Les Echos Entrepreneurs (3 février 2016)

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Les Echos Entrepreneurs (3 février 2016)
MERCREDI 3 FÉVRIER 2016 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22121 | ISSN 0.153.4831 | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT
SALON DES ENTREPRENEURS PARIS
Financement Comment élever et nourrir des poneys pour les transformer en licornes ? // P. 02 | Focus Qui seront les licornes made in France ? // PP. 02 ET 03 |
Solutions Comment financer sa start-up ? // P. 04 | Pitch Cinq phrases à éviter pour convaincre un investisseur // P. 05 | Crowdfunding Ces entreprises qui
ont fait appel au financement participatif // P. 07 | Palmarès Le Top 5 des entrepreneurs préférés des Français // P. 08 |
Le secret des licornes
Commentcréerunestart-up mondiale
Les trois cofondateurs de Doctolib, cette plate-forme de prise de rendez-vous médicaux qui pourrait devenir une nouvelle licorne française. Photo Benoit Lombard/Doctolib
Hors descadres
Arnaud Le Gal
[email protected]
Il fut un temps, pas si éloigné, où les
chiffres sur le recul de la création
d’entreprises en 2015 auraient
plongé la communauté des entrepreneurs et de ceux qui se donnent
pour mission de les accompagner
dans les affres du doute. Mais cette
fois, nos contemporains qui y sont
si enclins, si prompts à se couvrir la
tête de cendres, semblent en majorité avoir choisi de voir le verre plutôt à moitié plein. En tout cas, une
majorité retient surtout deux choses de ces statistiques : d’une part,
que la réduction du nombre des
microentrepreneurs était prévisible en raison des nouvelles obligations imposées par la controversée
loi Pinel, d’autre part, que les créations de sociétés, elles, se maintiennent, à un niveau bien plus élevé
qu’avant 2008. L’énergie entrepreneuriale reste bel et bien la
meilleure raison de croire en l’avenir de notre économie.
Ce phénomène a pris une
ampleur encore plus grande en
2015, où la déferlante des start-up a
fait bouger tant de lignes, balayant
certitudes et réticences même chez
ceux qui semblaient aux antipodes
de cette nouvelle génération
d’entrepreneurs, née avec la révolution numérique et la mondialisation, donc désinhibée face à la complexité du monde et décomplexée à
l’idée d’aller conquérir ce même
monde. Bien plus qu’un phénomène démographique, le fameux
esprit start-up tient à une nouvelle
attitude face aux nouveaux défis du
business. Avec pour piliers de la
sagesse : l’innovation dans toutes
ses dimensions – technologique
mais aussi marketing et organisationnelle –, le travail en équipe et en
réseau,lesoucidelaqualitédel’exécution, de l’évaluation et de la relation client, l’attention portée à
l’intelligence économique pour
prévenir les risques de se faire soimême « ubériser », la conscience
du droit à l’échec comme corollaire
à l’agilité, tout cela en définitive
pour favoriser la transformation
permanente.
Cette culture start-up sera particulièrement présente dans l’édition
2016 du Salon des entrepreneurs de
Paris, organisé par le Groupe Les
Echos, qui ouvre ses portes
aujourd’hui au Palais des Congrès.
On pourra y constater que ces nouvelles manières de voir et de faire se
diffusentàtouteslesstratesdel’économie, des néoentrepreneurs se
lançant dans les activités traditionnelles aux grandes organisations
secouées par l’hypercompétition et
qui réalisent que leur salut passera
par un management plus entrepreneurial. Bienvenue dans un monde
où celles et ceux qui pensent en
dehors des cadres sont devenus les
modèles à suivre. n
Trouver en quelques jours un dirigeant ou expert
pour une mission en France ou à l’international.
Accompagner Redresser
un projet
une entité
Transformer
une activité
Remplacer
un manager
02 // SPÉCIAL SALON DES ENTREPRENEURS PARIS
Mercredi 3 février 2016 Les Echos
FINANCEMENT // Pourtant très présentes au CES de Las Vegas, les start-up françaises peinent à se métamorpho-
ser en licornes. En mal de capitaux, parfois jugées trop « franchouillardes », elles prennent le mors aux dents.
Comment éleveretnourrirdesponeys
pour les transformerenlicornes ?
E
n janvier, « Fortune » s’étonnait de voir autant de
start-up françaises représentées à la Mecque de l’électronique, le CES de Las Vegas. « France
is tech’s unexpected powerhouse »,
titrait le magazine américain. La
France, usine à start-up technologiques, faut-il vraiment s’en étonner ? Fin 2014 déjà, Index Ventures
annonçait la couleur avec son
étude « Paris is back ». Ce fonds
d’investissement, l’un des plus
actifs sur l’Internet depuis une
vingtaine d’années, est aujourd’hui
le premier « éleveur de licornes »
en Europe. Une licorne est une
entreprise de moins de dix ans
valorisée plus de 1 milliard de dollars. Le portefeuille d’Index Ventures en compte une bonne dizaine
en Europe, parmi lesquelles nos
deux championnes tricolores Criteo et BlaBlaCar. « La technologie
est universelle, affirme Martin
Mignot,directeurdeparticipations
pour la France. Il n’y a donc aucune
raison pour qu’un européen ne
devienne pas leader mondial. »
Sauf que, sur les 63 licornes nées
en2015danslemonde,seules8sont
européennes. Et que, jusqu’à présent, la plus grande écurie européenne de licornes est britannique,
la deuxième suédoise, la troisième
allemande. Visiblement, la France
nejouepasdanslamêmecatégorie.
A défaut de licornes, les box français comptent surtout des poneys,
ces start-up d’au moins 10 millions
de dollars de valorisation, et quelques centaures qui valent plus de
100 millions de dollars. Mais pour
Franck Sebag, associé EY et spécialiste de l’entrepreneuriat, il ne faut
pas désespérer. « On a les meilleures
écoles d’ingénieurs et notre écosystème est hyperattractif, mais il en est
à peu près au stade de développe-
ment de celui de la Silicon Valley ou
d’Israël il y a quinze ans. »
La France peut-elle combler son
retard ? Et que manque-t-il encore
à l’écosystème français pour cela ?
La principale critique faite à l’écosystème tient souvent au manque
de financement. Car le développement d’une start-up technologique et ambitieuse au niveau mondial requiert des appels de fonds
réguliers et importants. Le spécialiste des fusions-acquisitions dans
les technologies, GP Bullhound, a
fait l’addition. Avant d’atteindre le
milliard d’euros de valorisation,
une licorne dans le B to C lève en
moyenne 248 millions de dollars,
et dans le B to B, 178 millions de
dollars.
2013, The NASDAQ OMX Group, Inc.
Yves Vilaginés
[email protected]
Le trou dans la raquette
Alors y aurait-il un trou dans la
raquette ou plutôt un trou dans la
chaîne de financement des jeunes
pousses en France ? « La raquette
me paraît pas mal cordée, rassure
Jean-Marc Patouillaud, associé
chez Partech, autre grand fonds
d’investissement actif des deux
côtés de l’Atlantique. Il existait un
trou dans l’amorçage, mais il s’est
comblé avec la création de fonds thématiques sous l’impulsion de bpifrance, des réseaux de “business
angels” et de l’engouement des particuliers pour le “crowdfunding”. S’il
reste un trou, il est dans le capitalexpansion,cesopérationsàplusieurs
dizaines de millions d’euros. »
En clair, au début, entre les aides
publiques et les fonds privés (lire
page 4), les entrepreneurs n’ont pas
demalàtrouverdesfonds.C’estplutôtautroisièmetourdetablequeles
choses se compliquent. Nicolas
d’Hueppe, président de Cellfish et
vice-président de CroissancePlus,
acquiesce, mais pour lui tout n’est
pas qu’une question d’argent. « C’est
plus dur de lever 10 millions en
France qu’aux Etats-Unis. Mais la
La France est encore à la traîne en nombre de licornes. Parmi ses fleurons, Criteo, qui a fait ses premiers pas sur le Nasdaq en 2013.
plupart des dossiers tels qu’on les
présente n’auraient pas ces 10 millions aux Etats-Unis, pour des questions d’ambition, de méthodologie et
d’expertise. » Et de pointer le manque d’ouverture du management à
l’international, mais aussi la difficulté des jeunes pousses françaises
à attirer les talents internationaux,
notammentàcausedesrèglesfiscales confiscatoires sur l’octroi
d’actions aux dirigeants.
Trop franchouillardes nos
start-up ? Martin Mignot d’Index
Ventures observe pourtant une
franche amélioration. « Les entrepreneurs français qui parlaient mal
anglais et avaient peu d’expérience à
l’étranger, c’est fini. Aujourd’hui, ils
sont plus “born global”. » Cependant, il ne suffit pas de penser global, de développer son produit ou
son service d’emblée pour un marché mondial… encore faut-il pouvoir aller plus vite hors de nos frontières, et pour cela il faut lever de
l’argent, beaucoup d’argent… la
licorne se mord la crinière. « Le
marché français est un piège, trop
grand et trop petit à la fois, complète
Nicolas d’Hueppe. On a tendance à
attendre la preuve de concept en
France avant d’aller à l’international. Et on prend du retard. » Nombreuses sont, en effet, les start-up
françaises créées quasi au même
63
NOUVELLES LICORNES EN 2015
Après l’engouement du début
d’année, CB Insights observe
toutefois une forte baisse du
taux de natalité en fin d’année.
Seules 9 licornes sont nées au
quatrième trimestre. Sur les
63 licornes de l’année, 42 sont
américaines, 16 asiatiques et
8 européennes.
moment que leurs concurrentes
américaines, et même scandinaves
ou britanniques, finalement prises
de court, à l’instar de KissKissBankBank dans le « crowdfunding » (lire
page 5, l’interview de Vincent
Ricordeau).
Le fil de la pelote
Sur tous ces fronts, les lignes bougent. Lors d’une conférence récente
à Munich, l’entrepreneur suédois
Niklas Zennström, cofondateur de
Skype, se voulait très optimiste.
Alors que les valorisations des
start-up américaines subissent une
forte correction, pour lui, l’Europe
sera épargnée. Et d’assurer que
désormais les start-up européennes attirent les managers de talent
capables de les faire rapidement
grandir. Du côté des investisseurs,
plusieurs fonds de croissance viennent d’être bouclés avec succès. Les
fonds européens sont aussi plus
souvent associés à des grosses
levées de fonds en pool, à l’image,
par exemple, de la levée de 28 millions de dollars réalisée en septembre 2015 par PeopleDoc auprès
d’Eurazeo aux côtés d’Accel et de
Kernel Investissements.
En France, les réussites récentes
servent d’exemple. Une émulation
se crée. « Nos premiers deals ont été
réalisés en Scandinavie, explique
l’investisseur Martin Mignot. Les
premiers succès nous ont amené des
connexions, et d’autres projets. C’est
ce qui se passe actuellement en
France. Un réseau se crée, on tire une
pelote. » La première génération
des entrepreneurs français de
l’Internet, celle de Xavier Niel, a largementréinvestidanslacréationde
start-up. La seconde, celle de JeanBaptiste Rudelle, voit encore plus
grand. Le fondateur de Criteo est
ainsi à l’origine du projet Galion,
une communauté d’entrepreneurs
« dont l’ambition est de changer le
monde ». n
Après BlaBlaCar, Criteo etVente-privee.com,quiseront les licornes made in France?
Pour connaître les secrets
des licornes, nous avons
demandé à un panel
d’investisseurs de nous
citer quelques entreprises
qui, pour eux, avaient
un fort potentiel.
Camille Prigent
« La France a toutes les capacités
pour développer des licornes »,
affirme Tanguy de La Fouchardière, président de la fédération
France Angels. Mais pour passer
du stade du poney (1 million
d’euros de valorisation) à celui de
licorne (1 milliard d’euros), le chemin est semé d’embûches. « Nous
avons énormément d’acteurs qui
aident, de la création jusqu’à
l’amorçage,expliqueMorganeRollando, fondatrice et présidente de
Synerfia.Aujourd’hui,c’estlaphase
d’expansion qui est très difficile. »
S’il n’existe pas de recette miracle p our faire émerger une
licorne, les ingrédients nécessaires sont bien connus, à commencer par l’ambition ! Pour réussir,
les futures licornes doivent, dès le
départ, écrire les bases d’un business plan ambitieux. Mais aussi
être capables de se remettre constamment en question et de rester
souples. « Même les très bonnes
sociétés ont pivoté deux ou trois
fois », explique Benoist Grossmann, « managing partner » chez
Idinvest. « Le succès de Criteo, par
exemple, est dû en partie à la capacité qu’a eue le management à se
remettre en question. »
En plus de voir grand, il faut
aussivoirtrèsloin.« Leserviceproposédoitl’êtresurunmarchéglobal
où les différences culturelles ne sont
pas un handicap. Il faut que ce soit
un concept innovant, qui crée une
rupture sur le marché. Et il faut que
le marché soit prêt à accepter cette
innovation », analyse Tanguy de
La Fouchardière.
Une future licorne réclame
beaucoup d’attention, d’être bien
entourée de professionnels de
confiance,caruneentreprisenese
crée pas seule. Trouver les bons
managers, les bons partenaires,
les bons financiers sera pour
l’entrepreneur un facteur clef de
succès.« Avoirdesassociésavecdes
compétences complémentaires et
une vision commune, c’est primordial », affirme Morgane Rollando.
Et ce qui est valable pour les associés, l’est aussi pour les investisseurs.« L’affinitédoitêtreforteavec
sesinvestisseurs,carilsontvocation
à rester longtemps dans la société,
souvent à être au comité stratégique. Il faut être capable de les écouter », précise la fondatrice de
Synerfia. Enfin, pour élever une
licorne, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Peu de poneys arriveront à ce stade de développement, mais beaucoup ont un
potentiel évident. SigFox, Drivy,
Scality… ont déjà fait une grande
partie du chemin. D’autres laissent présager d’un bel avenir, de
par la croissance du marché sur
lequel elles évoluent, et la qualité
de leur innovation. En choisir sept
n’a pas été facile. n
MicroEJ,leMicrosoft
desobjetsconnectés
PeopleDoc digitalise
l’administrationRH
L’éditeur nantais propose
des plates-formes d’applications standards aux fabricants d’objets connectés.
Deux ans après la naissance
du projet, l’entreprise a
changé de business model.
Avec succès.
Le démarrage fut lent. L’entreprise
a officiellement été créée en 2004,
mais n’a vraiment démarré qu’en
2007. Elle a aussi été rebaptisée
« MicroEJ » l’an dernier. Cet éditeur nantais propose des logiciels
aux fabricants d’objets connectés
désireux de créer leur propre
plate-forme d’applications. Sauf
que le système développé par
MicroEJ est mille fois plus petit.
« L’objectif était d’attaquer le marché des objets connectés, très hétérogène mais devenant mature. Pour y
parvenir, il fallait industrialiser la
plate-forme de virtualisation qui se
glisse entre le matériel et les applications », explique Fred Rivard,
fondateur de MicroEJ. Pour
démarrer, il lève 1 million d’euros
en 2007, puis 2,5 millions d’euros
en 2011. Le premier produit standard est réalisé mi-2013. « Il faut
normalement quatre à six mois
pour faire un produit à façon, tandis
que notre plate-forme standard peut
être adaptée en quinze jours »,
détaille le fondateur. A travers des
accords stratégiques, avec notamment Renesas, NXP et, plus récemment, Lacroix Electronics,
MicroEJ a un accès potentiel à
PeopleDoc naît d’une première
idée : celle de créer La Poste de
demain, un portail pour recevoir
l’ensemble de ses factures et documents administratifs. Mais deux
ans après la naissance de ce projet,
en 2009, et après deux levées de
fonds successives, le projet ne
décolle pas. « On s’est rendu
compte que ce n’était pas le bon
moment pour pénétrer le marché »,
explique Jonathan Benhamou,
président et cofondateur de PeopleDoc. L’entreprise réalise alors
un pivot, c’est-à-dire un changement de business model. « On a
rencontré des RH qui nous ont
inspirés et nous ont permis d’identifier un besoin. On a commencé par
le bulletin de paie électronique et, au
fur et à mesure, on a développé
toute une gamme de services de
digitalisation de l’administration
des ressources humaines. »
En 2013, PeopleDoc accélère son
développement et part s’installer à
New York. Commence alors une
période de challenge pour le fondateur et son associé, Clément
Buyse. « Le plus difficile a été de
sortir de notre zone de confort et de
nous remettre en difficulté. Le
« Notre plate-forme standard
peut être adaptée en 15 jours »,
explique Fred Rivard. Photo DR
65 % du marché des objets connectés. « Nous permettons même aux
équipes marketing de créer leur
propre store et d’enrichir l’appareil
une fois qu’il a déjà été vendu. »
MicroEJ, outre la R&D basée à
Nantes, dispose de locaux commerciaux à Massy, Munich et
Austin au Texas, ouverts l’an
dernier, et prépare une ouverture
à Boston d’ici à la fin de l’année.
Une internationalisation qui laisse
deviner une ambition forte : atteindre, à l’image d’Android, 80 % de
part de marché en cinq ans. Une
levée de fonds est aussi en préparation. — C. P.
« Le plus difficile a été de sortir
de notre zone de confort », dit
Jonathan Benhamou. PeopleDoc
marché américain est complètement différent du marché français.
Mais une fois qu’on a compris les
règles et qu’on a une bonne équipe, il
n’y a pas de limites. » Depuis le
début de leur aventure commune,
les deux entrepreneurs ont levé
50 millions d’euros et recruté
120 personnes. En plus de New
York, ils comptent désormais des
bureaux au Royaume-Uni, au
Canada et en Allemagne, ouverts il
y a moins de trois mois. Une offensive internationale qui doit permettre à la start-up d’ajouter
quelques noms à ses 450 clients
actuels. — C. P.
SPÉCIAL SALON DES ENTREPRENEURS PARIS // 03
Les Echos Mercredi 3 février 2016
Dataikumagnifie
lepotentielduBigData
L’entreprise a réalisé l’an
dernier 2 millions d’euros
de chiffre d’affaires.
Dayusedémocratise
lachambreà l’heure
Un an après son lancement
la start-up a déjà généré
1 million de chiffre
d’affaires.
temps plein dans leur start-up
qu’après un an d’activité, alors que
le site a déjà généré 1 million
d’euros de volume d’affaires.
En 2010, David Lebée est directeur
de l’Hôtel Amour, à Paris. Lui vient
alors l’idée de lancer Dayuse, une
plate-forme Internet pour répondre à un besoin qu’il a identifié en
travaillant au quotidien dans
l’hôtellerie : permettre aux clients
de réserver une chambre en journée, pour quelques heures seulement. Il démarre avec seulement
4.000 euros d’apport personnel.
Grâce à ses relations professionnelles, une dizaine d’hôtels parisiens acceptent d’être référencés.
Et, à l’ouverture du site, la forte
médiatisation attire les clients
particuliers comme les hôteliers.
« Au lancement de Dayuse, nous
avions complètement sous-estimé le
potentiel du marché », affirme
David Lebée. Lui et ses deux associés ne s’impliquent d’ailleurs à
Une quarantaine de salariés
« Nous sommes arrivés au bon
moment avec un concept qui a tout
de suite rencontré son public, explique David Lebée. Le contexte nous
est favorable, notamment parce que
la concurrence de l’économie collaborative fait perdre de l’argent aux
hôteliers. » Pour financer sa croissance, Dayuse lève 1 million d’euros
en 2014, puis 15 millions d’euros un
an plus tard. Présente depuis deux
ans aux Etats-Unis et depuis quelques mois à São Paulo, au Brésil,
l’entreprise, qui compte déjà une
quarantaine de salariés, met cette
année le cap sur Hong Kong.
« Nous devons gérer une période
d’hypercroissance : l’objectif est de
recruter 40 collaborateurs et de
passer de 2.000 à 5.000 hôtels clients
d’ici à la fin de l’année. » — C. P.
« On estime à 700.000 le nombre de free-lances
en France », indique Vincent Huguet, président et cofondateur de la start-up. Photo DR
Hopworkfacilite
la vie pro
des free-lances
Le site Internet facilite le recrutement
de free-lances pour les entreprises
françaises. Un marché en pleine
explosion.
« Nous avons choisi l’open source pour les
développeurs », explique Angélique Zettor.
Photo DR
Genymobile
adapte Android
àsesclients
La start-up a été propulsée par le succès
de son premier produit Genymotion
et deux levées de fonds d’un total
de près de 9 millions d’euros.
« Pendant deux ans, on ne s’est pas trop payé. On a engrangé les premiers clients », raconte Florian Douetteau. Photo Patrice Lariven/Daitaku
Lorsque le site Internet
Hopwork naît en juin 2013,
l’idée est de faciliter le
recrutement de free-lances
pour les entreprises françaises. « C’est un marché en
pleine explosion, explique
Vincent Huguet, président
et cofondateur de
la start-up. On estime à
700.000 le nombre de freelances en France, avec une
moyenne de 30.000 euros
de chiffre d’affaires par an.
Cela représente un marché
de plus de 20 milliards
d’euros. » En mai 2014,
la plate-forme commence
à décoller et lève
500.000 euros auprès
de deux business angels,
Antoine Freysz et Olivier
Occelli. Un an plus tard,
elle lève 1,5 million d’euros
auprès du fonds d’entrepreneurs Isai. « Le plus difficile
a été de montrer que, s’il
existait déjà des solutions,
l’essentiel du marché n’était
pas intermédié par Internet », explique Vincent
Huguet. La plupart des
concurrents sont encore
soit des sites qui proposent
des ressources à bas prix
provenant de l’étranger, soit
des sites étrangers, comme
le britannique PeoplePerHour ou l’australien
Freelancer. « Hopwork n’a
pas la même approche :
l’entreprise cliente ne va pas
publier une mission sur
notre site, mais faire une
recherche par métier et par
localisation pour trouver les
profils qui correspondent le
mieux à ses besoins. »
Hopwork compte
aujourd’hui plus de
15.000 free-lances inscrits.
Prochaine étape : le développement à l’international, avec en ligne de mire
des marchés beaucoup
plus matures, comme le
Royaume-Uni ou l’Europe
du Nord. — C. P.
Quand Genymobile voit
le jour, il y a cinq ans,
Android est encore bien
loin d’être aussi répandu
qu’aujourd’hui. Mais le
système d’exploitation
open source de Google
séduit Angélique Zettor et
son associé, qui décident
de se lancer avec
3.000 euros en poche.
« Notre stratégie a été
de créer une expertise
sur Android, en aidant
les entreprises à intégrer ces
solutions », explique
Angélique Zettor. Une
stratégie efficace et rentable : leurs premiers clients
s’appellent Orange, JCDecaux ou encore Thales. Un
an et demi plus tard, leur
activité génère assez de
liquidités pour financer de
la R&D et lancer un premier produit, Genymotion, qui permet de simuler une application mobile
sur un PC. Là encore, les
deux fondateurs font
preuve de flair. « Nous
avons choisi l’open source
pour les développeurs. Le
but était que, s’ils aimaient
le produit, ils se tournent
ensuite vers les versions
premium. » Pari réussi
puisque Genymotion
compte cinq millions
d’utilisateurs dans le
monde ! Propulsé par ce
succès, et deux levées de
fonds successives d’un
total de près de 9 millions
d’euros, Genymobile s’est
installé il y a un peu plus
d’un an à San Francisco.
« Le but de notre dernière
levée de fonds est notamment de financer la R&D,
car nous avons des produits
ambitieux en termes de
développement de marché
mais aussi de technologie. »
La start-up compte parmi
ses clients actuels Facebook, Microsoft ou eBay,
et commence doucement
à regarder vers l’Asie.
— C. P.
« On est dix fois plus grand que notre principal concurrent et on
grandit dix fois plus vite », assure Stanislas Niox-Chateau. Photo DR
Doctolib prendrendezvouschezlesmédecins
Le site cible les quelque
3,5 millions de professionnels de santé en Europe,
dont 500.000 en France.
dix fois plus vite », assure Stanislas
Niox-Chateau. Mais comment
ont-ils réussi ce tour de force ? « Le
produit pour les patients est presque
identique à celui de nos concurrents :
ce qui nous démarque, c’est le logiciel
développé pour les professionnels. »
La cible du site, ce sont les quelque 3,5 millions de professionnels
de santé en Europe, dont 500.000
en France. Doctolib compte
aujourd’hui 6.000 professionnels
inscrits sur son site et travaille
ardemment à faire grimper ce
chiffre. « Nous avons des bureaux
dans les vingt plus grandes villes de
France, qui vont voir tous les établissements de santé un à un. C’est ce qui
est le plus difficile: prendre son bâton
de pèlerin et aller à la rencontre des
praticiens. » La prochaine étape
pour la plate-forme, qui attire déjà
2,5 millions d’utilisateurs par mois,
ressemble plutôt à un pèlerinage :
explorer et exploiter tout le potentiel du continent européen.
— C. P.
A vingt-neuf ans, Stanislas NioxChateau, l’un des trois cofondateurs
de Doctolib, fait partie du prestigieux classement européen
« 30 under 30 » de «Forbes»… A
son actif donc, Doctolib, une plateforme de prise de rendez-vous
médicaux qui voit le jour fin 2013.
Le but du projet est simple : fluidifier l’accès aux soins. Et le succès est
très vite au rendez-vous. Pour
soutenir sa croissance, Doctolib
lève 1 million d’euros en
février 2014, puis 4 millions en
décembre et 18 millions en octobre 2015 auprès notamment d’Accel
Partners. Ses concurrents directs,
qui se nomment PagesJaunes ou
encore Lagardère, qui a racheté
Mondocteur.fr, sont déjà dépassés.
« On est dix fois plus grand que notre
principal concurrent et on grandit
« Nosressourcesetnosexpertises
peuventaiderlesentreprisesàgrandir»
INTERVIEW
DOMINIQUE RESTINO
Président de l’Agence
pour la création d’entreprises
(APCE)*
DR
« Nous sommes arrivés au bon moment avec un concept qui a tout
de suite rencontré son public », explique David Lebée. Photo DR
Tels les mousquetaires, ils sont
quatre, tous scientifiques,
matheux ou ingénieurs. En 2012,
ils lâchent des postes à responsabilité pour créer Dataiku et révéler
la beauté du Big Data. Tels les
mousquetaires, l’un des quatre est
un peu poète, passionné de haïku,
ce poème japonais très court.
Des données chiffrées, l’essentiel
décortiqué, entreprise heureuse…
Poète mais les pieds bien sur terre.
« Pendant deux ans, on ne s’est
pas trop payé. On a engrangé les
premiers clients, explique Florian
Douetteau, le cofondateur poète.
Nous avons fait le choix de l’autosuffisance. » La start-up accumule les
premiers succès et les distinctions.
Elle bénéficie de financements
publics, de prêts d’honneur de
Scientipôle, et réalise une levée de
fonds en janvier 2015 de 3 millions
d’euros. « On a parlé avec cinq ou
six fonds, assure Florian Douetteau. On a choisi les gens avec qui on
voulait travailler à long terme, parce
qu’on va avoir une dizaine d’années
de vie commune, c’est plus que la
moyenne des mariages ! » Dataiku
est maintenant sur les radars
des investisseurs. Il emploie déjà
une cinquantaine de personnes,
a réalisé l’an dernier 2 millions
d’euros de chiffre d’affaires, et a
posé un premier pied aux EtatsUnis. « Il faut savoir aller plus vite
à l’international. Nos concurrents
américains lèvent quatre fois plus
d’argent mais ont un problème
de fidélisation de leurs équipes. »
Dataiku, future licorne ?
Florian Douetteau n’exclut rien.
« On connaît bien les équipes de
Criteo et BlaBlaCar. Cette génération
commence à nous faire profiter
de son expérience. Quand on a
quelques amis qui ont réussi,
on peut rêver plus loin… »
— Yv. V.
Propos recueillis par
Julie Le Bolzer
Comment se porte
l’entrepreneuriat français ?
Depuis près de dix ans, nous observons un engouement. Créer une
entreprise, aujourd’hui en France,
n’est pas compliqué. Par contre, il se
révèle toujours aussi difficile de la
développer. La pérennité des sociétés constitue un réel enjeu. Rappelons que les deux-tiers des entreprises n’ont pas de salarié. Il est
essentiel de leur donner la possibilité de poursuivre leur croissance.
N’existe-t-il pas de nombreux
parcours de financement pour
aider les entreprises à grandir ?
Nous disposons, en France, d’un
réseau très dense d’accompagnement et de financement : Adie,
France Initiative, France Active,
Réseau Entreprendre, business
angels, crowdfunding, Moovjee,
CCI... Sans nécessairement se transformer en bêtes à concours, les porteurs de projets, les entrepreneurs
et les repreneurs peuvent décrocher des aides financières via divers
organismes. Ces différents réseaux
d’accompagnement sont fondamentaux, nous devons travailler à
leur coopération.
Comment faciliter
cette coopération ?
Il s’agit de structurer, de coordonner et de segmenter la chaîne glo-
bale d’accompagnement, par profil,
par projet, par secteur, par territoire… C’est en réalisant un travail
de proximité que l’on peut avoir
connaissance de leurs spécificités,
donc de leurs besoins. C’est en mettant à leur disposition nos ressources et nos expertises que nous pouvons les aider à grandir, à aller
chercher la croissance. Il est donc
nécessaire de bâtir, en cohérence
avec cette chaîne globale d’accompagnement, une véritable politique
entrepreneuriale.
Quels sont les piliers
d’une politique efficace ?
Pour bien accompagner l’entrepreneuriat, il faut bien le connaître. A
l’occasion du Salon des entrepreneurs, l’APCE lance un nouvel outil,
inédit en France, l’indice entrepre-
neurial (lire l’encadré ci-dessous).
Outre la proximité avec le terrain,
nous devons veiller à ce qu’il existe
des interactions au sein de l’écosystème entrepreneurial lui-même,
que ce soit grâce aux réseaux
d’accompagnement, aux programmes de parrainage ou de mentorat… Le mentorat – qui ne consiste
pas à conseiller ni à coacher un pair,
mais à l’aider à se poser les bonnes
questions – favorise l’échange de
bonnes pratiques.
Où en est-on de la transformation de l’APCE en Agence
France Entrepreneur ?
Le président de la République en a
fait l’annonce en octobre dernier.
Selon ses termes, la nouvelle
Agence de développement économique des territoires, France Entrepreneur, « va prendre appui sur
l’APCE ». Nos priorités sont de favoriserlescréationsd’entreprisesplus
pérennes, d’aider au développement des TPE et des PME, et d’innover au service des territoires fragiles. Notre conviction est que, si
l’entrepreneuriat est l’affaire de
tous, l’entrepreneuriat pour chacun doit être le moteur de l’Agence
France Entrepreneur.
*L’APCEaétécrééeen1979.Elleadispensé
1.100 formations aux professionnels de
l’accompagnement en 2014. Son site Internet compte 11 millions de visiteurs par an.
32 % des Français sont tentés…
Près d’un Français sur trois de plus de 18 ans s’est déjà
engagé dans une création d’entreprise, 38 % des hommes et
27 % des femmes, selon l’indice entrepreneurial présenté ce
mercredi 3 février au Salon des entrepreneurs à Paris par
l’APCE avec Pôle emploi et la Fondation MMA des entrepreneurs du futur. L’aventure entrepreneuriale tente 46 % des
salariés du privé, mais seulement 22 % de ceux du public.
Parmi les freins évoqués : en premier lieu, les démarches administratives trop complexes (48 %), la peur de l’échec (34 %)
et l’investissement financier trop important (30 %). Les
moins de 30 ans disent aussi être freinés par le « manque de
compétences » et les demandeurs d’emploi par des « exemples
peu motivants dans leur entourage ». — Géraldine Dauvergne
04 // SPÉCIAL SALON DES ENTREPRENEURS PARIS
Mercredi 3 février 2016 Les Echos
SOLUTIONS // Aides publiques, prêts à taux zéro, avance remboursable, capital-risque… à chaque étape
de la vie de l’entreprise correspondent des solutions de financement. Le point sur les principaux dispositifs.
Del’apport personnel àlacotationen
Bourse, commentfinancersastart-up ?
Bruno Askenazi
L
e premier business angel
de France s’appelle Pôle
emploi. Un chômeur créateur a le droit de cumuler ses allocations à d’éventuels revenus tirés
de son entreprise durant vingtquatre mois (ARE). Ou bien de
toucher une aide sous forme de
capital (ARCE). Complété par un
apport personnel et le soutien des
proches (Love Money), ce pécule
sera précieux au démarrage.
D’autant qu’il est possible d’y
ajouter un prêt d’honneur (à taux
zéro, sans garantie). « Ces sommes
renforceront vos fonds propres, ce
que ne financent pas les banques »,
rappelle Marie Faguet, directrice
de BGE Côte d’Azur. Le réseau qui
en accorde le plus, 16.500 par an
sur 25.000 demandes, est France
Initiative. L’autre intérêt de ce dispositif est de permettre le déblocage d’un prêt bancaire. Un projet
validé par une structure d’accompagnement rassure le banquier.
L’effet de levier joue aussi avec le
prêt Nacre (à taux zéro). Proposé
aux chômeurs par des réseaux
comme France Active, il est obligatoirement associé à un financement bancaire professionnel.
Enfin, certains publics éloignés de
l’emploi peuvent recourir au
microcrédit : des prêts jusqu’à
10.000 euros distribués notamment par l’Adie.
Préférence à l’innovation
Les projets innovants sont les
mieux lotis, avec des aides et des
mesures fiscales attractives. Pro-
posée par bpifrance, la bourse
French Tech est une subvention de
30.000 euros maximum visant à
soutenir les innovations, technologiques ou non : usages, procédés
ou de services. Les entreprises qui
investissent en R&D bénéficient
aussi du crédit impôt recherche
(CIR) jusqu’à 40 % de leurs dépenses. Mais attention, l’administration fiscale est désormais très
regardante sur l’éligibilité des dossiers. Quant au crédit d’impôt
innovation (CII), lancé en 2014, il
permet de bénéficier d’une réduction de 20 % des dépenses de conception de prototypes ou d’installations pilotes. Le statut de jeune
entreprise innovante (JEI) déclenche des exonérations de charges
sociales pour le personnel affecté à
des activités de R&D ou d’innova-
tion. CIR, CII, JEI : tous ces dispositifs sont cumulables.
Premiers pas difficiles
Période délicate : l’entreprise a
épuisé les sources de financement
liées à sa création mais elle a besoin
detrésoreriepouraccélérersesventes ou consolider sa R&D. Le but est
de remplir les critères censés ouvrir
la porte de fonds d’amorçage structurés ou de fonds de capital-risque.
« Le prêt d’amorçage bpifrance fait le
pont entre la fin des aides à la création et le moment où l’on peut se présenter dans les meilleures conditions
devant un investisseur », explique
Dominique Caignart, directeur de
bpifrance Ile-de-France. Pour les
start-up les plus prometteuses, il
existe aussi des fonds d’amorçage
privés et des réseaux de business
angels. L’investissement participatifestunevoiealternativepourlever
jusqu’à 1 million d’euros sur les plates-formes spécialisées. C’est également à ce stade qu’entrent les fonds
d’amorçage régionaux, des structures semi-publiques. Si au bout d’un
ou deux ans, la croissance s’accélère, les sociétés de capital-risque
peuvent prendre le relais pour renforcer les fonds propres. Secteur,
maturité de l’entreprise, profil des
dirigeants… chaque fonds a ses propres critères de sélection. Les « venturecapitalists »(VC)sontdébordés
par les demandes. Beaucoup de
start-up en lice et très peu d’élues au
bout d’un marathon de six mois en
moyenne.
A ce stade, le recours au crédit
bancaire classique est plus facile
qu’au démarrage de l’activité.
L’entreprise est souvent devenue
rentable et sa structure financière
stable. Mais pour réaliser des projets d’acquisition ou de développement à l’international, elle a
besoin de mobiliser des fonds
encore plus importants. C’est là
qu’intervient le capital-développement avec des tickets à plusieurs dizaines de millions
d’euros. Ces fonds, souvent européens ou internationaux, ont des
objectifs de retour sur investissement à court ou moyen terme. A
leur sortie, ils peuvent revendre
leurs parts à l’occasion d’une
introduction en Bourse. Une consécration qui donne un énorme
élan à la notoriété de l’entreprise.
Mais qui fait aussi peser le risque
d’une perte d’indépendance stratégique. n
SPÉCIAL SALON DES ENTREPRENEURS PARIS // 05
Les Echos Mercredi 3 février 2016
PITCH // Face à un investisseur, mieux vaut la jouer modeste et appliqué !
Nous avons demandé à plusieurs venture capitalists leurs recommandations.
Cinq phrasesàéviterpour
convaincre uninvestisseur
Camille Prigent
« Nous sommes sur le point
de signer un énorme contrat »
Quandunestart-upquinefaitpratiquement pas de chiffre d’affaires
parle de futurs contrats juteux, cela
donne envie aux investisseurs
d’attendre quelques mois. « Nous
n’allons pas investir sur la base d’un
contratpotentiel,carnousavonsdéjà
entenduceladenombreusesfoissans
que ce soit fondé », explique Mounia
Rkha, responsable du Seed Club
d’Isai.
Ce qu’il faut faire : « Il faut être
honnête, explique Jérôme Faul,
directeur général d’Innovacom. Les
investisseurs sont là pour mettre de
l’argent dans un projet, mais pour
cela il faut de la confiance. » Pour
convaincre, il vaut mieux également ne pas seulement mettre en
avant ses perspectives commerciales : « Souvent, les entrepreneurs
nous vendent un produit ou un service, alors que ce que l’on attend
d’eux, c’est qu’ils vendent leur projet
d’entreprise », explique Tanguy de
la Fouchardière, président de la
fédération France Angels.
« Notre business plan
est très raisonnable »
Monter un business plan lorsque
l’on est en phase d’amorçage est un
jeu d’équilibriste pour un créateur
d’entreprise. Mais dire que le business plan est conservateur alors
quelechiffred’affairesprévuatteint
des millions n’est pas très convaincant.« Unestart-upquisepositionne
« Monconseil à tous les
entrepreneurs : aller à
l’international très vite »
Pascal SITTLER/REA
INTERVIEW
VINCENT RICORDEAU
cofondateur et président
de KissKissBankBank
Propos recueillis par
Yves Vilaginés
[email protected]
Souhaitez-vous une évolution du cadre juridique et
fiscal du crowdfunding ?
L’association des plates-formes, Financement participatif
France, demande le relèvement
du seuil individuel des prêteurs
de 1.000 à 5.000 euros par opération. Personnellement, je
pense que c’est prématuré.
Nous sommes encore en phase
de pédagogie, et nous devons
assurer un travail de prudence
collective. Dans le prolongement de la loi sur les prêts interentreprises, nous demandons
que les personnes morales
puissent s’inscrire sur nos plates-formes. Rappelons aussi
que depuis le 1er janvier 2016, les
particuliers peuvent déduire
les pertes de leurs gains avant
déclaration fiscale.
Vous avez annoncé vouloir
aller sur le « crowd equity ».
Quand vous lancerez-vous ?
Aujourd’hui, nous sommes
dans le don contre don avec
KKBB, les prêts entre particuliers jusqu’à 10.000 euros avec
Hellomerci et les prêts de particuliers aux entreprises avec
L e n d o p o l i s . No u s a l l o n s
d’abord renforcer ces trois activités, et puis nous lancerons
une plate-forme d’equity, dans
dix-huit mois environ.
Vous êtes un acteur du
financement des start-up
et une start-up vous-même.
Quelles sont, selon vous, les
faiblesses de l’écosystème
français ?
L’amorçage a longtemps été un
maillon faible. Ça va un peu
mieux avec le développement
des réseaux de business angels,
de quelques fonds et du
crowdfunding. Les problèmes
viennent après les premières
levées, les séries A et B. Les
séries C sont compliquées parce
que le passage à l’international
est compliqué, et que les grands
groupes français ne jouent pas
lejeu.LesEtats-Unisontcrééun
cercle vertueux : les start-up
lèvent cinq à six fois plus
d’argent qu’en Europe ou elles
sont rachetées par de grands
groupes, puis les « serial entrepreneurs » repartent créer ou
financer d’autres start-up.
Pourquoi KKBB n’est-il pas
plus développé à l’international, et notamment
aux Etats-Unis ?
On a démarré très peu de temps
après le leader américain
Kickstarter. Lui en avril 2009 et
nous en septembre de la même
année. Au bout d’un an déjà, les
Américains étaient 50 fois plus
puissants que nous. Ils ont collecté 5 millions de dollars la
première année et nous
100.000 euros. Aujourd’hui
encore,ilssont50foisplusgros.
LanceruneboîteenFrance,c’est
compliqué en termes de perspectives. Et c’est vrai que nous
avons été prudents, un peu frileux. Mais en 2011, quand on a
discuté avec des fonds d’investissement anglo-saxons, ils
nousdisaientquelabatailleface
à Kickstarter ou Indiegogo était
déjà perdue. Il existait alors une
centaine de plates-formes de
crowdfunding aux Etats-Unis.
C’est aussi pour cela que nous
avons fait le choix de la diversification. Mon conseil à tous les
entrepreneurs, c’est d’aller à
l’international très vite. n
sur un marché qui pèse 40 milliards
d’euros et qui affirme, par exemple,
pouvoir prendre 1 % de ce marché n’a
pas une vision réaliste », illustre
Benoist Grossmann, managing
partner chez Idinvest.
Ce qu’il faut faire : Montrer que
vous avez les pieds sur terre. Pour
cela, le plus important est d’être
capable de discuter de l’ensemble
des hypothèses qui vous ont permis
d’arriver à ce business plan. « Il ne
faut pas hésiter à se remettre en question, affirme Benoist Grossmann.
Les entreprises les plus prospères
n’ont pas réussi du premier coup, et
le monde est très mouvant : ce qui
marche aujourd’hui pourrait bien ne
plus marcher dans trois ans. » Etre
capable de jouer à ce jeu de questions-réponses est primordial,
notamment pour définir ses priorités. « Les business plans qui sont présentés ne se réalisent jamais comme
prévu, affirme Jérôme Faul. Nous
sommeslàavanttoutpourcomprendre le cheminement de l’entrepreneur et comprendre ses hypothèses. » Il faut également être capable
de dire ce qui se passera si, sur les
500.000 euros demandés, la levée
n’a t t e i n t f i n a l e m e n t q u e
300.000 euros. « Nous ne leur
demandons pas forcément d’avoir
toutes les réponses, mais d’avoir
réfléchi à ces questions avant de venir
nous voir », affirme Mounia Rkha.
« Nous n’avons pas
de concurrents »
« Quand on creuse, on trouve toujours des concurrents, donc dire qu’il
n’y en a pas donne l’impression que le
créateur ne connaît pas le marché »,
analyse Mounia Rkha. Un avis que
partage Benoist Grossmann : « Soit
il n’y a pas de marché, soit l’entrepreneur n’a pas vu ses concurrents.
Dans les deux cas, ce n’est pas à son
avantage. »
Ce qu’il faut faire : Ne pas ignorer
sa concurrence, même quand elle
est indirecte. « L’innovation est un
processus d’offre et non pas de
demande, mais il faut que l’offre ait
un écho et qu’elle réponde à un
besoin. Quand il n’y a pas de concurrents, c’est que le marché n’est pas
encore là », explique Tanguy de La
Fouchardière.
« Je peux y arriver seul »
Une personne seule ne peut
pas maîtriser à la fois le produit, le
business développement, le management et la gestion de son entreprise. « Souvent, elle maîtrisera l’un
des deux premiers piliers, mais il lui
faut s’entourer de personnes qui vont
gérer et manager »,explique Tanguy
de La Fouchardière.
Ce qu’il faut faire : S’entourer de
compétences complémentaires.
« Ce qui fait avant tout le succès d’une
société, c’est une équipe dirigeante.
Une idée ne vaut que par son exécution », analyse Benoist Grossmann.
Les fonds vont souvent essayer de
comprendre l’histoire qui lie les dif-
férents membres de l’équipe afin
d’en tester la solidité. « Plus tôt un
entrepreneur recrute une équipe et
mieux c’est, car cela montre qu’il a
compris qu’il ne peut pas maîtriser
l’ensemble du développement de son
entreprise seul », note Jérôme Faul.
« Il y a d’autres fonds
intéressés »
Une levée de fonds ne représente
pas seulement un investissement
financier : c’est aussi un investissement en termes de temps de la part
des fonds qui croient en un projet et
veulent le faire réussir. « Nous
savons qu’il faut être rapides, mais
attention à ne pas paraître présomptueux », note Mounia Rkha.
Ce qu’il faut faire : « Si un fonds
plaît vraiment, il faut le montrer »,
affirme Mounia Rkha. Cela ne veut
pas dire que l’on ne peut pas être
en relation avec d’autres fonds,
mais les affinités qui se créent lors
d’une rencontre ne seront pas les
même d’un fonds à un autre. A
l’inverse, se voir refuser une rencontre par un fonds ne veut pas
forcément dire que le projet est
mauvais : « Chaque fonds investit
sur des thématiques bien particulières, explique Jérôme Faul. Si un
fonds ne reçoit pas un entrepreneur,
il ne faut pas qu’il prenne cette
réponse négative comme un jugement de valeur. » n
CoMMuNIqué
SALON DES ENTREPRENEURS DE PARIS
19 millions de Français rêvent
de se mettre à leur compte ! *
Le 23ème Salon des Entrepreneurs de Paris ouvre ses portes aujourd’hui au Palais des Congrès
de Paris. Plus de 65 000 créateurs, start up et dirigeants d’entreprises sont attendus pour
participer à la plus grande manifestation européenne consacrée à l’entrepreneuriat.
* Sondage OpinionWay pour l’UAE - Fondation Le Roch-Les Mousquetaires - Salon des Entrepreneurs (28/01/16)
Photo : © Driss Hadria
CHIFFRES CLÉS
65 000 visiteurs attendus
2 000 experts mobilisés
400 partenaires et exposants
200 conférences et ateliers
10 temps forts et débats d’actualité
150 personnalités économiques
ENTRETIEN VALéRIE PéCRESSE, Président de la Région Ile-de-France
Faire de l’Ile-de-France la première
« smart région » d’Europe
En France, on n’a pas de pétrole,
mais on a des start-ups ! Ce n’est
plus un secret pour personne :
notre pays est une terre fertile
pour la création d’entreprises
innovantes. L’Ile-de-France peut
s’enorgueillir de compter la moitié des 12 000 start-ups françaises. C’est plus qu’à Londres et
à Berlin !
L’Ile-de-France a en effet tous les
atouts pour devenir la première
« smart région » d’Europe : des
écoles et universités high-tech de
haut niveau, des pôles de compétitivité de réputation internatio-
nale, une des plus fortes concentrations scientifiques en Europe
et surtout, la soif d’entreprendre
de milliers de jeunes talents.
Mais sommes-nous à la hauteur de cette génération qui
invente, entreprend et prend
des risques ? A l’évidence non.
Nos jeunes pousses peinent à
grandir, à se financer, à prospérer, et donc à créer des emplois.
Le taux de croissance moyen des
start-ups franciliennes est l’un
des plus faibles d’Europe. Les
financements arrivent encore au
compte-gouttes.
C’est en levant les blocages, en
simplifiant les procédures administratives, en facilitant l’accès
aux financements en mettant
l’innovation technologique au
cœur du développement économique régional que nous pourrons faire fructifier ce formidable
vivier créatif.
Parce que le numérique est un accélérateur puissant de croissance
et de création d’emplois, qu’il
peut transformer la vie des Franciliens, la Région doit désormais
se considérer comme le premier
des « incubateurs » de start-ups.
TRIBuNE JEAN-LouIS MISSIKA, Adjoint au maire de Paris chargé de l’urbanisme, de l’architecture,
des projets du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité
Paris, hotspot pour les startups et
l’innovation
Pour Paris, devenir le leader mondial de l’innovation n’est pas seulement une ambition : c’est une
vocation.
La densité d’incubateurs, de startups, de grands groupes engagés
dans des programmes d’open
Innovation a changé les regards
portés depuis l’étranger sur les
potentialités du marché parisien.
Avec un concentré unique de
laboratoires de recherche, d’universités et d’écoles reconnus
mondialement, nous disposons
d’atouts exceptionnels. Et l’Arc de
l’innovation métropolitain ouvre
aujourd’hui un horizon et des
perspectives inédits.
« Ces dernières
années, l’écosystème
de startups parisien
a fait preuve d’une
dynamique
remarquable »
Ces dernières années, l’écosystème de startups parisien a
fait preuve d’une dynamique
remarquable, emmenée par une
nouvelle génération d’entrepre-
neurs, investisseurs, ingénieurs,
designers et de nombreux autres
talents, parisiens, français mais
aussi internationaux.
Nous voulons ouvrir nos incubateurs aux talents et idées du
monde entier. Grâce à de nombreux dispositifs, tels que le Paris
French Tech Ticket, le Paris Landing Pack, la mise en place de
jumelages avec de grandes métropoles internationales et l’organisation du Hacking de l’Hôtel de
Ville 2016, Paris est prête à recevoir toutes les énergies et toutes
les audaces.
Le travail collaboratif,
aiguillon dans la réforme
du travail indépendant
Par FRANçoIS HuREL, Président de l’union
des Auto-Entrepreneurs
Consommateurs à 84% des plateformes de services, d’achat ou de
vente (Priceminister, Amazon, Leboncoin, eBay, uber...), les Français
ont changé leur regard sur le statut d’indépendant, avec lequel ils
sont devenus familiers. C’est pour eux la forme d’activité amenée à se
développer à l’avenir (66% contre 32% pour le salariat)*.
on sait maintenant que l’emploi de demain ne sera pas le CDI, mais
qu’il sera fait de travail salarié et de travail indépendant, c’est-à-dire
d’activités. Si nos modes de consommations se voient à ce point transformés par les plateformes en ligne, nous le devons pour une bonne
part à ces « nouveaux indépendants », qui permettent la grande agilité de ces nouveaux services. L’auto-entrepreneur, qui crée lui-même
son emploi, s’associe à d’autres, collabore avec les plateformes numériques ou vient travailler dans l’entreprise, y a toute sa place.
une vigilance sur les usages de ces plateformes est bien sûr plus que
jamais nécessaire. Mais il faudra aussi et surtout mieux protéger le
statut d’indépendant pour ne pas créer une société à deux vitesses
opposant salariés et non salariés. L’impact de cette révolution du travail en matière de lutte contre le chômage et d’intégration professionnelle des jeunes sera sans nul doute considérable, mais il s’agit aussi
d’un enjeu de société, pour que nous puissions tous mieux travailler
ensemble. Espérons que ce message sera entendu dans le cadre des
aménagements du statut d’indépendant, actuellement à l’étude par
le gouvernement.
* Sondage OpinionWay pour l’UAE - Fondation Le Roch-Les Mousquetaires - Salon des
Entrepreneurs réalisé auprès d’un échantillon de 1021 Français, représentatif de la population
française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, interrogés par Internet, sur
système CAWI, les 6 et 7 janvier 2016
LES TEMPS FoRTS Du SALoN
PLéNIÈRE D’ouVERTuRE
Tous entrepreneurs ! Les règles d’or pour se lancer en 2016.
Mercredi 3 février - 11h00 à 12h30
PLéNIÈRE « REPRISE D’ENTREPRISE »
Entrepreneurs, les clés d’une démarche de réussite réussie !
Mercredi 3 février - 14h00 à 15h30
PLéNIÈRE « START uP FACToRY »
Start up : décryptage des modèles gagnants.
Mercredi 3 février - 14h00 à 15h30
PLéNIÈRE « SMALL BuSINESS TECH »
Les incontournables de votre transformation digitale !
Mercredi 3 février - 16h30 à 18h00
PLéNIÈRE « JEuNES »
étudiants et jeunes diplômés : créez votre entreprise !
Mercredi 3 février - 16h30 à 18h00
Parmi les 150 personnalités attendues…
PLéNIÈRE « FEMMES »
Femmes entrepreneurs : les clés pour réussir et se développer !
Jeudi 4 février - 10h00 à 11h30
LE « GRAND DéBAT » Du SALoN
Même pas peur ! qui sont ces entrepreneurs qui osent tout ?
Jeudi 4 février - 11h00 à 12h30
M. Valls
P. Arraou
C. Barbaroux
F. Bergerault
X. Bertrand
P. Boistard
S. Burggraf
G. de Becdelievre
A. de Riedmatten
P. Delerive
N. Dufourcq
PLéNIÈRE « FINANCEMENTS »
Crowdfunding : pourquoi ? Pour qui ? A quel moment ?
Comment ?
Jeudi 4 février - 14h00 à 15h30
PLéNIÈRE « ESS »
P. Eydoux
F. Fillon
S. Forest
P. Gattaz
G. Gauthey
G. Gibault
F. Hurel
P. Laigneau
T. Lanxade
Y. Lapierre
C. Lazorthes
Entrepreneurs sociaux, ces entrepreneurs qui changent
le monde !
Jeudi 4 février - 14h00 à 15h30
PLéNIÈRE DE CLÔTuRE
M-L. Le Barzic
B. Le Maire
N. Leeder
G. Leseur
M. Lévy
T. Mandon
C. Menager
D. Morin
A . Paluel-Marmont
V. Pécresse
M. Pinville
opportunités de business pour réussir en France et
à l’international.
Jeudi 4 février - 16h30 à 18h00
PRoGRAMME CoMPLET
et invitation gratuite sur
D. Restino
Q. Sannié
M. Sapin
C. Sautter
L. Schweitzer
H. Seydoux
H. Sibille
L. Solly
J-L. Vergne
J-P. Vermes
P. Wahl
salondesentrepreneurs.com
SPÉCIAL SALON DES ENTREPRENEURS PARIS // 07
Les Echos Mercredi 3 février 2016
CROWDFUNDING// Ouvrir son capital à des dizaines, voire des centaines de particuliers, via Internet : la pratique est
encore récente. Mais elle se développe vite, très vite. Témoignages d’entrepreneurs passés par le « crowd equity »…
Portées parlafoule,cesentreprises
ont faitappelaufinancementparticipatif
Bruno Askenazi
D
ivine surprise pour Poietis. La start-up visait
600.000 euros de collecte
sur la plate-forme d’investissement
participatif Wiseed. Finalement, le
compteur s’est arrêté fin décembre 2015 à 950.000 euros – quasiment le maximum autorisé par la
réglementation (1 million d’euros).
Environ 800 investisseurs particuliers, regroupés dans un holding,
ontprisuneparticipationdanscette
entreprise fondée il y a deux ans à
peine. Sans doute ont-ils été sensibles à l’impact sociétal d’un projet
également prometteur sur le plan
financier. Poietis a inventé une technologie de tissus « biologiques »
pour remplacer les tests sur les animaux, et a déjà signé avec de grandes firmes comme BASF.
Apparues en majorité à partir de
2012, les plates-formes d’investissement participatif (« crowd equity »)
attirent un nombre croissant de
PMEoudestart-upàlarecherchede
fonds pour passer à la vitesse supérieure. Après avoir prouvé la viabilité de leur concept et trouvé leurs
premiers clients, celles-ci en sont au
stade où ellesontfaimd’argentpour
consolider leur technologie et/ou se
déployer à l’international. D’après
Tousnosprojets.fr, place de marché
dédiée au crowdfunding, 151 projets
pour un montant total de 57 millions d’euros ont été financés par le
« crowd equity » depuis septembre 2013. Ces intermédiaires qui
mettent en relation investisseurs
particuliers et PME (SA ou SAS)
entendent combler un vide. Entre
300.000 euros et 1 million de prise
de participation, les investisseurs
ne se bousculent pas : trop gros à
avaler pour les business angels, pas
assezcostaudpourlecapital-risque.
« Au départ, nous avons rencontré
plusieurs fonds, mais, comme l’entreprise était jeune, on se faisait massacrer sur la valorisation. Nous nous
sommesalorstournésversSmartAngels, où la collecte a atteint plus de
800.000 euros – le double de nos
attentes », explique Antoine Vigneron, cofondateur de M. Moustache,
une marque de chaussures premium lancée en 2012.
cès, selon Tousnosprojets.fr. Le facteur clef : une implication forte des
dirigeants. En amont de la phase de
collecte, il est impératif de solliciter
son réseau professionnel, ses proches, sa famille, où peuvent se trouver les premiers actionnaires. Ne
pas hésiter non plus à utiliser les
réseaux sociaux pour annoncer sa
levée de fonds. « Avant le coup
d’envoi, il faut avoir verrouillé 30 %
de l’opération, soutient Antoine
Vigneron. En fin de première
semaine, 50 % de l’objectif doit être
atteint. C’est un élément rassurant
qui va pousser de nouveaux investisseurs à miser sur vous. » Pendant la
campagne, l’entrepreneur doit être
mobilisé. « Avec mon associé, on se
relayait sur le site pour répondre aux
questions des investisseurs en moins
de 48 heures, raconte Fabien Guillemot. Une réactivité très appréciée. »
Mais ces plates-formes sont-elles
vraiment adaptées à tous les projets ? C’est la limite du système. La
fouledesinvestisseursseraplusdisposée à ouvrir son portefeuille pour
un projet grand public. Moins pour
des technologies innovantes qui
n’enthousiasment qu’une minorité
de spécialistes. Certaines platesformes privilégient d’ailleurs les
entreprises s’adressant au consommateur lambda. n
Le « crowd equity » attire un nombre croissant de PME ou de start-up. Photo Chad Batka/NYT-REDUX-REA
belle caisse de résonance. « De sorte
que des “business angels” informés
par notre campagne se sont joints au
tour de table, portant l’augmentation de capital à 1,2 million d’euros »,
précise Fabien Guillemot, président de Poietis.
Encore faut-il être sélectionné
par les plates-formes parmi de
très nombreux candidats. Sur
1.500 dossiers reçus en 2015, SmartAngels en a fait financer 15. Les processus de filtrage se ressemblent
d’une structure à l’autre. Chez
Doper la visibilité
Outre l’espoir de valoriser l’entreprise dans de bonnes conditions, le
financement participatif permet
de doper la visibilité. Pendant plusieurs mois, votre projet est exposé
sur le Web, vu par les membres de
la plate-forme, qui le relaient à leur
tour sur les réseaux sociaux. Une
Wiseed, un comité hebdomadaire
fait un premier écrémage, qui permet d’éliminer ceux qui n’ont
aucune chance d’intéresser les
investisseurs. Les rescapés présentent ensuite leur projet sur le site
pourrecueillirlesavisdes membres
et leurs intentions d’investissement.
Un test grandeur nature. Seuls ceux
qui auront fait réagir suffisamment
d’investisseurs continuent la
course. Ils feront alors l’objet d’un
audit approfondi. Sont négociés les
besoins de financement, la valorisa-
tionetlepacted’actionnaires.Encas
d’accord, le projet est mis en ligne
pour la phase de collecte. Ce marathon prend en moyenne cinq à
six mois. « J’ai présenté l’entreprise
devant une assemblée d’investisseurs
à Paris. S’ils m’ont suivi, c’est que
mon projet lancé en 2009 est pertinent. La démarche permet de valider
vos idées », rappelle Xavier Mahieu,
PDG de Brazeco (bois compressé),
qui a levé 150.000 euros sur Raizers.
Dans les trois quarts des cas, les
opérations se terminent par un suc-
Comparatif de cinqplates-formesdefinancementparactions
Une bonne vingtaine de platesformes existent aujourd’hui en
France. Derrière les pionnières du
marché (Anaxago, Wiseed et
SmartAngels), la liste des prétendants s’allonge : Kiosk To Invest,
Hoolders, Happy Capital, Sowefund, Raizers, 1001PACT… Une
kyrielle de nouveaux acteurs se
bousculent avec plus ou moins de
succès. Pour l’entrepreneur en
quête de fonds, le choix de la plateforme est un sujet important. Tandis que certaines examinent des
dossiers à partir de 10.000 euros,
d’autres démarrent à 250.000 minimum. Les plus sérieuses, celles
étant agréées « conseiller en investissements participatifs » par
l’Autorité des marchés financiers,
procèdent à une sélection très dure.
Beaucoup de candidats et peu
d’élus, c’est la règle. — B. A.
4
4
1.
ANAXAGO
de création : 2012.
• Date
Fonds levés en 2015
•(hors
immobilier) :
8 millions d’euros.
Nombre de projets
financés (2015) : 15.
Taux de commission :
5 % + frais de gestion
annuels 5.000 euros.
Top 3 des opérations 2015 :
Novolyze (900.000 euros),
GenePred (700.000 euros),
Flashgap (600.000 euros).
L’une des plates-formes
à la plus forte notoriété, qui
attire beaucoup de dossiers.
Ne sont retenus que les projets à très haut potentiel de
croissance. Dans la moitié
des cas, l’opération (minimum 250.000 euros) s’inscrit
dans un tour de table où s’invitent d’autres investisseurs.
•
•
•
•
Traçabilité
desbagages :
objectifatteint
DR
WILLIAM TALA
Fondateur
« Nos investisseurs
particuliers vont
aussi promouvoir
la marque. »
d’eux. » 543.000 euros sont finalement levés sur Sowefund, plus que
les 350.000 euros prévus ! Difficile
de fixer un objectif de collecte ?
4
3.
SMARTANGELS
4
4
4.
SOWEFUND
5.
WISEED
de création : 2014.
• Date
Montant levé en 2015 :
•2 millions
d’euros.
Nombre de projets
•financés
(2015) : 7.
de commission :
•deTaux
5 à 10 %.
Top 3 des opérations 2015 :
•Czapek
(900.000 euros), Bra-
de création : 2012.
• Date
Montant levé en 2015 :
•9 millions
d’euros.
Nombre de projets
•financés
(2015) : 15.
Taux de commission :
•entre
1 et 5,8 %.
Top 3 des opérations 2015 :
•Ween
(1,2 million d’euros),
de création : 2014.
• Date
levé en 2015 :
•2,3Montant
millions d’euros.
Nombre de projets
•financés
(2015) : 8.
Taux de commission :
•entre
5 et 8 %.
Top 3 des opérations 2015 :
•BlendBow
(409.000 euros),
de création : 2008.
• Date
levés en 2015 :
•10,8Fonds
millions d’euros.
Nombre de projets
•financés
(2015) : 32.
de commission :
•deTaux
8 à 10 %.
Top 3 des opérations 2015 :
•Poietis
(951.000 euros),
zeco (150.000 euros), Mon
Maître Carré (90.000 euros).
Nouvelle venue, la plateforme franco-suisse présente des projets à des investisseurs des deux côtés des
Alpes. Elle examine des dossiers à partir de 50.000 euros
dans tous les secteurs, avec
une préférence pour le
B to C. Pas de holding intermédiaire, les investisseurs
prennent des parts directement dans les entreprises.
Numa (945.000 euros),
M. Moustache (815.000 euros).
Elle ne propose pas de holding intermédiaire regroupant les investisseurs. Le
particulier investit directement dans l’entreprise de
son choix. Ce qui permet à
SmartAngels de pratiquer un
taux de commission plus bas
que la moyenne. Elle vient de
signer un partenariat avec
Fortuneo pour toucher les
365.000 clients de la banque.
BibeliB (393.000 euros),
Planet Ride (373.000 euros).
Elle vise des entreprises
innovantes de moins de
sept ans ayant déjà l’appui
de fonds d’entrepreneurs
ou de réseaux de business
angels. Les projets de
B to C sont privilégiés.
Levée de fonds minimum :
150.000 euros. Présidée
par Benoît Bazzocchi,
l’ancien dirigeant du réseau
Paris Business Angels.
Ecrins Therapeutics
(563.000 euros),
Cavissima (465.000 euros).
Pionnière, son point fort
est de réunir une vaste
communauté de 59.000 investisseurs particuliers.
Parmi les 103 projets financés depuis sa création, une
majorité de start-up dans la
santé, la biotech, la cleantech et le développement
durable. Opérations à partir
de 100.000 euros.
•
BIBELIB
En 2012, après quatre ans passés au
servicebagagesdel’aéroportRoissyCharles-de-Gaulle, William Tala
a l’idée de lancer des housses de
bagage équipées d’un système de
traçabilité. Pour lever des fonds et
accélérer son développement, le
fondateur de la start-up BibeliB ne
s’est pas trop posé de questions.
« Nous avons un produit grand
public. Il était cohérent que nos premiers investisseurs soient issus de
la foule, explique William Tala.
Cesparticuliersvontaussinousaider
à promouvoir la marque autour
2.
RAIZERS
« Nous avons beaucoup travaillé avec
laplate-formede“crowdequity”pour
sortir un montant cohérent, explique le président de BibeliB. Entre
la surestimation de ses besoins et la
tentation du seuil au rabais de peur
de ne pas séduire assez d’investisseurs,lapartieestdélicate. »Aufinal,
l’opération a attiré une cinquantained’actionnairesregroupésdans
un holding géré par la plate-forme.
Lerésultatd’unecampagnedecommunication intense. « J’ai participé
par exemple au tour de France du
financement participatif. Il est indispensable de créer une caisse de résonance autour de l’opération dès le
début. » Bingo ! Plusieurs co-investisseurs se sont joints au tour de
table en cours de route, tels les
réseaux de business angels Coalescence et Val’Angels (partenaire
investisseur de Sowefund). Des
capitauxquivontserviràrecruter,à
renforcer les stocks et à développer
la communication autour de la
marque, déjà presque plus connue
au Japon qu’en France. —B. A.
•
•
•
MAC-LLOYD
Descapteurs
deperformance
sportive
EMMANUEL
DE LA TOUR
Cofondateur
En moins de trois ans d’existence,
Mac-Lloyd a déjà convaincu une
vingtaine de clubs sportifs prestigieuxd’adoptersescapteursrévolutionnaires pour améliorer les performances de leurs joueurs. Pour
accélérer à l’international, consolider la R&D et financer les dépôts de
brevet, la start-up française a maintenant besoin de 1 million d’euros.
Le temps d’une première levée de
fonds est donc venu. « Une technologie distinguée par le concours mondialdel’innovation,duchiffred’affai-
DR
Une vingtaine d’acteurs
existent dans l’Hexagone.
Pour l’entrepreneur, il s’agit
de faire le bon choix.
« Le “crowd equity”
est moins contraignant
que les fonds
classiques. »
res avec quelques grands clubs,
comme l’Olympique Lyonnais… et
pourtant les fonds classiques restaient réticents. Le “crowd equity”
était une bonne alternative »,
raconte Emmanuel de La Tour,
cofondateur avec Pierre Coquelin
de l’entreprise. Un dossier a été
déposé chez Anaxago en juin 2015.
La campagne, mise en ligne sur la
plate-forme à l’automne, est sur le
point de se terminer. Verdict : déjà
plus de 600.000 euros collectés
auprès de futurs actionnaires.
Le concept parle facilement à des
particuliers. C’est un des facteurs
de succès de cette levée de fonds. Et
le signe que le buzz autour de l’opération a très bien fonctionné : un
média devrait faire son entrée au
capital à hauteur de 200.000 euros,
assurent les dirigeants. Pour eux
deux, le « crowd equity », outre une
plus grande rapidité des délais
(six mois en tout), promet « moins
de contraintes que les fonds classiques en termes de gouvernance ».
Les deux fondateurs vont céder
27 % du capital, mais ne veulent pas
avoir « les mains liées », notamment
pour mettre en œuvre des partenariats commerciaux. — B. A.
08 // SPÉCIAL SALON DES ENTREPRENEURS PARIS
Mercredi 3 février 2016 Les Echos
PALMARÈS// Bernard Arnault, Xavier Niel, Vincent Bolloré, Alain Afflelou et Frédéric Mazzella dominent le classement 2016.
a
Exclusif : Bernard Arnault,
Xavier Niel, Vincent Bolloré,
Alain Afflelou et Frédéric
Mazzella parlent
de leur succès
et de leurs erreurs sur
business.lesechos.fr/entrepreneurs
« Un facteur clef
de ma réussite a été,
je crois, mon adéquation personnelle
aux métiers du luxe
combinant la
créativité, un certain
sens artistique,
le goût de l’innovation, avec une grande
rigueur opérationnelle et la recherche
permanente de la
qualité. Cela en
privilégiant le long
terme. »
BERNARD ARNAULT
Président du groupe LVMH
« Je crois au facteur
chance. J’ai eu
la chance d’être au
bon endroit,
au bon moment.
Un entrepreneur
doit faire preuve de
ténacité, aller au fond
des sujets. Mais il
doit aussi avoir
l’intelligence de pivoter, de se retourner
si les choses
ne marchent pas.
C’est un équilibre. »
« Notre groupe est
avant tout une entreprise familiale. Cela
nous a permis de
prendre des risques
industriels considérables sans se soucier des exigences
de rentabilité à court
terme des marchés
financiers. »
VINCENT BOLLORÉ
PDG du groupe Bolloré
AFP / Kenzo Tribouillard
AFP / Eric Piermont
AFP / Eric Piermont
Le Top5desentrepreneurs
préférés desFrançais
AFP / Eric Piermont
B
ernard Arnault, fondateur
du groupe LVMH, propriétaire du Groupe Les Echos,
est l’entrepreneur préféré des Français. Le sondage réalisé par l’institut BVA pour le Salon des entrepreneurs le place nettement en tête
avec 32 % des réponses (trois choix
possibles). Suivent Xavier Niel
(25 %), Vincent Bolloré (24 %),
Alain Afflelou (21 %) et Frédéric
Mazzella (17 %). Ce Top 5 consacre
trois générations d’entrepreneurs :
Bernard Arnault (66 ans), Vincent
Bolloré (63 ans) et Alain Afflelou
(68 ans). Les deux premiers ont
repris l’entreprise familiale. Bernard Arnault a repris celle créée
par son grand-père, à Roubaix,
dans le BTP, et en fera un des leaders des maisons de loisirs avant de
bâtir son empire dans le luxe. Vincent Bolloré et son frère MichelYves ont eux repris la papeterie
familiale dont l’origine remonte au
XIX e siècle. Vincent Bolloré est
aujourd’hui à la tête d’une groupe
diversifié dans l’industrie et les
médias. Opticien de formation,
Alain Afflelou a lui ouvert en 1972
un premier magasin d’optique près
de Bordeaux, avant de créer un
réseau de franchise. La deuxième
génération est celle de Xavier Niel
(48 ans), celle des entrepreneurs
nés de l’essor de la télématique puis
de l’Internet. Enfin, Frédéric Mazzella (40 ans) symbolise l’avenir.
Son entreprise, créée il y a dix ans,
incarne l’économie collaborative à
la française.
Ce palmarès pointe aussi cruellement l’une des réalités de l’entrepreneuriat en France : l’absence de
femmes. Bien qu’elles créent un
tiers des entreprises, elles sont très
minoritaires dans les projets
d’importance. La première
femme, Mercedes Erra, cofondatrice de l’agence de publicité BETC.
arrive en 19e position.
Pascal Sittler / RÉA
Yves Vilaginés
[email protected]
« Un entrepreneur
ne doit jamais
considérer que le
succès d’aujourd’hui
sera celui de demain.
Il doit toujours
travailler, viser
un peu plus haut,
être ambitieux
sans être prétentieux
et cultiver la relation
humaine. »
ALAIN AFFLELOU
Fondateur du réseau d’optique
Alain Afflelou
XAVIER NIEL
Fondateur, actionnaire majoritaire et dirigeant d’Iliad Free
« Pour démarrer
un projet ambitieux,
il faut des personnes
extrêmement
motivées et savoir
les recruter est
la clef. Entreprendre
est un chemin difficile, mais qui devient
un plaisir si on
construit un produit
ou un service
qu’on utiliserait
soi-même. »
FRÉDÉRIC MAZZELLA
Cofondateur de BlaBlaCar
SUR LE WEB
LE AIRBNB DU TRACTEUR
A trois semaines du prochain Salon de
l’agriculture, notre dossier « L’innovation est
dans le pré » part à la découverte de start-up
qui facilitent le quotidien des agriculteurs grâce
aux technologies numériques. Comme, par
exemple, Wefarmup qui propose la location
et le partage de machines agricoles.
business.lesechos.fr/entrepreneurs
ENTREPRENEURS, PRENEZ SOIN DE VOUS !
Les chefs d’entreprise manquent de sommeil,
200 heures en moyenne par an, et négligent leur
santé. Absorbés par le travail, stressés et
surmenés, ils risquent le burn-out, mais sont
aussi plus souvent atteints par des troubles
musculo-squelletiques et des maladies cardiovasculaires. Nos conseils pour rester en forme…
business.lesechos.fr/entrepreneurs
Photo Shutterstock
REPRENDRE OU CÉDER SON ENTREPRISE
Selon une étude récente, 15.000 PME et
170.000 TPE changeront de mains dans les
prochaines années à cause de l’âge avancé
du dirigeant. Comment préparer une vente
ou un rachat ? Comment évaluer une
entreprise ? Comment formaliser une cession ?
Notre rubrique Reprendre une entreprise sur
business.lesechos.fr/entrepreneurs
FISCALITÉ, SOCIAL, RH : QUOI DE NEUF ?
De l’augmentation du SMIC à 9,67 euros brut à
compter du 1er janvier, à l’obligation pour les
entreprises ayant des filiales à l’étranger
d’établir un reporting pays par pays, en passant
par le relèvement du plafond annuel de la
Sécurité sociale… Toute l’actualité sociale,
juridique et fiscale est sur
business.lesechos.fr/entrepreneurs
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