NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction

Transcription

NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction
NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction de la version
originale anglaise.
CENTRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS SPORTIFS DU CANADA
(CRDSC)
SPORT DISPUTE RESOLUTION CENTRE OF CANADA (SDRCC)
No de dossier : SDRCC 15-0272
PROVINCIAL TAEKWONDO SOCIETY OF NOVA SCOTIA (PTSNS)
(DEMANDERESSE)
ET
PROVINCIAL TAEKWONDO SOCIETY OF NEWFOUNDLAND & LABRADOR
(PTSNL)
(DEMANDERESSE)
ET
CONSEIL D’ADMINISTRATION DE TAEKWONDO CANADA (TC)
(INTIMÉ)
devant
L’honorable Robert Décary, c.r.
(arbitre juridictionnel)
MOTIFS DE LA DÉCISION RELATIVE À LA COMPÉTENCE
1. Le vendredi 18 septembre 2015, j’ai été désigné comme arbitre juridictionnel dans
cette affaire, conformément à l’alinéa 6.10(a) du Code canadien de règlement des
différends sportifs (le Code). Compte tenu de l’urgence de la situation -l’assemblée générale annuelle de TC doit avoir lieu le 25 septembre 2015 --, les
parties ont déposé leurs observations par écrit le matin du lundi 21 septembre
2015. L’audience s’est déroulée par conférence téléphonique dans l’après-midi et
j’ai rendu ma décision relative à la compétence, motivée sommairement, plus tard
ce jour-là. Voici les motifs de ma décision.
2. Les demanderesses sont des sociétés de taekwondo provinciales qui, depuis 2012
et jusqu’en 2014, étaient des « sections provinciales membres » à part entière,
avec droit de vote, de Taekwondo Canada (TC). En vertu des règlements
administratifs de TC, une seule organisation par province peut être admise à titre
de « section provinciale membre ». En 2015, TC a reçu deux demandes
d’adhésion de la Nouvelle-Écosse et deux demandes de Terre-Neuve-et-Labrador,
dont celles des demanderesses. Après avoir étudié les dossiers respectifs, le
3 septembre 2015, TC a choisi l’autre candidat dans chacune des deux provinces.
3. Le 16 septembre 2015, les demanderesses ont déposé une demande auprès du
CRDSC conformément au paragraphe 3.4 du Code. Elles ont contesté la décision
en invoquant plusieurs motifs relatifs à la procédure, prévus dans la Politique
d’appel de TC : TC n’avait pas le pouvoir de modifier son Règlement administratif
actuel; TC n’a pas suivi les procédures établies dans les règlements administratifs,
les politiques approuvées ou les précédents de TC; et TC a pris une décision
teintée de partialité.
4. Au cours d’une réunion administrative tenue par conférence téléphonique, le
18 septembre 2015, TC a confirmé qu’il avait accepté de passer outre son
processus d’appel interne, mais il a contesté la compétence du CRDSC pour le
motif que le différend n’est pas un différend sportif. La seule question qu’il
m’incombe de trancher, en qualité d’arbitre juridictionnel, est de savoir s’il s’agit ou
non d’un différend sportif au sens du Code. Je ne me prononce pas sur le bienfondé du cas.
DISPOSITIONS APPLICABLES
5. Avant d’en arriver aux observations des parties, il est utile de reproduire les parties
pertinentes du Code, dont certaines ont été introduites en janvier 2015. J’ai
examiné le texte français et, n’ayant relevé aucune contradiction ni ambigüité entre
les textes français et anglais, j’ai décidé de ne reproduire que la version anglaise.
[NDT : pour le bénéfice du lecteur, la version française est reproduite ci-dessous]
2 PARAGRAPHE 2.1 ADMINISTRATION
(a) Le CRDSC administre le Code afin de régler les Différends sportifs.
(b) Sous réserve de l’alinéa 2.1(c) ci-dessous, le Code s’applique à un Différend
Sportif lorsque le CRDSC a compétence pour régler ce différend. Par
conséquent, le Code s’applique à tout Différend sportif :
(i) ayant fait l’objet d’une entente de Médiation, d’Arbitrage ou de Méd-Arb
portant le différend devant le CRDSC;
(ii) pour lequel les Parties doivent recourir au CRDSC pour en obtenir le
règlement; ou
(iii) pour lequel les Parties et le CRDSC conviennent de recourir au présent
Code.
(c) Le Code ne s’applique à aucun différend pour lequel une Formation détermine,
à sa seule discrétion, qu’il n’est pas approprié de recourir au CRDSC ou que le
CRDSC n’a pas compétence pour gérer le différend.
PARAGRAPHE 1.1 DÉFINITIONS
[…]
(bb) « Membre » " Member" inclut un athlète, entraîneur, officiel, bénévole,
administrateur, employé et toute autre personne affiliée à un ONS, et tout
participant à un événement ou une activité sanctionné par l'ONS;
(r) « Formation » "Panel" signifie, le cas échéant :
[…]
(iii) un Arbitre juridictionnel; ou
[…]
(hh) « Personne » “Person” signifie une personne physique ou une
organisation ou autre entité;
(o) « Différend sportif » “Sports-Related Dispute” signifie un différend
affectant la participation d’une Personne dans un programme de sport ou un
organisme de sport. De tels différends peuvent être reliés (sans s’y limiter)
à:
(i)
la sélection d’équipes;
(ii) une décision qui affecte un Membre d’un organisme national de
sport (ci-après « ONS ») et qui est prise par le conseil
3 d’administration ou un comité de l’ONS ou par un individu à qui a
été déléguée l’autorité de prendre des décisions au nom de l’ONS
ou de son conseil d’administration;
(iii) tout différend affectant la participation d’une Personne dans un
programme de sport ou un organisme de sport, pour lequel une
entente de Médiation, d’Arbitrage ou de Méd-Arb devant le
CRDSC a été conclue entre les Parties ou pour lequel celles-ci
auraient convenu d’utiliser les services du Facilitateur de
règlement du CRDSC; et
(iv) tout différend découlant de l’exécution du Programme
antidopage.
LA POSITION DE L’INTIMÉ
6. L’intimé est représenté par un avocat.
7. Premièrement, il fait valoir que le différend n’est pas un « différend sportif » au
sens de l’alinéa 1.1 (o) du Code. À son avis, le refus des droits d’adhésion à une
organisation n’est pas de prime abord un différend relié au sport. [Traduction] « Il
n’y a pas de droits de participation au sport qui soient concernés, écrit-il, et il s’agit
clairement et sans équivoque d’un différend relatif à la gouvernance de
l’organisation, qui sera réglé après un examen des interactions et de l’application
des règlements administratifs, politiques et procédures ». Il fait valoir que le
CRDSC a une expertise en sports, et non pas en droit des sociétés. Il fait valoir en
outre que le critère fondamental pour établir l’adhésion à une organisation n’est
pas une question de « participation », car un membre ne « participe » pas à une
organisation.
8. Deuxièmement, fait-il valoir, même si le différend devait être un différend sportif, le
tribunal devrait quand même déterminer s’il tire sa compétence de l’un des chefs
de compétence prévus à l’alinéa 2.1(b) du Code. L’avocat estime qu’aucune de
ces sources ne s’applique au cas de l’espèce.
9. Troisièmement, soutient-il, dans tous les cas, le tribunal devrait exercer son
pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 2.1 (c) et conclure qu’il n’est pas
approprié de recourir au CRDSC en l’espèce. Le CRDSC ne devrait pas se mêler
de réévaluer des demandes concurrentes d’adhésion à une organisation en
fonction de critères qui n’ont rien à voir avec le sport. Le différend a trait à la
gouvernance de l’organisation, il n’affecte pas les athlètes.
10. Quatrièmement, argue l’avocat, il n’est pas réaliste de vouloir trancher cette
demande dans le délai que les demanderesses cherchent à imposer à l’intimé. Les
4 demanderesses affirment qu’il est nécessaire de prendre une mesure
immédiatement parce que l’assemblée générale annuelle doit avoir lieu dans
quatre jours, c.-à-d. le 25 septembre 2015. Pourtant, les demanderesses ont
attendu près de deux semaines - elles ont pris connaissance de la décision le
3 septembre 2015 - pour engager ce recours. Sur le plan de la procédure, il reste
encore beaucoup à faire avant que cette affaire puisse être examinée sur le fond,
notamment aviser les parties affectées (les organisations qui ont obtenu les droits
de membre) de l’existence du différend. En outre, poursuit-il, les raisons avancées
en appui à la demande exigent une compréhension des règlements administratifs
et politiques de TC dans leurs moindres détails et aucun arbitre ne peut être en
mesure, raisonnablement, de venir en aide aux demanderesses en se fondant sur
la demande telle qu’elle est formulée actuellement.
LA POSITION DES DEMANDERESSES
11. Les demanderesses sont représentées par M. Bruce B. Carroll, de la Provincial
Taekwondo Society of Nova Scotia.
12. M. Carroll fait valoir, essentiellement, que les demanderesses n’affirment pas
qu’elles sont meilleures que les autres candidats, elles font valoir plutôt que les
règlements administratifs, les politiques et les précédents de TC n’ont pas été
suivis; qu’à ce stade de la procédure, elles sont censées aborder uniquement la
question de la compétence et non pas présenter des preuves ayant trait au bienfondé de leur cas; que le différend est un différend sportif au sens du Code; que la
durée ou la complexité possible de la procédure ne devrait pas entrer en ligne de
compte à ce stade; que les demanderesses représentaient les athlètes depuis trois
ans et que les athlètes ne devraient pas être obligés de se joindre à une autre
société pour pouvoir participer aux compétitions; et qu’après avoir passé outre le
processus d’appel, TC ne peut pas soutenir maintenant que l’appel n’est pas fondé
sur des motifs suffisants. M. Carroll invoque les décisions rendues en 2012 par
l’arbitre Pound dans Nova Scotia Taekwondo Association c. Taekwondo Canada
(SDRCC 12-0175) pour illustrer le fait que TC lui-même a déjà reconnu la
compétence de ce tribunal à l’égard d’une question similaire. Enfin, M. Carroll
avance un argument fondé sur le Règlement administratif no 1 de TC, dont l’alinéa
11.02.1(b) porte sur le règlement des différends et fait la distinction entre un
différend de nature sportive et un différend relatif à la gouvernance.
L’ANALYSE
13. Je tiens à préciser d’emblée que : le fait qu’un organisme de sport soit impliqué
dans un différend ne veut pas dire en soi qu’il s’agit d’un différend sportif qui peut
faire l’objet d’un arbitrage devant un tribunal arbitral du sport. D’un autre côté, il est
bien connu qu’au Canada on demande et on s’attend à ce que les organismes
nationaux de sport adoptent des politiques d’appel qui favorisent le recours à la
5 médiation et à l’arbitrage du Centre de règlement des différends sportifs du
Canada (CRDSC), plutôt qu’à des procédures judiciaires.
14. Il est bien établi que le CRDSC n’a pas de compétence inhérente, c.-à-d. pas
d’autres compétences que celle qui lui est conférée par le Code. Le Code définit le
sens de « différend sportif » et précise les « différends sportifs » qui relèvent de la
compétence du CRDSC.
15. Les termes « différends sportifs » ont un sens large dans la définition donnée au
sous-alinéa 1.1(o)(iii), où il est précisé que l’expression signifie « tout différend
affectant la participation d’une Personne dans un programme de sport ou un
organisme de sport […] ». Ce libellé a été introduit en janvier 2015. La définition
est rédigée en termes généraux, car elle indique ensuite expressément qu’elle
inclut, mais sans s’y limiter, les différends de la nature de ceux qui sont énumérés
ensuite. Le terme « Personne » étant pour sa part défini à l’alinéa 1.1 (hh), à savoir
« […] une organisation ou une autre entité », il ne fait aucun doute que les
demanderesses sont des « personnes » aux fins de la définition de « différends
sportifs ». La question dès lors est de savoir si la « participation » des
demanderesses dans un programme de sport ou un organisme de sport est
affectée par le différend. Taekwondo Canada étant un organisme de sport, la
question se résume à savoir si la « participation » des demanderesses à
Taekwondo Canada est affectée.
16. Le terme « participation » n’est pas défini dans le Code. L’avocat de l’intimé estime
que [traduction] « le critère fondamental pour établir l’adhésion à une organisation
n’est pas une question de « participation ». Un membre, poursuit-il ne « participe »
pas à une organisation - en vertu des statuts, il jouit de droits analogues à ceux de
la propriété ».
17. Je ne suis pas prêt à donner au terme « participation » un sens aussi restreint dans
le contexte dans lequel il est utilisé. La « participation d’une Personne dans un
programme de sport » et la « participation d’une personne dans un organisme de
sport » sont deux facettes de la même réalité : un athlète qui fait de la compétition
participe à un programme de sport; on peut également considérer qu’une société
de sport qui, à titre de membre d’un organisme national de sport et éventuellement
d’administrateur et de dirigeant de cet organisme, prend part à l’élaboration et à
l’approbation des politiques et règlements administratifs liés à la conduite de toutes
les affaires de l’organisme, y compris par exemple la sélection des athlètes,
participe dans un organisme de sport. L’exclusion d’une personne, qu’il s’agisse
d’un athlète ou d’une société provinciale de sport, d’un organisme de sport est
dans ce sens une décision qui a trait à la participation de cette personne dans cet
organisme de sport. La gouvernance de l’organisation - s’il convient de la qualifier
ainsi en l’espèce - n’est pas forcément non reliée au sport.
6 18. Il est pertinent à cet égard de faire observer que la définition de « membre », à
l’alinéa 1.1 (bb) du Code, inclut toute personne [y compris, en vertu de la définition
de « personne » à l’alinéa 1.1 (hh), « une organisation ou autre entité »] « affiliée à
un organisme national de sport, et tout participant à un événement ou une activité
sanctionné par l'ONS ». On peut clairement dire qu’une personne, que celle-ci soit
affiliée à un ONS ou qu’elle participe à une activité sanctionnée par un ONS,
participe dans un organisme de sport au sens de l’alinéa 1.1 (o) du Code. Un
organisme provincial de sport qui est membre d’un ONS est clairement, à mon
avis, affilié à cet ONS peu importe la manière dont cette relation est définie en droit
des sociétés. Qui plus est, un athlète qui est inscrit auprès d’un organisme
provincial de sport et qui est forcé de s’inscrire auprès d’une autre société
provinciale afin de pouvoir participer à un événement ou une activité sanctionnée
par TC est assurément une personne dont la participation à un tel événement ou
une telle activité est affectée, au sens de l’alinéa 1.1(o).
19. J’ajouterais que la décision contestée de TC relève également du champ
d’application du sous-alinéa ii) de l’alinéa 1.1 (o). La décision est une décision
prise par « le conseil d’administration de l’ONS » et elle affecte les deux
demanderesses, qui répondent à la définition de « membre ». Je fais remarquer
que comme il est précisé que « membre » « inclut », plutôt que « signifie », ce
terme n’est pas limité aux catégories énumérées ensuite expressément et que,
comme je l’ai déjà indiqué précédemment, les demanderesses peuvent être
considérées comme des « personnes affiliées à un organisme de sport », au sens
de la définition de « membre ». Le Règlement no 1 de TC précise également
expressément que les membres d’une section provinciale sont membres de TC
(article 2.01.1 du Règlement administratif).
20. Toutefois, il ne suffit pas qu’un différend soit relié au sport au sens de la définition
du Code pour pouvoir en saisir le CRDSC. Seuls les différends sportifs visés au
paragraphe 2.1 du Code peuvent faire l’objet d’un arbitrage du CRDSC. Le
CRDSC a compétence pour régler le différend seulement dans la mesure où : (i) il
a fait l’objet d’une entente de médiation, d’arbitrage ou de méd-arb portant le
différend devant le CRDSC, (ii) les parties doivent recourir au CRDSC pour en
obtenir le règlement ou (iii) les parties et le CRDSC conviennent de recourir au
présent Code.
21. Dans leurs observations, les demanderesses ont porté à mon attention l’article
11.2 du Règlement administratif no 1 de TC, qui a été adopté le 21 septembre 2014
et qui établit le mécanisme suivant pour la résolution des différends :
11.02.1 En cas de litige ou de différend entre membres, administrateurs,
dirigeants, membres de comités ou bénévoles de l’organisation découlant des
statuts ou des règlements administratifs ou de tout aspect de l’exploitation de
7 l’organisation qui ne serait pas réglé lors d’une réunion privée des parties,
alors, sous toutes réserves et sans déroger aux droits des membres (...) en
vertu des statuts, des règlements administratifs et de la Loi, à défaut
d’envisager une poursuite en justice, un tel litige ou différend pourra être résolu
comme suit :
a) Former un recours auprès du conseil dans les vingt (20) jours
suivant le différend ou le dernier essai d’entente de résolution
mutuelle par les parties, selon la plus tardive des deux dates.
b) Si le conseil ne résout pas le différend, chaque partie peut
interjeter appel auprès du Centre de règlement des différends
sportifs du Canada dans le cas où le différend serait de nature
sportive. Seulement si l’organisation y consent, au cas par cas, un
différend relatif à la gouvernance de l’organisation ou à ses
organisations membres, ou aux membres de ces derniers, pourra
faire l’objet d’un recours et être entendu par le Centre de règlement
des différends sportifs du Canada.
[soulignement ajouté]
22. L’avocat de l’intimé a rapidement bondi sur cet article. À son avis, cet article
confirme son argument selon lequel un différend relatif à la gouvernance n’est pas
considéré comme un différend de nature sportive, qui peut être porté devant le
CRDSC. (Je fais une pause ici, pour faire remarquer que les questions à savoir si
TC a le droit de limiter l’accès au CRDSC de cette manière ou si un ONS peut
définir lui-même ce qui constitue un différend sportif ou décider qu’un différend
relatif à la gouvernance n’est pas un différend relié au sport, afin d’éviter le
mécanisme de règlement des différends, ne sont pas des questions qu’il
m’incombe de trancher.) Le problème que pose l’argument de l’avocat, en
supposant qu’un ONS a le droit d’adopter une disposition telle que le sous-alinéa
11.02.1 (b), tient au fait que ce n’est que lorsque le conseil ne résout pas le
différend que l’article s’applique. Lorsque, comme en l’espèce, TC a décidé
expressément de passer outre son processus d’appel et de saisir le CRDSC
directement, on ne peut pas dire que le conseil n’a pas résolu le différend et, en
conséquence, l’alinéa 11.02.1 (b) n’entre pas en jeu. Aux termes mêmes du
Règlement administratif, la distinction entre un différend sportif et un différend
relatif à la gouvernance n’entre en ligne de compte qu’une fois que le conseil a
examiné l’appel. TC ne peut pas gagner sur les deux tableaux. En l’absence d’une
décision du conseil, il s’agit d’une distinction que TC ne peut tout simplement pas
invoquer.
23. Et comme l’a souligné le représentant des demanderesses, la Politique d’appel de
TC n'inclut pas les décisions relatives à la gouvernance dans la liste des questions
qui ne sont pas susceptibles d’appel en vertu de l’article 3 de la Politique d’appel.
Par ailleurs, si les motifs d’appel relatifs à la procédure allégués par les
8 demanderesses n’avaient pas été de la nature des motifs admis à l’article 5 de la
Politique d’appel, TC aurait certainement eu recours au processus de l’examen
initial prévu à l’article 6 de la Politique pour rejeter l’appel d’emblée.
24. En 2012, dans un cas similaire, dont il est fait mention au paragraphe 12 ci-dessus,
concernant une société de taekwondo rivale de Nouvelle-Écosse, TC s’était
opposé à la compétence du tribunal pour le motif que le processus de révision
interne n’avait pas été épuisé. Son objection a été maintenue, un appel formel a eu
lieu et l’affaire a été renvoyée à un arbitre pour être tranchée au fond, sans que TC
ne fasse valoir qu’elle n’était pas reliée au sport. Bien sûr, rien n’empêche TC de
changer d’avis, mais il est intéressant de constater qu’il a déjà été d’accord, un
jour, avec la position avancée aujourd’hui par les demanderesses, dans une affaire
où l’autre partie était la même société provinciale rivale.
25. En m’appuyant sur le paragraphe 11.02.1 du Règlement administratif no 1, je
conclus, en conséquence, que cette affaire est soit un différend qui a fait l’objet
d’une entente d’arbitrage entre les parties portant le différend devant le CRDSC,
conformément au sous-alinéa 2.1 (b) (i) du Code, soit un différend pour lequel les
parties doivent recourir au CRDSC pour en obtenir le règlement conformément au
sous-alinéa 2.1 (b) (ii).
26. Le conseil de l’intimé m’a invité à exercer le pouvoir discrétionnaire qui m’est
conféré en vertu de l’alinéa 2.1(c) du Code et à décider qu’en l’espèce il n’est pas
approprié de recourir au CRDSC. J’estime que cet exercice serait prématuré à ce
stade. TC reproche aux demanderesses d’avoir attendu treize jours, après la
décision du 3 septembre 2015, pour engager la procédure. Même s’il avait raison,
et il n’est pas possible de savoir quelles discussions, le cas échéant, ont eu lieu au
cours de cette période, le fait est que TC a pris la décision de modifier le statu quo
et de priver les demanderesses de leur statut de membres d’une section
provinciale, trois semaines seulement avant la date de son assemblée générale
annuelle. Étant donné que le processus d’appel devait être lancé dans un délai de
vingt jours suivant le différend (alinéa 11.02.1a) du Règlement administratif no 1),
TC ne peut guère affirmer que les demanderesses ont tardé à agir. Ainsi, je ne suis
pas en mesure, à ce stade précoce, d’avoir une connaissance suffisante des
plaintes des demanderesses pour décider qu’elles sont dépourvues de fondement.
27. L’avocat de l’intimé a également argué que les arbitres de tribunaux du sport ne
devraient pas se mêler d’une question qui ne relève pas de leur expertise, à savoir
laquelle des deux sociétés provinciales est la mieux qualifiée pour siéger à titre de
section provinciale membre. Premièrement, les arbitres ne sont pas censés
généralement faire eux-mêmes ce genre d’évaluation; leur rôle est principalement
de s’assurer que l’évaluation du Conseil a été faite en conformité avec les
règlements administratifs et politiques, et en toute impartialité. Deuxièmement, si
TC estime que les arbitres sont suffisamment compétents pour examiner des
9 questions relatives à la gouvernance lorsque cela convient à TC, ainsi qu’il est
prévu au à l’article 11.02.1 Règlement administratif no 1, TC peut difficilement
arguer que les mêmes arbitres pourraient soudainement devenir incompétents
pour examiner ces différends relatifs à la gouvernance lorsque TC s’oppose à leur
présence. Enfin, l’expérience devant ce tribunal - et, par coïncidence, à l’égard du
même ONS - démontre que les arbitres sont tout à fait capables de réviser ce
genre de décision (voir Nova Scotia Taekwondo Association c. Taekwondo
Canada, supra).
28. Il va sans dire qu’il sera loisible à l’arbitre, lorsqu’il sera saisi de l’ensemble de
l’affaire, d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui est conféré aux arbitres en vertu
de l’alinéa 2.1(c) du Code.
29. Pour ces motifs, je suis parvenu à la conclusion que le Centre de règlement des
différends sportifs du Canada a compétence pour connaître du présent appel.
Robert Décary, c.r.
Gatineau
24 septembre 2015
10