Le lançage des tabliers de ponts
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Le lançage des tabliers de ponts
Jean-Charles Thibout Alain Pierre Verdier 4 GCU groupe B Le lançage des tabliers de ponts I- Historique Le lançage, ou poussage des tabliers consiste à construire l’ouvrage sur le rebord du plateau, derrière la culée et à pousser au fur et à mesure le tablier du viaduc sur les piles. Cette technique est utilisée depuis le 19ième siècle mais on pense que des civilisations très anciennes telles que les égyptiens connaissaient déjà ce procédé. C’est en 1860 que l’Anglais Donald Bailey a mis au point la méthode permettant de lancer des tabliers de 50 tonnes maximum. Au départ le poussage ne s’appliquait qu’aux constructions métalliques de faibles portées .Le viaduc de Garabit (1884) est un des premiers et des plus célèbres viaducs métalliques lancés. Le tablier mesure 564.85m. Sept hommes étaient placés sur chaque pile et tiraient sur un bras de levier pour faire progresser le tablier sur des roulettes. Le tout, à chaque son de trompette… Ces méthodes ont été remplacées par les systèmes de vérins hydrauliques au milieu des années 1900. Des tabliers en béton plus lourds que les métalliques ont ainsi pu être poussés. Le pont sur le Rio Caroni, au Venezuela, est le premier grand ouvrage en béton précontraint, dont la mise en place a été effectuée par poussage. En France, le premier ouvrage en béton poussé est l’aqueduc de l’Abéou construit en 1967. Les principaux avantages du poussage sont la rapidité d’exécution et le faible coût des coffrages dû au bétonnage de l’ouvrage sur les remblais d’accès. De plus, cette méthode permet aux ouvriers de travailler en toute sécurité au niveau du sol. 1 II- Les systèmes de lançage Ceux-ci peuvent différer selon l’ouvrage et selon les différentes entreprises exploitantes. Ils peuvent être très sophistiqués comme pour le viaduc de Millau, que nous étudierons par la suite. Le principe du système hydraulique est le suivant : Des vérins soulèvent le tablier puis d’autres vérins le poussent sur une vingtaine de centimètres. Le positionnement des vérins diffère d’un ouvrage à un autre : - Dans les cas les plus simples, les translateurs sont situés seulement sur le plateau, et des plaques de matériau peu adhérent (type téflon) sont disposées sur les piles, pour permettre l’avancement du tablier. Les piles doivent alors être dimensionnées pour résister à l’effort de frottement induit par le tablier. - Dans des cas plus complexes, il est nécessaire de disposer des translateurs sur chaque pile de pont. Selon la géographie du site, le lançage peut avoir lieu en pente descendante ou montante. Un système de freins doit alors être mis en place pour retenir le tablier. En effet celui-ci pourrait entrainer les piles dans son élan et provoquer la ruine de l’ouvrage. Les freins sont soit représentés par des vérins ou par le remplacement des plaques de glissement avec un matériau plus adhérent (bois par exemple). Pendant le poussage, les piles se tassent sous le poids du tablier. Il y a donc une dénivellation longitudinale entre les piles. Pour compenser celle-ci on ajoute ou supprime une des plaques d’acier inox entre le pont et l’appui. Lors de la construction d’un pont poussé, on utilise un avant bec, un haubanage ou des appuis provisoires pour limiter le porte-à-faux, les efforts et les déformations associés. III- Le système d’avant bec Le lançage est généralement accompagné de la mise en place d’un avant bec à l’extrémité lancée du tablier. En effet, le tablier étant relativement souple, il risque de se courber sous son propre poids et donc ne plus atteindre le niveau de la pile ou de la palée provisoire. Voici le schéma de l’avant bec utilisé lors de la construction du viaduc de Millau : 2 Le vérin permet de soulever l’avant bec jusqu’à ce que la zone d’appui atteigne la semelle. L’avant bec sert de guide au tablier. IV- Exemple du viaduc de Millau Le tablier du viaduc de Millau a été mis en place par lancement avec avant bec et haubanage. 64 translateurs ont été utilisés pour pousser le tablier de 36 000 tonnes. Chaque translateur peut soulever le tablier avec une force de 2000 tonnes et le translater avec une force de 120 tonnes sur 600 mm. Les 64 translateurs sont coordonnés et la trajectoire du tablier est calculée par GPS. Voici le schéma d’un translateur : Les vérins de balancelle sont au nombre de huit par translateur. Ils servent à guider le tablier. En effet, celui ci n’est pas droit et doit décrire une courbe. 3 - Le fonctionnement des translateurs s’effectue en 4 étapes : 1) Le translateur doit lever le tablier de 2 cm ; pour se faire, le vérin de levage pousse la cale de levage pour lever le tablier. 2) Le translateur doit pousser le tablier. Le vérin de poussée tire la cale de poussée pour faire avancer le tablier. Les translateurs ne peuvent pousser le tablier que de 600mm. . 3) Le translateur repose le tablier sur les piles et les palées provisoires. Le vérin de levage tire la cale de levage pour reposer le tablier sur la semelle. 4 4) Le translateur se remet en position de départ pour ensuite procéder à une nouvelle translation. Le vérin de poussée pousse la cale de poussée pour permettre aux translateurs de redémarrer une nouvelle opération. Chaque cycle dure 4 minutes. Le lançage du tablier est une succession d’opération des translateurs. Il y aura donc en tout 3280 cycles de poussées depuis le coté ouest et 1540 depuis le coté est. Ces opérations de lançage sont effectuées par tronçons successifs de 171 m à la vitesse de 9 m /h pour relier une pile à une palée provisoire. Chaque étape dure 72 heures en continu. Pendant cette durée, il faut s’assurer que les vents ne dépassent pas 50 Km/h. V- Avantages / inconvénients du lançage Grâce à la technique de lançage, la hauteur du pont est sans influence. Et la construction ne nécessite pas l’arrêt de la circulation inférieure. Cependant, l’effort de poussage est important, la courbure du pont est délicate, et il est préférable d’avoir une hauteur de tablier constante. 5