mondialisation et gouvernance - Olivier Bégin
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mondialisation et gouvernance - Olivier Bégin
LES CLASSEMENTS UNIVERSITAIRES MONDIAUX UNE NOUVELLE PHASE DANS LA MONDIALISATION DES UNIVERSITÉS TABLE DES MATIÈRES 1. Introduction 1.1. Faits : un modèle mondial émergent…………………………………...…...p.2 1.2. Hypothèse : une nouvelle phase dans la mondialisation des universités…...p.2 1.3. Méthodologie : les échelles spatiales et l’infranational....…………..……...p.2 1.4. Plan de l’essai…………………….…………………………………………p.3 2. De l’internationalisation à la mondialisation des universités 2.1. L’internationalisation des universités : ouverture sur le monde………….…p.3 2.2. La transnationalisation des universités : mobilité académique………….….p.3 2.3. La mondialisation des universités : redéfinition de l’espace d’action….…..p.4 3. Perspectives sur les classements mondiaux : nouvel ordre institutionnel 3.1. Les classements mondiaux...……….……………………………………….p.5 3.2. Un mécanisme de gouvernance mondiale……………….………………….p.6 4. Cinq transformations dans la mondialisation des universités 4.1. De la privatisation au réengagement de l’État……………………………p.13 4.2. De la quête du profit à la quête du prestige…………….…………………p.17 4.3. De la diversification à l’uniformisation des pratiques……….……………p.19 4.4. De la professionnalisation au culte de la recherche…………………….....p.21 4.5. De la profitabilité à l’excellence des interactions……….………………...p.22 5. Réflexion critique : les pièges de la nouvelle phase 5.1. Homogénéisation et survalorisation d’un modèle abstrait……..………….p.2 5.2. Incompatibilité avec les besoins économiques et sociaux………………...p.2 5.3. Exode des cerveaux et knowledge gap………………………….…………p.2 6. Conclusion……………...………………………….……………………………….p.2 Référence………………………………………………………………………………p. Bibliographie…………………………………………………………………………..p. 1 LES CLASSEMENTS UNIVERSITAIRES MONDIAUX UNE NOUVELLE PHASE DANS LA MONDIALISATION DES UNIVERSITÉS 1. Introduction L’université est une institution qui, malgré son attachement à la tradition académique, s’est considérablement transformée entre le moment de sa création au Moyen-âge et l’époque moderne. Or, l’époque actuelle, caractérisée par la mondialisation et l’économie du savoir, amène les universités à réviser leur mode de gouvernance et d’interactions. 1.1. Faits : un modèle mondial émergent Pour Deem, Mok et Lucas1, le monde universitaire du 21e siècle voit l’apparition du Modèle mondial émergent (MME) dont les caractéristiques sont : une mission globale, une emphase sur la recherche, des sources de financement diversifiées, un recrutement international et des collaborations partout sur la planète2. Ainsi, l’ouverture des frontières et la compétition internationale des années ’90 semblent favoriser une convergence transnationale vers une norme mondiale à laquelle les universités peuvent s’identifier ; cette norme prenant la forme des classements universitaires mondiaux. 1.2. Hypothèse : une nouvelle phase dans la mondialisation des universités Le présent essai pose donc deux hypothèses : (1) les classements mondiaux constituent un mécanisme de gouvernance mondiale privé ; (2) la mondialisation des universités observée dans les années ’90 et caractérisée par une diversification de l’offre éducative, une pluralité d’acteurs et des accords commerciaux, est désormais orientée par ces mécanismes. Ainsi, nous considérons que les classements mondiaux, par leurs critères d’excellence, orientent cette nouvelle phase de la mondialisation universitaire. 1.3. Méthodologie : les échelles spatiales et l’infranational Sassen3, offre une grille d’analyse de la mondialisation qui permet de mieux comprendre comment une régulation mondiale privée, créée dans un contexte national particulier, peut entraîner des changements majeurs au niveau local (la gouvernance des universités), national (les politiques des États), régional (européanisation de l’éducation), international (les accords bilatéraux ou multilatéraux de coopération), transnational (les réseaux d’excellence et le recrutement académique) et mondial (la compétition internationale pour le prestige). Bref, pour caractériser cette nouvelle phase de la mondialisation 2 universitaire, il est nécessaire de montrer comment les classements mondiaux transforment les interactions des acteurs et à quelle échelle ses transformations ont lieu. En outre, l’argumentaire de cet essai se base sur des observations infranationales, conceptualisant ainsi à l’échelle mondiale des phénomènes locaux et nationaux. 1.4. Plan de l’essai Tout d’abord, pour en venir à affirmer l’émergence d’une nouvelle phase dans la mondialisation des universités, il apparaît nécessaire de faire un survol des phases précédentes. Par la suite, nous décrirons en quoi consistent les classements mondiaux et de quelle manière ils imposent un ordre institutionnel. Les pratiques de gouvernance que cet ordre favorise seront ensuite comparées aux pratiques antérieures et nous terminerons ce texte par une réflexion critique sur les pièges que pose cette nouvelle phase. 2. De l’internationalisation à la mondialisation des universités À partir des années ’50, la reprise des échanges entre les pays semble amener les universités à modifier leurs pratiques en accord avec la redéfinition de leur espace. Le tableau ci-dessous trace brièvement les phases qui ont façonné les universités actuelles. Tableau 1. Les phases de la mondialisation universitaire Phase Internationalisation Période 1950-1970 Transnationalisation 1970-1990 Mondialisation 1990… Caractéristique Ouverture sur le monde Compréhension mutuelle Dénationalisation Transplanétarité Redéfinition de l’espace d’action des acteurs Supra-territorialité Exemples Erasmus, Fulbright, Unesco, OCDE, Banque mondiale Étudiants étrangers, universités virtuelles, réseaux de recherche transnationaux Concurrence mondiale des universités, autonomie de l’État, accords commerciaux, diversité 2.1. L’internationalisation des universités : l’ouverture sur le monde Pour Scholte4, l’internationalisation réfère à un phénomène marqué par la croissance des échanges et l’interdépendance entre les acteurs. En ce sens, l’internationalisation des universités débute après la 2e Guerre Mondiale avec une croissance du nombre d’échanges d’étudiants, la naissance de réseaux comme Erasmus et l’implication d’organisations internationales5. Cette période, selon Olds6, est celle de l’opposition entre le national et l’international au cours de laquelle les universités ont adopté une stratégie 3 de « compréhension mutuelle »7, soit d’une part, l’internationalisation de la formation et, d’autre part, la valorisation de l’échelle nationale comme espace privilégié d’action. 2.2. La transnationalisation des universités : la mobilité académique Vincent-Lancrin8 et Olds9 constatent que la phase suivante, la transnationalisation, est caractérisée par un processus de dénationalisation des préoccupations universitaires, la volonté d’établir des partenariats transfrontaliers et le recrutement des étudiants à travers le monde. Pendante cette période, « l’État-nation continue à encadrer l’action, mais une partie de celle-ci est orientée à construire un système mondial à l’intérieur de l’Étatnation » [traduction libre]10. Ainsi, en plus du nombre croissant d’étudiants étrangers dans le monde (2,7 millions en 200511), les nouvelles technologies permettent l’apparition des cours en ligne, des universités virtuelles (représentant une industrie de 3,9 milliards) ainsi que l’émergence de réseaux universitaires transnationaux (dont Universitas 21). 2.3. La mondialisation des universités : la redéfinition de l’espace d’action Selon Gibbons12, la fin des années ’90 marque l’entrée des universités dans le processus de la mondialisation qui les amène à devenir un sous-ensemble de l’économie du savoir. S’ajoute ainsi à la « transplanétarité » caractérisant la période précédente, la « supraterritorialité », soit le fait que l’ensemble des acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux agissent et interagissent au sein du même espace mondialisé13. Cette période est marquée par des campus d’universités à l’étranger (le campus de l’Université de Chicago à Barcelone), des programmes « clé-en-main » conçus par une université dans un pays et exportés dans une autre14, des franchises d’une université dans d’autres pays (comme les 35 universités australiennes en Asie), des diplômes conjoints de deux universités et reconnus dans les deux pays, des entreprises d’un pays X qui s’associent à une université Y pour produire un médicament distribué dans un pays Z, et la mise en réseaux de partenariats inter-institutionnels (comme la Coalition des 8 en Australie et le Comité de coopération du Mid-West américain). Cette période est finalement marquée par trois tendances. Tout d’abord, les universités se définissent de plus en plus au niveau mondial et se concurrencent à cette échelle pour l’obtention de financement, d’étudiants de chercheurs15. Cette redéfinition les rend plus autonomes face à l’État qui, de son côté, par la signature de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), permet à de nouveaux acteurs privés de le concurrencer sur un marché qui valait 30 milliards en 199916. En dernier lieu, cette concurrence, selon Sörlin, s’accompagne d’une diversité 4 institutionnelle dans presque tous les systèmes nationaux17. 3. Perspectives sur les classements universitaires mondiaux 3.1. Les classements mondiaux Parallèlement à cette évolution mondialisée des universités, les classements mondiaux passent également d’un modèle national à un modèle mondial entre les années ’80 et 2000. Ainsi, même si les gouvernements ont, depuis longtemps, établi des indicateurs de performance pour les universités, ce n’est qu’en 1981 qu’apparaît aux États-Unis le premier palmarès national, le US News & World Report18. Ce palmarès avait pour but de faciliter les choix des étudiants et de favoriser la compétitivité des universités en fournissant des barèmes de comparaison transparents. Cependant, au niveau mondial, les individus et les universités n’avaient pour comparatif que la « réputation ». Ainsi, dans le but de bâtir des universités de « classe mondiale », le gouvernement chinois mandata la Shanghai Jiao Tong University pour qu’elle réalise un classement des universités américaines et chinoises. Ce classement, le SJTU, paraît en 2003 et répertorie les 500 premières universités selon les quatre critères présentés dans le Tableau 219. Marginson20 indique cependant que l’importance accordée aux prix Nobel est discutable puisque ceuxTableau 2. Indicateurs du SJTU Indicateur Qualité de l’éducation Description Nombre de diplômés ayant reçu le Prix Nobel ou autres médailles Nombre de professeurs ayant reçu un prix Nobel ou autres médailles ainsi que le nombre de chercheurs cités dans le HiCi Qualité de la faculté Nombre d’articles publiés dans les revues Science et Nature ainsi que le nombre de citations Nombre d’articles publiés dans les revues Science et Nature Recherche Nombre de citations dans le Science Citation Index et le Social Science Citation Index Taille de l’institution Performance académique selon la taille de l’institution Total % 10% 20% 20% 20% 20% 10% 100% ci relèvent d’un processus hautement politique. Il mentionne aussi que l’Index de citations ne prend pas en compte les livres et que le Higly Cited Index (HiCi) donne un avantage indu aux américains qui comptent 3 835 des chercheurs du HiCi. En 2004 apparaît le Times Higher Education Supplement (THES). Ce classement se base sur divers indicateurs dont l’appréciation des universités par leurs compétiteurs et les employeurs, le ratio étudiants-professeur, le nombre de chercheurs cités et le degré 5 d’internationalisation21. Cependant, bien que Marginson22 apprécie le caractère holistique de ce classement, il souligne que le taux de réponse aux sondages de 1% est problématique et qu’il survalorise les universités britanniques et australiennes. L’Allemagne, de son côté, avec le support de l’Union européenne, construit un classement multidimensionnel qui évalue les facultés plutôt que les universités23. L’OCDE s’est également engagée à produire un classement qui, similaire au PISA pour les études secondaires, mesurera les apprentissages des étudiants24. En somme, bien que tous ces classements s’appuient sur des méthodologies contestables, Usher et Savino25 constatent qu’ils accordent tout de même les premiers rangs aux mêmes universités, ce qui dénote une certaine fiabilité. Cependant, la variance y est plus grande au bas de la liste et les classements y perdent alors de leur pertinence. Les auteurs croient donc que tous les indicateurs utilisés mesurent probablement une même réalité implicite présente chez les universités mondiales mais absente chez les autres. Selon Huisman26, cette congruence des classements est essentielle pour que se mette en place une compétition mondiale entre les universités et les gouvernements nationaux. Car, tel que l’affirme Buhlher27, la sanction donnée à une université qui n’atteint pas le niveau de la compétition est l’insignifiance. Bref, les classements mondiaux sélectionnent les « buts à atteindre », suggèrent certaines pratiques, identifient les acteurs majeurs et, ainsi, régulent à la fois la compétition interuniversitaire et la mondialisation des universités. 3.2. Un mécanisme de gouvernance mondiale La première hypothèse de cet essai est que les classements mondiaux constituent un mécanisme de gouvernance privée qui préconise certaines valeurs et pratiques. Cette section présente donc les cinq fonctions que peuvent assumer les classements mondiaux pour les quatre acteurs suivants : étudiants, professeurs, universités et gouvernements. Par la suite, il sera possible de cerner avec plus d’acuité comment ces classements agissent comme mécanismes à différentes échelles spatiales. Tableau 3. Les fonctions des classements mondiaux et leur échelle d’influence Fonctions 1. Indicateur de qualité 2. Mécanisme d’imputabilité 3. Instrument de prestige 4. Diplomatie du savoir 5. Modèle simplificateur Acteurs concernés Étudiants, professeurs Professeurs, universités, gouvernements Universités, gouvernements Gouvernements et régions Étudiants, professeurs, universités, gouvernements Échelle spatiale Transnationale Locale et nationale Internationale et mondiale Internationale et régionale Mondiale 6 3.2.1. Indicateur de qualité. Considérant la mondialisation, la mobilité des étudiants, les activités commerciales et la diversité des offres éducatives, il est apparaît désormais nécessaire que se mette en place un système mondial d’évaluation de la qualité qui soit applicable à toutes les universités du monde. Ce dernier, selon dont l’ENAP28 devrait même être construit par les États, sous l’égide de l’UNESCO, comme l’est l’Initiative mondiale pour les capacités d’assurance-qualité pour les pays en voie de développement. Or, d’ici à ce que les gouvernements y parviennent, les classements mondiaux jouent ce rôle en mettant en rang des centaines d’universités sur la base de leur performance à des indicateurs particuliers. Pour Usher et Savino29, il est cependant primordial de comprendre quels sont ces indicateurs car ils constituent une définition implicite de la qualité de l’éducation. En ce sens, SJTU, crée en fonction des préoccupations chinoises30, considère qu’une université de qualité est une université de grande taille dont la recherche est la priorité (90% du classement se base sur ce domaine), qui valorise les sciences naturelles et qui diffuse ses résultats à grande échelle. Le THES, quant à lui, considère que la qualité repose sur la réputation de l’université, la recherche et le niveau d’internationalisation de l’université31. Néanmoins, même si les classements n’emploient pas exactement la même méthodologie, ils tracent l’émergence du consensus sur lequel on peut établir la qualité de l’éducation32. Et c’est sur ce quasi-consensus que de plus en plus d’étudiants basent leur décision. En effet, une étude britannique montre que les classements mondiaux sont un critère important dans la décision des étudiants33. Ceux-ci veulent fréquenter les meilleures universités possibles dans le but d’avoir accès aux professeurs les plus prestigieux, à une abondance de ressources technologiques et matérielles et à un mode de fonctionnement rigoureux34. En outre, comme le mentionne Altbach35, de plus en plus d’étudiants sont davantage préoccupés par leur diplôme que par ce qu’ils ont appris. Ainsi, la déduction rationnelle qu’ils font est que la fréquentation d’une université reconnue par les académiciens et les employeurs leur assurera un avenir plus profitable. Un groupe anglo-américain recommande d’ailleurs au gouvernement britannique de se préoccuper de la position de ses universités dans les classements plutôt que des frais de scolarité puisque, selon eux, c’est la qualité d’une université qui détermine le nombre d’étudiants qui la fréquentent et non les frais qu’elle leur impose36. Les professeurs sont également intéressés à œuvrer dans une université qui leur fournira les ressources pour des études d’envergure, qui les mettra en contact avec des réseaux d’excellence transnationaux et donc qui leur permettra de publier des articles de grande qualité dans les meilleures revues, ce qui leur assurera une plus grande visibilité et un 7 plus grand prestige. Ainsi, les universités les mieux classées tendent à compter de nombreux professeurs étrangers (30% à Harvard37) soucieux d’œuvrer au sein des meilleurs groupes d’excellence. 3.2.2. Mécanisme d’imputabilité. Les classements servent aussi aux gouvernements parce que, bien que ces derniers aient leurs propres indicateurs de performance, ils sont, pour la plupart, incapables de comparer leurs universités avec celles du monde. Ainsi, les classements mondiaux permettent aux gouvernements de mesurer l’excellence relative de leurs universités nationales, de baser leur financement sur ce niveau d’excellence et d’exiger que les universités leur rendent des comptes38. À ce titre, l’exemple de la Malaisie est percutant. En effet, en 2005, deux universités de Malaisie avaient perdu 100 points dans le THES (à cause de changement de méthodologie), ce qui avait indigné la population et le gouvernement à un point tel qu’une commission d’enquête fut mise sur pied et qu’un recteur dut démissionner39. Ainsi, les mécanismes d’imputabilité mis en place par les gouvernements sont le signe que, considérant les investissements massifs que ceux-ci doivent fournir dans le but de favoriser leurs meilleures universités, il n’est aucunement question que ces fonds soient mal utilisés. Sörlin40 explique d’ailleurs que le financement « permanent » fait place à un financement concurrentiel basé sur des projets spécifiques et accordé proportionnellement au classement (Taïwan versant 25% de ses fonds pour les universités privées les plus compétitives41). Cette volonté des gouvernements de bâtir des universités de niveau mondial les amène, en outre, à établir de nouveaux cadres de pratique, dont le Registre pour l’Assurance qualité européenne mis en place par la Commission européenne, afin de s’assurer que les établissements d’éducation supérieure atteignent un niveau minimal de qualité42. Depuis, certains établissements européens (comme le Warnborough College en Angleterre ou l’Euclid University Consortium de Belgique) ont été identifiés comme s’autoproclamant universités sans en être. Cependant, au-delà de ce niveau minimal, le chercheur Philippe Aghion43, mandaté par le gouvernement français pour trouver ce qui constituait une université de classe mondiale, considère que les classements mondiaux peuvent servir d’instrument d’imputabilité. En effet, pour établir une université de classe mondiale, il faut instaurer des principes de bonne gouvernance comme une légitimité exécutive (un président élu), administrative (un CA avec des membres extérieurs à l’université) et académique (une assemblée des professeurs et des doyens), ainsi qu’une gestion équilibrée qui tienne compte de l’administratif et du pédagogique. 8 Par rapport à la gestion interne des universités, Altbach44 ajoute que les universités de classe mondiale tendent à avoir des mesures de stricte gouvernance où la communauté académique bénéficie d’une autonomie et où chaque département est encouragé à soutenir ses enseignants dans le processus d’innovation. Une étude menée auprès des administrateurs américains45 indique d’ailleurs que la majorité d’entre eux ont inclus dans leur plan stratégique les résultats des classements dans le but d’identifier leurs faiblesses, d’améliorer le processus de gestion et de rehausser la transparence interne. En effet, certaines directions ont mis en place une équipe qui fait une analyse systématique des méthodologies employées dans chacun des classements afin d’expliquer la position de l’université. D’autres ont affecté une partie du personnel à la mise en place des recommandations énoncées dans les classements. Finalement, tous les répondants disent que les classements ont favorisé une plus grande transparence de leur institution, laquelle doit désormais s’efforcer de fournir aux gouvernements et aux entreprises les données les plus justes et les plus récentes concernant l’évolution de leur clientèle académique. 3.2.3. Instrument de prestige. À notre époque, l’influence d’une université découle principalement de son prestige, soit de la reconnaissance que lui accorde le monde extérieur46. Auparavant, cette reconnaissance était basée sur un certain consensus autour de la réputation (comme la Ivy League). Cependant, à l’ère de la mondialisation, bien des universités indiquent sur leur site Internet qu’elles sont « de classe mondiale », mais rares sont celles qui sont en mesure de le prouver47. Deem, Mok et Lucas48 expliquent ce phénomène par le fait qu’il est extrêmement difficile de se tailler une place prestigieuse dans les classements et que, conséquemment, celles qui y parviennent exercent une influence considérable sur la scène universitaire mondiale49. Ces universités sont souvent des institutions bien établies qui avaient déjà, avant l’apparition des classements, une renommée mondiale. Ces universités deviennent des standards à partir desquels les autres universités se comparent dans le but ultime de les dépasser. Au-delà de la mission sociale ou même économique de l’université, une mission de séduction prend le devant de la scène. En effet, la majorité des universités veulent « faire partie des meilleures » pour attirer plus d’étudiants, plus de contrats de recherche, de meilleurs chercheurs et devenir un acteur influent. Pour ce faire, certaines sont prêtes à sacrifier l’efficacité et engager des dépenses titanesques pour un équipement de pointe, un chercheur ayant reçu un prix Nobel, une nouvelle bibliothèque ou un site Internet respectant les standards les plus avancés50. Ainsi, les classements mondiaux ont clarifié quels étaient les buts à atteindre 9 pour recevoir le titre « université de classe mondiale » (être dans les 50 premiers rangs du SJTU ou du THES) et les universités, supportées par leurs gouvernements respectifs, compétitionnent désormais férocement pour obtenir ces places. Plusieurs gouvernements ont d’ailleurs adopté différentes stratégies. En Asie, les gouvernements ne financent que quelques universités prometteuses afin de leur octroyer le maximum de fonds (10 milliards de dollars en Chine); la France et le Danemark ont supporté diverses fusions d’universités51; l’Union européenne, dans sa déclaration de Bologne, a décrété vouloir dominer les classements mondiaux d’ici 2010 et a mise sur pied des Réseaux européens d’excellence (630 millions d’euros) et le Royaume-Uni et les États-Unis désirent conclure une entente afin de préserver les premiers dans les classements de leurs universités52. En somme, les classements mondiaux ont cette fonction indéniable de servir aux universités et aux gouvernements d’instruments par lesquels ils peuvent embellir leur image de marque sur la scène internationale et mondiale. 3.2.4. Diplomatie du savoir. Ce prestige des institutions universitaires peut même devenir un pôle de développement des relations internationales. La thèse de King53 est qu’un pays qui augmente le nombre d’universités mondiales sur son territoire favorise les opportunités d’entrer dans l’économie du savoir, augmente le nombre d’étudiants diplômés, conduit de grandes recherches scientifiques et forme une main d’œuvre hautement qualifiée. De plus, une position appréciable dans les classements renforce le statut du gouvernement national s’il est en mesure de montrer que les secteurs qui performent sont ceux sous sa juridiction. Dans cette perspective, il est possible de comprendre pourquoi une crise politique a éclaté en 2003 lorsque l’Australie a vu ses universités perdre quelques points au SJTU. Olds pousse le raisonnement encore plus loin en affirmant que l’engagement soutenu de l’État envers son système d’éducation supérieure vise à faire de ce dernier une nouvelle voix de sa puissance diplomatique (soft power). Ainsi, en devenant un modèle reconnu à l’étranger, en recevant des chercheurs et des étudiants venant d’autres pays et en établissant des réseaux avec les autres puissances éducatives, un pays peut externaliser ses valeurs, convaincre de la pertinence de son agenda politique et augmenter son pouvoir attractif. Olds indique d’ailleurs que l’éducation supérieure est la manière la plus malléable, efficace et abordable d’exercer une influence implicite sur les autres pays. Dans les faits, l’aide d’USAID apportée au système d’éducation Africain (par l’intermédiaire de l’AFRICOM) ainsi que l’implication de Cornell en Asie du Sud-est et d’un groupe d’universités américaines au Qatar 10 constituent pour le gouvernement américain un instrument parmi d’autres pour parvenir à ses objectifs en la matière54. Au niveau européen, ce n’est pas tant le désir de faire la promotion de son système qui motive l’action que la volonté de résister aux assauts des pays anglo-saxons et asiatiques. Ainsi, voyant qu’elle perdait ses chercheurs et ses diplômés au profit des États-Unis, l’Europe a intégré au traité de Lisbonne un article indiquant que l’Europe doit devenir l’endroit le plus compétitif dans l’économie du savoir d’ici 2010. Cette économie du savoir entraîne donc plusieurs pays à vouloir occuper une position appréciable dans les classements mondiaux afin de montrer au monde la « réussite nationale » et de rehausser le poids moral du pays (ou de la région)55. C’est d’ailleurs une des stratégies du Québec : « capitaliser sur sa réputation en éducation sur la scène internationale »56 afin d’inscrire à l’ordre du jour de l’UNESCO la question d’un instrument juridique lui permettant de protéger et de faire la promotion de son système d’éducation. Pour les pays émergents, la compétitivité de leurs universités (et l’atteinte du rang élevé dans les classements) fait partie de leur stratégie de développement. Ainsi, pour montrer sa puissance, la Chine a pour objectif de dépasser l’Europe et l’Amérique du Nord dans les classements mondiaux universitaires57 et, selon Marginson58, elle devrait y parvenir d’ici quelques années. De son côté, la Thaïlande a sélectionné 9 universités prometteuses et leur apportera tout son soutien afin que celles-ci permettent au pays de se hisser à un rang plus prestigieux dans le THES59. Finalement, d’autres pays comme le Brésil et l’Inde ont compris qu’une position acceptable dans classements peut favoriser de meilleurs investissements. Ainsi, la découverte de l’université Sao Paolo sur le code génétique d’une bactérie et la politique de l’Inde de n’envoyer que ses élèves les plus performants dans ses meilleures universités ont permis à ces deux pays d’attirer un peu plus l’attention. En somme, les classements sont des armes diplomatiques qui permettent aux pays d’augmenter leur influence, de diffuser leurs valeurs et d’attirer chez eux la richesse académique. 3.2.5. Modèle simplificateur. La dernière fonction des classements, et peut-être ce qui en fait un instrument de gouvernance globale, est sa capacité d’ordonner la mondialisation universitaire et d’en simplifier les manifestations. En effet, selon Olds60, dans un monde multi-scalaire fait de réseaux où la mondialisation prend toutes les formes, il est nécessaire de produire un modèle qui permette d’assimiler la surcharge d’information. Or, alors que le savoir est mondial et que le monde universitaire est régulé par l’État61, il semble qu’un aspect important de la mondialisation universitaire est l’émergence d’un 11 espace collectif de régulation. Or, est-ce que les accréditations gouvernementales peuvent à elles seules jouer ce rôle? La réponse est négative et ce, pour deux raisons. La première est que les gouvernements, à cause du cycle électoral, de l’instabilité politique et des frontières nationales, sont très mal placés pour répondre à ce type d’enjeu62. La deuxième raison est que, contrairement aux classements mondiaux, les analyses binaires (accepté/refusé) ne permettent pas de rendre compte de la nuance qui peut exister entre les forces des universités et entre les critères de classement63. Ainsi, alors que de nombreuses universités s’autoproclament de « classe mondiale », que des partenariats prolifèrent (Université du Texas en Arabie Saoudite), dont certains avec des institutions douteuses64, que des universités privées offrent des services virtuels et que d’autres universités tentent d’attirer leur clientèle avec des diplômes conjoints, les classements universitaires mondiaux peuvent débroussailler le paysage universitaire. Ils identifient, en effet, les normes, valeurs et critères d’excellence tout en mettant en rang les joueurs en présence selon leur prestige. King65 fait d’ailleurs la démonstration que ces classements peuvent devenir un élément-clé dans la gouvernance mondiale en établissant des standards sur la base desquels il est possible de comparer les acteurs. Ces standards hiérarchiques étant acceptés par la majorité des acteurs sur la planète, deviennent le symbole d’une gouvernance mondiale privée puisque, comme les agences de notation, les classements évaluent des institutions particulières et clarifient les voies d’action pour les partenaires. King considère donc les classements comme des « régulateurs du savoir » qui assemblent une myriade de données disparates, les évaluent et les communiquent de manière simplifiée sur le « marché mondial » de l’éducation. En bref, pour combler des failles dans la gouvernance sur-étatique, une entreprise privée et une institution parapublique chinoise ont construit un cadre réglementaire informel utilisé par l’ensemble des acteurs mondiaux. Ces classements contribuent ainsi à la « reconfiguration des appareils d’État »66, en constituant un socle de valeurs et de normes (excellence, innovation, diffusion et internationalisation) et de pratiques (autonomie des établissements, financement accru et activités de recherche) à l’intérieur duquel doit désormais agir l’État s’il veut maintenir sa présence au niveau mondial. Les étudiants qui acceptent ce socle peuvent également décider plus facilement l’institution qui correspond à leurs besoins (et ne pas se laisser prendre par une université qui n’est pas classée). Il faut, en outre, noter que cette régulation s’applique aussi aux développeurs de plateformes éducatives virtuelles, aux index de citation et aux agences internationales qui 12 recentrent leur approche en accord avec les classements. Comme le dit Olds, même une université au Bhoutan ne peut éviter cette nouvelle influence des classements mondiaux. En somme, parce qu’ils sont en mesure de réguler, d’ordonner et de classer les universités selon des critères acceptés par la majorité des acteurs, parce qu’ils préconisent certaines valeurs et pratiques, parce qu’ils influencent l’ensemble des acteurs et parce qu’ils ont acquis un statut institutionnel, nous considérons que les classements mondiaux sont un mécanisme de gouvernance mondiale privée et que, depuis leur création, ils ont profondément transformé la mondialisation des universités. 4. Cinq transformations dans la mondialisation des universités Rôle de l’État Échelle nationale et transnationale Objectif Échelle transnationale et mondiale Pratiques universitaires Échelle locale et mondiale Finalité de la formation Échelle transnationale Collaboration et mobilité Échelle internationale et mondiale Libéralisation État régulateur Délégation de pouvoir Réengagement de l’État État développeur Délégation de pouvoir Profit Clientélisme Culture entrepreneuriale Prestige Talent intellectuel Recherches et publications Diversification Efficacité Adaptation au marché Uniformisation Convergence transnationale Isomorphisme Professionnalisation Emplois qualifiés Recherche pour le financement Recherche Formation doctorale Concentration des ressources Rentabilité Recrutement Fusions fort/faible Excellence Internationalisation Fusions fort/fort La deuxième hypothèse de cet essai propose que les classements universitaires mondiaux, en tant que mécanismes de gouvernance privés, orientent désormais la mondialisation des universités et transforment en profondeur les stratégies de gouvernance universitaires et étatiques. Ainsi, le tableau 4 ci-dessous montre comment 5 éléments caractérisant la mondialisation universitaire des années ’90 se sont transformés avec l’arrivée des classements universitaires mondiaux. 13 4.1. De la libéralisation au réengagement de l’État La première transformation majeure concerne le rôle de l’État dans le financement et la régulation du monde universitaire. Les années ’90 sont celles du libre-échange, de l’expansion économique des États-Unis, de la prospérité des firmes multinationales et d’une interdépendance accrue entre les États. Cette période poursuit la remise en cause des services publics amorcée dans les années ’80. Dans le monde universitaire, le marché est encore vierge et de nombreuses corporations font pression sur leurs gouvernements afin de pouvoir y faire affaire. Par conséquent, en 1994, lors de la fondation de l’OMC, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) devient le troisième pôle de négociation (après les biens matériels et la propriété intellectuelle). L’accord permet la fourniture de services transfrontaliers, le commerce de services éducatifs et la constitution de fournisseurs privés à but lucratif (comme des universités-entreprises, des courtiers en éducation et des consortia universitaires)67. 30 des 144 pays de l’OMC disent d’ailleurs vouloir abaisser les obstacles au commerce des services éducatifs (qui constituent d’ailleurs 12% des exportations de services en Australie)68. Ainsi, entre 1990 et 2000, des universités virtuelles se créent, des campus de l’Université Monah d’Australie sont construits en Malaisie et en Afrique du Sud et 1 600 universités privées sont fondées aux États-Unis. Au niveau du financement, les dépenses publiques en éducation des pays l’OCDE augmentent de 19% entre 1995 et 1999, alors que celles du secteur privé augmentent de 70%69. En outre, les universités de plusieurs États adoptent des modèles d’organisation corporatifs et orientés vers le marché. L’État devient alors plus régulateur qu’opérateur puisque, remettant en question la lourdeur du financement des universités, il incorpore des mesures de « privatisation »70 dans ses méthodes de financement. Il croit ainsi que ces transformations vont rendre ses universités plus flexibles et plus aptes à répondre aux changements socio-économiques. Par exemple, considérant un nombre croissant d’étudiants et de fournisseurs, le gouvernement de Taïwan délègue le rôle de pourvoyeur à d’autres sources comme les fondations, les entreprises privées, les organismes internationaux, les frais étudiants. Un financement qui ne dépend plus que de l’État a aussi pour conséquence une plus grande autonomie des universités. Cette autonomie s’accompagne d’un encadrement moins directif de la part de l’État. Ainsi, en 1980, les Pays-Bas déposent un mémorandum sur l’autonomie des universités; en 2004 la Suisse vote une loi sur l’autonomie universitaire71 et, la même année, la Chine confie aux échelons locaux des responsabilités 14 quant au curriculum et à la promotion du secteur privé dans l’éducation universitaire72. Toutefois, il faut rappeler que la libéralisation ne signifie pas que l’ensemble du secteur universitaire est privatisé, mais plutôt que l’État, devenu régulateur, permet à plusieurs universités de développer une autonomie de gestion, de recevoir un financement provenant du secteur privé et même à certaines universités de se privatiser. Alors que les années ’90 sont marquées par une « rationalité orientée vers le marché et un État régulateur », Olds73 considère que les années 2000 sont caractérisées par une « rationalité de l’État orientée vers le développement». Cette rationalité signifie que l’État favorise l’autonomie et la compétition entre les institutions, tout en intervenant massivement afin d’améliorer la compétitivité économique de la nation. L’hypothèse de cet essai estime que les classements mondiaux constituent l’élément qui cause ce changement. En fait, comme l’indique l’OCDE74, les classements tendent à favoriser un plus grand investissement et une plus grande implication de la part des gouvernements. Parce qu’une telle implication favorise le développement économique et le prestige de la nation, il a été recommandé aux gouvernements britannique et américain de conserver leur rôle de premier pourvoyeur des universités75. Ainsi, selon une étude réalisée en 200776, la part du budget universitaire qui provient de fonds gouvernementaux avoisine les 85% en Allemagne, les 83% en Finlande, les 65% au Royaume-Uni et les 83% aux États-Unis. Il faut cependant noter qu’entre 25% et 60% de cette somme est accordée selon un mode compétitif et est liée à des projets particuliers. Ainsi, considérant l’objectif d’obtenir le meilleur classement possible, les gouvernements accordent des fonds en priorité aux universités les plus performantes. Car, selon de nombreux observateurs77, une université de classe mondiale coûte un milliard de dollars à opérer, plus 500 millions s’il y a une école de médecine. Donc, pour répondre à la pression imposée par les classements mondiaux et parce qu’il a été prouvé qu’il y avait une corrélation positive et significative entre le niveau de financement par étudiant et la performance globale des systèmes d’enseignement (un point dans le classement par tranche de 2,2 millions d’investissement)78, plusieurs gouvernements sont entrés dans une course aux subventions universitaires79. C’est dans cette perspective que le gouvernement chinois a accordé 234 millions (USD) à cinq de ses meilleures universités et que la Corée du Sud accordera 1,8 milliards (USD)80. En Occident, la Commission européenne a recommandé à tous ses membres d’investir des sommes plus importantes dans un nombre plus restreint d’institutions. Ainsi, l’Allemagne allouera 500 millions d’euros pour 10 universités 15 d’élite, la France finance ses « pôles de compétitivité » à hauteur de 2 milliards et l’Espagne accorde 53 millions en subventions supplémentaires pour les meilleurs projets de recherche81. Ce ne sont toutefois pas tous les pays qui ont suivi cette voie. Par exemple, l’Université de Toronto demande sans succès depuis 20 ans un financement supplémentaire de la part des paliers provincial et fédéral82. Au Canada, les 5 plus grandes universités (Montréal, Toronto, McGill, Calgary et Colombie-Britannique) demandent aussi aux gouvernements de concentrer sur elles l’ensemble du financement pour en faire des universités de classe mondiale83. Par contre, ce ne sont pas tous les pays qui ont adapté leur cadre de référence à la nouvelle réalité que constituent les classements mondiaux. Certains agissent encore comme un État opérateur omnipotent et d’autres laissent le marché fonctionner librement. Mais, somme toute, cette partie de l’essai vise à montrer que la phase de libéralisation et de déréglementation amorcée dans les années ’90 ont fait place à un réinvestissement massif de la plupart des États. En fait, l’apparition des classements amène plusieurs États à accorder plus d’autonomie aux universités tout en les soutenant car elles sont les figures de proue de cette nouvelle économie du savoir. 4.2. De la quête du profit à la quête du prestige La deuxième transformation qu’a subie la mondialisation des universités découle de la première. En effet, avec la libéralisation d’une partie du secteur universitaire et la possibilité pour les universités de générer des revenus par d’autres sources que le financement de l’État, le profit devient un objectif pour de nombreuses universités et gouvernements. En ce sens, comme le décrit Altbach84, la mondialisation des universités a mené à la création d’universités qui cherchent le profit avant tout, comme l’Université Phoenix qui forme des adultes qui ont déjà un emploi ou l’Université Strayer, fondée par le Washington Post, et qui offre des cours privés spécialisés dans les télécommunications. L’auteur rapporte ainsi que, dans 7 pays de l’OCDE, les universités privées et le financement privé des universités sont en croissance. En outre, les nouvelles technologies permettent à des universités, publiques ou privées, de rejoindre une clientèle d’ailleurs, comme l’Université Monterry du Mexique qui offre une formation en ligne à 70 000 étudiants d’Amérique du Sud. L’ensemble de ces initiatives correspondent, pour VincentLancrin85, à la stratégie de « mobilisation des recettes » qui, dans une perspective commerciale, implique de facturer les services éducatifs aux coûts réels, d’accepter plus d’étudiants internationaux, d’abaisser les tarifs imposés aux produits éducatifs et de consolider une industrie des services. Cette vision de la mondialisation est très forte aux 16 États-Unis, mais aussi en Malaisie puisque ce pays croit que les universités sont un moteur de son développement économique et il milite pour une libéralisation accrue de ce secteur86. Au niveau européen, ce sont les universités britanniques qui sont les plus agressives sur le marché mondial de l’éducation. En effet, en misant sur leur « avantage comparatif institutionnel »87, elles offrent des « cours clé-en-main » aux universités étrangères, établissent des franchises à l’étranger et focalisent leur attention sur des programmes pour lesquels il y a une demande mais qui sont peu exploités. En somme, depuis les années ’90, il y a une pression pour que les universités deviennent rentables. Toutefois, Altbach88 considère que, depuis la création des classements universitaires mondiaux, ces initiatives commerciales ont perdu de leur valeur puisque les institutions luttent désormais pour le talent intellectuel et le prestige académique. En effet, bien que les universités les plus fortunées soit souvent les mieux cotées (ayant un budget annuel variant entre 1 et 5 milliards de dollars89), il faut noter que les universités ne sont pas classées selon leurs frais de scolarité, leur budget ou leurs dépenses mais sur la base de leur réputation. Ainsi, le fait que les classements mondiaux s’imposent désormais comme un instrument de régulation, l’objectif du profit est désormais concurrencé par l’objectif du prestige. Or, le prestige, bien que menant souvent à davantage de ressources, n’est pas synonyme de profit. En effet, l’OCDE90 remarque que, depuis quelques années, de nombreuses institutions (soutenues par leurs pays) sont entrées dans une compétition qui fait exploser leurs coûts de fonctionnement. En fait, au lieu de recruter un maximum d’étudiants et de leur charger un prix respectable, les universités tentent de recruter les meilleurs chercheurs (surtout ceux ayant un prix Nobel), de leur fournir des laboratoires à la fine pointe de la technologie, d’offrir des bourses plus généreuses aux meilleurs étudiants afin d’éviter qu’ils choisissent une autre institution; ce qui crée une pression sur les budgets universitaires. En ce sens, les stratégies de gouvernance sont désormais axées sur le financement du prestige et de l’excellence. Les universités continuent de favoriser les partenariats entreprise-université, mais la plupart d’entre elles préfèrent que leurs professeurs publient dans le 1er tiers des meilleures revues et qu’ils internationalisent leurs résultats plutôt que de se concentrer sur d’autres projets qui auraient pu être économiquement plus avantageux91. En fait, même si l’Université Harvard récolte annuellement 12 millions en brevets et Stanford 4 millions, ces revenus sont relativement marginaux comparativement aux frais d’inscription et aux subventions gouvernementales. 17 En sommes, la logique de la rentabilité qui prospérait pendant les années ’90 a été supplantée par les classements mondiaux qui imposent un ordre institutionnel à l’intérieur duquel les universités consacrent tous leurs efforts à la recherche du prestige. 4.3. De la diversification à l’uniformisation des pratiques Vught, dans son article sur la diversité universitaire92, explique que le niveau de diversité dans un système dépend du niveau d’uniformité dans l’environnement et du niveau d’influence des valeurs et des normes. Il différencie également sept types de diversités : systémique, structurelle, de programmes, procédurale, réputationnelle, constitutive et d’environnement. Ces diversités ont été favorisées pendant la période des années ’90 car l’économie du savoir nécessitait une forme de dérégulation étatique et d’opération du marché. Ainsi, pour l’auteur, la diversité favorise la performance de l’institution, sa capacité de s’adapter aux cohortes d’étudiants, la mobilité sociale, l’équité pour tous les groupes de la population, l’enseignement de masse et d’élite, l’efficacité, l’innovation et permet de rencontrer les besoins du marché. En harmonie avec les changements sociaux, les nouvelles populations et le marché du travail, la diversité permet aussi une plus grande flexibilité institutionnelle. Ainsi, la mondialisation des années ’90 a donc suscité l’apparition ou l’adaptation de divers modèles décrits par les auteurs suivants. Graf93 a comparé les modèles britanniques et allemands pour montrer que les premiers avaient développé une compétition entre les établissements alors que les seconds tendaient à favoriser la complémentarité de celles-ci. Buhler94, de son côté, a identifié trois traditions universitaires émanant de différents contextes nationaux: la tradition idéaliste allemande (valorisant le savoir), fonctionnaliste anglaise(répondant aux besoins sociaux) et d’agence-publique française (ayant une mission gérée par l’État). Finalement, VincentLancrin95 a observé quatre stratégies adoptées par les universités : la compréhension mutuelle, la migration de personnel qualifié, la mobilisation des recettes et le renforcement des capacités (la coopération internationale). Cependant, Vught96 remarque que l’apparition des classements mondiaux, jumelée à l’autonomie institutionnelle, résulte en une uniformisation des pratiques puisque les universités, voulant obtenir un rang plus élevé, reproduisent les pratiques des universités les mieux cotées. La création des classements mondiaux amène donc une convergence transnationale, soit un processus dynamique qui fait que plusieurs pays et organisations adoptent progressivement le même point de vue sur les objectifs, les instruments, les effets 18 recherchés et les acteurs dominants97. Plus précisément, les classements constituent une convergence cognitive puisqu’ils changent le cadre de référence des acteurs de l’éducation et les amène à adopter des pratiques qui répondent aux mêmes normes. En fait, selon une étude approfondie de l’OCDE98, les classements mettent l’emphase sur la différence verticale entre les institutions puisqu’ils mettent en rang des institutions et des États sur la base de leur performance. Cependant, ces classements tendent à amenuiser la différence horizontale qui est définie comme la diversité dans les missions universitaires et les types d’institutions. En ce sens, il y a un mouvement vers des universités plus homogènes et plus autonomes. Un des exemples est que les grandes écoles françaises deviendront sous peu des universités pour qu’elles puissent rehausser la performance de la France. Mais la convergence européenne est encore plus marquée. En effet, les pays signataires de la Déclaration de la Sorbonne ont pris la décision d’harmoniser leurs programmes universitaires et de les baser sur le modèle américain du LMD (Licence, Master et Doctorat)99. Ce calque devrait permettre aux universités européennes d’être plus compétitives sur le marché international de l’enseignement supérieur, d’attirer plus d’étudiants étrangers, de permettre le transfert de crédits entre pays européens et, finalement, de concurrencer les universités américaines en offrant un premier cycle de trois ans alors qu’il est de quatre aux États-Unis100. Ainsi, même si certaines universités (comme en Allemagne) ont de la difficulté à s’adapter à ces changements majeurs, la convergence européenne tend à tracer les contours de ce qui a été nommé en introduction « le modèle mondial émergent ». Ce modèle génère aussi un isomorphisme au niveau de la gouvernance. En effet, la plupart des universités de classe mondiale proposent un premier cycle diversifié, puis des cycles supérieurs spécialisés regroupant entre 20 et 30% de la clientèle universitaire, et qui prennent forme dans des « écoles supérieures », pivots de l’excellence universitaire101. Dans ce modèle, l’université (et son conseil d’administration) gère les fonds, valide les nominations et octroie les bourses. L’école supérieure, quant à elle, sélectionne les étudiants, les enseignants et trace le parcours scolaire. Finalement, le département a pour responsabilité de définir les programmes et de structurer les cours. En somme, c’est le modèle américain qui tend à se répandre à travers l’Europe et l’Asie. Les universités ayant établi les nouvelles bases de leur gouvernance par mimétisme, Buhler102 constate un isomorphisme au niveau de la langue. En effet, puisque l’anglais est la langue la plus étudiée, la langue de la recherche et de la diffusion, mais surtout parce que 19 des 20 premières universités du SJTU sont anglophones, il existe maintenant des programmes et des universités en anglais dans des pays comme 19 l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, le Japon et même la France (avec la Paris School of Economics). En somme, bien que le monde universitaire compte encore des grandes écoles, des filiales étrangères, des universités-entreprises et des universités virtuelles, la majorité les ouvrages consultés indiquent que les classements ont construit un cadre qui tend à uniformiser la gouvernance, les pratiques et les structures universitaires. 4.4. De la professionnalisation de la formation au culte de la recherche À partir des années ’60, l’expansion démographique et économique amène les États à considérer les universités comme des composantes nécessaires à leurs politiques publiques. En effet, pour qu’il fonctionne, l’État occidental a besoin de médecins, d’avocats, de pharmaciens, de psychologues, de notaires, d’enseignants, de travailleurs sociaux, de gestionnaires, d’architectes et d’ingénieurs; toutes des professions qui nécessitent une formation universitaire. Dans les années ’90, la mondialisation et l’économie du savoir transforment les universités en des pôles de croissance économique sans précédent. Les historiens103 notent qu’avant les années ’80, les universités n’étaient pas des joueurs majeurs au niveau de l’économie mais qu’avec la croissance exemplaire de Stanford et du MIT, elles sont devenues des piliers de croissance, surtout si elles s’associent à des entreprises. C’est donc à cette époque qu’apparaissent les BLEUs (bureaux de liaison entreprise-université) et qu’à cause du recul du financement étatique, les chercheurs trouvent davantage de fonds dans des partenariats avec les entreprises. En somme, il est à noter que, même si la recherche était essentielle pour le financement, plusieurs palmarès universitaires nationaux, comme le USNWR ou le Maclean’s, n’accordaient aucune importance à la recherche universitaire dans leur pointage104. Il semble donc y avoir un engouement plus grand pour la formation que pour la recherche dans la population; surtout que les universités Phoenix et Strayer ne font que de la formation professionnelle et suscitent beaucoup d’intérêt. De la même manière, les universités virtuelles ont pour finalité d’offrir aux étudiants un diplôme qui leur permettra de trouver un emploi dans leur pays. En ce sens, il n’est pas clair que la recherche soit le moteur de la mondialisation universitaire dans les années ’90. Cependant, l’arrivée des classements mondiaux renverse cette tendance et fait de la recherche scientifique l’indicateur le plus important (la recherche valant près de 90% du classement SJTU)105. Désormais, il est sous-entendu qu’une université de « classe mondiale » produit un grand nombre d’articles et les communique dans les meilleures 20 revues. La recherche (même si elle n’est pas commerciale) devient l’élément-clé de toute action publique puisqu’elle assure le prestige. Cela explique probablement que, même aux États-Unis, où la culture entrepreneuriale est bien implantée, 69% des activités américaines sont axées sur la recherche fondamentale, 24% sur la recherche appliquée et 7% sur le développement de produits106. Ainsi, même si certains peuvent dénoncer cette perspective107, les classements mondiaux constituent un socle où la recherche a une valeur intrinsèque, même si elle n’est pas liée à des préoccupations concrètes. Cet encadrement fait que les universités qui ont une forte proportion d’étudiants au troisième cycle (plus de 50%) et qui sont en mesure d’attirer chez eux des chercheurs de renommée mondiale tendent à se mériter le titre d’université de « classe mondiale ». Pour atteindre ce titre, le Royaume-Uni a mis en place un système de financement qui concentre ses efforts en matière de recherche dans quelques universités (surtout situées à Londres), afin qu’elles soient en mesure de produire plus de recherche de meilleure qualité108. En somme, parce que la recherche a été la première activité mondialisée, parce qu’il est plus facile de l’utiliser pour tracer des comparaisons internationales et parce qu’il se développe un marché du travail international pour les chercheurs109, la recherche est devenue l’élément central des classements mondiaux, transformant certaines pratiques universitaires plus « professionnalisantes » en des pratiques axées sur la recherche. 4.5. De relations académiques profitables à des relations basées sur l’excellence La dernière transformation observée est celle qui concerne les relations que les universités établissent entre elles, avec les étudiants et les professeurs. La mondialisation amène un éclatement de ces relations qui se manifeste par la création de programmes conjoints, l’établissement de campus à l’étranger (comme l’Université de Chicago à Barcelone), la création de réseaux universitaires (comme Universitas 21), des jumelages d’universités (comme l’Institut MIT-Cambridge) et un nombre croissant d’étudiants et de professeurs « mobiles ». Dans la présente section, nous étudierons comment l’apparition des classements mondiaux a transformé les logiques qui soutenaient la mobilité des personnes, d’une part, et la collaboration interuniversitaire, d’autre part. Tout d’abord, la croissance de la mobilité étudiante caractérise la mondialisation des universités. Cette mobilité, qui autrefois favorisait la compréhension culturelle, représente désormais une industrie importante que de nombreux pays cherchent à dominer. En effet, considérant que l’étudiant paie des frais de scolarité, des frais de 21 voyage et de logement, il injecte de l’argent dans l’économie locale110. Le Canada compte d’ailleurs sur les étudiants internationaux pour lui assurer une source de revenus supplémentaires. En 2008, les étudiants internationaux au Canada ont dépensé plus de 6,5 milliards de dollars, ont contribué à créer 83 000 emplois et ont rapporté 291 millions au trésor public111. Ces étudiants pourraient aussi s’établir et constituer de la main d’œuvre qualifiée pour le Canada. Les universités britanniques, de leur côté, embauchent des agents privés qui recrutent des étudiants à l’étranger112. Donc, selon cette perspective, il est essentiel pour les gouvernements d’attirer des étudiants qui vont dépenser dans le pays et non pas de dépenser (en bourses et exemptions de toute sorte) pour les attirer. Toutefois, les classements mondiaux changent la donne puisque la performance d’une université dépend aussi, de son niveau d’internationalisation113. Ainsi, par exemple, Harvard compte 19% d’étudiants internationaux et Columbia, 23%114. Selon le même objectif, la France a établi à Toulouse un réseau de laboratoires de recherche qui rassemblent 150 chercheurs, qui offre un « doctorat international » et dont 80% des étudiants sont des étrangers. L’OCDE remarque également que les classements mondiaux ont exacerbé la pression pour que les universités embauchent des chercheurs de pointe et qu’elles recrutent les étudiants les plus talentueux. Donc, comme le souligne Salmi115, une université de classe mondiale attire des chercheurs et des étudiants étrangers, faisant passer la mobilité d’un objectif de rentabilité à un objectif d’excellence. Un processus similaire est observé au niveau de la collaboration interuniversitaire. En effet, Knight116 croit que la compétition interuniversitaire actuelle était impossible il y a 20 ans, puisqu’à ce moment, la coopération avait préséance. Cette coopération se construisait par des réseaux et Olds117 se demande quelle portée ces avaient derniers. En effet, il affirme que le choix d’appartenir à un réseau était avant tout politique et que les décisions prises lors des rencontres étaient relativement superficielles. Parallèlement aux réseaux, un autre phénomène prit de l’ampleur à partir des années ’90 et ce sont les fusions d’universités. Harman et Harman118 ont décrit avec beaucoup de précision ce phénomène. Ils ont classé la collaboration interuniversitaire en trois phases : la coopération (informelle ou programmes conjoints), la coordination (consortiums, affiliation et départements ou instituts conjoints) et la fusion (avec une structure fédérale ou une structure unitaire). Leurs observations démontrent que, pendant les années ’90, les fusions qui ont eu lieu relevaient d’une stratégie d’acquisition. En effet, les universités les plus prestigieuses et les plus riches (comme l’Institut de technologie Canergie) pouvaient 22 augmenter leur clientèle et diversifier leurs offres de formation en fusionnant avec une institution en difficulté (comme l’Institut de recherche industrielle Mellon). Cependant, les auteurs remarquent qu’à partir de la fin des années ’90 et au milieu des années 2000, les fusions se font de plus en plus entre deux institutions riches et prestigieuses (comme l’Université Victoria de Manchester et l’Université des sciences et technologies de Manchester). Les auteurs croient que ce type de fusion d’universités prestigieuses crée des institutions plus populeuses, plus riches et produisant plus de recherche, permettant l’atteinte d’un classement plus élevé119. Cette stratégie de fusion entre leaders semble se transposer aussi avec les gouvernements puisqu’il a été recommandé aux gouvernements américains et britanniques de constituer un Atlantic Trust où les deux pays coordonneraient leurs efforts et leur financement afin que leurs universités (les meilleures du monde selon les classements) conservent leur rang120. La même stratégie est employée par la Chine qui a accordé 1,8 milliards de yuans pour que ses universités intègrent des réseaux prestigieux (comme le Worldwide Universities Network, le CERNET, le LDSS et le MEFSS) qui permettent de conduire des recherches d’envergure, de faire connaître ses chercheurs et d’augmenter ses activités internationales121. Ainsi, alors que les partenariats basés sur l’excellence se multiplient, Vincent-Lancrin122 observe que les initiatives profitables, comme celle d’établir un campus dans un autre pays, semblent en perte de vitesse car elles coûtent cher et ne favorisent pas un meilleur rang dans les classements. En somme, nous observons que, contrairement à la phase précédente de la mondialisation où les initiatives visaient la collaboration ou le profit, il semble que la mondialisation régulée par les classements mondiaux soit davantage orientée vers la recherche de l’excellence puisqu’une université plus isolée sera moins bien classée. En somme, les universités ont amorcé le processus de mondialisation depuis plusieurs années. Agissant désormais à l’intérieur d’interconnexions d’échelles locales, nationales, transnationales et mondiales, elles sont devenues des pôles d’innovation, de recherche et de développement économique, affranchies du cloisonnement territorial. En revanche, l’émergence des classements universitaires mondiaux a fait entrer la mondialisation des universités dans une nouvelle phase. En effet, puisque l’État passe du rôle de régulateur au rôle de développeur; puisque la stratégie de gouvernance est passée de la « mobilisation des recettes » à la quête du prestige; puisque les sept diversités ont fait place à un phénomène de convergence transnationale; puisque les activités de recherche ont supplanté celles liées à l’enseignement et puisque les collaborations académiques se 23 fondent sur le principe de l’excellence plutôt que sur celui de la rentabilité, nous estimons que notre seconde hypothèse se confirme, soit que la mondialisation des universités est effectivement entrée dans une nouvelle phase, régulée par les classements mondiaux. 5. Réflexion critique : les pièges de la nouvelle phase La nouvelle phase de la mondialisation, décrite précédemment, pose un certain nombre de défis aux États et à la société civile. Dans cette dernière section, nous tenterons de faire état des trois critiques les plus virulentes à propos du modèle mondial émergent : l’homogénéisation des universités, la rupture avec leur mission sociale et le déséquilibre entre les pays riches et pauvres. 5.1. Homogénéisation et sur-valorisation d’un modèle universitaire abstrait Les classements mondiaux utilisent une méthodologie douteuse qui vise à accumuler des indicateurs qualitatifs et quantitatifs, à leur accorder un poids de manière arbitraire et à construire un index à partir de cette pondération. Ainsi, selon Usher et Savino123, les classements ont construit un modèle qui ne correspond à aucune université concrète et le pouvoir attractif de ces classements tend à créer un mouvement massif des universités vers ce modèle abstrait. Dès lors, en intégrant dans leur gouvernance les indicateurs issus de ces classements mondiaux abstraits, les universités commencent à se ressembler partout dans le monde124. Cet isomorphisme, selon Lang et Zha125, apparaît de manière encore plus évidente lorsque nous comparons les universités orientales et occidentales. Ainsi, puisque les classements valorisent un type de mission universitaire (la recherche), certaines qualités (excellence), une tradition (anglo-saxonne) et une science (les sciences naturelles)126, ils favorisent un isomorphisme par mimétisme. L’OCDE127 déplore d’ailleurs que les tailles, les missions et les fonctions des universités ne soient pas prises en compte. Par exemple, les universités nationales qui comptent trop d’étudiants (Mexico City et Buenos Aires), les universités vocationnelles (comme la Fachhochschulen en Allemagne) ou les universités connectées aux industries (comme l’Institut technologique de l’Inde) n’entrent pas dans les classements mondiaux même si ce sont des institutions prestigieuses. En outre, à l’intérieur même des universités, il semble y avoir un processus de convergence vers les sciences naturelles et la langue anglaise. En effet, puisque les États-Unis et l’Angleterre dominent les index de citations, il semble que leur modèle acquiert une forme d’autorité sur les autres128. Le même processus s’applique aux sciences puisque, considérant qu’un chercheur en sciences sociales ne peut récolter que 24 5 000 citations alors qu’un microbiologiste peut en récolter 20 000, et considérant que les domaines des arts et de la philosophie favorisent la publication de monographies et non d’articles scientifiques, il parait évident pour certains auteurs129 que l’ensemble des universités tendront à délaisser leurs facultés des Arts et des Sciences sociales. 5.2. Incompatibilité avec les besoins économiques et sociaux Depuis les années ’60, les universités remplissent trois fonctions : effectuer de la recherche, former les étudiants et offrir des services à la collectivité (vulgarisation scientifique, analyse des problèmes sociétaux, formation continue, etc.)130. Or, le nouvel ordre institutionnel que semblent instaurer les classements mondiaux porte atteinte à deux de ces missions. Tout d’abord, selon Altbach131, le fait que les universités soient entrées dans une compétition pour le prestige hausse les frais de scolarité de manière excessive, ce qui a un effet prohibitif pour de plus en plus d’étudiants. En plus, pour atteindre de meilleurs classements, les universités peuvent se permettre d’être plus sélectives au niveau de l’admission et de refuser des étudiants qu’elle aurait acceptés si elle avait été davantage intéressée par le profit. En ce sens, l’auteur conclut que les universités ne constituent plus l’instrument de mobilité sociale qu’elles ont pu être lors de leur modernisation. De la même manière, Knight132 croit que les activités universitaires mondialisées (voyages, cours en ligne, apprentissage d’une nouvelle langue, programmes conjoints, éducation à la citoyenneté planétaire133) ne permettent la participation que d’un faible pourcentage d’étudiants, ce qui pose le problème de « l’accès équitable aux échelles spatiales mondiales ». Ainsi, réduire le nombre d’étudiants peut nuire à la société puisque l’éducation apporte de nombreux bénéfices sociaux et économiques. Comment bâtir une économie du savoir avec un pourcentage plus restreint d’étudiants universitaires?134. En outre, certains étudiants inscrits à l’université sont également affectés par cette nouvelle phase de la mondialisation. Altbach135 et Knight136 indiquent que plusieurs étudiants du premier cycle se sentent « trahis » parce que l’université accorde plus d’attention à la recherche qu’à la formation, négligeant même quelques fois les curriculums. Bref, il semble que les universités privilégient la recherche sur leurs autres missions, ce qui peut créer des « classes d’université », réduire la mobilité sociale et réduire les bénéfices sociaux associés aux activités universitaires. 25 5.3. L’exode des cerveaux et le knowledge gap Tous les observateurs s’entendent sur le fait qu’il y a un knowledge gap entre les pays du Nord et du Sud. En effet, les 15% des pays les plus riches produisent 90% des brevets dans le monde137. Or, il semble désormais essentiel de construire un réseau d’enseignement supérieur dans les pays en voie de développement (PVD) afin de lutter contre la pauvreté. Mohamedbhai138 explique que les universités des PVD souffrent d’un manque de financement et de la concurrence des fournisseurs étrangers. Ces fournisseurs établissent des programmes (parfois inadaptés) sur leur territoire, produisent des diplômés (10% de la population africaine fréquente une université) qui ne trouveront pas nécessairement d’emploi puisque plusieurs des PVD ne sont pas entrés dans l’économie du savoir. Certains observateurs, comme Vincent-Lancrin139, croient alors qu’une stratégie de « renforcement des capacités » pourrait fonctionner. Ainsi, les universités occidentales pourraient établir des partenariats avec des gouvernements de PVD afin d’éduquer leurs étudiants qui, eux, auraient signé une entente avec leurs gouvernements pour qu’ils retournent dans leur pays par la suite, dans le but de favoriser l’émergence d’une industrie du savoir, en partenariat avec l’université occidentale en question. Cependant, quelques problèmes se posent. Tout d’abord, la nouvelle réalité des étudiants des cycles supérieurs fait qu’un étudiant originaire d’un pays A, étudiera dans un pays B, effectuera un stage dans un pays C, travaillera dans des pays D et E avant d’enfin retourner dans le pays A140, après une douzaine d’années; ce qui ralentit ou met en péril la stratégie de renforcement des capacités. En outre, les pays occidentaux, à cause de la dénatalité et de leur besoin de main d’œuvre qualifiée, sont très intéressés à accueillir des étudiants étrangers, mais surtout à les convaincre de demeurer dans le pays d’accueil par la suite141. Finalement, les classements mondiaux encouragent les universités plus riches à aller recruter les étudiants les plus prometteurs, privant des universités nationalement importantes de leurs meilleurs atouts et de la possibilité de réaliser des recherches d’aussi grande envergure et donc d’atteindre un rang respectable dans les classements. Car, si les milliards de yuans investis par le gouvernement chinois n’ont pas encore permis à leurs universités d’atteindre le top 100 du SJTU, quelles sont les chances réelles d’une université dans un pays émergent d’obtenir d’importants contrats de recherche, de développer l’économie locale et de retenir ses étudiants ? 26 6. Conclusion Le présent essai visait à vérifier si les classements universitaires mondiaux constituent un mécanisme de gouvernance privé et si cette gouvernance mondiale a fait entrer la mondialisation des universités une nouvelle phase. Nous croyons que nos hypothèses sont confirmées par le fait que ces classements remplissent différentes fonctions (sur différentes échelles spatiales) dont la vérification, la régulation, la promotion, le contrôle et l’organisation de l’activité universitaire. En outre, nous observons que la mondialisation universitaire, observée antérieurement aux classements mondiaux, se différencie de celle observée postérieurement et ce, tant au niveau du rôle de l’État, des missions des universités et des pratiques de gouvernance que des collaborations académiques. En somme, cet essai s’est efforcé de décrire le « Modèle mondial émergent » qui, favorisé par les classements mondiaux, semble devenir la norme sur l’ensemble de la planète. Des recherches plus systématiques pourraient confirmer ou infirmer les prétendues transformations décrites dans ce texte. En outre, il nous apparaît essentiel de porter notre attention sur l’impact qu’aurait l’apparition de nouveaux types de classements, réalisés par des universités, des gouvernements ou des agences spécialisées. En effet, la multiplication du nombre de classement pourrait rendre justice à la diversité des universités, mais aussi amenuiser la capacité régulatrice des classements. En fait, si plusieurs classements entrent en concurrence, la compétition universitaire mondiale retrouvera son caractère complexe et deviendra diffuse sous la multiplicité des normes, des pratiques et des valeurs. Toutefois, cette prédiction ne peut pas se confirmer et il semble que les classements aient réellement établi un ordre mondial privé qui a peu de comparable, sauf peut-être celui de la finance internationale. 27 RÉFÉRENCES 1 DEEM, Rosemary, MOK, Ka Ho et Lisa LUCAS (2008). “Transforming Higher Education in Whose Image? Exploring the Concept of the World-Class University in Europe and Asia”, Higher Education Policy, 21(1), pp. 83-97. 2 HIGHER EDUCATION POLICY (2008). « Contested Concepts, Similar Practices : The Quest for the Global University », Higher Education Policy, Editorial, 21(1), pp. 429-438. 3 SASSEN, S., La globalisation. Une sociologie, nrf essais Éditions Gallimard, Paris, 2009, 341p. 4 SCHOLTE, J.A. 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