A-2006/N°04 - La notion de peine de prison

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A-2006/N°04 - La notion de peine de prison
Siréas
asbl
Service International de Recherche , d’Education et d’Action Sociale
Année 2006
DOCUMENT n° 4
Analyses et études
LA NOTION DE PEINE DE PRISON
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LA NOTION DE PEINE DE PRISON
Introduction
Cela fait maintenant plusieurs décennies que les débats autour de la notion de peine sont
présents dans l’actualité. En effet, la notion de peine a subi et subi encore énormément
d’évolution. De peines punitives : peines de mort, peines privatives de liberté, ... nous
sommes passés progressivement à des peines plus resocialisantes : peine de travail, travail
d’intérêt général, semi-détention, surveillance électronique ... Bon nombre d’alternatives ont
vu le jour.
Néanmoins, beaucoup de chercheurs, d’avocats ou de professeurs d’Université1 semblent se
mettre d’accord pour dire que nous sommes revenus depuis quelques années, notamment suite
à la médiatisation de certaines affaires : Dutroux, Marc et Corinne ou plus récemment Stacy et
Nathalie, à des peines et des conditions de détention ou de libération beaucoup plus
répressives et de plus en plus strictes. « Rapidement, force fut de constater la généralisation à
de nombreux délinquants des réactions à des formes de criminalité dont on reconnaissait
pourtant qu’elles étaient très rares2. »
En effet, « diverses études montrent que ces dix dernières années, à criminalité constante, la
sévérité pénale a eu tendance à augmenter. Par ailleurs, le recours à la détention préventive
est plus répandu aujourd’hui que naguère. L’octroi de mesures de libération conditionnelle
ne se fait plus aisément. Toutes choses qui concourent à ce que les prisons ne désemplissent
pas. La surpopulation règne dans la plupart des établissements pénitentiaires et n’est pas
prête de refluer. »3
1
MESSINNE Jules, Cours de Droit pénal donné à l’ULB en première licence de criminologie, durant l’année
2003-2004, Volume II – Titre V : la peine.
2
Le Courrier Hebdomadaire du CRISP, N°1916, « La nouvelle loi pénitentiaire – Retour sur un processus de
réforme », p.4.
3
La Libre Belgique, le jeudi 24 août 2006, « La prison pourquoi ? », p.3.
2
La notion de peine ne cesse donc d’évoluer. Beaucoup de changements sont à mettre en
évidence.
I. Objectif de la peine
Depuis des siècles, beaucoup considèrent que le délinquant doit payer pour le crime qu’il a
commis. La peine de prison est pour beaucoup une punition par rapport à un fait commis. Le
délinquant est mis à l’écart de la société et ne doit y revenir que lorsqu’il est arrivé au bout de
sa peine ou uniquement lorsque la faute a été « expiée ».
Cependant, depuis quelques années, la notion de réadaptation sociale a fait son apparition. Un
délinquant ne doit pas seulement être puni pour le crime qu’il a commis mais il est important
qu’il soit aidé en vue de sa réinsertion dans la société.
En effet, selon le Docteur en droit Paul Mbanzoulou « le fondement de l’action pénitentiaire
se trouve dans l’espoir populaire que la prison pourrait atteindre deux objectifs en même
temps : l’objectif rétributif de punition et l’objectif réhabilitatif de traitement. Cet espoir a été
repris par les Règles minima pour le traitement des détenus adoptées par les Nations Unies,
en affirmant que la finalité et l’ultime justification d’une peine de prison est de protéger la
société contre le crime. Cette protection passe par la mise à l’écart momentanée du
délinquant, mais aussi par sa transformation dans une perspective de réinsertion sociale4. »
Les services sociaux tant interne qu’externe ont un rôle primordial à jouer, en aidant tout
d’abord le détenu à analyser et comprendre que le fait qu’il a commis est « mal », mais aussi
en lui montrant progressivement le chemin vers une réinsertion dans la société : logement,
travail, formation, ... Il est en effet important pour lui d’être soutenu dans ses démarches et de
savoir que quelqu’un est là, derrière lui, pour le pousser vers une réintégration dans la société.
4
Les cahiers de l’Actif, N° 296/297, « La réinsertion sociale des détenus en milieu carcéral – Une mission
partagée, p.65.
3
La réinsertion sociale des détenus est donc tout aussi importante que le caractère punitif de la
peine. En effet, le délinquant doit pouvoir être puni et surveillé pour le fait qu’il a commis
mais il ne faut pas perdre de vue qu’il doit aussi se remettre en question, réapprendre à vivre
et à se réinsérer progressivement dans la société. La création du lien social est essentiel en
prison.
Or « si la mission de surveillance semble satisfaisante, la mission de réinsertion reste
problématique5. »
En effet, depuis quelques temps, comme nous l’évoquions en introduction, le caractère punitif
de la peine semble réapparaître avec force au détriment de son aspect plus social.
II. Surpopulation pénitentiaire et libération conditionnelle
Cette première analyse de la notion de peine actuellement n’est pas sans lien avec cette
constatation évidente qu’est depuis plusieurs années la surpopulation carcérale.
Comme nous l’avons abordé en introduction, les peines sont de plus en plus sévères et l’octroi
d’une libération conditionnelle de plus en plus restreint. Ceci ne fait qu’accroître chaque jour
un peu plus la population carcérale.
« Au cours des dix dernières années, l’octroi de mesures de libération conditionnelle n’a
cessé de diminuer. A titre d’exemple, en 1991, 1104 détenus ont bénéficié d’une libération
conditionnelle. Ils n’étaient plus que 681 en 2002 ... Parallèlement, les décisions de
révocation de la libération conditionnelle sont de plus en plus nombreuses. La conséquence
directe de cet état de fait : de plus en plus de détenus, épuisés par le parcours kafkaïen qui
découle du processus de libération conditionnelle, prennent la décision de purger leur peine
jusqu’au bout, sans demander de libération anticipée et donc sans avoir à justifier de la
55
Les cahiers de l’Actif, N° 296/297, « La réinsertion sociale des détenus en milieu carcéral – Une mission
partagée, p.65.
4
moindre volonté de réinsertion..6. » « La procédure qui se veut protectrice de la société se
retourne contre celle-ci7. »
Plusieurs conséquences directes sont ainsi à mettre en évidence : « tant sur le respect des
droits fondamentaux des détenus, que pour la sécurité des agents pénitentiaires ou encore pour
la population dans son ensemble »8. D’autre part, l’OIP ( l’Observatoire International des
Prisons) souligne également la présence d’une surpopulation carcérale à l’échelle européenne
et « pousse un cri d’alarme concernant la dégradation des conditions de vie dans les prisons :
promiscuité, hygiène déplorable, vétusté des bâtiments. Des conditions de vie indignes de ce
siècle9. » Toutes ces conditions nous les retrouvons malheureusement dans certaines prisons
belges.
Suite à l’affaire Dutroux, de nombreux professionnels de terrain avaient demandé en 1998, la
réforme de la Loi sur la libération conditionnelle. L’effet escompté n’a pas été atteint. En
effet, celle-ci n’a fait qu’engendrer une surpopulation carcérale de plus en plus difficilement
tenable.
Néanmoins, afin de pallier ces différents problèmes, « la matière a une nouvelle fois été
modifiée et une législation instaurant des tribunaux d’application des peines a été adoptée le
17 mai 2006 et entrera en vigueur sous peu. L’idée directrice qui a inspiré les auteurs de la
Loi de 1998 se retrouve dans la nouvelle loi mais le texte a le mérite de confier ce type de
décision à des juridictions indépendantes et impartiales ... Mais au delà de cette nouvelle loi,
il ne sera pas remédié aux carences du système pénitentiaire sans l’octroi de moyens humains
et financiers plus importants10. »
Par ailleurs, « les peines alternatives restent une exception dans l’arsenal pénal utilisé par les
juges. Ceux-ci privilégient toujours largement l’emprisonnement. Et ils ne sont pas incités à
changer leur fusil d’épaule par les responsables politiques qui, pour répondre au problème
de la surpopulation, augmentent encore et toujours la capacité carcérale en construisant de
6
La Libre Belgique, le 25 septembre 2006, p.21.
DETIENNE Jean, « Rapport de 2001 »,
http://www.crisp.be/FR/Documents/Les%20commissions%20administratives%20rapport%20synth%C3%A8se
%202001.pdf#search=%22%20peine%20punition%20resocialisation%20%22, p.30.
8
La Libre Belgique, le 25 septembre 2006, p.21.
9
V. Forest, donner à l’ex-détenu une seconde chance, Nouvelle du Réseau, N°116 – janvier, février 2006, P.1.
77
10
La Libre belgique, le 25 septembre 2006, p.21.
5
nouveaux établissements pénitentiaires.
Or, tous les chiffres le montrent : si nous
construisons de nouvelles prisons sans réformer les pratiques judiciaires, les prisons neuves
seront, à leur tour, vite remplies et surpeuplées. La surpopulation dans les prisons ne peut se
réguler qu’en modifiant la politique pénale11. »
Les professionnels de terrain restent cependant assez dubitatifs. En effet, alors que certains
espèrent que la mise en place d’un tribunal d’application des peines permettra de désengorger
un peu les prisons belges, d’autres savent pertinemment que ce tribunal risque d’être vite
surchargé. La question des moyens tant matériels, financiers qu’humains reste primordiale.
En effet, il est important de pouvoir donner à cette nouvelle instance les moyens de
fonctionner correctement.
III. Les soins de santé conférés aux détenus
Comme le souligne l’administration pénitentiaire : « même si un détenu est privé de sa
liberté, il doit conserver ses autres droits fondamentaux. Il continue à faire partie de la
société et par conséquent il a droit à l’aide et aux services proposés par le secteur social12. »
« La vie en prison est le reflet de la vie en société. Les hommes conservent leurs travers. Ce
qui la caractérise c’est la promiscuité, fruit de la surpopulation, qui amène les détenus à
vivre à deux ou trois, 22h sur 24, sur une surface de 10 à 12 mètre carré dans un local ou
toutes les exigences de la vie se déroulent au vu et au su des co-détenus... La vie en prison est
émaillée de difficultés auxquelles le détenu va devoir faire face. Ce sont notamment les
problèmes de santé...13 »
11
Th. D. et I. Ph., “Faut-il supprimer les prisons?”, Le Vif l’Express du 17.11.2006, p.44.
DETIENNE Jean, « Rapport de 2001 »,
http://www.crisp.be/FR/Documents/Les%20commissions%20administratives%20rapport%20synth%C3%A8se
%202001.pdf#search=%22%20peine%20punition%20resocialisation%20%22, p.12.
13
Le Courrier Hebdomadaire du CRISP, N°1916, « La nouvelle loi pénitentiaire – Retour sur un processus de
réforme », p.26.
12
6
Ainsi, les détenus doivent pouvoir bénéficier de soins de santé équivalent à ceux accordés aux
autres citoyens. Le discours pénitentiaire proclame ainsi que : « les méthodes utilisées doivent
cultiver chez les détenus le sentiment qu’ils continuent à faire partie de la Communauté
Sociale. Il en découle que l’on ne peut refuser la protection judiciaire à un détenu jusqu’à ce
que la sévérité du régime appliqué ait effectivement atteint la santé physique ou mentale et
que la preuve du mal soit établie par la victime14. » La situation actuelle est cependant très
loin d’être le cas.
En effet, « il est inutile de rappeler que le régime pénitentiaire dégrade, par la promiscuité et
l’enfermement, la santé physique et psychique du détenu. Dans la plupart des prisons,
quoique à des degrés divers, les traitements et les soins curatifs élémentaires sont refusés.15 »
Dans la pratique, que ce soit au niveau des prescriptions médicales, de la distribution des
médicaments, du suivi d’un régime alimentaire précis, de la demande de pouvoir consulter un
médecin spécialiste... peu de recommandations médicales sont effectivement suivies à
l’intérieur des prisons par le personnel pénitentiaire.
Afin d’illustrer ces propos, prenons comme exemple la prison de Saint Gilles et la prison de
Forest, deux prisons où nous suivons un grand nombre de détenus. En effet, un nombre
important de détenus déjà passés par notre service ont mis en évidence ces différents
problèmes. Que ce soit lors de suivis de formation au Centre des Etangs Noirs, lorsqu’on y
acceptait encore les détenus, lors de visites à la prison ou lors des permanences organisées,
beaucoup de détenus ou ex-détenus nous ont fait part de ces difficultés. Souvent, ils nous
« déclarent que cela ne sert à rien de s’adresser au service médical, qu’ils préfèrent ne pas
s’adresser au médecin car ils ne seront de toute façon pas soignés. Le fait même de demander
des soins est mal vu et les exposent à des mesures disciplinaires. Ils reçoivent tout au plus des
calmants 16». D’autres nous expliquent également que lorsqu’ils sont très malades et
demandent à voir un médecin en urgence, celui-ci ne prend contact avec eux que quelques
jours plus tard.
14
DETIENNE Jean, « Rapport de 2001 »,
http://www.crisp.be/FR/Documents/Les%20commissions%20administratives%20rapport%20synth%C3%A8se
%202001.pdf#search=%22%20peine%20punition%20resocialisation%20%22, p.13.
15
Siréas, « Analyses et études : Analyse des contraintes et situations rencontrées par des justiciables qui
bénéficient d’une mesure alternative d’exécution des peines », N°17, 2004.
16
Siréas, « Analyses et études : Analyse des contraintes et situations rencontrées par des justiciables qui
bénéficient d’une mesure alternative d’exécution des peines », N°17, 2004.
7
De nouveau, la question de la surpopulation carcérale et du manque flagrant de personnel
reste omniprésente dans la réalité quotidienne de beaucoup de professionnels de terrain. En
effet, un nombre important d’entre eux constatent que la surpopulation des prisons belges et
un manque énorme de personnel n’y sont pas étrangers.
IV. Les conditions de détention des personnes incarcérées
Ce point sur les conditions de détention à l’intérieur des prisons belges n’est pas sans lien
avec le précédent. En effet, dans le même ordre d’idée que les problèmes de santé, nombre de
détenus nous font souvent part d’autres difficultés liées à leur détention : les sorties au préau,
les coups de téléphone, les visites ... refusés au détenu par certains gardiens sans aucuns
motifs.
Dans une lettre ouverte destinée à la Ministre de la Justice, Madame Onkelinx Laurette17,
suite à l’affaire des membres du DHKP – C condamnés par la Cour d’appel de Gand pour leur
appartenance à une organisation terroriste, il est également fait part de certaines dérives. En
effet, « les prisonniers sont isolés des autres détenus. Ils sont confinés 23 heures sur 24 dans
leur cellule. Durant leur unique heure de répit, ils sont seuls au préau. Les visites qui leur
sont autorisées sont exclusivement celles de leurs avocats ou dans certains cas d’un cercle
familial défini de manière très restrictive. Et enfin, certaines pratiques contribuent à
organiser une privation de sommeil. Les lampes de leurs cellules restent allumées en
permanence, il leur est quasiment impossible de dormir. »
Ces pratiques sont inacceptables et contraires aux libertés et droits fondamentaux de tout être
humain. « Tolérer que l’on inflige à une personne un traitement générant d’aussi lourdes
souffrances, tant sur le plan mental que physique du détenu, s’apparente à l’acceptation,
sinon d’une forme de torture, du moins à celles de traitements inhumains et dégradants
18
».
Or l’article 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
17
Affaire Bahar Kimyongür, Lettre ouverte à Madame Laurette Onkelinx, Ministre de la Justice, 13 novembre
2006, à l’initiative de Benjamin Denis (Politologue aux Facultés Universitaires Saint Louis), voir :
http://www.leclea.be/pages/lettre-ouverte-onkelinx.html
18
Affaire Bahar Kimyongür, Lettre ouverte à Madame Laurette Onkelinx, Ministre de la Justice, 13 novembre
2006, à l’initiative de Benjamin Denis (Politologue aux Facultés Universitaires Saint Louis), voir :
http://www.leclea.be/pages/lettre-ouverte-onkelinx.html
8
Fondamentales l’exprime clairement : « l’article 3 de la Convention impose à l’Etat de
s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont comparables avec le
respect de sa dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas
l’intéressé à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de
souffrance inhérent à sa détention et que, eu égard aux exigences pratiques de
l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate. »
En constatant pareilles pratiques, nous pouvons remarquer qu’à l’heure actuelle un énorme
retour en arrière est effectué dans l’enfermement et la punition des personnes ayant commis
une infraction. En effet, alors que nous parlions au début de cet article d’une notion de
réadaptation ou de réinsertion sociale de plus en plus présente dans le discours, la réalité nous
oblige à constater que nous retombons dans une notion d’expiation par la souffrance que nous
croyions dépassée.
V. La question de la réinsertion sociale des détenus
« En pratique, la prison est un présent qui est loin de préparer l’avenir. Le paradoxe de la
justice est de condamner un délinquant issu, la plupart du temps, d’un milieu déshérité, pour
le plonger dans un milieu où toutes les formes de criminalité se rencontrent19. »
Dans ces conditions, il n’est pas évident pour les services sociaux et les détenus de préparer
progressivement leur réinsertion dans la société.
Néanmoins, la question de la réinsertion sociale reste présente. Que ce soit au niveau de la
recherche d’un logement, d’un emploi, d’une formation ... de nombreux services sociaux
extérieurs à la prison servent de relais et aident les détenus dans cette voie. Le chemin est
cependant assez nébuleux et souvent rendu difficile par un manque évident de moyens.
«La sortie de prison, quelle que soit la durée de la peine purgée, est un moment difficile à
vivre. La personne libérée sans préparation ni accompagnement risque de se retrouver à
19
Le Courrier Hebdomadaire du CRISP, N°1916, « La nouvelle loi pénitentiaire – Retour sur un processus de
réforme », p.32.
9
nouveau dans un environnement familial ou social néfaste, voire criminogène, ou bien au
contraire dans un isolement total, alors qu’elle aurait besoin de soutien pour se réadapter à
la vie libre. Tout ceci peut l’amener à la récidive20. »
La présence de personnes accompagnant le détenu dans ses démarches est donc indispensable
afin de lui éviter de retomber dans les travers du passé et de pouvoir l’aider à recommencer
une nouvelle vie.
Par ailleurs, un nombre important de personnes incarcérées en Belgique sont originaires d’un
milieu social défavorisé. « La plupart des détenus sont sans emploi ou ont connu un parcours
professionnel chaotique, très peu ont terminé le cycle d’études supérieurs. On trouve
également en prison un pourcentage important d’illettrés21. » Parmi ceux-ci, nombre d’entre
eux sont condamnés à une longue peine de prison associée pour la réparation du dommage
qu’ils ont causé au paiement d’une amende au montant astronomique. Ceci alors qu’ils n’ont
aucun moyen de la payer. Comment est-il possible de les aider à se réinsérer dans la société
alors qu’on les enfonce encore plus dans la misère et qu’on renforce leur condition socioéconomique défavorisée ?
En effet, ne serait-il pas plus judicieux de les mettre en prison et, lorsque leur peine est
expiée, de diminuer voire de supprimer toute amende ?
VI. Une expérience innovante : le « projet Bastoy » 22
Cette nouvelle expérience permet de mettre en évidence une pratique innovante en matière de
détention. En effet, la création d’une prison ouverte en Norvège, sous l’impulsion de son
directeur, Monsieur Oyvind Alnaes, met en pratique un tout nouveau système de détention.
Il s’agit d’une prison modèle située sur l’île de Bastoy, près d’Oslo, dont les principes de base
20
Des voies d’amélioration : réinsertion et peines alternatives
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/prison-detention-reinsertion/reinsertion-peinesalternatives.shtml
21
Th. D. et I. Ph., “Faut-il supprimer les prisons?”, Le Vif l’Express du 17.11.2006, p.47.
22
Voir notamment http://uk.news.yahoo.com/23032006/80-132/break-law-live-beach.html
10
sont l’écologie et l’humanité.
Nous pouvons y trouver des maisons de bois sans barreaux,
des magasins sans gardiens … rien ne ressemblant à une prison. Cent quinze détenus et cinq
agents y vivent 24h sur 24.
Chaque maison est occupée par 4 – 5 détenus. Chacun travaille de 8h du matin à 15h de
l’après midi et, pendant leurs temps libres, diverses activités s’offrent à eux : football,
ordinateur, bibliothèque, … Le travail consiste essentiellement en travaux agricoles ou
domestiques.
Le directeur de la prison, Monsieur Oyvind Alnaes, convaincu que les régimes pénitentiaires
ne permettent pas l’amélioration des détenus, a créé cet établissement en proposant aux
détenus une manière différente d’expier leur peine. En effet, selon lui, ce n’est qu’en étant
eux-mêmes respectés que les détenus pourront apprendre à respecter les autres.
S’ils
continuent à être considérés comme de dangereux criminels, ils ne cesseront de l’être. La
philosophie principale est de mettre les détenus devant leurs responsabilités afin de les aider
à imaginer et construire leur avenir.
En six ans de temps, il n’y a eu qu’une seule fugue.
Conclusion
Beaucoup de personnes considèrent que la notion de peine en prison est liée au fait que le
détenu doit s’amender, se repentir et reconnaître les fautes qu’il a commises avant de pouvoir
se réintégrer et sortir de prison. Ainsi, « les fonctions inhérentes à l’emprisonnement d’un
individu sont de marquer, de manière ultime et disproportionnée, la désapprobation de la
société à l’égard d’une action jugée criminelle, de favoriser la réparation des dommages
occasionnés aux victimes, et réduire les risques de récidive en donnant aux condamnés les
outils de leur réinsertion23. »
23
V. Forest, donner à l’ex-détenu une seconde chance, Nouvelle du Réseau, N°116 – janvier, février 2006, P.1.
11
Néanmoins, sur le plan pratique, nous ne pouvons que faire un constat d’échec. En effet,
nombre de détenus voient leurs droits bafoués, le personnel pénitentiaire se voit de plus en
plus confronté à une surpopulation pénitentiaire accrue, ... La question des moyens financiers,
humains et matériels reste omniprésente. Mais, sur le plan pratique, c’est inacceptable et,
comme nous l’avons mentionné, contraire aux libertés et aux droits fondamentaux de tout être
humain.
Par ailleurs, depuis quelques années, mais surtout depuis la médiatisation de certaines affaires
criminelles, nous assistons de plus en plus à un retour en force vers une sévérité accrue de la
notion de peine en prison et une restriction des mesures permettant au détenu de sortir de
prison avant la fin de sa peine. Tout ceci ne vise qu’à accentuer encore davantage la
surpopulation pénitentiaire et rend difficile le travail du personnel pénitentiaire interne ou
externe.
Enfin, comme le rappelle le Conseil de l’Europe au sujet de la notion de peine de prison,
« toute personne privée de liberté doit être traitée avec respect et dignité. Outre des
conditions de détentions dignes de ce siècle, cela devrait inclure une réelle possibilité pour
les détenus de bénéficier de formations et de conseils judicieux pour les préparer
concrètement à leur retour au sein de la collectivité. Une société qui a banni depuis des
lustres la Loi du talion se grandirait en prenant à bras le corps la question de la réinsertion
de ses prisonniers24. »
24
V. Forest, donner à l’ex-détenu une seconde chance, Nouvelle du Réseau, N°116 – janvier, février 2006, P.1.
12