Glossaire - Biennale de la danse
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Glossaire - Biennale de la danse
Glossaire Acrobate Le terme « acrobate », hérité du grec « marche des extrêmes », nous indique qu’il s’agit de se déplacer autant sur les pieds que sur les mains. En dehors des différents agrès ou prothèses qui transportent le corps hors de ses repères spatiaux et posturaux habituels, il faut considérer le premier geste de l’acrobate : se mettre sur les mains, ou, si on en étend le sens : défier l’équilibre naturel du corps. La figure de l’acrobate appartient, historiquement, à l’univers circassien. Artiste-athlète comme le danseur, on les opposait pourtant jusqu’à récemment : si la présence du muscle, l’effort montré, le physique spectaculaire ainsi que l’inversion de la posture verticale sont le propre de l’acrobate, ils sont proscrit des codes qui régissent la danse académique. On peut rappeler, par exemple, le ballet Parade de 1918 par les Ballets russes de Diaghilev au Théâtre du Châtelet, dont Jean Cocteau devinera : « Le danseur de demain sera un acrobate. Alors ce qu’on lui fera faire lui paraîtra simple et facile. L’ancien danseur plié à l’école neuve grimace. » (« Le coq et l’Arlequin » [1918], in Notes sur la musique, Paris). Discipline à part, l’acrobatie est entendue comme l’une des composantes du langage structurel du cirque, qui se décline ensuite en différentes disciplines ou spécialités. « Le terme d’acrobate insiste sur la saltation élancée, la contorsion et le “tour de hanche”, relatifs à un moment ardent ». (PEIGNIST Myriam, « Inspirations acrobes », Sociétés, n° 81) Dans le cirque contemporain les acrobates naviguent entre la recherche d’un mouvement de plus en plus dansé et l’affirmation de ce qui constitue la base du vocabulaire acrobatique, la figure, relevant plutôt de la mise en jeu d’une corporéité sportive. Si nous devions définir une corporéité acrobatique, elle se situerait précisément entre ces deux moments. Entre le flux d’un mouvement chorégraphique et la suspension, la concentration de l’athlète qui s’élance pour un saut à la perche ou qui s’apprête à servir pour sa balle de match. Outre la dimension psychologique – l’acrobate se prépare car la figure est une prise de risque – la question motrice se pose et crée forcément une rupture entre deux corporéités. La préparation qui fait basculer l’acrobate dans l’exécution d’une figure, aussi infime soit-elle, est justement le temps de la différence entre le geste expressif et le geste athlétique, entre le danseur et l’acrobate. A la recherche de la stabilité, la corporéité acrobatique est donc profondément instable. Autre élément important : l’apparition et la mise en scène du « corps impossible ». Depuis les années 1870, avec les premiers numéros de trapèzes volants (notamment les numéros de Jules Léotard), les acrobates se mettent à évoluer dans les airs et donnent une nouvelle dimension au jeu entre l’équilibre et son corollaire le déséquilibre. Dès lors, le défi gravitaire génère non seulement de nouvelles formes acrobatiques et esthétiques, mais apporte également sur la scène/dans l’arène de 1 nouveaux éléments (trampolines, agrès, harnais, élastiques…) susceptibles de susciter de nouvelles inspirations, formes et métissages artistiques. Arts du cirque Depuis le XVIIlème siècle, le mot cirque désigne une forme de spectacle composé d'exercices d'adresse et de force, de numéros de clowns, d'équitation et de dressage d'animaux, donné exclusivement dans une enceinte circulaire, stable ou amovible. Le type du cirque antique, fondé sur la force et l'adresse, n'avait pas complètement disparu d'Europe après la chute de l'Empire romain. Sa survie fut assurée par les générations de jongleurs, d'athlètes, de mimes et de funambules, rassemblés en troupes errantes, qui parcoururent l'Europe du Moyen Âge au XVIIlème siècle. Ces familles de saltimbanques (de l'italien saltimbanco, « saute-en-banc ») ou banquistes (de banque, « estrade »), qui se produisaient dans les foires, les petits théâtres ou sur les parvis des cathédrales, étaient généralement de souche italienne. Associés aux cavaliers anglais et espagnols, ils formèrent, vers 1750, les premières troupes de cirque ambulant. Cependant, le cirque en tant que genre particulier ne fit son apparition qu’à la fin du XVIIlème siècle, lorsque toutes ces attractions, exécutées sur une piste, près de Londres, furent réunies dans un même spectacle. C'est en effet, en Angleterre qu'a pris naissance le cirque moderne. L'écuyer anglais Philip Astley (1742-1814) a l'idée de rendre spectaculaires des exercices classiques de manège en les enjolivant de prouesses fantaisistes. Il se fixe à Londres (1770), sur un terrain qu'il cerne de gradins et de barrières pour en faire le « Royal Amphitheatre of Arts ». Astley ajoute à l'équitation des numéros d'acrobates, de dresseurs et de pitres. Il est invité à Versailles quatre ans plus tard et entreprend une tournée en France. En 1783, Astley ouvre à Paris une succursale de son établissement londonien : l'Amphithéâtre anglais. On peut dater la naissance du cirque contemporain à 1871, année où l'Américain Barnum fonda la World's Fair, gigantesque cirque ambulant que son associé William C. Coup (1837-1895) transformera quelques années plus tard en Greatest Show on Earth. Avec son chapiteau géant, ses cavalcades de centaines d'animaux, son rayonnement international soutenu par la presse et l'affichage, ses vedettes plus (Buffalo Bill) ou moins (la nourrice noire de Washington) authentiques, le Greatest Show (disparu en 1956) marquait l'avènement d'un nouveau type de cirque, rationalisé et appuyé sur d'énormes moyens financiers. À partir de 1900, le cirque traditionnel, dont la décadence est déjà sensible en France et en Angleterre, lutte péniblement contre la concurrence du music-hall, qui lui enlève public et artistes. Depuis 1920, la formule des grands chapiteaux ambulants s'est particulièrement développée, comme celui de l'Allemand Sarrasani (1873-1934), les cirques Amar, Bouglione et Pinder. Au cours du XXème 2 siècle, le cirque est devenu une grande entreprise industrielle et les petits cirques artisanaux ont aujourd'hui presque tous disparu. Dans le cirque actuel, les arts équestres, qui sont pourtant à l'origine de cette activité, tiennent une moindre part (même si certains cirques, comme celui animé, en France, par la troupe Zingaro (Bartabas) ne se consacrent qu'aux arts équestres). Bien des cirques donnent des spectacles qui ressemblent à des revues de music-hall. Cependant, à aucun moment de son histoire le cirque n'a offert une telle profusion et une telle diversité de numéros, comme en témoigne le Festival mondial de Monte-Carlo, grand rendez-vous annuel de la profession. Les artistes y accomplissent fréquemment des exploits que leurs prédécesseurs n'auraient jamais crus possibles : le trapéziste américain Don Martinez, par exemple, exécutait couramment un triple saut périlleux et demi avec son partenaire ; le célèbre cirque Knie, en Suisse, présentait un tigre dressé à chevaucher un rhinocéros, et une girafe et un hippopotame se sont produits dans des numéros. Les années 1980 sont marquées par des expériences de renouvellement multiples, comme celles d'Archaos et du cirque Plume en France, ou le cirque du Soleil au Canada. En 1990 s'est créé à Montréal, au Canada, la Fédération mondiale des écoles de cirque. Depuis le cirque n’a eu de cesse de se diversifier et, dans un vent de liberté, s’est ouvert aux autres arts. Encyclopédie Larousse en ligne Arts visuels Les arts visuels sont ceux produisant des œuvres perçues essentiellement par la vue. Cette notion englobe les arts-plastiques traditionnels ou « beaux-arts » auxquels s’ajoutent les techniques nouvelles comme les arts numériques, la photographie, l’art vidéo, les arts appliqués, les arts décoratifs (textiles, design, marqueterie…), l’architecture, l’illustration et le modelage. La performance artistique peut également entrer dans les arts visuels puisqu’elle en croise généralement plusieurs (la photographie, la vidéo, la sculpture…). Ballet « Spectacle chorégraphique intégrant, selon les époques, les pays, les courants, musique, chant, texte, décors et machinerie. Le mot est aussi utilisé pour désigner l’ensemble des danseurs d’une compagnie. Issu du Balleto élaboré dans les cours italiennes du quattrocento, le ballet acquiert en France, au XVIe siècle, une forme qui, par la fusion de la danse, de la musique, de la poésie et de la peinture, devient la réalisation du rêve de l’Académie de musique et de poésie d’Antoine de Baïf et du projet de synthèse artistique envisagé par la Pléiade. Ne cessant d’évoluer, il revêt en cours au cours des quatre siècles qui suivent les formes les pus diverses. […] Conjugué avec d’autres formes théâtrales, 3 il devient comédie-ballet, tragédie-ballet, opéra-ballet. En fonction des époques, des circonstances et des créateurs, il peut être narratif ou non. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Battle Confrontation de danse chorégraphiée entre deux ou plusieurs troupes de danse hip-hop. Née dans le ghetto du Bronx, la culture hip-hop se revendique de la rue et n’a cessé d’évoluer ces quarante dernières années. Les formes artistiques qui s’expriment en son sein sont nombreuses, on peut en dénombrer trois principales renfermant chacune une pluralité de formes d’expression : les formes musicales (Djing Rap, Slam, etc.), les formes graphiques (Graff, Tag), les formes dansées : les disciplines du B-Boying, appelé aussi break, et celles des Danses Debout. Depuis les années 1980, le mouvement hip-hop a subi de nombreuses transformations et il semblerait que l’expression Street Dance pour évoquer l’ensemble des disciplines de danse existant à l’intérieur du mouvement soit plus pertinente. Ce sont aussi les modalités de pratiques de la danse qui se transforment. Le « battle », mode d’expression, de rencontre, de visibilité et de compétition avec des juges et un classement des compétiteurs, prend ainsi une place grandissante au sein du mouvement. De véritables championnats sont mis en place donnant un nouveau visage à la Street Dance auparavant plutôt démonstrative ou organisée autour de défis ponctuels. Aujourd’hui, les battles tiennent une place très importante dans les pratiques des danseurs et les autres formes de pratiques (cours, salles…) se pensent souvent comme une préparation à ceux-ci : « un véritable entraînement » précise Leslie. De très nombreux danseurs et groupes de danseurs ont envie de se mesurer les uns contre les autres : « Pourquoi le break il a monté ? Parce qu’il y a plein de crews et les jeunes ont envie de se mesurer les uns contre les autres. Maintenant, les groupes ne se rencontrent plus dans des soirées, ils se rencontrent dans des battles » (Babson, danseurs). Leur mode de fonctionnement est assez semblable. Un battle peut par exemple avoir ou non, un thème particulier, des tranches d’âge et un genre imposés (il peut s’agir des battles réservés aux Bgirls 11 ou aux enfants), un niveau requis pour y participer, un fonctionnement en équipe ou en individuel (le nombre de danseurs par équipe est imposé), proposer des prix pour le gagnant. Le choix des disciplines qui seront dansées durant le battle et la gestion du temps appartiennent à l’instance organisatrice. Un jury est organisé : les juges sont quasiment toujours des danseurs qui sont reconnus dans le milieu de la Street Dance. Les organisateurs essayent souvent de choisir des juges spécialisés dans les disciplines présentes au battle. On assiste à une rationalisation, une « sportivisation » de la street dance à travers les battles : l’exigence technique et physique mène à des entraînements de plus en plus intenses et rigoureux. Par 4 ailleurs, ils institutionnalisent la discipline : « Avant, les battles n’existaient pas. Il y avait des grands cercles, des défis, pas de règlements, pas de technique » (Minouche, danseuse). Le jury, généralement composé de danseurs chevronnés, priment les techniques de base, les fondamentaux de la danse hip hop. Cécile Collinet et Coralie Lessard, « Les battles de Street Dance : un entre-deux culturel », Sociologies Chorégraphie - chorégraphe La chorégraphie est l'art de composer des danses et des ballets, principalement pour la scène, au moyen de pas et de figures. Le premier à avoir utilisé le terme chorégraphie est le maître à danser Raoul-Auger Feuillet dans son traité paru en 1700 : Chorégraphie, ou l'art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs. Le terme désignait alors le système de notation de la danse qu'il avait mis au point. Jusqu'aux Encyclopédistes et au Dictionnaire de la danse de Charles Compan (1787), la chorégraphie signifie l'art d'écrire la danse. En 1810, Noverre en parle encore comme d'une discipline qui « amortit le génie » du compositeur de ballet. Ce n'est qu'au début du XIXe siècle que le terme commence à s'appliquer au créateur de ballet, à celui qui « invente » des figures et des pas de danse. C'est Carlo Blasis qui en fait le premier l'usage, en 1820, mais sans grand succès. On parle plus volontiers de « maître de ballet » ou de « compositeur », les danseurs solistes ayant l'habitude de régler eux-mêmes leurs variations. En 1935, Serge Lifar publie son Manifeste du chorégraphe, dans lequel il lui revendique une place de concepteur, tout comme le metteur en scène de théâtre. Quelques années plus tard, il préconise d'appeler l'auteur de ballet un choréauteur, afin de sortir les termes chorégraphie et chorégraphe de leur ambiguïté. À cette époque, George Balanchine introduit le mot choreographer dans le milieu de la comédie musicale et du cinéma américain, en lieu et place du dance director. Aujourd'hui, la danse contemporaine repose la question de l'auteur face aux créations collectives, et on considère de plus en plus les métiers de chorégraphe et d'interprète comme différents et complémentaires, l'un pouvant aller sans l'autre. 5 Cintre Terme technique qui désigne l’équipement situé au-dessus de la cage de scène. C’est le point de convergence de tous les fils servant à la manœuvre des décors équipés en hauteur. Ce terme vient de l’architecture. Le « plein cintre » est l’arc sur lequel est construite la voûte d’une église et, dans la marine, « cintrer » renvoie à l’opération qui consiste à faire passer, d’un bord à l’autre, sous la carène, de forts cordages. Quand on sait que le théâtre tient ses origines et de l’église et du bateau, on comprend mieux l’importance du contre et la fréquence de l’emploi du mot. Le cintre comprend les herses, les ponts volants, mes fils, les moufles, les tambours et le gril qui couronne le tout. Les cintres peuvent occuper trois ou quatre étages et sont desservis per des corridors ou des passerelles dont les accès portent le nom de service. Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002 Clubbing Le clubbing est un anglicisme venant du verbe “to club” dérivant de “night-club” : boîte de nuit ou discothèque en français. On peut le traduire de manière littérale par le fait de « sortir en boîte ». À l’origine, un club désigne un cercle réservé à une société choisie où l’on se réunit. Par extension, le clubbing est une communauté jeune, nocturne et urbaine qui se réunit pour danser et se retrouver autour d’une musique particulière. Cette musique évolue selon les époques (on a connu le disco, le punk, la new-wave, l’électro, la techno, la house…) et sous-entend des codes vestimentaires et sociaux. Certaines références cinématographiques et littéraires dressent une définition plus sociologique du clubbing, notamment Human traffic (1999, Justin Kerrigan) et Trainspotting (1993, Irvine Welsh adapté par Danny Boyle en 1996). Selon eux, les clubbers représentent une communauté de personnes issues des classes moyennes/basses qui se rassemblent pour danser le vendredi soir après s’être ennuyées toute la semaine au travail. La fête devient un DEVOIR et un mode de vie à part entière, par elle, on démontre que l’on est encore vivant. Elle prend la forme d’une revanche sur l’exploitation dont on est victime au quotidien. Cet état d’esprit naît dans les années 80 au Royaume-Uni avant de s’exporter en Europe (notamment 1 massivement en France, lorsque le gouvernement Thatcher déclare les rassemblements de type rave illégaux). Ce nouveau mode de vie, créé pour échapper le temps de quelques heures à une réalité sociale sombre est intimement lié au monde de la drogue. Notamment, l’ecstasy et son visage jaune 1 Rassemblement autour de musique underground habituellement organisé en plein air ou dans des lieux déserts 6 souriant deviennent rapidement ses symboles, tout comme l’Acid House un mouvement musical à part entière. On connaît une progressive industrialisation du clubbing, qui perd parfois son caractère underground et politique contestataire d’origine. Des clubs très privés fleurissent dans les grandes villes, bien loin des sous-sols désaffectés, champs de campagnes ou dessous de pont qui accueillaient ces rassemblements il y a bientôt 40ans. 2 Comédie musicale Genre de spectacle né aux États-Unis dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce divertissement théâtral populaire qui combine le déroulement narratif à des éléments musicaux et chorégraphiques s’illustre abondamment dans les théâtres de Broadway et sur les écrans de Hollywood. Assez pauvre en France, il fleurit entre autre en Grande-Bretagne et en Allemagne dans les années 1930, mais les États-Unis demeurent sa terre de prédilection. Puisant à diverses sources (peinture, théâtre, opéra, opérette, pantomime, vaudeville, musique populaire, ballet, danses traditionnelles), la comédie musicale est souvent le reflet de sensibilités collectives ou de la conjoncture historique. Marqués par la succession de styles musicaux (des chansonniers à l’opérette, de l’opéra au swing, de la musique traditionnelle au rock and roll), l’univers de ce genre narratif commence « là où se mêlent la réalité et le monde imaginaire du spectacle chanté et dansé » (Rick Altman). La définition de la comédie musicale est parfois délicate, car le terme anglais « musical » désigne diverses formes de spectacles musicaux. Si, par la suite, le genre s’appuie sur un certain nombre de critères communs, jusque vers 1940 les productions exploitent avec une formidable vitalité le matériau disponible sans trop s’embarrasser de règles formelles. Après le succès de The Black Crook en 1866, les extravaganzas se multiplient jusqu’au début du XXe siècle et le propos s’affine. Tandis que Broadway devient le centre de l’ « Entertainment », les influences européennes s’estompent après avoir légué deux éléments fondamentaux : d’abord, le principe d’une intrigue théâtrale entrecoupée de danses et de chansons, menée par des personnages bien définis, est clairement posé. Ensuite, l’ensemble féminin évoluant et chantant à l’unisson, que le puritanisme désapprouve mais que le public réclame, fait peu à peu de la chorus line la composante obligée de tout spectacle musical. Cependant le genre trouve ses marques en puisant dans la culture spécifiquement américaine, sous l’impulsion de personnalités aux multiples talents tels que G.M Cohan. Sur ses pas, Broadway va continuer de produire des spectacles musicaux à l’image de l’esprit 2 Sources : Andrew O’Hagan, « Trainspotting : The Boys are Back in Town », Ginette Vincendeau (ed.) Film/Literature/Heritage : A Sight and Sound Reader, London, BFI, 2001 7 américain et de l’exubérance d’une époque. Shuffle Along (1921), production africaine-américaine, donne une impulsion déterminante aux claquettes, aux danses issues de la culture noire et confère à toute la danse du théâtre musical une nouvelle vie cinétique et rythmique qui secoue sa monotonie. Destinés à divertir, les moments chorégraphiques sont le plus souvent conçus comme de simples intermèdes hors du temps, exclus de la trame narrative, et les dance directors se contentent souvent de reproduire sans grande originalité des formules à succès. Avec Show Boat (1927), les chansons sont, pour la première fois, étroitement liées à l’argument pour faire progresser l’action. Pendant les années 1930, en dépit de quelques tentatives d’intégration dues à F. Astaire ou G. Balanchine, la danse reste cependant extérieure au déroulement narratif. Il faut attendre les années 1940 pour qu’elle devienne à son tour partie prenante de l’intrigue, marquant ainsi l’avènement de la comédie musicale moderne avec des chorégraphes tels A. De Mille (Oklahoma !, 1943), J. Robbins (On the Town, 1944), H. Holm (Kiss me Kate, 1948), J. Cole (Magdalena, 1948). Devenue moteur de l’action, combinant toutes les techniques, la danse atteint, au-delà de sa valeur divertissante, une ampleur expressive utilisée pour développer les personnages, créer une atmosphère, donner du corps au thème central. Lorsque Robbins, B. Fosse, M. Bennett, ou G. Champion se voient confier la totalité de la mise en scène, les moments dansés conditionnent la dynamique théâtrale. West Side Story (1957) reste l’un des exemples les plus aboutis de l’osmose ainsi obtenue. L’inspiration de la comédie musicale est des plus variées. La culture américaine, les péripéties amoureuses, l’exotisme, le spectacles dans le spectacle constituent les thèmes les plus exploités jusque vers 1945. L’adaptation de grands succès littéraires, les évocations historiques, la contestation sociale, l’engagement politique, renouvellent les sujets de la seconde moitié du XXe siècle comme dans Hair (1968), voix de la rébellion contre la guerre et les conventions de la classe moyenne qui inaugure la comédie musicale rock. Après avoir connu, entre 1930 et 1960, son âge d’or tant sur scène qu’à l’écran, assujettie aux coûts de production et aux goûts changeants du public, la comédie musicale va lutter contre le dépérissement non sans connaître quelques grands moments comme A Chorus line (1975). À partir des années 1980, les productions sont en diminution constante. Nombre d’entre elles sont créées à Londres par des auteurs compositeurs britanniques ou français avant d’être couronnées à Broadway : Cats (1981), The Phantom of the Opera (1986), Les Misérables (1980, Paris ; 1982, Londres ; 1987, Broadway). Le règne des chorégraphes-metteurs en scène semble achevé. Hormis dans Cats, la danse perd sa place prépondérante au profit de la partie lyrique du spectacle. Au tournant du XXIe siècle semble se dessiner un renouveau du genre : Rent (1996), le Roi Lion (1997), Aïda (1998), The Producer (2001), Wicked (2003) sont autant de succès de Broadway adaptés pour de nombreux pays (Allemagne, Espagne, Japon). En France, le goût pour les comédies musicales ne cesse de s’affirmer depuis Notre-Dame de paris (1998). Les Dix Commandements (2000), Roméo et Juliette (2001), Autant en emporte le vent (2003) ou Le Roi Soleil (2005) témoignent, avec plus ou moins de bonheur, de cet intérêt. Préférant la bande enregistrée à 8 l’orchestre live, condition sine qua non des comédies musicales anglo-saxonnes, ce sont davantage des spectacles musicaux qui entretiennent des liens très étroits avec l’industrie du disque. De surcroît, les spectacles français ne jouent pas sur la même échelle de temps que leurs homologues anglosaxons, où l’aménagement important des théâtres nécessite qu’ils restent plusieurs années à l’affiche. Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Côté cour, côté jardin Afin d’éviter la confusion entre droite et gauche de la scène, de même que, sur un bateau, on a « babord » et « tribord », les mots « cour » et « jardin » sont venus remplacer « côté du roi » et « côté de la reine », termes usités jusqu’à a Révolution française. L’origine de ces appellations est la suivante : en 1770, la Comédie-Française s’installe aux tTuileries, en attente d’un nouveau bâtiment, dans la salle dite des « Machines » ; cette salle donnait, d’un côté sur l’intérieur des bâtiments (la cour), de l’autre sur le parc (le jardin). Ces mots sont préférés à « roi » et « reine » après la Terreur. Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002 Dadaisme En 1916, Première Guerre mondiale, la Suisse neutre est un refuge pour de nombreux artistes. Parmi eux, Hugo Ball et Emmy Hennings créent le Cabaret Voltaire. Des artistes tels que Marcel Duchamp, Tristan Tzara ou encore Marcel Janco s’y réunissent pour présenter ou assister à diverses manifestations artistiques littéraires, musicales ou visuelles. Le Dada prend d’assaut l’art moderne pour une recherche de liberté, de légèreté et d’humour à travers l’expression artistique. Devant la violence et l’absurdité de la guerre, les artistes Dada désirent faire table rase des logiques et des règles préétablies du monde pour instaurer une vision nouvelle de l’art et du beau (par exemple en reprenant le vocabulaire en donnant une connotation positive à tous les mots, ou encore en explorant la spontanéité de la performance). Marcel Duchamp, Man Ray et Francis Picabia s’installent aux États-Unis pour y exposer leurs œuvres. Malgré de maintes expositions et le lancement de la revue 291, ils sont forcés de conclure que Dada n’est pas fait pour vivre en sol américain, malgré le succès relatif des ready-mades de Duchamp. Cependant, des artistes telles que Béatrice Wood et Clara Tice continuent à faire vivre le mouvement aux États-Unis, lui donnant un tournant un peu plus érotique. Pendant ce temps, en Allemagne, Jean Arp et Max Ernst connaissent un succès retentissant. À Paris, un jeune écrivain et critique littéraire d’avant-garde, André Breton, encourage le mouvement Dada dans le monde littéraire. Ses manifestations artistiques créent le chaos et suscitent le scandale. 9 En 1921, la revue belge Ça ira ! annonce la mort de Dada. André Breton, auparavant sympathisant, se prononce tout d’un coup radicalement contre son renouvellement. Le mouvement Dada se dissout à l’occasion d’un procès fictif contre l’œuvre nationaliste de l’écrivain Maurice Barrès, où le tribunal est présidé par Breton et Tzara. Suite à des désaccords majeurs entre les accusateurs, Tzara quitte le tribunal et signe la séparation entre surréalisme et dadaïsme, ainsi que la fin du mouvement Dada. NB : les artistes dont le nom est en gras sont ceux dont les poèmes sont scandés dans la pièce Dbddbb de Daniel Linehan. Juliette Périers-Denis, « Qu’est-ce que le dadaïsme ? », Histoire de l’art, Dadaïsme.org Danse classique « Forme héritière de la belle danse française, pratiquée en Europe occidentale depuis le XVII°s et dont les principes fondateurs techniques et esthétiques sont l’en dehors et l’aplomb, l’esprit de rigueur et de netteté, le souci d’élégance et de clarté. Art vivant, la danse classique ne cesse de s’enrichir, assimilant au fil des siècles de nouveaux apports (notamment, au XIX°s, la technique des pointes) et évoluant vers de nouveaux concepts : ainsi les notions de néoclassique et de classique du XX°s en font désormais partie intégrante. Composante essentielle du spectacle de ballet, elle est diffusée à travers toute l’Europe durant les XVIII et XIX°s, puis gagne les autres continents dans la seconde moitié du XX°s. Ayant pendant près de quatre siècles, subi des mutations, elle garde des éléments qui la rattachent à ses origines. Parmi ces traces durables, le vocabulaire qui a servi à décrire et à nommer le mouvement, par son usage ininterrompu depuis le XVII°s, étendu aujourd’hui de l’Amérique au Japon, constitue la preuve incontestable qu’elle demeure une esthétique de référence au-delà des modes et des frontières. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Danse contemporaine « Expression générique recouvrant différentes techniques ou esthétiques apparues dans le courant du XX° siècle. […] Générationnelle dans un premier temps, elle ouvre sur une volonté de se nommer, qui ne traversait guère la danse moderne. Elle dessine de ce fait une mutation dans le rapport à l’art de la danse et à son histoire. Alors que la danse moderne se fondait en « écoles », en « nouvelles maîtrises », la danse contemporaine se désigne comme telle à partir d’individualités d’auteur, chacun se reconnaissant ou non contemporain de tel ou tel autre. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 10 Danse néoclassique è « Conception de la danse classique qui se développe au XX siècle. Répondant à des préoccupations è esthétiques qui diffèrent de celles des chorégraphes du XIX siècle, la danse néoclassique prend naissance avec les ballets russes de Diaghilev. […] Elle débouche dans la seconde moitié du XX è siècle sur la naissance d’une « danse classique contemporaine » qui se caractérise par des métissages variés faisant appel à des formes empruntées aussi bien à la danse jazz, aux techniques modernes qu’au folklore mondial ou à l’acrobatie.[…] Sur le plan technique, d’une manière générale la danse néoclassique se démarque de l’esthétique corporelle linéaire du ballet prévalant avant le XX è siècle en intégrant des formes angulaires : mouvements et poses en plié, pointes « outrepassées », articulations cassées.[…] Des positions non en dehors sont intégrées au vocabulaire voir des positions en dedans, tandis que tout le corps est mis à contribution (mains, bouche, regard, voix). Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Danse traditionnelle « Pratique de danse issue des sociétés préindustrielles. Différents termes sont également utilisés dans un sens plus ou moins équivalent, comme danse folklorique, populaire, vernaculaire, ethnique ou nationale. […] C’est une danse diversifiée, chaque territoire développant ses propres formes. Expression d’une communauté, elle concerne l’ensemble du groupe, même si elle peut, à l’occasion, en isoler certains membres : jeunes gens, jeunes filles, hommes, femmes, couples. Elle est accompagnée de chant ou de musique jouée avec des instruments traditionnels. Etroitement associée aux divers moments de la vie quotidienne, elle n’exige pas de circonstance particulière, et revêt donc tour à tour diverses fonctions : divertissement, travail, rituel magique, élément d’une cérémonie, voire spectacle. Elle est transmise directement d’une génération à l’autre, oralement ou par imitation. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Décor Pour reprendre la formule de Louis Jouvet (1887-1951), c’est le « costume de la pièce ». Il est vrai que son élaboration est semblable à celle du costume : ce n’est qu’à partir du Cid de Corneille, en 1637, et de la Sophonisbe de Mairet (1634) que l’on s’est mis à envisager un décor approprié à chaque pièce. Jusque-là, le décor était « passe-partout » et les toiles peintes interchangeables. Au XVIe siècle, le décor était un signe efficace dans son minimalisme : de même que le costume s’accompagne d’une barbe pour le bourreau et d’une houlette pour le berger, le décor de 1580 au théâtre du Globe, à Londres, est celui de la place publique comme l’est celui de la Commedia dell’arte 11 en Italie, puis en France : « Les décors étaient simple. Deux épées croisées, quelquefois deux lattes, signifiaient une bataille ; la chemise par-dessus l’habit signifiait un chevalier ; la jupe de la ménagère des comédiens sur un manche à balais signifiait un palefroi caparaçonné […] Un acteur barbouillé de plâtre et immobile signifiait une muraille ; s’il écartait les doigts, c’est que la muraille avait des lézardes. Un homme chargé d’un fagot, suivi d’un chien et portant une lanterne signifiait la lune ; sa lanterne figurait son clair » (Victor Hugo, William Shakespeare). Si l’imagination était à l’aise dans l’espace élisabéthain, entouré d’un public joyeux et dégourdi de cours d’auberges, elle devait faire des efforts face à l’espace exigu et encombré du théâtre classique : il fallait, déjà, distinguer l’acteur et la personne « du bel air » installé sur les banquettes. Il est certain que l’intervention du comte de Lauraguais, en 1759, venant débarrasser la scène des spectateurs, eut une influence décisive sur le décor. C’est alors que la machinerie, avec ses apothéoses, ses gloires, ses nuées, n’en finit pas de déployer ses inventions et son savoir-faire. Cet élan vers le merveilleux lié à la sophistication des décors, trouve son point culminant avec les Fééries. Le mélodrame vient mettre le décor au premier plan ; tandis qu’à l’époque classique, c’est le personnage principal qui donne son nom à la pièce (Le Tartuffe, Le Misanthrope) le mélodrame met en avant le lieu (Le Château du Diable). En 1825, se produit « la » grande révolution : le baron Taylor est nommé « Commissaire royal » au Théâtre-Français. Il revendique la variété des costumes et leur originalité, de même que l’adéquation du décor à la pièce. Ce qui ne s’était encore jamais vu. L’unité du lieu est abolie ; Alexandre Dumas, à la fois auteur et metteur en scène, s’acharne sur l’exactitude historique et la couleur locale. André Antoine, qui ouvre le Théâtre-Libre en 1887, dans sa passion du détail vrai, ira jusqu’à accrocher des quartiers de viande aux châssis. Si le naturalisme à la Zola ne pouvait, sur une scène, qu’aboutir à une impasse, il fut cependant une étape avance ce que l’historien de la scénographie Denis Bable a appelé « les grandes révolutions scéniques du XXe siècle » : « le décor n’existe pas pour lui-même, il n’existe qu’en fonction du texte. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’était qu’une place de jeu, le cadre de l’action. Pour nous, il est devenu un acteur ; il n’est pas auteur de la pièce mais ‘de la pièce’ » (Gaston Baty, Rideau baissé). Le décor de théâtre n’est plus plaqué, interchangeable et arbitraire : il est nécessaire. Il s’agit moins de décorer que de proposer un dispositif scénique, une « mise en espace », il s’agit moins de jouer « devant » un déco, généralement une toile peinte, qu’ « avec » lui : devenue « machine à jouer », le décor engage le jeu de l’acteur. L’idée de décoration est abolie au profit de celle d’ « espace mental » ; c’est pourquoi, aujourd’hui, on lui préfère le terme de scénographie. Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002 12 Face C’est le devant du plateau, la partie la plus proche du public, opposée au lointain. On parle aussi de « face » pour la partie de tout élément de décor orienté vers le public. Face, lointain, cour et jardin sont les quatre points cardinaux du théâtre. Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002 Figure Ensemble des déplacements d'un danseur, formant un tout harmonieux et généralement codifié. La danse hip hop, par exemple, fonctionne avec des figures de base très codifiées (voir lexique du dossier hip hop) qui s'inscrivent de façon plus ou moins linéaire dans une chorégraphie. Flamenco « Terme générique regroupant les chants, les danses et la musique des Gitans d’Andalousie, issus de l’ethnie tsigane et dont la langue, le calò, est un dialecte de la famille du sanscrit. e Comme partout en Europe, les Gitans vont exercer, dès leur arrivée en Espagne au 15 siècle, leurs talents de musiciens. Ils participent, lors des grandes fêtes religieuses, aux réjouissances populaires ; on les engage pour la fête de Corpus Christi (Fête-Dieu) et les nobles les utilisent pour animer leurs e fêtes privées. Le répertoire des danses gitanes s’élargit dans le courant du 18 siècle avec l’apparition du fandango et de nombreuses danses andalouses. Parallèlement, la répression s’accroît contre les Gitans d’Espagne : en 1749, l’évêque d’Oviedo, gouverneur du conseil, organise leur arrestation générale. En 1783, une pragmatique signée par Charles III relâche la pression. Certaines familles de la basse Andalousie se voient alors consentir des « privilèges », en reconnaissance de services rendus dans l’armée des Flzndres. C’est au sein de ces familles de Gitans « Flamencos » que va e surgir, à la fin du 18 siècle, une culture nouvelle qui portera à son tour le nom de « flamenco ». Art d’improvisation et de filiation, sa généalogie reste incertaine. Les années 1800 à 1860 forment la première génération du flamenco. Figure de proue, El Planeta (considéré comme le créateur de la siguiriya). La deuxième génération, de 1860 à 1910, marque l’âge d’or du flamenco. La mode du gitanisme pénètre la société et la littérature. Les cafés de cante (cafés chantants) font leur apparition à Séville à partir de 1847, et se développent à partir de 1860. Silverio Franconetti précise les notions fondamentales et divise le chant en cantes grandes, cante puro et cantes chicos, où le chanteur, en retrait, cède le pas à la danse. La troisième génération, à partir de 1910, est celle du flamenco théâtralisé. En 1915 M. de Falla compose L’Amour sorcier pour la danseuse gitane P.Imperio, et Antonia Mercé (la Argentina) crée en 1929 la première compagnie de ballet espagnol. Après la Première Guerre mondiale, Mercé et V.Escudero donnent forme à une nouvelle esthétique en portant le flamenco de la fête de village à la scène de théâtre. Escudero, qui est sans doute le premier à 13 danser les bras levés, prône, dans son Décalogue de la danse flamenco (1957) : virilité, sobriété, verticalité, calme et stabilité, respect de la tradition. Contrairement à la tradition espagnole de l’escuela bolera, de nature extravertie, la danse flamenca est de type introverti ; la force se concentre dans la percussion des pieds (leur virtuosité technique est essentielle au dynamisme du zapateado), mais aussi dans la qualité plastique des gestes des bras et des mouvements de rotation du corps. Entre spontanéité et maîtrise, le secret du flamenco dansé réside dans la science du compas (le rythme particulier attaché à chaque type de chant). Certaines danses, légères et piquantes, forment des bailes chicos : tanguillos, alegrias, tientos, bulerias, rumbas et garrotin. D’autres, qui font partie du baile grande ou jondo, sont empreintes de gravité, de fatalité et de pathétique : cañas, soleares, siguiriyas, taranta et martinete. Au-delà de la technique, la danse flamenca est avant tout question de tempérament. Art de la tension dominée, le flamenco est un brasier où se consume l’expression de la passion. De relâchement en paroxysme, la danse atteint parfois au duende, terme intraduisible qui indique un état proche de la transe. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Interprete Au sens littéral, l’interprète est une personne transposant une langue dans une autre. En danse, le sens de l’interprète n’est pas loin : il est la personne qui transpose un langage (écrit, musical, voire pictural) en langage chorégraphique, dansé. Il traduit l’œuvre de l’auteur alors invisible ; puisqu’elle n’existe que dans des didascalies écrites/dessinée voire, dans son esprit seul ; en mouvements alors visibles pour le spectateur. Le terme d’interprète comporte une dimension de liberté, de personnalité : l’artiste-interprète exprime et représente d’une certaine manière l’œuvre artistique de l’auteur. Il existe par exemple diverses interprétations (qui traduisent tout autant d’intentions artistiques et esthétiques) du Sacre du Printemps. On ne parle pas des variations de l’œuvre, qui concernent les auteurs se saisissant d’un original pour le réécrire, mais bien des différentes façons de les traduire et de les rendre intelligibles sur scène, au-delà de la simple exécution. 14 Le Geste Dans la danse les gestes acquièrent une signification artistique ; ils sont plus élaborés et signifiants que les gestes du quotidien et constituent un mode d’expression à part entière. Chaque geste d’un danseur peut être caractérisé par sa forme, sa densité et sa nature ; chacune de ces caractéristiques participant bien sûr à l’expression du geste. La forme d’un geste correspond à son aspect visuel ; on peut ainsi distinguer par exemple des gestes ronds, des gestes plutôt rectilignes, des gestes d’aspect brisé, des gestes symétriques ou asymétriques. L’ensemble du corps participe à l’aspect visuel d’une gestuelle. La densité est liée à l’énergie mise dans le geste et l’on peut avoir ainsi des gestes plus ou moins lourds ou au contraire plus ou moins légers. L’utilisation du poids du corps est un élément essentiel du mouvement dansé. La nature d’un geste correspond à son caractère et l’on peut avoir, selon ce critère, par exemple des gestes vifs, lents, liés, atténués, etc. qui donnent une signification différente à la danse. Jonglerie La jonglerie, souvent appelée jonglage ou encore jongle est à la fois considérée comme un jeu, un sport, un art ou encore un rite religieux. C’est un exercice d’adresse qui consiste dans son sens le plus strict à lancer, rattraper et relancer de manière continue des objets en l’air. L’acception que l’on donne au mot peut varier selon les pays ou les pratiquants, prenant en compte la seule manipulation d’objets ou l’ensemble du spectacle que l’artiste donne. De ce fait on en donne souvent une définition plus large qui inclut toutes les manipulations d’objets demandant de l’entraînement. La part artistique de la jonglerie pouvant être importante, l’expression corporelle et le côté théâtral comptent souvent autant que la performance pure. Kinésphere « Concept spatial défini par Rudolf Laban. La kinésphère est l’espace relatif que le corps peut atteindre sans transfert de poids. A la périphérie de cet espace, qui se transforme à chaque mouvement, commence l’espace extérieur. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 15 Lointain Matérialisé par le mur du fond, le lointain est l’endroit le plus éloigné de ka scène, opposé à la face. ème Au XVII siècle, les toiles peintes proposaient souvent des ciels donnant une impression d’éloignement à l’infini. Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002 Métaphore Figure rhétorique. Procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens (terme concret dans un contexte abstrait) par substitution analogique. Le langage de l’enseignement de la danse comporte de nombreuses métaphores permettant de donner des images et des sensations se rapprochant de la justesse du mouvement. (« S’ancrer dans le sol », « le poids de l’air »…) Motif Idée ou élément dominant, habituellement répété, dans une danse ou une séquence. En tant qu’instrument chorégraphique, le développement de motifs part d’un simple mouvement ou d’une courte phrase de mouvements que l’on manipule (par exemple en variant les éléments du mouvement, en répétant, en fragmentant, en utilisant différentes parties du corps) pour élaborer des séquences de mouvements pour une danse. Musicalité « Qualité d’articulation du mouvement ou d’une composition chorégraphique, ou aptitude de l’interprète à articuler la danse qu’il exécute. Partant de l’idée générale de rendre visible le processus musical, le concept de musicalité recouvre aussi bien un mode de rapport au support musical que celle d’une articulation intrinsèque du mouvement indépendamment d’une relation concrète à la musique. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Néoclassique è Conception de la danse classique qui se développe au XX siècle. Répondant à des préoccupations esthétiques qui diffèrent de celles des chorégraphes du XIXème siècle, la danse néoclassique prend naissance avec les Ballets russes de Diaghilev, tout particulièrement dans le travail de M. Fokine, prolongé de manières diverses par L. Massine, B. Nijinska, G. Balanchine, N. de Valois, A. Tudor, S. Lifar, entre autres. Elle débouche dans la seconde 16 moitié du XXème siècle sur la naissance d’une « danse classique contemporaine » qui se caractérise par des métissages variés faisant appel à des formes empruntes aussi bien à la danse jazz, aux techniques modernes qu’au folklore mondial ou à l’acrobatie, tendance qu’illustrent différemment des chorégraphes comme J. Robbins, R. Petit, J. Neumeier, H. Van Manen, J. Kylián, M. EK, N. Duato, T. Malandain, W. Forsythe. Sur le plan technique, d’une manière générale la danse néoclassique se démarque de l’esthétique corporelle linéaire du ballet prévalant avant le XXème siècle en intégrant des formes angulaires : mouvements et poses en plié, pointes « outrepassés », articulations cassées. Le référentiel d’espace traditionnellement dessiné par les horizontales et les verticales est déplacé par des arabesques étirées, un travail de pointes hors de l’axe poussé parfois jusqu’au déséquilibre, le passage au sol. Des positions non en dehors sont intégrées au vocabulaire […], voire des positions en dedans tandis que tout le corps est mis à contribution (mains, bouche, regard, voix). Cette évolution technique est soulignée par l’usage régulier du justaucorps et du collant qui exalte les lignes du corps, mais c’est surtout l’abandon de la narration comme processus chorégraphique dominant – et par conséquent de la pantomime » qui caractérise, sur le plan esthétique, l’évènement du ballet néoclassique. Pantomime La pantomime, art primordial La pantomime, art d’exprimer une histoire mais aussi des idées et des émotions sans le recours des mots, s’appuie sur l’expression du corps. Cet art très ancien, présent déjà dans l’Antiquité grécoromaine, est fondamental. Ne suffit-il pas en effet d’observer l’homme dans sa vie quotidienne pour déceler les multiples possibilités expressives d’un alphabet humain muet ? Autre particularité de la pantomime en faisant un artifice précieux pour la scène : la rapidité de sa manifestation. « En une seconde, chacun s’est tout dit, et pour explication, il a suffi d’un seul coup d’œil », ainsi Maurice Lefèvre évoque-t-il dans la Revue d’art dramatique de 1892 un instant de pantomime dans une pièce de théâtre. Pantomime et danse Il semble logique que la danse, art du mouvement du corps humain, croise le chemin de la pantomime. La première apparition de la pantomime en France, au 17ème siècle, se trouve d’ailleurs dans un genre spectaculaire chorégraphique, le Ballet de Cour ; cependant des moments de paroles y ponctuent les entrées de danse. Au cours du 18ème siècle, la présence de la pantomime s’accentue sur les scènes françaises, où, au sein de la concurrence acharnée entre théâtres officiels et scènes foraines privées, les comédiens de celles-ci, interdits de paroles, inventent des pièces « à la muette ». C’est en 1760, avec ses "Lettres sur la danse", que Noverre opère une sorte de fusion entre danse et pantomime, en théorisant le « ballet-pantomime », genre chorégraphique autonome. À partir du livret, ce nouveau genre de ballet prend totalement en charge la narration. Désormais, seuls les mouvements du danseur expriment les sentiments du personnage qu'il interprète et aident à la 17 compréhension du récit. Pour l’interprétation, Noverre recommande aux danseurs de s’inspirer de la nature. Lui-même a été fortement influencé par le jeu de l’acteur anglais David Garrick, qu’il a vu jouer à Londres : « (…) il fait éprouver dans le tragique les mouvements successifs des passions les plus violentes, et si j’ose m’exprimer ainsi, il arrache les entrailles du spectateur, il déchire son coeur, il perce son âme (…) » (9ème Lettre). Avec ce basculement vers une danse expressive, qui bouscule les règles formelles du ballet, la porte s’ouvre vers l’expression des passions, exacerbée dans le ballet romantique du 19ème siècle. Pantomime classique, pantomime moderne Au 19ème siècle, la pantomime dans le ballet se codifie en un ensemble de gestes définis et transmis aux générations suivantes. Le ballet académique de Marius Petipa continue le ballet-pantomime, cependant il privilégie la virtuosité au détriment de l’expressivité chère à Noverre. Mais, en tant qu’art autonome, la pantomime évolue de son côté et trouve un écho dans la danse moderne, ainsi que dans le cinéma naissant de l’avant film parlant—avec notamment ses deux représentants géniaux que sont Charlie Chaplin et Buster Keaton. Comme le remarque Arnaud Rykner, dès la fin du 19ème siècle la pantomime s’affirme en creusant son propre terrain, celui d’une corporéité primordiale : la danse moderne naît de ce même lieu. Pantomime moderne, danse moderne : désormais le corps s’émancipe du langage verbal et devient lui-même le lieu silencieux du théâtre et de la danse. Sarah Nouveau, THEMA « Pantomimes », Numeridanse.tv, production Maison de la Danse Performance « Forme d’intervention artistique qui apparaît dans les années 1960. Née dans le milieu des arts plastiques à la même époque que le happening, la performance met en jeu l’artiste lui-même qui, accompagné ou non d’accessoires, évolue en public ou seul (dans ce cas, face à la caméra ou à l’objectif photographique) dans un acte éphémère, expérimental, unique. […] Un autre approche met en jeu la transdisciplinarité, occasion de rencontres, d’échanges entre les plasticiens et d’autres champs artistiques […]. A partir des années 1990, des chorégraphes abordent la mise en danger du corps, convoquent les formes de l’obscène, s’appropriant une des grandes caractéristiques de l’art de la performance : provoquer des réactions de dégout ou des réflexes de rejet pour interroger les conventions et les tabous (en particulier dans le domaine sexuel et racial), pour mettre à jour le refoulé qui habite l’humain ou la société […]. Dans le même temps, les technologies numériques et l’interactivité qu’elles permettent, élargissent les possibilités quant à des projets historiques de la performance : impliquer le spectateur dans l‘action en cours selon le principe que les membres du public autant que ceux qui conduisent la proposition artistique sont partie prenant d’un même événement. Que ce soit pour en jouer ou la mettre en abîme, le performeur peut désormais recueillir al réaction vivante, immédiate, que suscite l’acte artistique en cours et l’intégrer à celui-ci. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 18 Pina Bausch Philippine Bausch, danseuse, pédagogue et chorégraphe allemande (1940-2009). Élève de l’École de d’Essen alors dirigée par K.Joos, lauréate du Prix Folwang en 1959, elle part ensuite étudier à la Juilliard School de New York. Parallèlement, elle danse dans la compagnie Sanasardo, au New American Ballet et au Metropolitan Opera Ballet. De retour à Essen en 1962, elle rejoint le FTS (Folkwand Tanzstudio) et devient la partenaire de J.Cébron. Im Wind der Zeit, un de ses premiers essais chorégraphiques, est primé au Concours de Cologne en 1969. H.Züllig, nouveau directeur de l’École d’Essen, lui confie alors un poste de professeur et la direction du FTS, où elle crée plusieurs pièces dévoilant déjà toute la complexité psychologique qui restera la marque de son travail. En 1973, Arno Wüstenhoffer lui propose de diriger le Ballet de Wuppertal. Sur ses conseils, afin de ménager le public habitué au répertoire classique, elle présente des versions nouvelles d’Iphigénie en Tauride (1974) ou Orphée et Eurydice (1975) parallèlement aux productions issues de ses recherches. Malgré cela, de Frtiz (1974) à Blaubart (1977), puis à nouveau pour Arien (1979), son travail est rejeté brutalement. La critique l’attaque, des conflits naissent au sein de l’équipe, la ville menace de remettre en question son contrat. Les scandales se succèdent comme au théâtre de Bochum lors de la première de Er nimmt sie bei der Hand (1978) inspiré du Machbeth de Shakespeare : la chorégraphe résiste, travaillant sans relâche, créant dans les moments de désespoir des œuvres majeures comme Café Müller (1978) et trouvant en Wüstenhoffer un soutien inébranlable. Elle met à profit les moyens que lui procure l’institution pour affiner son Tanztheater. Le succès international croissant à partir des années 1980, tout particulièrement en France, lui permet finalement d’obtenir carte blanche de la ville de Wuppertal, fière d’une compagnie devenue son principal ambassadeur. En 1971, les yeux exorbités, l’horreur sur le visage, Bausch danse Philipps 836 885 (musique de P. Henry), se frappant le corps comme si ses mains pouvaient exorciser le mal qui l’habite. Elle transmet le malaise d’une conscience tourmentée, apeurée et en quête d’expiation. La peur exprimée dans ce solo restera la plus fidèle compagne de la chorégraphe ; elle l’avouera souvent : peur d’elle-même, de ses limites, mais aussi des autres et constat de leurs propres peurs. De cette fragilité, elle va apprendre à faire un atout et finir par imposer son style dans une Allemagne des années 1970 qui renie son passé et n’ouvre ses théâtre qu’aux chorégraphes issus de grandes compagnies classiques, tels G. Bohner ou H. Kresnik : Bausch est la première danseuse de formation moderne qui accède à l’institution théâtrale très fermée de l’Allemagne d’après-guerre. QSoutenue par toute la finesse du style Jooss-Leeder, elle donne à la danse-théâtre une écriture des corps totalement contemporaine. Dans une Allemagne où le théâtre fait rage, et s’enrage, elle trouve la complicité de R. Borzik, son scénographe et ami, qui participe à la conception de toutes ses œuvres de 1975 à sa mort en 1980 : il va une assise à son univers empreint de vertiges et dessiner, par les décors et les costume, un « look Pina » reconnaissable dès les Sept Péchés capitaux (1976) et que P. Pabst et M. Cito perpétueront à partir de 1980. 19 De son passage au FTS, Bausch garde la conscience d’une danse s’appuyant avant tout sur l’honnêteté de la démarche créatrice. Ses premières pièces en sont l’éclatante démonstration. Ainsi dans Wiegenlied [Berceuse] (1972) le spectateur assiste en silence aux viols répétés que perpétuent deux hommes habillés en soldat. D’une grande virtuosité chorégraphique, cette succession de duos violents, scandés par le bruit des bottes, se termine par une chanson suave, quelques mots d’une berceuse parlant de la guerre et du père absent. Aktionen für Tänzer, présenté déjà à Wuppertal, mais créé avec le FTS, est de la même veine. Ces tableaux macabres, ces scènes violentes, s’adoucissent dans Fritz, œuvre transitoire qui inaugure son installation à Wuppertal et où la vision du monde à travers les yeux de l’enfance semble ouvrir le chemin d’une innocence retrouvée. À partir de la Légende de la chasteté (1979), Bausch s’oriente vers plus de dérision, d’humour, comme antidote à son désespoir toujours présent ; avec Palermo Palermo (1989), ses pièces souvent créées en résidence dans des grandes villes du monde s’ouvrent sur des aspects politiques et économiques, atteignant parfois une certaine légèreté (Danzon, 1995 ; Mazurka, 1998 ; Agua, 2001 ; Nefés, 2003). Dès 1976, Bausch abandonne définitivement la composition chorégraphique traditionnelle : accolant des séquences discontinues selon un procédé proche du montage cinématographique moderne, elle construit ses pièces « non pas d’un bout à l’autre, mais de l’intérieur vers l’extérieur ». Dans un processus basé sur l’improvisation, elle aborde ses créations par des questions qu’elle se pose et pose à ses interprètes, notamment sur les thèmes de l’identité, du souvenir, du désir, du rapport homme-femme. De leurs réponses et propositions multiples qui allient actions, mots, chants ou séquences de mouvement, émergent peu à peu des œuvres dont elle seule détient les clefs. Entourée de H. Pop et R. Hogue, Bausch forge un style unique basé sur l’effet du nombre autant que sur des personnalités affirmées telles que M. Airaudo, M. Alt, J.A. Endicott, L. Forster, M. Grossmann, V. Kesselheim, A. Martin, D. Mercy, J. Minarik, V. Newport, jouant sur les actions simultanées, la répétition de gestes par accumulation, les formes processionnelles, tels les défilés dans les diagonales, figures reprises par la suite par d’autres chorégraphes. Ensuite la princesse muette qu’elle interprète en 1974, rôle-titre de l’opéra Yvonne de B. Blacher, d’après Witold Grombrowicz, et l’aveugle étrangement lucide du film de Federico Fellini E la nave va (1983), Bausch est surtout une visionnaire de l’être qui trouve son expression au-delà des mots. e Reconnue mondialement comme une des chorégraphes les plus marquantes de la fin du 20 siècle, elle renouvelle le rapport entre danse et théâtre et construit une forme de tragique contemporain qui influence nombre de créateurs bien au-delà de la danse. Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 20 Plateau Equivalent de planches ou de scène. Par contamination avec le vocabulaire du cinéma, plateau leur est préféré depuis les années 1960. Le plateau désigne un espace plus important que la seule scène puisqu’il comprend aussi les coulisses et les dessous. Pierron Agnès, Dictionnaire de la langue du Théâtre, mots et mœurs du théâtre, Le Robert, Paris, 2002 Porté Terme désignant un mouvement combiné au cours duquel un danseur est soulevé par un autre. Il peut bien sûr s’entendre pour plus de deux interprètes en scène. Et il recouvre une grande variété de e postures. On trouve le porté dans la danse classique à partir du XIX siècle aussi bien que dans la danse moderne ou contemporaine. Le porté peut enfin être collectif, à l’exemple de la chorégraphie de Maurice Béjart, le Sacre du printemps, où l’Élu(e) est littéralement soulevé(e) par la troupe. Noisette Philippe, la danse contemporaine mode d’emploi, Flammarion, Paris, 2010 Sacre du printemps Ballet d’Igor Stravinski et Nicolas Roerich, chorégraphié par V. Nijinski en 1913, devenu une œuvre majeure du répertoire chorégraphique (entre autres, Horton en 1937, Wigman en 1957, Béjart en 1959, Walter en 1970, Bausch en 1975 ou encore Tanaka en 1990). Livret : Dans les collines, des jeunes gens auxquels se mêle une vieille voyante célèbrent l’arrivée du printemps par des danses et des jeux ; survient le cortège du Sage qui bénit la terre printanière et préside à une danse sacrée (« Adoration de la terre »). Les jeunes filles vierges se livrent à des rondes mystérieuses pour désigner l’Élue qui se sacrifiera pour le printemps : après la danse des vierges en son honneur et l’invocation des ancêtres, l’Élue entame une danse frénétique jusqu’à la mort par épuisement (« Le Sacrifice »). Véritable révolution musicale, la partition de Stravinski opère un bouleversement esthétique qui partage violemment les esprits. Le découpage des scènes rituelles ne renie pas définitivement les influences de N. Rimski-Korsarov et de C. Debussy, mais ici les couleurs de l’orchestre de RimskiKorsarov disparaissent presque, et le rythme acquiert une place centrale par la révélation des couleurs primitives. Conçu comme « une cérémonie de l’ancienne Russie », le ballet n’a de véritable programme que son découpage musical. Les deux grandes sections de la partition se meuvent en d’immenses blocs sonores. De la synthèse de tous les éléments musicaux opérée par Stravinski naît une multiplicité esthétique qui explore intensément les effets acoustiques : harmonie âpres, assemblages de timbres « bruts », folklore russe transformé, rythmique irrégulière, superposition polytonale d’harmonies et de mouvements mélodiques contrastants. 21 Quelle que soit l’approche qu’ils adoptent, de la veine folklorique au symbolisme le plus abstrait, et l’évolution qu’ils font subir à l’ordonnancement de ce rituel archaïque et cruel, les chorégraphes sont confrontés à la puissance évocatrice et à la profondeur de la partition – « Il me semble que j’ai pénétré le secret du rythme du printemps », écrit Stravinski à Roerich pendant qu’il compose, précisant dans une autre lettre : « Je suis convaincu que l’action doit être dansée et non mimée. » Les diverses versions sont donc avant tout révélatrices de la danse de chaque chorégraphe, en particulier du rapport qu’elle entretient avec le sol, la terre nourricière et sacrée ici invoquée. À partir des années 1980, des tentatives vont toutefois être faites pour contourner ce « monstre sacré » : utilisation d’une version pour piano à quatre mains (Taylor, Alston) ou, plus radicalement, absence de la musique de Stravinski à peine convoquée au finale (Tanaka). D’autre chorégraphes s’engagent dans des relectures (Ek, Petronio et Clark, Delente), principe que Bel pousse à son paroxysme : dans un spectacle-manifeste qu’il intitule de son propre nom, il se livre à une véritable refondation de l’acte de danser, mettant en scène l’exploration intime de leur corps par deux danseurs nus tandis que la partition de Stranvinski est chantée intégralement a capella par une interprète également nue. Confrontée au refus des ayants droit de Stravinski, E. Woliaston reconstitue pour sa part l’esprit du rituel du Sacre du printemps dans Réveil (1997, musique de Bruno Besnainou). Autant de démarches e qui montrent à quel point cette œuvre forme une pierre d’angle de toute la danse du 20 siècle. Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Savant / populaire (arts) Les arts savants (qu’on appelle souvent, à tort, « classiques ») sont les arts s’appuyant sur l’étude. Ils sont codés et consacrés par les Académies dans lesquelles ils sont enseignés. Les arts populaires, au contraire, sont entendus comme ceux relevant du quotidien, de l’empirique ou du folklore. Par exemple : la musique classique, la musique baroque vs le rock’n’roll, le rap // la danse de ballet vs le hip hop, les danses traditionnelles // la peinture Renaissance vs l’illustration, le graff etc. Cependant la distinction entre les deux va au-delà de leur simple définition, elle comporte avant tout une dimension sociale (voire politique pendant plusieurs décennies). En effet, dans un jeux de pouvoirs, le savant et le populaire permettent de différencier et de séparer l’élite sociale des classes populaires ou « basses ». Danse savante et pouvoir Dès le XIIe siècle, l’Eglise crée un classement liturgique entre danses hautes et basses, savantes et populaires. Les premières sont rapidement récupérées par le pouvoir politique qui s’en sert notamment comme moyen de rayonnement culturel (et donc de pouvoir). C’est Catherine de Médicis, avec son Ballet comique de la reine qui la première institue la forme de ballet qui, aujourd’hui encore, demeure le symbole de la danse savante. Par la suite, c’est sous Louis XIII, en 1613, que Thomas Francine a l’idée d’élever la scène. Il marque ainsi une plus forte 22 différenciation entre espace public et espace scénique de la cour. Enfin, c’est Louis XIV qui crée en 1661 l’Académie royale de danse (avant de fonder l’Académie royale de musique en 1669). Savant et populaire La danse compte parmi les derniers arts à prendre le chemin de l’interdisciplinarité et à oser la rencontre entre savant et populaire. Les Ballets russes en font une amorce au début du XXe siècle en donnant à leurs ballets une dimension acrobatique. Cependant, en Europe, les œuvres qui tentent le « mélange » sont très décriées par la critique, comme l’ont été Le Sacre du Printemps de Nijinski ou encore Relâche de la collaboration entre les Ballets suédois et le peintre Picabia. C’est aux États-Unis que l’innovation trouve en premier son public : puisqu’outre Atlantique le poids historique du ballet est bien moins lourd, la distinction entre danse savante et danse populaire est moins radicale. Cette plus grande souplesse s’explique également que leur population est historiquement empreinte de la culture musicale (et donc chorégraphique) afro-américaine. Aujourd’hui, il existe une véritable porosité entre savant et populaire. D’une part on peut le remarquer au fait que le savant s’inspire de plus en plus du registre populaire et convoque des références non académiques (par exemple, D’après une histoire vraie, Christian Rizzo, 2013). D’autre part, les danses populaires montent sur les grandes scènes classiques : le nombre de propositions de Hip Hop et de cirque va croissant dans des institutions telles que le Théâtre National de Chaillot à Paris. Enfin, et c’est sûrement l’indice le plus marquant du brouillement des frontières entre savant et populaire : les Conservatoires et Académies de danse (mais également de musique) envisagent de prodiguer des enseignements de genres relevant du populaire (comme le Hip Hop par exemple) les rendant par là-même, académiques. Scénographie La scénographie (du grec skênê "scène" et graphain "écrire") désigne aujourd'hui l'art d'agencer un espace scénique, grâce à la coordination des moyens techniques et artistiques. La scénographie d'un spectacle comprend les traditionnels décors, toiles peintes et accessoires, mais aussi l'éclairage (qui peut modifier l'espace et même parfois se substituer aux décors), la conception même des mouvements de scène et de la « mise en espace » (la recherche du scénographe est alors parfois proche de celle du dramaturge) et tout se qui construit l'esthétique d'un spectacle. La scénographie d'un lieu de spectacle comprend toute l'organisation technique nécessaire à la représentation (disposition du public, du cadre de scène, des rideaux éventuels, etc.) 23 Séquence La séquence à l’origine est un terme du vocabulaire cinématographique désignant une série de plans continus qui forment une unité narrative. Un film peut comporter plusieurs séquences plus ou moins importantes pour la structure et la compréhension du film. L'analyse d'une séquence est un des exercices de base pour apprendre à lire un film. En danse, une séquence est une courte pièce chorégraphiée reposant sur un choix et un agencement de mouvements délibérés et structurés. Solo Définition : Œuvre ou fragment d’œuvre destiné à un seul exécutant, accompagné ou non. À l'orée du XXème siècle, le solo apparaît conjointement à l'émergence de la danse moderne. Aux Etats-Unis et en Europe, dans un contexte souvent réformiste et révolutionnaire, le danseur soliste est l'interprète et l'auteur de sa danse, riche des forces vitales de l'individu mais en même temps traversé par les élans d'une société en mouvement. « Le solo sort des théâtres, investit la nature ou les scènes de cabaret comme autant de lieux de sa monstration. Il devient dès lors l'une des figures emblématiques et singulières de la modernité en danse. Il marquera tout le siècle de ses apparitions successives, souvent empreintes d'une forte dimension politique ou idéologique. Dans ce travail solitaire, le danseur est à la fois acteur et spectateur de lui-même, explorateur et créateur de sa propre matière gestuelle. Par ce dialogue de soi à soi, proche parfois du journal intime ou de l'autoportrait, il opère simultanément un rassemblement et un dessaisissement de sa personne. Hommage à une personnalité, jeu avec la musique ou un concept, mobilité induite par un objet ou un environnement scénique apparaissent parfois comme des « subterfuges » pour autoriser cet échange solitaire. » (Claire Rousier. La danse en solo, une figure singulière de la modernité). Texte de présentation du Festival Danse Solo 2015 du CNDC Théâtralité « Notion intervenant en danse dès lors que celle-ci cesse d’être une pratique communautaire ou sociale pour se donner en spectacle.[…] D’une manière générale, au cœur de la notion de théâtralité, intervient le décalage, le « jeu » possible entre l’identité de l’interprète et celle du personnage qu’il incarne, cet autre qu’il campe sur scène. Dès lors que la dramaturgie renonce à la narration traditionnelle, à la mise en scène de personnages, que le mime cesse d’être le mode d’expression privilégié, les ressorts de ce dédoublement de soi se trouvent radicalement transformés.» Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 24 Transmission « Mode par lequel les œuvres chorégraphiques survivent à leur création. Par sa nature même, la danse se trouve confrontée à des problèmes spécifiques pour pérenniser ses productions. En effet, à la différence du théâtre, la danse ne peut se référer à un texte qui, s’il n’est l’œuvre théâtrale luimême, en est tout au moins la matrice ; à la différence de la musique, aucun système de notation du mouvement n’a pu s’imposer largement et durablement pour fournir un équivalent à la partition è musicale. Et même si l’enregistrement filmé est venu au XX siècle, pallier en partie ces manques, c’est la transmission orale, de génération en génération, entre danseurs, professeurs, maîtres de ballet et chorégraphes qui permet aux œuvres de survivre. De fait, on peut considérer qu’une œuvre n’existe et ne perdure que tant qu’elle est régulièrement dansée et qu’elle donne lieu à une transmission directe. » Le Moal Philippe, Dictionnaire de la danse, Larousse, Paris, 2008 Tour, Pirouette Pivotement du danseur sur lui-même. Exécutés sur appui simple ou double, à terre ou en l’air, en dehors ou en dedans et dans différentes poses, les tours se déclinent à partir du principe de giration selon les combinaisons les plus diverses, dont certaines ont été codifiées au fil du temps. Il existe des tours sur un pied (dont fait partie la pirouette), des tours sur deux pieds (double appui), ou encore des tours en l’air (sauts en tournant). Univers sonore Le terme d’univers peut désigner le milieu dans lequel un individu vit ainsi que son domaine mental, psychologique et artistique (« son univers »). On peut par extension définir l’univers sonore d’une pièce ou d’un artiste comme l’ensemble des éléments sonores et musicaux qui le composent et le caractérisent. Ainsi, il est formé par un ensemble auquel peuvent participer la musique, le rythme, le son des pas des danseurs, leur souffle etc. 25