Enracinement de jeunes Noyers hybrides interspécifiques
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Enracinement de jeunes Noyers hybrides interspécifiques
Enracinement de jeunes Noyers hybrides interspécifiques sur le site de Restinclières (Hérault) Claire ATGER, Pousse Conseil, 3 place des Prunelliers 34 080 Montpellier Sylvie SABATIER UMR-« botAnique et bioinforMatique de Architecture des Plantes » TA40/PS2 34 398 Montpellier En résumé L’analyse architecturale du système racinaire de deux jeunes Noyers hybrides montre trois catégories morpho-fonctionnelles de racines charpentières : pivotantes, horizontales puis verticales et horizontales. Les variations structurales observées entre les deux arbres ont été également mis en évidence au niveau de l’enracinement de Noyers hybrides de deux ans. L’étude d’arbres d’âge varié et dans des conditions de croissance différentes devrait permettre de mieux caractériser la convergence de forme entre le houppier et l’enracinement observée. Introduction Une grande variabilité de forme de couronne est observée entre Noyers hybrides d’âge similaire. Retrouve-t-on cette variabilité architecturale entre systèmes racinaires ? Les objectifs de ces nouveaux travaux sont d’une part de comprendre le mode d’édification du système racinaire au cours de la vie de l’arbre et d’autre part de caractériser les variations en fonction de l’architecture aérienne, des conditions de croissance et des pratiques culturales. L’analyse architecturale des systèmes racinaires repose sur la reconnaissance de catégories morpho-fonctionnelles de racines. Ces catégories racinaires sont de deux types : des racines ligneuses et non-ligneuses. Les racines ligneuses, les plus volumineuses sont pérennes et assurent l’édification de la charpente, partie permanente du système racinaire. Elles sont en faible nombre et en position centrale dans le système racinaire. Elles sont capables de croissance en longueur et en épaisseur très importante. Verticales et pivotantes, elles sont situées généralement dans le prolongement direct du tronc dans un rayon de 1.50m autour de celui ci où elles assurent l’ancrage de la plante au sol. Horizontales ou obliques elles rayonnent à partir de la base du tronc et du pivot vers la périphérie. Parallèlement à leur extension par la périphérie, les racines charpentières développent latéralement un deuxième type de racines ligneuses spécialisées dans la colonisation du sol. Les racines de colonisation sont en plus grand nombre que les charpentières qui leur donnent naissance. Elles ont une durée de vie importante et s’élaguent à long terme. Latéralement à partir de la charpente elles occupent le volume de sol investi par cette dernière lors de son déploiement. Elles diffèrent de ces éléments charpentiers par leur forme grossièrement cylindrique, leur plus faible longueur et diamètre, leur durée de vie limitée et leur position plus périphérique. Elles développent un dernier type de racines ligneuses, grêles, spécialisées dans l’exploitation du sol (A4). Produites en grand nombre par les catégories racinaires précédemment décrites, ces racines ligneuses ont une durée de vie, une croissance en longueur et diamètre faibles. Elles sont responsables de la production de grosses quantités de racines non ligneuses absorbantes constituant le chevelu racinaire. Structure du système racinaire des plants de 1 et 2 ans Dix plantules d’un an (1+0) et 10 plantules de 2 ans (1+1) contre-plantées la première année en pépinière et arrachées la deuxième ont fait l’objet d’observations architecturales. Ces plants ont été donnés par les Pépinières Payre (l’Albenc, Isère). Le système racinaire du noyer d’un an est composé d’un axe pivotant de forme conique montrant trois grandes zones de ramification immédiate (Figure 1a): (1) portion immédiatement sous les cotylédons est une zone de forme globalement cylindrique et d’aspect renflé-charnu. Son diamètre (de 1,5 à 2,5 cm selon les individus) est supérieur à celui de la portion de tige située juste au-dessus des cotylédons. Cette zone, abondamment ramifiée, porte des racines ligneuses grêles de faible diamètre (0,2 à 3 mm) dont l’orientation est horizontale. Elles sont regroupées par verticilles (ou étages) distants de 0,2 à 1,5 cm les uns des autres. Ces racines conservent un an après la germination un développement limité et un petit diamètre par rapport à celles qui leur font suite sur le pivot. Leur croissance est très probablement définie à court terme (une à deux années) et leur fonction limitée à l’alimentation du jeune plant dans les premières étapes de sa croissance. Ces racines sont spécialisées dans l’exploitation du milieu. (2) la deuxième zone montre une densité de ramification moins élevée que celle de la première. Les racines latérales sont distantes de 0,5 à 5 cm les unes des autres. La ramification apparaît ainsi diffuse. Le diamètre des racines mises en place à ce niveau est généralement supérieur à celui des racines latérales de la première zone. Elles sont ligneuses et montrent dès la première année un épaississement marqué au moins dans leur région basale générant à ce niveau un renflement et une forme conique. Elles ont donc un diamètre supérieur à celui des racines de la première zone et comme ces dernières une orientation de croissance horizontale. (3) Au niveau de cette troisième zone le diamètre du pivot diminue brusquement et considérablement et le défilement devient très marqué. Parallèlement la régularité initiale de la ramification a intégralement disparu, les racines latérales ne sont plus disposées ni en rangées verticales ni en étages. Elles sont distantes de plusieurs cm voire de plus de 10 cm les unes des autres et leur distribution devient de plus en plus éparse avec la distance au collet. Ces racines latérales sont en faible nombre et sont majoritairement des éléments ligneux de gros diamètre en ce point comparables à ceux de la zone 2 mais dont l’orientation de croissance est d’autant plus proche de la verticale que leur site d’initiation est lointain des cotylédons. Chez les plants de deux ans la contre-plantation en fin de première année de culture repose sur une taille racinaire (ou habillage) sectionnant toutes les racines latérales à environ 3 cm de leur insertion sur le pivot et ce dernier à une distance de l’ordre de 20 à 37 cm des cotylédons selon les individus (Figure 1b). Suite à un tel traitement la régénération du pivot est systématique. Les individus de deux ans présentent une variabilité de la forme qui repose donc essentiellement sur la diversité du nombre et du comportement de croissance et de ramification des racines de régénération développées par le pivot et ses latérales (Figure 1 c et d). Structure du système racinaire de jeunes arbres de 8 ans Deux arbres âgés de 8 ans mis à germer en 94 et plantés en 95 dans la parcelle agroforestière sur le site du domaine départemental de Restinclières (Prades le lez, Hérault). Les arbres ont été cultivés en association avec du blé ou du colza. Il y a 0.50 m ou 2 m entre la culture et l’arbre en fonction du traitement. Les arbres étudiés ont été choisis sur la forme du houppier : l’arbre 1 possède des branches obliques et un houppier de forme pyramidale tandis que l’arbre 2 montre des branches plus ouvertes et une fourche terminale due à la floraison du tronc en 2001. La forme de houppier est ainsi plus arrondie. Les arbres ont été excavés à l’aide de différents outils : une pelle mécanique par M. Grousset, (cultivateur de la parcelle de blé). Les tranchées avaient 2m de profondeur ; des outils de jardinier (piochon, pelle, pic, bêche à dent et bêche plate, cuillère à asperge, transplantoir) ; une lance à air comprimé (soil pick) alimenté par un compresseur à 6000 l/mn (1 journée). Le système racinaire des Noyers de 8 ans est composé de deux grandes fractions : - les racines pérennes présentes avant plantation, situées entre les cotylédons et la plaie de taille du pivot. Elles sont horizontales et au nombre de 20 pour les deux arbres excavés. - les racines nées après la plantation sur cette première fraction suite à la taille. Elles sont de trois types : racines verticales et pivotantes, racines mixtes horizontales à obliques à leur insertion et devenant verticales par la suite et des racines horizontales. Insérées au niveau de la plaie de taille, les racines pivotantes (Figure 2a) sont verticales et de forme conique avec une ramification latérale répartie de manière diffuse. Les racines latérales développées insérées sur le pivot ont un diamètre plus petit que ce dernier. Leur direction de croissance varie en fonction de leur niveau d’insertion sur l’axe porteur : horizontale en surface à verticale en profondeur. Le nombre de racines pivotantes est 10 pour l’arbre 1 et 1 pour l’arbre 2. Les racines mixtes (Figure 2b) sont localisées à proximité de la plaie de taille du pivot initial. Leur partie proximale, horizontale à oblique s’étend sur 1 m, puis la racine plonge à la verticale. Son comportement est alors similaire à celui d’une racine pivotante. L’arbre 2 avec son pivot unique montre un plus grand nombre de racines mixtes que l’arbre 1 avec ses nombreux pivots. Les racines horizontales (Figure 2c) sont localisées sur la radicule ou dans la partie proximale de racines pivotantes et constituent la charpente superficielle du système. Leur extension horizontale a été suivie sur 3 à 5 m. Leur diamètre à l’insertion est de 4 à 6 cm. Les racines charpentières horizontales se construisent par un empilement d’axes relais horizontaux. La ramification immédiate donne trois types de racines latérales : (1) dans la partie distale des axes, des racines ligneuses cylindrique plongeant à la verticale et portant des racines grêles à développement limité; (2) dans la partie proximale des axes, des racines horizontales et vigoureuses avec un développement proche de celle de l’axe porteur. L’extension de la racine charpentière est assurée par une succession d’axes relais ; (3) quelques racines ligneuses latérales, grêles et horizontales. L’arbre 1 a une architecture d’ensemble très hiérarchisée se traduisant par une forte différenciation des catégories de tiges et de racines et l’absence de fourches et de codominance entre ces derniers (Figure 3a). L’arbre 2 a une architecture globale moins hiérarchisée que le précédent, une différenciation nettement moins forte des catégories d’axes permettant la codominance entre ces derniers et la transformation éventuelle d’un axe d’une catégorie en une autre (Figure 3b). Conclusions Les deux arbres étudiés différent dans le nombre et l’agencement des trois types de racines pérennes décrits et dans la forme de leur houppier. Ces deux grands types d’enracinement ont été observés sur les plants de deux ans. La variabilité de forme de l’enracinement se manifeste donc précocement. Pour connaître les relations entre ces différences structurales et la capacité d’adaptation d’un arbre aux contraintes du milieu et/ou des pratiques culturales, il est nécessaire d’analyser le système racinaire d’arbres vivants dans d’autres conditions de croissance. Une étude de deux noyers situés sur une parcelle forestière est encours. Cette étude a été réalisée dans le cadre du Projet PIRAT (Programme Intégré de Recherches en Agroforesterie à ResTinclière, Hérault) et financée par le Conseil Général de l’Hérault. Ce compte rendu est extrait du rapport d’étude réalisé par C. Atger. Bibliographie Atger Claire, 2002. Etude de l’enracinement du Noyer hybride. Rapport d’étude, 31p. Zone 1 Zone 2 Zone 3 a b c d © 2002 Claire ATGER Figure 1. Système racinaire des plants de 1 ans avant (a) et après (b) la taille et de 2 ans : régénération de 2 (b) ou 5 (d) pivots. (Copyright tous droits réservés à C. Atger). pivot zone de courbure a b c Figure 2. Enracinement de Noyers hybrides âgés de 8 ans. Le système racinaire est composé de 3 types de racines : pivot (a), racine mixte vue de profil (b) et racine horizontale vue de profil (c) (Copyright tous droits réservés à C. Atger). 1m a b Figure 3. Variation de l’architecture aérienne et racinaire entre les arbres 1 et 2 (Dessins C. Atger et S. Sabatier, photos C. Atger, Copyright tous droits réservés à C. Atger).