités
vers ce modèle abstrait. Dès lors, en intégrant dans leur gouvernance les indicateurs issus
de ces classements mondiaux abstraits, les universités commencent à se ressembler
partout dans le monde124. Cet isomorphisme, selon Lang et Zha125, apparaît de manière
encore plus évidente lorsque nous comparons les universités orientales et occidentales.
Ainsi, puisque les classements valorisent un type de mission universitaire (la recherche),
certaines qualités (excellence), une tradition (anglo-saxonne) et une science (les sciences
naturelles)126, ils favorisent un isomorphisme par mimétisme. L’OCDE127 déplore
d’ailleurs que les tailles, les missions et les fonctions des universités ne soient pas prises
en compte. Par exemple, les universités nationales qui comptent trop d’étudiants (Mexico
City et Buenos Aires), les universités vocationnelles (comme la Fachhochschulen en
Allemagne) ou les universités connectées aux industries (comme l’Institut technologique
de l’Inde) n’entrent pas dans les classements mondiaux même si ce sont des institutions
prestigieuses. En outre, à l’intérieur même des universités, il semble y avoir un processus
de convergence vers les sciences naturelles et la langue anglaise. En effet, puisque les
États-Unis et l’Angleterre dominent les index de citations, il semble que leur modèle
acquiert une forme d’autorité sur les autres128. Le même processus s’applique aux
sciences puisque, considérant qu’un chercheur en sciences sociales ne peut récolter que
24
5 000 citations alors qu’un microbiologiste peut en récolter 20 000, et considérant que les
domaines des arts et de la philosophie favorisent la publication de monographies et non
d’articles scientifiques, il parait évident pour certains auteurs129 que l’ensemble des
universités tendront à délaisser leurs facultés des Arts et des Sciences sociales.
5.2. Incompatibilité avec les besoins économiques et sociaux
Depuis les années ’60, les universités remplissent trois fonctions : effectuer de la
recherche, former les étudiants et offrir des services à la collectivité (vulgarisation
scientifique, analyse des problèmes sociétaux, formation continue, etc.)130. Or, le nouvel
ordre institutionnel que semblent instaurer les classements mondiaux porte atteinte à deux
de ces missions. Tout d’abord, selon Altbach131, le fait que les universités soient entrées
dans une compétition pour le prestige hausse les frais de scolarité de manière excessive,
ce qui a un effet prohibitif pour de plus en plus d’étudiants. En plus, pour atteindre de
meilleurs classements, les universités peuvent se permettre d’être plus sélectives au
niveau de l’admission et de refuser des étudiants qu’elle aurait acceptés si elle avait été
davantage intéressée par le profit. En ce sens, l’auteur conclut que les universités ne
constituent plus l’instrument de mobilité sociale qu’elles ont pu être lors de leur
modernisation. De la même manière, Knight132 croit que les activités universitaires
mondialisées (voyages, cours en ligne, apprentissage d’une nouvelle langue, programmes
conjoints, éducation à la citoyenneté planétaire133) ne permettent la participation que d’un
faible pourcentage d’étudiants, ce qui pose le problème de « l’accès équitable aux
échelles spatiales mondiales ». Ainsi, réduire le nombre d’étudiants peut nuire à la société
puisque l’éducation apporte de nombreux bénéfices sociaux et économiques. Comment
bâtir une économie du savoir avec un pourcentage plus restreint d’étudiants
universitaires?134. En outre, certains étudiants inscrits à l’université sont également
affectés par cette nouvelle phase de la mondialisation. Altbach135 et Knight136 indiquent
que plusieurs étudiants du premier cycle se sentent « trahis » parce que l’université
accorde plus d’attention à la recherche qu’à la formation, négligeant même quelques fois
les curriculums. Bref, il semble que les universités privilégient la recherche sur leurs
autres missions, ce qui peut créer des « classes d’université », réduire la mobilité sociale
et réduire les bénéfices sociaux associés aux activités universitaires.
25
5.3. L’exode des cerveaux et le knowledge gap
Tous les observateurs s’entendent sur le fait qu’il y a un knowledge gap entre les pays du
Nord et du Sud. En effet, les 15% des pays les plus riches produisent 90% des brevets
dans le monde137. Or, il semble désormais essentiel de construire un réseau
d’enseignement supérieur dans les pays en voie de développement (PVD) afin de lutter
contre la pauvreté. Mohamedbhai138 explique que les universités des PVD souffrent d’un
manque de financement et de la concurrence des fournisseurs étrangers. Ces fournisseurs
établissent des programmes (parfois inadaptés) sur leur territoire, produisent des
diplômés (10% de la population africaine fréquente une université) qui ne trouveront pas
nécessairement d’emploi puisque plusieurs des PVD ne sont pas entrés dans l’économie
du savoir. Certains observateurs, comme Vincent-Lancrin139, croient alors qu’une
stratégie de « renforcement des capacités » pourrait fonctionner. Ainsi, les universités
occidentales pourraient établir des partenariats avec des gouvernements de PVD afin
d’éduquer leurs étudiants qui, eux, auraient signé une entente avec leurs gouvernements
pour qu’ils retournent dans leur pays par la suite, dans le but de favoriser l’émergence
d’une industrie du savoir, en partenariat avec l’université occidentale en question.
Cependant, quelques problèmes se posent. Tout d’abord, la nouvelle réalité des étudiants
des cycles supérieurs fait qu’un étudiant originaire d’un pays A, étudiera dans un pays B,
effectuera un stage dans un pays C, travaillera dans des pays D et E avant d’enfin
retourner dans le pays A140, après une douzaine d’années; ce qui ralentit ou met en péril la
stratégie de renforcement des capacités. En outre, les pays occidentaux, à cause de la
dénatalité et de leur besoin de main d’œuvre qualifiée, sont très intéressés à accueillir des
étudiants étrangers, mais surtout à les convaincre de demeurer dans le pays d’accueil par
la suite141. Finalement, les classements mondiaux encouragent les universités plus riches
à aller recruter les étudiants les plus prometteurs, privant des universités nationalement
importantes de leurs meilleurs atouts et de la possibilité de réaliser des recherches d’aussi
grande envergure et donc d’atteindre un rang respectable dans les classements. Car, si les
milliards de yuans investis par le gouvernement chinois n’ont pas encore permis à leurs
universités d’atteindre le top 100 du SJTU, quelles sont les chances réelles d’une
université dans un pays émergent d’obtenir d’importants contrats de recherche, de
développer l’économie locale et de retenir ses étudiants ?
26
6. Conclusion
Le présent essai visait à vérifier si les classements universitaires mondiaux constituent un
mécanisme de gouvernance privé et si cette gouvernance mondiale a fait entrer la
mondialisation des universités une nouvelle phase. Nous croyons que nos hypothèses sont
confirmées par le fait que ces classements remplissent différentes fonctions (sur
différentes échelles spatiales) dont la vérification, la régulation, la promotion, le contrôle
et l’organisation de l’activité universitaire. En outre, nous observons que la
mondialisation universitaire, observée antérieurement aux classements mondiaux, se
différencie de celle observée postérieurement et ce, tant au niveau du rôle de l’État, des
missions des universités et des pratiques de gouvernance que des collaborations
académiques. En somme, cet essai s’est efforcé de décrire le « Modèle mondial
émergent » qui, favorisé par les classements mondiaux, semble devenir la norme sur
l’ensemble de la planète.
Des recherches plus systématiques pourraient confirmer ou infirmer les prétendues
transformations décrites dans ce texte. En outre, il nous apparaît essentiel de porter notre
attention sur l’impact qu’aurait l’apparition de nouveaux types de classements, réalisés
par des universités, des gouvernements ou des agences spécialisées. En effet, la
multiplication du nombre de classement pourrait rendre justice à la diversité des
universités, mais aussi amenuiser la capacité régulatrice des classements. En fait, si
plusieurs classements entrent en concurrence, la compétition universitaire mondiale
retrouvera son caractère complexe et deviendra diffuse sous la multiplicité des normes,
des pratiques et des valeurs. Toutefois, cette prédiction ne peut pas se confirmer et il
semble que les classements aient réellement établi un ordre mondial privé qui a peu de
comparable, sauf peut-être celui de la finance internationale.
27
RÉFÉRENCES
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Image? Exploring the Concept of the World-Class University in Europe and Asia”, Higher Education
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8
Id.
9
OLDS, Ibid.
10
Id.
11
VINCENT-LANCRIN, Ibid., p. 69.
12
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BRETON, Gilles et Michel LAMBERT (dir.). Globalisation et universités, Éditions UNESCO et les
Presses de l’Université Laval, Paris, pp. 117-127.
13
SCHOLTE, Ibid., p. 60-61.
14
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21
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24
MARGINSON, Ibid.
25
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26
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29
USHER et SAVINO, Ibid., p. 260.
30
Id., p. 261.
31
USHER et SAVINO, Ibid., p. 262.
28
32
FILIPPAKOU, Ourania et Ted TAPPER (2007). « Quality Assurance in Higher Education : Thinking
Beyound the English Experience », Higher Education Policy, 20(3), pp. 339-360.
33
KING, Roger (2009). Governing Universities Globally, Gheltenham : Edward Elgar Publishing, p. 150.
34
SALMI, Ibid., p. 17.
35
ALTBACH, Philip (2005). « The Brains Business », The Economist, 10 septembre 2005, p. 8.
36
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37
SALMI, Ibid., p. 25.
38
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Rapport d’étape de la mission Aghion à Mme Valérie Précresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de
la recherche, Conseil d’analyse économique, p. 4.
39
SALMI, Ibid., p. 1.
40
SÖRLIN, Ibid., p. 430.
41
MOK, Ka Ho et Ying CHAN (2008). “International Benchmarking with Best Universities : Policy and
Practice in Mainland China and Taiwan”, Higher education policy, 21(1), p. 473.
42
CONTRERAS, Alan (2009). « The Complexity of International Quality Control », International Higher
Education, 54(1), Boston College Center for International Higher Education, p. 7.
43
AGHION, Ibid., p. 4 et 37.
44
ALTBACH, Philip G. (2004). « The costs and benefits of world-class universities », Academe, 90(1), p. 2.
45
KING, Roger (2009). Governing Universities Globally, Gheltenham : Edward Elgar Publishing, p. 172.
46
SALMI, Ibid., p. 5.
47
HUISMAN, Ibid., p. 2.
48
DEEM, MOK et LUCAS, Ibid., p. 84-85.
49
HIGHER EDUCATION POLICY, Ibid., p. 430.
50
ECKEL, Peter D. (2008). « Mission diversity and the Tension between Prestige and Effectiveness : An
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51
SALMI, Ibid., p. 44.
52
UK/US STUDY GROUP, Ibid., p. 2.
53
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60
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61
BRETON, Gilles et Michel LAMBERT (2003). Globalisation et universités, Éditions UNESCO et les
Presses de l’Université Laval, Paris, p. 31.
62
UK/US STUDY GROUP, Ibid., p. 18.
63
KING, Ibid., p. 150.
64
CONTRERAS, Ibid., p. 8.
65
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66
CHEVALIER, Jacques (2008). « La reconfiguration des appareils d’État » dans L’État post-moderne 3e
édition, Paris : L.G.D.J., p. 32.
67
KNIGHT (2003), Ibid., p. 91-92.
68
Id.
69
BUHLER, Ibid., p. 349.
70
HIGHER EDUCATION POLICY, Ibid., p. 431.
71
AGHION, Ibid., p. 13.
72
HIGHER EDUCATION POLICY, Ibid., p. 432.
29
73
OLDS, Ibid.
ORGANISATION DE DÉVELOPPEMENT ET DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE, Ibid., p. 128.
75
UK/US STUDY GROUP, Ibid., p. 30.
76
LEMAN, G. (2007). « Funding Success Rates at Research Councils in Europe and Funding of University
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77
KING, Ibid., p. 187; SALMI, Ibid., p. 40 et ALTBACH, Ibid., p. 7.
78
AGHION, Ibid., p.16.
79
KING, Ibid., p.192.
80
LAO, Ibid., p. 2.
81
Id., p. 13.
82
JONES, Glen A. (2008). “Can Provincial Universities be Global Institutions? Rethinking the Institution
as the Unit of Analysis in the Study of Globalization and Higher Education”, Higher Education Policy,
21(4), p. 460.
83
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84
ALTBACH, Ibid., p.19-20.
85
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86
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87
GRAF, Ibid., p. 575.
88
ALTBACH, Ibid., p. 20.
89
AGHION, Ibid., p. 14.
90
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, Ibid., p. 121.
91
MOK et CHAN, Ibid., p. 484.
92
VUGHT, Frans Van (2008). « Mission diversity and Reputation in Higher Education », Higher Education
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93
GRAF, Ibid., p. 575.
94
BUHLER, Ibid., p. 350.
95
VINCENT-LANCRIN, Ibid., p. 78-82.
96
VUGHT, Ibid., p. 163.
97
HASSENTEUFEL, P. (2008). Sociologie politique : L’action publique, Paris : Armand Collin, p. 255.
98
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, Ibid., p. 122.
99
DAVIDENKOFF, Emmanuel et Sylvain KAHN (2006). Les universités sont-elles plus solubles dans la
mondialisation, Paris : Hachette Littératures, p. 92.
100
JASCHILK, Scott (11-17 mars 2010). « L’Europe pourrait inspirer les États-Unis », Courrier
International no 1010, p. 54.
101
AGHION, Ibid., p. 38.
102
BUHLER, Ibid., p. 345.
103
UK/US STUDY GROUP, Ibid., p. 21.
104
USHER et SAVINO (2009). Ibid., p. 260.
105
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106
DAVIDENKOFF et KAHN. Ibid., p. 41-44.
107
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108
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109
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113
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114
SALMI, Ibid., 25.
74
30
115
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119
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120
UK/US STUDY GROUP, Ibid., p. 26.
121
MOK et CHAN, Ibid., p. 476 et 480.
122
VINCENT-LANCRIN, Ibid., p. 85.
123
USHER et SAVINO (2009). Ibid., p. 262.
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126
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127
Id.
128
DEEM, MOK et LUCAS, Ibid., p. 86.
129
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130
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131
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132
KNIGHT (2009), Ibid., p. 10.
133
HUISMAN, Ibid., p. 4.
134
Id.., p. 2.
135
ALTBACJ, Ibid., p. 8.
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139
VINCENT-LANCRIN, Ibid., p. 82.
140
KNIGHT, Ibid., p. 9.
141
ROSLYN KUNIN ET ASSOCIÉS, Ibid., p. 48.
116
31
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