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Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine ASBL Belgisch Forum voor Preventie en Veiligheid in de Steden VZW SENTIMENT D’INSECURITE ET IMPACT DES MEDIAS Charleroi, 25 juin 2008 Actes de la journée d’études Sous la coordination de V. KETELAER, chargée de mission pour le FBPSU asbl, et assistée par L. NOLET, FBPSU asbl Réalisé avec l’aide de la Ville de Charleroi et le soutien de la Fondation Roi Baudouin dans le cadre du programme de lutte contre le sentiment d’insécurité Editeur responsable : W. DEMEYER, Président du Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine (FBPSU asbl) SENTIMENT D’INSECURITE ET IMPACT DES MEDIAS Le présent ouvrage constitue la publication des actes d’une journée d’études portant sur le sentiment d’insécurité et l’impact des médias. Cette journée a été organisée le 25 juin 2008 par le Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine asbl, avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin, dans le cadre du programme de lutte contre le sentiment d’insécurité. Vous y trouverez les textes intégraux des interventions des différents orateurs qui ont nourri la réflexion autour du thème des médias et de l’insécurité, ainsi qu’une synthèse des recommandations rédigée à l’issue de cette journée. REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier tout particulièrement la Fondation Roi Baudouin pour son soutien financier qui a permis que cette journée d’échanges soit organisée, la Ville de Charleroi pour son accueil chaleureux au sein de l’Hôtel de Ville, et particulièrement la Direction Prévention et Sécurité de la Ville de Charleroi pour son aide précieuse dans l’organisation de cette journée ; Ph. Bellis, Fonctionnaire de prévention de la commune de Saint-Gilles, et L. Comminette, chargée de communication pour le Plan Prévention de la Ville de Liège, pour avoir collaboré à la réalisation de ce livret, ainsi que chacun des orateurs de cette journée, pour la richesse de leurs interventions et sans lesquels cette publication n’aurait pas été possible. 6 Pour toute information : Site Web : www.urbansecurity.be Pour toute correspondance : FBPSU asbl – BFPVS vzw Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine asbl Belgische Forum voor Preventie en Veiligheid in de Steden vzw Bâtiment BRAVVO - Boulevard Emile Jacqmain, 95 - 1000 Bruxelles Tél : 02/279.21.50 Fax : 02/279.21.59 Courriel : [email protected] Coordination de la rédaction : V. KETELAER, chargée de mission FBPSU asbl L. NOLET, assistante FBPSU asbl Bâtiment Bravvo, Boulevard Emile Jacqmain 95, 1000 Bruxelles Les auteurs, la rédaction et l’éditeur ont pour objectif de tendre vers la fiabilité des informations publiées, pour lesquels ils ne peuvent être tenus responsables. Editeur responsable : W. DEMEYER, Président du Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine asbl - Grand Place, 1000 Bruxelles 7 TABLE DES MATIERES 1. Introduction p.6 2. Interventions de la journée - Jean-Jacques VISEUR : Mot d’accueil - Willy DEMEYER : Introduction - Jean-Pierre GOOR : Objectifs de la journée - Jean-Jacques JESPERS : Médias et insécurité - Frédéric DUBOIS : Insécurité et presse écrite - Christophe GILTAY : Insécurité et presse télévisée - Jean-Jacques VISEUR : Autorités locales et médias - Ronald CEULEMANS : Prévention et médias - Philippon TOUSSAINT : Travailleurs sociaux de rue et médias - Delphine PENNEWAERT : Projet EURESTE, un exemple de contact avec les médias - Maryse ROLLAND : Victimes face aux médias p.7 p.7 p.10 p.14 p.19 p.22 p.23 p.24 p.24 p.25 p.31 3. Recommandations pour les acteurs locaux p.33 Annexe 1 : Programme de la journée p.35 Annexe 2 : Liste des participants p.36 8 1. INTRODUCTION Début 2006, la Fondation Roi Baudouin publiait un rapport intitulé « À l’écoute du sentiment d’insécurité » qui a suscité un réel intérêt auprès du public et des acteurs concernés. Dans la continuité de cette étude, elle a établi une collaboration avec le Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine (FBPSU asbl) pour organiser, à Bruxelles et en Wallonie, des journées d’étude visant à améliorer les pratiques de travail des acteurs locaux en matière de sécurité et la prévention. Ces rencontres s’adressent aux acteurs institutionnels ainsi qu'à leurs partenaires au niveau local : mandataires et agents des villes et communes, notamment celles bénéficiant de Plans stratégiques de sécurité et de prévention, promoteurs de projets locaux, associations et citoyens. Leurs objectifs visent à : • cibler des thématiques-clefs en matière de lutte contre le sentiment d’insécurité • mettre en évidence les bonnes pratiques qui contribuent à sa réduction • et d’en débattre pour permettre aux acteurs locaux de s’en inspirer. La première journée fut organisée le 14 novembre 2007 à Bruxelles (Centre Culturel Jacques Franck de Saint-Gilles) et avait pour objet l’approche partenariale et la participation citoyenne dans la lutte contre le sentiment d’insécurité. La rencontre du 25 juin 2008 est la seconde journée d’échanges entres professionnels et elle a pour thème l’impact des médias sur le sentiment d’insécurité. Cette journée vise à mieux connaître le métier de journaliste, débattre d’expériences locales de contacts avec la presse, analyser l’influence que peuvent avoir les médias sur le sentiment d’insécurité et présenter différents outils permettant aux acteurs locaux de faciliter leur relations avec les médias sur les questions d’insécurité. Pour illustrer le thème des médias et lancer les débats entre professionnels, le FBPSU y a invité de nombreux spécialistes à prendre la parole1 : journalistes de la presse écrite et télévisée, mandataires locaux, porte-parole d’ONG, etc. Organisée dans le cadre symbolique de la salle du Conseil communal de l’Hôtel de Ville de Charleroi, cette journée a rassemblé plus de 80 participants2. 1 2 Le programme de la journée se trouve en annexe 1. La liste des noms et des fonctions des participants se trouve en annexe 2. 9 2. INTERVENTIONS DE LA JOURNEE J.-J. VISEUR, Bourgmestre de Charleroi, a brièvement introduit la journée en exprimant la joie qu’il éprouvait d’accueillir toutes les personnes participant à ce colloque dans l’Hôtel de Ville de Charleroi et en soulignant l’intérêt particulier qu’il portait pour cette thématique (voir son intervention plus bas dans le texte). Texte intégral de l’intervention de W. DEMEYER, Président du FBPSU et Bourgmestre de Liège Introduction du F.B.P.S.U. Cher(e)s Collègues, Mesdames, Messieurs, J’ai le plaisir, en tant que Président du Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine, d'introduire cette journée de travail « sentiment d'insécurité et impact des médias ». Mon rôle ce matin consiste donc à présenter, en quelques mots, notre association et le cadre de cette journée. Profitons de la présence de la presse, pour mettre un peu en avant le travail que nos communes réalisent, au niveau belge, depuis plus de dix ans. En effet, c'est à partir de 1994, que les communes belges ont désiré voir s'ouvrir un espace de discussion, d'échanges, d'analyse et de concertation, regroupant des responsables politiques et techniques qui mettent en oeuvre des plans de prévention au niveau communal. Ainsi, le Forum Belge a été créé en 1995, à l'initiative des cinq grandes villes dotées d'un contrat de sécurité. Depuis lors, comme vous le constaterez lors de notre Assemblée générale de la semaine prochaine, treize nouveaux membres vont nous rejoindre, ce qui portera le nombre de nos adhérents à plus de 80 villes et communes, issues des trois régions du pays. La qualité de notre travail, du secrétariat, et en particulier le rôle de Véronique KETELAER, chargée de mission du Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine, qui a mis sur pied cette journée, nous a également permis de développer de nombreux contacts et de faire reconnaître notre expertise. Ainsi, nous sommes pour l'Etat belge, point de contact « société civile » au sein du Réseau Européen de prévention de la criminalité et depuis plus d'un an, nous avons mis en place un partenariat avec la Fondation Roi Baudouin visant à améliorer les pratiques des acteurs locaux afin de lutter contre le sentiment d'insécurité. 10 Je profite de l'occasion pour remercier vivement la Fondation Roi Baudouin, représentée aujourd'hui par M. Jean-Pierre GOOR, pour son soutien et la confiance qu'elle témoigne au Forum belge. C'est dans le cadre de ce partenariat que s'inscrit cette journée d'étude consacrée au « sentiment d'insécurité et impact des médias ». Le rôle essentiel du niveau local, et des communes en particulier, n'est plus à démontrer. Plusieurs recommandations au niveau international et européen (Conseil de l'Europe ou Commission Européenne) sont le fruit du travail réalisé au quotidien dans nos quartiers. C'est le cas également du Rapport de la Fondation sur le sentiment d'insécurité qui vous sera présenté dans quelques instants par Jean-Pierre GOOR. C'est d'ailleurs sur base de notre expertise et de notre ancrage au niveau local que la Fondation a choisi de collaborer avec nous, pour ensemble, travailler à la réduction du sentiment d'insécurité. Ce partenariat s'articule autour de 3 actions: • l'accompagnement méthodologique de cinq villes bruxelloises et wallonnes (Charleroi, La Louvière, Mouscron, Amay et Bruxelles-Ville) durant un an et demi dans des processus de participation multi-acteurs; • l'organisation de journées d'échanges entre professionnels de terrain, cadre dans lequel nous sommes aujourd'hui; • la rédaction d'un manuel de bonnes pratiques pour la fin 2008. En effet, de plus en plus de villes et parfois, désormais, de petites communes, sont confrontées à des faits criminels ou accidentels, qui intéressent les médias. Ceux-ci peuvent alors se retrouver confrontés à la mise en place d'une communication efficace visant à rassurer et à informer la population sans ajouter au sentiment d'insécurité. Bien que rompu à cet exercice, la fonction politique nécessitant d'avoir un minimum l'art de parole, il sait combien il est difficile et stressant de devoir s'exprimer face aux médias. Dès lors, il nous a semblé utile, dans le cadre de nos journées d'étude et suite aux diverses demandes émanant des villes, de les aider à mettre en place une politique de communication spécifique aux matières relevant de la prévention ou de la sécurité. Vous serez d'accord avec moi pour convenir que le plus mauvais moment pour se préparer à la communication est bien celui de la crise, le moment où les choses s'emballent, où l'émotion peut prendre le dessus. Pour ne prendre qu'un exemple qui me paraît très significatif, je citerai les accidents dont ont été victimes de jeunes adolescents en utilisant du gaz de briquet. Cet exemple soulève de nombreuses questions : comment être clair sur les circonstances de l'accident, rassurer les parents, prévenir d'autres accidents, ne pas « jeter la pierre » aux commerçants, ... 11 Au quotidien, nous devons aussi communiquer sur les chiffres de la criminalité, les actions de prévention mises en place, ... Doit-on informer les gens de certains types de risques comme le vol à la tire ? Comment communiquer sur une augmentation de faits liés aux vols de voiture ou aux cambriolages ? Plus largement, il s'agit également de parler d'abus d'alcool chez les jeunes, de violences conjugales, ... Je ne m’étendrai pas sur les violences qu'a connues une commune bruxelloise il y a quelques semaines, mais je sais combien il a dû être difficile pour les autorités, la zone de police et le service de prévention, de faire face à la couverture médiatique induite par ce type de débordements. Tout cela sans compter l'évolution que connaissent également les métiers de la presse. Les journalistes sont de moins en moins nombreux, leurs conditions de travail et les délais qui leur sont impartis sont de plus en plus difficiles. Dès lors, cela se ressent, les dossiers de presse doivent être toujours plus complets, les conférences de presse doivent être attractives et denses. Cela nécessite donc une approche de plus en plus professionnelle. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles, désormais, les villes qui bénéficient d'un plan stratégique de prévention et de sécurité sont tenues d'établir un plan de communication semestriel. Cela représente une grosse nouveauté pour certaines communes, pour d'autres, ce sera l'occasion de formaliser des méthodes de travail déjà éprouvées. Liège, en effet, a depuis l'origine de son contrat de sécurité, toujours bénéficié d'un emploi temps plein pour assurer les missions de communication externe. Ainsi, ma collaboratrice, Madame Laurence COMMINETTE, qui est chargée de rédiger les recommandations de cette journée, a, depuis de nombreuses années, développé à Liège une véritable politique de communication axée spécifiquement sur les actions de la ville en ces matières. Au fil des années, elle a ainsi développé son réseau de contacts avec la presse liégeoise pour laquelle elle est devenue un acteur incontournable dès lors qu'il s'agit d'obtenir des infos dans ces matières spécifiques. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, la distinction se fait très bien entre la communication générale de la Ville et celle, spécifique, qui concerne la prévention et la sécurité. Cela me permet d'être à même de répondre directement aux diverses sollicitations de la presse concernant des sujets, parfois très sensibles, comme la toxicomanie, les troubles liés au hooliganisme ou de déléguer en connaissance de cause diverses interviews vers des agents spécialisés. J’espère donc que des journées comme celle-ci nous donneront l'occasion de partager notre expérience et d'améliorer nos pratiques car c'est en nous connaissant mieux que nous communiquerons mieux! Je suis particulièrement content de voir avec quelle rapidité et avec quelle volonté d'échange les représentants de la presse ont accepté notre invitation et je les en remercie, tout comme je remercie vivement tous les acteurs réunis ici aujourd'hui et j’espère que cette rencontre sera riche d'enseignements pour chacun. 12 Texte intégral de l’intervention de J.-P. GOOR, Responsable de projet, Fondation Roi Baudouin Le rapport sur le sentiment d’insécurité et l’influence des médias Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs, Merci au Forum belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine et particulièrement à Véronique KETELAER qui est l'organisatrice de cette journée, d'avoir donné à la Fondation l'occasion de dire un mot d'introduction à cette journée d'étude consacrée au sentiment d'insécurité et aux médias. Merci à Monsieur Jean-Jacques VISEUR de nous accueillir aujourd'hui à l'hôtel de ville de Charleroi. La question du sentiment d'insécurité et du rôle des médias a été abordée dans le rapport "A l'écoute du sentiment d'insécurité" que la Fondation a publié il y a deux ans. L'objectif de ce rapport était d'apporter une contribution pour mieux cerner le sentiment d’insécurité tel qu’il est vécu par les citoyens. L'influence des médias dans le sentiment d'insécurité y a été mentionnée de façon spontanée pratiquement par tous les groupes que nous avons écoutés pour ce rapport. La collaboration avec le Forum belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine a pour but d'approfondir le travail entamé par la Fondation autour du sentiment d'insécurité. Nous menons un partenariat de même ordre du côté flamand avec la VVSG. Dans le cadre de ce partenariat, neuf laboratoires locaux, sont actuellement suivis et reçoivent un appui méthodologique de nos deux partenaires. Il s'agit d'expériences originales de participation entre des citoyens, des autorités locales et associations pour agir ensemble sur le sentiment d'insécurité au niveau d'un quartier ou d'une commune. Ces expériences sont en cours de réalisation à Charleroi, à La Louvière, à Mouscron et à Bruxelles pour la partie francophone. Elles feront l'objet d'une publication sous forme de guide méthodologique à la fin du processus au début de l'année 2009. Cette journée consacrée au sentiment d'insécurité et aux médias s'inscrit également dans le cadre de ce partenariat. Au début du programme qui a conduit au rapport sur le sentiment d'insécurité, la Fondation est partie d'un constat: le besoin de sécurité des citoyens est quelque chose de légitime. Il représente une composante essentielle de leur bien-être, même s'il s'exprime de façon diverse et parfois même contradictoire. Il faut donc décoder les attentes des gens et ce qu'ils veulent exprimer par leur sentiment d'insécurité. Au cours de ce travail, nous nous sommes attachés à la perception individuelle de l’insécurité. Une perception qui se forme souvent à partir de faits objectifs, comme une expérience de victime, mais qui peut aussi résulter d'un sentiment d’insécurité purement subjectif, qui ne repose sur aucun élément tangible et qui est pourtant, même s'il s'agit d'un sentiment, une donnée réelle dont il faut tenir compte. 13 Nous avons voulu aborder la question du sentiment d'insécurité sous un éclairage de justice sociale, car si le sentiment d’insécurité traverse l’ensemble de la société, chacun ne dispose pas des mêmes ressources, ni de la même capacité de résistance. Il faut donc une attention particulière aux catégories fragilisées que sont : les personnes âgées, les femmes, les enfants, les plus démunis, les étrangers... L'originalité de notre démarche a été d'impliquer les citoyens eux-mêmes et d’autres acteurs que les acteurs classiques de la sécurité, dans la définition du problème et la recherche de solutions. Le Rapport général sur le sentiment d’insécurité est le résultat de trois méthodes complémentaires. Il s'agissait tout d'abord : • D'écouter le gens : en prenant en compte l’avis et l’expérience quotidienne des personnes impliquées dans les processus d’écoute. Pour cela, nous avons confié à six centres d’études l'organisation d'un processus d’écoute dans 34 endroits en Belgique sans rechercher une représentativité des phénomènes objectifs d’insécurité, mais en veillant à un équilibre entre diverses perceptions du sentiment d’insécurité, à la fois dans des zones réputées moins sûres et plus tranquilles, et à la fois dans les villes et des zones rurales. Cela a permis de dresser un décor, sous forme de patchwork, à travers ces 34 « scènes ». Pour chaque scène des groupes ont été constitués en veillant à faire intervenir une grande diversité de participants. Ainsi, nous avons veillé à croiser les regards d’hommes et de femmes, de jeunes et de personnes âgées, de Belges et de personnes d’origine étrangère... Nous avons écouté des jeunes dans les écoles ou les quartiers délabrés, des personnes âgées dans des logements sociaux, des habitants de quartiers qualifiés de peu sûrs comme des habitants de quartiers plus paisibles ou encore de zones rurales. D’autres scènes ont permis d’écouter des victimes de restructurations économiques, des navetteurs, des usagers de bus et du métro, mais aussi des groupes moins écoutés: les sans-abri, les demandeurs d’asile, les sans-papiers ou encore les victimes de violences intrafamiliales. • Dans la deuxième étape, nous avons tenté de mieux comprendre : en mettant en évidence les multiples dimensions de l’insécurité et les facteurs qui y contribuent, partant de l’analyse des résultats des processus d’écoute et de leur confrontation avec des experts et des acteurs de la sécurité et de la société civile. Nous avons pu cerner ainsi une série de dimensions qui contribuent au sentiment d'insécurité, comme le délabrement des lieux publics, la peur du vol ou de l'agression, les nuisances et les incivilités qui sont source de frustrations énormes, les questions liées à la toxicomanie, ou encore des facteurs aggravants comme les environnements insécurisants ou le faible éclairage. Le poids de certaines évolutions sociétales a été aussi mis en évidence, comme l'insécurité socio-économique, la perte des repères qui résulte du flou des codes et des normes sociales et des valeurs qui y sont liées, l'individualisme, le stress et l'isolement social et les difficultés qui relèvent du vivre ensemble, surtout dans une société de plus en plus multiculturelle. Enfin, nombreux sont ceux qui ont cité l'effet de loupe des médias comme un facteur aggravant leur sentiment d'insécurité. 14 • Dans un troisième temps enfin, nous avons soutenu 157 initiatives concrètes visant à lutter contre le sentiment d’insécurité pour un montant de 605.000 €, à la suite d'appels à projets intitulés “Le sentiment d’insécurité, c’est aussi notre affaire”. Ces appels s’adressaient à un public extrêmement large (associations, comités de quartier, citoyens réunis en groupes informels, écoles, entreprises, instances publiques...) désireux d’apporter une contribution concrète à la lutte contre le sentiment d’insécurité au travers d’initiatives diverses : marches exploratoires des femmes pour relever les éléments d'insécurité dans leur quartier, des actions de sécurisation routière avec des bénévoles âgés aux abords des écoles, opérations « quartiers propres » impliquant les commerçants et les habitants, médiation de quartier, campagne de prévention de la violence et du racket à l'école, implication de « pères de quartier » qui contribuent par le dialogue à un meilleur contrôle social auprès des jeunes, ou encore cette réflexion critique menée par la Ligue des droits de l'homme dans les écoles à propos des caméras de surveillance, … La question des médias et du sentiment d'insécurité apparaît de façon transversale dans la plupart des processus d'écoute. Un large consensus apparaît auprès des participants à propos de l'influence des médias sur leur sentiment d'insécurité. La logique de fonctionnement des médias qui les conduit à se focaliser sur ce qui ne va pas est mise en cause. Une personne âgée à Liège constate : « Une bonne nouvelle n'est pas une nouvelle, mais une mauvaise nouvelle est toujours une nouvelle pour les médias. On aime bien raconter des choses affreuses et dangereuses, sinon, ça n'intéresse personne. On en parle trop, mais enfin, ça fait vivre les médias. » Les médias contribuent ainsi à ce qu'on appelle un effet de loupe et qui donne une importance démesurée à certains faits. Certains soulignent aussi le manque d'éducation aux médias qui empêche de pouvoir décoder les messages des médias. D'autres facteurs ont aussi leur influence en dehors des médias classiques : les rumeurs, et les récits plus ou moins imaginaires qui se colportent de bouche à oreille, les séries télévisées, les jeux vidéo qui sont accusés de banaliser la violence. L'influence des médias est particulièrement mentionnée auprès des personnes âgées qui passent davantage de temps à lire le journal et à regarder la télévision, qui vivent souvent repliées sur eux-mêmes et qui ont une image déformée du monde actuel qu'elles ont tendance à comparer avec le monde idyllique de leur jeunesse. Chez les femmes aussi, l'influence des médias est mise en évidence, nombreuses sont celles qui font référence à l'affaire Dutroux et qui disent avoir changé leurs comportements : fermer la porte à clé, ne plus laisser sortir ses enfants dans la rue. L'une d'elle affirme : « C'est sûrement à cause des médias, on nous a appris à avoir peur… » 15 Dans les processus d'écoute menés auprès des personnes d'origine étrangère, l'image imprécise ou erronée qui est donnée de leur communauté dans les médias conduit à de la frustration. Pour de jeunes turcs du Limbourg, les médias alimentent le sentiment d'insécurité par un amalgame systématique entre des faits qui n'ont rien à voir entre eux: le foulard et la burka, le terrorisme et l'Islam, ils se sentent alors stigmatisés et ont tendance à se replier sur leur identité et à ne plus avoir de contacts qu'entre eux. Nombreux sont aussi les habitants qui se plaignent de la stigmatisation de leur quartier par les médias, que ce soit à Droixhe ou à Borgerhout. Certains journalistes continuent à alimenter les clichés et à entretenir la mauvaise réputation de quartiers alors même que la situation a complètement évolué. « Vous vous faites arracher votre sac dans le centre ville, cela fait trois lignes dans les faits divers. Vous vous faites arracher votre sac à Droixhe, c'est au minimum un quart de page avec une belle photo du quartier », témoigne un habitant. A côté du processus d'écoute, la Fondation a organisé plusieurs tables rondes dont une avec des journalistes et des experts à propos du rôle des médias. Sans entrer dans le compte rendu de cette table ronde qui se trouve dans le rapport qui est disponible à l'entrée, la plupart des journalistes belges reconnaissent explicitement que les journalistes ont une responsabilité claire, mais estiment que les médias belges prennent cette responsabilité au sérieux. Cette responsabilité n'implique pas une culpabilité des médias : ils ne sont qu'un des acteurs dans une société très complexe et ne sont donc certainement pas les seuls en cause. Les médias sont un miroir de la société, ils rendent compte de ce qui se passe et l'insécurité est une réalité qu'ils doivent prendre en compte. Je n’irai pas plus loin, car c'est justement ce thème que vont développer Jean-Jacques JESPERS et les autres journalistes qui ont accepté de contribuer à la réflexion d'aujourd'hui. 16 Texte intégral de l’intervention de J.-J. JESPERS, Journaliste et chargé de cours à l’ULB Comment les médias traitent-ils de l’insécurité et comment influencent-ils le sentiment d’insécurité ? Je vous propose de commencer par tenter de déterminer le cadre dans lequel se pose cette question aujourd’hui. Et, comme toujours, pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, il faut se pencher sur le passé. Lorsque la démocratie s’installe dans nos pays, il y a environ un siècle et demi, on assigne à la presse un rôle bien spécifique dans le fonctionnement de l’État. Selon la théorie libérale de l’État démocratique, les médias sont une composante essentielle de la « sphère publique », c’est-à-dire de cet espace social, indépendant de la sphère politique et de la sphère économique, où les citoyens peuvent débattre et constituer une opinion, donc peuvent exercer sur l’État un pouvoir formel (par l’élection) et informel (par la pression publique). Le rôle de la presse est précisément d’éclairer les citoyens dans leur exercice de ce pouvoir formel et informel, d’où les lois sur la liberté de la presse. Cela, c’est la théorie, la presse vue comme « quatrième pouvoir », une notion (ou une fiction ?) sur laquelle nous nous appuyons encore de nos jours. Mais très vite, la presse va montrer un autre visage. Avec la démocratie apparaissent aussi l’alphabétisation et l’industrialisation, notamment l’invention de la linotype et de la presse rotative. En 1836, le fondateur de La Presse, Émile DE GIRARDIN, découvre, et avec lui les éditeurs de presse américains et anglais, que le récit emphatique de l’actualité est une marchandise rentable. C’est ce qu’on a appelé la « réification » (ou, si vous préférez, la marchandisation) de l’information de masse. Celle-ci se donne désormais pour mission de satisfaire symboliquement les pulsions et les rêves d’un public récemment alphabétisé, par le biais de textes et d’images saisissants. C’est à cette époque qu’apparaît en Grande-Bretagne la distinction classique entre presse de qualité et presse populaire. Le Times d’un côté, « quality paper », et le Sun de l’autre, avec sa jeune femme nue en page 2, « popular ». Aujourd’hui cette distinction s’est effacée au profit d’une autre, proposée par Jean-François DUMONT : presse d’analyse et presse d’émotion. Presse d’analyse : La Libre ; presse d’émotion : La Nouvelle Gazette. Mais même cette typologie-là n’est plus adéquate, car La Libre aussi fait des titres carrément « émotionnels », sans parler du Soir. Il prendra un seul exemple. Le jour des arrestations étrangement concomitantes de Pierre CARETTE, de Bertrand SASSOYE, de Wahoub FAYOUMI et de deux autres militants d’extrême gauche n’ayant rien à voir avec les CCC, La Libre (journal d’analyse) titre « Le retour des CCC ! », avec un point d’exclamation. Décidément, de nos jours, malgré de valeureuses poches de résistance et de notables exceptions (incarnées ici par Françoise BARE), le principal composant de l’information de masse, c’est l’émotion. Entendons-nous bien : je ne parle pas ici d’Arte (quoique…), du Courrier international, du Monde diplomatique ou de la revue Politique. Je parle des médias de masse, ceux qui s’adressent par vocation au plus grand nombre. 17 L’apparition de la télévision, dans les années 50, a modifié les outils, mais n’a fait que renforcer le mécanisme. Dans un premier temps, en Europe, l’État démocratique attribue à la télévision un rôle d’éducation populaire et de maintien du pluralisme. Mais dès la fin des années 70, la privatisation progressive des chaînes transpose dans l’audiovisuel la logique marchande de la presse populaire. La télévision sera désormais le média « affectif » par excellence. On est progressivement passé d’une télévision de message (les chaînes publiques des années 50-70) à une télévision de relation, dont l’ambition essentielle est d’entretenir avec le spectateur un lien affectif qui garantisse son adhésion et sa fidélité, facteurs décisifs pour la conquête et le maintien de parts de marché. Cette télévision de relation est fusionnelle3 : son objectif, écrit Dominique MEHL, est de « réduire la distance, partager d’égal à égal, abolir les hiérarchies, créer une complicité typique d’une communauté réduite […]. L’aboutissement de cette forme de télévision, son achèvement, qui en représente aussi la consécration, est la fusion : fusion entre les personnages de l’écran et ceux qui les observent, fusion entre l’émetteur et son auditeur.4» Dans le but de créer cette fusion, la télévision de relation construit le spectacle de la réalité comme une fiction, comme une tragédie, avec ses personnages, ses intrigues et surtout ses sentiments. Les JT multiplient les « histoires vécues », les récits mettant en scène des personnes célèbres ou ordinaires confrontées à des « coups du destin ». Il s’agit essentiellement, selon Marlène COULOMB-GULLY, « de procurer des émotions : angoisses, douleurs, euphorie, frayeur, surprise. Cette mise en spectacle du monde serait le fruit d’un dosage précis de tensions et de drames, d’espoirs et de détentes, calqué sur le modèle des films américains de série B.5 » Toute représentation d’une réalité – même complexe – par la télévision s’articule toujours autour d’une narrativation, d’une « mise en spectacle » dont le principal ressort sera la recherche du choc émotionnel. Ainsi, le cadrage télévisuel, notamment, focalise notre regard sur l’émotion : étant donné les dimensions réduites de l’écran, le caméraman de télévision privilégie les gros plans. Les expressions des visages, la « présence humaine » prennent donc beaucoup d’importance dans le cadre. La satisfaction symbolique de désirs inconscients est associée avec la consommation du média : c’est un moyen de fidéliser l’auditoire. C’est aussi pour cette raison que la télévision privilégie le direct, afin de nous faire partager le frisson d’être nombreux à vivre simultanément la même expérience symbolique. Souvenez-vous de la mort du roi Baudouin, des victoires de Justine Henin, de la Marche blanche, etc. Le journaliste est de plus en plus un metteur en scène, et de moins en moins un analyste critique de la réalité. LE PAIGE (Hugues), « Les médias et le “dysfonctionnement” », loc. cit. MEHL (Dominique), La fenêtre et le miroir, Paris, Payot, 1992, p. 16. 5 COULOMB-GULLY (Marlène), Les informations télévisées, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1995, p. 96. 3 4 18 La télévision de relation peut donc aussi être qualifiée de compassionnelle6. La mise en images du réel par cette télévision évacue la réflexion et l’analyse et ne permet au spectateur qu’une seule réaction face aux drames ou aux problèmes du monde : une compassion empreinte d’un sentiment d’impuissance, face à des événements présentés comme le résultat de la fatalité. Même les événements politiques ou sociaux sont traités de cette manière par les médias : la faillite de la Sabena ou les pertes d’emplois à VW-Forest ont fait l’objet de bien plus de séquences « d’ambiance », où des victimes de la décision exprimaient leur désarroi ou leur colère, que de séquences d’explication sur les vraies responsabilités de la faillite ou de la fermeture partielle. La crise politique de l’année 2007 a été présentée comme un feuilleton où se succédaient des coups de théâtre, des agressions, des résistances, des « gifles », des « fronts », etc. Or, on sait que ce sont les médias qui mettent les sujets de débat et de préoccupation à l’ordre du jour : c’est ce qu’on appelle la fonction d’agenda-setting des médias. Cela veut dire que les médias ont une action directe sur le déroulement du processus social et sur le « vivre ensemble ». Alors, sous l’influence des médias, la démocratie fera-t-elle un jour place à l’émocratie, telle qu’elle a été décrite par Michel HASTINGS ? On peut se le demander lorsqu’on songe à la réaction des leaders politiques à certains « coups » médiatiques. Souvenez-vous : après que la presse eut rapporté avec indignation que l’un des deux jeunes suspects du meurtre de Joe Van Holsbeeck, Mariusz, avait bénéficié d’une sortie pédagogique (par ailleurs tout à fait conforme au programme de réinsertion des instituts publics de protection de la jeunesse), des leaders politiques, et à leur tête la ministre de la Justice elle-même, ont emboîté le pas aux médias dans l’indignation et la dénonciation, afin de tirer un parti électoral de l’émotion créée par les médias à propos de cette affaire, qui n’aurait, en fait, jamais dû être connue du public. Venons-en au sentiment d’insécurité. Une des raisons de ce sentiment réside probablement dans l’évolution des attentes envers l’homme. Au Moyen Âge, on n’attend pas de l’homme qu’il se domine et se comporte de manière raffinée : on défèque en public, les tavernes sont le lieu de bagarres homériques, la succession des rois se règle par l’assassinat. La Renaissance puis les Lumières vont faire pénétrer dans la classe bourgeoise le souci aristocratique de la « bonne tenue » et de la maîtrise de soi. L’image de l’homme idéal est désormais celle d’un être sans défauts, sincère et pacifique. Avec le temps, cette image idéale ne va pas cesser de s’imposer davantage. D’où notre épouvante croissante devant tout acte de brutalité et notre impression que chaque acte de ce genre signe l’échec de la civilisation. Or il faut bien admettre qu’il existe en chaque être humain un « côté obscur » qu’il lui faut apprivoiser. Le goût pour le macabre, qui poussait les foules vers les jeux du cirque à Rome ou vers les lieux d’exécution publique des condamnés, ne pousse-t-il pas encore les automobilistes à ralentir pour contempler les victimes d’un accident sanglant sur l’autoroute ? 6 LITS (Marc), L’émotion dans les médias, séminaire de l’Observatoire du récit médiatique, Louvain-la-Neuve, 1996, p. 1. 19 Mais il y a une autre raison à la surévaluation de la violence dans notre société : c’est « l’effet de loupe » des médias qui, en focalisant leur attention sur un événement ou un phénomène particulier, donnent à celui-ci une importance virtuelle bien plus grande que son importance réelle. Or, les médias ne relatent pas les faits de violence en raison de leur impact social réel, mais en raison de leur impact affectif, donc de leur capacité à captiver l’auditoire, donc finalement de leur potentiel commercial. Ainsi, le public perçoit, à travers les médias, le phénomène de la violence comme plus grave qu’il ne l’est en réalité. Et les médias participent ainsi à la création et à l’entretien du sentiment d’insécurité. Je vais vous citer un exemple classique : entre le 7.1.2002 et le 5.5.2002, la télévision française, toutes chaînes confondues, a consacré 18 766 sujets aux crimes, petits et grands, des jets de pierre aux vols de voiture, des braquages aux émeutes, soit une moyenne de 987 sujets par semaine et une croissance de 126 % de ces matières, et cela alors que le nombre des crimes et délits n’a nullement progressé en France durant cette période7. Selon les mesures de l’institut TNS-Secodip8, le thème largement dominant, dans les médias français, de mars 2001 à mars 2002, a été l’insécurité, loin devant le chômage ou les retraites, dont tous les sondages indiquaient pourtant qu’ils étaient les principales sources d’inquiétude des Français. En mars 2002, l’insécurité atteignait un sommet : un indice UBM de 3 700, contre 530 pour le chômage. À la suite de ce véritable matraquage, Jacques CHIRAC a fait de l’insécurité son leitmotiv de campagne électorale et d’autres candidats lui ont emboîté le pas. Le 21 avril, le candidat d’extrême droite Jean-Marie LE PEN franchissait l’étape du premier tour en recueillant 17,5 % des suffrages exprimés. Plusieurs personnalités ont, à cette occasion, accusé les médias d’avoir « fait le lit de l’extrême droite ». On notera qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle, l’indice TNS-Secodip de l’insécurité a diminué de 67 % sur les chaînes françaises de télévision, sans que la violence ne diminue dans la réalité9. Pourquoi cet acharnement ? Il y a plusieurs explications, proposées notamment par Daniel SCHNEIDERMANN dans Le Cauchemar médiatique, mais beaucoup sont liées à un phénomène d’emballement médiatique. On peut décrire l’emballement médiatique de la manière suivante : un événement est mis en lumière par un média influent (souvent une chaîne de télévision) qui le considère comme significatif et lui donne une importance éditoriale ; les autres médias (et d’abord les médias concurrents), par mimétisme ou par peur de rater une nouvelle essentielle, surenchérissent les uns sur les autres et amplifient à l’extrême le fait, sans enquêter sur sa portée réelle, sans recouper les sources ; in fine, l’événement s’avère moins significatif que la couverture des médias ne le faisait penser. 7 AMALOU (Florence), « La télévision a accru sa couverture de la violence durant la campagne », Le Monde, 28.5.2002, p. 22. 8 Unité de bruit médiatique, indice composite qui intègre la surface consacrée par un média à un sujet et le nombre de personnes de plus de 15 ans susceptibles d’avoir été exposées à cette information. La mesure de l’UBM a été effectuée quotidiennement par TNS-Secodip sur plus de 80 médias imprimés, radiophoniques et télévisuels français. Les résultats de l’étude sont disponibles sur le site Internet de TNS-Secodip à l’adresse URL suivante : http://www.ubm.secodip.com/dossierActualite.htm. 9 L’étude TNS-Secodip a été commanditée par Le Monde : cf. AMALOU (F.), loc. cit. Cf. aussi SCHNEIDERMANN (D.), op. cit., et X., « L’insécurité plus forte que tout », Médias, n° 2, 2002, p. 22 (non signé). 20 L’insécurité ou la violence sont des thèmes « porteurs » pour les médias, dans la mesure où ils animent au sein du public des pulsions élémentaires mais surtout dans la mesure où les récits de violences ne requièrent aucune formation préalable, ni pour être racontés, ni pour être suivis. Selon une enquête du sociologue Jean-Marie CHARON auprès des journalistes de l’audiovisuel français, la plupart des responsables de rédactions des médias audiovisuels français sont enclins à « négliger des sujets complexes, par exemple l’international, au profit de “faits divers”10 ». Le « fait divers » constitue le genre journalistique le plus naturellement adéquat à cette conception émotionnelle de l’information. L’interprétation d’un « fait divers » ne nécessite aucune connaissance préalable. Elle ne fait appel qu’à des souvenirs inconscients dont la résurgence procure des émotions immédiatement perceptibles (peur, sympathie, tristesse, joie, envie, excitation libidinale, soulagement de ne pas être impliqué, etc.), sans nécessiter le recours à des processus mentaux complexes d’assimilation et d’accommodation. L’« effet de loupe » de la couverture télévisuelle sur certains aspects, plus spectaculaires, de la réalité sociale a des effets notables sur la perception qu’a la société d’elle-même. La métaphore caricaturale du monde diffusée par les médias prend, aux yeux d’un public individualisé, passif et sédentaire, la place du monde réel. Le repli identitaire, la sédentarité, l’isolement, la négation du monde extérieur, la montée de l’anxiété, la perception émotionnelle des enjeux, la méfiance envers les institutions, la stigmatisation des différences, tous ces traits préoccupants de la société occidentale du début du XXIe siècle ne sont sans doute pas attribuables exclusivement à l’influence qu’exercent les médias sur les représentations collectives. Mais elle y a, sans aucun doute, puissamment contribué. Ce résultat n’était probablement pas sciemment voulu par les détenteurs des médias de masse : il n’est qu’un effet de leur marketing éditorial exclusivement émotionnel et insoucieux des effets sociaux de l’information. Toutefois, il y a sûrement des gens puissants que ce résultat arrange bien. Revenons un siècle et demi en arrière : à cette époque, Honoré DE BALZAC (qui avait fait de GIRARDIN un des personnages de La Comédie humaine) écrivait déjà : « Pour empêcher les peuples de raisonner, il faut leur imposer des sentiments. » 10 « Droit et déontologie dans l’audiovisuel », enquête de l’Observatoire des pratiques et des métiers de la presse du CFPJ, commandée par le CSA, sous la direction de J.-M. CHARON & Cl. FURET ; cf. Le Monde, 30.8.1996, p. 15. 21 Texte intégral de l’intervention de Fr. DUBOIS, journaliste indépendant judiciariste Le choix des sujets et le traitement du thème insécurité en presse écrite Je suis journaliste indépendant depuis 2001. Après des débuts à la Nouvelle Gazette, je travaille aujourd’hui pour Le Soir, la Dernière Heure et Vers l’Avenir et je suis spécialisé dans les matières judiciaires et les faits divers : affaires politico-financières, correctionnelles, crimes, accidents mortels… J’informe également Télésambre. 1. Les exigences des différents journaux - - - - « Le Soir » : le fait divers n’est pas l’une des priorités du journal. Seuls les événements exceptionnellement graves ou qui sortent de l’ordinaire sont exploités sous forme de textes. Le journaliste est prié d’avoir un certain recul sur les sujets. « Vers l’Avenir » : aucune requête particulière si ce n’est de couvrir les infos. Le journal conserve toutefois son caractère régional : on y publie donc les accidents, braquages de petits commerces et événements d’importance « moindre ». « La Dernière Heure » : les faits divers étant, avec le sport, le cheval de bataille du journal, les exigences des chefs d’édition sont assez contraignantes. La DH a développé une culture en cette matière, jouant sur l’émotionnel, le populaire, voire le trash, quitte parfois à « gonfler » l’info. Systématiquement, on réclame les photos de victimes et d’auteurs, ce qui amène le journaliste à effectuer la tâche embarrassante de rencontrer les familles. Bref, de rajouter une couche émotionnelle, parfois unilatérale. « La Nouvelle Gazette » : même constat que pour la DH, avec la proximité régionale en plus. Ce qui peut amener des dérives encore plus néfastes au point de vue insécurité. Un banal conflit de voisinage peut engendrer une « Une » telle que « Terreur sur Marcinelle ». 2. Le rôle sanitaire des médias Le rôle des journaux de presse écrite est d’informer, de donner les précisions sur les situations, de vulgariser des matières parfois complexes comme le judiciaire. De donner les infos services, diffuser les appels à témoins, donner les numéros de téléphone utiles. Le fait divers doit-il être exploité ? A mon sens, il est indispensable car il touche directement la population. Ne pas parler d’un événement peut engendrer l’impression qu’on tente de dissimuler des choses, ce qui accroît le sentiment d’insécurité. Le tout est donc d’aborder les choses objectivement et de les relater de façon sensée, sans « gonfler » ou « sensationnaliser » l’info. De donner un éclairage, si possible par l’intermédiaire de spécialistes (un juriste en matière judiciaire, un psychologue dans certains cas, etc.). Les médias peuvent également servir de sonnette d’alarme. On parle de quatrième pouvoir et il est clair que parfois, la presse peut fonctionner comme un « lobby » et inciter le politique à réagir. Un bel exemple reste celui de la Nouvelle Gazette qui, lors de la vague criminelle qui a déferlé sur le Pays Noir, a lancé une série baptisée : « Maintenant, ça suffit ». A force de taper sur le clou, l’attention a été focalisée sur les problèmes de Charleroi. Conséquence : une visite du premier ministre qui a abouti à des promesses de renforts. Régulièrement, vendredi dernier encore, la presse publie les chiffres de la criminalité, qu’ils soient bons ou mauvais. Les bonnes statistiques sont donc mises en évidence également. Ce qui prouve que nous ne sommes pas là pour noircir le tableau automatiquement. 22 3. Les dérives • La tabloïdisation des médias (ou DHisation, RTLisation) : force est de constater que les journaux belges se calquent sur les tabloïds anglais, non seulement sur leu format pratique, mais surtout sur leur contenu sensationnel, les titres accrocheurs car spectaculaires et les sujets populaires, pour ne pas dire populistes. Le fait divers y est roi et ça marche. D’où l’intérêt de copier cette manière d’agir pour les médias francophones, pour la plupart en baisse. On voit ainsi RTL reprendre les sujets de la DH et inversement, l’un se basant sur l’autre, et vice-versa, pour donner un sens à sa ligne éditoriale. A voir : culture de l’achat du journal au R-U, contrairement à chez nous. • Le commercial au détriment de la sécurité publique (exemple : les deux jeunes filles suicidées à Gosselies). De coutume, les suicides ne sont pas traités par les journaux, hormis les cas exceptionnels, les suicides spectaculaires ou qui peuvent introduire un débat de société. Dans le cas présent, tous les médias ont décidé de traiter l’affaire. Parce qu’il s’agissait d’un double suicide, parce qu’il s’agissait d’adolescentes et parce que leur geste pouvait avoir été motivé par une appartenance éventuelle à la culture gothique. La DH et La Nouvelle Gazette, suivant leur axe sensationnel, en ont fait leurs titres. Sud Presse allant jusqu’à envoyer un journaliste dans les familles des victimes, passant la photo de l’une d’elles, malgré le refus de sa famille. Dans la foulée, on interroge les copains de classe. La réflexion est celle-là : faut-il aller aussi loin dans la personnalisation du sujet en matière de suicide ? Ne peut-on pas se contenter de relever le fait et tenter de le décortiquer sans pour autant sombrer dans l’émotionnel ? On sait que le suicide a tendance à être épidémique. Il est scientifiquement prouvé que d’apprendre qu’un autre est passé à l’acte peut aider le désespéré à commettre l’irréparable. Et les médias propagent dans ce cas la contagion. Chez les jeunes, comme on s’en est aperçu récemment au Japon et en Angleterre, cela peut carrément virer au phénomène de mode. Sur ce point, les médias néerlandophones ont entamé une réflexion, sous un groupe de travail appelé « Verder » (rien en Wallonie). De ces discussions ont percolé quelques recommandations : éviter de donner trop de détails et soupeser l’opportunité d’en faire un titre à la Une et de l’illustrer. Bref, en tant que journaliste, on peut sauver une vie. Encore une fois, ce principe s’oppose aux impératifs de vente. Expérience personnelle… • Les sites Internet d’information : la dernière tendance que subissent les journalistes de presse écrite est de participer à l’élaboration des sites Internet, en temps continu. Le risque est bien sûr immense : plus on se précipite, plus le taux d’erreurs est élevé. On peut ainsi en arriver à annoncer la mort de personnes, d’annoncer un incendie à la centrale nucléaire de Tihange alors que seulement quelques pneus brûlent à 50 mètres de là. Pour recevoir des appels alarmistes régulièrement, il sait que quelques heures suffisent parfois à dégonfler une situation. L’instantané a ses risques : Orson WELLES en a été l’un des premiers témoins lorsqu’il a lu « La Guerre des Mondes » en direct à la radio. En outre, dans le cadre de ces sites Internet, les webmasters ne sont généralement pas des journalistes, ce qui accroît le risque d’erreurs. 23 4. Le journaliste entre le marteau et l’enclume Entre impératifs commerciaux, déontologie et intérêt public, le journaliste se trouve régulièrement entre le marteau et l’enclume. Et la décision finale n’est que rarement personnelle. La direction, motivée par la nécessité de vendre, fait pression sur son employé, voire son indépendant qui peut perdre d’un coup son journal client. Et on oublie ici les tarifs de piges à l’américaine : les journalistes salariés ne gagnent pas un franc de plus, les indépendants ne peuvent tout au plus qu’améliorer l’ordinaire en ramenant un scoop. Expérience professionnelle : de nouveau les suicidées de Gosselies. J’ai dès le départ signifié qu’il était hors de question de sensationnaliser le dossier par des photos de victimes ou des interviews de proches. Il était clair qu’il fallait parler de l’événement, sans pour autant en faire des tonnes. Je pense avoir été entendu, y compris à la DH. A SudPresse, le mot d’ordre était de « mettre le paquet ». Autre point qui peut entraîner des dérives : les journalistes deviennent des Rémy Brica de l’information. Un journaliste de presse écrite doit non seulement obtenir les infos, rédiger son papier, prendre la photo, alimenter le site Internet, voire prendre du son. Avec les contraintes de temps que cela entraîne. Et encore une fois, le risque accru d’erreurs. 24 Ch. GILTAY, Chef d’édition du journal télévisé de RTL-TVI11 Impact de la presse télévisée sur le sentiment d’insécurité : approche éditoriale au journal télévisé de RTL TVI Pour Ch. GILTAY, RTL-TVI est une chaîne qui se veut être la plus proche possible des préoccupations des gens. Cette proximité comporte différentes dimensions : géographique ; physique et mentale. C’est la raison pour laquelle des sujets « proches » des gens (comme la délinquance ou l'insécurité sociale ou routière) sont privilégiés. Depuis 1996, il constate une accélération et une montée en puissance de cette tendance, se traduisant par des relations de type « personnel », voire affectif, entre le média et le téléspectateur. RTL-TVI se base sur ce rapport de miroir, de reflet pour que la ligne éditoriale de la chaîne soit en phase avec les préoccupations des téléspectateurs. Il revient ensuite sur le métier de journaliste, qui travaille souvent dans des conditions proches de celle d’un ouvrier et qui sera jugé principalement sur sa ponctualité. Ainsi, on peut le regretter mais on constate dans les rédactions qu’un « bon sujet » est avant tout un sujet qui est livré à l’heure, le journaliste n’étant pas payé plus s'il le traite en profondeur. Il souligne enfin deux dangers présents actuellement au niveau du journalisme : 1. le « story telling » en vertu duquel une personne va inventer une histoire, qui n’est pas vraie, pour qu’elle soit reproduite par les médias ; 2. la réappropriation de l’information par les citoyens (chacun, de par les moyens technologiques mis à sa disposition pouvant être générateur d’informations), ce qui entraîne une disparition progressive de la figure du journaliste (cfr. la croyance selon laquelle les « vraies gens» disent la vérité). Pour Ch. GILTAY, il est essentiel que le public soit conscient de ces dérives et qu’il y soit attentif lors de son décryptage des médias. Ne disposant pas du texte intégral de l’intervention de Mr Ch. GILTAY, le texte ci-dessous constitue un résumé de ses propos. 11 25 J.-J. VISEUR, Bourgmestre de Charleroi12 Relations entre autorités locales et médias concernant le thème de l’insécurité J.-J. VISEUR, Bourgmestre de Charleroi, aborde dans sa seconde intervention, la place du politique face aux médias. Il met d’abord en évidence le fait que cette thématique est essentielle pour les pouvoirs locaux, puisque l’on est en présence de phénomènes qui peuvent présenter un risque de déstabilisation de la cohésion sociale. Ensuite, il souligne que la transparence entre autorités politiques et médias est l’élément majeur de leur relation mais que celle-ci est parfois difficile à réaliser en raison d’autres enjeux. En effet, il assiste à une accélération du temps au niveau journalistique et s’interroge quant aux moyens de concilier transparence et respect des obligations liées à l’exercice de la fonction publique. Il insiste sur l’importance d’une communication très claire sur la réalité des chiffres, impliquant de ne pas utiliser les statistiques (notamment policières) comme des faire-valoir. Dans ce cadre, il met en place sur Charleroi une communication régulière et transparente des statistiques policières, que celles-ci mettent en évidence des tendances positives ou négatives. Enfin, il attire l’attention sur la responsabilité des hommes politiques par rapport aux attraits du populisme. Se pose ainsi la question de savoir si on veut développer la société sur base de la peur: société de méfiance contre société de confiance? Ne disposant pas du texte intégral de l’intervention de Mr J.-J. VISEUR, le texte ci-dessous constitue un résumé de ses propos. 12 26 R. CEULEMANS, Fonctionnaire de prévention, Commune de Molenbeek13 Expérience d’un responsable de service de prévention dans les contacts avec les médias R. CEULEMANS, fonctionnaire de prévention à Molenbeek-Saint-Jean, reprend différents exemples concernant sa commune, en mettant en évidence les éléments suivants : l’effet négatif que peut avoir une sélection d’informations reprises ensuite dans un cadre plus large ; le manque de vérification de l’information diffusée par certains médias, qui peut provoquer des catastrophes sur le terrain, tout comme la complicité qui peut exister entre certains journalistes et certains hommes politiques, mais aussi, dans d’autres situations, le rôle positif que peuvent jouer les médias en traitant avec distance et discernement l’information. Ph. TOUSSAINT Directeur, Dynamo AMO (Bruxelles)14 Les travailleurs sociaux de rue et la communication vers les médias : le guide de Dynamo International Ph. TOUSSAINT, directeur de l’a.s.b.l. Dynamo International (AMO à Bruxelles), présente un outil que l’a.s.b.l. Dynamo International a créé afin de favoriser les contacts qui peuvent être noués entre les travailleurs sociaux et les médias. Cet outil, intitulé « Travail social de rue et communication vers les médias » est consultable sur le site de Dynamo International à l’adresse suivante : http://www.travail-de-rue.net/fr/outils_guides_01_fr_00.htm. Ce guide a été créé sur base du constat qu’il est parfois difficile de bénéficier d’un retour presse, tant par rapport à une initiative positive et citoyenne, qu’au niveau des actions de prévention qui ne sont généralement ni spectaculaires, ni « sexy ». Il a été réalisé suite à un échec de communication au niveau d’un projet qui a induit la nécessité pour l’A.S.B.L. de mettre en place une nouvelle stratégie de communication. Avec ce guide, Dynamo International entend proposer des pistes pour aider concrètement les travailleurs de terrain dans leurs démarches de communication et mettre en évidence le rôle positif qui peut être joué par les médias dans l’élaboration ou dans la mise en valeur d’un projet. Ne disposant pas du texte intégral de l’intervention de Mr Ronald CUELEMANS, le texte ci-dessous constitue un résumé de ses propos. 14 Ne disposant pas du texte intégral de l’intervention de Mr Philippon TOUSSAINT, le texte ci-dessous constitue un résumé de ses propos. 13 27 Texte intégral de l’intervention de D. PENNEWAERT, Psychologue, responsable du Service d’Intervention Psychosociale Urgente (Sisu) et coordinatrice générale du projet EURESTE15 Exemple d’une stratégie de contact et de confiance avec les professionnels des médias : le projet EURESTE Les attentats du 11 septembre 2001 mais aussi ceux du 11 mars à Madrid trois ans plus tard nous ont amenés à nous interroger sur les causes et conséquences des actes terroristes. Au moment de ces attentats, le choc éprouvé n’était-il pas, avant que la réalité ne se fasse un chemin dans notre esprit, depuis Bruxelles, depuis Charleroi, un choc médiatique. On pourrait même poser le problème suivant : en l’absence d’un relais médiatique de la terreur semée par les menaces et les actes, le terrorisme pourrait-il exister ou la peur se propager ? En 2005, nous avons initié, avec l’appui de la Commission Européenne, un projet visant la promotion des ressources européennes en faveur des victimes d’actes terroristes et leurs familles. En d’autres termes, il s’agissait d’identifier et de mettre en lumière les ressources, parfois très indirectes, que nous avons à notre disposition individuellement, collectivement et institutionnellement pour faire face, à la volonté de certains, de terrifier par des actes intentionnellement malveillants. Les conclusions de la phase pilote du projet, en 2006, nous ont amené à identifier trois protagonistes incontournables, tant au niveau de ce que nous pouvons faire en amont, que des mesures et dispositions à mettre en place en aval, de menaces ou d’acte terroristes ou de violence : - Les autorités publiques La justice Les médias Fort de ces conclusions et en souhaitant nous inscrire dans une démarche d’identification des ressources et de réseau, il nous a semblé intéressant d’aller à la rencontre des professionnels des médias plutôt que de les prendre pour cible d’information et/ou de formations aux divers aspects de la crise et de ses impacts sur les victimes et le grand public. Ce qui, je dois bien l’avouer, était leur idée première. C’est pour témoigner de ce cheminement et d’en partager avec vous les résultats que j’ai été invitée aujourd’hui. J’en profite pour remercier chaleureusement l’organisatrice de cette journée d’étude de qualité, Mme V. KETELAER. 15 www.eureste.org 28 Radio, télévision, journaux, Internet, en situation de crise toutes les voies médiatiques sont bonnes à combler notre manque d’information et notre besoin de comprendre, de réaliser… Travaillant depuis 13 ans sur le terrain, les crises m’ont donné l’occasion de voir, de sentir et réfléchir à la question de nos besoins d’êtres humains, confrontés à la mort, à la crise, à l’inhumain parfois. L’être humain est ainsi fait qu’il a besoin de deux choses fondamentales, à côté des besoins primaires de base, besoin de sentir qu’il existe, qu’il est sujet, là, présent, un sujet dont on tient compte et, d’autre part qu’il compte pour autrui, pour quelqu’un, qu’il appartient à un groupe, à une communauté. Les liens sociaux ne sont pas seulement le ciment de la vie en société mais aussi ce qui nous fait sentir appartenir, être dans un endroit vivant, peuplé (tout l’inverse d’un « no man’s land »). Or, la crise, la violence, l’attentat, la catastrophe « dépeuple », crée des ruptures, déshumanise. Maintenir, renforcer les liens, cela se fait par le contact direct, l’échange, l’écoute. Pour cela, en situation de crise, le premier besoin du système et des individus est un besoin d’information. Non pas « absolue », « brute », pour « savoir », mais une information porteuse, génératrice de liens : mon fils est-il impliqué ? Est-il encore en vie ? Où se trouve ma femme ? Ma mère ? Pourquoi ma fille ne m’appelle-t-elle pas ? Pour répondre à ces questions pleines d’émotion, toutes les sources sont bonnes à prendre ! C’est en cela que les détails, parfois difficiles à dire et surtout à entendre, seront chassés par les familles des personnes impliquées. Plus quelques curieux, sans doute, mais aussi simplement des personnes solidaires et empathiques. Aujourd’hui, le travail journalistique, sous ses diverses formes, est peut-être l’un des vecteurs permettant de faire exister ou maintenir le lien social, à un niveau national ou international, même s’il ne s’agit pas de sa fonction première. « Habitués », pour autant que cela soit possible, aux situations de crise de type catastrophe, nous étions coutumiers de la présence de journalistes dans et autour des situations de crise. Point presse, responsable presse des SPF (services publics fédéraux) et des diverses autorités, organisation de la communication vers les médias, tout cela fait partie des pratiques usuelles. Les outils existent donc… Quelle plus-value, quelle nécessité à travailler avec les médias ? D’une part, il nous semblait entendre fréquemment les médias décriés pour leur manque de respect, de professionnalisme, leur manque d’éthique et de responsabilité, etc… D’autre part, malgré les outils existants, sur le terrain, nous avons pu observer ceci ou cela… 29 Ensuite, un phénomène s’étend, celui du « Citizen Journalist ». La diversification des outils et méthode de médiatisation de l’information peut fragiliser l’image et la crédibilité de la profession. Enfin, le renforcement des ressources sociales et institutionnelles face aux crises se prépare en amont de celles-ci. En situation de crise, on ne fera correctement que ce que l’on fait bien au quotidien, pas plus et parfois moins ! Quelle stratégie, alors utiliser pour créer du lien, hors d’une situation de crise particulière, c’està-dire à priori sans « intérêts » respectifs, si ce n’est celui de la rencontre ? Dans un premier temps, nous avons initié quelques contacts, à la fois avec des acteurs de la crise, avec des professionnels des médias ayant été impliqués dans les attentats du 11 septembre et ceux du 11 mars ainsi que des représentants d’associations de victimes de diverses catastrophes. Très vite, nous avons eu confirmation de ce que nous avions déjà constaté sur le terrain : les journalistes, les victimes et les autres (autorités publiques et acteurs de la crise) se parlent beaucoup mais s’écoutent peu. Pour ma part, je me suis aperçue qu’en réalité, je connaissais très peu les métier(s) des médias. La première étape fut donc de suivre des séminaires et formations sur ceux-ci. Une sorte d’immersion au cœur du sérail. D’une phase avant l’approche, d’observation et de compréhension. Et là, belle surprise, des journalistes/enseignants passionnés et enthousiastes à l’idée d’expliquer leurs divers métiers, l’histoire du journalisme, son évolution, le contexte de travail d’aujourd’hui, les statuts professionnels et leurs aléas et, leur formidable motivation à rechercher les vérités et leurs pourquoi et les transmettre… Ensuite vient la phase d’approche, plus délicate. Et là, à nouveau, personne ne montre les dents, les portes s’ouvrent, associations professionnelles, représentants de groupe de presse, de la presse écrite, de la fédération des télévisions locales. Nous sommes accueillis, les liens se créent. L’écoute se pratique et la compréhension mutuelle s’installe. Dans une deuxième grand étape, quoi de plus naturel, pour faire du lien, pour renforcer nos ressources, de partager ce grand bonheur avec nos collègues de la crise ! Nous avons donc organisé en février dernier un carrefour-rencontre avec l’aide de l’AJP (association de journalistes professionnels), ayant pour thème : « Journalistes & Professionnels de la crise : échanges d’expériences et de besoins ». Comprendre les contraintes professionnelles de l’autre. Celui-ci a rassemblé, autour de l’expérience de la catastrophe de Ghislenghien, divers acteurs des métiers de la crise et des médias. Ce carrefour-rencontre a permis aux professionnels des deux métiers d’échanger sur les réalités de leur travail, sur leurs contraintes et sur les difficultés qu’ils y rencontrent au quotidien. La dynamique des échanges et leur contenu nous ont confirmé l’importance de créer des liens de confiance interprofessionnelle. Une journée d’études, il y a deux semaines, a prolongé et étendu le réseau d’échanges et de débats. Je vais vous en livrer les conclusions. 30 Quant aux obstacles aux contraintes, comme autant d’objectifs à atteindre - Quand méconnaisse et mauvaises expériences riment avec méfiance Il existe une grande méfiance de la part des intervenants de la crise à l’égard des journalistes. Les causes de celle-ci semblent trouver leurs racines dans la méconnaissance de la profession journalistique et dans la tendance à généraliser certaines mauvaises expériences avec les médias. - Les journalistes à la recherche d’une vérité… Pour être au plus près des victimes et pour aller au plus loin avec elles, certains journalistes ont souligné l’importance, malgré l’existence de responsable presse, qu’ils accordaient à être en lien direct avec les intervenants de terrain et les victimes. Combien il était important, pour eux, d’être au cœur de l’action pour recueillir et comprendre les choses mises en place et les émotions exprimées. Plus que la vérité scientifique ou judiciaire, c’est la vérité des personnes, la vérité du moment qu’ils recherchent. - Le choc des temporalités Le bilan d’une catastrophe et les éléments qui en sont la cause font partie des premiers sujets que souhaitent aborder les journalistes. Or, dans la phase immédiate de la catastrophe, il est difficile de répondre à ces questions. Le bilan d’une catastrophe est évolutif. Pour que les informations diffusées soient le moins dommageables possible pour les proches d’impliqués éventuels, il est important que les intervenants de la crise se limitent au bilan fiable à leur disposition à ce moment là, sans faire de spéculations à outrance. Pour ce qui est de la question des causes, il est important de veiller à répondre uniquement aux questions relatives à leurs prérogatives. C’est à l’autorité judiciaire ou locale de se prononcer à ce sujet. - Les contraintes des intervenants de crise Les interdictions d’accès émises par les intervenants de la crise aux journalistes relèvent généralement plus de mesures de protection que d’une volonté de les empêcher d’exercer leur métier. Dans le même ordre d’idées, si certains intervenants de la crise refusent de répondre aux questions, c’est plus parce qu’ils n’y sont officiellement pas autorisés que par simple souhait d’empêcher les journalistes d’exercer leur droit à l’information. - Le pouvoir des images Une partie du malentendu entre les intervenants de crise et les médias est liée à la problématique de l’image. Certains journalistes ont souligné qu’ils avaient pu réaliser toute une série de reportages radio sur des thématiques très sensibles qu’ils n’auraient sans doute pas pu réaliser de la même manière et avec autant de facilité s’ils étaient équipés d’une caméra ou d’un appareil photo. - Le rôle d’un intervenant de crise n’est pas à confondre avec celui d’un censeur Ayant conscience de l’état dans lequel peuvent être les victimes et leurs proches après une catastrophe, les intervenants de la crise se sentent responsables vis-à-vis des victimes. Ils ont tendance à jouer à leur égard un rôle surprotecteur par rapport aux journalistes. Pourtant, les victimes ne constituent pas un groupe homogène : alors que certaines victimes fuiront les journalistes comme la peste, d’autres pourront se sentir flouées de na pas avoir pu s’exprimer devant ces derniers. Si les intervenants de la crise n’ont pas à s’instaurer comme censeurs, il est néanmoins important que les 31 professionnels des médias gardent à l’esprit qu’une victime de catastrophe, surtout en phase immédiate, n’est pas toujours en mesure d’exercer son libre arbitre quant au choix de s’exprimer ou non. Ici, certains intervenants peuvent être des relais fiables afin de favoriser le contact entre un journaliste et une personne victime dans un contexte de consentement éclairé. Quant aux forces et aux ressources, comme autant d’appuis - Quand les médias répondent aux besoins des victimes Les médias jouent un rôle important à l’égard des victimes en situation de catastrophe. En effet, une double utilité existe. D’une part, une fonction d’information : les médias comme relais des messages officiels, des consignes, des alertes. D’autre part, une fonction plus symbolique : les médias créateurs de liens, mais aussi le journalisme qui éclaire et fait œuvre de mémoire et de reconnaissance. - Une interview ça peut se « préparer » ! Les professionnels des médias ont souligné qu’il était tout à fait légitime qu’un intervenant de crise puisse connaître à l’avance les thèmes (≠ questions exactes) abordés lors d’une interview et le temps de parole dont il dispose pour répondre aux questions. Pour éviter que de fausses informations circulent, certains acteurs de l’aide se disent prêts à répondre à l’une ou l’autre question des journalistes sans les renvoyer systématiquement à l’autorité administrative. Pour cela, ils estiment important de connaître au préalable le type de questions qui leur seront posées et de disposer d’informations vraies et vérifiées à transmettre aux journalistes. - Donnant-donnant Aux yeux des journalistes, les qualités d’un bon porte-parole sont sa fiabilité, sa disponibilité, et la qualité de l’information donnée. Pour qu’une bonne dynamique puisse être mise en place, il est important de veiller à construire une relation de confiance réciproque. D’une part, cela rassure les journalistes et leur permet d’établir un contact avec une personne de référence qui puisse les rappeler et leur donner une information fiable et, d’autre part, cela apaise le porte-parole sur le contenu des informations qui seront diffusées par les médias. - Autodiscipline des journalistes belges Plusieurs acteurs de terrain ont relevé la qualité humaine générale dont les médias belges (tout métiers confondus) font preuve lorsqu’ils couvrent des catastrophes. Il existe une autodiscipline (≠ autocensure) dans la presse belge que l’on retrouve assez peu chez nos voisins européens. - Journaliste : une profession mais différents métiers Il existe, au sein de la profession journalistique, plusieurs métiers et canaux de diffusion très spécifiques. Chacune de ces variables engendre des besoins et des contraintes très différents les uns des autres, notamment au niveau de la temporalité abordée plus tôt. Il est important que les intervenants de la crise en aient conscience afin de ne pas examiner toute demande journalistique de la même manière. 32 Des pistes complémentaires comme idées ressources… - Favoriser des rencontres interprofessionnelles, comme aujourd’hui Un pas plus loin, impliquer des étudiants en journalisme dans des exercices catastrophe et ateliers. Développer des activités d’éducation aux médias, telles qu’il en existe dans les écoles, auprès du grand public Sensibiliser les autres professions aux métiers des médias Oser impliquer des journalistes ayant joué un rôle, dans les bilans des actions mises en place sur le terrain Quant au processus, comme un simple exemple, une réalité Une relation de confiance, ça se construit. Cela ne s’achète pas, ou le prix à payer en retour peut être élevé… La confiance et le lien ne sont que l’aboutissement d’un travail de concertation, de connaissance et de reconnaissance mutuelle. A cette occasion, j’ai eu l’immense plaisir de constater l’ouverture et l’accueil reçu par les professionnels des médias rencontrés, à oser ouvrir le débat sur leur profession et leurs diversités ainsi que de l’intérêt d’en connaître plus sur les nôtres. Humanité et responsabilité sont les deux mots qui me semblent les caractériser. Humanité (être humain) et Responsabilité (répondre de soi, répondre d’un autre). L’on retrouve bien ici ce qui constitue les besoins fondamentaux d’un être humain. A fortiori lorsqu’il est victime d’une situation violente et fortuite, ce qui – je le rappelle en passant - peut nous arriver à chacun. A côté du fait qu’il est important de restaurer les liens entre les personnes touchées par une catastrophe, il est crucial de construire des liens entre les aidants, les divers services publics et les professionnels des médias. Il est prudent de ne pas attendre la crise pour y réfléchir. Les représentants des citoyens, les autorités publiques et tout acteur qui communique aux médias assument, avec leur tâche, la responsabilité de le faire avec : - courage, - humilité, - sensibilité, et au bénéfice des victimes et du grand public, même si l’opportunité du contact sert les intérêts bilatéraux. La manière dont l’aide est apportée a davantage d’importance que son contenu. Lorsque nous agissons et communiquons aux personnes affectées par une situation de crise ou de violence, les attentes sont gigantesques et les moyens souvent peu présents. Le sens des gestes et l’intention des mots sont très puissants. Enfin, créer des liens de confiance et respecter les professions du métier des médias est une bonne piste pour prévenir le chaos dans les communications et l’information données aux citoyens avant, pendant et après les crises. Penser l’émotion avec liberté est une sauvegarde de la démocratie, mais aussi la responsabilité de chacun. Jongler entre distance professionnelle et empathie n’est pas chose aisée… Ceci nous met sur le chemin d’une éthique de l’information sur les crises, les violences et les victimes, et la médiatisation peut alors également, secondairement celle qui va panser l’émotion… 33 Texte intégral de l’intervention de M. ROLLAND, Responsable communication, Child Focus Comment aider les victimes (et professionnels) à répondre aux médias ? Expérience et nouvel outil de Child Focus Fin 2007, avec notamment le soutien d’autres associations d’aide aux victimes et de l’Association des Journalistes Professionnels, Child Focus a publié une brochure intitulée : « Face aux médias : conseils aux victimes ». Il s’agit d’une brochure d’information pour aider les victimes à bien gérer les contacts avec les médias. Les familles dont les enfants ont disparu ou qui ont subi des abus sexuels sont parfois amenées à entrer en contact avec la presse. En règle générale, les médias belges font heureusement preuve de respect à l’égard des victimes. Mais les choses ne se déroulent pas toujours comme elles le devraient. Des informations erronées, des déclarations faites à titre confidentiel, des photos irrespectueuses ou des questions indélicates paraissent encore dans les journaux ou à la télévision. Ces « dérapages » sont parfois dus au fait que les intéressés ne sont pas toujours conscients des conséquences négatives que peuvent avoir des déclarations irréfléchies ou maladroites, faites aux journalistes. Les journalistes peuvent, quant à eux, être confrontés à la difficulté d’obtenir des informations fiables si, par exemple, les autorités policières ou judiciaires ne souhaitent pas communiquer. Ils sont également tributaires de la ligne éditoriale de leur rédaction. A Child Focus, nous avons instamment besoin des médias que ce soit pour nous aider à retrouver des enfants disparus ou pour soutenir nos campagnes de sensibilisation, nos études en matière de disparition d’enfants et d’exploitation sexuelle. Généralement, la collaboration à ce niveau-là est optimale. Mais dans le cadre de notre mission de soutien psychologique des parents en détresse confrontés à la presse, nous avons rencontré l’un ou l’autre problème. Je me souviens par exemple d’un journaliste qui voulait absolument parler aux parents d’un petit enfant enlevé et retrouvé avec une fracture du crâne. Je lui demande quel type de question il souhaite poser car, peut-être ai-je la réponse… Voici sa question : « Est-il vrai que des mouches ont pondu dans le crâne ouvert du petit » ? Il y a le cas de cette maman qui, effondrée en apprenant le décès de sa fille, a accusé violemment son ex-mari de négligence en se répandant en détails intimes sur leurs relations dans un quotidien. Ses deux autres enfants ont été pestiférés à l’école et la maman a eu des problèmes judiciaires. Un papa dont la fille a été retrouvée assassinée a très mal vécu l’interminable médiatique » devant sa porte, … « ballet Cette brochure est donc un outil précieux. Elle explique le fonctionnement de la presse, propose des conseils utiles pour gérer les contacts avec les journalistes : 34 Exemples : - décider de ne pas parler ou garder l’anonymat - ne pas se répandre en confidences intimes sur soi ou sa famille - si trop intimidé ou émotionné choisir un porte-parole dans son entourage (un avocat, un professeur,..) - organiser un point presse pour ne pas devoir répéter plusieurs fois une histoire parfois douloureuse - si des enfants sont amenés à prendre la parole : bien les préparer car ils ne discernent pas facilement ce qu’ils peuvent dire et ne pas dire. Ne pas oublier que la loi interdit de mentionner dans les médias le nom et le prénom des mineurs qui font l’objet d’une mesure de protection de la jeunesse. - demander à ce que certaines images ne soient pas montrées. Des conseils sont également donnés si les informations parues sont erronées et si la victime souhaite réagir. La brochure « Face aux médias : conseils aux victimes » a été diffusée à grande échelle, notamment via les Maisons de Justice, et sert de référence à maints services d’aide, des spécialistes de Child Focus en matière de disparition et d’exploitation sexuelle d’enfants aux agents de police chargés de la prise en charge des victimes. Elle peut être commandée au Forum national pour une politique en faveur des victimes16. 16 Informations relatives à ce forum - tél : 02/210.56.26. 35 3. RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE COMMUNICATION Pour clôturer les travaux, le FBPSU a mandaté Laurence COMMINETTE, chargée de communication à la Ville de Liège, pour synthétiser et présenter les recommandations de la journée à l’attention des acteurs locaux de prévention. Elle fut assistée dans cette tâche par Philippe BELLIS, fonctionnaire de prévention de la commune de Saint-Gilles. L’objectif de cette partie du livret est de dégager différentes recommandations élaborées sur base des interventions de la journée, interventions qui reflètent tant la qualité et la diversité des points de vue des orateurs que leur sincérité pour évoquer leur métier et les difficultés rencontrées face au sujet délicat du traitement de l’information et de la communication relatives aux questions d’insécurité. Ces recommandations sont destinées à être utilisées par les villes et communes, en vue de la mise en place d’une politique de communication portant sur ces questions, politique rendue nécessaire par l’évolution du rapport entre médias et insécurité. En effet, comme l’a bien mis en évidence le rapport de la Fondation Roi Baudouin consacré à l’insécurité, si le thème de l’insécurité a toujours été présent dans l’information, on constate actuellement un « effet de loupe » des médias par rapport à ce thème, les sujets liés à l’insécurité étant plus directement relayés, voire amplifiés par les médias, en raison d’une série d’éléments liés à leur fonctionnement : recherche d’un contact et d’une relation avec le destinataire de l’information basée sur l’émotion ; simplicité du traitement ce type d’informations (ne nécessitant pas de formation préalable du journaliste) ; multiplicité des supports… La journée d’études a également bien mis en évidence l’impact qu’a sur cette question l’évolution des médias. Ainsi, à titre d’exemple, les métiers de la presse connaissent une forte évolution. La pression commerciale, les fusions de groupes de presse, le nombre toujours plus restreint de personnel, impliquant une réduction du temps à consacrer au traitement des sujets, rendent l'exercice de ce métier fort contraignant. En pratique, il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste en communication pour faire connaître ses projets et assurer une communication efficiente portant sur les questions de sécurité mais ces missions nécessitent néanmoins certaines connaissances spécifiques des médias et de leurs règles de fonctionnement. A de nombreuses reprises, cette journée d’études a mis en évidence combien les temporalités différentes entre médias (temporalité courte, basée sur l’urgence) et autorités publiques (nécessité d’un recul notamment pour des raisons de responsabilités liées aux déclarations) ont un impact sur cette thématique du sentiment d’insécurité. 36 Pour prendre en considération cet élément, il est recommandé : • que les collectivités publiques devancent l’actualité, c'est-à-dire n’attendent pas la survenance d’une crise ou d’un fait de délinquance qui intéresse les médias pour travailler sur un plan de communication. • que les collectivités locales définissent une procédure de communication claire impliquant au minimum une réponse aux questions suivantes : qui peut répondre aux médias ? Dans quelles limites ? Quelles sont les personnes ressources ? • que les collectivités locales établissent un listing comportant l’ensemble des coordonnées des personnes de contact et des médias (rédactions…). La journée a également plusieurs fois mis évidence la nécessité pour la ville ou la commune de prendre en considération la manière de fonctionner des médias. • Ainsi concernant la presse, la connaissance du planning d’une journée de rédaction (et notamment le fait que la conférence de rédaction a lieu à 9h00), des heures de bouclage des quotidiens et des moments où les journalistes sont plus (ou moins) disponibles, ne peut qu’avoir un impact positif sur le traitement de l’information. • Il est également recommandé de prendre le temps de créer des contacts préalables avec les journalistes locaux ou en charge du type de matières que l’on souhaite traiter. Les périodes de vacances, souvent creuses au niveau des médias, sont un bon moment pour nouer ou développer ces contacts ou pour diffuser des informations concernant un projet. Il est également essentiel pour les collectivités publiques de bien choisir leurs axes de communication (télé, radio, presse écrite), de connaître les avantages et les inconvénients et spécificités de chacun. • Ainsi, le communiqué de presse seul ne suffit pas ; il est important, pour favoriser la transmission de l’information, de le doubler d’un rappel téléphonique. • La manière dont est rédigé le communiqué a également une influence importante : celui-ci doit être court, structuré, précis et il doit répondre aux questions suivantes : qui fait quoi, quand, où et pourquoi ? • Lors d'une conférence de presse, prendre en considération les différentes dimensions de l’information (le son mais aussi l’image) et ainsi « prévoir de l’image » pour les caméramans et les photographes. • Ne pas oublier que l’on peut préparer, voire recommencer une interview, et poser des questions sur l’axe choisi par le journaliste. 37 Annexe 1 Programme de la journée17 9h Mot d’accueil Jacques VISEUR, Bourgmestre de Charleroi 9h10 Introduction et objectifs de la journée Willy DEMEYER, Président du FBPSU, Bourgmestre de Liège : objectifs de la journée Jean Pierre GOOR, Responsable de projet, Fondation Roi Baudouin : le rapport sur le sentiment d’insécurité et l’influence des médias 9h30 Comment les médias traitent de l’insécurité et influencent le sentiment d’insécurité Jean Jacques JESPERS, Journaliste et chargé de cours ULB 10h Le choix des sujets et le traitement du thème insécurité en presse écrite Frédéric DUBOIS, journaliste indépendant, judiciariste 10h20 Impact de la presse télévisée sur le sentiment d’insécurité : approche éditoriale au JT RTL TVI Christophe GILTAY, chef d’édition du journal télévisé, RTL TVI 10h45 PAUSE CAFE 11h00 Relations entre autorités locales et médias concernant le thème de l’insécurité Jean Jacques VISEUR, Bourgmestre de Charleroi 11h20 Expérience d’un responsable de service de prévention dans les contacts avec les médias Ronald CEULEMANS, Fonctionnaire de prévention, Commune de Molenbeek 11h40 Débat avec la salle 12h30 LUNCH 14h10 Les travailleurs sociaux de rue et la communication vers les médias : le guide de Dynamo International Philippon TOUSSAINT, Directeur, Dynamo AMO (Bruxelles). 14h30 14h50 Débat avec la salle PAUSE CAFÉ 15h Exemple d’une stratégie de contact et de confiance avec les professionnels des médias : le projet EURESTE Delphine PENNEWAERT, Psychologue, Responsable du service Sisu (Croix Rouge de Belgique), Coordinatrice générale du projet EURESTE 15h20 Comment aider les victimes (et professionnels) à répondre aux médias : expérience et nouvel outil de Child Focus Maryse ROLLAND, responsable communication, Child Focus 15h40 Débat avec la salle 16h Recommandations du jour Laurence COMMINETTE, responsable communication, Plan de Prévention, Ville de Liège 16h15 Conclusions et clôture de la journée 17 Journée animée par Fr. BARE, journaliste RTBF 38 Annexe 2 Liste des participants NOM PRENOM FONCTION VILLE BASSAN Marie-Agnès Conseiller en Technoprévention Charleroi BASTIAENS Sophie Fonctionnaire de Prévention BELLIS Philippe Fonctionnaire de Prévention Berchem-SainteAgathe Saint-Gilles BIANCALANA Dan Criminologue au Forum Luxembourgeois de sécurité urbaine (Syndicat des Villes et Communes du Luxembourg) Luxembourg BIRON Bénédicte Liège BLAISE Benjamin Chef de Projet "Sécurisation" Plan de prévention et de proximité Chargé de mission – FESU BOONEN Jérôme BROUSMICHE BYA CAMBIER Pierre CARBONI CARTERET Paris Charleroi Alain Sociologue - responsable Cellule recherche et concertation Division Prévention Drogues Chef d'équipe - Service Prévention Animation de Quartiers Arnaud Fonctionnaire de Prévention Marche-enFamenne Sergio Carolo rue Charleroi Mawena Evaluatrice Interne - Service Prévention Schaerbeek Charleroi CEULEMANS Ronald Fonctionnaire de Prévention Molenbeek CHARLES Régine Psychologue - Carolo Contact Drogues Charleroi COMMINETTE Laurence Responsable communication - Plan de Prévention Liège CROUGHS Florence Coordinatrice Générale de l'asbl PAJ (Prévention Animation Jeunesse) Woluwé-SaintPierre CUISINIER DAUWE DE BIASIO Laurence Véronique Yvano Fonctionnaire de Prévention Attachée au Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale Fonctionnaire de Prévention Morlanwelz Bruxelles Charleroi DE CLERCK Benoît Coordinateur Plan Drogue - Directeur Adjoint Charleroi DE LUTIS Christel Médiatrice sociale - asbl Bravvo - Quartier de Laeken Nord Bruxelles DEBOUNY Sarah Gestionnaire de projets - Plan de Prévention Liège DEBRUYNE Vincent Journaliste - Rédaction La Dernière Heure Charleroi DEMEYER Willy Président du FBPSU – Bourgmestre de la Ville de Liège Liège DESTINE Eric DEWEZ Francis Médiateur scolaire – Commune de Saint-Gilles Bruxelles DHUYVETTER Bertrand Fonctionnaire de Prévention Schaerbeek DI MATEO Clara Médiatrice sociale - asbl Bravvo - Quartier des Marolles Bruxelles DOBRYNINE Alice Fonctionnaire de Prévention Forest DUFRASNE Grégory Fonctionnaire de Prévention La Louvière DUQUESNE Gérard Coordinateur Service Prévention Animation de Quartiers Charleroi EESTERMANS Leo Bruxelles FIKKERT Julie Consultant Vlaamse Vereniging van de Steden en Gemeenten - Cellule Police et Sécurité Médiatrice scolaire – Cellule Décrochage scolaire du Service Prévention GERARD Laurence Evaluatrice Interne La Louvière GILTAY Christophe Chef d’édition du journal télévisé de RTL-TVI Bruxelles GOOR Jean-Pierre Responsable de projet - Fondation Roi Baudouin Bruxelles HALLENG Frédérique Criminologue - Cabinet du Bourgmestre de la Ville de Liège Liège HANIN Marie-Hélène Coordinatrice Adjointe - Prévention des Conflits - asbl Bravvo Bruxelles HORNAY Agnès Psychologue - Service Prévention Fléron Fonctionnaire de Prévention Etterbeek HUCORNE Jean-Michel JENTGES Isabelle Evere 39 JESPERS JOACHIM KETELAER JeanJacques Caroline Véronique KOSZULAP Marianne Psychologue - Criminologue - Coordinatrice de projet (Sisu) Chargée de mission - Forum Belge pour la Prévention et Sécurité Urbaine (FBPSU) asbl Responsable - Cellule Cohésion Sociale LAURENT LECLERE Pascal Pierre Journaliste, chef d'édition du bureau Hainaut «Le Soir» Directeur Adjoint – Division Prévention Quartiers Mons Charleroi MAHY Marilyn Liège MEGGETTO Franco Chargée de Communication et d'analyse pour l'Université de Liège Porte-parole de la police locale PARMENTIER Marie Bruxelles PATTYN PENNEWAERT Joël Delphine Animatrice scolaire de l'asbl PAJ Prévention Animation Jeunesse Coordinateur Centre d’Accueil Trait d’Union Psychologue - Responsable du service SISU PERETH Jean-Pierre Officier de Prévention Zone Midi Bruxelles PERIQUET Laurent Educateur - Directeur de la Prévention et de la Sécurité Charleroi PEZZIN JeanFrançois Michaël Agent de Prévention Marche en Famenne Etterbeek PINCHART Journaliste et chargé de cours ULB Bruxelles Bruxelles Bruxelles Charleroi Evaluateur Interne Charleroi Charleroi Bruxelles PRADAL Fabrice QUINET RATZ Pascal Séverine Adjoint au Fonctionnaire de Prévention Animatrice pour les Seniors Charleroi Châtelet Amay ROLAND Patricia Médiateur de quartier Charleroi ROLLAND Maryse Responsable presse - Child Focus Bruxelles ROUSSEL Philippe Rédacteur en chef, Directeur de rédaction JT RTL TVI Bruxelles RUYSEN Katrien Evaluatrice Interne Evere SARI Ayla Fonctionnaire de Prévention Fléron SAYE Isabelle Psychologue - Carolo Contact Drogues Charleroi SIMAL Sophie Ministère de l’Intérieur, direction Prévention et Sécurité Locale Bruxelles SMAL Olivier SPANN Nicolas Secrétaire administratif à la Cellule Prévention - Fonctionnaire de Prévention Médiateur social - asbl Bravvo - Quartier Rempart des Moines/Anneessens Woluwé-SaintLambert Bruxelles STALPAERT Ann Laeken SWENNEN Yves Coordinatrice du Projet Cohésion Sociale Léopold Ier - Picol asbl Partenariat Intégration Cohabitation Attaché au Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale THIBAUT Christine Bruxelles Coordinatrice adjointe Service Prévention Animation de quartiers Charleroi TOUSSAINT Philippon Directeur – DynAMO International asbl Bruxelles VAES Sophie Service d’Encadrement des Mesures Judiciaires Alternatives (SEMJA) - asbl Bravvo Bruxelles VAES Judith Periferia asbl Bruxelles VAN LEISBERGHE Thomas Travailleur Communautaire - Contrat de quartier Les Quais Laeken VANBLERICQ Anne-Sophie Médiatrice scolaire de l'asbl PAJ Prévention Animation Jeunesse Bruxelles VELASTI VISEUR Bourgmestre de Charleroi Charleroi VOSTIER Laetitia JeanJacques Frédéric Conseiller en Technoprévention Châtelet WELLENS Fanny Porte-Parole pour la Zone Midi (Saint-Gilles, Forest, Anderlecht) Bruxelles WERER Sandy Luxembourg ZECCHINI Laurent Criminologue – Forum Luxembourgeois pour la Sécurité Urbaine Secrétaire Politique, Cabinet du Ministre Paul Magnette, Ministre de l'Environnement Bruxelles 40 Forum Belge pour pour la Prévention et la Sécurité Urbaine ASBL Belgisch Forum voor Preventie en Veiligheid in de Steden VZW Qui sommes-nous ? Le Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine est une association de villes et communes (représentées par leur bourgmestre) au service des autorités locales et de la démocratie. Créé en 1995, à l’initiative des bourgmestres des 5 grandes villes (Anvers, Gand, Bruxelles, Charleroi, Liège), nous comptons en 2007 plus de 85 membres. Le conseil d’administration est composé de 9 villes issues des trois régions du pays. Nous menons un travail de réflexion avec les élus et les professionnels de terrain pour défendre le rôle central des villes et communes dans les politiques de prévention de la délinquance et de sécurité et ainsi valoriser notre expertise et nos compétences. Au quotidien, un comité d'experts assure le suivi des dossiers et le contact avec nos membres. Que proposons-nous à nos membres? • • • Un réseau belge de villes et communes pour : Rassembler et échanger : o Des réseaux de réflexion et d’échanges de bonnes pratiques, régionaux et/ou thématiques, pour les professionnels : coordinateurs drogues, agents de prévention, évaluateurs, médiateurs,… o Un lien privilégié avec nos villes partenaires à l’étranger via le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine (plus de 300 collectivités), les autres forums nationaux (France, Italie, Espagne, Portugal,..), le Centre International de Prévention de la Criminalité (Montréal, CA),... o Un site Internet dynamique pour mettre en valeur les expériences locales, s’informer (agenda, notes de travail, conférences..) et faciliter le contact entre nos membres et partenaires. Réfléchir sur nos pratiques et promouvoir les expériences qui fonctionnent : o Une expertise en matière de projets locaux de prévention-sécurité et un appui dans la réalisation de projets, o L’organisation de colloques et séminaires sur l’actualité de la prévention et la sécurité urbaine. Représenter et convaincre : o Une représentation au sein de structures de coordination des politiques publiques au niveau régional, fédéral et international (EUCPN, …), pour imposer le rôle essentiel des villes et communes dans la définition et la mise en œuvre de programmes de prévention et sécurité. Comment devenir membre ? Les modalités d’adhésion et le formulaire d’inscription sont accessibles sur notre site Internet www.urbansecurity.be. Depuis 2003, l’adhésion est gratuite. Nous contacter ? Pour toute information: Véronique KETELAER, chargée de mission Forum Belge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine asbl Bâtiment BRAVVO, Boulevard Emile Jacqmain, 95 – 1000 Bruxelles Tél. : 02/279.21.50 - Fax : 02/279.21.59 [email protected] www.urbansecurity.be 41