IRM et prix Nobel de médecine physiologie 2003
Transcription
IRM et prix Nobel de médecine physiologie 2003
UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE 1339 IRM et prix Nobel de médecine physiologie 2003 par Alfred MATHIS Lycée Jean Rostand - 67000 Strasbourg [email protected] RÉSUMÉ Le prix Nobel de médecine physiologie 2003 récompense un chimiste et un physicien dont les travaux ont permis d’adapter la résonance magnétique nucléaire à l’imagerie médicale. 1. LES LAURÉATS Le prix Nobel de médecine physiologie 2003 a été décerné, par l’Académie royale des sciences de Suède, à : ♦ Paul LAUTERBUR, chimiste américain, né en 1929, professeur à l’université de l’Illinois ; ♦ Peter MANSFIELD, physicien britannique, né en 1933, professeur émérite à l’université de Nottingham ; pour leurs travaux d’adaptation des techniques de résonance magnétique nucléaire au diagnostic médical [1-2]. 2. LES TRAVAUX DES LAURÉATS Dans les années 1970 Paul LAUTERBUR a découvert qu’en agissant sur l’intensité du champ magnétique d’un appareillage de RMN on pouvait créer des images en deux dimensions. Peter MANSFIELD a mis au point le traitement mathématique et les méthodes d’analyse par ordinateur des signaux ce qui a permis d’utiliser cette technique en médecine en particulier grâce à des vitesses élevées d’acquisition de l’image. Vol. 98 - Octobre 2004 Alfred MATHIS 1340 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE 3. BREF HISTORIQUE DES PRINCIPALES MÉTHODES DE DIAGNOSTIC MÉDICAL [3-4] Date Événement vers 400 av. J.-C. Concept de maladie Thermomètre médical 1612 1660 Microscope optique 1810 Stéthoscope 1895 Rayons X Produits de contraste pour radiographie 1905 1952 Échographie 1957 Endoscopie à fibre optique 1973 Tomodensitométrie (scanner) 1981 Imagerie par résonance magnétique (IRM) Tomographie par émission de positrons (PET) 1985 Concepteur Hippocrate Sanctorius René LAENNEC Wilhelm RÖNTGEN Jean Athanèse SICARD Iann DONALD Basil HIRSCHOWITZ Godfrey HOUNSFIELD 4. L’IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE 4.1. Les prix Nobel et la RMN La découverte de la RMN a valu le prix Nobel de physique, en 1952, à Felix BLOCH et Edward Mills PURCELL [5]. En 1991 c’est Richard ERNST qui reçoit le prix Nobel de chimie pour la mise au point de la RMN 2D (à deux dimensions). En 2002 le prix Nobel de chimie récompense Kurt WÜTHRICH pour le développement de la RMN appliqué à l’identification de la structure tridimensionnelle de macromolécules en solution [5]. Enfin en 2003 le prix Nobel de médecine physiologie est attribué pour l’adaptation de la RMN au diagnostic médical. 4.2. Généralités sur l’imagerie par résonance magnétique Il s’agit bien de l’imagerie par résonance magnétique nucléaire mais le terme nucléaire a été enlevé de la terminologie de cette méthode de diagnostic médical sans doute pour ne pas trop effrayer les patients. L’efficacité de l’IRM vient du fait que le corps humain contient environ 70 % en masse d’eau et que les atomes d’hydrogène donnent un signal RMN. Non seulement l’eau mais aussi les corps gras constituant les milieux biologiques du corps contiennent des atomes d’hydrogène. Un tissu altéré par une pathologie ne contient pas la même proportion d’eau que le IRM et prix Nobel de médecine physiologie 2003 Le Bup no 867 (1) UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE 1341 même tissu sain, il présentera aussi une cinétique métabolique différente et pourra donc de ce fait être repéré [6-7]. La technique de diagnostic par IRM est particulièrement utile pour des lésions du cerveau, de la colonne vertébrale, des articulations, du cœur, du foie, du pancréas et des reins. L’imagerie par résonance magnétique a permis de remplacer diverses méthodes d’investigations pénibles pour le patient en évitant, dans beaucoup de cas, l’injection de substances de contraste dans l’organisme. Dans certains cas cependant des agents de contraste sont nécessaires tels les gadocycles contenant du gadolinium fortement paramagnétique [8]. Les gadocycles sont des complexes hydrophiles ce qui permet leur élimination par voie rénale. Cependant lors de l’examen, qui dure de vingt à quarante minutes environ, le patient doit rester absolument immobile dans l’appareil. À cause du champ magnétique intense existant à l’intérieur de l’appareil le port de stimulateur cardiaque ou de valves cardiaques métalliques constitue des contre-indications. 4.3. Appareillage 4.3.1. Généralités Le corps du patient est placé dans un appareil cylindrique à l’intérieur duquel on peut générer un champ magnétique homogène, stable dans le temps et puissant de 0,5 à 2,5 T pour les appareils classiques. Certains appareils donnent des champs magnétiques de 4 T. Ces champs magnétiques importants sont obtenus à l’aide d’un matériau supra conducteur à base de cuivre allié avec du niobium et du titane [9]. Un dispositif de refroidissement avec, par exemple de l’hélium liquide doit être prévu. La figure 1 montre, de façon très simplifiée, cet appareil en coupe. Figure 1 : Coupe schématique d’un appareil à IRM. Vol. 98 - Octobre 2004 Alfred MATHIS 1342 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE 4.3.2. Mise en œuvre Le champ magnétique appliqué au niveau de la zone à étudier oriente le moment magnétique de tous les atomes d’hydrogène dans le sens du champ magnétique extérieur. Grâce à une radiofréquence, émise par une antenne, l’orientation des moments magnétiques des atomes d’hydrogène est momentanément changée. En reprenant leur orientation d’origine (relaxation) lors de la coupure de la radiofréquence extérieure les noyaux des atomes d’hydrogène restituent de l’énergie qui sera captée par une seconde antenne réceptrice. Cette technique est schématiquement illustrée par la figure 2. Figure 2 : Principe de la RMN. Le temps de relaxation dépend de différents facteurs. Dans les milieux biologiques ce temps dépend, entre autres, de la taille des cellules, de leur forme, de leur compacité, de leurs dispositions relatives. Ces informations donnent des renseignements sur les changements au niveau cellulaire ce qui permet de différentier des tissus sains de tissus malades [7-10]. L’image obtenue après les traitements mathématiques et informatiques donne donc une information sur la biochimie locale d’une partie d’organe ou de tissu. De nouveaux programmes informatiques permettent maintenant d’obtenir des images 3D. Selon la disposition des différents détecteurs on obtiendra des coupes transversales ou longitudinales (ou sagittale) des parties de corps explorées ce qui est illustré par les figures 3 et 4. Figure 3 : Plan d’exploration transversal. IRM et prix Nobel de médecine physiologie 2003 Figure 4 : Image IRM d’une tête. Le Bup no 867 (1) UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE 1343 Malheureusement l’utilisation de l’IRM est très chère. Il n’y a actuellement qu’environ deux cents appareils installés en France pour un parc mondial d’environ deux mille appareils. 4.4. Risques éventuels Au cours d’un tel examen le patient est soumis à trois phénomènes physiques : ♦ un champ magnétique statique intense ; ♦ des variations rapides du champ magnétique (pour la localisation dans l’espace) ; ♦ des ondes électromagnétiques de radiofréquence. Le champ magnétique statique de l’ordre de 2 T est environ 40 000 fois plus fort que le champ magnétique terrestre. Dans l’état actuel de nos connaissances aucun effet nocif sur l’organisme n’est connu. Les variations rapides du champ magnétique conduisent à des courants induits dont la densité de courant est cependant très inférieure au seuil de déclenchement de perturbations telle la fibrillation cardiaque par exemple. Les ondes radiofréquences utilisées provoquent un très léger échauffement localisé du corps de l’ordre de 0,2 °C ce qui ne provoque pas de troubles particuliers [11]. De plus tous ces effets ne se produisent que pendant une durée relativement courte. 5. PERSPECTIVES Comme en chimie, où l’on associe des techniques d’analyses telle la spectroscopie de masse avec des techniques chromatographiques pour parfaire les analyses, des associations de techniques d’investigation du corps sont également réalisées. Ainsi la résonance magnétique couplée à la médecine nucléaire et notamment à la tomographie par émission de positrons (β+), notée PET pour positron emission tomography, représente une formidable avancée dans le diagnostic médical. CONCLUSION L’attribution de ce prix Nobel de physiologie médecine à un chimiste et à un physicien démontre une fois encore tout l’intérêt de l’interdisciplinarité ainsi que le rôle central de la chimie dans les sciences médicales au service de l’homme [8]. BIBLIOGRAPHIE [1] [2] [3] [4] L’Actualité chimique, janvier 2004, n° 271, p. 43. Revue du palais de la découverte, novembre 2003, n° 312, p. 13. Encyclopédie médicale Larousse, 1991, p. 25. Eurêka, octobre 1998, n° 36. Vol. 98 - Octobre 2004 Alfred MATHIS 1344 UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE [5] MATHIS A. Prix Nobel de chimie 2002. Bull. Un. Prof. Phys. Chim., décembre 2003, vol. 97, n° 859 (1), p. 1623-1633. [6] Medizinische Diagnostik mit lokalisierter NMR Spektroskopie : Chemie in unserer Zeit, 1990, 24/1, p. 8. [7] NMR Spektroskopie : Praxis der Naturwissenschaften, 2004, 53/1, p. 2. [8] MEUNIER J.-P., SCHORSCH G. et ZIMMERMANN R. La chimie au service de l’imagerie médicale. L’Actualité chimique, novembre-décembre 2003, p. 49. [9] HENTSCHEL D. et VETTER J. 4T Ganzkörpermagnet. Physik in unserer Zeit, 1988, 19/6, p. 172. [10] Les défis du cea, juillet-août 2002, n° 92, p. 17. [11] BOUYSSY A., DAVIER M. et GATTY B. Physique pour les sciences de la vie (tome 3). Belin, 1988, p. 266. Alfred MATHIS Professeur de physique-chimie Lycée Jean Rostand Strasbourg (Bas-Rhin) IRM et prix Nobel de médecine physiologie 2003 Le Bup no 867 (1)