Glossaire - Biennale de la danse

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Glossaire - Biennale de la danse
Glossaire
Acrobate
Le terme « acrobate », hérité du grec « marche des extrêmes », nous indique qu’il s’agit de se
déplacer autant sur les pieds que sur les mains. En dehors des différents agrès ou prothèses qui
transportent le corps hors de ses repères spatiaux et posturaux habituels, il faut considérer le premier
geste de l’acrobate : se mettre sur les mains, ou, si on en étend le sens : défier l’équilibre naturel du
corps.
La figure de l’acrobate appartient, historiquement, à l’univers circassien. Artiste-athlète comme le
danseur, on les opposait pourtant jusqu’à récemment : si la présence du muscle, l’effort montré, le
physique spectaculaire ainsi que l’inversion de la posture verticale sont le propre de l’acrobate, ils sont
proscrit des codes qui régissent la danse académique. On peut rappeler, par exemple, le ballet
Parade de 1918 par les Ballets russes de Diaghilev au Théâtre du Châtelet, dont Jean Cocteau
devinera : « Le danseur de demain sera un acrobate. Alors ce qu’on lui fera faire lui paraîtra simple et
facile. L’ancien danseur plié à l’école neuve grimace. » (« Le coq et l’Arlequin » [1918], in Notes sur la
musique, Paris).
Discipline à part, l’acrobatie est entendue comme l’une des composantes du langage structurel du
cirque, qui se décline ensuite en différentes disciplines ou spécialités. « Le terme d’acrobate insiste
sur la saltation élancée, la contorsion et le “tour de hanche”, relatifs à un moment ardent ».
(PEIGNIST Myriam, « Inspirations acrobes », Sociétés, n° 81)
Dans le cirque contemporain les acrobates naviguent entre la recherche d’un mouvement de plus en
plus dansé et l’affirmation de ce qui constitue la base du vocabulaire acrobatique, la figure, relevant
plutôt de la mise en jeu d’une corporéité sportive. Si nous devions définir une corporéité acrobatique,
elle se situerait précisément entre ces deux moments. Entre le flux d’un mouvement chorégraphique
et la suspension, la concentration de l’athlète qui s’élance pour un saut à la perche ou qui s’apprête à
servir pour sa balle de match.
Outre la dimension psychologique – l’acrobate se prépare car la figure est une prise de risque – la
question motrice se pose et crée forcément une rupture entre deux corporéités. La préparation qui fait
basculer l’acrobate dans l’exécution d’une figure, aussi infime soit-elle, est justement le temps de la
différence entre le geste expressif et le geste athlétique, entre le danseur et l’acrobate. A la recherche
de la stabilité, la corporéité acrobatique est donc profondément instable.
Autre élément important : l’apparition et la mise en scène du « corps impossible ». Depuis les années
1870, avec les premiers numéros de trapèzes volants (notamment les numéros de Jules Léotard), les
acrobates se mettent à évoluer dans les airs et donnent une nouvelle dimension au jeu entre
l’équilibre et son corollaire le déséquilibre. Dès lors, le défi gravitaire génère non seulement de
nouvelles formes acrobatiques et esthétiques, mais apporte également sur la scène/dans l’arène de
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nouveaux éléments (trampolines, agrès, harnais, élastiques…) susceptibles de susciter de nouvelles
inspirations, formes et métissages artistiques.
Arts du cirque
Depuis le XVIIlème siècle, le
mot cirque désigne une forme de spectacle composé d'exercices
d'adresse et de force, de numéros de clowns, d'équitation et de dressage d'animaux, donné
exclusivement dans une enceinte circulaire, stable ou amovible.
Le type du cirque antique, fondé sur la force et l'adresse, n'avait pas complètement disparu d'Europe
après la chute de l'Empire romain. Sa survie fut assurée par les générations de jongleurs, d'athlètes,
de mimes et de funambules, rassemblés en troupes errantes, qui parcoururent l'Europe du Moyen
Âge au XVIIlème siècle. Ces familles de saltimbanques (de l'italien saltimbanco, « saute-en-banc »)
ou banquistes (de banque, « estrade »), qui se produisaient dans les foires, les petits théâtres ou sur
les parvis des cathédrales, étaient généralement de souche italienne. Associés aux cavaliers anglais
et espagnols, ils formèrent, vers 1750, les premières troupes de cirque ambulant.
Cependant, le cirque en tant que genre particulier ne fit son apparition qu’à la fin du XVIIlème siècle,
lorsque toutes ces attractions, exécutées sur une piste, près de Londres, furent réunies dans un
même spectacle.
C'est en effet, en Angleterre qu'a pris naissance le cirque moderne. L'écuyer anglais Philip Astley
(1742-1814) a l'idée de rendre spectaculaires des exercices classiques de manège en les enjolivant
de prouesses fantaisistes. Il se fixe à Londres (1770), sur un terrain qu'il cerne de gradins et de
barrières pour en faire le « Royal Amphitheatre of Arts ». Astley ajoute à l'équitation des numéros
d'acrobates, de dresseurs et de pitres. Il est invité à Versailles quatre ans plus tard et entreprend une
tournée en France. En 1783, Astley ouvre à Paris une succursale de son établissement londonien :
l'Amphithéâtre anglais.
On peut dater la naissance du cirque contemporain à 1871, année où l'Américain Barnum fonda la
World's Fair, gigantesque cirque ambulant que son associé William C. Coup (1837-1895) transformera
quelques années plus tard en Greatest Show on Earth. Avec son chapiteau géant, ses cavalcades de
centaines d'animaux, son rayonnement international soutenu par la presse et l'affichage, ses vedettes
plus (Buffalo Bill) ou moins (la nourrice noire de Washington) authentiques, le Greatest Show (disparu
en 1956) marquait l'avènement d'un nouveau type de cirque, rationalisé et appuyé sur d'énormes
moyens financiers.
À partir de 1900, le cirque traditionnel, dont la décadence est déjà sensible en France et en
Angleterre, lutte péniblement contre la concurrence du music-hall, qui lui enlève public et artistes.
Depuis 1920, la formule des grands chapiteaux ambulants s'est particulièrement développée, comme
celui de l'Allemand Sarrasani (1873-1934), les cirques Amar, Bouglione et Pinder. Au cours du XXème
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siècle, le cirque est devenu une grande entreprise industrielle et les petits cirques artisanaux ont
aujourd'hui presque tous disparu.
Dans le cirque actuel, les arts équestres, qui sont pourtant à l'origine de cette activité, tiennent une
moindre part (même si certains cirques, comme celui animé, en France, par la troupe Zingaro
(Bartabas) ne se consacrent qu'aux arts équestres). Bien des cirques donnent des spectacles qui
ressemblent à des revues de music-hall. Cependant, à aucun moment de son histoire le cirque n'a
offert une telle profusion et une telle diversité de numéros, comme en témoigne le Festival mondial de
Monte-Carlo, grand rendez-vous annuel de la profession. Les artistes y accomplissent fréquemment
des exploits que leurs prédécesseurs n'auraient jamais crus possibles : le trapéziste américain Don
Martinez, par exemple, exécutait couramment un triple saut périlleux et demi avec son partenaire ; le
célèbre cirque Knie, en Suisse, présentait un tigre dressé à chevaucher un rhinocéros, et une girafe et
un hippopotame se sont produits dans des numéros. Les années 1980 sont marquées par des
expériences de renouvellement multiples, comme celles d'Archaos et du cirque Plume en France, ou
le cirque du Soleil au Canada. En 1990 s'est créé à Montréal, au Canada, la Fédération mondiale des
écoles de cirque. Depuis le cirque n’a eu de cesse de se diversifier et, dans un vent de liberté, s’est
ouvert aux autres arts.
Encyclopédie Larousse en ligne
Arts visuels
Les arts visuels sont ceux produisant des œuvres perçues essentiellement par la vue. Cette notion
englobe les arts-plastiques traditionnels ou « beaux-arts » auxquels s’ajoutent les techniques
nouvelles comme les arts numériques, la photographie, l’art vidéo, les arts appliqués, les arts
décoratifs (textiles, design, marqueterie…), l’architecture, l’illustration et le modelage.
La performance artistique peut également entrer dans les arts visuels puisqu’elle en croise
généralement plusieurs (la photographie, la vidéo, la sculpture…).
Ballet
« Spectacle chorégraphique intégrant, selon les époques, les pays, les courants, musique, chant,
texte, décors et machinerie. Le mot est aussi utilisé pour désigner l’ensemble des danseurs d’une
compagnie.
Issu du Balleto élaboré dans les cours italiennes du quattrocento, le ballet acquiert en France, au
XVIe siècle, une forme qui, par la fusion de la danse, de la musique, de la poésie et de la peinture,
devient la réalisation du rêve de l’Académie de musique et de poésie d’Antoine de Baïf et du projet de
synthèse artistique envisagé par la Pléiade. Ne cessant d’évoluer, il revêt en cours au cours des
quatre siècles qui suivent les formes les pus diverses. […] Conjugué avec d’autres formes théâtrales,
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il devient comédie-ballet, tragédie-ballet, opéra-ballet. En fonction des époques, des circonstances et
des créateurs, il peut être narratif ou non. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Battle
Confrontation de danse chorégraphiée entre deux ou plusieurs troupes de danse hip-hop.
Née dans le ghetto du Bronx, la culture hip-hop se revendique de la rue et n’a cessé d’évoluer ces
quarante dernières années. Les formes artistiques qui s’expriment en son sein sont nombreuses, on
peut en dénombrer trois principales renfermant chacune une pluralité de formes d’expression : les
formes musicales (Djing Rap, Slam, etc.), les formes graphiques (Graff, Tag), les formes dansées : les
disciplines du B-Boying, appelé aussi break, et celles des Danses Debout.
Depuis les années 1980, le mouvement hip-hop a subi de nombreuses transformations et il semblerait
que l’expression Street Dance pour évoquer l’ensemble des disciplines de danse existant à l’intérieur
du mouvement soit plus pertinente. Ce sont aussi les modalités de pratiques de la danse qui se
transforment. Le « battle », mode d’expression, de rencontre, de visibilité et de compétition avec des
juges et un classement des compétiteurs, prend ainsi une place grandissante au sein du mouvement.
De véritables championnats sont mis en place donnant un nouveau visage à la Street Dance
auparavant plutôt démonstrative ou organisée autour de défis ponctuels.
Aujourd’hui, les battles tiennent une place très importante dans les pratiques des danseurs et les
autres formes de pratiques (cours, salles…) se pensent souvent comme une préparation à ceux-ci : «
un véritable entraînement » précise Leslie. De très nombreux danseurs et groupes de danseurs ont
envie de se mesurer les uns contre les autres : « Pourquoi le break il a monté ? Parce qu’il y a plein
de crews et les jeunes ont envie de se mesurer les uns contre les autres. Maintenant, les groupes ne
se rencontrent plus dans des soirées, ils se rencontrent dans des battles » (Babson, danseurs).
Leur mode de fonctionnement est assez semblable. Un battle peut par exemple avoir ou non, un
thème particulier, des tranches d’âge et un genre imposés (il peut s’agir des battles réservés aux Bgirls 11 ou aux enfants), un niveau requis pour y participer, un fonctionnement en équipe ou en
individuel (le nombre de danseurs par équipe est imposé), proposer des prix pour le gagnant. Le choix
des disciplines qui seront dansées durant le battle et la gestion du temps appartiennent à l’instance
organisatrice.
Un jury est organisé : les juges sont quasiment toujours des danseurs qui sont reconnus dans le
milieu de la Street Dance. Les organisateurs essayent souvent de choisir des juges spécialisés dans
les disciplines présentes au battle.
On assiste à une rationalisation, une « sportivisation » de la street dance à travers les battles :
l’exigence technique et physique mène à des entraînements de plus en plus intenses et rigoureux. Par
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ailleurs, ils institutionnalisent la discipline : « Avant, les battles n’existaient pas. Il y avait des grands
cercles, des défis, pas de règlements, pas de technique » (Minouche, danseuse). Le jury,
généralement composé de danseurs chevronnés, priment les techniques de base, les fondamentaux
de la danse hip hop.
Cécile Collinet et Coralie Lessard, « Les battles de Street Dance : un entre-deux culturel », Sociologies
Chorégraphie - chorégraphe
La chorégraphie est l'art de composer des danses et des ballets, principalement pour la scène, au
moyen de pas et de figures.
Le premier à avoir utilisé le terme chorégraphie est le maître à danser Raoul-Auger Feuillet dans son
traité paru en 1700 : Chorégraphie, ou l'art de décrire la danse par caractères, figures et signes
démonstratifs. Le terme désignait alors le système de notation de la danse qu'il avait mis au point.
Jusqu'aux Encyclopédistes et au Dictionnaire de la danse de Charles Compan (1787), la chorégraphie
signifie l'art d'écrire la danse. En 1810, Noverre en parle encore comme d'une discipline qui « amortit
le génie » du compositeur de ballet.
Ce n'est qu'au début du XIXe siècle que le terme commence à s'appliquer au créateur de ballet, à
celui qui « invente » des figures et des pas de danse. C'est Carlo Blasis qui en fait le premier l'usage,
en 1820, mais sans grand succès. On parle plus volontiers de « maître de ballet » ou de
« compositeur », les danseurs solistes ayant l'habitude de régler eux-mêmes leurs variations.
En 1935, Serge Lifar publie son Manifeste du chorégraphe, dans lequel il lui revendique une place de
concepteur, tout comme le metteur en scène de théâtre. Quelques années plus tard, il préconise
d'appeler l'auteur de ballet un choréauteur, afin de sortir les termes chorégraphie et chorégraphe de
leur ambiguïté.
À cette époque, George Balanchine introduit le mot choreographer dans le milieu de la comédie
musicale et du cinéma américain, en lieu et place du dance director.
Aujourd'hui, la danse contemporaine repose la question de l'auteur face aux créations collectives, et
on considère de plus en plus les métiers de chorégraphe et d'interprète comme différents et
complémentaires, l'un pouvant aller sans l'autre.
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Cintre
Terme technique qui désigne l’équipement situé au-dessus de la cage de scène.
C’est le point de convergence de tous les fils servant à la manœuvre des décors équipés en hauteur.
Ce terme vient de l’architecture. Le « plein cintre » est l’arc sur lequel est construite la voûte d’une
église et, dans la marine, « cintrer » renvoie à l’opération qui consiste à faire passer, d’un bord à
l’autre, sous la carène, de forts cordages. Quand on sait que le théâtre tient ses origines et de l’église
et du bateau, on comprend mieux l’importance du contre et la fréquence de l’emploi du mot.
Le cintre comprend les herses, les ponts volants, mes fils, les moufles, les tambours et le gril qui
couronne le tout. Les cintres peuvent occuper trois ou quatre étages et sont desservis per des
corridors ou des passerelles dont les accès portent le nom de service.
Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002
Clubbing
Le clubbing est un anglicisme venant du verbe “to club” dérivant de “night-club” : boîte de nuit ou
discothèque en français. On peut le traduire de manière littérale par le fait de « sortir en boîte ».
À l’origine, un club désigne un cercle réservé à une société choisie où l’on se réunit. Par extension, le
clubbing est une communauté jeune, nocturne et urbaine qui se réunit pour danser et se retrouver
autour d’une musique particulière. Cette musique évolue selon les époques (on a connu le disco, le
punk, la new-wave, l’électro, la techno, la house…) et sous-entend des codes vestimentaires et
sociaux. Certaines références cinématographiques et littéraires dressent une définition plus
sociologique du clubbing, notamment Human traffic (1999, Justin Kerrigan) et Trainspotting (1993,
Irvine Welsh adapté par Danny Boyle en 1996).
Selon eux, les clubbers représentent une communauté de personnes issues des classes
moyennes/basses qui se rassemblent pour danser le vendredi soir après s’être ennuyées toute la
semaine au travail. La fête devient un DEVOIR et un mode de vie à part entière, par elle, on démontre
que l’on est encore vivant. Elle prend la forme d’une revanche sur l’exploitation dont on est victime au
quotidien.
Cet état d’esprit naît dans les années 80 au Royaume-Uni avant de s’exporter en Europe (notamment
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massivement en France, lorsque le gouvernement Thatcher déclare les rassemblements de type rave
illégaux). Ce nouveau mode de vie, créé pour échapper le temps de quelques heures à une réalité
sociale sombre est intimement lié au monde de la drogue. Notamment, l’ecstasy et son visage jaune
1 Rassemblement autour de musique underground habituellement organisé en plein air ou dans des lieux
déserts
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souriant deviennent rapidement ses symboles, tout comme l’Acid House un mouvement musical à
part entière.
On connaît une progressive industrialisation du clubbing, qui perd parfois son caractère underground
et politique contestataire d’origine. Des clubs très privés fleurissent dans les grandes villes, bien loin
des sous-sols désaffectés, champs de campagnes ou dessous de pont qui accueillaient ces
rassemblements il y a bientôt 40ans.
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Comédie musicale
Genre de spectacle né aux États-Unis dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Ce divertissement théâtral populaire qui combine le déroulement narratif à des éléments musicaux et
chorégraphiques s’illustre abondamment dans les théâtres de Broadway et sur les écrans de
Hollywood. Assez pauvre en France, il fleurit entre autre en Grande-Bretagne et en Allemagne dans
les années 1930, mais les États-Unis demeurent sa terre de prédilection.
Puisant à diverses sources (peinture, théâtre, opéra, opérette, pantomime, vaudeville, musique
populaire, ballet, danses traditionnelles), la comédie musicale est souvent le reflet de sensibilités
collectives ou de la conjoncture historique. Marqués par la succession de styles musicaux (des
chansonniers à l’opérette, de l’opéra au swing, de la musique traditionnelle au rock and roll), l’univers
de ce genre narratif commence « là où se mêlent la réalité et le monde imaginaire du spectacle
chanté et dansé » (Rick Altman).
La définition de la comédie musicale est parfois délicate, car le terme anglais « musical » désigne
diverses formes de spectacles musicaux. Si, par la suite, le genre s’appuie sur un certain nombre de
critères communs, jusque vers 1940 les productions exploitent avec une formidable vitalité le matériau
disponible sans trop s’embarrasser de règles formelles.
Après le succès de The Black Crook en 1866, les extravaganzas se multiplient jusqu’au début du XXe
siècle et le propos s’affine. Tandis que Broadway devient le centre de l’ « Entertainment », les
influences européennes s’estompent après avoir légué deux éléments fondamentaux : d’abord, le
principe d’une intrigue théâtrale entrecoupée de danses et de chansons, menée par des personnages
bien définis, est clairement posé. Ensuite, l’ensemble féminin évoluant et chantant à l’unisson, que le
puritanisme désapprouve mais que le public réclame, fait peu à peu de la chorus line la composante
obligée de tout spectacle musical. Cependant le genre trouve ses marques en puisant dans la culture
spécifiquement américaine, sous l’impulsion de personnalités aux multiples talents tels que G.M
Cohan. Sur ses pas, Broadway va continuer de produire des spectacles musicaux à l’image de l’esprit
2 Sources : Andrew O’Hagan, « Trainspotting : The Boys are Back in Town », Ginette Vincendeau (ed.)
Film/Literature/Heritage : A Sight and Sound Reader, London, BFI, 2001
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américain et de l’exubérance d’une époque. Shuffle Along (1921), production africaine-américaine,
donne une impulsion déterminante aux claquettes, aux danses issues de la culture noire et confère à
toute la danse du théâtre musical une nouvelle vie cinétique et rythmique qui secoue sa monotonie.
Destinés à divertir, les moments chorégraphiques sont le plus souvent conçus comme de simples
intermèdes hors du temps, exclus de la trame narrative, et les dance directors se contentent souvent
de reproduire sans grande originalité des formules à succès.
Avec Show Boat (1927), les chansons sont, pour la première fois, étroitement liées à l’argument pour
faire progresser l’action. Pendant les années 1930, en dépit de quelques tentatives d’intégration dues
à F. Astaire ou G. Balanchine, la danse reste cependant extérieure au déroulement narratif. Il faut
attendre les années 1940 pour qu’elle devienne à son tour partie prenante de l’intrigue, marquant ainsi
l’avènement de la comédie musicale moderne avec des chorégraphes tels A. De Mille (Oklahoma !,
1943), J. Robbins (On the Town, 1944), H. Holm (Kiss me Kate, 1948), J. Cole (Magdalena, 1948).
Devenue moteur de l’action, combinant toutes les techniques, la danse atteint, au-delà de sa valeur
divertissante, une ampleur expressive utilisée pour développer les personnages, créer une
atmosphère, donner du corps au thème central. Lorsque Robbins, B. Fosse, M. Bennett, ou G.
Champion se voient confier la totalité de la mise en scène, les moments dansés conditionnent la
dynamique théâtrale. West Side Story (1957) reste l’un des exemples les plus aboutis de l’osmose
ainsi obtenue.
L’inspiration de la comédie musicale est des plus variées. La culture américaine, les péripéties
amoureuses, l’exotisme, le spectacles dans le spectacle constituent les thèmes les plus exploités
jusque vers 1945. L’adaptation de grands succès littéraires, les évocations historiques, la contestation
sociale, l’engagement politique, renouvellent les sujets de la seconde moitié du XXe siècle comme
dans Hair (1968), voix de la rébellion contre la guerre et les conventions de la classe moyenne qui
inaugure la comédie musicale rock.
Après avoir connu, entre 1930 et 1960, son âge d’or tant sur scène qu’à l’écran, assujettie aux coûts
de production et aux goûts changeants du public, la comédie musicale va lutter contre le
dépérissement non sans connaître quelques grands moments comme A Chorus line (1975). À partir
des années 1980, les productions sont en diminution constante. Nombre d’entre elles sont créées à
Londres par des auteurs compositeurs britanniques ou français avant d’être couronnées à Broadway :
Cats (1981), The Phantom of the Opera (1986), Les Misérables (1980, Paris ; 1982, Londres ; 1987,
Broadway). Le règne des chorégraphes-metteurs en scène semble achevé. Hormis dans Cats, la
danse perd sa place prépondérante au profit de la partie lyrique du spectacle.
Au tournant du XXIe siècle semble se dessiner un renouveau du genre : Rent (1996), le Roi Lion
(1997), Aïda (1998), The Producer (2001), Wicked (2003) sont autant de succès de Broadway
adaptés pour de nombreux pays (Allemagne, Espagne, Japon). En France, le goût pour les comédies
musicales ne cesse de s’affirmer depuis Notre-Dame de paris (1998). Les Dix Commandements
(2000), Roméo et Juliette (2001), Autant en emporte le vent (2003) ou Le Roi Soleil (2005)
témoignent, avec plus ou moins de bonheur, de cet intérêt. Préférant la bande enregistrée à
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l’orchestre live, condition sine qua non des comédies musicales anglo-saxonnes, ce sont davantage
des spectacles musicaux qui entretiennent des liens très étroits avec l’industrie du disque. De surcroît,
les spectacles français ne jouent pas sur la même échelle de temps que leurs homologues anglosaxons, où l’aménagement important des théâtres nécessite qu’ils restent plusieurs années à l’affiche.
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Côté cour, côté jardin
Afin d’éviter la confusion entre droite et gauche de la scène, de même que, sur un bateau, on a
« babord » et « tribord », les mots « cour » et « jardin » sont venus remplacer « côté du roi » et « côté
de la reine », termes usités jusqu’à a Révolution française.
L’origine de ces appellations est la suivante : en 1770, la Comédie-Française s’installe aux tTuileries,
en attente d’un nouveau bâtiment, dans la salle dite des « Machines » ; cette salle donnait, d’un côté
sur l’intérieur des bâtiments (la cour), de l’autre sur le parc (le jardin). Ces mots sont préférés à « roi »
et « reine » après la Terreur.
Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002
Dadaisme
En 1916, Première Guerre mondiale, la Suisse neutre est un refuge pour de nombreux artistes. Parmi
eux, Hugo Ball et Emmy Hennings créent le Cabaret Voltaire. Des artistes tels que Marcel Duchamp,
Tristan Tzara ou encore Marcel Janco s’y réunissent pour présenter ou assister à diverses
manifestations artistiques littéraires, musicales ou visuelles.
Le Dada prend d’assaut l’art moderne pour une recherche de liberté, de légèreté et d’humour à
travers l’expression artistique. Devant la violence et l’absurdité de la guerre, les artistes Dada désirent
faire table rase des logiques et des règles préétablies du monde pour instaurer une vision nouvelle de
l’art et du beau (par exemple en reprenant le vocabulaire en donnant une connotation positive à tous
les mots, ou encore en explorant la spontanéité de la performance).
Marcel Duchamp, Man Ray et Francis Picabia s’installent aux États-Unis pour y exposer leurs
œuvres. Malgré de maintes expositions et le lancement de la revue 291, ils sont forcés de conclure
que Dada n’est pas fait pour vivre en sol américain, malgré le succès relatif des ready-mades de
Duchamp. Cependant, des artistes telles que Béatrice Wood et Clara Tice continuent à faire vivre le
mouvement aux États-Unis, lui donnant un tournant un peu plus érotique.
Pendant ce temps, en Allemagne, Jean Arp et Max Ernst connaissent un succès retentissant. À
Paris, un jeune écrivain et critique littéraire d’avant-garde, André Breton, encourage le mouvement
Dada dans le monde littéraire. Ses manifestations artistiques créent le chaos et suscitent le scandale.
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En 1921, la revue belge Ça ira ! annonce la mort de Dada. André Breton, auparavant sympathisant,
se prononce tout d’un coup radicalement contre son renouvellement. Le mouvement Dada se dissout
à l’occasion d’un procès fictif contre l’œuvre nationaliste de l’écrivain Maurice Barrès, où le tribunal est
présidé par Breton et Tzara. Suite à des désaccords majeurs entre les accusateurs, Tzara quitte le
tribunal et signe la séparation entre surréalisme et dadaïsme, ainsi que la fin du mouvement Dada.
NB : les artistes dont le nom est en gras sont ceux dont les poèmes sont scandés dans la pièce Dbddbb de Daniel Linehan.
Juliette Périers-Denis, « Qu’est-ce que le dadaïsme ? », Histoire de l’art, Dadaïsme.org
Danse classique
« Forme héritière de la belle danse française, pratiquée en Europe occidentale depuis le XVII°s et
dont les principes fondateurs techniques et esthétiques sont l’en dehors et l’aplomb, l’esprit de rigueur
et de netteté, le souci d’élégance et de clarté. Art vivant, la danse classique ne cesse de s’enrichir,
assimilant au fil des siècles de nouveaux apports (notamment, au XIX°s, la technique des pointes) et
évoluant vers de nouveaux concepts : ainsi les notions de néoclassique et de classique du XX°s en
font désormais partie intégrante. Composante essentielle du spectacle de ballet, elle est diffusée à
travers toute l’Europe durant les XVIII et XIX°s, puis gagne les autres continents dans la seconde
moitié du XX°s. Ayant pendant près de quatre siècles, subi des mutations, elle garde des éléments qui
la rattachent à ses origines. Parmi ces traces durables, le vocabulaire qui a servi à décrire et à
nommer le mouvement, par son usage ininterrompu depuis le XVII°s, étendu aujourd’hui de
l’Amérique au Japon, constitue la preuve incontestable qu’elle demeure une esthétique de référence
au-delà des modes et des frontières. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Danse contemporaine
« Expression générique recouvrant différentes techniques ou esthétiques apparues dans le courant du
XX° siècle. […] Générationnelle dans un premier temps, elle ouvre sur une volonté de se nommer, qui
ne traversait guère la danse moderne. Elle dessine de ce fait une mutation dans le rapport à l’art de la
danse et à son histoire. Alors que la danse moderne se fondait en « écoles », en « nouvelles
maîtrises », la danse contemporaine se désigne comme telle à partir d’individualités d’auteur, chacun
se reconnaissant ou non contemporain de tel ou tel autre. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
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Danse néoclassique
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« Conception de la danse classique qui se développe au XX siècle. Répondant à des préoccupations
è
esthétiques qui diffèrent de celles des chorégraphes du XIX siècle, la danse néoclassique prend
naissance avec les ballets russes de Diaghilev. […] Elle débouche dans la seconde moitié du XX
è
siècle sur la naissance d’une « danse classique contemporaine » qui se caractérise par des
métissages variés faisant appel à des formes empruntées aussi bien à la danse jazz, aux techniques
modernes qu’au folklore mondial ou à l’acrobatie.[…] Sur le plan technique, d’une manière générale la
danse néoclassique se démarque de l’esthétique corporelle linéaire du ballet prévalant avant le XX
è
siècle en intégrant des formes angulaires : mouvements et poses en plié, pointes « outrepassées »,
articulations cassées.[…] Des positions non en dehors sont intégrées au vocabulaire voir des
positions en dedans, tandis que tout le corps est mis à contribution (mains, bouche, regard, voix).
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Danse traditionnelle
« Pratique de danse issue des sociétés préindustrielles. Différents termes sont également utilisés
dans un sens plus ou moins équivalent, comme danse folklorique, populaire, vernaculaire, ethnique
ou nationale. […] C’est une danse diversifiée, chaque territoire développant ses propres formes.
Expression d’une communauté, elle concerne l’ensemble du groupe, même si elle peut, à l’occasion,
en isoler certains membres : jeunes gens, jeunes filles, hommes, femmes, couples. Elle est
accompagnée de chant ou de musique jouée avec des instruments traditionnels. Etroitement associée
aux divers moments de la vie quotidienne, elle n’exige pas de circonstance particulière, et revêt donc
tour à tour diverses fonctions : divertissement, travail, rituel magique, élément d’une cérémonie, voire
spectacle. Elle est transmise directement d’une génération à l’autre, oralement ou par imitation. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Décor
Pour reprendre la formule de Louis Jouvet (1887-1951), c’est le « costume de la pièce ».
Il est vrai que son élaboration est semblable à celle du costume : ce n’est qu’à partir du Cid de
Corneille, en 1637, et de la Sophonisbe de Mairet (1634) que l’on s’est mis à envisager un décor
approprié à chaque pièce. Jusque-là, le décor était « passe-partout » et les toiles peintes
interchangeables.
Au XVIe siècle, le décor était un signe efficace dans son minimalisme : de même que le costume
s’accompagne d’une barbe pour le bourreau et d’une houlette pour le berger, le décor de 1580 au
théâtre du Globe, à Londres, est celui de la place publique comme l’est celui de la Commedia dell’arte
11
en Italie, puis en France : « Les décors étaient simple. Deux épées croisées, quelquefois deux lattes,
signifiaient une bataille ; la chemise par-dessus l’habit signifiait un chevalier ; la jupe de la ménagère
des comédiens sur un manche à balais signifiait un palefroi caparaçonné […] Un acteur barbouillé de
plâtre et immobile signifiait une muraille ; s’il écartait les doigts, c’est que la muraille avait des
lézardes. Un homme chargé d’un fagot, suivi d’un chien et portant une lanterne signifiait la lune ; sa
lanterne figurait son clair » (Victor Hugo, William Shakespeare).
Si l’imagination était à l’aise dans l’espace élisabéthain, entouré d’un public joyeux et dégourdi de
cours d’auberges, elle devait faire des efforts face à l’espace exigu et encombré du théâtre classique :
il fallait, déjà, distinguer l’acteur et la personne « du bel air » installé sur les banquettes. Il est certain
que l’intervention du comte de Lauraguais, en 1759, venant débarrasser la scène des spectateurs, eut
une influence décisive sur le décor.
C’est alors que la machinerie, avec ses apothéoses, ses gloires, ses nuées, n’en finit pas de déployer
ses inventions et son savoir-faire. Cet élan vers le merveilleux lié à la sophistication des décors,
trouve son point culminant avec les Fééries.
Le mélodrame vient mettre le décor au premier plan ; tandis qu’à l’époque classique, c’est le
personnage principal qui donne son nom à la pièce (Le Tartuffe, Le Misanthrope) le mélodrame met
en avant le lieu (Le Château du Diable).
En 1825, se produit « la » grande révolution : le baron Taylor est nommé « Commissaire royal » au
Théâtre-Français. Il revendique la variété des costumes et leur originalité, de même que l’adéquation
du décor à la pièce. Ce qui ne s’était encore jamais vu. L’unité du lieu est abolie ; Alexandre Dumas, à
la fois auteur et metteur en scène, s’acharne sur l’exactitude historique et la couleur locale.
André Antoine, qui ouvre le Théâtre-Libre en 1887, dans sa passion du détail vrai, ira jusqu’à
accrocher des quartiers de viande aux châssis.
Si le naturalisme à la Zola ne pouvait, sur une scène, qu’aboutir à une impasse, il fut cependant une
étape avance ce que l’historien de la scénographie Denis Bable a appelé « les grandes révolutions
scéniques du XXe siècle » : « le décor n’existe pas pour lui-même, il n’existe qu’en fonction du texte.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’était qu’une place de jeu, le cadre de l’action. Pour nous, il est
devenu un acteur ; il n’est pas auteur de la pièce mais ‘de la pièce’ » (Gaston Baty, Rideau baissé).
Le décor de théâtre n’est plus plaqué, interchangeable et arbitraire : il est nécessaire. Il s’agit moins
de décorer que de proposer un dispositif scénique, une « mise en espace », il s’agit moins de jouer
« devant » un déco, généralement une toile peinte, qu’ « avec » lui : devenue « machine à jouer », le
décor engage le jeu de l’acteur. L’idée de décoration est abolie au profit de celle d’ « espace
mental » ; c’est pourquoi, aujourd’hui, on lui préfère le terme de scénographie.
Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002
12
Face
C’est le devant du plateau, la partie la plus proche du public, opposée au lointain. On parle aussi de
« face » pour la partie de tout élément de décor orienté vers le public. Face, lointain, cour et jardin
sont les quatre points cardinaux du théâtre.
Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002
Figure
Ensemble des déplacements d'un danseur, formant un tout harmonieux et généralement codifié. La
danse hip hop, par exemple, fonctionne avec des figures de base très codifiées (voir lexique du
dossier hip hop) qui s'inscrivent de façon plus ou moins linéaire dans une chorégraphie.
Flamenco
« Terme générique regroupant les chants, les danses et la musique des Gitans d’Andalousie, issus de
l’ethnie tsigane et dont la langue, le calò, est un dialecte de la famille du sanscrit.
e
Comme partout en Europe, les Gitans vont exercer, dès leur arrivée en Espagne au 15 siècle, leurs
talents de musiciens. Ils participent, lors des grandes fêtes religieuses, aux réjouissances populaires ;
on les engage pour la fête de Corpus Christi (Fête-Dieu) et les nobles les utilisent pour animer leurs
e
fêtes privées. Le répertoire des danses gitanes s’élargit dans le courant du 18 siècle avec l’apparition
du fandango et de nombreuses danses andalouses. Parallèlement, la répression s’accroît contre les
Gitans d’Espagne : en 1749, l’évêque d’Oviedo, gouverneur du conseil, organise leur arrestation
générale. En 1783, une pragmatique signée par Charles III relâche la pression. Certaines familles de
la basse Andalousie se voient alors consentir des « privilèges », en reconnaissance de services
rendus dans l’armée des Flzndres. C’est au sein de ces familles de Gitans « Flamencos » que va
e
surgir, à la fin du 18 siècle, une culture nouvelle qui portera à son tour le nom de « flamenco ».
Art d’improvisation et de filiation, sa généalogie reste incertaine. Les années 1800 à 1860 forment la
première génération du flamenco. Figure de proue, El Planeta (considéré comme le créateur de la
siguiriya). La deuxième génération, de 1860 à 1910, marque l’âge d’or du flamenco. La mode du
gitanisme pénètre la société et la littérature. Les cafés de cante (cafés chantants) font leur apparition
à Séville à partir de 1847, et se développent à partir de 1860. Silverio Franconetti précise les notions
fondamentales et divise le chant en cantes grandes, cante puro et cantes chicos, où le chanteur, en
retrait, cède le pas à la danse. La troisième génération, à partir de 1910, est celle du flamenco
théâtralisé. En 1915 M. de Falla compose L’Amour sorcier pour la danseuse gitane P.Imperio, et
Antonia Mercé (la Argentina) crée en 1929 la première compagnie de ballet espagnol. Après la
Première Guerre mondiale, Mercé et V.Escudero donnent forme à une nouvelle esthétique en portant
le flamenco de la fête de village à la scène de théâtre. Escudero, qui est sans doute le premier à
13
danser les bras levés, prône, dans son Décalogue de la danse flamenco (1957) : virilité, sobriété,
verticalité, calme et stabilité, respect de la tradition.
Contrairement à la tradition espagnole de l’escuela bolera, de nature extravertie, la danse flamenca
est de type introverti ; la force se concentre dans la percussion des pieds (leur virtuosité technique est
essentielle au dynamisme du zapateado), mais aussi dans la qualité plastique des gestes des bras et
des mouvements de rotation du corps. Entre spontanéité et maîtrise, le secret du flamenco dansé
réside dans la science du compas (le rythme particulier attaché à chaque type de chant). Certaines
danses, légères et piquantes, forment des bailes chicos : tanguillos, alegrias, tientos, bulerias, rumbas
et garrotin. D’autres, qui font partie du baile grande ou jondo, sont empreintes de gravité, de fatalité et
de pathétique : cañas, soleares, siguiriyas, taranta et martinete. Au-delà de la technique, la danse
flamenca est avant tout question de tempérament. Art de la tension dominée, le flamenco est un
brasier où se consume l’expression de la passion. De relâchement en paroxysme, la danse atteint
parfois au duende, terme intraduisible qui indique un état proche de la transe. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Interprete
Au sens littéral, l’interprète est une personne transposant une langue dans une autre. En danse, le
sens de l’interprète n’est pas loin : il est la personne qui transpose un langage (écrit, musical, voire
pictural) en langage chorégraphique, dansé. Il traduit l’œuvre de l’auteur alors invisible ; puisqu’elle
n’existe que dans des didascalies écrites/dessinée voire, dans son esprit seul ; en mouvements alors
visibles pour le spectateur.
Le terme d’interprète comporte une dimension de liberté, de personnalité : l’artiste-interprète exprime
et représente d’une certaine manière l’œuvre artistique de l’auteur. Il existe par exemple diverses
interprétations (qui traduisent tout autant d’intentions artistiques et esthétiques) du Sacre du
Printemps. On ne parle pas des variations de l’œuvre, qui concernent les auteurs se saisissant d’un
original pour le réécrire, mais bien des différentes façons de les traduire et de les rendre intelligibles
sur scène, au-delà de la simple exécution.
14
Le Geste
Dans la danse les gestes acquièrent une signification artistique ; ils sont plus élaborés et signifiants
que les gestes du quotidien et constituent un mode d’expression à part entière.
Chaque geste d’un danseur peut être caractérisé par sa forme, sa densité et sa nature ; chacune de
ces caractéristiques participant bien sûr à l’expression du geste.
La forme d’un geste correspond à son aspect visuel ; on peut ainsi distinguer par exemple des gestes
ronds, des gestes plutôt rectilignes, des gestes d’aspect brisé, des gestes symétriques ou
asymétriques. L’ensemble du corps participe à l’aspect visuel d’une gestuelle.
La densité est liée à l’énergie mise dans le geste et l’on peut avoir ainsi des gestes plus ou moins
lourds ou au contraire plus ou moins légers. L’utilisation du poids du corps est un élément essentiel du
mouvement dansé.
La nature d’un geste correspond à son caractère et l’on peut avoir, selon ce critère, par exemple des
gestes vifs, lents, liés, atténués, etc. qui donnent une signification différente à la danse.
Jonglerie
La jonglerie, souvent appelée jonglage ou encore jongle est à la fois considérée comme un jeu, un
sport, un art ou encore un rite religieux. C’est un exercice d’adresse qui consiste dans son sens le
plus strict à lancer, rattraper et relancer de manière continue des objets en l’air. L’acception que l’on
donne au mot peut varier selon les pays ou les pratiquants, prenant en compte la seule manipulation
d’objets ou l’ensemble du spectacle que l’artiste donne. De ce fait on en donne souvent une définition
plus large qui inclut toutes les manipulations d’objets demandant de l’entraînement. La part artistique
de la jonglerie pouvant être importante, l’expression corporelle et le côté théâtral comptent souvent
autant que la performance pure.
Kinésphere
« Concept spatial défini par Rudolf Laban. La kinésphère est l’espace relatif que le corps peut
atteindre sans transfert de poids. A la périphérie de cet espace, qui se transforme à chaque
mouvement, commence l’espace extérieur. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
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Lointain
Matérialisé par le mur du fond, le lointain est l’endroit le plus éloigné de ka scène, opposé à la face.
ème
Au XVII
siècle, les toiles peintes proposaient souvent des ciels donnant une impression
d’éloignement à l’infini.
Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002
Métaphore
Figure rhétorique. Procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens (terme concret dans un
contexte abstrait) par substitution analogique. Le langage de l’enseignement de la danse comporte de
nombreuses métaphores permettant de donner des images et des sensations se rapprochant de la
justesse du mouvement. (« S’ancrer dans le sol », « le poids de l’air »…)
Motif
Idée ou élément dominant, habituellement répété, dans une danse ou une séquence. En tant
qu’instrument chorégraphique, le développement de motifs part d’un simple mouvement ou d’une
courte phrase de mouvements que l’on manipule (par exemple en variant les éléments du
mouvement, en répétant, en fragmentant, en utilisant différentes parties du corps) pour élaborer des
séquences de mouvements pour une danse.
Musicalité
« Qualité d’articulation du mouvement ou d’une composition chorégraphique, ou aptitude de
l’interprète à articuler la danse qu’il exécute. Partant de l’idée générale de rendre visible le processus
musical, le concept de musicalité recouvre aussi bien un mode de rapport au support musical que
celle d’une articulation intrinsèque du mouvement indépendamment d’une relation concrète à la
musique. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Néoclassique
è
Conception de la danse classique qui se développe au XX siècle.
Répondant à des préoccupations esthétiques qui diffèrent de celles des chorégraphes du XIXème
siècle, la danse néoclassique prend naissance avec les Ballets russes de Diaghilev, tout
particulièrement dans le travail de M. Fokine, prolongé de manières diverses par L. Massine, B.
Nijinska, G. Balanchine, N. de Valois, A. Tudor, S. Lifar, entre autres. Elle débouche dans la seconde
16
moitié du XXème siècle sur la naissance d’une « danse classique contemporaine » qui se caractérise
par des métissages variés faisant appel à des formes empruntes aussi bien à la danse jazz, aux
techniques modernes qu’au folklore mondial ou à l’acrobatie, tendance qu’illustrent différemment des
chorégraphes comme J. Robbins, R. Petit, J. Neumeier, H. Van Manen, J. Kylián, M. EK, N. Duato, T.
Malandain, W. Forsythe.
Sur le plan technique, d’une manière générale la danse néoclassique se démarque de l’esthétique
corporelle linéaire du ballet prévalant avant le XXème siècle en intégrant des formes angulaires :
mouvements et poses en plié, pointes « outrepassés », articulations cassées. Le référentiel d’espace
traditionnellement dessiné par les horizontales et les verticales est déplacé par des arabesques
étirées, un travail de pointes hors de l’axe poussé parfois jusqu’au déséquilibre, le passage au sol.
Des positions non en dehors sont intégrées au vocabulaire […], voire des positions en dedans tandis
que tout le corps est mis à contribution (mains, bouche, regard, voix).
Cette évolution technique est soulignée par l’usage régulier du justaucorps et du collant qui exalte les
lignes du corps, mais c’est surtout l’abandon de la narration comme processus chorégraphique
dominant – et par conséquent de la pantomime » qui caractérise, sur le plan esthétique, l’évènement
du ballet néoclassique.
Pantomime
La pantomime, art primordial
La pantomime, art d’exprimer une histoire mais aussi des idées et des émotions sans le recours des
mots, s’appuie sur l’expression du corps. Cet art très ancien, présent déjà dans l’Antiquité grécoromaine, est fondamental.
Ne suffit-il pas en effet d’observer l’homme dans sa vie quotidienne pour déceler les multiples
possibilités expressives d’un alphabet humain muet ?
Autre particularité de la pantomime en faisant un artifice précieux pour la scène : la rapidité de sa
manifestation. « En une seconde, chacun s’est tout dit, et pour explication, il a suffi d’un seul coup
d’œil », ainsi Maurice Lefèvre évoque-t-il dans la Revue d’art dramatique de 1892 un instant de
pantomime dans une pièce de théâtre.
Pantomime et danse
Il semble logique que la danse, art du mouvement du corps humain, croise le chemin de la
pantomime. La première apparition de la pantomime en France, au 17ème siècle, se trouve d’ailleurs
dans un genre spectaculaire chorégraphique, le Ballet de Cour ; cependant des moments de paroles y
ponctuent les entrées de danse. Au cours du 18ème siècle, la présence de la pantomime s’accentue
sur les scènes françaises, où, au sein de la concurrence acharnée entre théâtres officiels et scènes
foraines privées, les comédiens de celles-ci, interdits de paroles, inventent des pièces « à la muette ».
C’est en 1760, avec ses "Lettres sur la danse", que Noverre opère une sorte de fusion entre danse et
pantomime, en théorisant le « ballet-pantomime », genre chorégraphique autonome. À partir du livret,
ce nouveau genre de ballet prend totalement en charge la narration. Désormais, seuls les
mouvements du danseur expriment les sentiments du personnage qu'il interprète et aident à la
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compréhension du récit. Pour l’interprétation, Noverre recommande aux danseurs de s’inspirer de la
nature. Lui-même a été fortement influencé par le jeu de l’acteur anglais David Garrick, qu’il a vu jouer
à Londres : « (…) il fait éprouver dans le tragique les mouvements successifs des passions les plus
violentes, et si j’ose m’exprimer ainsi, il arrache les entrailles du spectateur, il déchire son coeur, il
perce son âme (…) » (9ème Lettre). Avec ce basculement vers une danse expressive, qui bouscule
les règles formelles du ballet, la porte s’ouvre vers l’expression des passions, exacerbée dans le ballet
romantique du 19ème siècle.
Pantomime classique, pantomime moderne
Au 19ème siècle, la pantomime dans le ballet se codifie en un ensemble de gestes définis et transmis
aux générations suivantes. Le ballet académique de Marius Petipa continue le ballet-pantomime,
cependant il privilégie la virtuosité au détriment de l’expressivité chère à Noverre. Mais, en tant qu’art
autonome, la pantomime évolue de son côté et trouve un écho dans la danse moderne, ainsi que
dans le cinéma naissant de l’avant film parlant—avec notamment ses deux représentants géniaux que
sont Charlie Chaplin et Buster Keaton. Comme le remarque Arnaud Rykner, dès la fin du 19ème
siècle la pantomime s’affirme en creusant son propre terrain, celui d’une corporéité primordiale : la
danse moderne naît de ce même lieu. Pantomime moderne, danse moderne : désormais le corps
s’émancipe du langage verbal et devient lui-même le lieu silencieux du théâtre et de la danse.
Sarah Nouveau, THEMA « Pantomimes », Numeridanse.tv, production Maison de la Danse
Performance
« Forme d’intervention artistique qui apparaît dans les années 1960. Née dans le milieu des arts
plastiques à la même époque que le happening, la performance met en jeu l’artiste lui-même qui,
accompagné ou non d’accessoires, évolue en public ou seul (dans ce cas, face à la caméra ou à
l’objectif photographique) dans un acte éphémère, expérimental, unique. […] Un autre approche met
en jeu la transdisciplinarité, occasion de rencontres, d’échanges entre les plasticiens et d’autres
champs artistiques […].
A partir des années 1990, des chorégraphes abordent la mise en danger du corps, convoquent les
formes de l’obscène, s’appropriant une des grandes caractéristiques de l’art de la performance :
provoquer des réactions de dégout ou des réflexes de rejet pour interroger les conventions et les
tabous (en particulier dans le domaine sexuel et racial), pour mettre à jour le refoulé qui habite
l’humain ou la société […].
Dans le même temps, les technologies numériques et l’interactivité qu’elles permettent, élargissent les
possibilités quant à des projets historiques de la performance : impliquer le spectateur dans l‘action en
cours selon le principe que les membres du public autant que ceux qui conduisent la proposition
artistique sont partie prenant d’un même événement. Que ce soit pour en jouer ou la mettre en abîme,
le performeur peut désormais recueillir al réaction vivante, immédiate, que suscite l’acte artistique en
cours et l’intégrer à celui-ci. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
18
Pina Bausch
Philippine Bausch, danseuse, pédagogue et chorégraphe allemande (1940-2009).
Élève de l’École de d’Essen alors dirigée par K.Joos, lauréate du Prix Folwang en 1959, elle part
ensuite étudier à la Juilliard School de New York. Parallèlement, elle danse dans la compagnie
Sanasardo, au New American Ballet et au Metropolitan Opera Ballet. De retour à Essen en 1962, elle
rejoint le FTS (Folkwand Tanzstudio) et devient la partenaire de J.Cébron. Im Wind der Zeit, un de ses
premiers essais chorégraphiques, est primé au Concours de Cologne en 1969.
H.Züllig, nouveau directeur de l’École d’Essen, lui confie alors un poste de professeur et la direction
du FTS, où elle crée plusieurs pièces dévoilant déjà toute la complexité psychologique qui restera la
marque de son travail. En 1973, Arno Wüstenhoffer lui propose de diriger le Ballet de Wuppertal. Sur
ses conseils, afin de ménager le public habitué au répertoire classique, elle présente des versions
nouvelles d’Iphigénie en Tauride (1974) ou Orphée et Eurydice (1975) parallèlement aux productions
issues de ses recherches. Malgré cela, de Frtiz (1974) à Blaubart (1977), puis à nouveau pour Arien
(1979), son travail est rejeté brutalement. La critique l’attaque, des conflits naissent au sein de
l’équipe, la ville menace de remettre en question son contrat. Les scandales se succèdent comme au
théâtre de Bochum lors de la première de Er nimmt sie bei der Hand (1978) inspiré du Machbeth de
Shakespeare : la chorégraphe résiste, travaillant sans relâche, créant dans les moments de désespoir
des œuvres majeures comme Café Müller (1978) et trouvant en Wüstenhoffer un soutien inébranlable.
Elle met à profit les moyens que lui procure l’institution pour affiner son Tanztheater. Le succès
international croissant à partir des années 1980, tout particulièrement en France, lui permet finalement
d’obtenir carte blanche de la ville de Wuppertal, fière d’une compagnie devenue son principal
ambassadeur.
En 1971, les yeux exorbités, l’horreur sur le visage, Bausch danse Philipps 836 885 (musique de P.
Henry), se frappant le corps comme si ses mains pouvaient exorciser le mal qui l’habite. Elle transmet
le malaise d’une conscience tourmentée, apeurée et en quête d’expiation. La peur exprimée dans ce
solo restera la plus fidèle compagne de la chorégraphe ; elle l’avouera souvent : peur d’elle-même, de
ses limites, mais aussi des autres et constat de leurs propres peurs. De cette fragilité, elle va
apprendre à faire un atout et finir par imposer son style dans une Allemagne des années 1970 qui
renie son passé et n’ouvre ses théâtre qu’aux chorégraphes issus de grandes compagnies classiques,
tels G. Bohner ou H. Kresnik : Bausch est la première danseuse de formation moderne qui accède à
l’institution théâtrale très fermée de l’Allemagne d’après-guerre. QSoutenue par toute la finesse du
style Jooss-Leeder, elle donne à la danse-théâtre une écriture des corps totalement contemporaine.
Dans une Allemagne où le théâtre fait rage, et s’enrage, elle trouve la complicité de R. Borzik, son
scénographe et ami, qui participe à la conception de toutes ses œuvres de 1975 à sa mort en 1980 : il
va une assise à son univers empreint de vertiges et dessiner, par les décors et les costume, un « look
Pina » reconnaissable dès les Sept Péchés capitaux (1976) et que P. Pabst et M. Cito perpétueront à
partir de 1980.
19
De son passage au FTS, Bausch garde la conscience d’une danse s’appuyant avant tout sur
l’honnêteté de la démarche créatrice. Ses premières pièces en sont l’éclatante démonstration. Ainsi
dans Wiegenlied [Berceuse] (1972) le spectateur assiste en silence aux viols répétés que perpétuent
deux hommes habillés en soldat. D’une grande virtuosité chorégraphique, cette succession de duos
violents, scandés par le bruit des bottes, se termine par une chanson suave, quelques mots d’une
berceuse parlant de la guerre et du père absent. Aktionen für Tänzer, présenté déjà à Wuppertal,
mais créé avec le FTS, est de la même veine. Ces tableaux macabres, ces scènes violentes,
s’adoucissent dans Fritz, œuvre transitoire qui inaugure son installation à Wuppertal et où la vision du
monde à travers les yeux de l’enfance semble ouvrir le chemin d’une innocence retrouvée. À partir de
la Légende de la chasteté (1979), Bausch s’oriente vers plus de dérision, d’humour, comme antidote
à son désespoir toujours présent ; avec Palermo Palermo (1989), ses pièces souvent créées en
résidence dans des grandes villes du monde s’ouvrent sur des aspects politiques et économiques,
atteignant parfois une certaine légèreté (Danzon, 1995 ; Mazurka, 1998 ; Agua, 2001 ; Nefés, 2003).
Dès 1976, Bausch abandonne définitivement la composition chorégraphique traditionnelle : accolant
des séquences discontinues selon un procédé proche du montage cinématographique moderne, elle
construit ses pièces « non pas d’un bout à l’autre, mais de l’intérieur vers l’extérieur ». Dans un
processus basé sur l’improvisation, elle aborde ses créations par des questions qu’elle se pose et
pose à ses interprètes, notamment sur les thèmes de l’identité, du souvenir, du désir, du rapport
homme-femme. De leurs réponses et propositions multiples qui allient actions, mots, chants ou
séquences de mouvement, émergent peu à peu des œuvres dont elle seule détient les clefs. Entourée
de H. Pop et R. Hogue, Bausch forge un style unique basé sur l’effet du nombre autant que sur des
personnalités affirmées telles que M. Airaudo, M. Alt, J.A. Endicott, L. Forster, M. Grossmann, V.
Kesselheim, A. Martin, D. Mercy, J. Minarik, V. Newport, jouant sur les actions simultanées, la
répétition de gestes par accumulation, les formes processionnelles, tels les défilés dans les
diagonales, figures reprises par la suite par d’autres chorégraphes.
Ensuite la princesse muette qu’elle interprète en 1974, rôle-titre de l’opéra Yvonne de B. Blacher,
d’après Witold Grombrowicz, et l’aveugle étrangement lucide du film de Federico Fellini E la nave va
(1983), Bausch est surtout une visionnaire de l’être qui trouve son expression au-delà des mots.
e
Reconnue mondialement comme une des chorégraphes les plus marquantes de la fin du 20 siècle,
elle renouvelle le rapport entre danse et théâtre et construit une forme de tragique contemporain qui
influence nombre de créateurs bien au-delà de la danse.
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
20
Plateau
Equivalent de planches ou de scène. Par contamination avec le vocabulaire du cinéma, plateau leur
est préféré depuis les années 1960. Le plateau désigne un espace plus important que la seule scène
puisqu’il comprend aussi les coulisses et les dessous.
Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002
Porté
Terme désignant un mouvement combiné au cours duquel un danseur est soulevé par un autre. Il
peut bien sûr s’entendre pour plus de deux interprètes en scène. Et il recouvre une grande variété de
e
postures. On trouve le porté dans la danse classique à partir du XIX siècle aussi bien que dans la
danse moderne ou contemporaine. Le porté peut enfin être collectif, à l’exemple de la chorégraphie de
Maurice Béjart, le Sacre du printemps, où l’Élu(e) est littéralement soulevé(e) par la troupe.
Noisette Philippe, la danse contemporaine mode d’emploi, Flammarion, Paris, 2010
Sacre du printemps
Ballet d’Igor Stravinski et Nicolas Roerich, chorégraphié par V. Nijinski en 1913, devenu une œuvre
majeure du répertoire chorégraphique (entre autres, Horton en 1937, Wigman en 1957, Béjart en
1959, Walter en 1970, Bausch en 1975 ou encore Tanaka en 1990).
Livret : Dans les collines, des jeunes gens auxquels se mêle une vieille voyante célèbrent l’arrivée du printemps par des
danses et des jeux ; survient le cortège du Sage qui bénit la terre printanière et préside à une danse sacrée (« Adoration
de la terre »). Les jeunes filles vierges se livrent à des rondes mystérieuses pour désigner l’Élue qui se sacrifiera pour
le printemps : après la danse des vierges en son honneur et l’invocation des ancêtres, l’Élue entame une danse
frénétique jusqu’à la mort par épuisement (« Le Sacrifice »).
Véritable révolution musicale, la partition de Stravinski opère un bouleversement esthétique qui
partage violemment les esprits. Le découpage des scènes rituelles ne renie pas définitivement les
influences de N. Rimski-Korsarov et de C. Debussy, mais ici les couleurs de l’orchestre de RimskiKorsarov disparaissent presque, et le rythme acquiert une place centrale par la révélation des
couleurs primitives. Conçu comme « une cérémonie de l’ancienne Russie », le ballet n’a de véritable
programme que son découpage musical. Les deux grandes sections de la partition se meuvent en
d’immenses blocs sonores. De la synthèse de tous les éléments musicaux opérée par Stravinski naît
une multiplicité esthétique qui explore intensément les effets acoustiques : harmonie âpres,
assemblages de timbres « bruts », folklore russe transformé, rythmique
irrégulière, superposition
polytonale d’harmonies et de mouvements mélodiques contrastants.
21
Quelle que soit l’approche qu’ils adoptent, de la veine folklorique au symbolisme le plus abstrait, et
l’évolution qu’ils font subir à l’ordonnancement de ce rituel archaïque et cruel, les chorégraphes sont
confrontés à la puissance évocatrice et à la profondeur de la partition – « Il me semble que j’ai pénétré
le secret du rythme du printemps », écrit Stravinski à Roerich pendant qu’il compose, précisant dans
une autre lettre : « Je suis convaincu que l’action doit être dansée et non mimée. » Les diverses
versions sont donc avant tout révélatrices de la danse de chaque chorégraphe, en particulier du
rapport qu’elle entretient avec le sol, la terre nourricière et sacrée ici invoquée. À partir des années
1980, des tentatives vont toutefois être faites pour contourner ce « monstre sacré » : utilisation d’une
version pour piano à quatre mains (Taylor, Alston) ou, plus radicalement, absence de la musique de
Stravinski à peine convoquée au finale (Tanaka). D’autre chorégraphes s’engagent dans des
relectures (Ek, Petronio et Clark, Delente), principe que Bel pousse à son paroxysme : dans un
spectacle-manifeste qu’il intitule de son propre nom, il se livre à une véritable refondation de l’acte de
danser, mettant en scène l’exploration intime de leur corps par deux danseurs nus tandis que la
partition de Stranvinski est chantée intégralement a capella par une interprète également nue.
Confrontée au refus des ayants droit de Stravinski, E. Woliaston reconstitue pour sa part l’esprit du
rituel du Sacre du printemps dans Réveil (1997, musique de Bruno Besnainou). Autant de démarches
e
qui montrent à quel point cette œuvre forme une pierre d’angle de toute la danse du 20 siècle.
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Savant / populaire (arts)
Les arts savants (qu’on appelle souvent, à tort, « classiques ») sont les arts s’appuyant sur l’étude. Ils
sont codés et consacrés par les Académies dans lesquelles ils sont enseignés. Les arts populaires,
au contraire, sont entendus comme ceux relevant du quotidien, de l’empirique ou du folklore.
Par exemple : la musique classique, la musique baroque vs le rock’n’roll, le rap // la danse de ballet vs
le hip hop, les danses traditionnelles // la peinture Renaissance vs l’illustration, le graff etc.
Cependant la distinction entre les deux va au-delà de leur simple définition, elle comporte avant tout
une dimension sociale (voire politique pendant plusieurs décennies). En effet, dans un jeux de
pouvoirs, le savant et le populaire permettent de différencier et de séparer l’élite sociale des classes
populaires ou « basses ».
Danse savante et pouvoir
Dès le XIIe siècle, l’Eglise crée un classement liturgique entre danses hautes et basses, savantes et
populaires. Les premières sont rapidement récupérées par le pouvoir politique qui s’en sert
notamment comme moyen de rayonnement culturel (et donc de pouvoir).
C’est Catherine de Médicis, avec son Ballet comique de la reine qui la première institue la forme de
ballet qui, aujourd’hui encore, demeure le symbole de la danse savante. Par la suite, c’est sous Louis
XIII, en 1613, que Thomas Francine a l’idée d’élever la scène. Il marque ainsi une plus forte
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différenciation entre espace public et espace scénique de la cour. Enfin, c’est Louis XIV qui crée en
1661 l’Académie royale de danse (avant de fonder l’Académie royale de musique en 1669).
Savant et populaire
La danse compte parmi les derniers arts à prendre le chemin de l’interdisciplinarité et à oser la
rencontre entre savant et populaire.
Les Ballets russes en font une amorce au début du XXe siècle en donnant à leurs ballets une
dimension acrobatique. Cependant, en Europe, les œuvres qui tentent le « mélange » sont très
décriées par la critique, comme l’ont été Le Sacre du Printemps de Nijinski ou encore Relâche de la
collaboration entre les Ballets suédois et le peintre Picabia.
C’est aux États-Unis que l’innovation trouve en premier son public : puisqu’outre Atlantique le poids
historique du ballet est bien moins lourd, la distinction entre danse savante et danse populaire est
moins radicale. Cette plus grande souplesse s’explique également que leur population est
historiquement empreinte de la culture musicale (et donc chorégraphique) afro-américaine.
Aujourd’hui, il existe une véritable porosité entre savant et populaire. D’une part on peut le remarquer
au fait que le savant s’inspire de plus en plus du registre populaire et convoque des références non
académiques (par exemple, D’après une histoire vraie, Christian Rizzo, 2013). D’autre part, les
danses populaires montent sur les grandes scènes classiques : le nombre de propositions de Hip Hop
et de cirque va croissant dans des institutions telles que le Théâtre National de Chaillot à Paris.
Enfin, et c’est sûrement l’indice le plus marquant du brouillement des frontières entre savant et
populaire : les Conservatoires et Académies de danse (mais également de musique) envisagent de
prodiguer des enseignements de genres relevant du populaire (comme le Hip Hop par exemple) les
rendant par là-même, académiques.
Scénographie
La scénographie (du grec skênê "scène" et graphain "écrire") désigne aujourd'hui l'art d'agencer un
espace scénique, grâce à la coordination des moyens techniques et artistiques.
La scénographie d'un spectacle comprend les traditionnels décors, toiles peintes et accessoires, mais
aussi l'éclairage (qui peut modifier l'espace et même parfois se substituer aux décors), la conception
même des mouvements de scène et de la « mise en espace » (la recherche du scénographe est alors
parfois proche de celle du dramaturge) et tout se qui construit l'esthétique d'un spectacle.
La scénographie d'un lieu de spectacle comprend toute l'organisation technique nécessaire à la
représentation (disposition du public, du cadre de scène, des rideaux éventuels, etc.)
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Séquence
La séquence à l’origine est un terme du vocabulaire cinématographique désignant une série de plans
continus qui forment une unité narrative.
Un film peut comporter plusieurs séquences plus ou moins importantes pour la structure et la
compréhension du film. L'analyse d'une séquence est un des exercices de base pour apprendre à lire
un film.
En danse, une séquence est une courte pièce chorégraphiée reposant sur un choix et un agencement
de mouvements délibérés et structurés.
Solo
Définition : Œuvre ou fragment d’œuvre destiné à un seul exécutant, accompagné ou non.
À l'orée du XXème siècle, le solo apparaît conjointement à l'émergence de la danse moderne. Aux
Etats-Unis et en Europe, dans un contexte souvent réformiste et révolutionnaire, le danseur soliste est
l'interprète et l'auteur de sa danse, riche des forces vitales de l'individu mais en même temps traversé
par les élans d'une société en mouvement.
« Le solo sort des théâtres, investit la nature ou les scènes de cabaret comme autant de lieux de sa
monstration. Il devient dès lors l'une des figures emblématiques et singulières de la modernité en
danse. Il marquera tout le siècle de ses apparitions successives, souvent empreintes d'une forte
dimension politique ou idéologique.
Dans ce travail solitaire, le danseur est à la fois acteur et spectateur de lui-même, explorateur et
créateur de sa propre matière gestuelle. Par ce dialogue de soi à soi, proche parfois du journal intime
ou de l'autoportrait, il opère simultanément un rassemblement et un dessaisissement de sa personne.
Hommage à une personnalité, jeu avec la musique ou un concept, mobilité induite par un objet ou un
environnement scénique apparaissent parfois comme des « subterfuges » pour autoriser cet échange
solitaire. » (Claire Rousier. La danse en solo, une figure singulière de la modernité).
Texte de présentation du Festival Danse Solo 2015 du CNDC
Théâtralité
« Notion intervenant en danse dès lors que celle-ci cesse d’être une pratique communautaire ou
sociale pour se donner en spectacle.[…] D’une manière générale, au cœur de la notion de théâtralité,
intervient le décalage, le « jeu » possible entre l’identité de l’interprète et celle du personnage qu’il
incarne, cet autre qu’il campe sur scène. Dès lors que la dramaturgie renonce à la narration
traditionnelle, à la mise en scène de personnages, que le mime cesse d’être le mode d’expression
privilégié, les ressorts de ce dédoublement de soi se trouvent radicalement transformés.»
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
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Transmission
« Mode par lequel les œuvres chorégraphiques survivent à leur création. Par sa nature même, la
danse se trouve confrontée à des problèmes spécifiques pour pérenniser ses productions. En effet, à
la différence du théâtre, la danse ne peut se référer à un texte qui, s’il n’est l’œuvre théâtrale luimême, en est tout au moins la matrice ; à la différence de la musique, aucun système de notation du
mouvement n’a pu s’imposer largement et durablement pour fournir un équivalent à la partition
è
musicale. Et même si l’enregistrement filmé est venu au XX siècle, pallier en partie ces manques,
c’est la transmission orale, de génération en génération, entre danseurs, professeurs, maîtres de
ballet et chorégraphes qui permet aux œuvres de survivre. De fait, on peut considérer qu’une œuvre
n’existe et ne perdure que tant qu’elle est régulièrement dansée et qu’elle donne lieu à une
transmission directe. »
Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008
Tour, Pirouette
Pivotement du danseur sur lui-même.
Exécutés sur appui simple ou double, à terre ou en l’air, en dehors ou en dedans et dans différentes
poses, les tours se déclinent à partir du principe de giration selon les combinaisons les plus diverses,
dont certaines ont été codifiées au fil du temps.
Il existe des tours sur un pied (dont fait partie la pirouette), des tours sur deux pieds (double appui), ou
encore des tours en l’air (sauts en tournant).
Univers sonore
Le terme d’univers peut désigner le milieu dans lequel un individu vit ainsi que son domaine mental,
psychologique et artistique (« son univers »). On peut par extension définir l’univers sonore d’une
pièce ou d’un artiste comme l’ensemble des éléments sonores et musicaux qui le composent et le
caractérisent.
Ainsi, il est formé par un ensemble auquel peuvent participer la musique, le rythme, le son des pas
des danseurs, leur souffle etc.
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