Analgésiques OTC Forum
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42085_SAZ_13_s_476_484 17.6.2004 14:18 Uhr Seite 476 PHARMAZIE UND MEDIZIN PHARMACIE ET MÉDECINE Le traitement de la douleur après la révision du groupe des analgésiques Analgésiques OTC A K A Forum Depuis que la révision du groupe Friedrich Möll, Marianne Beutler des analgésiques vendus sans ordonnance (OTC) a été achevée le 22 janvier 2004, de nombreux médicaments usuels ne sont plus disponibles. Pour le traitement à court terme de douleurs légères à modérées, cinq principes actifs différents sont actuellement admis en tant que monosubstances – exception faite de quelques rares associations. La connaissance de leurs propriétés pharmacologiques, cliniques et pharmaceutiques donne à la pharmacienne et au pharmacien l’occasion d’orienter les patients déconcertés vers un traitement efficace et sûr de la douleur grâce à des conseils appropriés. Dans la plupart des cas, les associations médicamenteuses se sont vu retirer leur autorisation de mise sur le marché, faute d’avoir pu documenter un rapport bénéfice/risque positif et un avantage patent par rapport aux monopré- Dérivés (33) Nombre de préparations admises, y compris les formes galéniques et les associations à la caféine (33) Durée d’utilisation maximale Équipotence douleurs postopératoires (34) OTC: monoprise douleurs légères OTC: posologie fortes douleurs parations, comme l’exigeait Swissmedic. L’état des connaissances sur les analgésiques encore autorisés est sensiblement meilleur bien que pas encore entièrement satisfaisant. On trouvera ciaprès les principaux faits importants pour l’activité-conseil du pharmacien en ce qui concerne les posologies et indications des cinq substances actives OTC suivantes: le paracétamol, les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) acide acétysalicylique (ASS), ibuprofène, naproxène et diclofénac. Pharmacologie Les AINS ont une action antipyrétique, analgésique et anti-inflammatoire; le paracétamol est un analgésique et antipyrétique dépourvu d’action anti-inflammatoire. L’effet anti-inflammatoire et analgésique discuté ici est dû à un blocage de la synthèse de la cyclo-oxygénase COX qui catalyse la formation des prostaglandines, de la prostacycline et du thromboxane. Il existe au moins deux isoformes de la COX, la COX-1 et ASS sel de lysine carbasalate paracétamol bénorilate 24 76 ibuprofène sel sodique sel de lysine sel d’arginine 28 3 jours 3 jours 3 jours 1000 mg 1000 mg 400 mg 500 mg 500 mg 200 mg initialement 1000 mg, 1000 mg, 400 mg toutes les 3–6 h puis 0,5–1 g toutes les max. 4 g/24 h max. 1200 mg/24 h 3–6 h, max. 3 g/24 h Rx: dose quotidienne maximale 4g 4g 2400 mg Admis pour les enfants 0,5 g dès 12 ans, (>40 kg), 0,5 g dès 12 ans dès 12 ans 0,1 g dès 6 mois 0,1 g dès 6 mois (Rx: dès 6 ans) Tmax oral, à jeun ASS: 0.5 h / SS: 1–2 h 0,5–1 h 1–2 h, sels: 0,5–1 h Demi-vie plasmatique ASS: 0.3 h / SS: 3 h 1,5–3 h 2–3 h Durée de l’effet analgésique 3–6 h 2–4 h 4–6 h Biodisponibilité 50–80% 60–90% >95% Qo (part d’excrétion extrarénale) (19) ASS: 1,0 / SS: 0,9 0,9 1,0 Sauf mention différente, toutes ces indications figurent dans le Compendium suisse des médicaments 2004. Tableau 1: Posologie et pharmacocinétique Journal suisse de pharmacie, 13/2004 476 la COX-2, d’expression variable selon les tissus. La sensation de douleur est générée par les deux isoformes, les processus inflammatoires plutôt par la COX-2. Les différents AINS inhibent les isoformes de la COX de manière sélective différentielle, ce qui explique leur spectre d’action et d’effets indésirables. Des hypothèses récentes attribuent l’action du paracétamol à l’inhibition d’une isoforme nouvellement découverte, la COX-3, qui est exprimée surtout au niveau du cerveau. L’analgésie procurée par ces principes actifs atteint un plateau (ceiling effect) après l’administration d’une dose maximale, de sorte qu’une augmentation de la dose ne majore pas l’effet analgésique, mais augmente le risque d’effets indésirables [1]. Correctement doser les analgésiques (cf. le tableau 1) Dans la muqueuse intestinale, l’acide acétylsalicylique est assez rapidement naproxène sel sodique diclofénac sel sodique sel potassique 1 2 3 jours 220 mg 220 mg initialement 440 mg, après 12 h 220 mg, max. 660 mg/24 h 1250 mg dès 16 ans 3 jours 25 mg 12,5–25 mg 25 mg toutes les 3–6 h, maximal 75 mg/24 h 200 mg dès 14 ans 1–2 h 12–15 h 8–12 h >95% 0,9 0,5 h 1–2 h 4–6 h 50–60% 1,0 42085_SAZ_13_s_476_484 17.6.2004 14:18 Uhr Seite 477 PHARMAZIE UND MEDIZIN PHARMACIE ET MÉDECINE métabolisé en acide salicylique, aux vertus également analgésiques. Sa biodisponibilité réduite en même temps que variable ne garantit pas toujours une concentration plasmatique suffisante [2]. Chez l’adulte, le paracétamol est bien toléré jusqu’à une dose-limite d’env. 4 g/jour. La posologie doit être adaptée en cas d’insuffisance hépatique. Le succès d’un traitement à long terme et les formes d’administration appropriées font que le paracétamol peut déjà être administré au nourrisson. L’ibuprofène doit son effet analgésique fiable à sa biodisponibilité de près de 100%, à une relation dose-effet linéaire jusqu’à 800 mg et à son potentiel analgésique élevé. Sa pharmacocinétique reste inchangée même chez le sujet âgé et chez l’alcoolique (insuffisance hépatique). Le profil de sécurité élevé en autorise l’administration à des adolescents dès l’âge de 12 ans (Rx dès 6 ans) et la prise sous forme de sirop. Le naproxène est seulement commercialisé sous sa forme d’énantiomètre S, l’énantiomère R était pratiquement inactif. Il se distingue des autres AINS par une demi-vie plasmatique plus longue et une longue durée d’action de 8 à 12 h. Bien que le naproxène soit disponible sous forme de sel sodique, ce qui le rend plus soluble dans le suc gastrique, le Tmax à jeun n’est pas atteint plus rapidement que sous ibuprofène. Le diclofénac subit, notamment à faible dose, un effet important de premier passage; à une posologie inférieure à 25 mg, le produit n’entraîne donc pas de concentration plasmatique suffisante [3]. Pour être efficace comme analgésique, il doit être dosé à 0,5– 1 mg/kg PC, soit un minimum de 2 comprimés à 12,5 mg pour un sujet pesant 50 kg [4]. Accélérer le début d’action d’un analgésique La suppression rapide de la douleur est un objectif important du traitement par des analgésiques OTC. Pour atteindre un début d’action rapide, il est nécessaire d’optimiser des facteurs physiologiques, galéniques et spécifiques au médicament. Absorption et délai d’action En règle générale, les médicaments sont absorbés principalement au ni- veau de l’intestin grêle. Le délai d’action du médicament est d’autant plus bref que son absorption est rapide. L’absorption, et par conséquent le délai d’action, sont déterminés principalement par: – le passage gastrique (qui dépend de la vitesse de vidange gastrique), – le temps de désagrégation (qui dépend de la forme galénique), – la solubilité, la vitesse de dissolution et la perméation du médicament au niveau du site d’absorption. Passage gastrique La durée du passage gastrique dépend du degré de remplissage de l’estomac. A jeun, les contractions gastriques qui font passer le contenu de l’estomac vers l’intestin sont plus fréquentes et plus fortes que si l’estomac est plein. Cela signifie que les médicaments administrés à jeun parviennent plus rapidement dans l’intestin grêle. Par exemple, une forme de médicament solide, ne se désagrégeant pas dans l’estomac, parviendra dans l’intestin grêle au bout d’une demi-heure à deux heures si elle est prise à jeun. Si le même comprimé est pris pendant ou après un repas, le médicament peut rester dans l’estomac pendant 8–12 heures. Les comprimés résistants aux sucs gastriques et les comprimés retard monolithiques (de forme stable) sont des exemples de telles formes galéniques. Les analgésiques OTC disponibles en Suisse sont exclusivement des formes solubles ou se désagrégeant dans l’estomac. Leur passage gastrique dure environ 0,5–2 heures s’ils sont pris à jeun et environ 1–3 heures (selon la composition des aliments) s’ils sont pris l’estomac plein. Lors de la prise simultanée d’un repas très calorique, le ralentissement du passage gastrique est, de manière générale, plus prononcé qu’après un repas léger. [5, 6] Le passage gastrique – mesuré cinétiquement comme la vitesse de vidange gastrique – est considéré comme le principal facteur déterminant le délai d’action. [7, 8] Forme galénique et solubilité du médicament Les formes galéniques libérant rapidement les médicaments sont les granulés, les comprimés effervescents et les 477 Schweizer Apothekerzeitung, 13/2004 autres formes solides à désagrégation rapide. Pour autant, désagrégation ne signifie pas absorption, car seule la part dissoute d’un médicament est absorbée. La vitesse d’absorption est augmentée par la présence d’un fort gradient de concentrations au niveau du site d’absorption. L’amélioration de la solubilité (p. ex. sels très solubles, stabilisation du pH) et de la vitesse de dissolution (p. ex. réduction de la taille des particules) sont des mesures propres à favoriser la solubilisation rapide d’une part aussi élevée que possible du médicament. En administration orale, les possibilités d’agir sur la perméation sont restreintes, celle-ci étant une propriété de la substance. Les formes galéniques à pH stabilisé (formes tamponnées) sont conçues pour créer un pH optimal pour la solubilité du médicament dans le tractus gastro-intestinal ou pour empêcher la précipitation dans l’estomac du médicament déjà dissous. Outre son effet tampon, le rôle du bicarbonate de soude est d’accélérer la vidange gastrique. [9, 10] Cependant, l’effet stabilisateur du pH n’est pas toujours suffisant pour empêcher une précipitation du médicament dans l’estomac. Il peut arriver qu’une forme tamponnée de médicament ne produise plus l’effet désiré, notamment en cas de prise simultanée de nourriture. L’importance du rôle pratique des aspects galéniques cimentionnés dans l’accélération de l’effet médicamenteux est examinée dans les lignes qui suivent. Tmax et délai d’action La biodisponibilité reflète la vitesse et le degré d’absorption du principe actif (ou de la partie du médicament exerçant l’action thérapeutique) à partir d’une forme galénique donnée, ainsi que la présence de la substance active au site d’action ou dans la circulation systémique (CPMP / EMEA 2001). Elle est caractérisée par les paramètres Cmax, Tmax et AUC. Tmax est le paramètre officiel de la vitesse. Si un médicament est absorbé rapidement à partir de sa forme galénique, comme c’est le cas des analgésiques OTC, il est admis d’utiliser Tmax comme indicateur du début d’action. [11, 12, 13] Par contre, le Tmax des formes retard, par exemple, peut être atteint beaucoup plus tard que le début d’action. (cf. fig. 1) 42085_SAZ_13_s_476_484 17.6.2004 14:18 Uhr Seite 478 PHARMAZIE UND MEDIZIN PHARMACIE ET MÉDECINE (pour l’ibuprofène et le diclofénac) permettent en outre de raccourcir le délai d’action d’environ une demi-heure supplémentaire, mais seulement si l’analgésique est pris à jeun. L’application rectale est généralement caractérisée par un début d’action plus lent par rapport à une prise orale non retardée. C’est ainsi que le Tmax du paracétamol rectal est de 3 h, et la biodisponibilité est réduite [18,19]. Fig. 1: Tmax et délai d’action a) et b): médicaments à absorption rapide c): forme retard MEC = Minimal Effective Concentration MEC c a Le tableau 3 répertorie les Tmax de tous les analgésiques en vente libre d’après les données des informations professionnelles officielles (Compendium Suisse des Médicaments 2004). Le compendium ne précise malheureusement pas toujours si les données ont été prélevées auprès de personnes test à jeun. Dans la mesure où l’absorption rapide souhaitée des analgésiques mentionnés dans le présent article est uniquement effective avec un estomac vide, nous partons du principe que les indications reposent sur une prise du médicament à jeun. Il en ressort que 1. des différences considérables existent entre les Tmax des différents produits basés sur le même principe actif, 2. pour les substances difficilement solubles (p. ex. ibuprofène, diclofénac), l’amélioration de la solubilité par l’emploi de la substance active sous forme de sel est la mesure la plus efficace pour en accélérer l’absorption, tandis que pour les analgésiques aisément solubles (AAS, paracétamol), c’est le choix de la forme galénique (p. ex. comprimés effervescents, gouttes) qui est déterminant pour le gain de temps d’absorption. L’effet de mesures accélérant l’absorption sur le délai d’action et sur le temps jusqu’à disparition de la douleur est toutefois moindre que le Tmax le laisserait supposer. C’est ce qu’ont ont b montré p. ex. des études cliniques comparant l’arginate d’ibuprofène, rapidement soluble ( Tmax: 15–30 min), à l’ibuprofène ( Tmax: 60–120 min) chez des patients sous traitement de la douleur. Alors que les produits à base d’ibuprofène et ceux basés sur son sel arginate présentaient une différence de Tmax de 45–90 minutes, la différence entre les temps jusqu’à disparition de la douleur était, dans une étude, de 16– 24 minutes en moyenne [14], et dans deux autres études, de 24–32 minutes (200 mg), respectivement de 8–27 minutes (400 mg) selon la dose. [15, 16] Une comparaison entre le lysinate d’ibuprofène et le diclofénac acide a révélé une différence de Tmax de 30 minutes, sans différence significative entre les temps jusqu’à disparition de la douleur. [17] Par conséquent, le Tmax peut être utilisé comme un indicateur du délai d’action pour les analgésiques OTC. Selon l’ampleur de la différence entre les Tmax de deux produits, le gain de temps jusqu’à apparition d’un effet clinique mesurable peut être de 30 minutes environ. Conclusion: Lorsqu’un analgésique est désiré pour soulager rapidement la douleur, la prise à jeun – 1h avant ou 2h après un repas – produit l’effet maximum pour un début d’action rapide. Les formes à libération rapide (pour l’AAS et le paracétamol) et les sels aisément solubles Journal suisse de pharmacie, 13/2004 478 Prise des analgésiques: avant ou après les repas? – Pour qu’un analgésique agisse rapidement sur la douleur, il convient de le prendre à jeun avec abondamment de liquide. – L’hypothèse qui veut qu’un analgésique pris pendant le repas soit mieux toléré que s’il est pris à jeun n’est pas confirmée par les spécialistes. – Les hémorragies gastro-intestinales sont surtout dues à l’inhibition systémique de la synthèse des prostaglandines [5]. – Les patients affectés de problèmes gastriques ou qui redoutent la survenue de tels problèmes éviteront l’ASS et préféreront un principe actif bien toléré par le tractus gastrointestinal, p. ex. le paracétamol ou l’ibuprofène. Un traitement sûr de la douleur (cf. le tableau 2) Pour assurer la sécurité d’emploi d’un analgésique, on tiendra compte de l’âge et de l’état de santé de la patiente/du patient pour évaluer les effets indésirables potentiels, les mesures de précaution à prendre et les interactions médicamenteuses à envisager. La bonne tolérabilité générale du paracétamol et de l’ibuprofène est comparable et significativement supérieure à celle de l’ASS. C’est ce qu’ont montré les résultats de la Pain Study auprès de 8233 patients traités pendant 7 jours pour des douleurs légères à modérées par ces analgésiques à des doses OTC [20]. Paracétamol Le paracétamol est rarement responsable de troubles gastro-intestinaux. La suspicion d’un risque de néphropathie n’est pas assurée, mais ne peut pas non plus être écartée. On mettra donc 42085_SAZ_13_s_476_484 17.6.2004 14:27 Uhr Seite 480 PHARMAZIE UND MEDIZIN PHARMACIE ET MÉDECINE Effets indésirables paracétamol • hépatotoxicité à doses élevées • néphropathie en cas d’utilisation à long terme (?) ASS, diclofénac, ibuprofène, naproxène • nausées, vomissements, diarrhées; aspirine/naproxène > diclofénac > ibuprofène • PUB: perforations, ulcérations, hémorragies (bleeding) • éruptions cutanées, prurit • obnubilation, vertiges (surtout sous naproxène) • intolérance à l’aspirine • syndrome de Reye • pas d’interactions significatives • risque accru d’hémorragies: anticoagulants oraux, héparines de bas poids moléculaire, corticoïdes oraux • baisse tensionnelle réduite: antihypertenseurs • risque accru d’insuffisance rénale: diurétiques, surtout associés aux IEC ou aux sartans • lithiémie élevée (ne vaut pas pour l’ASS) • toxicité accrue du méthotrexate 1er et 2e trimestre: oui, 3e trimestre: non oui, à faibles doses Interactions Grossesse Allaitement Tableau 2: Effets indésirables, interactions, grossesse oui oui la patiente/le patient en garde contre la prise à long terme de doses élevées. Le principal problème posé par le paracétamol est son hépatotoxicité en cas de surdosage. Sa métabolisation dans le foie génère en quantité minime un métabolite très réactif que le glutathion inactive généralement sur-le-champ. Or, un surdosage entraîne une carence en glutathion, et le métabolite réactif risque de provoquer une nécrose hépatique et une insuffisance hépatique aiguë. Des signes d’intoxication ont été décelés chez l’adulte dès la prise de plus de 6 à 10 g. En cas de lésions hépatiques préexistantes (chez l’alcoolique, par exemple), le paracétamol peut toutefois avoir des effets hépatotoxiques dès la prise d’une dose inférieure. Les sujets consommant régulièrement de l’alcool en quantité moyenne à importante devraient prendre le paracétamol à doses réduites. L’alternative d’un AINS n’est guère meilleure pour ces patients, puisque l’alcool augmente le risque d’hémorragies au niveau de l’estomac et des varices. L’utilisation du paracétamol à doses thérapeutiques durant la grossesse et en période d’allaitement ne comporte pas de risque connu. AINS Les effets indésirables les plus fréquents sont de nature gastro-intestinale: nausées, vomissements, douleurs abdominales diarrhées, constipation. L’ASS provoque le plus souvent ces effets indésirables, suivi à une fréquence décroissante par le naproxène, le diclofénac et l’ibuprofène [21, 22, 23]. Les effets indésirables majeurs des AINS sont les perforations, les ulcérations et les hémorragies (PUB, en an- glais), dont la cause principale est à rechercher dans l’inhibition systémique de la COX-1, ce qui signifie que des PUB peuvent aussi se manifester lors de l’administration rectale ou parentérale [24]. Le risque augmente avec la dose utilisée et la durée du traitement. Une prise régulière à long terme est donc plus critique qu’une application de courte durée. D’autres facteurs de risque de PUB sont: – l’âge: sujet âgé de plus de 60 ans, – la prise simultanée de corticoïdes, d’anticoagulants, d’autres AINS et la consommation d’alcool, – des antécédents d’ulcères et d’hémorragies gastriques. Les AINS peuvent entraîner une insuffisance rénale due à la diminution du débit sanguin rénal consécutive à l’inhibition de la synthèse des prostaglandines à l’effet vasodilatateur. Le risque est majoré chez le sujet âgé, l’insuffisant cardiaque, l’hypertendu, le diabétique et en cas de traitement par un diurétique. L’association d’un AINS avec un diurétique, un IEC ou un sartan comporte des risques particuliers [25]. Certains AINS diminuent l’action des antihypertenseurs dans une proportion variable. La surveillance de la fonction rénale et de la pression artérielle est en règle générale nécessaire pour les AINS à doses OTC lorsque le traitement dure plus d’une ou de deux semaines [26]. Les AINS inhibent l’agrégation plaquettaire, prolongeant ainsi le temps de saignement. L’inhibition de l’agrégation dure env. 1 semaine sous AINS (liaison covalente avec la cyclo.-oxygénase), env. 1 ou 2 jours sous naproxène, ibuprofène et diclofénac [3, 27, 28]. En préopératoire, on conseille de suspendre l’administration d’AINS 7 à Journal suisse de pharmacie, 13/2004 480 10 jours avant l’intervention [29]. L’ibuprofène peut concurrencer l’ASS aux sites de liaison de la COX en antagonisant l’effet antithrombotique plus durable de l’ASS [24]. Si l’ASS est utilisé pour la prévention des thromboses, il faudrait (dans l’état actuel des connaissances) le prendre au moins 2 heures avant l’ibuprofène [30]. Les patients qui prennent simultanément des AINS et du lithium, du méthotrexate, des anticoagulants oraux, de l’héparine ou des corticoïdes devront faire l’objet d’une surveillance. On ne conseillera pas les AINS à ces patients. L’intolérance à l’aspirine, qui risque de s’accompagner de bronchospasmes menaçant le pronostic vital, est fréquente chez les asthmatiques et les personnes souffrant de polypose nasale ou d’urticaire. Tous les AINS sont contre-indiqués chez les sujets qui réagissent à l’aspirine et à d’autres antiinflammatoires non stéroïdiens par des crises d’asthme, par de l’urticaire ou par une rhinite aiguë. La relation entre l’ASS et le syndrome de Reye (encéphalopathie et hépatopathie éventuellement fatales) n’est pas assurée. On conseille pourtant d’éviter l’usage de l’ASS chez l’enfant de moins de 12 ans pendant ou après une infection virale. Les AINS peuvent être utilisés aux 1er et 2e trimestres de la grossesse. À partir du 6e mois, on évitera d’administrer des AINS en raison du risque hémorragique accru au moment de l’accouchement, sans compter le risque de fermeture prématurée du canal artériel du fœtus. Pour la mère qui allaite, des doses faibles d’AINS sont autorisées. Choix de l’analgésique Les indications admises par les autorités sont les mêmes pour tous les analgésiques: régles douloureuses, céphalées et rachialgie, douleurs articulaires (capsules articulaires et ligaments), douleurs posttraumatiques et douleurs dentaires. En cas de douleurs liées à des processus inflammatoires, le paracétamol s’avère moins efficace que les AINS. Les études disponibles ne permettent pas de savoir quel AINS est plus ou moins efficace dans telle ou telle indication. Les critères guidant le choix d’un analgésique restent donc 42085_SAZ_13_s_476_484 17.6.2004 14:27 Uhr Seite 481 PHARMAZIE UND MEDIZIN PHARMACIE ET MÉDECINE essentiellement la tolérabilité et la sécurité d’emploi du produit, le début et la durée de son action. Le paracétamol est l’analgésique le mieux toléré; il n’entraîne pas d’interactions significatives au plan clinique. C’est le médicament de première intention dans les refroidissements, chez le nourrisson et l’enfant, pendant la grossesse et en période d’allaitement, ainsi que dans tous les cas où les AINS sont contre-indiqués. C’est le seul analgésique à pouvoir être associé aux anticoagulants, à être utilisé en pré- et postopératoire, ainsi que chez l’hémophile. Parmi les AINS, l’ibuprofène a le meilleur rapport risque/bénéfice [3] et le taux le plus bas d’effets secondaires gastro-intestinaux. Ses formes galéniques, des sels à dissolution rapide, lui assurent un effet analgésique rapide. Quant au naproxène, sa longue demi-vie s’avère avantageuse en cas de douleurs persistantes. En raison de sa tolérabilité comparativement moins bonne, l’ASS n’est pas un AINS de première intention en dépit de son bon potentiel analgésique. Patients souffrant de céphalées Le retrait de médicaments auxquels ils étaient habitués a déconcerté notamment les patients qui souffrent de céphalées chroniques et qui déplorent aussi la disparition des associations médicamenteuses qui leur semblaient plus efficaces que les préparations monocomposées. L’équipe de pharmacie peut utilement intervenir sur ce point en donnant à ce type de patients les informations nécessaires quant à la posologie et à l’utilisation des monopréparations, afin de les aider à optimaliser la prise en charge de leurs maux de tête. La «Swiss Migraine Trust Foundation» (www.migraine-action.ch) [31] recommande en pharmacie le traitement suivant des céphalées aiguës: – Migraine: 20 mg de dompéridone (Motilium®), 15 minutes plus tard de l’ibuprofène, de l’ASS, du naproxène ou du paracétamol, pendant 14 jours par mois au maximum. (Pour la posologie, voir les indications du tableau 1 relatives aux fortes douleurs). – Céphalées de tension: tous les principes actifs analgésiques délivrés sans ordonnance, pendant 4 jours par mois au maximum. Pour les patients chez qui une monothérapie après une période d’essai de durée adéquate reste inopérante, on pourra essayer une association avec la caféine (Contre-Douleurs® plus: ASS + caféine, Kafa® plus, Sanalgin® N: paracétamol + caféine). Grâce à son effet analeptique et tonifiant sur les vaisseaux, la caféine comme adjuvant semble apporter un bénéfice additionnel dans les céphalées [32]. Pourtant un comprimé à 50 mg de caféine en contient moins qu’une tasse de café. Le bénorilate, une prodrug d’ASS et de paracétamol, possède les mêmes propriétés et domaines d’application que ses métabolites. Un avantage spécifique de cette prodrug resp. de l’association paracétamol + AINS n’a pu être identifié. Lorsqu’un médecin prescrit l’une des associations ayant fait l’objet d’un retrait, p. ex. la propyphénazone et la caféine, celle-ci peut être préparée en pharmacie dans la mesure où les substances médicamenteuses en question figurent dans la Pharmacopée et n’ont pas été retirées de la liste des substances. Il faut bien reconnaître toutefois que les sociétés de discipline ont depuis longtemps identifié les associations d’analgésiques comme sources potentielles de risque de développer une dépendance des céphalées chroniques, notamment en cas de prise régulière de doses excessives d’ergotamine. Le problème est encore accru par l’association à des substances d’action centrale, même la caféine est dans le concernée. Analgésiques OTC – est-ce la fin de tous les risques? 5 substances médicamenteuses analgésiques dans 131 spécialités (ASS 24, paracétamol 75, ibuprofène 28) pour le traitement sans ordonnance de la douleur; les mêmes substances dans divers antigrippaux, ainsi que dans des antirhumatismaux et analgésiques soumis à ordonnance: il y a là un risque important que les patients utilisent plusieurs marques contenant le même principe actif. Ils risquent donc, sans s’en rendre compte, d’absorber des doses plus importantes que celles qui leur sont conseillées, ce qui ne manquera pas d’augmenter le risque d’ef- 481 Schweizer Apothekerzeitung, 13/2004 fets indésirables et d’interactions, en principe minime aux doses OTC. Afin de protéger les patients de ces problèmes, l’équipe de pharmacie a un travail d’information essentiel à accomplir. Lors de la vente d’analgésiques aux patients, ceux-ci devraient recevoir les informations-clés suivantes: 1. Les analgésiques, les antigrippes et les antirhumatismaux soumis à ordonnance peuvent très bien contenir les mêmes principes actifs. 2. Les principes actifs peuvent être repérés sur les emballages ou dans les notices d’emballage. 3. Les médicaments contenant les mêmes principes actifs ne doivent pas être pris en même temps sans qu’on ait consulté un professionnel. Ce sujet du même principe actif présenté sous des marques différentes revêt une importance capitale pour la sécurité d’emploi des médicaments, notamment au vu de l’usage croissant de génériques; il pourrait fort bien constituer le thème d’une campagne des pharmaciens à l’échelle nationale. ■ Adresse de correspondance Commission des médicaments des pharmaciens suisses CMPS Case postale 5247 3001 Berne Tél. 01 994 75 63 Fax 01 994 75 64 Courriel: [email protected] Références bibliographiques sur demande. Le présent article a été rédigé sur mandat de la CMPS par le Dr Friedrich Möll, pharmacien hospitalier FPH, Pharmacie de l’Hôpital cantonal de Winterthour, et le Dr Marianne Beutler, CMPS. 42085_SAZ_13_s_476_484 17.6.2004 14:27 Uhr Seite 482 PHARMAZIE UND MEDIZIN PHARMACIE ET MÉDECINE Tableau 3: Pharmacocinétique: analgésiques oraux OTC (préparations monocomposées)1 Tabelle 3: Pharmakokinetik: Perorale OTC-Analgetika (Monopräparate)1 Wirkstoff (Salzform) Principe actif (sel) Arzneiform Forme galénique Cp. effervesc. Cp. effervesc. Poudre Poudre Comprimés Poudre Cp. à croquer Comprimés Comprimé Comprimés Comprimés Pharmakokinetische Daten Données pharmacocinétiques Tmax (min) Cmax (ug/ml)2 31 51.7 36 42.1 48 39.3 48 39.3 48 25 48 39.3 60 42.1 78 26.2 78 26.2 89 33 120 32 ASS ASS ASS-Lysinat ASS-Lysinat Carbsalat ASS-Lysinat ASS ASS ASS ASS ASS Präparat («Brand») Produit (nom de marque) Firme p. dose de mg 500 648 500 500 415 500 1000 500 500 500 500 Aspro 500 Alka Seltzer Alcacyl 500 Instant-Pulver Aspégic-Pulver Alcacyl Alcacyl Instant-Pulver Aspirin Kautabletten Aspirin Tabletten Aspirin 500 Instant Tabl Togal ASS Tabl ASA Tabs Roche Bayer Novartis Sanofi Novartis Novartis Bayer Bayer Bayer Togal-Werke Streuli Paracetamol do do do do do do do do do do do do do do do do do do do Cp. effervesc. Solution Cp. effervesc. Comprimés Cp. lingual Comprimés Comprimés Comprimés Cp. à croquer Comprimés Comprimés Cp. lingual Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés 18 24 27 30 30 30 30 36 42 42 45 50 54 60 60 60 30–60 30–60 45–75 75 17 6.5 6.4 6.1 6.3 19 6.1 7.9 6 7.2 6.1 7.37 6.4 7.1 7.1 6.6 9 NA NA 4 1000 500 500 500 500 1000 500 500 500 500 500 500 500 500 500 500 500 NA 500 500 Panadol Brausetabl Tylenol Tropfen Dafalgan Brausetabl Acetalgin Kafa Flashtab Panadol Tabl Contra Schmerz P Tylenol forte Caplets Becetamol Ben U Ron Tylenol forte Tabl Dafalgan Odis Schmelztabl Termalgin Kafa Tabs Seranex N Treuphadol Tabs Influbene N Zolben Dafalgan Tabl Paracetamol 500 Hänseler GSK Janssen-Cilag BMS Streuli Democal GSK Dr. Wild & Co. Janssen-Cilag Gebro Milupa Janssen-Cilag BMS Max Zeller Democal Democal Treupha Mepha Sanopharm BMS Hänseler Ibuprofen-Arginat Ibuprofen-Arginat Ibuprofen-Lysinat Ibuprofen-Arginat Ibuprofen-Lysinat Ibuprofen-Natrium Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Ibuprofen Granulé Comprimés Granulé Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés Comprimés 15–30 15–30 29 30 36 40 99 60–120 60–120 60–120 60–120 60–120 60–120 60–120 60–120 25 25 33.6 40.1 37.2 46.6 27.8 15–25 15–25 15–25 15–25 15–25 15–25 15–25 15–25 200 200 400 400 400 400 400 200 / 400 200 / 400 200 / 400 200 / 400 200 / 400 200 / 400 200 / 400 200 / 400 Dolo Spedifen Dolo Spedifen Algifor Granulat Dolo Spedifen 400 Algifor L Filmtablette Saridon N, -forte Algifor Filmtabletten Algifor forte Tabl Dolocyl Dismenol N Ibproben Melabon Ibuprofen 400 Nurofen Optifen Dolo Treupel Dolo Ibuprofen Inpharzam Inpharzam Vifor Inpharzam Vifor Novartis Vifor Vifor Novartis Merz Pharma Mepha Merz Pharma Boots Spirig Vitaris Naproxen-Natrium Comprimé 60–120 NA NA Aleve Roche Diclofenac-Kalium Comprimé 35 0.7 25 Tonopan neue Formel Dilcofenac-Kalium Comprimé 35 0.7 25 Voltaren Dolo Dilcofenac-Kalium Dragée 20–60 1.3 50 Voltaren Rapid3 Diclofenac (Säure) Comprimé 60 1 50 Voltaren Dispersible3 Diclofenac-Natrium Dragée 120 1.5 50 Voltaren 50mg Drag3 1 Alle Angaben aus Arzneimittelkompendium 2004. Nur Präparate, wo T angegeben / max Source de toutes les données: Compendium Suisse des Médicaments 2004. Seuls figurent ici les produits pour lesquels un Tmax est indiqué 2 bei ASS immer bezogen auf Salicylsäure / AAS toujours indiqué par rapport à l’acide salicylique 3 rezeptpflichtig / soumis à ordonnance NA = keine Angaben / pas de données Journal suisse de pharmacie, 13/2004 482 Novartis Novartis Novartis Novartis Novartis