250110 Vignes et Vin

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250110 Vignes et Vin
Brève Vigie, 25 janvier 2010
De l’avenir du vin dans le monde et en France
La consommation globale de vin devrait continuer à augmenter à moyen terme, tirée par de
nouveaux gros consommateurs (Russie, Chine). La taille du marché (152 milliards de dollars
USen 2008) attire d’autres producteurs, renouvelant la concurrence mondiale. Pour
maintenir sa position de leader, la France devra donc revoir ses méthodes de
commercialisation. À long terme (horizon 2050), c’est le réchauffement climatique qui
menace les viticulteurs français, comme les pays producteurs au climat chaud. Il nécessite
d’adapter les techniques de culture.
Selon une étude réalisée en janvier 2009 pour Vinexpo1, les achats mondiaux de vins ont crû
de 14 % entre 2003 et 2008, atteignant 152 milliards de dollars US en 2008. Malgré la crise,
qui pousse les prix vers le bas, la demande devrait continuer à croître d’ici 2012, d’environ
9 % en valeur et 6 % en volume, selon l’étude.
Cette forte croissance concerne tous les pays du monde. Les pays européens
traditionnellement « grands buveurs » (Italie, France, Allemagne, Espagne) demeureraient,
selon l’étude, les principaux consommateurs de vin. Les Américains, amateurs de vins haut de
gamme et chers, deviendraient en 2012 les premiers consommateurs mondiaux (en valeur
comme en volume). Mais la croissance est surtout tirée par de nouveaux gros
consommateurs : à elles seules, la Fédération de Russie et la Chine contribueraient, en 2012, à
58 % de la croissance mondiale de la consommation.
Seuls deux pays font exception à la règle : la Corée du Sud et… la France, dont la demande
devrait baisser de 1,6 % en valeur et de 3 % en volume d’ici 2012. L’hexagone arriverait alors
au troisième rang des pays consommateurs, derrière les États-Unis et l’Italie. Selon l’enquête
quinquennale INRA-VINHIFLOR2, la diminution de la consommation française est
principalement due à un effet de génération : à mesure que les générations se renouvellent, les
consommateurs réguliers (qui boivent du vin tous les jours ou presque) se font moins
nombreux, les jeunes étant plus sensibilisés aux méfaits de l’alcool et plus consommateurs de
boissons rafraîchissantes sans alcool.
Les producteurs historiques demeurent les principaux fournisseurs mondiaux en vin. La
France est redevenue, en 2009, selon l’Organisation internationale de la vigne (OIV)3, le
premier producteur mondial de vin, devant l’Italie, l’Espagne, les États-Unis, l’Australie et les
pays d’Amérique du Sud (Argentine, Chili). Ainsi, l’importation répond en grande partie à la
demande, notamment en Grande-Bretagne, premier importateur de vin au monde.
Mais l’importance du marché mondial conduit un nombre croissant de pays à y faire leur
entrée ou à développer leur production existante. La superficie des vignes chinoises a plus que
1
IWSR (International Wine and Spirit Record). La Conjoncture mondiale du vin et des spiritueux et ses
perspectives à l’horizon 2012. Étude réalisée pour l’exposition Vinexpo, 2009, 332 p., site Internet
www.vinexpo.com/fr/etudes/conjoncture-vins-spiritueux-2012.
2
VINHIFLOR et INRA (Institut national de la recherche agronomique). « La consommation du vin en France en
2005 ». Conférence de presse SITEVI, septembre 2005, site Internet http://www.onivins.fr/pdfs/947.pdf.
3
OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin). « Point de conjoncture octobre 2009 », octobre 2009,
11
p.,
site
Internet
http://news.reseauconcept.net/images/oiv/Client/OIV_Point_de_conjoncture_octobre_2009_FR.pdf.
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doublé depuis 10 ans, et elle représentait, en 2007, 6 % du vignoble mondial4. En GrandeBretagne, la surface viticole a augmenté de plus de 50 % sur la même période ; les cépages
empruntés à la Champagne française s’adaptent au climat du sud de la Grande-Bretagne, et les
concours internationaux reconnaissent au bubbly (vin mousseux britannique) une qualité
proche de celle du champagne !5
Ainsi, la concurrence mondiale entre les producteurs de vin se renforce et change de
structure. C’est un enjeu de taille pour le secteur viticole français. En effet, premier
producteur mondial, la France ne peut s’adresser à une demande intérieure fléchissante, et
peine à se tourner vers l’export. Selon de nombreux observateurs, dont Jean-Pierre
Déroudille6, le défi français sera, face aux politiques de marques mises en œuvre dans les
autres pays, de mettre en valeur la qualité de son vin (validée par son système d’appellations)
par des actions de promotion et de distribution. Certains domaines déploient ainsi des
stratégies commerciales d’envergure, comme les producteurs des vins de Cahors, lancés
depuis un an à la conquête des États-Unis7.
À long terme, cependant, la qualité du vin elle-même est confrontée à une menace de taille : le
réchauffement climatique. Les viticulteurs espagnols (en Catalogne notamment) ont constaté
une augmentation d’1 °C dans leurs cultures en 40 ans. La sécheresse, combinée aux séquelles
de la crise, a entraîné une érosion des vignobles en Afrique du Sud et en Australie. Selon
Bernard Seguin8, directeur de recherche à l’INRA (Institut national de recherche
agronomique), une augmentation de 2 °C à l’horizon 2050 modifierait la nature du vin produit
dans les cépages des pays chauds, dont la France et l’Espagne, et 4 °C à 6 °C supplémentaires
à la fin du siècle nécessiteraient de déplacer les ceps vers des terrains plus élevés en altitude.
L’augmentation des températures pourrait bénéficier aux pays lancés récemment dans la
production vinicole, comme la Grande-Bretagne, qui peut choisir (et déplacer) l’endroit où
planter des ceps issus d’autres pays. En outre, le réchauffement climatique multiplie les
opportunités de création de vignes à mesure que le climat des territoires du nord devient
favorable.
Mais dans les pays producteurs historiques, la localisation géographique des vignobles est tout
sauf anodine. Particulièrement en France, c’est une spécificité à double titre. En premier lieu,
la forte culture vinicole rend difficilement acceptable un déménagement des vignes qui
toucherait à la notion de terroir. En second lieu, l’offre française est structurée en cépages,
aux noms réputés, et le système AOC (appellation d’origine contrôlée) se réfère à l’origine
des vins.
Pour éviter un délogement, les viticulteurs des régions chaudes doivent donc adapter leurs
pratiques de culture. Il s’agit principalement d’optimiser l’utilisation de l’eau, grâce à des
techniques innovantes. Les Échos relatent l’exemple9 de Fruition Science, start-up fondée à
4
« Production de vin et exportations : Chine ». Site Internet Sud de France Export http://www.suddefranceexport.com/fr/fiches-pays/chine/vin/production.
5
EVERS Marco. « Le bubbly, à l’égal du champagne ». Courrier International, 3 décembre 2009.
6
DÉROUDILLE Jean-Pierre. Le Vin face à la mondialisation. Paris : Dunod, 2008. Voir l’analyse de cet
ouvrage par Michel Drancourt, Futuribles, n° 349, février 2009, pp. 93-94.
7
ROBERT Martine. « Les vins de Cahors à la conquête de l'Ouest ». Les Échos, 31 décembre 2009.
8
« 2009 - 2050 : le réchauffement climatique à hauteur d'homme – Espagne, le vin à l’épreuve du temps ».
Lemonde.fr, visuel interactif, 11 décembre 2009.
9
MAILHES Laetitia. « Irriguer moins pour une meilleure récolte ». Les Échos, 17 septembre 2009.
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Berkeley par deux Français, dont la recherche est financée à hauteur de 300 000 euros par
Oséo, qui a vendu en Californie une technologie de mesure de flux de sève en temps réel.
Selon le journal, les technologies innovantes peinent encore à parvenir jusqu’aux vignes,
contrairement au domaine de l’arboriculture.
Marguerite Grandjean, Futuribles International
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