Symbolique et aspects culturels de la poule - Accueil
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Symbolique et aspects culturels de la poule - Accueil
Je veux être maman tout de suite !, ill. Philippe-Henri Turin (2004) D’un point de vue symbolique, si le coq représente l’homme et la virilité (ainsi que la fierté et la prétention) la poule sera quant à elle fréquemment associée à la femme et à la fécondité. Mais pour cela il est préférable que celle-ci soit blanche, en effet la réputation de la poule noire est entachée de quelques relations douteuses avec le Diable ! La bonne mère La poule, c’est la femme docile et servile. Le comte de Buffon (1707-1788) écrit à son propos : « elle est bonne épouse, bonne mère. Jamais on ne la voit par son indocilité, troubler la paix de son fier époux : au contraire, elle se montre toujours disposée à lui donner des preuves de son obéissance, et sans cesse occupée du soin de mériter son amour ». Ce n’est donc pas un hasard si, dans les traditions populaires, la poule est souvent liée aux coutumes de mariage. Arnold Van Gennep mentionne plusieurs rites de fécondité dits des « Poules » ou de la « Chasse à la poule ». Un de ceux-ci aurait été pratiqué à Cléry-Saint-André, à la fin du XIXème siècle : « D’après un usage ancien, le soir ou le lendemain des noces, les pères et mères des époux, après les avoir conduits dans la chambre nuptiale et fermé la porte sur eux, faisaient asseoir le nouveau marié le derrière dans un bassin plein d’eau et lui faisait chanter trois fois le chant du coq : cocorico !, faisant mettre en même temps la mariée à genoux devant lui pour répondre trois fois : cocodé ! qui est le chant de la poule après qu’elle est pondu ». C’est aussi pour cela qu’il n’est pas de bon ton que « la poule chante le coq ». En Orléanais comme partout en France, la poule qui imitait le cocorico du coq devait être tuée. Une poule qui « chante le coq » est un mauvais présage. Dans la partie du Roman de la rose qu’il rédige entre 1269 et 1278, Jean de Meung écrit : « c’est chose qui moult déplait, quand poule chante et coq se taist ». Cette superstition est transposée, dans les mentalités paysannes, d’une façon on ne peut plus claire : « c’est mauvais augure quand dans une maison la poule chante avant le coq et la femme parle avant son mari ou plus haut que son mari » ! 1 La poule du Diable Les poules peuvent se faire ensorceler, c’est ce que révèle Abel Adam à Tavers en 1892. Par ailleurs, c’est une croyance générale en France que la poule noire est maléfique. Dans les Ardennes tout comme dans la Creuse la poule noire est une incarnation diabolique. George Sand dans « Les visions de la nuit dans les campagnes » (1855) raconte les techniques utilisées dans le Berry pour se vouer au diable à l’aide d’une poule noire. Albert Pillard cite également une légende du Giennois «La poule noire du bois de Cordillier à Ouzouer-sur-Trézée » où cet animal personnifie le diable. La poule noire est aussi liée au mythe de la poule aux œufs d’or ainsi, en Beauce et Gâtinais, « Avoir la poule noire, c’est avoir le secret de ne jamais manquer d’argent ». Sans-doute est-ce pour conjurer les mauvais sorts que celle-ci est parfois sacrifiée lors de l’installation dans une nouvelle maison. Jules-Marie Simon décrit de tels rites de construction observés en 1875 à Chevilly et en 1878 à Olivet. celui de la fête patronale on se souvient, qu’encore en 1925, « les femmes qui avaient une poule couveuse quittaient le bal avant minuit pour aller lever la poule, qu’elles remettaient au nid après l’heure passée ». Appellations et représentations La poule se retrouve mêlée à diverses appellations ou représentations locales. À Orléans on peut toujours voir, à l’angle de la rue du Petit SaintLoup et de la rue Saint-Euverte, une pierre sculptée qui représenterait un loup emportant une poule. Sans doute est-ce le nom de la rue qui a fait que l’animal soit identifié comme étant un loup. La poule est plus généralement, emportée par un renard. Si le loup, en effet, est régulièrement associé à la bergerie, le renard lui, l’est au poulailler. Au sens propre comme au sens figuré d’ailleurs, ainsi le personnage de Danger dans « le Roman de la Rose » refuse que l’Amant soit mis en prison avec Bel Accueil car ce serait « mettre renard avec les gélines ». La poule noire, Maurice SAND (1855) Bas relief rue du Petit St Loup Croyances et superstitions Hormis la rue orléanaise de la Poule, on peut encore relever sur les cartes anciennes du département de nombreux toponymes : le « Gîte à la Poule », le « Chemin la Poule », le « Chêne à la Poulette », la « Poulardière », le « Poulailler », etc. Á Cléry-Saint-André on note dès le XVIIème siècle une hostellerie de « la Poule Blanche » tandis qu’à Ormes un café-épicerie porte encore cette enseigne ainsi qu’une rue. Le petit restaurant de Saint-Jean-deBraye qui depuis une soixantaine d’années, a pour enseigne « La Mère Poule » tient, quant à lui, tout simplement son nom du fait que l’ancienne propriétaire des lieux s’appelait Mme Poulard. Plusieurs pratiques superstitieuses destinées à protéger les poules, en usage dans le Loiret, notamment en Forêt d’Orléans sont mentionnées, en 1889, par Constant Bernois. « Ils font une croix à la cheminée pour que les poules ne sortent pas ou les font tourner autour de la crémaillère afin qu’elles ne se perdent pas. ». On attache aussi une grande importance à la lune : on dit que les poulets qui viennent en moyenne lune, viennent mieux que ceux qui naissent en vieille lune. Une croyance assez générale en France veut que « Si Saint-Jean trouve poule couant (couvant), Y’aura mort de bête ou de gens ». J. Poquet qui signale ce dicton, en 1883, pour l’ensemble du département du Loiret, précise que dans le Pithiverais, beaucoup de ménagères se lèvent dans la nuit du 23 au 24 juin pour ôter les couveuses de dessus leurs œufs, au moment où va sonner le premier coup de minuit. La même superstition existait en Beauce, mais à l’occasion de la SaintJean-Porte-Latine (dit « Saint Jean bouillant »), fêtée début mai. À Acquebouille, ce jour coïncidant avec « Rue de la poule blanche » - Ormes « La mère poule»St jean de Braye 2 Expressions et traditions orales Les expressions populaires liées aux poules sont légion. Citons : « poule mouillée », « chair de poule », « nid de poule » « cul de poule », « pied-depoule », « cage à poule » et bien sûr en matière de gastronomie « poule au pot » et « lait de poule ». Sans oublier quelques expressions bien connues : « quand les poules auront des dents », « être comme une poule qui a trouvé un couteau », « se coucher comme les poules ». formule d’élimination « Une poule sur un mur, Qui picotait du pain dur » ainsi que les rondes enfantines « J’ai des poules à vendre, des noires et des blanches… » et « Quand trois poules, s’en vont au champs ». L’histoire de « La poule à Colin » est un standard de la chanson traditionnelle. Nous la retrouvons dans plusieurs régions françaises, notamment dans le Morvan-Nivernais, mais surtout au Québec. Elle peut être rapprochée de celle arrivée au « coq Noudin » en Vendée. A signaler en Bretagne la chanson de la poule qui couve : « Ar Yar In gor »* Quand les poules auront des dents (La Poste 2013) Plusieurs locutions ou dictons sont mentionnés dans "La Faune Populaire" en 1883 : « Embarrassé comme une poule qui mène des canets (canetons) », « Tu craches aussi gros qu’un étron de couasse » (à quelqu’un qui a un gros rhume et crache épais), « J’aimerais mieux embrasser le derrière d’une poule » (quand on veut vous faire embrasser une personne qui ne vous plait pas), « Ça n’est pas vrai qu’une poule tète, elle a le bec trop long » (réponse d’une personne à qui on veut conter un mensonge), « Quand tu verras cela les poules porteront des hottes et les coqs des sabots » (ce n’est pas près de se réaliser), « La poule a-t-elle pondu ? - oui, elle a pondu un œuf sans cotille que tu peux manger. » (réponse facétieuse à la question : La poule a-t-elle pondu ?). Quand quelqu’un a déjà beaucoup bu on l’engage à vider son verre en lui disant : « si tu ne vides pas ton verre, ça fera mourir tes poules » et l’on retrouve encore le diable : « Quand le malheur est sur les poules, le diable ne les ferait pondre. » Louis Beauvillard communique, pour sa part, une formulette interprétant le cri de la poule : « Cot, cot, cot, cot, codète ! / J’ai pondu un œuf pour mon maître / Si l’grand maître n’en veut point / Le p’tit maître le voudra ben. » Chansons et comptines La poule apparait très fréquemment dans les traditions orales enfantines. Il faut d’abord citer la célèbre berceuse « C’était une p’tite poule grise » que l’on trouve dans les recueils de chants populaires dès le milieu du XIXe siècle. Des comptines sont aussi très connues notamment celle accompagnant la Une poule sur un mur, J. Pécheur, 1950 Une poule grise, J. Jacquemot, 1959 Littérature La poule a toujours été très présente dans la littérature. Ainsi dans les apologues attribués à l’écrivain grec Ésope (fin du VIIe siècle avant notre ère) trois fables parlent déjà des poules dont celle « de la femme et la géline » qui versifiée par Jean de la Fontaine au XVIIe siècle deviendra la célèbre « Poule aux œufs d’or ». Dès le moyen-âge, des poules sont mises en scène dans Le roman de Renart 3 (1170-1250) et sont aussi évoquées dans Le roman de la Rose (1269-1278). Au XVIIIe siècle Florian et Buffon traitent de la poule ainsi, au XIXe que George Sand et Jules Renard. Au XXe siècle, des auteurs animaliers tels Louis Pergaud et Maurice Genevoix vont aussi s’y intéresser ainsi que des poètes comme Max Jacob ou Maurice Carême.* tourterelle vivent ensemble et boivent du vin, cela ne semble plus très convenable en 1987. Le débat sur la prétendue théorie du genre n’est donc pas nouveau. Père Castor, 1956 L’école des Loisirs, 1994 « Ma poule » Ésope « Fable de la femme et de la Géline », D. Janot (1542) Les fréquentes analogies entre la poule et la femme se retrouvent dans les expressions populaires ainsi les laveuses ou lavandières sont-elles appelées « poules d’eau », les grandes bourgeoises ou maîtresses « poules de luxe » et de façon plus péjorative « une poule » désigne une prostituée. Mais « ma poule » peut être aussi affectueux, Eugène Rolland précisant : « En français, ma poule, ma poulette, ma cocotte, mon poulet, sont des termes de caresse ». C’est le sens que l’on retrouve dans deux chansons populaires célèbres : « Viens poupoule » de Mayol (1902) et « Ah ! Si vous connaissiez ma poule » de Maurice Chevalier (1938). La jeune poule et le vieux renard, Fable de Florian illustrée par Vimar (1899) Mais c’est surtout dans la littérature enfantine que la poule occupe une place extrêmement importante. Un rapide inventaire nous a permis de recenser près de 150 albums-jeunesse liés aux poules. Celles-ci portent des noms rimant souvent en « ette » : Poulette, Plumette, Coquette, Antoinette, Henriette, mais encore bien d’autres prénoms féminins : Amélie, Rebecca, Pénélope, Sophie, Viviane, Maroussia ou Carmela. Il est à noter que certains auteurs ont même réalisé des séries sur ce thème : Catherine Valckx (« Le roi et la poule »), Josette Andress (« Sacrée poulette »), Christian Jolibois (« Les p’tites poules »). La palme revient à « La petite poule rousse » dont on ne compte pas moins d’une cinquantaine d’éditions.* Deux versions principales existent de ce conte l’une mettant en jeu un renard, l’autre des grains de blé. Nous retrouvons dans ces récits l’image stéréotypée de la poule « bonne mère et bonne ménagère » et il est intéressant d’étudier leurs transformations de 1950 à nos jours. C’est ce qu’a fait récemment l’auteur et éditeur Christian Bruel. Alors qu’il était possible en 1956 qu'une poule et une Poule de luxe Psychologies, nov-déc 2007 www.cybercartes.com Christian CHENAULT, Vice-président de l’A.G.R.A.C.O * Inventaires des textes d’auteurs, des chansons traditionnelles et des albums de littérature enfantine consultables sur agraco.free.fr (180 références) Pour en savoir plus : Chenault Christian, 2006, « Le Bestiaire Orléanais », Volume II, pp 28-41, éditions Loire et Terroirs, Combleux. 4