Bordet à Erasme - Institut Jules Bordet Instituut
Transcription
Bordet à Erasme - Institut Jules Bordet Instituut
N°11 TRIMESTRIEL – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 BELGIQUE/BELGIË PP/PB B-714 Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Traitement des métastases hépatiques résécables avec ou sans chimiothérapie: quel bénéfice? bénéfice p. p. 12 12 Bordet à Erasme: la route est-elle encore longue? Thérapies ciblées dans dand le le carcinome carcinome rénal: rénal: bénéfice en survie? survie? p. p. 33 p. p. 18 18 Le codage MedDRA pour les effets indésirables p. p. 14 14 RÉDACTEURS EN CHEF Harry BLEIBERG Ahmad AWADA RÉDACTEUR EN CHEF ASSOCIÉ Marianne PAESMANS RECHERCHE CLINIQUE ÉDITORIAUX 2 Un article publié peut-il nous abuser ? Harry Bleiberg et Marianne Paesmans 3 Bordet à Erasme: la route est-elle encore longue? Jean-Louis Vanherweghem Ahmad AWADA RECHERCHE TRANSLATIONNELLE Fatima CARDOSO RECHERCHE FONDAMENTALE Christos SOTIRIOU Pierre HEIMANN HÉMATO-ONCOLOGIE Willy FERREMANS Philippe MARTIAT PSYCHO-ONCOLOGIE Nicole DELVAUX Darius RAZAVI SPÉCIALISTES EN ONCOLOGIE Vincent NINANE Jean-Luc VAN LAETHEM BORDET-IRIS Jean-Pierre KAINS Martine PICCART WALLONIE Vincent RICHARD INFORMATION GÉNÉRALE 4 Session d’information sur la prévention du cancer Jean-Benoît Burrion 5 Thérapies ciblées dans les sarcomes Thierry Gil INFORMATION SCIENTIFIQUE 18 Thérapies ciblées dans le carcinome rénal : bénéfice en survie ? Jean-Pascal Machiels 20 Traitement chirurgicale des tumeurs cérébrales à l’aube de 2009 Le rôle de la neuronavigation Olivier De Witte CONTROVERSE 12 Traitement des métastases hépatiques résécables avec ou sans chimiothérapie : quel bénéfice ? Alain Hendlisz ERASME Marie MARCHAND MÉTHODOLOGIE DES ÉTUDES CLINIQUES COMITÉ DE RÉDACTION 14 Le codage MedDRA pour les effets indésirables Geneviève Decoster et Jean Schlusselberg Ahmad AWADA Harry BLEIBERG Arsène BURNY Vincent NINANE Jean-Claude PECTOR Martine PICCART Jean-Luc VAN LAETHEM CONSEILLERS SCIENTIFIQUES Marc ABRAMOWICZ Guy ANDRY Michel AOUN Jean-Jacques BODY Dominique BRON Dominique DE VALERIOLA Olivier DE WITTE André EFIRA Patrick FLAMEN Thierry GIL Michel GOLDMAN André GRIVEGNEE Alain HENDLISZ Jean KLASTERSKY Denis LARSIMONT Marc LEMORT Dominique LOSSIGNOL Thi Hien NGUYEN Thierry ROUMEGUERE Eric SARIBAN Jean-Paul SCULIER Philippe SIMON ASSISTANTE DE RÉDACTION Martine HAZARD – Tél. 02/541 32 01 [email protected] COMITÉ DE LECTURE Marianne PAESMANS Jean-Claude PECTOR Marielle SAUTOIS Le contenu des articles publiés dans ce journal n’engage que la responsabilité de leur(s) auteur(s) www.jcancerulb.be CASE REPORT 24 Un cas d'anémie hémolytique dans un cancer du sein Valérie Doriath LE COIN DU GÉNÉRALISTE 22 Le vomissement : un effet secondaire qui n’est plus qu’un (mauvais) souvenir Simon Vanbelle L’ONCOLOGIE DANS LA SOCIÉTÉ 6 Quelle rôle pour la Fondation contre le cancer ? Didier Vander Steichel 7 IRIS : la vision d’un Président Philippe Close 8 Objectifs et réalisations en cours d’A.R.C.A.D A. de Gramont et M. de Bausset 9 The Oncology Scientific Advisory Group (SAG) in the European Evaluation of Anti-Cancer Medicinal Products Maria Nieto-Gutierrez, Francesco Pignatti and Michel Marty THÈSE 11 Méthylation de l’ADN et protéines Polycomb : du remodelage de la chromatine au cancer Emmanuelle Viré AU-DELÀ DE LA MÉDECINE 28 L’humour et l’art Pierre Sterckx Couverture : Filaments mycéliens fixés au calcofluor et visualisés au microscope à fluorescence donnant cet aspect typique de l’Aspergillus, septé et branché à 45°. Malgré l’apparence gracieuse, cette moisissure découverte par Micheli à Florence en 1729, est redoutable pour les patients immunocompromis. 1 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 ÉDITORIAUX Un article publié peut-il nous abuser ? L’information médicale diffusée dans la presse scientifique ou générale nous touche toujours plus que nous ne croyons. La chose imprimée brille des feux de la vérité. Pour celui qui lit l’information, il paraît évident et normal que les éditeurs aient vérifié la véracité des données, mis en place les filtres qui ne laissent passer que les études biens conçues, bien menées et analysées selon des normes reconnues qui garantissent que les résultats sont ce qu’ils disent être. Nous voudrions éclairer notre propos par un exemple. L’article d’Alain Hendlisz (page 12) analyse d’une manière critique les résultats d’une étude de chimiothérapie périopératoire (EPOC) chez des patients présentant des métastases hépatiques d’un cancer colorectal et susceptibles d’être réséquées chirurgicalement d’emblée. L’article est publié dans le Lancet, journal qui offre à ses lecteurs les plus hautes garanties de qualité (1), mais le “take the home message” basé uniquement sur une analyse de sous-groupes, nous paraît pour le moins excessif: ‘Perioperative chemotherapy with FOLFOX4 is compatible with major liver surgery and reduces the risk of events of progression-free survival in eligible and resected patients.’ En effet, les méthodologistes recommandent que l’analyse primaire d’une étude randomisée respecte le principe de l’intention de traitement en y incluant tous les patients randomisés (dans le bras qui leur a été alloué) afin de préserver ce que la randomisation doit garantir: la similarité des patients inclus dans les différents bras de l’étude. Si cette règle peut paraître stricte et parfois peu adéquate sur le plan de l’interprétation clinique, il est particulièrement important de s’y plier lorsque les raisons d’exclusion sont dépendantes du traitement alloué par la randomisation. Si l’étude EPOC a bien été planifiée pour détecter un accroissement relatif de 40% de la survie sans progression médiane dans le bras avec chimiothérapie périopératoire parmi tous les patients randomisés, les auteurs rapportent leurs résultats non seulement en intention de traiter mais aussi après exclusion des patients non opérés et de ceux chez qui il n’a pas été possible de procéder à la résection hépatique. Surtout, la conclusion de leur abstract se base sur ce sous-groupe, ce qui pourrait abuser un lecteur un peu rapide quant à la signification réelle de cette conclusion. C’est ainsi, qu’en ne gardant que les patients qui ont bénéficié de la résection hépatique, les auteurs démontrent une réduction du risque de récidive de 27%, réduction statistiquement significative (HR estimé de 0.73 avec un intervalle de confiance allant de 0.55 à 0.97, p=0.025) alors que l’analyse en intention de traiter n’identifie qu’une différence observée plus petite, 21% (HR estimé de 0.79 avec un intervalle de confiance allant de 0.62 à 1.02, p=0.058) qui n’atteint pas le seuil de signification. Le seuil de signification pour l’analyse finale a dû être abaissé à 0.043 en raison de la conduite d’une analyse intermédiaire non planifiée, justifiée par les auteurs en raison d’un taux d’événements plus faible qu’anticipé et de la pression de la communauté médicale avide de disposer des résultats de l’étude. Qui a-t-on exclu? Soixante-un patients (16% des patients randomisés!), principalement, les patients avec une maladie plus évoluée que prévu, soit par une mauvaise évaluation de l’extension de la maladie (évaluation potentiellement modifiée par la chimiothérapie?), soit par évolution sous chimiothérapie ainsi que les patients rendus inopérables suite à des effets secondaires de la chimiothérapie. La table 1 essaie de décrire le mieux possible les raisons d’exclusion de l’analyse mais l’article est rédigé de manière telle qu’il n’est pas possible de distinguer les patients exclus pour une raison antérieure à la chimiothérapie ou postérieure à la chimiothérapie. Cependant si on examine cette table, on se rend compte que moins de malades ne sont pas résécables dans le bras chimiothérapie, ce qui en soi est un signe d’activité du traitement mais qu’une série de malades est exclue en raison de toxicité possibles du traitement : dommages hépatiques, refus, altération de l’état général ou décès. Il n’est pas exclu que ces événements soient liés, au moins en partie, à la chimiothérapie et ces patients devraient donc absolument être pris en compte dans l’évaluation du traitement. L’interprétation de l’étude se joue sur l’inclusion/exclusion de ces malades. Les garder dans l’étude ne permet pas de conclure à un bénéfice statistiquement significatif de la chimiothérapie, les exclure permet de positiver les résultats. Table 1 : Patients exclus de l’analyse Chimio N randomized Excluded from subgroup analysis No information about surgery Not operated More advanced disease Refusal Poor condition/death Other Not resected More extensive disease Liver damage JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 Non chimio 182 31 (17%) 182 30 (16%) 1 22 4 8 10 4 3 5 8 1 18 7 1 2 7 Qu’en penser? La randomisation, élément essentiel d’une étude comparant deux modalités thérapeutiques valide la comparaison entre les groupes: par cette procédure on est assuré que les malades ne diffèrent que par le traitement reçu. On espère ainsi que la randomisation va équilibrer les facteurs de risque connus et, plus important peut-être, ceux qui ne le sont pas. L’exclusion de malades d’une analyse quelle qu’elle soit fait fi de cette garantie primordiale et engendre un risque de biais dans la comparaison des traitements. Lorsque, de plus, cette exclusion se fait pour des raisons clairement liées au bras de traitement alloué, l’introduction d’un biais est évidente : dans EPOC, l’exclusion dans le bras chimio des malades qui bénéficient le moins du traitement et qui présentent le plus de toxicités va évidemment favoriser ce bras au détriment de l’autre. Nous voici à la rédaction de Jcancer mettant en doute la conclusion principale d’un article publié dans un journal aussi prestigieux que le Lancet. Mais est-ce une raison pour ne pas exprimer notre déception? On peut comprendre l’enthousiasme d’un chercheur animé par une conviction profonde à vouloir extraire des données plus qu’elles ne veulent dire. Un éditeur se doit d’être le garant de la qualité de ce que publie son journal. Est-ce grave ? Les conséquences sont que beaucoup pourraient considérer que la chimiothérapie périopératoire apporte un bénéfice démontré et qu’elle est indiquée dans le traitement des métastases hépatiques résécables. Cependant, aujourd’hui, nous nous devons d’être plus nuancés: nous ne pouvons pas affirmer que FOLFOX administré dans le contexte de cette étude augmente significativement la survie sans progression. Si la vérité est qu’il n’y a pas de bénéfice ou un bénéfice plus faible que celui jugé cliniquement pertinent, traiter indûment les patients entraîne de faux espoirs, des souffrances inutiles et probablement une mortalité accrue pour un petit nombre alors même que d’autres en tirent peut-être profit ou même y sont indifférents. Aucun de ces groupes n’est identifiable. À chacun de nous d’utiliser sa raison en ce domaine. On pouvait espérer qu’une revue de renom nous aide mieux à faire nos choix. Pour la Rédaction, Harry Bleiberg et Marianne Paesmans (1) Bernard Nordlinger et al. The Lancet 2008; 371:1007-1016 Bordet à Erasme: la route est-elle encore longue? e 19 octobre 2005, la Ville de Bruxelles, l’Université Libre de Bruxelles et l’Intercommunale Régionale des Infrastructures de Soins (IRIS) signaient une convention-cadre dont un des éléments principaux prévoyait la construction d’un nouvel institut Bordet de cancérologie, porté à 250 lits, sur le site d’Anderlecht de l’ULB, au voisinage immédiat de l’hôpital Erasme. L Dans la foulée, le dossier était introduit en vue du financement auprès de la Région de Bruxelles-Capitale, et un concours européen était lancé pour la désignation des auteurs de projet et des ingénieurs conseils. Les deux dossiers ont abouti : en mai 2008, la commission communautaire commune a approuvé le financement de 115 millions d’euros, pour un nouvel institut Bordet de 54.000 m² et 254 lits, jouxtant l’hôpital Erasme, à Anderlecht. Le conseil d’administration de l’institut Bordet, en date du 20 juin 2008, a quant à lui approuvé les propositions du jury pour la désignation du maître d’œuvre. Ainsi, trois ans après la signature de la convention-cadre, le projet entra dans une phase plus technique: négociations finales des cahiers des charges, établissement des plans définitifs, obtention des permis de bâtir et… constructions, aménagements et déménagement. Le planning du lauréat prévoit 44 mois entre l’obtention du marché et l’inauguration. Croisons les doigts. La route peut sembler longue mais elle ne l’est guère si l’on tient compte de la complexité technique du dossier et des méandres institutionnels des décisions politiques et financières. Il faut ici rendre hommage à l’opiniâtreté de tous ceux qui ont porté et défendu ce dossier. Il faut aussi comprendre la lassitude du personnel de l’institut travaillant dans des infrastructures vieillissantes et des conditions de plus en plus difficiles : encourageons-les, le bout du tunnel est en vue. Jean-Louis Vanherweghem Président du Conseil d’Administration de l’ULB 18 3 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 INFORMATION GÉNÉRALE Session d’information sur la prévention du cancer Jean-Benoît Burrion, Deputy Medical Director, Institut Jules Bordet raisins peuvent ils être une cause de développement du cancer?» «Oui Monsieur, à partir de trois tonnes») et de moments de pure émotion avec les photos de plages australiennes du Dr Sales. e 26 septembre s’est tenue à l’Institut Jules Bordet une session d’information destinée au grand public et consacrée à la prévention du cancer. Cet événement, initié par la mutuelle Euromut, était organisé dans les centres hospitaliers universitaires des deux Brabants. Les auditoires étaient bondés: plus de 120 personnes se sont pressées aux portes de l’Auditorium HJ Tagnon (280 à l’UZ Leuven, 140 à l’UZ BRUSSEL, 140 à l’UCL St Luc). L Derrière l’aspect apparemment anecdotique de cette initiative se profile cependant une réalité presque triviale. Le sujet déplace les foules et les centres spécialisés se bousculent pour en parler. On se trouve bien dans les conditions d’un marché, avec une demande devenue exigeante et une offre qui rivalise de zèle pour y répondre. Aussi notre Institut, si vénérable soit-il, se trouve aujourd’hui dans la quasi obligation de faire parler de lui auprès du public, de faire du «marketing» comme on dit, sous peine d’être relégué dans l’ombre par les autres centres du cancer, plus récents, et peut-être plus «communicants». Vénérable donc, mais pas invulnérable. Se sont succédé à la tribune tout l’après-midi les excellents Pr/Dr Staquet pour les aspects généraux du dépistage, Grivegnée pour le cancer du sein, Bleiberg pour le cancer du côlon, Peltier pour le cancer de la prostate, Sales pour les cancers de la peau, Hertens pour le cancer du col de l’utérus, tout ce docte monde ayant répondu à l’invite avec enthousiasme et sans l’ombre d’une hésitation. Un autre aspect est mis en lumière par cette expérience: l’intérêt aujourd’hui, de fonctionner en partenariat avec les organismes assureurs. Leur importante capacité mobilisatrice, la puissance de leur dispositif de communication, le capital de confiance dont ils jouissent auprès de leurs affiliés, représentent autant d’opportunités dès qu’il s’agit d’informer. Ici aussi, le contexte a changé: il est loin le temps où le corps médical et les mutuelles se regardaient en chiens de faïence. Les présentations se sont révélées conformes aux attentes. Les orateurs avaient reçu pour seule instruction les 3 mots clefs «20’, grand public, illustrations», ce qui permettait de préserver leur créativité et donc d’assurer la variété des exposés. Les concepts et stratégies présentés étaient un élégant alliage d’evidence based medecine, d’expérience clinique et de savoir scientifique «up to date», une mixture «maison» qui constitue sans aucun doute l’une des forces de l’Institut Jules Bordet. Après chaque intervention, une courte séance de questions réponses était proposée, toujours habilement négociée par les intervenants pour qu’elle ne se transforme pas, écueil classique, en consultation privée. Pour conclure donc, une initiative d’information novatrice par l’émulation qu’elle a suscitée et par sa formule de partenariat inhabituelle, plébiscitée par le public, dont les participants ont retiré de la satisfaction, et qu’il est d’ores et déjà prévu de renouveler au vu des inscriptions en attente. ■ Un après-midi didactique de haut vol donc, ponctué de temps forts avec les réponses du Dr Bleiberg («Docteur, les pépins de Thierry Gil, Clinique d'Oncologie Médicale, Service de Médecine, Institut Jules Bordet [email protected] près vingt ans consacrés à l’étude des meilleurs régimes de chimiothérapie dans les sarcomes, un palier semblait atteint en termes d’indications et limites d’efficacité des traitements systémiques. Les protocoles ouverts à l’Institut Jules Bordet et directement inspirés des percées de la biologie moléculaire sont : A En première ligne métastatique ou inopérable, pour les sarcomes de grade 2 à 3 des tissus mous (excluant en particulier GIST, chondrosarcome et rhabdomyosarcome embryonnaire), une étude de phase II comparant la doxorubicine et l’association doxorubicine avec un nouvel agent pro-apoptotique (AMG-655) mimant TRAIL et liant son récepteur TR-2. Ainsi dans les sarcomes osseux (ostéosarcome, sarcome d’Ewing), la chimiothérapie pré- et postopératoire a considérablement amélioré (d’environ 40% en survie globale) le pronostic vital des patients avec des régimes de première ligne bien évalués. Dans ces indications toutefois, le clinicien se trouvait rapidement démuni en cas de mauvaise réponse inaugurale ou de rechute. En deuxième ligne dans les sarcomes des tissus mous, après échec de doxorubicine et Ifosfamide en séquence ou combinaison, une étude de phase III, conduite par l’EORTC compare le Pazopanib (anti VEGF-R 1,2,3) à un bras placebo (R:2/1). Dans les sarcomes des tissus mous, la place de la chimiothérapie adjuvante a également fait l’objet de nombreuses études critiquées pour leur hétérogénéité et leur faible pouvoir statistique. Les gains en survie sont généralement à la limite de la signification (de l’ordre de 4% au mieux), même si les taux de rechute sont favorablement influencés par la chimiothérapie. Enfin, un anti-IGF-R est accessible pour les sarcomes d’Ewing, les rhabdomyosarcomes, les leiomyosarcomes, les liposarcomes ou les synoviosarcomes en échec de chimiothérapie ou ne pouvant en recevoir. Une ère nouvelle s’ouvre donc, pour ces tumeurs rares dont beaucoup restaient maladies orphelines, par le fait de l’apparition des thérapies ciblées dans notre pharmacopée. ■ En situation métastatique, les traitements améliorent modestement la survie, et la question n’a pas été définitivement tranchée d’un bénéfice éventuel des combinaisons sur une monochimiothérapie. Les progrès de la biologie moléculaire ont tout d’abord permis de redéfinir 50 sous-types histologiques et de cibler certains récepteurs ou signaux intracellulaires spécifiquement mutés et qui concourent à la division cellulaire et à l’apoptose. Je citerai en particulier c-kit, PDGF, EGF-R, VEGF et IGF (figure 1). La première illustration en a été le Sarcome Stromal digestif (GIST) où l’Imatinib (Glivec) (inhibiteur de BCR – Abl, PDGF-R, c-kit) montrait des taux de réponse 10 fois supérieurs à la chimiothérapie (50% versus 5%) et en situation métastatique une survie mediane remarquable de 57 mois en phase II. Les études avec l’Imatinib en adjuvant pour les GIST à risque de rechute intermédiaire ou élevé se poursuivent au sein de l’EORTC. Depuis lors les inhibiteurs de VEGF (Sutent) et de m-TOR (RAD001) ont également montré une activité après progression sous Imatinib. Avastin remboursé pour le cancer colorectal métastasé à partir du 1er décembre 2008 ! n.v. Roche s.a. a le plaisir de vous annoncer que le remboursement d'Avastin (bevacizumab) pour le traitement des patients atteints d’un cancer colorectal métastasé a été publié dans le Moniteur Belge. Ce remboursement deviendra effectif le 1er décembre 2008. Avastin est remboursé dans la catégorie Ahf pour le traitement de 1ère ligne des patients atteints d'un cancer colorectal métastasé en association avec 5-fluorouracil/leucovorin et irinotécan (p.ex. FOLFIRI). SÉMINAIRES DU PROGRAMME DE SOINS EN ONCOLOGIE IRIS-BORDET-ERASME Metastatic GI Cancers: Frontiers Between Palliation and Hope for Cure SCIENTIFIC MEETING Saturday, January 10, 2009 Crowne Plaza Brussels Airport Nous sommes persuadés que le remboursement d’Avastin est important pour le bénéfice de vos patients, atteints d’un cancer colorectal métastasé… N’hésitez pas à demander de plus amples renseignements. Rendez-vous sur le site www.roche.be où plus d’informations et les demandes de remboursement sont à votre disposition. JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 4 Figure 1: Signaux de transduction et récepteurs extracellulaires impliqués dans l’oncogénèse des sarcomes. INFORMATION : Anne Sophie Wirtz: 0476/31 24 11 – [email protected] 5 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 L’ONCOLOGIE DANS LA SOCIÉTÉ Quel rôle pour la Fondation contre le cancer ? Plaidoyer pro domo ? Didier Vander Steichel, Directeur médical et scientifique, Fondation contre le Cancer [email protected] Sans oublier tout ce qui se passe hors de nos frontières. D’où l’importance de développer des traits d’union. Faire circuler information et bonnes idées ou encourager les collaborations est une autre raison d’être de la Fondation. adoption récente par les pouvoirs publics d’un Plan National Cancer et la création prochaine d’un Institut National du Cancer laissent-ils une place à d’autres initiatives? Nous pensons que oui. Outre son rôle dans le financement de la recherche, notre Fondation est un révélateur de problèmes, assure une représentation indépendante des patients et relaie leurs attentes auprès des pouvoirs publics ou des soignants. De telles actions, illustrées ci-dessous, sont et resteront nécessaires. Les cancers sont, à juste titre, une préoccupation majeure de nos concitoyens. Les politiciens l’ont bien compris et leurs décisions récentes dans ce domaine répondent à de réels besoins. Tant en matière de prévention, de dépistage, de prise en charge médico-sociale que de financement de la recherche, les pouvoirs publics ont un rôle déterminant à jouer. Il n’empêche que les acteurs privés, au premier rang desquels la Fondation contre le Cancer, conservent toute leur raison d’être. L’ L’attribution des ses crédits de recherche en est un exemple. Pour ce faire, elle a instauré deux Conseils scientifiques (fondamental et clinique/translationnel), composés de personnalités éminentes issues du nord et du sud du pays. Leurs présidents sont choisis hors de nos frontières et chaque projet de recherche est soumis, par ailleurs, à trois experts étrangers. La sélection des travaux financés par la Fondation résulte donc d’une analyse globale et objective de chaque demande. En outre, les projets interuniversitaires peuvent obtenir des montants plus importants que les demandes isolées. Grâce à la générosité de ses donateurs, la Fondation octroie 10 millions d’euros tous les deux ans à la recherche. Il serait dramatique pour les chercheurs belges que cette importante source de financement se tarisse. Expérience et indépendance Active depuis plus de 80 ans, la Fondation a acquis une expérience et une crédibilité largement reconnues. Cette longue présence sur le terrain nourrit une vision à la fois globale et évolutive des moyens de lutte contre le cancer dans notre pays. Ayant évité toute politisation, échappé aux nombreux clivages belgo-belges et étant financée quasi exclusivement par le grand public, la Fondation a su conserver son indépendance, sa liberté d’analyse, d’initiative et de parole. Défense des intérêts des patients Qui dit donateurs – ils sont environ 220.000 à la Fondation – suppose un capital de confiance construit et mérité au fil des ans. Entretenir cette confiance a une valeur en soi. En effet, la générosité du grand public reste indispensable pour compléter ou anticiper les décisions des pouvoirs publics. Être dépositaire de cette générosité est une énorme responsabilité qui dépasse le seul domaine financier. La confiance des patients et de leurs proches fait de la Fondation un interlocuteur privilégié et un porte-parole indépendant des malades. Ce rôle de représentation des patients suppose une analyse professionnelle de chaque situation. Compte tenu des évolutions rapides de la cancérologie moderne, un groupe de réflexion pluridisciplinaire a été créé à cet effet. Il a pour mission de déterminer le juste milieu entre attentes individuelles, possibilités médicales et moyens disponibles. Ces atouts lui permettent d’agir avec un souci d’efficacité plus que de visibilité. La pertinence de ses actions est largement confirmée par les mesures annoncées dans le Plan National Cancer. En effet, nombre d’entre elles ont été précédées, voire préparées par des initiatives de la Fondation. Registre du Cancer, tumorothèque, financement de la recherche translationnelle, de psychologues et data managers, revalidation fonctionnelle, projet hadronthérapie ou sevrage tabagique en sont autant d’exemples. Sans oublier le rôle joué récemment par la Fondation dans la reconnaissance de la spécialité en oncologie médicale ou des cliniques du sein. Forte de cette expérience en matière d’analyse des intérêts bien compris des patients, la Fondation demande à être associée au futur Institut National du Cancer, en qualité de représentante indépendante des malades. Est-il problématique de voir ces actions reprises et amplifiées par les pouvoirs publics? Que du contraire. La Fondation est très attentive à ne pas faire double emploi, à passer la main dès que possible, pour pouvoir développer de nouveaux projets. Avoir une longueur d’avance fait partie de ses raisons d’être… Montants attribués à nos objectifs en 2007 (en €) Trait d’union et générosité Recherche, traitements, dépistage, prévention… Vastes domaines aux acteurs multiples. Qui plus est, les compétences politiques en matière de santé ne sont pas un modèle de simplicité dans notre petit pays. JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 Enfin, l’exemple d’autres pays européens (par exemple le Royaume Uni ou, plus récemment, la France), qui disposent déjà d’Instituts Nationaux du Cancer ou de Plans Cancers plus avancés qu’en Belgique, confirme l’utilité de la poursuite d’actions indépendantes menées par des associations ou fondations privées. ■ Poser la question de l’avenir de la Fondation contre le Cancer à l’un de ses représentants crée un possible conflit d’intérêt. Les éléments de réponse fournis dans ce court article se veulent aussi objectifs que possible. Un complément d’information peut être obtenu sur le site de la Fondation www.cancer.be ou dans le rapport annuel 2007 (envoyé sur demande ou consultable online sur le site). Financement de la recherche scientifique 5 895 818 Réalisation de projets d’information et de prévention 4 551 148 Aide psychosociale ou matérielle aux patients et à leurs proches 4 395 074 La vision de l’Institut Jules Bordet de demain Philippe Close, Président d’IRIS [email protected] continue de lutte contre le cancer, toujours plus efficace grâce notamment à la proximité des laboratoires de recherche facultaire. n tant que Président d’IRIS, je me suis réjoui de l’adoption, le 19 juin 2008, du plan pluriannuel de construction des hôpitaux IRIS par le Gouvernement de l’accord pour la construction de nouveaux bâtiments sur le Campus universitaire d’Anderlecht en vue d’y accueillir l’Institut Jules Bordet. Depuis sa fondation, cet hôpital monospécialisé est unique en Belgique. Ce centre intégré de lutte anti-cancéreuse est axé sur une triple mission de soins, de recherche et d’enseignement avec un objectif récurrent: celui d’offrir des services de qualité et des traitements de pointe à ses patients; c’est ainsi, que l’Institut Bordet a depuis toujours allié pratiques médicales cliniques et recherches de pointe. E Poursuivre des programmes de prévention, favoriser les synergies entre les laboratoires et l’Institut, faciliter les procédures pour accélérer la mise en place de nouveaux traitements anticancéreux, soutenir les innovations thérapeutiques au bénéfice du patient sont les défis auxquels IRIS souhaite répondre aujourd’hui. Aujourd’hui, située en plein cœur de la Région Bruxelloise, de la Belgique et de l’Europe, cette institution connaît une renommée qui va bien au-delà de nos frontières régionales : en effet, plus de 40% des patients qui le fréquentent viennent de l’extérieur de la Région ou de l’extérieur du pays. Ces nouvelles approches ouvriront la voie au renforcement des emplois présents mais aussi à la création de nouveaux. Sur le site actuel de l’Institut Bordet, plus de 1000 personnes travaillent dont 150 médecins et 150 chercheurs. La politique de développement du personnel d’IRIS visera à renforcer les équipes en place et ainsi créer de la richesse via les innovations, les propriétés intellectuelles, les partenariats… Le nouvel Institut Bordet sera un réel rassembleur de talents, un fédérateur de tous les acteurs de terrain toutes fonctions confondues. Le nouvel Institut Bordet sera un réel rassembleur de talents, un fédérateur de tous les acteurs de terrain toutes fonctions confondues, des équipes de recherche, des services de soins orientés vers l’innovation pour un meilleur accueil et une qualité de prise en charge du patient encore supérieure à celle que nous connaissons aujourd’hui. Cette propension à la progression est amenée à se développer. Afin de répondre à des besoins et à des nécessités toujours croissants, l’Institut Jules Bordet est selon moi au cœur d’un défi permanent… Il lui faut promouvoir une politique de santé publique toujours plus proche des patients et ce, quelle que soit leur situation sociale tout en assurant un développement ambitieux de l’institution. L’accord conclu le 19 octobre 2005 entre les instances de la Ville de Bruxelles, l’ULB, l’Hôpital Erasme et le CPAS de la Ville de Bruxelles va donner à l’Institut Jules Bordet des moyens pour continuer à se développer dans sa logique d’excellence, de performance et d’efficacité. Le déménagement de l’Institut sur le Campus d’Anderlecht permettra de rassembler malades, soignants et chercheurs sur un même site universitaire et d’optimiser ainsi la recherche translationnelle en développant encore davantage les collaborations entre les laboratoires et la clinique au plus grand bénéfice des patients. Ce sera une opportunité exceptionnelle pour dynamiser la recherche académique et positionner encore davantage l’Institut Bordet dans le paysage belge et européen. L’arrivée de l’Institut Jules Bordet sur le Campus universitaire de l’Université Libre de Bruxelles va rendre possible la création d’un véritable cancéropôle proposant une approche globale et «Plus que jamais, l’Institut Jules Bordet se donne ainsi les moyens de ses ambitions: rester un centre intégré de lutte contre le cancer d’excellence, incontournable à l’échelon européen». ■ 14 842 040 6 7 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 L’ONCOLOGIE DANS LA SOCIÉTÉ La fondation A.R.CA.D : une fondation française à l’impact international (1) A. de Gramont et M. de Bausset Aimery de Gramont coup de lancer au printemps 2009 un concours européen parrainé par l’architecte français Jean-Michel Wilmotte visant à concevoir l’Hôpital de Jour de demain». es patients sont le moteur essentiel de la progression de mes recherches”. Cette phrase du Professeur Aimery de Gramont résume la raison d’être de la fondation A.R.CA.D, seule fondation reconnue d’utilité publique en France dédiée exclusivement à la lutte contre les cancers digestifs qui tuent près de 40 000 personnes par an en France. Face à l’incidence de ces cancers parents pauvres de la recherche, la fondation créée en décembre 2006 dans la continuité des travaux de recherche de ses fondateurs, le GERCOR et la Fédération Française de Cancérologie Digestive, s’est fixé un triple défi: optimiser les soins et l’information des patients, promouvoir la recherche clinique, sensibiliser la population ainsi que les acteurs de santé pour une prévention et un dépistage accrus. “L «A.R.CA.D Clinical Trials Program» Lancé en juin 2007 par le Professeur Aimery de Gramont, ce programme articulé autour des congrès de l’ASCO et du World Congress on Gastrointestinal Cancer a pour ambition de définir au plan mondial une ligne directrice pour de nouvelles méthodes d’évaluation des traitements du cancer colorectal. Depuis 2002, Richard Schilsky, Président de l’ASCO a en effet sonné l’alarme: «Les conditions permettant de démontrer que de nouveaux médicaments sont efficaces et sans danger avant que leur mise sur le marché ne soit autorisée par les autorités de santé, ont mené à un processus de développement des traitements qui nécessite en général des milliers de patients, des centaines de millions de dollars et plus d’une dizaine d’années.» Schilsky RL. Clin Cancer Res 2002, 8:935-8 Pourquoi avoir créé une fondation ? D’abord pour créer un pôle de réflexion, une coordination et un impact international grâce au concours de tous les acteurs de santé partenaires de la fondation : industrie pharmaceutique, sociétés savantes internationales, associations de patients, acteurs de la lutte contre le cancer. Ensuite, parce qu’une fondation allie la plus grande capacité juridique, un «label» et une défiscalisation maximale pour tous les donateurs. Face à un système aléatoire et obsolète, la fondation A.R.CA.D propose une nouvelle donne: rendre la validation des traitements et des médicaments plus rapide et moins chère pour que les patients en bénéficient plus vite. La fondation A.R.CA.D a pour spécificité d’agir vite grâce à une gouvernance simplifiée. Elle est à la fois opérationnelle – elle génère ses propres programmes en toute indépendance– et distributive – elle soutient des programmes après appels à projets –. L’appel à projets «Projets pilotes HDJ cancers digestifs 2008» et le «A.R.CA.D Clinical Trials Program» constituent actuellement les deux projets phares portés par la fondation A.R.CA.D. Pour y parvenir, la fondation A.R.C.A.D. a créé un comité scientifique international, l’«A.R.CA.D Group», composé d’environ 40 leaders mondiaux de la cancérologie digestive. Objectif ? Infléchir par une démonstration scientifique consensuelle et irréfutable les règles actuelles de la recherche clinique prônées par les autorités de santé (FDA, EMEA..). «Projets pilotes HDJ cancers digestifs 2008» Sans quoi, les risques majeurs encourus sont : Fin 2007, la fondation a réalisé avec le soutien de Roche une enquête nationale sur la qualité de la prise en charge des patients d’oncologie digestive en Hôpital de Jour (HDJ). Celle-ci a permis d’établir, dans une centaine de centres, un état des lieux des modes de prise en charge, en HDJ, des patients atteints de tumeurs digestives et d’identifier les difficultés et attentes du personnel des établissements. 1. de ne pas pouvoir réaliser de nouvelles découvertes thérapeutiques ni celles nécessaires au traitement des tumeurs rares qui ne sont pas considérées comme prioritaires par l’industrie pharmaceutique, 2. de ne pas pouvoir développer de médicaments prometteurs, faute de moyens. Un article cosigné par le Professeur Philippe Rougier et le Docteur Frédérique Maindrault-Goebel intitulé «Le parcours du patient en Hôpital de Jour de cancérologie digestive : analyse et proposition du personnel soignant» et publié fin octobre 2008 dans la revue «Réflexions en Médecine Oncologique» résume les résultats de cette enquête. Réussir ce défi est donc vital pour les malades comme pour la société toute entière. Fonctionnement d’ARCAD: en accord avec le Ministère de l’Intérieur, nous avons retenu la gouvernance par un Conseil d’Administration incluant un Commissaire du Gouvernement assurant, à titre consultatif, la représentation de l’État. Actuellement, la composition du Conseil d’Administration comporte 15 membres du plus haut niveau d’expertise répartis en 2 collèges: un collège de 4 fondateurs et un collège de 6 personnalités qualifiées. ■ Face aux nombreux déficits constatés, la fondation A.R.CA.D a décidé de financer avec le soutien de Roche d’ici fin 2008 des actions concrètes dans les HDJ après lancement d’un appel à projet «Projets pilotes HDJ cancers digestifs 2008». Objectifs poursuivis? L’amélioration des conditions de prise en charge des patients, l’aménagement des locaux, l’achat d’équipements… Pour plus d’informations sur la fondation A.R.CA.D: www.fondationarcad.org Si améliorer les HDJ fait partie des priorités de la fondation, il s’avère qu’elle souhaite aller encore plus loin. Elle propose du JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 (1) Aide et Recherche en Cancérologie Digestive. 8 Maria Nieto-Gutierrez (1), Francesco Pignatti (1) and Michel Marty (2) (1) The European Medicines Agency (EMEA), London, (2) Hôpital Universitaire Saint Louis, Paris [email protected] The oncology SAG consists of a core group of 9 members proposed and appointed by the CHMP for a period of 3 years 7 (see current composition in Table 1). This core group ensures continuity and consistency within the group and reflects different European therapeutic practices. Other individual experts may be called upon to participate to a given meeting to provide additional expertise in specific domains on a case by case basis. he European Medicines Agency (EMEA) has been responsible for the evaluation, supervision and pharmacovigilance of medicinal products in the European Union (EU). New drug applications submitted through the EMEA Centralised Procedure may lead, after successful scientific evaluation, to a single EU-wide approval 1. Since 2005, under the new EU pharmaceutical legislation, the Centralised Procedure is mandatory for the authorization of all new cancer drugs 2. T Table 1: The core members of the EMEA Oncology SAG appointed by the CHMP in April 2008. The Committee for Human Medicinal Products (CHMP) is responsible for conducting the evaluation of medicinal products for human use submitted to the EMEA. Assessments performed by the CHMP are based on objective criteria and determine whether or not the products concerned meet the necessary quality, safety and efficacy requirements. The approvals for new drugs are essentially of three types, standard approval, conditional approval, and approval under exceptional circumstances. Broadly speaking, they reflect increasing degrees of uncertainty that regulators can face when assessing the drug application, and how the uncertainty can be minimized or reduced in the post-approval phase. It is important that patients and prescribing physicians understand the different types of approvals and what are the remaining uncertainties when considering different treatment options in clinical practice 3. • Jonas Bergh, Stockholm • Lothar Bergmann, Frankfurt • Rocio García Carbonero, Sevilla • Steen Werner Hansen, Copenhagen • Jonathan Ledermann, London • Michel Marty, Paris (chairperson) • Giuseppe Saglio, Orbassano – Torino • Jan H. M. Schellens, Amsterdam (vice-chairperson) • Stefan Suciu, Brussels The SAGs meet upon request from the CHMP to answer specific questions, typically about the clinical interpretation of certain findings or uncertainties 8, 9. For example, during the scientific evaluation of sunitinib for metastatic renal cell carcinoma, the CHMP considered that comprehensive clinical data related to the efficacy of sunitinib had not been supplied at the time of the initial marketing authorization. In particular the submitted studies were non-randomized, and the effect of sunitinib in terms of relevant clinical endpoints such as progression-free survival (PFS) and overall survival (OS) were difficult to quantify using historical comparisons. The CHMP consulted the oncology SAG seeking confirmation about the interpretation of the efficacy results in the context of the non-randomized studies presented, and whether the population in the two studies was representative for the claimed indication. The advice of the SAG was that clearly, a randomized controlled study would have provided the most convincing evidence of efficacy and clinical benefit. However, the response rate observed in the phase 2 trials was very high and it is very likely that this effect will translate into a clinically relevant effect on PFS and OS. The population in the two studies was considered to be representative for patients resistant or intolerant to first line cytokine based therapy. Overall, the advisory group concluded that the phase II data provided sufficiently convincing evidence of clinical benefit, and a manageable toxicity. The CHMP, having considered the advice from the advisory group, recommended the granting of a “conditional approval” for sunitinib provided that the applicant company could submit results of an ongoing study to confirm the benefit-risk balance post-approval 10. Regardless of the type of approval, the marketing authorization is refused if the benefit-risk balance is negative or if the therapeutic efficacy is insufficiently substantiated. The benefit-risk balance has to be assessed considering treatment prevention or diagnosis under ideal conditions of use as described in the labelling. Practical considerations about how the treatment is expected to perform under real conditions of use (“effectiveness”) or about the value of such treatment in terms of the society (“cost-effectiveness”), whether in absolute or relative terms, are outside the scope of the CHMP benefit-risk assessment. The assessment of the benefit-risk balance requires evaluation of all relevant data and the use of expert judgment and arguments to establish as objectively as possible with a sufficient level of confidence that an acceptable level of efficacy and safety has been demonstrated. During the evaluation, the committee may convene scientific advisory groups (SAG) to address specific questions raised during the review. SAGs have been implemented for several therapeutic areas. SAGs are composed of experts selected from the European experts’ database according to their specific clinical expertise in the field of interest 4. SAGs provide independent recommendations on scientific or technical matters, and while taking into account the positions expressed by the experts, the CHMP is responsible for its final opinion. SAG members shall not have financial or other interests in the pharmaceutical industry that could affect their impartiality 5, 6. During SAG meetings, sponsors or third parties may be invited to present and discuss the issues to be addressed by the group. In addition, visiting experts (including non EU countries) may act as observers. >>> 9 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 L’ONCOLOGIE DANS LA SOCIÉTÉ THÈSE >>> answers from the SAG in the European Public Assessment Reports (EPAR). These detailed reports are available for all new drug applications assessed through the EMEA on the EMEA website 8. The reports are published for positive, negative or withdrawn applications and are an important source of information concerning all scientific aspects of the review of new drug applications. ■ Méthylation de l’ADN et Polycomb : du remodelage de la chromatine au cancer (1) Emmanuelle Viré, The Wellcome Trust/Cancer Research UK Gurdon Institute – Cambridge, UK [email protected] References Figure 1 : A meeting of the oncology SAG at the EMEA. The core members in view from left to right are Michel Marty (chairperson), Jan H. M. Schellens (vice-chairperson), Jonas Bergh, Lothar Bergmann. The oncology SAG has been one of the most active SAGs and there are meetings pre-scheduled on a monthly basis along the year. Recent examples of SAG discussions include discussions related to panitumumab for the treatment of colorectal cancer, erlotinib for the treatment of pancreatic cancer, sorafenib and sunitinib for the treatment of renal cancer, lapatinib for the treatment of breast cancer, and histamine and gemtuzumab ozogamicin for the treatment of acute myeloid leukaemia. The CHMP has also consulted the SAG-O in connection with the drafting of the EMEA guidelines on the development of anticancer agents 9-10. Concerning information to the public, although SAG meetings are confidential and minutes are only available upon request, the EMEA has made it standard practice to reflect the final 1. Pignatti F, Boone H, Moulon I. Overview of the European regulatory approval system. J Ambul Care Manage 2004; 27(2):89-97 2. Regulation EC 726/2004 of 30th April 2004 laying down community procedures for the authorisation and supervision of medicinal products for human and veterinary use and establishing a European Medicines Agency. Official J Eur Union 2004; L136:1-33 3. About EMEA – Structure: European Experts (http://emea.eu.int/htms/aboutus/experts.htm) 4. EMEA policy on the handling of conflicts of interests management board and scientific committee members EMEA experts (EMEA/H/31653/03/Rev2,http://www.emea.europa.eu/pdfs/general/di rect/conflicts/3165303en.pdf) 5. EMEA procedures on the handling of conflicts for EMEA scientific committees members and EMEA experts (EMEA/H/55475/04/Rev1 Final) 6. M7. EPARs for authorised medicinal products for human use. (http://www.emea.europa.eu/htms/human/epar/eparintro.htm 8. CHMP Guideline On The Evaluation Of Anticancer Medicinal Products In Man (http://www.emea.europa.eu/pdfs/human/ewp/020595en.pdf) 9. CHMP Concept Paper On Haematological Malignancies http://www.emea.europa.eu/pdfs/human/ewp/2080808en.pdf 10. Sutent. European Public Assessment Report http://www.emea.europa.eu/humandocs/PDFs/EPAR/sutent/068706 en6.pdf sives. Nos résultats montrent que la protéine Polycomb EZH2 interagit physiquement avec les DNMTs et peut, au moins au niveau de certains gènes, influencer directement l’état de méthylation de l’ADN. Ces données permettent l’ébauche d’un modèle où EZH2 agit comme une plateforme de recrutement pour les DNMTs (Viré et al., Nature 2006). Ensuite, au cours d’une deuxième étude, nous avons investigué le rôle de MeCP2 dans ce modèle. MeCP2 est une protéine à domaine MBD (methylbinding domain) qui se fixe sélectivement à l’ADN méthylé. Le recrutement de MeCP2 représente un mécanisme majeur par lequel la méthylation de l’ADN réprime la transcription. Nous avons montré que MeCP2 interagit avec EZH2 au niveau de gènes réprimés. De plus, nos résultats suggèrent que MeCP2 pourrait recruter EZH2 à la chromatine et renforcer un état réprimé de la chromatine en agissant tel un pont mécanistique entre méthylation de l’ADN et proteins Polycomb (Viré et al., soumis 2008). a régulation transcriptionnelle des gènes constitue une étape clef de la biologie cellulaire. Parmi les mécanismes impliqués dans la répression génique, les modifications qui affectent la chromatine jouent un rôle fondamental. Ces modifications dites «épigénétiques» modulent l’activité génique mais n’affectent pas la séquence du code génétique. La méthylation de l’ADN et les protéines Polycomb, deux machineries épigénétiques, établissent des profils moléculaires qui permettent de distinguer les formes active et inactive de la chromatine. L’établissement et la maintenance de la répression épigénétique des gènes intervient dans de nombreux processus liés au développement tant biologique (inactivation du chromosome X chez les mammifères femelles, empreinte génomique, expression de gènes tissusspécifiques) que pathologiques. L Nous avons consacré notre thèse de doctorat à l’étude des mécanismes par lesquels la méthylation de l’ADN est ciblée en des régions génomiques précises et participe à la répression de l’expression des gènes. La méthylation de l’ADN est catalysée par des enzymes, appelées méthyltransférases de l’ADN (DNMTs), qui transfèrent des résidus méthyls sur les cytosines. Cette modification chimique covalente constitue un niveau de contrôle transcriptionnel important: il existe une corrélation entre méthylation de l’ADN et répression de l’expression génique au sein de sites génomiques spécifiques. En outre, il semble de plus en plus clair qu’une méthylation aberrante de l’ADN participe au processus de cancérogenèse. À l’heure actuelle, les mécanismes moléculaires par lesquels la méthylation contribue au développement, à la différenciation et à la répression génique restent peu connus. Les données de la littérature suggèrent l’existence d’un lien étroit entre la méthylation de l’ADN et la structure de la chromatine. Celle-ci est notamment régulée par des modifications post-traductionnelles des histones. De nombreux travaux suggèrent l’existence d’une «boucle de répression» où méthylation de l’ADN et modifications des histones assureraient le maintien et la propagation d’états épigénétiques répressifs. L’étude des mécanismes de la répression médiée par les DNMTs s’avère donc étroitement liée à celle de la structure de la chromatine. Dans ce contexte, nous nous sommes particulièrement intéressé à la protéine Polycomb EZH2 (Enhancer of Zeste), impliquée dans la répression transcriptionnelle parce qu’elle possède une activité méthyltransférase d’histone sur la lysine 27 de a H3. Les protéines Polycomb constituent une machinerie épigénétique fondamentale, participent au système de mémoire cellulaire, régulent l’expression et la différenciation, agissent sous forme de complexes multimériques dont les composants – associés à la chromatine – sont conservés de la Drosophile aux mammifères. La littérature regorge d’informations relatives à l’implication de ces deux machineries épigénétqiues répressives dans les situations pathologiques et particulièrement dans le cancer. Toutefois, les modes d’action tant de la méthylation de l’ADN que des protéines Polycomb dans les cellules cancéreuses sont encore peu connus. Dès lors, nos données constituent une avancée vers la compréhension des mécanismes par lesquels les dysfonctionnements de machineries épigénétiques peuvent retentir sur la santé humaine. En effet, la capacité de EZH2 à recruter des DNMTs permettrait d’augmenter localement la concentration en DNMTs, favorisant dès lors la méthylation de l’ADN et la répression transcriptionnelle. Par ailleurs, l’interaction entre EZH2 et MeCP2 pourrait conduire à l’enrichissement en complexes répressifs au niveau de certaines régions génomiques précises. Enfin, étant donné le caractère réversible des modifications épigénétiques, l’identification de drogues qui affecteraient soit l’activité enzymatique des DNMTs, soit leur capacité à recruter d’autres machineries répressives, soit un ou plusieurs composants des complexes Polycomb pourrait ouvrir de nouvelles pistes vers une thérapie épigénétique du cancer. Le défi principal de recherches futures sera de comprendre le rôle biologique de la relation entre méthylation de l’ADN et protéines Polycomb que nous avons mise en évidence. Identifier les mécanismes par lesquels l’action concertée de deux machineries épigénétiques puissantes intervient dans la cellule normale et/ou cancéreuse constituerait un pas important vers une meilleure compréhension de l’influence de l’épigénétique pendant la prolifération cellulaire, la transformation, la différenciation ou l’apoptose. ■ Au cours de notre travail, nous avons posé la question de l’existence d’un lien entre les deux principaux systèmes épigénétiques, la méthylation de l’ADN et les protéines Polycomb. Notre première étude a permis la mise en évidence d’un dialogue moléculaire entre ces deux machineries épigénétiques répres- JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 10 (1) Thèse de doctorat réalisée au sein du Laboratoire d’Épigénétique du Cancer, Campus Erasme, Dir. Dr. François Fuks. 11 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 CONTROVERSE Traitement chimiothérapique des métastases résécables des cancers colorectaux. Quel bénéfice ? 3 ans de 8,1%, HR 0.77 (0.6-1,00) p= 0,041 pour les patients éligibles, et de 9,2% HR 0,73 (0,55-0,97) p=0,025 pour les patients opérés. Alain Hendlisz, Oncologie Digestive, Service de Médecine, Institut Jules Bordet [email protected] Les auteurs concluent à la faisabilité de cette approche et à son efficacité à améliorer la survie sans progression dans le sousgroupe des patients éligibles et celui des patients réséqués. e cancer colorectal (CCR) est un problème majeur de santé publique, avec plus de 1.000.000 nouveaux cas, et environ 500.000 décès par an dans le monde. 1 En Belgique, près de 7.700 patients sont concernés chaque année. Après résection à visée curative d’une maladie limitée, 40 à 50% des patients vont malheureusement récidiver, souvent sous la forme de métastases hépatiques isolées ou concomitamment à d’autres sites de dissémination. L Le CCR se distingue cependant parmi les tumeurs «solides» par: 1) l’efficacité des chimiothérapies adjuvantes. Entre le projet «National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) C-01», publié en1988, premier à démontrer un gain de survie en faveur de la chimiothérapie adjuvante 2, et l’essai MOSAIC (2004), les combinaisons de médicaments ont considérablement évolué. Le standard actuel, associant 5FU, acide folinique et oxaliplatine (FOLFOX) pour 6 mois 3, améliore la survie des patients porteurs d’un cancer du côlon stade III de 25% en valeur absolue par rapport à la chirurgie seule. L’ampleur du bénéfice obtenu dans le CCR est inhabituel parmi les tumeurs solides, ou des gains modestes sont ordinaires: 2% à 11% selon l’âge et le statut ganglionnaire dans le cancer du sein 4, 3 à 8% dans le cancer du poumon non à petites cellules 5. 2) l’efficacité des stratégies chirurgicales de résection des métastases. Contrairement à la majorité des tumeurs solides, la chirurgie d’exérèse des métastases hépatiques, pulmonaires et parfois péritonéales des CCR permet dans certaines conditions (1 seul site atteint, exérèse complète, tumeurs non progressives sous chimiothérapie,…) d’obtenir des taux de survie à 5 ans de l’ordre de 25% 6. Quinze pour cent seulement des métastases hépatiques sont résécables d’emblée. L’efficacité crois- sante des chimiothérapies systémiques permet d’envisager une chirurgie à visée curative de processus métastatiques initialement inopérables dans 10 à 15% des cas 7 avec des résultats à long terme comparables à ceux des métastases opérables d’emblée. L’efficacité des chimiothérapies modernes en situation adjuvante et métastatique ainsi que le succès relatif des résections des métastases des CCR mène naturellement au concept de chimiothérapie «pseudo-adjuvante» ajoutée à la chirurgie. Cependant, aucune étude randomisée n’a pu démontrer de bénéfice pour la chimiothérapie postopératoire ni par voie intra-artérielle hépatique 8, 9 ni par voie intraveineuse 10. La très attendue étude EORTC 40983, publiée récemment, teste le concept de chimiothérapie périopératoire de métastases hépatiques de CCR. 11 Cette étude est novatrice par la modernité de la chimiothérapie proposée ainsi que par l’approche préopératoire. Celle-ci a l’avantage potentiel de diminuer la taille des métastases, de renseigner sur la chimio-sensibilité de la tumeur et de traiter précocement les métastases occultes. 303 patients ont été randomisés entre chirurgie seule ou précédée et suivie de 3 mois (6 cycles) de FOLFOX. Le calcul statistique de la taille d’échantillon est basé sur une hypothèse d’augmentation de 40% de la survie médiane sans progression, ou de manière équivalente une augmentation de la survie sans récidive à 3 ans de 21% à 32,8% (Hazard Ratio (HR) = 0,714). Les résultats sont décevants : en analyse «intent to treat», la chimiothérapie périopératoire améliore la survie sans récidive à 3 ans de 7,3% avec un HR de 0,79 (0,62-1,02) p=0,058. 4) Le design de l’étude ne permet pas d’exploiter un des intérêts majeurs de l’abord préopératoire : l’évaluation «in vivo» de la chimio-sensibilité de la tumeur. Dans le bras chimiothérapie, sauf progression préopératoire démontrée, le traitement était poursuivi après la chirurgie indépendamment de la réponse. Il semble pourtant déraisonnable de continuer un traitement non efficace. Une analyse des résultats de l’étude EORTC 40983 en fonction de la réponse est nécessaire rapidement et permettra d’orienter de nouvelles stratégies thérapeutiques. La chimiothérapie préopératoire est responsable d’un excès de morbidité postopératoire (25% versus 16% p= 0,04) mais sans différence en mortalité opératoire. …la chirurgie d’exérèse des métastases hépatiques, pulmonaires et parfois péritonéales des CCR permet dans certaines conditions d’obtenir des taux de survie à 5 ans de l’ordre de 25%. 5) Un traitement préopératoire de 3 mois présente le risque de rendre certaines métastases indétectables pour le chirurgien. Un temps d’administration plus court pourrait répondre à la question de la chimio-sensibilité tumorale et réduire la morbidité chirurgicale. Ces données amènent quelques réflexions: En conclusion, l’abord des métastases hépatiques de CCR reste exclusivement chirurgical. La chimiothérapie adjuvante n’a pas démontré de bénéfice dans les études prospectives randomisées disponibles. L’approche périopératoire est novatrice, mais l’étude 40983 ne permet pas de trancher en sa faveur, probablement en raison d’une hypothèse statistique extrapolant avec trop d’enthousiasme les résultats des traitements adjuvants en situation non métastatique. Le concept périopératoire doit également mieux exploiter les renseignements obtenus sur la tumeur en cours de la phase préopératoire pour adapter le traitement postopératoire. Ces données devraient être intégrées dans le design des futures études. ■ 1) L’objectif primaire de l’étude n’a pas été rencontré, la différence entre les deux groupes n’étant pas significative en analyse «intent to treat». Par ailleurs, on relèvera que la taille d’échantillon a été calculée pour évaluer une différence de survie sans récidive à 3 ans de 40% soit 11,8% en valeur absolue et manque donc de puissance pour détecter fiablement un bénéfice de plus faible amplitude comme les 7,3% annoncés par les auteurs. 2) Les résultats des traitements adjuvants des CCR ne sont clairement pas extrapolables aux situations métastatiques, dans lesquelles probablement le «tumor load» est plus important et la tumeur plus hétérogène dans son comportement et ses capacités de résistance aux traitements. Ce fait doit être pris en compte dans les hypothèses statistiques. Références 3) Si la survie sans progression à 3 ans est un «surrogate endpoint» reconnu par rapport à la survie globale à 5 ans dans les études CCR adjuvantes, sa validité n’est pas démontrée en situation métastatique. Les données de survie de l’étude 40983 sont encore en attente, mais les futures études de chimiothérapie périopératoire pour les CCR métastatiques devraient utiliser la survie globale ou la survie sans récidive à 5 ans comme objectif primaire pour pouvoir décrire l’éradication de la maladie, plutôt qu’un simple report dans le temps de la récidive. 1. Parkin DM et al. CA Cancer J Clin 2005; 55: 74-108. 2. Wolmark N et al. J Natl Cancer Inst1988; 80: 30-36. 3. André T et al. N Engl J Med. 2004; 350(23): 2343-51. 4. Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group. The Lancet 1998; 352:930-942 5. Felip E et al. Ann Oncol. 2007. Jul;18 Suppl 9: ix143-6. 6. Choti MA al. Ann Surg 2002; 235: 759-66 7. Adam R. Ann Oncol 2003;14 (Suppl.2): ii13-6. 8. Lorenz M et al. Ann Surg 1998; 228: 756-62. 9. Kemeny N et al. N Engl J Med 1999; 341: 2039-48. 10. Mitry E et al. J Clin Oncol. 2006; 24: 152s. 11. Nordlinger B et al. Lancet 2008; 371: 1007-16 Les analyses de sous-groupes donnent un avantage significatif au bras chimiothérapie: amélioration de la survie sans récidive à Quelle est l’attitude adoptée à Institut Jules Bordet ? Dans la pratique, tous les cas sont discutés en séance multidisciplinaire. Les patients qui se présentent avec des métastases hépatiques résécables relèvent généralement de la chirurgie seule ou sont inclus dans des protocoles expérimentaux quand ceux-ci sont disponibles. La situation particulière des métastases synchrones, jamais exposées à la chimiothérapie adjuvante précédemment est discutée au cas par cas. Le traitement postopératoire est alors adapté à la réponse mesurée radiologiquement et par l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire. Une chimiothérapie périopératoire est régulièrement prescrite aux métastases hépatiques d’emblée non résécables avec l’espoir de réduire la taille tumorale et de permettre une chirurgie curative. Figure 1 : Aspect typique d’un foie ‘léopard’ post chimiothérapie. Les zones plus claires correspondent à de la stéatose. Figures 2 et 3 : Aspects typiquement stéatosiques du foie. Les risques liés à la chimiothérapie sont caractérisés par un excès de morbidité opératoire : saignements peropératoires, et faillites hépatocellulaires postopératoires transitoires. JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 12 13 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 ÉTUDES >>> Le codage MedDRA pour les effets indésirables: avantages et inconvénients Genevieve Decoster, IT&GCP Consulting sprl [email protected] Jean Schlusselberg, MD, PhD, Centre Belge de Pharmacovigilance Coordinateur Vigilance Oncologique Agence Fédérale des Médicaments et Produits de Santé – Bruxelles [email protected] Geneviève Decoster Introduction Comment fonctionne MedDRA?1 La gestion des effets indésirables nécessite un codage approprié afin de pouvoir être exploitable de manière statistique et de pouvoir procéder à des regroupements cliniquement pertinents en vue de l’analyse de la sécurité des médicaments. En pharmacovigilance, les effets indésirables des médicaments avaient l’habitude d’être codés en utilisant des systèmes tels que le WHO-ART (World Health Organization – Adverse Reaction Terminology), COSTART (Coding Symbols for a Thesaurus of Adverse Reaction Terms), ICD-CM (International Classification of Diseases with Clinical Modifications), SRS (Spontaneous Reporting System) ou encore J-ART (terminologie japonaise sur les effets indésirables). Ces systèmes n’étaient pas toujours en accord les uns avec les autres, d’où l’initiative de la Conférence Internationale sur l’Harmonisation (CIH) d’uniformiser la terminologie médicale utilisée à l’échelle internationale en élaborant, avec la collaboration de l’Organisation Mondiale de la Santé, la terminologie médicale «MedDRA». MedDRA est construit selon une hiérarchie constituée de 26 classes de haut niveau (SOC ou system organ class) permettant de définir et traduire les renseignements médicaux selon 5 niveaux de précision. Au niveau le plus bas (LLT ou lower level terminology), plus de 55 000 termes y sont répertoriés. Le fonctionnement de MedDRA est généralement décrit en anglais et est résumé ci-dessous: Activities) (1) MedDRA (Medical Dictionary for Regulatory est aujourd’hui le dictionnaire de référence, uniformisant la terminologie médicale utilisée par les affaires réglementaires, l’industrie pharmaceutique et biologique ainsi que les instituts de recherche académique pour le suivi, l’analyse et le rapport des effets indésirables des produits pharmaceutiques à usage humain. MedDRA contient des termes pour décrire les symptômes, les signes, les maladies et les diagnostics. MedDRA décrit également les examens tels que les analyses de la fonction hépatique ou rénale; les indications thérapeutiques, les interventions médicales ou chirurgicales; mais attention, MedDRA n’offre aucune définition des termes répertoriés dans son dictionnaire. Depuis janvier 2003, la terminologie médicale de MedDRA sert aux échanges électroniques d’informations et d’observations de pharmacovigilance à l’échelle internationale. La terminologie MedDRA s’applique à toutes les phases de développement d’un médicament, incluant les études pré- et post-enregistrement, mais excluant les données des études chez l’animal. MedDRA est aussi utilisé pour les effets secondaires dus aux instruments médicaux. MedDRA est disponible en plusieurs langues dont le français, l’anglais, l’espagnol ou le japonais. Le support et la maintenance de MedDRA est assurée par le MSSO (Maintenance and Support Services Organization). Les utilisateurs du dictionnaire peuvent demander l’ajout ou la suppression de termes en contactant le MSSO 1-3, mais la procédure est compliquée et longue. SOC – Highest level of the terminology, and distinguished by anatomical or physiological system, etiology, or purpose Il s'agit du plus haut niveau de la hiérarchie qui offre le plus large concept pour le regroupement des données par étiologie (par exemple : infections, système gastro-intestinal, ou procédures chirurgicales) Tableau 1: SYSTEM ORGAN CLASSES Blood and lymphatic system Cardiac disorders Metabolism and nutrition disorders Musculoskeletal and connective tissue disorders Congenital, familial and Neoplasms benign, malignant genetic disorders and unspecified Ear and labyrinth disorder Nervous system disorders Endocrine disorders Pregnancy, puerperium and perinatal Eye disorders Psychiatric disorders Gastrointestinal disorders Renal and urinary disorders General disorders and Reproductive system and administration site conditions breast disorders Hepatobiliary disorders Respiratory, thoracic and mediastinal disorders Immune system disorders Skin and subcutaneous tissue disorders Infections and infestations Social circumstances Injury, poisoning and Surgical and medical procedures procedural complications Investigations Vascular disorders HLGT – Subordinate to SOC, superordinate descriptor for one or more HLTs HLT – Subordinate to HLGT, superordinate descriptor for one or more PTs Ces deux types de termes sont utilisés uniquement pour l’extraction de données et leur présentation. Ils ne sont pas utilisés pour le codage. Les HLT regroupent des termes préférentiels (Preferred Terms ou PT) ayant en commun un lien anatomique, physiopathologique, étiologique ou fonctionnel. On peut trouver par exemple comme HLT: Bronchospasme et obstruction, œdèmes pulmonaires et néoplasmes des voies aériennes supérieures. Les HLGT regroupent plusieurs HLT ayant un lien anatomique, physiopathologique, étiologique ou fonctionnel. Exemples de HLGT: Troubles vasculaires hypertensifs. Des atteintes du nerf optiques, mises en évidence par potentiel évoqué, risquent d’être classées dans un LLT correspondant au SOC «Investigations» et n’apparaîtront pas lors de la recherche globale d’atteintes neurologiques par requête dans le SOC «Nervous System Disorders»; le nombre d’effets indésirables sera inférieur à la réalité. PT – Represents a single medical concept LLT – Lowest level of the terminology, related to a single PT as a synonym, lexical variant, or quasi-synonym (Note: All PTs have an identical LLT). De façon similaire, une atteinte hépatique légère, mise en évidence par la mesure du taux de transaminase risque d’être classé dans un LLT relatif au SOC «Investigations» et sera exclu d’un comptage d’atteintes hépatiques à partir du SOC «Hepatobiliary Disorders» Le PT est un terme décrivant un concept médical unique. Il doit être, autant que possible, spécifique et non ambigu ainsi qu’autodescriptif. Ainsi les termes éponymes ne sont retenus que lorsqu’ils sont reconnus internationalement. Il n’y a pas de limite au nombre de LLT reliés à un PT. Un PT doit être relié à au moins un SOC. Chaque PT a un SOC primaire qui détermine sous quel SOC le terme apparaît dans les listings cumulatifs des données. Chaque LLT est relié à un seul PT. Ci-dessous quelques exemples de termes de niveau le plus bas et des PT. MedDRA fait la différence entre, par exemple, «une chute des neutrophiles» et une «neutropénie». La chute des neutrophiles ne veut pas nécessairement dire que les neutrophiles sont hors des limites inférieures des normes de laboratoire, donc l’effet indésirable, quel que soit le grade de sévérité donné par l’investigateur, sera classifié dans le «Investigations» SOC. Par contre, si l’investigateur a décrit que le malade a eu une neutropénie, cela implique automatiquement que les neutrophiles sont hors des limites normales de laboratoire et l’effet indésirable sera classifié dans le «Blood and lymphatic disorders» SOC. – Variant lexical (PT=Syndrome d’immunodéficience acquise et LLT=SIDA) – Quasi-synonyme (PT=otite externe et LLT = otite externe bilatérale) – Sous-élément (PT=Contusion et LLT = contusion de la face ou contusion de la jambe) – Identique (pour des nécessités de saisie, chaque PT existe aussi en tant que LLT) Le terme utilisé par l’investigateur lors du remplissage du cahier d’observation est très important puisqu’il servira de base pour l’attribution de la terminologie MedDRA. Certains auteurs ont publié des données concernant la mauvaise classification des effets indésirables lors de l’utilisation de MedDRA, particulièrement dans des études cliniques évaluant des produits anticancéreux 4-5. Nous en donnons un exemple illustré ci-après. Le LLT est le niveau préférentiel de codage, il couvre en effet le plus grand nombre d’entrées possibles et, de ce fait, est le plus performant en ce qui concerne le codage automatique. Analyse des effets indésirables Il est extrêmement important que la fréquence et la sévérité des toxicités médullaires, hépatiques ou rénales soient correctement interprétées dans les études cliniques sur les médicaments oncologiques. Il n’est pas rare que le profil de toxicité soit dilué par MedDRA 5. Le tableau 2 donne un aperçu de comment MedDRA classe certaines données. MedDRA ou CTCAE Le MSSO a travaillé avec le CTEP (Cancer Therapy Evaluation Program) sur la configuration des données entre le CTCAE version 3 et MedDRA version 9 LLT. Cette configuration des données est mise à jour chaque année au mois de mars. Les avantages de MedDRA Tableau 2 : Classification MedDRA MedDRA est un programme validé, accepté par les autorités de santé, particulièrement dans la zone CIH comprenant les pays de l’Union Européenne, les États Unis d’Amérique, et le Japon, utilisant les mêmes codages quelle que soit la langue utilisée. Il faut souscrire un abonnement pour avoir accès à MedDRA, mais les centres de recherches promoteurs d’essais cliniques dits non-commerciaux y ont accès gratuitement. À savoir, ni le MSSO ni les autorités de santé ne donnent de recommandation quant à l’utilisation de MedDRA pour l’analyse des effets indésirables des études cliniques. En plus, MedDRA demande un niveau de détails qui généralement n’est pas utilisé par les investigateurs lorsqu’ils transcrivent les effets indésirables dans les cahiers d’observations. MedDRA et ses faiblesses Preferred Terms (PT) System Organ Class (SOC) Neutropénie Chute des neutrophiles Leucopénie Chute des globules blancs Thrombocytopénie Chute des plaquettes Hyperbilirubinémie Augmentation de la bilirubine Hypertension Augmentation de la pression Blood and lymphatic disorders Investigations Blood and lymphatic disorders Investigations Blood and lymphatic disorders Investigations Hepatobiliary Investigations Vascular disorders Investigations MedDRA classifie les termes “chute” ou “augmentation” dans le SOC “Investigations”. En fait beaucoup d’effets indésirables peuvent être classifiés dans le SOC “Investigations”, mais ce seront principalement les données de laboratoire qui nous ont intéressé. MedDRA a ses faiblesses et ce sont ces faiblesses qui peuvent diluer ou biaiser l’information sur la fréquence des effets indésirables si l’investigateur, le moniteur, le data manager, le rédacteur médical et/ou tout autre personne ayant accès aux données ne sont pas vigilants. Dans une étude de Phase II de 41 malades traités avec un médicament anticancéreux (tableau 3), il a fallu faire une double analyse afin que le bon profil de toxicité soit décrit dans le rapport de fin d’étude. Pour ce faire, les effets indésirables Ces faiblesses sont particulièrement flagrantes pour certains examens techniques ou pour des données de laboratoire. >>> JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 14 15 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 ÉTUDES >>> émanant de données de laboratoire ont été reclassés dans le SOC approprié, telles que les données de la fonction hépatique qui ont dû être envoyées vers le SOC «Hepatobiliary». Le tableau 3 montre clairement une sous-estimation de l’altération de la fonction hépatique à la première analyse. Tableau 3 : Analyse d’effets indésirables par SOC avec et sans le “Investigations” SOC (Phase II) PREMIÈRE ANALYSE SOC % d’EI Reliés % d’EI Toutes causes % d’EI Reliés 76 71 85 80 2 0 17 2 Metabolism 46 39 46 29 Renal 29 10 29 7 Investigations* 54 41 0 0 Blood disorders Hepatobiliary Pour des raisons de confidentialité, les données des tableaux 3 à 5 ne sont pas référencées. Il faut noter que ce sont des données réelles provenant d'études cliniques non fictives. L’auteur remercie Marianne Paesmans pour ses excellents commentaires et suggestions. ■ Références et liens utiles 1. MedDRA is a registered trademark of the International Federation for Pharmaceutical Manufacturers and Associations (IFPMA). 2. MedDRA Maintenance and Support Services Organization. Standardized MedDRA Queries. http://www.meddramsso.com 2003 3. http://www.meddramsso.com/MSSOWeb/index.htm 4. Koebler J, Vonk R, Beimel S, et al. Adverse event analysis and MedDRA: Business as usual or challenge? Drug Information J, 2005 5. Tremmel LT, Scarpone L. Using MedDRA for adverse events in cancer trials: Experience, caveats, and advice. Drug Inf J. 2001; 35(3): 845-852. EI=effet indésirable * Quelques données initialement classées dans «Investigations», ont été reclassées dans des SOCs qui ne concernaient pas des données de laboratoire. Le tableau 4 montre que dans une phase I incluant 17 malades, deux analyses ont été nécessaires pour identifier l’importance de la dysfonction hépatique et rénale. Il faut aussi noter la surestimation de la toxicité hématologique à la première analyse. Tableau 4: Analyse des effets indésirables d’une étude de phase 1 de 17 malades 3 médicaments n=350 CIH Conférence Internationale sur l’Harmonisation COSTART Coding Symbols for a Thesaurus of Adverse Reaction Terms CTCAE Common Terminology Criteria for Adverse Events CTEP Cancer Therapy Evaluation Program EI Effet Indésirable HLGT High Level Group Terminology HLT High Level Terminology ICD-CM International Classification of Diseases with Clinical Modifications J-ART Japanese Adverse Reaction Terms LLT Lower Level Terminology MedDRA Medical Dictionary for Regulatory Activities MSSO Maintenance and Support Services Organization PT Preferred terms SOC System Organ Class SRS Spontaneous Reporting System WHO-ART World Health Organization – Adverse Reaction Terminology 4 médicaments n=390 Grade 1-2 Grade 3-4 Grade 1-2 Grade 3-4 Investigations PREMIÈRE ANALYSE SECONDE ANALYSE % d’EI Toutes causes % d’EI Toutes causes Blood disorders 88 59 General disorders 100 94 SOC Tableau 5 : Analyse des effets indésirables par SOC d’une étude randomisée SOC GLOSSAIRE Une mauvaise classification n’est ni rare, ni spécifique à l’oncologie. Il en résulte une dilution des effets indésirables en raison du mauvais choix des termes MedDRA ainsi qu’une sous évaluation de leur incidence réelle. SECONDE ANALYSE % d’EI Toutes causes Une mauvaise classification des effets indésirables dans les SOCs peut donner lieu à une conclusion erronée quant au profil de toxicité d’un médicament ou d’une combinaison de médicaments et il est absolument nécessaire que tous les intervenants soient sensibilisés aux faiblesses de MedDRA. Hepatobiliary 41 82 Renal 29 41 Investigations* 88 0 «Investigations», ont été reclassées dans des SOCs qui ne concernaient pas des données de laboratoire. Dans une étude randomisée, il a été nécessaire de nettoyer les données avant de pouvoir les utiliser. Le tableau 5 a été créé vu le nombre considérable de termes hématologiques qui ont été classés dans le SOC «Investigations» alors qu’ils auraient dû être classés dans le SOC «Blood disorders». À peu près 10% des malades ont eu une toxicité hématologique, tous grades confondus dans les deux groupes de traitement alors que plus de 70% des malades ont eu une toxicité hématologique classée sous «Investigations». Si l’analyse de la tolérance est uniquement basée sur le niveau MedDRA le plus haut (SOC), on pourrait en déduire que la toxicité hématologique dans le cas présent est négligeable alors qu’en fait elle est présente chez plus des deux tiers des malades. De plus les toxicités de grade 3 ou 4 étaient négligeables dans le SOC «Blood disorders» et atteignaient jusqu’au 30% des malades dans le SOC «Investigations». JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 16 29% 45% 31% Chute de plaquettes 47% 1% 50% 3% Chute d’hémoglobine 43% 1% 46% 1% Chute de neutrophiles 26% 27% 25% 28% 8% 3% 8% 2% Blood disorders * Quelques données initialement classées dans 49% Thrombocytopénie 0 0 1% 0 Neutropénie 1% 0 1% 1% Anémie 1% 0 1% 0 Comme illustré par les exemples ci-dessus, la scission du même effet indésirable en deux termes préférentiels (PT) peut minimiser le taux d’incidence de certains effets indésirables. Il est plus grave encore de constater que l’allocation de PT différents représentant le même effet indésirable à des SOCs différents peut amener à comptabiliser le même malade dans chaque SOC. Ceci induit alors une surévaluation de l’incidence de certains effets indésirables! CONCLUSION Tous les scientifiques sont devenus familiers des aspects incontournables qu’apportent la randomisation, les bonnes pratiques cliniques, la combinaison entre recherche humaine et éthique lorsqu’il est nécessaire de démontrer l’efficacité d’une substance ou d’un traitement. Ces aspects méthodologiques font partie du raisonnement de tous. En revanche, l’importance des aspects méthodologiques liés à la sécurité des médicaments, aussi bien en recherche que durant la phase post-enregistrement, n’est pas encore devenue systématique et de nombreuses erreurs méthodologiques sont encore monnaie courante. SÉMINAIRES DU PROGRAMME DE SOINS EN ONCOLOGIE IRIS-BORDET-ERASME HÔPITAL ERASME, LE JEUDI 19 FÉVRIER 2009 19 h, à l’auditorium Jaumotte, au Niv. –1 – Dr Isabelle DEMEESTERE (Laboratoire de Recherche en Reproduction Humaine, Hôpital Erasme) : «Fertilité et Cancer» – Pr Marc ABRAMOWICZ Service de Génétique Médicale, Hôpital Erasme) : «Cancers héréditaires» – Pr Pierre HEIMANN (Laboratoire de Génétique-Oncologie Moléculaire, Hôpital Erasme et Institut Bordet) : «Cancers Tyrosine Kinase dépendants» – Pr Joëlle NORTIER, Chef de Service de Néphrologie, Hôpital Erasme) : «Néphrotoxicité des agents anti-tumoraux» L’accréditation en économie-éthique a été demandée. RENSEIGNEMENTS : Dr Marie Marchand, Équipe mobile de soins continus et douleur Coordinateur du Programme de Soins en Oncologie Hôpital Erasme [email protected] – Tél.: 02/555 41 10 17 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 INFORMATION SCIENTIFIQUE >>> Thérapies ciblées dans le carcinome rénal: bénéfice en survie? Jean-Pascal Machiels Centre du Cancer, Service d’oncologie médicale. Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain [email protected] Le carcinome rénal représente 3% des cancers de l’adulte. La néphrectomie guérit 60 à 80% des patients lorsque la tumeur est localisée. Un traitement chirurgical est également recommandé en cas de maladie métastatique si tout le tissu malin est résécable en totalité. Le carcinome rénal à cellules claires est le type histologique le plus fréquent (> 80%). La majorité de ces tumeurs possède une inactivation biallélique du gène de von Hippel-Lindau soit par méthylation, délétion ou mutation. Le gène de von Hippel-Lindau est un gène suppresseur de tumeur et son altération résulte en une synthèse accrue de VEGF (Vascular endothelial growth factor), PDGF (Platelet derived growth factor) et TGF-α (Tumor growth factor-alpha). Ces protéines sont impliquées dans l’angiogenèse et la prolifération tumorale. Elles constituent donc des cibles thérapeutiques intéressantes. Les données La table 1 résume les différentes données disponibles. Plusieurs stratégies thérapeutiques visant à bloquer la voie VEGF/VEGFR ont été testées en clinique (Figure 1). Il s’agit soit d’anticorps liant le VEGF circulant et l’empêchant de se fixer sur son récepteur (bevacizumab) soit d’inhibiteurs des tyrosine kinases ciblant, entre autres, les récepteurs du VEGF et du PDGF(sorafenib, sunitinib). Ces récepteurs sont non seulement localisés sur les cellules endothéliales ou les péricytes mais aussi sur les cellules tumorales. Un effet anti-prolifératif direct de ces molécules en plus de l’inhibition de l’angiogenèse est donc possible (Figure 2). Le sorafenib est un inhibiteur puissant de RAF-1, un intermédiaire clé dans la prolifération cellulaire. Il bloque également la tyrosine kinase des récepteurs VEGFR-2 et PDGFR. Une étude de phase III (TARGET) a comparé le sorafenib à un placebo en seconde ligne après échappement à un traitement systémique classique incluant le plus souvent des cytokines 1. Le temps de vie sans progression de la maladie était significativement allongé en faveur du sorafenib (médiane: 5,5 versus 2,8 mois). Le taux de réponse partielle était de 10% dans le bras sorafenib et de 2% dans le groupe placebo. En première ligne métastatique, une étude de phase II randomisée n’a pas démontré d’avantage pour le sorafenib comparé à l’interféron-α. Les principaux effets secondaires du sorafenib sont de la diarrhée (43% grade 1-4, 2% grade 3-4), un syndrome main-pied (30% grade 1-4, 6% grade 3-4) et de l’hypertension (17% grade 1-4, 4% grade 3-4). La fatigue et les troubles hématologiques sont plus rares. > 10 mg/dl, < 1 an depuis le diagnostic et >1 un site métastatique), le temsirolimus, un inhibiteur de mTOR, s’est montré plus efficace que l’interféron-α en première ligne métastatique avec un allongement significatif de la survie médiane : 10,9 versus 8,4 mois 4. L’everolimus (RAD00) a récemment démontré un allongement du temps de vie sans progression de la maladie en comparaison à un placebo après échec du sorafenib et/ou sunitinib (médiane : 4 versus 1,9 mois) 5. Un avantage en survie ? L’arrivée des thérapies ciblées constitue une petite révolution dans le traitement du carcinome rénal métastatique. Cette amélioration se fait au prix d’une toxicité nouvelle qu’il faut apprendre à maîtriser pour donner le meilleur bénéfice de ces traitements à nos patients. Le Bevacizumab est un anticorps monoclonal contre le VEGF. Une étude de phase III a comparé l’interféron-α à l’association bevacizumab et interféron-α en première ligne métastatique (AVOREN) 3. Le temps de vie sans progression de la maladie était meilleur pour le bras bevacizumab (médiane: 10,2 versus 5, 4 mois). Seule l’étude comparant le temsirolimus à l’interféron-α a indiscutablement démontré un avantage en survie mais cette étude ne concerne qu’une minorité de patients de mauvais pronostic 4. Le sunitinib (comparé à l’interféron-α) semble aussi prolonger la survie globale: 26,4 versus 21,8 mois (p = 0.0510, log-rank and p = 0.0128, Wilcoxon test). La survie est également à l’avantage du sorafenib comparé au placebo en deuxième ligne: 17,8 versus 15,2 mois. Elle devient statistiquement significative lorsque les patients du bras contrôle sont «censorisés» en vie au moment d’un éventuel cross-over pour un médicament actif. De même, il existe également une tendance en faveur d’un allongement de la survie pour le bevacizumab associé à l’interféron-α (médiane non atteinte pour le bevacizumab versus 19,8 mois pour l’interféron, p = 0.067). Il est probable que ces nouvelles molécules améliorent la survie de ces patients et que les analyses statistiques des études précitées soient «polluées» par les patients des groupes contrôles ayant bénéficié, à juste titre, d’un inhibiteur de l’angiogenèse après progression sous interféron ou placebo. De façon intéressante, des résultats préliminaires montrent une certaine absence de résistance croisée entre les différents inhibiteurs de l’angiogenèse laissant suggérer que plusieurs lignes de traitement pourraient être efficaces. L’impact sur la survie globale d’une deuxième ligne d’inhibiteur de l’angiogenèse après échec d’une première ligne d’un autre inhibiteur de l’angiogenèse n’est pas déterminé. La voie moléculaire AKT/mTOR joue un rôle dans le métabolisme, la croissance et la prolifération cellulaire et peut indirectement stimuler l’angiogenèse. Dans une population de mauvais pronostic (> 3 de 6 facteurs de risque: absence de néphrectomie, anémie, ECOG 1, LDH > 1,5 la limite supérieure de la normale, calcium Finalement, la majorité de ces patients restent palliatifs et une attention toute particulière doit être accordée à leur qualité de vie. Cela passe par des traitements antalgiques adaptés, par un support psychologique adéquat et une gestion optimale des effets secondaires de nos nouveaux traitements. ■ Le sunitinib est un inhibiteur de la tyrosine kinase des récepteurs VEGF (1,-2,-3), PDGFR (-α et β), KIT, RET, et FLT3. Une étude de phase III a démontré que le sunitinib prolongeait significativement le temps de vie sans progression de la maladie comparé à un traitement classique par interféron-α en première ligne métastatique (médiane: 11 versus 5 mois) 2. Le taux de réponse objective était de 37% dans le groupe sunitinib comparé à 9% dans le groupe interféron-α. Les toxicités principales de cette molécule sont : la fatigue (51% grade 1-4, 7% grade 3-4), la diarrhée (53% grade 1-4, 5% grade 3-4), des nausées, des stomatites, de l’hypertension (24% grade 1-4, 8% grade 3-4), neutropénie (12% grade 3-4), thrombopénie (8% grade 3-4), élévation asymptomatique des lipases. Table 1 : Indications des thérapies ciblées dans le carcinome Sunitinib Première ligne Seconde ligne Une étude positive de phase III comparé à l’INF- α Études de phase II Interféron-α Une étude positive + bevacizumab de phase III comparé à l’INF- α Sorafenib Une étude négative randomisée de phase II Temsirolimus Patients de pauvre pronostic Une étude positive de phase III comparé à l’INF- α Everolimus Une étude positive de phase III comparé à un placebo Une étude positive de phase III comparé à un placebo chez des patients en maladie progressive après sunitinib et/ou sorafenib INF = Interféron Références 1. Escudier B, Eisen T, Stadler WM et al. TARGET Study Group. Sorafenib in advanced clear-cell renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2007; 356(2):125–134. 2. Motzer RJ, Hutson TE, Tomczak P et al. Sunitinib versus interferon alfa in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2007 Jan 11; 356(2):115-24. 3. Escudier B, Pluzanska A, Koralewski P et al. AVOREN Trial investigators. Bevacizumab plus interferon alfa-2a for treatment of metastatic renal cell carcinoma: a randomised, double-blind phase III trial. Lancet. 2007 Dec 22; 370(9605):2103-11. 4. Hudes G, Carducci M, Tomczak P et al. Global ARCC Trial. Temsirolimus, interferon alfa, or both for advanced renal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2007 May 31; 356(22):2271-81 5. Motzer RJ, Escudier B, Oudard S et al. RECORD-1 Study Group. RAD001 vs placebo in patients with metastatic renal cell carcinoma (RCC) after progression on VEGFr-TKI therapy: Results from a randomized, double-blind, multicenter Phase-III study. Lancet. 2008 Aug 9;372(9637):449-56. La survie et la qualité de vie de votre malade atteint d’un cancer peuvent dépendre de traitements disponibles dans les programmes de recherche: Contacts: HÔPITAL ERASME : Dr Marie Marchand: 02/555 41 93 – [email protected] BORDET-IRIS : Dr Tatiana Besse-Hammer: 02/541 31 48 – [email protected] Figure 1: Stratégies thérapeutiques visant à bloquer la voie VEGF/VEGFR. JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 Figure 2: Mécanismes d’action des inhibiteurs de l’angiogenèse. 18 19 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 INFORMATION SCIENTIFIQUE Traitement chirurgical des tumeurs cérébrales à l’aube de 2009. Le rôle de la neuronavigation Olivier De Witte, Service de Neurochirurgie, Hôpital Erasme, [email protected] ascendante droite (aire de Rolando). L’imagerie fonctionnelle a confirmé que l’aire motrice était contre et au-dessus de la lésion. La résection a été pratiquée sous neuro-navigation. Malgré une localisation bien précise de la lésion, une stimulation corticale pendant l’intervention a été réalisée permettant de vérifier qu’elle n’entraînait aucun mouvement de la main et de l’avant bras. Une résection complète a pu être pratiquée sans aucun déficit après l’intervention (fig. 1). out comme les autres disciplines chirurgicales, la neurochirurgie a bénéficié, ces dernières années, d’un développement technologique important, et a pu dès lors se lancer dans la «minimal invasive surgery» (MIS), tout en respectant les préceptes clairement définis dans la prise en charge des tumeurs cérébrales (TC). T La chirurgie représente la première étape dans la prise en charge des TC. L’intervention nous permet à la fois de connaître la nature exacte de la tumeur et d’effectuer une résection la plus large possible. La qualité de la résection représente un facteur pronostique majeur et, si elle est macroscopiquement complète, peut conduire à une survie plus longue (tumeur cérébrale primitive, gliome). Mais peut-on réaliser une résection totale de la tumeur et garantir au patient une bonne qualité de vie sans séquelle? Les nouveaux développements technologiques nous permettent d’atteindre cet objectif car ils nous apportent des informations quant à la localisation exacte des zones fonctionnelles, et nous permettent d’être plus audacieux tout en diminuant le risque opératoire et les séquelles motrices. Lorsque la lésion est bien délimitée, la résection complète est simple. Mais dans la majorité des tumeurs cérébrales primitives, les limites de la tumeur ne sont pas nettes et au fur et à mesure de sa résection, les premières limites données par la neuronavigation ne sont plus exactes. Depuis 2004, le Service de Neurochirurgie a acquit une Résonnance magnétique intraopératoire (encadré 2), qui permet au cours de l’intervention et sans changer le patient de position, d’effectuer une nouvelle imagerie. Nous pouvons ensuite poursuivre l’intervention et réséquer les zones tumorales qui n’ont pas été enlevées tout en contrôlant l’emplacement des zones fonctionnelles (fig. 2). La neuro-navigation (encadré 1, GPS du chirurgien) a fait sont apparition il y a une dizaine d’années. Au départ associée à un microscope robotisé (lourd et encombrant), elle s’est considérablement simplifiée (une caméra et un écran tactile) tout en devenant beaucoup plus précise. La neuro-navigation utilise une imagerie du cerveau par résonnance magnétique nucléaire (IRM) et par tomographie par émission de positons (TEP), incluant également les données métaboliques, vasculaires et fonctionnelles, et effectuée avant l’intervention chirurgicale. Toutes ces images nous donnent des indications sur la localisation précise de la lésion et sur la présence des zones éloquentes contigües. 1 ) Procédure de Neuro-Navigation Des images de Scanner ou IRM sont acquises en 3D (les coupes sont fines et couvrent l’ensemble de la tête). Elles sont transférées vers le système de navigation. Les points précis définis sur l’imagerie sont reportés sur la tête du patient. Les images et la tête du patient sont fusionnées. Un système de caméra 2D à infra rouge permet le contrôle exact du positionnement de la tête. Différent système permettent ensuite de connaître la localisation et l’état d’avancement de la résection (fig. 3). Afin d’illustrer le processus, nous allons présenter l’exemple d’un jeune patient présentant une tumeur cérébrale. Une crise d’épilepsie a conduit à la réalisation d’un imagerie par IRM et à la découverte d’une lésion au sein de la circonvolution frontale A B L’utilisation de la neuro-navigation et de l’IRM intra-opératoire permet de réduire considérablement les incisions, et la taille des crâniotomies (exigence de la MIS). C D Figure 2 : Polestar N20 : Résonance magnétique intra opératoire, la tête du patient est placé entre les deux aimants (flèches). Les clichés sont pratiqués tout au long de l’intervention, selon les besoins, afin de garantir la qualité de la résection. Figure 3 : Planning de neuronavigation. Imagerie MRI et PET-scan fusionnée et coregistrée à la position et morphologie de la tête du patient. A) En haut gauche, image PET-scan et à droite image MRI non fusionnée. B) Image MRI et PET-scan fusionnée. C) Image de la tumeur en 3D. La tumeur se trouve au centre de l’image et apparaît plus sombre. D) Image vue dans le microscope par le chirurgien. Les limites de la tumeur apparaissent en jaune. E) Image vue dans le microscope après résection. 2) IRM peropératoire Une IRM intra opératoire de bas champ magnétique est utilisée. La salle d’opération n’étant pas faradisée, une tente d’isolation est utilisée. Des images sont acquises dans les différents plans et une comparaison peut être faite entre les différentes acquisitions (fig. 4 et 5). La MIS ne s’effectue pas que pour les lésions qui nécessitent une craniectomie mais permet aussi de prendre en charge les lésions tumorales de la base du crâne. Nous avons créé à l’hôpital Erasme une unité multidisciplinaire neurochirurgicale-ORL où toutes les lésions de la base antérieure du crâne sont préférentiellement opérées par voie endoscopique. C’est ainsi que les lésions tumorales des fosses nasales envahissant la base du crâne bénéficient d’un traitement chirurgical par voie endoscopique et non par une large incision paranasale. Toutes les lésions de la région hypophysaire sont également réséquées par une approche endoscopique, ce qui réduit les désagréments du patient et la durée de l’hospitalisation. Toutes ces interventions s’effectuent sous contrôle de neuro-navigation et si possible sous IRM peropératoire. À l’aube de l’année 2009, les nouveautés seront toujours liées a une avancée technologique (Laser, IRM, navigation, …). Nous devons continuellement être à l’écoute des nouvelles possibilités. Mais comment garantir au patient un excellent résultat? Si nous sommes dépendants de la technologie celle-ci ne peut être utilisée de façon optimale qu’avec un entourage expert d’anesthésistes, d’infirmières et de Bio Ingénieurs. Seule une collaboration étroite entre tous les acteurs permet de garantir des soins de qualité optimale. ■ A B Figure 4 : MRI à 1.5 T d’une lésion temporale droite avant (A) et après (B) résection. A B Figure 5: A) imagerie intraopératoire (même patient que figure 4). Les flèches blanches indiquent le contour de la lésion avant résection. B) L’image de contrôle permet de montrer la résection complète de la lésion avec disparition de la compression sur le III ventricule (flèches rouges). Figure 1: Exemple d’une tumeur cérébrale localisée dans une zone fonctionnelle. A) MRI tumeur cérébrale localisée dans une zone éloquente. B) Image plannig de neuronavigation nous localisant précisément la lésion. Grâce à ce système de navigation, on peut passer entre deux circonvolutions et ne pas léser le cerveau. C) Vue durant l’intervention, la flèche montre la tumeur en profondeur. D) Vue en fin d’intervention qui montre que les circonvolutions n’ont pas été touchées. JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 20 21 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 LE COIN DU GÉNÉRALISTE Les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie : un (mauvais) souvenir ? Table 1: Emetogenic potential of single antineoplastic agents Degree of emetogenicity Chemotherapy-induced nausea and vomiting: a side-effect we can forget? Simon Van Belle, Professor of Medical Oncology University of Ghent Head, Department of Medical Oncology and of Palliative Care, University Hospital Ghent [email protected] Nausea and vomiting used to be one of the most distressing side effects of chemotherapy until the mid eighties 1. The introduction of anti-emetics for the prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting (CINV) and the progress in the understanding of the pathophysiology of this phenomenon has led to a remarkable decrease of the proportion of patients experiencing this invalidating cancer treatment associated side effect, but complete control for everybody is still not achieved. Moderate (30-90%) Low (10-30%) Minimal (< 10%) Agents Agents Agents Agents Cisplatin Streptozotocin Cyclophosphamide ≥1500 mg/m2 Carmustine Dacarbazine Hexamethylmelamine (o)** Procarbazine (o) Epirubicin Oxaliplatin Cytarabine >1 g/m2 Carboplatin Ifosfamide Cyclophosphamide < 1500mg/m2 Doxorubicin Daunorubicin Gemcitabine Idarubicin Irinotecan Etoposide (o) Temozolomide (o) Vinorelbine (o) Imatinib (o) Paclitaxel Docetaxel Mitoxantrone Topotecan Etoposide Pemetrexed Methotrexate Mitomycin Chlorambucil (o) Cytarabine ≤100 mg/m2 5-Fluorouracil Bortezomib Cetuximab Trastuzumab Capecitabine (o) Fludarabine (o) Bleomycin Busulfan Chlorodeoxyadenosine Fludarabine Vinblastine Vincristine Vinorelbine Bevacizumab tors are in a lesser degree involved in CINV 8. The mechanism of action of the steroids, commonly used in prevention schedules remains obscure and is until now not linked to a well defined receptor. Development and use of anti-emetics Pathophysiology of CINV The vomiting center consists of a cluster of loosely organized neuronal areas, the «central pattern generator». This central pattern generator receives impulses from two distinct systems: the abdominal vagal afferents and the chemoreceptor trigger zone in the area postrema. The abdominal vagal afferents contain different types of receptors, such as 5-HT3, neurokinin-1, prostaglandin and cholecystokinin-1 receptors. The second activation system, the chemoreceptor trigger zone contains opoid and dopaminergic receptors. These receptors can be activated by blood-brain barrier passing molecules such as peptides or chemotherapeutic agents, or their metabolites 2. The susceptibility to chemotherapy is different from one person to another. Personal risk factors are gender, age, previous exposure to chemotherapy, pregnancy-associated vomiting, motion sickness, anxiety and previous overexposure to alcohol 3. Another important factor is the type and dose of chemotherapy. The most recently published classification is listed in table 1 and takes into account the oral drugs and the targeted therapies 4. Types of CINV and relationship to neurotransmitters Research in anti-emetic therapy started several decades ago with the introduction of high dose metoclopramide. At that time, the concept of acute and delayed emesis was introduced. Acute emesis was arbitrarily defined as vomiting during the first 24 hours after administration of chemotherapy, and is predominantly linked to the 5-HT3 receptors while delayed emesis is linked to the NK-1 receptors. Meanwhile it has become evident that the duration of acute emesis is beyond the first 24 hours, as delayed emesis starts probably after 8-12 hours 5. 5–HT3 receptors are widely distributed in the peripheral vagal afferents, but also in the area postrema and nucleus solitarius 6. The NK-1 receptors are predominantly but not exclusively localized in the central nervous system 7. Other serotonin (5-HT1A, 5-HT2A, 5-HT2C, 5-HT3A, 5-H3B, 5-HT4), dopamine (D2, D3), and endocannabinoid (CB1) recep- JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 High (> 90%)* 22 The introduction of high dose cisplatin in the treatment of cancer in the late seventies highlighted also the need for development of effective anti-emetics. The use of high dose metoclopramide, a D2 antagonist at conventional doses, was the first step towards the discovery of the more important 5-hydroxytryptamine 3 (5-HT3) receptors. The development of the 5-HT3 receptor antagonists in the late eighties was a revolution in the prevention of CINV. These drugs have become the cornerstone in the management of this feared side effect of chemotherapy. Five drugs are currently marketed worldwide: ondansetron, dolasetron (not available in Belgium), granisetron, tropisetron and palonosetron. There is no major difference between these substances, with the exception of the prolonged activity of palonosetron. Multiple studies and meta-analyses have demonstrated the importance of these drugs 9. Since the introduction of the setrons, in combination with steroids, the incidence of CINV has decreased by about 50%, but it was also observed that the effect on delayed CINV was minimal and this has led to the search for new drugs, such as the neurokinin-1 (NK-1) receptor antagonists. Aprepitant-fosaprepitant was the first NK-1 antagonist on the market10. The next one will be casopitant (GSK) for which the first results have been presented at the annual meeting of ASCO 2008 11. It can be estimated that the introduction of the NK-1 antagonists have reduced the incidence of the remaining CINV, observed after a two drug antiemetic regimen, with about 50%. Current guidelines for CINV prevention Several oncology societies review and publish on a regular basis the guidelines for prevention of CINV. The MASCC antiemetic guidelines (http://www.mascc.org/media/Resource_centers/ MASCC_Guidelines_Update.pdf) propose the use of a triple drug regimen, including single doses of a 5-HT3 antagonist, dexamethasone and aprepitant or fosaprepitant for the prevention of CINV following chemotherapy with high emetic risk or chemotherapy consisting of a combination of cyclophosphamide and an anthracycline. They specify that the combination of the steroid and the NK-1 antagonist is especially useful for the prevention of delayed nausea and vomiting. An overview of the guidelines is presented in table 2. Hydroxyurea (o) L-Phenylalanine mustard (o) 6-Thioguanine (o) Methotrexate (o) Methotrexate (o) *: incidence in percentage **: (o): oral agent Based on different studies over the last years, using these triple drug regimens, one can estimate that about 60-70% of the patients receiving highly or moderately emetogenic chemotherapy have a complete control of CINV. It is evident that these regimens have reduced in a substantial way the incidence of this distressing side effect of chemotherapy 12. References 1. Coates A, Abraham S, Kaye SB, et al. On the receiving end- patient perception of the side-effects of cancer chemotherapy. Oncol. 1983;19:203-208. 2. Hesketh PJ. Chemotherapy-induced nausea and vomiting. Engl J Med. 2008;358:2482-2494. 3. Schwartzberg L: Chemotherapy-induced nausea and vomiting: state of the art in 2006. J. Support. Oncol. 2006; 2 Suppl.1:3-8. 4. Grunberg SM, Osoba D, Hesketh PJ et al.: Evaluation of new antiemetic agents and definition of antineoplastic agent emetogenicity – an update. Support. Care Cancer 2005;13:80-84. 5. Hesketh PJ, Van Belle S, Aapro M, et al. Differential involvement of neurotransmitters through the time course of cisplatin-induced emesis as revealed by therapy with specific receptor antagonists. Eur J Cancer. 2003;39:1074-1080. 6. Carpenter DO, Briggs DB, Strominger N. Peptide-induced emesis in dogs. Behav Brain Res 1984;11:277-281. 7. Quartara L, Maggi CA. The tachykinin NK1 receptor. Part II: distribution and pathophysiological roles. Neuropeptides1998;32:1-49. 8. Herrstedt J, Dombernowsky P. Anti-Emetic Therapy in Cancer Chemotherapy: Current Status. Basic & Clinical Pharmacology & Toxicology 2007;101:143-150. 9. Jordan K, Hinke A, Grothey A, et al. A meta-analysis comparing the efficacy of four 5-HT3-receptor antagonists for acute chemotherapyinduced emesis. Support Care Cancer. 2007;15:1023-1033. 10. Navari RM.Fosaprepitant (MK-0517): a neurokinin-1 receptor antagonist for the prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting. Expert Opin Investig Drugs. 2007;16:1977-1985. 11. Aziz Z, Arpornwirat W, Herrstedt J et al. Phase III results for the novel neurokinin-1 (NK-1) receptor antagonist, casopitant: 3-day IV/oral dosing regimen for chemotherapy-induced nausea and vomiting (CINV) in patients (Pts) receiving moderately emetogenic chemotherapy (MEC). J Clin Oncol 2008 ASCO Annual Meeting Proceedings 26;abstr20512. 12. Schwartzberg L: Chemotherapy-induced nausea and vomiting: state of the art in 2006. J. Support. Oncol. 2006; 2 Suppl.1:3-8. Conclusion The incidence of CINV has been reduced dramatically over the last 35 years and the correct use of the current guidelines for prevention of CINV allows to protect almost 70% of the patients from this distressing side-effect. But the complete control and prevention of nausea and in a lesser degree vomiting is not yet reached and more research is needed to discover why patients still experience this invalidating feeling when treated with chemotherapy. ■ Table 2: Overview of the MASCC guidelines HEC* Acute Setron D1 Steroid*** 12 mg NK-1 RA 125 mg aprepitant or 115 mg fosaprepitant MEC Delayed (3 days) LEC Minimal Acute Delayed D1 (2 days) D1 D1 (D2 D3) no 16 mg 8 mg 8 mg 8 mg no 80 mg aprepitant ** ** no no no no ** no HEC: highly emetogenic chemotherapy, MEC: moderate emetogenic therapy, LEC: low lmetogenic Chemotherapy; *: includes combination of anthracycline and cyclophosphamide (D2D3): setron can substitute steroid if contraindication. **: NCC guidelines propose NK1 RA for selected chemotherapy regimes such as carboplatin and oxaliplatin. ***: dose of steroid is listed for dexamethason. 23 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 CASE REPORT Un cas d’anémie hémolytique dans un cancer du sein Valérie Doriath, Clinique d’Oncologie Médicale, Service de Médecine, Institut Jules Bordet [email protected] Une patiente suivie pour un cancer du sein métastatique se présente avec un ictère conjonctival après trois mois de traitement par du lapatinib (un inhibiteur tyrosine kinase ciblant Her 1 et Her 2) associé à de la capécitabine (une prodrogue du 5 fluoro-uracile). Aucune cause évidente d’ictère n’est retrouvée à l’examen clinique. Il n’y a pas de fièvre. L’abdomen et les aires ganglionnaires sont notamment sans particularité. La patiente présente un syndrome mains-pieds de grade II. Aucun médicament nouveau n’a été introduit. L'histoire néoplasique de cette patiente de 38 ans débute cinq ans plutôt lors du diagnostic d'un carcinome canalaire invasif droit classé pT2N0M0, de grade III (mal différencié). Aux examens immunohistochimiques, les récepteurs hormonaux sont faiblement exprimés, la protéine HER2/Neu est surexprimée et l'indice de prolifération (Ki67) est à 20%. La patiente reçoit une chimiothérapie adjuvante comportant 6 cures de FEC (5 fluoro-uracile, épirubicine, cyclophosphamide) suivie d’une radiothérapie et d'une hormonothérapie combinant un agoniste LHRH et du tamoxifène. Trois ans plus tard, des métastases osseuses, hépatiques et intra-orbitaires sont diagnostiquées. Après une radiothérapie orbitaire, le traitement systémique comporte une combinaison de taxol et d’herceptine suivi d’herceptine en monothérapie. Ce traitement permet une réponse complète des métastases hépatiques et une réponse partielle des autres lésions. Un an après l’arrêt du taxol, des métastases cérébrales et surrénaliennes sont mises en évidence. Après la radiothérapie cérébrale (gamma-knife et irradiation panencéphalique), un traitement combinant la capécitabine (2000mg/m², 14 jours sur 21) et le lapatinib (1250mg/j en continu) est instauré dans le cadre d’une étude clinique. Le bilan thérapeutique objective un contrôle de la maladie au niveau cérébral et une réponse des lésions surrénaliennes. Le dosage du marqueur Ca15-3 n’est pas contributif. Par ailleurs, un bilan par PET-scanner (tomographie à émission de positons) montre une réponse métabolique complète. Lorsque la patiente se présente à la consultation au vingtième jour de son quatrième cycle de traitement (avec une réduction de dose de capécitabine à 1750mg/m² en raison d’un syndrome mains-pieds), l’anamnèse et l'examen clinique révèlent une tolérance médiocre, en raison d’une perte de poids de 16 kg depuis le début du traitement, d’une mucite de grade II, de diarrhées de grade I et un état général altéré (indice de performance évalué à 2). De plus, la patiente présente pour la première fois un ictère conjonctival, apparu progressivement en une quinzaine de jours. Dans une série de dix cas d’hyperbilirubinémie en cours de traitement par 5 FU, Nikolic conclut à une hémolyse modérée “compensée” 6. Cet effet de classe serait dû à un défaut de formation de la membrane des globules rouges, qui résulte de l’inhibition de la thymidylate synthétase médiée par la fluoropyrimidine. Dans le cas décrit, la capécitabine en monothérapie n’a provoqué qu’une baisse modérée de l’haptoglobine. L’hémolyse semble liée à l’association du lapatinib à la capécitabine. – Il n’y a aucun argument clinique pour une hémoglobinurie paroxystique bénigne (absence d’urines porto, pas de fièvre ni de douleur). À la biologie (cf tableau 1), une diminution de l’hémoglobine, une élévation de la bilirubine non conjuguée, une consommation de l’haptoglobine et une augmentation des LDH signent le diagnostic d’anémie hémolytique. Par conséquent, le diagnostic différentiel porte sur les différentes étiologies d’anémie hémolytique liée au cancer (tableau 2). – Un mécanisme auto-immun est exclu par un test de Coombs direct négatif à trois reprises, une recherche d’anticorps antiérythrocytaires irréguliers et d’agglutinines froides négatives. – Les enzymopathies érythrocytaires sont éliminées par des dosages normaux de Glucose6Phosphate déshydrogénase, de Glucose Phosphate Isomérase, de Pyruvate Kinase et d’hexokinase. La sphérocytose héréditaire est possible sur base de la biologie (test de cryohémolyse à 12%) mais exclue par le contexte clinique (pas d’antécédent d’anémie hémolytique ou d’ictère, pas de splénomégalie) et familial (aucun cas décrit). – L’anémie hémolytique induite par le traitement ne peut être exclue à ce stade. Après normalisation de la biologie, les deux médicaments sont réintroduits successivement. Après un cycle de capécitabine seule, la tolérance est bonne et la biologie suivie de manière rapprochée ne s’altére pas. Le dosage de l’haptoglobine reste dans les limites basses de la normale après un cycle. Ensuite, le lapatinib est ajouté à la capécitabine. Après 7 jours, la patiente présente à nouveau une anémie hémolytique (cf figures 1 et 2). Le lapatinib est ensuite administré seul, sans récidive de l’ictère après trois mois de suivi. C’est donc l’association des deux drogues qui déclenche l’hémolyse. Dans l’étude de phase 1 sur la combinaison lapatinib-capécitabine, les données de pharmacologie (aire sous la courbe et concentration sérique maximale) des deux médicaments et de leurs métabolites ne sont pas altérées par l’administration concomitante 7. Il n’y a pas d’interaction pharmacocinétique observée. Un patient sur 47 a présenté une hyperbilirubinémie au cours du 7e cycle. Aucun cas d’anémie hémolytique induit par la bithérapie lapatinib-capécitabine n’a été décrit dans la littérature. Des cas d’anémies hémolytiques ont été rapportés chez des patients traités par du 5 fluoro-uracile (5 FU) dont la capécitabine est une prodrogue. Différents mécanismes ont été évoqués. Cette drogue provoquerait une hémolyse via un mécanisme immun 3. Trois cas d’anémie hémolytique avec un test de coombs positif ont été décrits 4, 5. Un anticorps dépendant du 5 FU et activant le complément a été mis en évidence chez un des patients 5. In vitro, les inhibiteurs de tyrosine kinase modulent l’activité d’enzymes clefs liées à l’activité de la fluoropyrimidine 8. Dans des lignées cellulaires de carcinome mammaire traitées par l’association de capécitabine et de lapatinib, une action cytotoxique synergique avec une expression réduite du gène de la thymidylate synthètase a été observée 9. L’effet de la capécitabine >>> Figure 1 : Évolution de la bilirubine lors de la réintroduction des médicaments (C: Capécitabine; L: Lapatinib) capécitabine ajout lapatinib – L’électrophorèse de l’hémoglobine normale exclu les hémoglobinopathies. lapatinib seule – L’origine microangiopathique n’est pas retenue car les anomalies de la coagulation, la thrombopénie et les schistocytes ne sont pas retrouvés. De plus, l’excellente réponse au traitement va à l’encontre de l’apparition d’une microangiopathie, parfois assimilée à un syndrôme paranéoplasique 1, 2. – Aucun élément du syndrome “hémophagocytique”3 n’est présent. – La recherche par les sérologies des germes pouvant par un mécanisme immun ou microangiopathique être à l’origine d'une anémie hémolytique (mycoplasme, HCV, HBV, EBV et CMV) est négative. La malaria est d’emblée exclue par le contexte. Figure 2 : Évolution de l'haptoglobine lors de la réintroduction des médicaments capécitabine seule Tableau 1: valeurs biologiques lors de l’apparition de l’ictère (normes et unités mentionnées entre parenthèses) Hémoglobine 10,8 (12-16g/dl) Schistocytes 0 (0-4/1000GR) Globules rouges 3,4 (3, 8-5*10\S\6/µl) LDH 567 ( 240-480 UI/L) VCM 92 (80-100 fl) Fibrinogène 187 (200-400mg/dl) Plaquettes 340 (150-440*10\S\3/µl) D-Dimères 1040 (0-500ng/ml) Réticulocytes 52,2 (22,5-147*10\S\3/µl) PTT 69 (70-100%) Haptoglobuline <3 (30-200mg/dl) Urée 20 (13-40 mg/dl) Bilirubine totale 4 (0,2-1,2 mg/dl) Créatinine 0,6 (0,55-0,96 mg/dl) Bilirubine directe 0,8 (<0,4mg/dl) Schistocytes 0 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 24 lapatinib seule ajout lapatinib 25 JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 CASE REPORT >>> Tableau 2: étiologies des anémies hémolytiques liées au cancer ÉTIOLOGIES DÉFINITION/PHYSIOPATHOLOGIE SIGNES/ TESTS Auto-immune - Production par la tumeur d’un antigène ou d’un anticorps qui va provoquer la destruction des globules rouges. - Stimulation par la tumeur du système immunitaire de l’hôte, qui produit des anticorps qui par réaction croisée vont dégrader les globules rouges.10 Test de Coombs direct et indirect/ recherche d’agglutinines froides Enzymopathies - Dosages des enzymes érythrocytaires bas dans les leucémies et les syndromes myélodysplasiques. Mécanisme exact peu clair.3 Dosage PK, G6PD, SOD, GPI, Hexokinase, test de cryohémolys Microangiopathie (MAHA) (par extension Syndrome Urémique et Hémolytique (SHU)) - MAHA et SHU seraient une pathologie disséminée dont le point de départ est une lésion endothéliale, qui entraine la formation de caillots.3 - La fragmentation des globules rouges résulterait du passage des globules rouges à travers des vaisseaux sanguins anormaux.10 * très mauvais pronostic. Fibrinogène ↓ ddimères↑, PTT↓, schistocytes, plaquettes ↓ (SHU: insuffisance rénale) Hémoglobinopathies - Diminution de la production de la chaîne alpha de l’hémoglobine, induite par le cancer. Mécanisme peu clair.3 Electrophorèse de l’hémoglobine Hémophagocytose - Les histiocytes sont stimulés par une infection ou un désordre immunitaire chez des patients atteints de collagènoses, de cancer et dans d’autres situations d’immunodépression et phagocytent les globules rouges.3 Fièvre, cytopénie, adénopathies, troubles de la coagulation, phagocytose des globules rouges Greffe de moëlle Mécanisme: MAHA ou auto-immun.3 Histoire clinique Hypersplénisme Destruction inappropriée des globules rouges par la rate.3 Splénomégalie, cytopénies Chimiothérapie Nombreux mécanismes décrits dans des case report: - MAHA avec SHU: Mitomycine C - Auto immun: Melphalan - Production d’anticorps contre les globules rouges: Fludarabine - Altérations membrane des globules rouges: Cytarabine, Vinblastine 3 Tests en fonction du mécanisme sur la membrane érythrocytaire, responsable d’une hémolyse modérée compensée (cf chute modérée de l’haptoglobine) est amplifié en présence de lapatinib. Conclusion: Dans le cas illustré ci-dessus, l’anémie hémolytique associée au cancer est induite par la chimiothérapie. Les agents cytotoxiques sont le plus souvent responsables d’une hémolyse d’origine auto-immune ou microangiopathique 10. L’association lapatinib-capécitabine provoque une hémolyse par une altération des enzimes de la membrane du globule rouge. L’effet synergique du lapatinib sur la toxicité érythrocytaire de la capécitabine est décrit pour la première fois en clinique. ■ Références 1. Wautier JL, Rouger P, Drug-induced hemolytic anemia, Transfus Clin Biol, 2001; 8:377-80. 2. Retornaz F, Soubeyrand J, Le purpura thrombotique thrombocytopénique, physiopathologie et traitement, Réanimation, 2002; 11: 333-340. JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 26 3. Diehl LF, Bolan CD, Weiss RB, Hemolytic anemia and cancer, cancer treatment reviews, 1996; 22:33-73. 4. Jabboury K, Holmes FA, Hortobagy G, 5 fluorouracil rechallenge by protacted infusion in refractory breast cancer, Cancer, 1989; 64: 793-797. 5. Sandvei P, Nordhagen R, Michaelsen TE and al, Fluorouracil (5-FU) induced acute immune haemolytic anaemia, Br J Haematol, 1987; 65(3):357-9. 6. Nikolic-Tomasevic Z., Jelic S., Cassidy J et al., Fluoropyrimidine therapy: hyperbilirubinemia as a consequence of hemolysis, cancer chemother pharmacol, 2005; 56: 594-602. 7. Quincy S.C., Schwartz G, De Bono J and al, Phase I and pharmacokinetic study of lapatinib in combination with capecitabine in patients with advanced solid malignancies, JCO, 2007; 24 : 3753-3758. 8. Magne N, Fischel JL, Dubreuil A et al, ZD 1839 (iressa) modifies the activity of key enzymes linked to fluoropyrimidine activity: rational basis for a new combination therapy with capeciatabine, Clin cancer res, 2003; 9:4735-4742. 9. Budman DR, Soong R, Calabro A et al, Identification of potentially useful combinations of epidermal growth factor receptor tyrosine kinase antagonists with conventional cytotoxic agents using median effect analysis. Anticancer drugs, 2006; 17:921-928 10. Rytting M, Worth L, Jaffe N, Hemolytic disorders associated with cancer, Hematol Oncol Clin North Am, 1996;10(2):365-76. AU-DELÀ DE LA MÉDECINE… L’humour et l’art L’art, depuis des millénaires, eut plus de rapports avec la souffrance qu’avec le rire. Certes, les grotesques de Breughel, d’Arcimboldo, de Daumier et quelques autres firent exception. Il y eut bien, au XVIIIe siècle anglais, cette étonnante extravagance nommée Hogarth, lequel représenta en gravure populaire la dissection d’un cadavre dont les intestins, tombés de la table, sont dévorés par un chien ! Cependant, tout change autour de 1900 avec Rops Daumier et d’autres artistes caricaturistes. Marcel Duchamp, artiste-humoriste, déclara s’en être inspiré. Et là, plus de doute, avec Picabia, Magritte, Arp Dale, l’humour anima régulièrement les démarches de l’art moderne. Il est toujours actif aujourd’hui dans les œuvres de Wim Delvoye (Cloaca), Wegman (des chiens-artistes), Gilles Barbier, Ben, Catelan (le pape écrasé par un aérolithe) etc. Duchamp ajoutant des moustaches à une carte postale de la Joconde avait ouvert la voie à un art qui ne se revendiqua pas plus de la beauté. En plaçant à côté de l’image moustachue une seconde carte postale de la Joconde, intacte, Duchamp la sous-titra : ‘La même, rasée’. Ce qui fait supposer que la ‘vraie’ Joconde porte moustache et que celle du Louvre… etc. Dérision? Désespoir? Fin du sublime en art? N’allons pas si vite. La pensée freudienne s’avère ici très éclairante. Freud commence par préciser le rôle de l’art en même temps qu’il définit l’inconscient et le fantasme. L’œuvre d’art, selon le père de la psychanalyse, serait le moyen par lequel le refoulé-interdit arrive à être représenté. En ce sens, toute œuvre d’art est une descente aux Enfers, une plongée dans l’horreur que l’artiste parvient à rendre supportable par l’aide d’une prime de beauté (le principe de plaisir). Or, ce recours à la beauté s’est considérablement détérioré depuis le début du XXe siècle. Après la boucherie de Verdun, l’horreur de l’Holocauste, celle de Hiroshima comment encore invoquer le beau ? Et la destruction de notre écosystème ? Reste l’humour. Lui aussi selon Freud, est une réponse à l’horreur et à l’angoisse. Dans ‘Le mot d’esprit’ Freud voit même dans l’humour un parent très proche de l’art. En effet, dit-il, non seulement l’humour permet d’accepter le tragique de l’existence (il est souvent ‘noir’), mais en plus, il travaille et transforme le langage. Les grands humoristes qui s’emparent des matériaux de la communication pour produire du ‘non-sense’, sont, en effet, des artistes : les nôtres. Pierre Sterckx, Critique d’art Effigie en cire, grandeur nature, habillement, résine de polyester avec la poudre métallique, roche volcanique, tapis et verre COLLECTION PRIVÉE Pierre Sterckx est critique d’art et écrit dans «Beaux-Arts Maga zine». Il est conférencier et conseiller en art contemporain. Il est l’auteur de René Magritte, l’empire des images (Assouline). Il a reçu, en 1996, le Grand prix du CNRS pour le scénario du cd-rom Le Mystère Magritte. En 2007, il a publié Le Devenir-cochon de Wim Delvoye puis Hans Holbein. Outrage à la représentation (Éditions de La Lettre JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES N°11 – OCTOBRE–NOVEMBRE–DÉCEMBRE 2008 28 Volée) et Tintin schizo (Les Impressions nouvelles). Il est aussi l’auteur de 50 Géants de l’art américain, Beaux Arts éditions. En 2008, il publie Gilles Barbier, un abécédaire (Le Regard) et participe au catalogue d’exposition Keith Haring, au Musée d’art contemporain de Lyon. Pierre Sterckx vient de sortir Impasses et impostures en art contemporain, aux Éditions Anabet. Depuis septembre 2008, il collabore à l’émission de Guillaume Durand, L’objet du scandale, sur France 2.