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BIOTOPE Potamotrygon 106 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 Potamotrygon BIOTOPE Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 107 AQUARIUM BIOTOPE Potamotrygon Potamotrygon Les raies d’eau douce, ces deux dernières décennies, ont gagné en popularité comme jamais. Des passionnés du monde entier ont construit pour elles des aquariums géants (parfois monstrueux) de plusieurs centaines de milliers de litres, et je ne parle pas là d’aquariums publics. Mais on peut se contenter de beaucoup moins et maintenir ces poissons fascinants dans des aquariums relativement petits, comme je vais le montrer. Actuellement, la quasi-totalité des raies d’eau douce de l’aquariophilie proviennent d’Amérique du Sud, où se trouvent la majorité des espèces connues. Elles appartiennent à la famille des Potamotrygonidae et près de 30 espèces ont été décrites, mais beaucoup plus attendent leur identification scientifique. J’ai pu en recenser plus de 100 variétés différentes sur tout ce continent, à l’est des Andes, au cours des cinquante dernières années, et de nouvelles sont apparues presque chaque année. A côté de cela, j’ai pu collecter des espèces d’eau douce en Thaïlande, au Laos, à Sumatra, à Bornéo et en Australie, ainsi que dans différents cours d’eau africains. Mais ces dernières sont difficiles à trouver en aquariophilie et à ma connaissance, personne n’en a reproduit en captivité (hormis des aquariums publics). Les espèces sudaméricaines ont quant à elles été reproduites depuis un certain nombre d’années, la première reproduction enregistrée ayant eu lieu au début des années 1970, à l’Exotarium de Francfort, un des principaux aquariums publics de l’époque. Par la suite, cela se répéta dans d’autres et depuis la fin des années 1980, c’est l’explosion. Ces vingt dernières années, des milliers d’entre elles ont été élevées en captivité aux États-Unis, en Europe et dans de nombreuses parties de l’Asie, de sorte que la majorité des poissons disponibles aujourd’hui proviennent de ces piscicultures. Tout particulièrement depuis que le Brésil en a interdit sur son territoire l’exportation, lui qui était jusque là le plus grand producteur (grâce à la qualité de son milieu naturel et à la diversité de ses espèces). Cette interdiction totale date déjà de plusieurs années et personne ne sait quand le pays instaurera de nouveaux quotas. Seuls la Colombie, le Pérou et le Paraguay continuent à les exporter, mais en nombre limité étant donné que les espèces que tout le monde convoite, les noires (Potamotrygon leopoldi et P. henlei) ainsi que la raie perlée non encore décrite, sont seulement originaires du Rio Xingú et du système du Tapajós, et ne se trouvent pas dans ces pays-là… Il est vraiment fâcheux que le Brésil ait pris ce genre de mesures radicales, car ces belles créatures, vraiment uniques, sont systématiquement tuées par chaque caboclo riverain sitôt qu’elles sont aperçues. Au lieu de cela, elles pourraient être expédiées et survivre alors dans les aquariums du monde entier où les gens les apprécient et leur prodiguent les meilleurs soins… Mais l’absurdité humaine fait qu’avec notre volonté de protéger, nous sommes en train de conduire rapidement à l’extinction la plupart de ces espèces « protégées ». Je souhaite donner ici quelques conseils pour maintenir ces poissons au mieux. Sur la première double 108 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 AQUARIUM BIOTOPE page, vous pouvez voir 2 habitats naturels : le premier est celui d’une nouvelle espèce non encore décrite, broutant les rochers dans le cours supérieur de la rivière Xingú ; le médaillon représente P. motoro, sur un fond typiquement sablonneux, dans le Rio Negro. Le sable, fin, blanc ou beige, est justement ce qu’il faut. C’est là où elles cherchent leur nourriture, où elles se mettent à l’abri des prédateurs et où elles déposent leurs nouveaux-nés. C’est dont le point capital dans tout aquarium biotope. La taille de la cuve dépend du nombre que vous souhaitez maintenir. Un exemple, en haut, sur la page de gauche : un biotope authentique d’un petit affluent de la rivière Paraguay, dans le pays du même nom. Au sud de la métropole d’Asunción, se mêlent dans cet affluent plusieurs petits ruisseaux (il existe un labyrinthe aquatique de rivières, de lacs, de ruisseaux) et celui montré ici en est parfaitement représentatif. Un tel ruisseau contient une grande diversité de poissons et une riche végétation aquatique (à un degré que l’on ne connaît normalement que dans l’état brésilien du Mato Grosso, où le Paraguay prend sa source). Des petits poissons characiformes et des Corydoras nains (nageant en pleine eau, rare- ment sur le fond) à côté de poissons-chats suceurs (tels qu’Otocinclus, Cochilodon, Ancistrus) ainsi que des cichlidés des genres Apistogramma et Gymnogeophagus, des characiformes de fond telles que les espèces de Parodon et Characidium, et même des raies d’eau douce pénètrent fréquemment dans ce genre d’habitat sablonneux. C’est là que vit l’espèce endémique la plus sudiste, P. brachyura. Il s’agit ici d’une cuve de 450 litres qui en contient un spécimen en compagnie de 8 Gymnogeophagus meridionalis, 6 G. rhapdotus, 10 Apistogramma sp., 30 Aphyocharax paraguayensis et 30 A. rathbuni, 15 Mimagoniatus inequalis, 5 Parodon affinis, 20 Otocinclus sp., 5 Cochilodon sp., 12 Corydoras paleatus « high fin » et 25 minuscules Corydoras pygmaeus de pleine eau. On peut voir comment la raie survole les plantes à la recherche de nourriture, mais pas des poissons ! Elle est en quête, comme dans la nature, de têtards (à l’instar de P. motoro sur la photo centrale, en milieu naturel), l’un de leurs aliments favoris. Au-dessus du sable, quelques plantes basses choisies parmi Eichhornia azurea, E. diversifolia, Eleocharis acicularis, Heteranthera zosterifolia, Lemna minor, Phyllanthus fluitans, Lilaeopsis brasiliensis, Ludwigia inclinata, Cabomba furcata et Myriophyllum aquaticum. Dans un tel biotope authentique, les plus gros cichlidés ont immédiatement commencé à pondre et à jouer, comme chez eux (cf. aussi ci-contre, la photo en bas à droite). Les paramètres chimiques de l’eau dans ce biotope sont : pH 5,9-6,5, conductivité 28-34 μS/cm et températures 26,7-28,3°C (là-bas, en hiver, la température de l’eau peut tomber à 19°C, voire en dessous). Le décor est constitué de différentes pierres et de sable blanc de 1-9 mm, ainsi que de gravier d’aquarium de 2-4 mm, et de bois flotté. Le bac devra être équipé d’un grand filtre biologique extérieur puissant et d’une source lumineuse adaptée aux plantes et à la mise en valeur des couleurs des poissons. Pour des compléments, rendez-vous sur mon site : www.aquapress-bleher.com Un autre habitat authentique pour les raies d’eau douce (ci-contre, photo centrale et en bas à gauche) est représenté par ce biotope insulaire, sablonneux et rocheux, inspiré du Mapuera, le plus grand affluent de la rive droite du Rio Trombetas de l’état de Pará, Brésil. Cette rivière prend sa source le long de la frontière avec la Guyane et lors des grandes crues, elle se connecte avec la source proche du système du Rio Essequibo (la raison pour laquelle certains poissons guyanais s’y trouvent également, tel que le véritable Anostomus anostomus). Le Mapuera lui-même est parsemé de cataractes, une barrière naturelle pour de nombreuses espèces. Mais dans un biotope tel que celui qui est représenté, vit une communauté de poissons très importante. Pour la plupart, des characiformes, des poissons-chats, mais aussi des raies et des cichlidés en visite. Le milieu est pratiquement dépourvu de végétation hormis quelques plantes flottantes et parfois de grands Echinodorus et Cyperus, qui poussent hors de l’eau, et Spatiphyllum wallisii le long des berges. Certaines raies d’eau douce, comme Potamotrygon motoro et P. yepezi se trouvent là. En plus d’elles, j’ai placé dans cet aquarium de 1600 litres 2 grands Phractocephalus hemiliopterus, 2 Sorubim lima, 1 Pterygoblichthys multiradiatus, 2 Panaque nigrolineatus, 4 Luciopimelodus pati, des characiformes assez grands tels que 3 espèces différentes de Myleus pour un total de 22, 10 (de chaque) Poptella obercularis et Tetragonopterus sp., 15 Anostomus anostomus, 12 Bryconops sp., 8 Boulengerella lateristriga et B. xyrekes. Comme cela a été déjà précisé, les plantes aquatiques sont rares dans ce genre de biotope. Sur les bords, on peut planter les grands Echinodorus, Cyperus et Spatyphyllum sp. évoqués, qui émergeront comme en milieu naturel (où ils ne sont submergés qu’à la saison des pluies). Quelques plantes flottantes comme Ceratopterus cornuta peuvent être ajoutées avec profit. Les paramètres chimiques de l’eau dans le biotope du Rio Mapuera sont : pH 5,5-5,85 ; conductivité 14-20 μS/cm ; températures 28,5-29,5°C. Pour un tel aquarium, utilisez deux grands filtres extérieurs. Le décor sera constitué de racines de mangrove, de pierre volcanique brun rouge, de gravier d’aquarium rougeâtre de 2-4 mm et de gravier blanc de 5-8 mm, ainsi que de sable fin. Pour plus de renseignements, reportezvous encore sur www.aquapress-bleher.com. Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 109 BIOTOPE Symphysodon 110 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 Symphysodon BIOTOPE Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 111 AQUARIUM BIOTOPE Les poissons du genre Symphysodon sont probablement les poissons d’ornement les plus demandés et les plus précieux dans le monde entier (si l’on excepte les arowanas en Asie), qui depuis les années 1960 fascinent sur les 5 continents plus que n’importe quel autre poisson d’eau douce. Bien qu’une majorité de discus proviennent actuellement de structures d’élevage (près de 20 millions produits annuellement), les spécimens sauvages, aux couleurs naturelles (à peine 30 000 collectés dans le bassin de l’Amazone chaque année) sont devenus ou redeviennent (suite à la publication de mon gros livre Le Bleher des Discus tome 1) très populaires. En outre, l’intérêt pour la reconstitution de biotopes authentiques, fidèles à ceux où vivent ces poissons dans la nature a brusquement décollé, d’une manière proprement incroyable. C’est pourquoi je souhaite vous présenter ici 3 exemples d’aquariums biotopes, mais pour celui qui serait particulièrement intéressé par la maintenance de ces fantastiques animaux sauvages, le mieux est de lire mon livre, simplement pour l’amour de ces adorables créatures (et non en fonction de moi – sincèrement). 1. Lac Cuipeuá, Amazone, Brésil (aquarium biotope de 1600 l) Cuipeuá est un lac plutôt petit, situé à l’ouest de la ville d’Alenquer, dans l’état de Pará, Brésil. Il n’existe qu’un seul village de pêcheurs le long de sa berge nord et le lac lui-même est entouré de grandes herbes, qui sont submergées lors des crues. Quelques arbres sont présents mais la plus grande partie de la zone a été déboisée pour l’élevage des buffles et des bovins. Lorsqu’il est inondé, le lac se connecte avec le Rio Curuá et d’autres cours d’eau de la région d’Alenquer. Les discus et leurs compagnons – poissons-anges, mangeurs de terre de bonne taille et autres cichlidés, loricariidés et grands characiformes – vivent dans le type de biotope représenté, en groupes très importants. La végétation aquatique est presque totalement absente, hormis des plantes flottantes et quelques grands Cyperus le long des rives. Poissons : 50 Symphysodon haraldi – discus bleu et brun (rouge), 9 Pterophyllum scalare ; 2 Geophagus sp. ; 11 Mesonauta sp. et 5 Loricariichthys sp. Plantes : On peut y introduire des plantes flottantes parmi Eichhornia crassipes, Pistia stratiotes, Utricularia sp., Azolla caroliniana et Ludwigia helminthorrhiza en quantité. Ainsi que les grands Cyperus évoqués. Ce lac Cuipeuá a, des années durant, été confondu (par l’habitude) avec Curipera, un lac qui n’existe pas dans la région d’Alenquer d’où pro- Symphysodon viennent ces poissons. On peut observer ici un animal alpha et un mâle entièrement rayé, nommé « Royal Blue », ainsi que des spécimens plus typiques du Cuipeuá, bruns et teintés de rouge. (Le discus extrêmement rouge souvent identifié sous le nom de « Curipera », voire actuellement sous son nom correct de « Cuipeuá », est très rare.) Cuipeuá est l’un des rares lacs où les discus se dissimulent parmi les herbes immergées au cours de la saison de basses eaux, qui est aussi la seule période (1 mois 112 Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 Symphysodon AQUARIUM BIOTOPE sur 12) où les discus peuvent y être capturés. Les pêcheurs encerclent alors le massif herbeux et attrapent un grand banc entier (tel que celui représenté). Dans ce milieu, les discus peuvent trouver des quantités d’insectes aquatiques parmi les herbes et les algues, ainsi que des insectes terrestres ; c’est précisément ce qui les y attire. Quelques poissons-anges nagent en leur compagnie, se sentant ainsi protégés par l’ensemble du groupe, à l’instar des espèces de Mesonauta (plutôt en zone plus profonde). Lorica- riidés et cichlidés se tiennent au-dessus du sol sablonneux, filtrant le sable (de la même manière que les discus) en quête de microorganismes. Dans cette représentation fidèle, on peut observer le comportement des discus avec leurs jeunes – ici 48 spécimens de près d’un an, en compagnie de leurs parents (le discus entièrement rayé et le rouge). Le décor respecte le biotope, tel que j’ai pu le voir au Cuipeuá en période de crue. Paramètres chimiques de l’eau (correspondant aux mesures faites sur place) : pH 6,53 ; conductivité 19 μS/cm ; températures 26,3-26,9°C. Deux grands filtres extérieurs assurent la filtration biologique. Décor : sable blanc fin ainsi que du gravier pour aquarium de 1-9 mm. Des racines de mangrove et éventuellement des pierres rondes. 2. Rio Mineruá, Amazonie, Brésil (aquarium biotope de 300 l) (ci-dessus, à droite): Le Rio Mineruá est une rivière d’eau noire, coulant dans le bras droit relativement petit du géant Rio Solimões, situé à l’est de la ville amazonienne de Fonte Boa. L’environnement local est, en grande partie, toujours intact, comme on peut le constater dans les rivières et lacs de cette région. Le fond est constitué de sable blanc pur. Les branches d’arbres pendent dans l’eau et les racines de ces derniers rayonnent un peu partout. La nature sauvage. L’habitat présenté ici met en vedette des variétés de poissons-anges et de discus, présentés alors pour la première fois au public Poissons : Discus vert (Symphysodon aequifasciatus) et poissons-anges (Pterophyllum scalare var.). Plantes : Aucune. Tout au plus, quelques plantes flottantes, comme Pistia stratoites et Utricularia foliosa, ainsi qu’Azolla sp. Jusqu’il y a quelques années, personne en aquariophilie ne connaissait cette zone pratiquement inhabitée et jamais explorée même dans une simple perspective ichthyologique. Il a fallu que j’aie la possibilité de montrer l’existence des discus verts dans cette région, pour que le monde aquariophile en entende alors parler pour la première fois. Les spécimens exposés ici avaient été collectés par mes soins pour être amenés en Allemagne, à la fin 2004. Y avaient été ajoutés quelques loricariidés. Les poissons représentés sont des spécimens uniques : des poissons-anges avec de fascinantes marques sur les opercules et à la nageoire anale bien distincte, noir de jais (inconnue chez tous les autres P. scalare) ; des spécimens de discus verts, avec une coloration de base allant du jaune d’or à l’orange, elle aussi inédite chez ce type de discus. Paramètres chimiques de l’eau : pH 5,4-5,8 ; conductivité 12-18 μS/cm ; températures 27-29 °C. Un grand filtre extérieur assure une filtration biologique. Décor : Racines, sable blanc de fine granulométrie (0,1-0,9 mm). 3. Rio Jatapu (aquarium biotope de 1600 l) (photo du haut et ci-dessus, à gauche) : Le Rio Jatapu est un affluent du Rio Uatumã, lequel est un affluent majeur de la rive gauche du fleuve Amazone. Son eau est noire comme dans tous les autres habitats de Symphysodon discus (le discus dit « Heckel »). J’ai reconstitué ici un biotope typique de cette région, en période de crue (où l’eau peut monter jusqu’à 10 m), époque où les arbres sont submergés. Ici un groupe typique de 50 grands discus Heckel. Ils vivent en compagnie d’espèces de Mesonauta, Uaru, Geophagus, de grands loricariidés et d’espèces de Crenicichla ou de Cichla, de taille le plus souvent réduite. Ces dernières restent normalement cantonnées à leur territoire. Mais elles vivent aussi au-dessus de sable fin, dans lequel elles s’enfoncent (cf. en haut à gauche) à la recherche de nourriture. Poissons : 50 Symphysodon discus, 6 Mesonauta sp., 4 Pterygoblichthys sp., 4 Uaru sp. et 6 Biotodoma cupido. Plantes flottantes : par exemple, Eichhornia crassipes, Pistia stratiotes, Utricularia sp. Dans la littérature scientifique et populaire, cette rivière est souvent confondue et certains prétendent que les discus bleus et « Royal Blue » en proviennent, ce qui est faux. La région de Jatapu n’abrite que des discus Heckel, tandis que les bleus se trouvent seulement dans la rivière Uatumã. Paramètres chimiques de l’eau : pH 5,0 ; conductivité 9μS/cm ; température 29°C. Un grand filtre extérieur assure la filtration biologique. Décor : Racines, sable blanc de fine granulométrie (0,1-0,9 mm). Les Biotopes de Bleher – Grandeur Nature / Grandeur Aquarium 2 113