Développement durable, environnement, jeunesse et éducation

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Développement durable, environnement, jeunesse et éducation
Participation, engagement, citoyenneté
Les fiches Repères
Développement durable,
environnement, jeunesse
et éducation populaire
La question du développement durable s’est progressivement imposée à l’agenda
politique au cours des dernières décennies. La jeunesse figure au cœur de ce questionnement dans la mesure où le développement durable investit fortement une
problématique générationnelle en développant le principe de « répondre aux besoins
du présent sans compromettre la capacité des générations futures ».
Qu’entend-on par développement
durable ?
Le concept de développement durable, s’il n’est pas
une idée neuve, ne s’est imposé que de façon relativement récente. Le terme n’est apparu qu’en 1980 dans
un document publié par l’Union internationale pour
la conservation de la nature (UICN) intitulé « La stratégie mondiale pour la conservation », sous le nom de
sustainable developement en anglais, littéralement
« développement soutenable », traduit en français par
« développement durable ». En 1987, une définition
est arrêtée par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (rapport Brundtland). Le
terme ne trouvera véritablement sa consécration au
niveau international qu’avec le deuxième Sommet de
la terre à Rio en 1992, à l’occasion duquel est arrêté
le programme d’action connu sous le nom d’Agenda
21 (ou Action 21). C’est dans les années 1990 que le
terme « développement durable » commence à s’imposer en France.
À l’origine très liée aux problématiques environnementales, la notion de développement durable tend
à intégrer les dimensions sociales et culturelles à travers
l’idée, d’une part, que tous les hommes doivent être
égaux quant à l’accès aux ressources naturelles, et
également que « la diversité culturelle » est « gage
[pour reprendre une formule de l’UNESCO] d’un
développement durable » (2001) au même titre par
exemple que la biodiversité.
Les approches en termes de développement durable
visent à réconcilier le développement économique
et social avec la protection de l’environnement et la
conservation des ressources, à répondre aux besoins
du présent sans compromettre la capacité des générations futures (définition du rapport Brundtland).
Le plus souvent aujourd’hui, la notion recouvre une
acception très large comprenant aussi bien la défense de l’environnement et la préservation des ressources naturelles (eau, faune, flore), les solidarités
internationales (commerce équitable, initiatives écosolidaires) que l’amélioration de la vie quotidienne,
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l’accès aux biens, aux services, à la culture ou encore
le vivre ensemble (citoyenneté, lien social). Le développement durable, dans cette logique, apparaît
comme une tentative de réponse aux inquiétudes
nées du changement climatique, de la raréfaction
des ressources naturelles, de l’effondrement de la
biodiversité, du développement de l’insécurité alimentaire, des inégalités entre pays développés et en
voie de développement.
La jeunesse est en quelque sorte au cœur des questionnements du développement durable dans la mesure où celui-ci investit fortement une problématique
générationnelle en développant le principe de « répondre aux besoins du présent sans compromettre
la capacité des générations futures ». C’est le sens
de l’action 25.1 de l’ONU : « Les jeunes représentent
près de 30 % de la population mondiale. Il est indispensable d’associer la jeunesse d’aujourd’hui aux
décisions en matière d’environnement et de développement et à l’application des programmes, pour assurer la réussite à long terme d’Action 21. » (Action 21,
chapitre 25 « Rôle des enfants et des jeunes dans la
promotion d’un développement durable ».)
Les jeunes et le développement
durable
Même si les jeunes sont une préoccupation importante des politiques de développement durable et
qu’a priori l’on considère qu’ils sont plus sensibles que
leurs aînés à ces questions, le retour sur les enquêtes
Valeurs des jeunes Français développées par l’INJEP
depuis le début des années 1990 oblige à nuancer
cette idée. Certes, ils manifestent un très grand pessimisme quant au rôle de l’homme dans l’avenir de
notre planète : ils sont 96 % à penser que l’intervention de l’homme a des conséquences désastreuses,
et 91 % que l’on va vers une catastrophe écologique
majeure. Ces résultats ne diffèrent cependant pas
significativement de ceux observés auprès du reste
de la population, c’est un premier constat.
Les travaux de Jean-Paul Bozonnet mettent en
revanche en évidence chez les jeunes un comportement plus éco-centré. Ils considèrent la nature
comme sujet central de l’histoire. En effet, ils sont
moins nombreux que dans les autres classes d’âge à
penser que « l’équilibre de la nature est assez solide
pour compenser les dégâts des pays industriels »,
graphique 1
Trois dimensions du paradigme écocentrique selon l’âge
57 %
51 %
48 %
43 %
33 %
26 %
11 %
16 %
18-29 ans
16 %
20 %
18 %
30-44 ans
45-59 ans
« Tout à fait d’accord » ou « D’accord »
22 %
60 ans et +
« L’équilibre de la nature est assez solide pour compenser les dégâts des pays industrialisés »
« Le destin de l’homme est de dominer la nature »
« Le génie de l’homme permettra que la terre reste vivable »
Source : enquête Valeur des jeunes INJEP/ARVAL 2008 (Bozonnet, 2012).
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que « le destin de l’homme est de dominer la nature »
et que « le génie de l’homme permettra que la terre
reste vivable ».
L’enquête menée dans le cadre du programme des
Nations unies pour l’environnement (PNUE) permet
d’introduire des éléments de comparaison à l’échelle
internationale. Elle met en évidence que les opinions
des jeunes du Nord et du Sud diffèrent. La majorité
des jeunes dans le monde est certes convaincue que
l’état de la planète est l’un des principaux défis mondiaux. Cependant, cet avis s’impose surtout chez les
jeunes des pays les plus développés : 82 % en Australie, 71 % en Suède contre seulement 42 % en Égypte et
au Brésil, 34 % en Argentine (UNEP, 2011).
Une autre comparaison à l’échelle internationale fait
également apparaître que les jeunes d’Europe manifestent des préoccupations moins importantes que
ceux des pays émergents par rapport à la pollution
(32 % pour les jeunes Européens contre 45 % pour les
Brésiliens et 51 % pour les Chinois) ou le changement
climatique (23 % pour les jeunes Européens contre
35 % pour les Chinois). Notons pour mémoire le décalage entre une vision assez catastrophiste des jeunes
Français, comme des jeunes Européens, et leurs préoccupations concrètes par rapport à la pollution ou
au changement climatique (Reynié, 2011).
L’inquiétude des jeunes Français quant à l’avenir de
notre planète ne se traduit pas nécessairement par un
engagement important. Sur les trois critères retenus
par Jean-Paul Bozonnet, l’engagement associatif, la
souscription financière à des campagnes et le vote :
- les jeunes (18-29 ans) adhèrent (3 %) ou sont bénévoles (1 %) dans des associations de défense de l’environnement au même niveau que la moyenne des
Français ;
- les jeunes ne votent pas plus que la moyenne des
Français (9 % en 2008), ils ne se distinguent sur ce plan
que des plus 60 ans (4 % en 2008) ;
- les jeunes sont cependant plus enclins à donner de
l’argent que la moyenne des Français (60 % contre
40 %).
On note par ailleurs que l’engagement des jeunes est
d’autant plus élevé, notamment en ce qui concerne
l’engagement associatif ou le vote, qu’ils ont un niveau d’études supérieur.
Éducation populaire et
développement durable
L’ensemble de ce dossier et ses enjeux depuis
quelques années – la fin des années 1990 – ont été
largement pris en compte par les mouvements d’éducation populaire qui ont multiplié les actions autour
des problématiques de développement durable, avec
cependant des nuances reflétant les sensibilités des
différents mouvements.
Ainsi, la Ligue de l’enseignement met surtout l’accent
sur l’accompagnement de l’ensemble des acteurs
éducatifs et d’enjeux comme l’approvisionnement alimentaire et énergétique des établissements scolaires,
les trajets entre le domicile et l’école, l’utilisation de
produits issus de l’agriculture ou de l’industrie locales
tandis que, par exemple, les centres d’entraînement
aux méthodes d’éducation active (CEMEA) insistent
plus sur le développement de projets éducatifs autour
de la préservation de l’environnement et de l’éducation à la consommation. Pour la Ligue, le développement durable apparaît d’abord comme un enjeu qui
tourne autour de l’École comme institution, alors que
pour les CEMEA, c’est un enjeu éducatif dans lequel
vient s’inscrire naturellement leur mouvement dans la
tradition de l’éducation nouvelle dont l’objectif « est
de définir les modalités des relations entre les personnes et ce qui les entoure, qu’il s’agisse des autres
hommes ou de l’environnement urbain ou naturel ».
Ces deux points de vue ne sont évidemment pas
contradictoires. La Ligue par exemple est également
très engagée sur la labellisation des accueils de loisir
CED pour citoyenneté / environnement / développement durable. De leur côté, les CEMEA insistent
sur les dimensions politiques de leurs engagements.
Ces différenciations participent du jeu d’acteurs des
mouvements d’éducation populaire plus politiques
et institutionnels pour la Ligue, très pédagogiques et
axés sur la formation pour les CEMEA. De fait, tous les
mouvements, quelles que soient leurs filiations historiques, ont toujours accordé une grande place au
« milieu », c’est-à-dire à l’environnement au sens large.
Autour des enjeux éducatifs, les mouvements d’éducation populaire viennent croiser très souvent la démarche
des mouvements environnementalistes qui accordent
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aussi une grande place à l’éducation des jeunes à l’environnement. Ces croisements trouvent leur matérialisation dans des groupements comme le Collectif
Rio+20 ou le Collectif français pour l’éducation à l’environnement et au développement durable (CFEED).
L’État, comme les collectivités territoriales, est également
engagé à des degrés divers à travers la mise en place
de l’Agenda 21. Dans le domaine de l’éducation non
formelle, dans le prolongement de la nouvelle stratégie nationale de développement durable (SNDD)
adoptée le 27 juillet 2010, la Direction de la jeunesse
et de la vie associative (DJEPVA) définit le dévelop-
pement durable comme « un objectif prioritaire
à prendre en compte dans les différentes actions
mises en œuvre par la direction » et précise la nécessité pour les directions régionales de « sensibiliser
un large public […], favoriser l’émergence de projets
avec les jeunes et les associations, soutenir la formation des acteurs » et de prendre en compte cette
dimension dans les accueils collectifs de mineurs, les
politiques éducatives locales et les actions « auprès
des associations et fédérations de jeunesse et d’éducation populaire ».
Jean-Claude Richez
Bibliographie
Bibliographie
• CEMEA, 2008, Vers l’éducation nouvelle, « Éduquer à
l’environnement », no 531.
• Bozonnet J.-P., 2012, « L’écologisme chez les jeunes :
une résistible ascension ? », in Galland O., Roudet B.,
Une jeunesse différente ? Les valeurs des jeunes Français
depuis 30 ans, La Documentation française.
• UNEP, 2011, Visions for Change. Recommendations for
Effective Policies on Sustainable Lifestyles (www.unep.fr/
scp/publications/details.asp?id=DTI/1321/PA).
• Bozonnet J.-P., 2005, « L’écologisme en Europe : les jeunes
désertent », in Galland O., Roudet B. (dir.), Les jeunes Européens et leurs valeurs. Europe orientale, Europe centrale et
orientale, Paris, La Découverte/INJEP, coll. « Recherches ».
• Reynié D. (dir.), 2011, La jeunesse du monde. Une enquête
planétaire, Paris, Fondapol/Lignes de repères.
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