ARTICLE ORIGINAL/ORIGINAL ARTICLE

Transcription

ARTICLE ORIGINAL/ORIGINAL ARTICLE
ARTICLE ORIGINAL/ORIGINAL ARTICLE
CANCER DU SEIN CHEZ L’HOMME
Rapport de huit cas
Bassam ABBOUD1, Gihad CHALOUHI 1, Ziad KHABAZ1, Nabil HOKAYEM 2, Cyril TOHMÉ1, Roger NOUN1
Riad SARKIS1, Georges CHAHINE 3
Abboud B, Chalouhi G, Khabaz Z, Hokayem N, Tohmé C,
Noun R, Sarkis R, Chahine G. Cancer du sein chez l’homme.
Rapport de huit cas. J Méd Lib 2005 ; 53 (3) : 156-161.
Abboud B, Chalouhi G, Khabaz Z, Hokayem N, Tohme C,
Noun R, Sarkis R, Chahine G. Male breast cancer. Report of
eight cases. Leb Med J 2005 ; 53 (3) : 156-161.
RÉSUMÉ • BUT DU TRAVAIL : Le cancer du sein de
l’homme est relativement rare et son étiopathogénie
reste obscure. Nous rapportons 8 cas de cancer
du sein chez l’homme avec leurs caractéristiques
cliniques biologiques et thérapeutiques.
MATÉRIELS ET MÉTHODES : Étude rétrospective regroupant tous les cas de cancer du sein chez l’homme
opérés dans notre institution entre 1998 et 2004.
RÉSULTATS : L’âge moyen des 8 patients était de
67 ans (52 à 81 ans). La détection du cancer était faite
pour une masse mammaire indolore (n = 4), un écoulement mammelonnaire (n = 2), une maladie de Paget
(n = 1) et une découverte fortuite lors d’un examen
physique d’un patient ayant un cancer du sigmoïde
(n = 1). Le cancer se localisait à droite (n = 7) ou à
gauche (n = 1). La tumeur se localisait en rétromammelonnaire (n = 7) ou dans le quadrant inféro-externe
droit (n = 1). La taille de la tumeur était entre 1 et 2 cm
(n = 2) ou entre 2 et 5 cm (n = 6). Un malade avait des
métastases pleuro-pulmonaires. Le traitement chirurgical comportait une mastectomie radicale modifiée
(n = 6), une mastectomie totale simple (n = 1) et une
tumorectomie (n = 1). L’histologie montrait un cancer
canalaire infiltrant (n = 6), un cancer papillaire infiltrant (n = 1) et un cancer canalaire in situ focalement
invasif (n = 1). Les ganglions étaient atteints dans
83,3%des cas. Les récepteurs œstrogéniques et progestéroniques étaient positifs dans 100% et 83,3% des
cas respectivement. Une chimiothérapie adjuvante,
une hormonothérapie ou une association des deux
étaient administrées dans 2 cas, 1 cas et 5 cas respectivement. Le suivi des malades variait de 6 à 72 mois.
Le malade qui avait les métastases pleuro-pulmonaires est décédé 7 mois après le diagnostic. Les autres
patients (n = 7) étaient en bon état et sans aucune évidence de récidive locorégionale ou à distance.
CONCLUSION : Le cancer du sein de l’homme est
relativement rare avec une prédominance du carcinome canalaire infiltrant. Le traitement chirurgical
adéquat comporte une mastectomie radicale modifiée.
Le Tamoxifen est considéré actuellement comme le
traitement adjuvant de première intention car les
récepteurs hormonaux sont souvent positifs.
ABSTRACT • AIM OF THE STUDY : Male breast cancer
is relatively rare. We report herein 8 cases with clinical,
biological and therapeutic characteristics.
MATERIALS AND METHODS : A retropspective study
included all male breast cancers in our institution
between 1998 and 2004.
RESULTS : Mean age of the 8 patients was 67 years
(52 to 81 years). Patients presented with a breast lump
(n = 4), nipple discharge (n = 2), Paget disease’s (n = 1),
and on physical exam in patient with colon cancer (n = 1).
The cancer localized in the right side (n = 7) or the left
side (n = 1). The tumor localized in subareolar region
(n = 7) or in the right lower outer quadrant (n = 1). The
tumor size was between 1 and 2 cm (n = 2), or between
2 and 5 cm (n = 6). One patient had pleuro-pulmonary
metastases. The surgical treatment consisted of modified radical mastectomy (n = 6), total simple mastectomy (n = 1), and lumpectomy (n = 1). The final pathology showed infiltrating ductal carcinoma (n = 6), infiltrating papillary carcinoma (n = 1), and ductal carcinoma in situ with mini-invasion (n = 1). The lymph
nodes were positive in 83.3% of cases. The estrogen
and progesterone receptors were positive in 100% and
83.3% of cases respectively. Adjuvant chemotherapy,
hormonal therapy or both was gived in 2 cases, 1 case,
and 5 cases respectively. The follow-up ranged from
6 to 72 months. The patient with metastases died
7 months after the diagnosis. The other patients (n = 7)
remained free of disease.
CONCLUSION : Male breast cancer is relatively rare
with predominance of infiltrating ductal carcinoma.
Modified radical mastectomy remains the optimal surgical treatment. Hormone receptors were positive in all
our patients and hormonal therapy with Tamoxifen
remains the cornerstone of adjuvant therapy.
INTRODUCTION
Le cancer du sein de l’homme est relativement rare
(0,2 à 1,5% de tous les cancers) [1-26]. Il représente dans
les pays occidentaux environ 1 pour cent de tous les cancers mammaires mais en Asie et en Afrique ce pourcentage
Services de 1Chirurgie générale, 2Chirurgie esthétique et réparatrice, 3Hémato-Oncologie, Hôtel-Dieu de France, Faculté de MédecineUniversité Saint-Joseph, Beyrouth, Liban.
Correspondance et tirés à part : Docteur Bassam Abboud. Service de Chirurgie générale. Hôtel-Dieu de France. Bd. Alfred
Naccache. Beyrouth. Liban.
E-mail : [email protected]
Fax : 961 1 615295
atteint presque 15 p. 100 [10]. Aux Etats-Unis le cancer du
sein de l’homme représente 0,5 p. 100 de tous les cancers
du sein et 0,2 à 1 p. 100 de tous les cancers diagnostiqués
chez l’homme [11]. L’âge médian de survenue (64 ans) est
de 6 à 10 ans plus tardif que chez la femme [10]. L’incidence augmente avec l’âge, elle est de 0,1 cas/100 000
habitants à l’âge de 30-40 ans et de 6,5/100 000 habitants
à l’âge de 85 ans et plus [11].
Le but de ce travail est de rapporter 8 cas de cancer du
sein chez l’homme avec leurs caractéristiques cliniques
biologiques et thérapeutiques.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Entre janvier 1998 et janvier 2004, 8 patients ont
été opérés d’un cancer du sein dans notre institution et
constituent l’objet de notre travail. C’est une étude descriptive rétrospective basée sur des données relevées sur
les dossiers d’hommes traités pour cancer du sein. Les
informations concernant l’histoire du patient, les antécédents médicaux et chirurgicaux, les signes et symptômes
à la présentation, les facteurs de risque, le bilan d’extension, le type de traitement initial (chirurgical, chimiothérapie, radiothérapie) et les résultats de l’étude anatomopathologique ont été rassemblées par consultation de
leurs dossiers d’hospitalisation ainsi que celui des consultations chez leur médecin traitant. Ces données ont
été ensuite analysées et comparées à la littérature.
RÉSULTATS
Huit cas de cancer du sein chez l’homme ont été
inclus. Les caractéristiques des patients à la présentation
sont résumées dans le tableau I. L’âge moyen au moment du diagnostic du cancer du sein était de 67 ans
(52 à 81 ans). La taille moyenne des patients était de
173 cm (165 cm à 183 cm) et leur poids moyen était de
80,25 kg (70 kg à 97 kg). Le BMI variait de 23,32 à
35,3 kg/m 2 avec une moyenne de 28,58 kg/m2. Le diagnostic de cancer était fait fortuitement (n = 1 ; 12,5%)
lors d’un examen physique d’un patient ayant un cancer
du côlon, à l’autopalpation d’une masse mammaire indolore (n = 4 ; 50% des cas), lors d’un écoulement mammelonnaire (n = 2 ; 25% des cas) et devant une ulcération cutanée mammaire (n = 1 ; 12,5%). On ne notait pas
d’antécédents d’irradiation, ni d’histoire familiale de
cancer du sein. L’examen physique montrait une masse
mammaire (n = 7 ; 87,5%), une maladie de Paget (n = 2 ;
25%), un écoulement mammelonnaire (n = 4 ; 50%) et
une rétraction mammelonnaire (n = 2 ; 25%). Les ganglions axillaires homolatéraux étaient cliniquement
palpables dans deux cas. Le morphotype était normal
(n = 8) et on ne notait pas de gynécomastie. La prise de
digitalique était notée chez un patient diabétique qui
avait une insuffisance cardiaque et rénale. Le délai entre
la détection de la masse et la consultation du médecin
était en moyenne de deux ans.
Une mammographie, réalisée dans un seul cas, a
B. ABBOUD et al. – Cancer du sein chez l’homme
TABLEAU I
CARACTÉRISTIQUES DES PATIENTS
À LA PRÉSENTATION
Age moyen au moment du diagnostic
Taille moyenne
Poids moyen
BMI moyen
DÉTECTION INITIALE
Autopalpation
Ecoulement mamelonnaire
Maladie de Paget
Par le médecin
SIGNES À LA PRÉSENTATION
Masse mammaire
Rétraction mamelonnaire
Maladie de Paget
Ecoulement mamelonnaire
LATÉRALITÉ DU CANCER
Droit
Gauche
Bilatéral
67 ans
173 cm
80,25 kg
28,58 kg/m2
50%
25%
12,5%
12,5%
87,5%
25%
25%
50%
87,5%
12,5%
0%
montré une masse de 2 cm spiculée dans le quadrant
inféro-externe du sein droit. Le diagnostic préopératoire
était fait par une cytoponction à l’aiguille fine avec étude
cytologique (n = 3), par biopsie au tru-cut (n = 2), ou par
biopsie incisionnelle (n = 3).
Le cancer se localisait essentiellement dans le sein
droit (n = 7 ; 87,5%). Nous n’avons pas noté de cancer bilatéral dans notre série. La tumeur, quand elle était
palpable, était située, dans 85,7% des cas dans la région
rétro-mamelonnaire. Le bilan d’extension, réalisé chez
6 patients et comportant un bilan hépatique, une calcémie, une phosphorémie, une échographie abdominale et
une scintigraphie osseuse, était négatif dans tous les cas
(100% des cas). Le CA 15-3, dosé dans 3 des cas, était
supérieur à la normale dans 66,7% des cas.
La prise en charge première était chirurgicale dans
100% des cas. La chirurgie consistait en une mastectomie radicale modifiée avec un curage axillaire des
niveaux I et II (n = 6), une mastectomie totale simple
sous anesthésie locale (n = 1) chez un malade diabétique
et en insuffisance rénale et cardiaque, et une tumorectomie (n = 1) chez un patient ayant des métastases
pleuro-pulmonaires. Nous n’avons pas réalisé la technique du ganglion sentinelle chez nos patients.
Les caractéristiques tumorales sont résumées dans le
tableau II. L’anatomopathologie a montré un carcinome
canalaire (n = 8 ; 100%) : infiltrant (n = 6 ; 75%), papillaire infiltrant (n = 1 ; 12,5%) ou in situ focalement
invasif (n = 1 ; 12,5%). Le cancer était multifocal dans
25% des cas (n = 2). La taille tumorale moyenne était de
2,8 cm ; elle était comprise entre 1 et 2 cm (n = 2 ; 25%)
ou entre 2 et 5 cm (n = 6 ; 75%). Le grade histologique
Journal Médical Libanais 2005 • Volume 53 (3) 157
malade qui avait les métastases pleuro-pulmonaires est
décédé 7 mois après le diagnostic. Les autres patients
(n = 7) étaient en bon état et sans aucune évidence de
récidive locorégionale ou à distance.
TABLEAU II
CARACTÉRISTIQUES TUMORALES
TYPE HISTOLOGIQUE
Carcinome canalaire infiltrant
Carcinome papillaire infiltrant
Carcinome canalaire in situ, focalement invasif
Carcinome lobulaire
Autre
TAILLE DE LA TUMEUR
< 1cm
1-2 cm
2-5 cm
> 5 cm
Cancer multifocal
MARGES
Saines
Positives
GANGLIONS
Positifs
Négatifs
RÉCEPTEURS
Œstrogéniques positifs
Progestéroniques positifs
Non faits
INDEX MITOTIQUE Ki67
Bas
Elevé
75%
12,5%
12,5%
0%
0%
0%
25%
75%
0%
25%
100%
0%
83,3%
16,7%
100%
83,3%
25%
33,3%
66,7%
de différenciation (SBR), les récepteurs hormonaux et
l’index de prolifération (Ki67) ont été recherchés chez
6 patients. Le grade histologique de différenciation était
III de SBR dans 66,67% des cas et II de SBR dans
33,33% des cas ; les récepteurs œstrogéniques et progestéroniques étaient positifs dans 100% des cas et
83,3% des cas respectivement ; l’index de prolifération
(Ki67) était élevé dans 66,67% des cas, et bas dans les
autres. Les ganglions axillaires étaient positifs dans
83,3% des cas, avec en moyenne 10,8 ganglions atteints.
Un seul malade avait moins de 3 ganglions atteints. Des
métastases à distance (pleuro-pulmonaires bilatérales)
étaient présentes dans un seul cas (12,5%). Une étude
génétique réalisée chez deux de nos patients s’est révélée
négative. Le stade pour chacun de nos malades, selon la
classification TNM, était : I (n = 2), II (n = 4), III (n = 1)
et IV (n = 1).
Une chimiothérapie adjuvante à base de 5 fluorouracil, adriamycin et endoxan, une hormonothérapie par
le tamoxifen ou une association des deux étaient administrées dans 2 cas, 1 cas et 5 cas respectivement. Aucun
de nos malades n’a eu de radiothérapie.
Le suivi des malades variait de 6 à 72 mois et comportait un examen physique régulier, une radio thoracique, une échographie abdominale, un dosage du CA
15-3, de la calcémie et un bilan hépatique annuels. Le
158 Journal Médical Libanais 2005 • Volume 53 (3)
DISCUSSION
Le cancer du sein de l’homme est relativement rare
et son étiopathogénie reste obscure. On suppose qu’un
déséquilibre hormonal entre androgènes et œstrogènes
puisse en être à l’origine comme pour certaines gynécomasties. Toutefois, les rapports entre cancer du sein et
gynécomastie restent incertains, car la fréquence de cette
dernière varie selon la population analysée et les modalités d’investigation. Des hyperestrogénismes secondaires à une atteinte hépatique pourraient expliquer les
fréquences élevées notées en Afrique. Pour certains
auteurs, l’obésité augmente le risque de cancer du sein
de l’homme probablement par un déséquilibre hormonal. Une étude cas-témoins a montré une fréquence
accrue des traitements prolongés par digitaline, isoniazide, cimétidine et spironolactone chez les sujets atteints
d’un cancer du sein. Tous ces médicaments induisent par
des mécanismes différents une hyperestrogénie relative.
Dans la cirrhose [27] et l’insuffisance rénale on retrouve
un hypoandrogénisme et une fréquence élevée de gynécomastie, voire de cancer du sein pour certains. Le cancer du sein est fréquent chez les malades ayant un syndrome de Klinefelter. Des antécédents familiaux ont été
rapportés de façon sporadique, parfois avec de multiples
cas dans la même famille. Enfin de très rares observations ont fait état de cancers du sein radio-induits, après
irradiation pour gynécomastie prépubertaire ou hypertrophie thymique [10-13, 28-30]. Dans notre série, on
n’a pas noté de gynécomastie ni d’antécédents familiaux
de cancer du sein. Un patient était en insuffisance rénale
et cardiaque et prenait des digitaliques.
Cliniquement le cancer du sein de l’homme peut se
présenter sous différents aspects. Une masse ferme indolore rétroaréolaire constitue le symptôme le plus fréquent et survient dans plus de 75% des cas, 50% dans
notre série. Une masse du quadrant supéro-externe vient
au second plan [11]. Les formes avancées T4 restent fréquentes. Un écoulement séro-sanglant est trouvé dans
9 à 29 p. 100 des cas, 50% dans notre série. La maladie
de Paget varie de 1,4 à 8 p. 100 des cas [10, 31], 25%
chez nos patients. A l’examen physique on retrouve une
masse rétroaréolaire, une ulcération de la peau ou une
rétraction mamelonnaire [11]. Le taux d’envahissement
clinique axillaire varie de 25 à 54 p. 100 des cas selon les
auteurs, il est de 25% dans notre série. Des métastases
initiales sont retrouvées dans 6 à 16 p. 100 des cas,
12,5% dans notre série. La bilatéralité semble moins fréquente que chez la femme avec un taux de 1,4 p. 100 [10].
La mammographie [32] et l’échographie permettent de
voir la lésion, de la localiser, de définir ses caractéristiques et de mettre en évidence d’autres lésions non palpables [4-5]. L’aspiration à l’aiguille fine avec examen
B. ABBOUD et al. – Cancer du sein chez l’homme
cytologique constitue l’examen initial approprié [33-36].
Les métastases peuvent atteindre les ganglions, les os,
les poumons, la plèvre, le foie, la peau et d’autres viscères. Ce cancer doit être différencié d’un processus
bénin tel qu’une gynécomastie, et les maladies inflammatoires du sein [11].
Histologiquement, dans le cancer du sein de l’homme
il y a une prédominance du carcinome canalaire infiltrant qui représente 80% de toutes les tumeurs dans certaines séries [10-12, 28, 37], 75% dans la nôtre. Un carcinome canalaire in situ peut exister avec une fréquence
de 0 à 7 p. 100 [10, 38]. Des formes rares (colloïde,
médullaire, papillaire, tubulaire) sont également notées
de même que le carcinome lobulaire [11, 39-40]. Le cancer inflammatoire [41-42], des cystosarcomes phyllodes
et des sarcomes primitifs ont été décrits [11]. Les récepteurs à l’œstrogène sont positifs dans plus de 85% des
cas et à la progestérone dans plus de 69% des cas [11,
43], 100% et 83,3% respectivement chez nos malades.
Le staging se fait de la même façon que le cancer du sein
chez la femme : TNM (T : taille ; N : métastases ganglionnaires ; M : métastases à distance) [11].
Génétiquement, 15 à 20% des hommes ayant un cancer du sein ont une histoire familiale de cancer du sein.
Le gène pour les cancers du sein/ovaire BRCA1 n’est
pas associé à un risque significativement élevé de cancer
du sein chez l’homme, alors que quelques mutations ont
été décrites chez des malades atteints. Par contre, les
hommes avec une mutation du BRCA2 ont une prédisposition pour développer un cancer du sein (100 fois
plus de risque que les hommes de la population générale)
[44-46]. Les mutations du gène suppresseur de tumeur
PTEN, impliqué dans le syndrome de Cowden, ont été
associées aussi avec le cancer du sein chez l’homme.
Certains auteurs ont trouvé une expression des protooncogènes p53 et HER-2/neu(c-erbB-2) dans le cancer
du sein chez l’homme [47]. La recherche d’anomalies
génétiques a été réalisée chez deux de nos malades et
elle était négative dans les deux cas.
Le traitement chirurgical actuel comporte une mastectomie radicale modifiée, mais de nombreuses mastectomies radicales ont été réalisées. L’efficacité carcinologique est comparable avec un risque réduit de lymphœdème pour les mastectomies radicales modifiées [10-11,
48]. La seule indication à la mastectomie radicale est
l’envahissement du muscle grand pectoral. Une lumpectomie ou une excision de la tumeur suivie de radiothérapie de la paroi thoracique et des ganglions régionaux
est indiquée dans certains cas [11]. Le taux de l’atteinte
ganglionnaire varie de 21 à 74 p. 100 des cas selon la
taille de la tumeur mammaire, il est de 83,3% dans notre
série. De plus, 52 p. 100 des malades considérés cliniquement indemnes (N0) étaient en réalité pN+. L’importance de l’envahissement ganglionnnaire s’explique
par la topographie des cancers du sein de l’homme (en
règle rétroaréolaire) et la faible quantité de glande qui
facilite l’atteinte du derme et/ou du muscle. Le degré
histopronostic SBR a été étudié par certains auteurs qui
B. ABBOUD et al. – Cancer du sein chez l’homme
ont trouvé 29, 54, et 17 p. 100 respectivement de grades
I, II, III avec une répartition superposable à celle de la
femme. La technique de biopsie du ganglion sentinelle
[49-52] a été utilisée avec succès par certaines équipes.
Aucun de nos malades n’a eu cette procédure.
L’irradiation locorégionale [53] améliore le contrôle
local compte tenu de la présence fréquente de facteurs de
récidives locales (T3T4, pN+). Dans la littérature on a
évalué l’efficacité des traitements médicaux surtout en
phase métastatique. De bonnes réponses ont été rapportées avec le Tamoxifen (taux de réponse de 55 p.
100) considéré actuellement comme le traitement adjuvant
de première intention [10, 54]. La chimiothérapie systémique est souvent réservé aux cancers du sein de l’homme
avec métastases à distances [55-57]. Le traitement adjuvant par 5 fluorouracil, doxorubicin, cyclophosphamide
(FAC) ou cyclophosphamide, méthotrexate et 5 fluorouracil (CMF) est recommandé, par certains auteurs, en
cas d’atteinte ganglionnaire indépendamment des récepteurs hormonaux suivis par tamoxifen en cas de récepteurs positifs. La réponse à la chimiothérapie est plus
rapide mais moins durable chez l’homme que chez la
femme. Le taux de réponse chez l’homme à la chimiothérapie limitée est de 40%. Le traitement par ablation
hormonal : orchiectomie, adrénalectomie ou hypophysectomie a été essayé et est de plus en plus remplacé par
le Tamoxifen [11].
La survie à 5 ans varie de 40 à 64 p. 100. Plusieurs
auteurs ont rapporté une fréquence relativement élevée
de 2e cancer (surtout prostatique) après cancer du sein de
l’homme, de 3 à 27 p. 100 [10, 58]. Nous avons noté, de
façon synchrone, la découverte d’un cancer du sein et
d’un cancer du sigmoïde chez un de nos patients. Les
facteurs pronostics du cancer du sein de l’homme sont
semblables à ceux de la femme : T (ou stade) ; grade
SBR et surtout statut pN [10, 59-63]. A stade égal, le
cancer du sein a le même pronostic chez l’homme et
chez la femme [6, 9, 37, 60-62]. Pour Anderson et al.
[24], le cancer du sein chez l’homme ressemble au cancer du sein chez la femme postménopausique. Certains
auteurs ont trouvé des survies à 5 ans de 91, 63, et 43 p.
100, respectivement pour les stades I, II et III. Pour certains auteurs l’envahissement ganglionnaire reste le facteur pronostique principal avec à 5 ans 77 et 51 p. 100 de
survie pour les pN- et pN+. Pour d’autres la différence à
10 ans est encore plus importante avec 79 p. 100 pour les
pN- et 11 p. 100 pour les pN+ [10]. Guinee et al. [63] ont
trouvé un taux de survie à 10 ans de 84% quand les ganglions sont négatifs, de 44% quand 1 à 3 ganglions sont
atteints et de 14% quand il y a 4 ganglions ou plus qui
sont atteints. Ces auteurs ont trouvé une survie à 5 ans de
90%, 73% et 55% respectivement. Digenis et al. [64] ont
étudié une série de 41 hommes avec cancer du sein. Le
taux de survie à 5 et 10 ans après traitement est de
• stade I : 100% et 100% respectivement • stade II 65% et
52% respectivement • stade III 55% et 22% respectivement et • stade IV 0% et 0% respectivement. Le taux de
survie à 5 ans diminue significativement avec l’augmen-
Journal Médical Libanais 2005 • Volume 53 (3) 159
tation de la taille tumorale : 53% pour les tumeurs
< 2 cm ; 44% pour les tumeurs de 2 à 5 cm et 25% pour
les tumeurs de > 5 cm. Le cancer inflammatoire a le
même mauvais pronostic que chez la femme. La maladie
de Paget chez l’homme a un pronostic plus mauvais que
chez la femme [11].
16.
CONCLUSION
19.
Le cancer du sein de l’homme est relativement rare.
Une masse ferme indolore rétroaréolaire constitue le
symptôme le plus fréquent et survient dans plus de 75%
des cas. Histologiquement, il y a une prédominance du
carcinome canalaire infiltrant. Les récepteurs hormonaux sont souvent positifs. Le staging se fait de la même
façon que le cancer du sein chez la femme. Le traitement
chirurgical actuel comporte une mastectomie radicale
modifiée. Le Tamoxifen est considéré actuellement, par
certains auteurs, comme le traitement adjuvant de première intention. A stade égale, le cancer du sein a le
même pronostic chez l’homme et chez la femme.
20.
17.
18.
21.
22.
23.
24.
REFERENCES
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
Ulutin C, Guden M, Surenkok S, Pak Y. Fifteen cases of
male breast carcinoma treated between 1980 and 1995.
Radiat Med 1998 ; 16 : 383-6.
Ravandi-Kashani F, Hayes TG. Male breast cancer : a
review of the literature. Eur J Cancer 1998 ; 34 : 1341-7.
Lemma F, Straci S, Torchia U et al. Approach to male
breast cancer. Our experience. Minerva Chir 1997 ; 52 :
847-9.
Newman J. Breast cancer in men and mammography of
the male breast. Radiol Technol 1997 ; 69 : 17-28.
Stewart RA, Howlett DC, Hearn FJ. Pictorial review : the
imaging features of male breast disease. Clin Radiol
1997 ; 52 : 739-44.
Carmalt HL, Mann LJ, Kennedy CW, Fletcher JM,
Gillett DJ. Carcinoma of the male breast : a review and
recommendations for management. Aust N Z J Surg
1998 ; 68 : 712-15.
Di Benedetto G, Pierangeli M, Bertani A. Carcinoma of
the male breast : an underestimated killer. Plast Reconstr
Surg 1998 ; 102 : 696-700.
Willsher PC, Leach IH, Ellis IO et al. Male breast cancer : pathological and immunohistochemical features.
Anticancer Res 1997 ; 17 : 2335-8.
Donegan WL, Redlich PN, Lang PJ, Gall MT.
Carcinoma of the breast in males : a multiinstitutional
survey. Cancer 1998 ; 83 : 498-509.
Cutuli BF, Velten M, Florentz P et al. Cancer du sein
chez l’homme. 106 observations. Presse Méd 1993 ; 22 :
463-6.
Jaiyesimi IA, Buzdar AU, Sahin AA, Ross MA. Carcinoma of the male breast. Annals of Internal Medicine
1992 ; 117 : 771-7.
Crichlow RW, Galt SW. Male breast cancer. Surg Clin
North Am 1990 ; 70 : 1165-77.
Winchester DJ. Male breast carcinoma : a multiinstitutional challenge. Cancer 1998 ; 83 : 399-400.
Lefor AT, Numann PJ. Carcinoma of the breast in men.
N Y State J Med 1988 ; 88 : 293-6.
Seitzinger JW. Carcinoma of the male breast. N Engl J
Med 1990 ; 87 : 803-809.
160 Journal Médical Libanais 2005 • Volume 53 (3)
25.
26.
27.
28.
29.
30.
31.
32.
33.
34.
35.
36.
37.
Morimoto T, Komaki K, Yamakawa T et al. Cancer of
the male breast. J Surg Oncol 1990 ; 44 : 180-4.
Loerzel VW, Dow KH. Male breast cancer. Clin J Oncol
Nurs 2004 ; 8 : 191-2.
O’Malley CD, Prehn AW, Shema SJ, Glaser SL. Racial/
ethnic differences in survival rates in a population-based
series of men with breast carcinoma. Cancer 2002 ; 94 :
2836-43.
Giordano SH, Buzdar AU, Hortobagyi GN. Breast cancer
in men. Ann Intern Med 2002 ; 137 : 678-87.
Domchek SM, Eisen A, Calzone K, Stopfer J, Blackwood A, Weber BL. Application of breast cancer risk
prediction models in clinical practice. J Clin Oncol 2003 ;
15 : 593-601.
Willsher PC, Leach IH, Ellis IO et al. Male breast cancer : pathological and immunohistochemical features.
Anticancer Res 1997 ; 17 : 2335-8.
Vetto J, Schmidt W, Pommier R et al. Accurate and cost
effective evaluation of breast masses in males. Am J
Surg 1998 ; 175 : 383-7.
Goss PE, Reid C, Pintilie M, Lim R, Miller N. Male
breast carcinoma : a review of 229 patients who presented to the princess Margaret Hospital during 40 years :
1955-1996. Cancer 1999 ; 85 : 629-39.
Anderson WF, Althius MD, Brintom LA, Divesa SS. Is
male breast cancer similar or different than female breast
cancer. Breast Cancer Res Treat 2004 ; 83 : 77-86.
Sasco AJ, Lowenfels AB, Pasker-de Jong P. Review
article : epidemiology of male breast cancer. A metaanalysis of published case-control studies and discussion
of selected aetiological factors. Int J Cancer 1993 ; 53 :
538-49.
Hultborn R, Friberg S, Hultborn KA, Peterson LE,
Ragnhult J. Male breast carcinoma : II. A study of the
total material reported to the Swedish Cancer Registry
1958-1967 with respect to treatment, prognostic factors
and survival. Acta Oncol 1987 ; 26 : 327-41.
Sorensen HT, Friis S, Olsen JH et al. Risk of breast cancer in men with liver cirrhosis. Am J Gastroenterol 1998 ;
93 : 231-3.
Palade R, Vasile D, Grigoriu M, Roman H. Breast cancer
in men. Chirurgica 1997 ; 92 : 159-65.
Hsing AW, McLaughlin JK, Cocco P, Co Chien HT,
Fraumeni JF Jr. Risk factors for male breast cancer (United
States). Cancer Causes Control 1998 ; 9 : 269-75.
Lenfant-Pejovic MH, Cabanne NM, Bouchardy C,
Auquier A. Risk factors for male breast cancer : a FrancoSwiss case-control study. Int J Cancer 1990 ; 45 : 661-5.
Desai DC, Brennan EJ Jr, Carp NZ. Paget’s disease of
the male breast. Am Surg 1996 ; 62 : 1068-72.
Applebaum AH, Evans GF, Levy KR et al. Mammographgic appearances of male breast disease. Radiographics 1999 ; 19 : 559-62.
Gupta RK, Naran S, Simpson J. The role of fine-needle
aspiration cytology (FNAC) in the diagnosis of breast
masses in males. Eur J Surg Oncol 1988 ; 14 : 317-20.
Russin VL, Lachowicz C, Kline TS. Male breast lesions :
gynecomastia and its distinction from carcinoma by aspiration biopsy cytology. Diagn Cytopathol 1989 ; 5 : 243-7.
Bhagat P, Kline TS. The male breast and malignant neoplasms. Diagnosis by aspiration biopsy cytology. Cancer
1990 ; 65 : 2338-41.
Westenend PJ, Jobse C. Evaluation of fine-needle aspiration cytology of breast masses in males. Cancer 2002 ;
96 : 101-4.
Budner M, Heinrich J, Ruhland F, Hielscher C. Ductal
carcinoma of the male breast. Zentralbl Gynakol 1998 ;
B. ABBOUD et al. – Cancer du sein chez l’homme
38.
39.
40.
41.
42.
43.
44.
45.
46.
47.
48.
49.
50.
51.
120 : 551-4.
Hittmair AP, Lininger RA, Tavassoli FA. Ductal carcinoma in situ (DCIS) in the male breast : a morphologic
study of 84 cases of pure DCIS and 30 cases of DCIS
associated with invasive carcinoma - a preliminary
report. Cancer 1998 ; 83 : 2139-49.
Sanchez AG, Villanueva AG, Redondo C. Lobular carcinoma of the breast in a patient with Klinefeter’s syndrome. A case with bilateral, synchronous, histologically different breast tumors. Cancer 1986 ; 57 : 1181-3.
Michaels BM, Nunn CR, Roses DF. Lobular carcinoma
of the male breast. Surgery 1994 ; 115 : 402-5.
Yamamoto T, Iriyama K, Araki T. Male inflammatory
breast cancer. Surg Today 1997 ; 27 : 669-71.
Spigel JJ, Evans WP, Grant MD, Langer TG, Krakos PA,
Wise DK. Male inflammatory breast cancer. Clin Breast
Cancer 2001 ; 2 : 153-5.
Rayson D, Erlichman C, Suman VJ et al. Molecular
markers in male breast carcinoma. Cancer 1998 ; 83 :
1947-55.
Ottini L, Masala G, D’Amico C et al. BRCA1 and
BRCA2 mutation status and tumor characteristics in
male breast cancer : a population-based study in Italy.
Cancer Res 2003 ; 63 : 342-7.
Brenner RJ, Weitzel JN, Hansen N, Boasberg P.
Screening-detected breast cancer in a man with BRCA2
mutation : case report. Radiology 2004 ; 230 : 553-5.
Lubinski J, Phelan CM, Ghadirian P et al. Cancer variation associated with the position of the mutation in the
BRCA2 gene. Fam Cancer 2004 ; 3 : 1-10.
Pich A, Margaria E, Chiusa L. Oncogens and male breast
carcinoma : c-erbB-2 and p53 coexpression predicts a
poor survival. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 2948-56.
Cutuli B, Lacroze M, Dilhuydy JM et al. Male breast
cancer : results of the treatments and prognostic factors
in 397 cases. Eur J Cancer 1995 ; 31A : 1960-4.
De Cicco C, Baio SM, Veronesi P et al. Sentinel node
biopsy in male breast cancer. Nucl Med Commun 2004 ;
25 : 139-43.
Goyal A, Horgan K, Kissin M et al. Sentinel lymph node
biopsy in male breast cancer patients. Eur J Surg Oncol
2004 ; 30 : 480-3.
Cimmino VM, Degnim AC, Sabel MS, Diehl KM,
52.
53.
54.
55.
56.
57.
58.
59.
60.
61.
62.
63.
64.
Newman LA, Chang AE. Efficacy of sentinel lymph
node biopsy in male breast cancer. J Surg Oncol 2004 ;
86 : 74-7.
Albo D, Ames FC, Hunt KK et al. Evaluation of lymph
node status in male breast cancer patients : a role for sentinel lymph node biopsy. Breast Cancer Res Treat 2003 ;
77 : 9-14.
Chakravarthy A, Kim CR. Post-mastectomy radiation in
male breast cancer. Radiother Oncol 2002 ; 65 : 99-103.
Anelli TF, Anelli A, Tran KN, Lebwohl DE, Borgen PI.
Tamoxifen administration is associated with a high rate
of treatment-limiting symptoms in male breast cancer
patients. Cancer 1994 ; 74 : 74-7.
Bagley CS, Wesley MN, Young RC, Lippman ME.
Adjuvant chemotherapy in males with cancer of the
breast. Am J Clin Oncol 1987 ; 10 : 55-60.
Patel HZ, Buzdar AU, Hortobagyi GN. Role of adjuvant
chemotherapy in male breast cancer. Cancer 1989 ; 64 :
1583-5.
Lopez M, Di Lauro L, Papaldo P, Lazzaro B. Chemotherapy in metastatic breast cancer. Oncology 1985 ;
42 : 205-9.
Auvinen A, Curtis Re, Ron E. Risk of subsequent cancer following breast cancer in men. J Natl Cancer Inst
2002 ; 94 : 1330-2.
Yildirim E, Berberoglu U. Male breast cancer : a 22-year
experience. Eur J Surg Oncol 1998 ; 24 : 548-52.
Borgen PI, Senie RT, McKinnon WM, Rosen PP. Carcinoma of the male breast : analysis of prognosis compared
with matched female patients. Ann Surg Oncol 1997 ; 4 :
385-8.
Fullerton Jt, Lantz J, Sadler Gr. Breast cancer among
men : raising awareness for primary prevention. J Am
Acad Nurse Pract 1997 ; 9 : 211-16.
Willsher PC, Leach IH, Ellis IO et al. A comparison outcome of male breast cancer with female breast cancer.
Am J Surg 1997 ; 173 : 185-8.
Guinee VF, Olsson H, Moller T et al. The prognosis of
breast cancer in males. A report of 335 cases. Cancer
1993 ; 71 : 154-61.
Digenis AG , Ross CB, Morrison JG, Hocomb G 3d,
Reynolds V. Carcinoma of the male breast : a review of
41 cases. South Med J 1990 ; 83 : 1162-7.