L`agriculture biologique - Société Française d`Economie Rurale
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L`agriculture biologique - Société Française d`Economie Rurale
« Les transversalités de l’agriculture biologique », Université de Strasbourg, 23-24 juin 2011 Benoît Leroux Chercheur post-doctorant Université Paris Est Créteil (UPEC) Lab'Urba*/ CESSP *** [email protected] L’agriculture biologique : un projet transversal implicite ? Définie par son non-recours aux produits chimiques de synthèse, l'agriculture biologique n'est pas d'une manière générale appréhendée dans sa qualité de transversalité. Si les dimensions réglementaires et normatives qui désignent cette pratique agricole – les prescriptions « agroéco-logiques » de ses cahiers des charges – sont importantes, nous pourrions nous demander si l'agrobiologie ne prend pas tout son sens qu'une fois reliée aux autres dimensions transversales qui la constituent. L’agriculture biologique, c’est non seulement un mode de production, mais n’est-ce pas aussi des enjeux éthiques, environnementaux, sociaux affirmés tout au long de son histoire et qui la distingue dans le milieu agricole ? L’objectif de cette communication consiste à apporter des éléments d’analyses relatifs à cette dimension peu étudiée. Ce faisant nous la questionnerons sous l’angle théorique comme pratique, avec des exemples. Avant d’aborder ces cas concrets, commençons par définir ses principes actifs. La qualité de transversalité L’activité paysanne est par nécessité polyvalente, allant de la semence à la vente, plus ou moins directe. La ferme est vue par les biodynamistes comme un « organisme vivant » regroupant sur une petite superficie – animaux, cultures, compostage, ruchers pour la pollinisation, mares et haies pour les animaux domestiques et sauvages. Elle est loin de répondre à la seule qualité de production de denrée alimentaire ou de matières premières comme, de fait, tend à être réduite l’activité agricole industrialisée par les processus de rationalisation et de division du travail techniques et marchands. Ces modes de vie voient s’entremêler l’activité et la vie familiale, la nécessité de produire, d’équilibrer son économie comme celle de préserver son environnement naturel (sur le long terme) ou encore d’entretenir localement un minimum de relations d’échanges et de solidarités. * Les recherches menées actuellement (2011-2012) sont financées par le Conseil Régional d’Île-deFrance dans le cadre d’une subvention post-doctorale du DIM-ASTREA. Le terme « transversal » est généralement employé dans le monde technique de la médecine, de l’architecture ou de la géographie. Il vient d’un mot provençal du 12e siècle et a pour origine latine traversus signifiant : « qui traverse une chose en la coupant perpendiculairement à sa plus grande dimension (longueur ou hauteur) ». Dans le langage courant, transversal renvoie à « ce qui traverse ; est en travers » alors qu’au figuré, il désigne ce « qui utilise, prend en compte, recouvre plusieurs domaines ou techniques ». En l’occurrence, il est utilisé en ce sens par certaines techniques de management1. Notre acception appliquée à l’organisation sectorielle s’approche également de celle de la géométrie désignant une intersection entre plusieurs sous-espaces. Mais, bien qu’elle s’appuie sur chacun de ces éléments, la définition de la transversalité ajustée à la réalité sociale agrobiologique, pour nécessaire qu’elle soit, demeure difficile à énoncer sans la présenter par le recours à des exemples et en la reliant selon ses différentes propriétés. La transversalité est autant un état qu’un moyen, à la fois une qualité structurée et une qualité structurante. Autrement dit, la dynamique transversale est constitutive de la structure objective de l’agrobiologie tout en étant incorporée par les acteurs et les groupes qui tendent à en faire un principe actif (qui est parfois perçu comme tel2). Par exemple, la méthode agrobiologique repose sur une approche que l’on pourrait qualifier aujourd’hui d’écosystémique3 ; en parallèle, les stratégies de producteurs biologiques sont innovantes lorsqu’elles parviennent à faire correspondre les enjeux et les intérêts spécifiques à ce milieu4. En concordance avec les lois premières de l’agriculture biologique, la transversalité vient s’opposer tant aux logiques de verticalité (hiérarchisation) et d’horizontalité (spécialisation) accentuées par l’intervention conjointe des techniques dominantes agroindustrielles et des 1 Le petit Robert. Dictionnaire de la langue française, Montréal, Dicorobert, 1993, pp. 2298-2299. Concernant l’usage de la transversalité dans les techniques de management (très en vogue dans le secteur des technologies électroniques), il a pour effet de dépasser la division taylorienne du travail pour une meilleure coordination entre secteurs productifs/administratifs et aussi avec la clientèle, exigeant d’importantes contributions salariales. Voir à ce sujet : Laurent Ménégoz, La transversalité, une utopie organisationnelle contemporaine : le cas de France Télécom Thèse de doctorat de sociologie, Université Pierre Mendès-France Grenoble 2, 2003. 2 Le mot de « transversal » a fait l’objet d’une utilisation particulière dans le monde professionnel de l’agrobiologie lorsque des membres de l’ITAB se sont opposés aux logiques de filières défendues par les OPA dominants, entre 1996 et 1999 ; cf. Solenne Piriou, L’institutionnalisation de l’agriculture biologique, op., Thèse de Doctorat de l’ENSAR, 2002, p. 274. Généralement, peu ou pas utilisé par les producteurs agrobiologiques, son usage relève davantage d’une conception analytique et/ou technique. Solenne Piriou l’emploie aussi à quelques reprises dans sa thèse selon une acception proche de celle énoncée ici (bien qu’elle n’en donne pas une définition précise). 3 Dans le sens où le mode de production agrobiologique prend en compte, en premier lieu, les écosystèmes (c’est-à-dire la relation entre l’eau, la terre, les ressources vivantes, etc.), dans un souci de durabilité de l’ensemble des ressources desquelles l’être humain dépend. 4 Comme j’ai tenté de le montrer ailleurs ; cf. Benoît Leroux, « Stratégies, innovations et propriétés spécifiques des agriculteurs biologiques. Éléments d’analyse sociologique du champ professionnel agrobiologique », Innovations agronomiques, N°4, 2009, pp. 389-399. logiques capitalistes. Ainsi, à l’instar de l’analyse que fait Félix Guattari de l’institution médico-psychiatrique, la « transversalité dans le groupe » est établie en rapport à la verticalité qu'on retrouve par exemple dans les descriptions faites par l'organigramme d'une structure pyramidale (chefs, sous-chefs…) » ; et en rapport à une « horizontalité comme [...] un certain état de fait où les choses et les gens s'arrangent comme ils peuvent de la situation dans laquelle ils se trouvent »5. Pour les agriculteurs biologiques, le rejet de la hiérarchisation, la structuration horizontale des fonctions sont clairement exprimés. Elle le sont par exemple par l’importance que revêt à leurs yeux le statut de paysan qui dans la culture agroécologique (au sens large) est replacé « au coeur de la civilisation » et non plus en bas de l’échelle socioprofessionnelle comme auraient tendance à le classer les dispositifs de catégorisation des sociétés industrialisées. Quant au rejet de la spécialisation provoquée par une structuration verticale, il est manifeste tant dans la pluralité des modes de productions adoptés en agriculture biologique que dans les multiples approches créées en partenariat avec des chercheurs et des consommateurs (par exemple, les AMAP6). À l’instar des études consacrées aux dimensions multifonctionnelles de l’agriculture7, le métier de paysan est par nature polyvalent. Polyvalence qui n’est autre que l’expression d’une transversalité de l’activité paysanne qui peut être appréhendée par opposition à une forme verticale d'organisation du travail, comme celle, dominante, qui est imposée par la division stricte des tâches mises en œuvre sous les principes du taylorisme et du fordisme. La longue élaboration de la restauration collective agrobiologique en partenariat avec les collectivités locales (comme par exemple en Midi-Pyrénées) confirme également toute la difficulté, pour les projets portant cette qualité transversale, à pouvoir « entrer dans les cadres institués ». Les normes alimentaires de l’agrobiologie, discutées par échanges de dossiers et compte-rendu de réunions, dépassent largement le champ agroalimentaire et agricole réuni. Cette agriculture biologique « dans les assiettes des collectivités » met effectivement en avant des normes d’actions locales, valeurs et conceptions relevant des domaines alimentaires, environnementaux ou d’économie solidaire. Ce faisant, elle déborde les frontières des cadres institués et institutionnalisés et rencontre par-là même les limites inhérentes aux logiques administratives compartimentées (la DRAF, la DASS ou la DIREN8 ne sont pas les mêmes entités et ne font pas budgets communs…)9. 5 Félix Guattari, Psychanalyse et transversalité : essai d’analyse institutionnelle, Paris, La découverte, 2003 (1972), p. 79. 6 Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP). 7 Pour une réflexion récente sur cette approche, cf. Groupe Polanyi, La multifonctionnalité de l’agriculture. Une dialectique entre marché et identité, Paris, Édition Quae, 2008. 8 Successivement Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt, Direction des Affaires Sociales et Sanitaires, Direction Régionale de l’Environnement. 9 Analyse extraite d’un article développant plus largement cet exemple. Benoît Leroux, « Entre la bio et le bio… quelles normes alimentaires ? Le projet transversal de l’agrobiologie française depuis l’après-guerre », Le Journal des anthropologues, n°106-107, 2006, pp. 43-60. Cette dynamique transversale, bien qu'elle n'appartienne pas à la réalité concrète de toutes les expériences agrobiologiques, est consubstantielle à sa dynamique. En effet, elle traverse l'histoire de ce mouvement social en prenant sa source dans les écrits des membres fondateurs de l'agriculture biologique de la première partie du 20e siècle. Parmi eux, Hans Peter Müller soutient, par exemple, depuis la Suisse « la construction d'une organisation coopérative de producteurs agricoles au service du maintien des paysans à la terre et de leur développement social et culturel dans le contexte de la modernisation »10. De même, ce sont des paysans, des consommateurs, des médecins, des chercheurs (dont des agronomes) qui ont défendu et contribué à développer l'agriculture biologique en relation avec leurs intérêts et domaines de compétence. Ces intérêts étaient à la fois de mettre en place une agriculture respectueuse du sol, d’observer les principes du vivant comme de se rapprocher de l’autonomie et des pratiques économes du monde paysan. Progressivement, se sont ajoutés à ces premiers objectifs, les intérêts de fournir des aliments sains, la préservation environnementale et paysagère, le localisme ou encore la volonté d'aller vers un meilleur respect du « bien-être » animal, de sauvegarder des races locales, des variétés anciennes, des pratiques de terroirs. Enfin, cette dynamique transversale s'est enrichie ces dernières années autour des enjeux de santé et de prévention11 (dans lesquels on peut inclure la préservation des zones de captages d'eau12), auxquelles sont corrélés également les dispositifs éducatifs (fermes pédagogiques13), de recherche agronomique14 et d’une « justice sociale » construite autour d’une 10 Yvan Besson, Histoire de l’agriculture biologique, une introduction aux fondateurs, Sir Albert Howard, Rudolf Steiner, le couple Müller et Hans Peter Rusch, Masanobu Fukuoka, Thèse UTT, 2007 (2e édition agrémentée des rapports de soutenance), p. 156. 11 Voir notamment Lylian Le Goff, Manger Bio, c’est pas du luxe, Mens, Terre vivante, 2006. Ce médecin spécialiste de la préservation de la santé milite pour faire le lien – transversal – entre qualité alimentaire, priorité de la santé, coût des agricultures (biologique et conventionnelle) et durabilité économique. 12 Voir notamment J. Bertrand, S. Gamri, S. Montellier, L’agriculture biologique peut-elle être une réponse adaptée aux enjeux territoriaux et environnementaux de la qualité de l’eau ? Les termes du débat national et les jeux d’acteurs autour des captages de La Rochelle, ENSESAD, ENGREF, 2009, 95 p. Voir aussi sur ce sujet les travaux en cours de Caroline Petit et Christine Aubry travaillant sur la région parisienne. 13 Depuis 1992, une commission interministérielle a donné une définition à la ferme pédagogique la désignant comme « une structure présentant des animaux d'élevage et/ou des cultures, qui accueille régulièrement des enfants et des jeunes dans le cadre scolaire ou extra scolaire et qui souhaite développer cette activité ». Nous n’avons aucun chiffre, mais l’enquête de terrain indique que le milieu agrobiologique ainsi que les producteurs sous signe de qualité en général optent plus facilement que leurs collègues pour l’accueil à la ferme. Voir à ce titre l’exemple du réseau « Accueil paysan » proche des acteurs de la Confédération paysanne. 14 Bruno Taupier-Létage de l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) précise qu’« en fait, c’est la connaissance de l’aliment dans sa globalité, son ensemble, qui est souhaitée par l’intermédiaire de ces méthodes. Les données analytiques, informations partielles ont aussi leur utilité, mais elles ne sont pas suffisantes ». « Avec le soutien de partenaires issus de disciplines différentes (philosophie, médecine, psychologie, industrie, etc.), le développement d’une réflexion transversale et interdisciplinaire pourrait favoriser la compréhension de ces approches liées au vivant » rajoute-il dans un rapport concernant la qualité des produits bios. Bruno Taupier-Letage, Etude Méthodes Globales d’Analyses de la Qualité, ITAB 2009, 43 p. ; p. 32 & p. 39., [en ligne] : http://www.itab.asso.fr/ régénérescence de l’identité paysanne, fortement défendue aujourd’hui par le mouvement agroécologique15. Ainsi, aujourd’hui, pour définir l’agriculture biologique, comme le fait l’IFOAM (REF.), l’accent est mis sur les principes de santé, d’écologie, d’équité et de précaution. L’attention se centre, non seulement sur le respect du sol et de sa fertilité grâce à des procédés « naturels » (sans recours aux produits chimiques de synthèse), mais plus globalement, c’est la recherche d’un équilibre homme/nature qui est visée. Cet enjeu transcende ainsi la dimension purement agricole pour la relier à des enjeux relevant de dimensions à la fois environnementale, alimentaire, de santé humaine et animale, d’économie sociale et solidaire, d’imaginaire, d’aménagement territorial, etc. Les enjeux agrobiologiques sont donc d’ordre pratique et philosophique : développer une agriculture et un mode de vie écologique, tendre vers l’autonomie, la sobriété (démarche économe), la (re)localisation des circuits de distribution (les circuits courts), préférer le capital temps ou relationnel à celui économique ou matériel, etc. La visibilité indigène de la transversalité Ce terme de transversalité n’est pas employé par les fondateurs et les pionniers de ce milieu. Par contre, il fait l’objet de désignations qui s’en rapprochent sans embrasser complètement la signification que nous lui conférons. Ainsi on retrouve chez les fondateurs puis les pionniers les désignations d’« approche globale », d’« holisme »16 qui, avec « la Roue de la Nature » et de la « Grande Loi du Retour » appliquent à l’activité paysanne la pensée systémique de l’écologie. « Les intérêts de l’agriculture, dans toutes les directions, sont inséparables du cercle de la vie humaine dans sa totalité et, [...] en fait il n’existe pour ainsi dire pas un domaine de la vie qui ne ressortisse à l’agriculture. Vus d’un certain côté, considérés sous un certain angle, tous les intérêts de la vie humaine sont liés à l’agriculture »17. Ces propos tenus par Rudolf Steiner lors de son premier « cours aux agriculteurs » en juin 1924 mettraient sans doute d’accord tous les fondateurs et pionniers de l’agriculture biologique. Tous partagent cette conception qui considère comme fondamental le lien tutélaire de l’être humain à la nature, conférant ainsi un rôle central au paysan, artisan de la fertilité de la « terre nourricière ». Une logique systémique relie l’homme, la nature, la 15 Voir, à ce titre, les publications de Silvia Pérez-Vitoria, Les paysans sont de retour, Arles, Actes Sud, 2005 ; et La riposte des paysans, Arles, Actes Sud, 2010. 16 Le terme « holisme » est introduit en 1926 par Jan Smuts. Il désigne la tendance de la nature à former des entités plus grande que la somme de ses parties. Le terme holisme vient du grec ancien « holos » qui signifie « le tout », « l'entier ». C'est un point de vue qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités. Ici, la conception holistique participe à la construction de l'univers symbolique agrobiologique avec ses relations d'interdépendances. 17 R. Steiner, Agriculture. Fondements spirituels de la méthode Bio-dynamique, Genève, Éditions Anthoposophiques Romandes, 1984, p. 34. biosphère (pour Fukuoka), voire le cosmos (pour Steiner). Yvan Besson indique ainsi qu’« originellement l’agrobiologie est déterminée par une approche holistique, au sein de la problématique naturelle et technique. L’ordre des choses sert de modèle pour l’agronomie biologique comme pour penser l’agriculture dans la société »18. L’origine de cette approche globale se fonde sur les travaux agronomiques et biologiques (concernant notamment la fertilité des sols) impulsés ou plus souvent expérimentés par les fondateurs de l’agrobiologie. Ce faisant, en plein triomphe de l’agrochimie, ils remettent en cause l’approche dominante qu’ils considèrent comme réductrice pour lui substituer, à l’instar de Rusch, une « biologie globale »19. Cette opposition originelle et distinctive peut être considérée comme ontologique, comme une constitution représentative et pratique de cet univers social dans le monde agricole. Employée par les acteurs les plus engagés et investis dans cette vision originelle pour recadrer toute dérive, elle sert de structuration puissante tout au long de son histoire. La naissance de Nature et Progrès en est une illustration patente : la création de cette association vient s’opposer à l’approche conservatrice et religieuse doublée de pratiques marchandes du mouvement Lemaire Boucher. André Louis, co-fondateur de Nature et Progrès, explique les enjeux qui l’ont motivé : Nature et Progrès est « né de la déception d’hommes profondément épris d’agriculture biologique, mais peu friands de solutions contre-nature et du rétrécissement d’horizon qu’on voulait leur imposer par ailleurs. Des hommes aspirant à plus de liberté intellectuelle et avides d’embrasser sous un angle de 360° toutes les solutions non chimiques au problème actuel de l’agronomie et de la société »20. Plus généralement, l’approche globale a pour effet d’envisager et de construire une agrobiologie qui ne soit plus réduite à la seule dimension productive. Elle tend ainsi à se libérer de l’omnipotence de la direction et de la gestion des logiques du marché qui se sont imposées aux sociétés occidentales dès le 19e siècle au mépris des autres dimensions sociales21. La valorisation de l’approche globale rejoint, sous certains aspects, les conceptions écosystémiques, d’unité ou d’écologie (politique), qui sont toujours employées par les agriculteurs biologiques, dans un sens qui nous semble plutôt proche de celui des fondateurs mais qui n’est pas toujours très explicite ou explicité. Elle est d’autant plus revendiquée par les courants orthodoxes, comme les agriculteurs de Nature et Progrès, pratiquant la 18 Y. Besson, « Une histoire d’exigences : philosophie et agrobiologie. L’actualité de la pensée des fondateurs de l’agriculture biologique pour son développement contemporain », Innovations agronomiques, pp. 329-362, 2009, p. 329. 19 Y. Besson, Histoire de l’agriculture biologique…, 2007, op. cit., p. 401, voir aussi pp. 74-77. 20 Cité par J. M. Viel, L’agriculture biologique en France, Thèse de 3ème cycle, IEDES, PARIS, 1979, p. 96. 21 Voir notamment Max Weber dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Flammarion, 2000 (1920), pp.102-119 ; Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (1944). biodynamie22, les mouvements agroécologistes, mais aussi par les mouvements plus tempérés comme l’IFOAM. Si l’approche globale peut représenter un projet ambitieux et difficilement réalisable pour le mouvement agrobiologique, elle contribue aussi à faire naître chez ses fondateurs et certains de leurs disciples des prétentions salvatrices d’une agriculture à la dérive et des dangers qu’elle fait encourir, en conséquence, aux sols, aux aliments, aux animaux et in fine aux êtres humains. Nous pouvons donc estimer que l’approche globale énoncée ci-dessus se distingue de l’approche transversale sur de nombreux points. Outre que la première est une représentation indigène et que la deuxième relève d’une construction analytique, elles n’englobent pas les mêmes réalités sociales et n’ont pas les mêmes objectifs. D’une part, l’approche globale est divergente selon les fondateurs. Généralement elle repose sur une conception holistique qui tend ainsi à embrasser l’ensemble des manifestations de la vie, y compris dans ses relations avec le cosmos pour Rudolf Steiner (elle est moins large, par exemple, pour les agroécologistes23). D’autre part, l’approche globale aurait tendance à fonctionner comme un discours performatif, c’est-à-dire comme ayant pour objectif de faire advenir ce qui est dit24, en simplifiant : l’agriculture biologique touche tous les domaines de la vie et ce faisant peut répondre à tous ses problèmes. Cette qualité participe, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, de la posture des sauveurs qui en embrassant la totalité des phénomènes vivants annonce une unité salvatrice au delà de la modernité industrielle et capitaliste. Cela étant dit, cette comparaison mériterait d’être approfondie. En outre, il serait intéressant de questionner ces dimensions pour envisager le lien qu’elles peuvent avoir avec les normes et valeurs qui structurent la diversité des sociétés préindustrielles. En effet, les systèmes de pensées comme certaines réalités sociales de l’approche globale agrobiologique pourraient être comparées aux dimensions culturelles des « sociétés d’abondance » analysées par Marshall Sahlins, à la « société contre l’État » décrite par Pierre Clastre, ou encore à la 22 Clairement exprimées comme telle chez les agriculteurs ayant un fort capital spécifique agrobiologique, ces représentations sont notamment très présentes chez les agriculteurs biodynamistes. Cette pensée est en grande partie celle construite par Rudolf Steiner. "Avec sa perspective anthroposophique appliquée à l'agriculture, c'est l'homme, sa santé, le sens de son rapport à la nature, qui, tout ensemble, sont interrogés dans le questionnement agrobiologique ». Yvan Besson, Introduction aux fondateurs…, 2007, op. cit., p. 157. 23 L’agroécologie est « fondée sur une approche globale dans laquelle interagissent les processus agronomiques, économiques et sociaux. Elle prône le rétablissement des liens essentiels entre la terre, la flore, la faune et l’être humain » Manuel Gonzalez de Molina, Eduardo Sevilla et Gloria Guzman Casado, in : Silvia Pérez-Vitoria et Eduardo Sevilla Guzman (dir Petit précis d’agroécologie. Nourriture, autonomie, paysannerie, Malakoff, La ligne d’horizon, 2008, p. 11. 24 John L. Austin, Quand dire, c’est faire. How to do things with words, Paris, Seuil, 2002 (1962). « pensée sauvage » mise en valeur par Claude Lévi-Strauss25. L’hypothèse consisterait à considérer cette qualité de transversalité comme étant en grande partie une réactualisation d’un certain héritage culturel du milieu paysan, transmis par le biais des générations agraires (traditionnels et/ou agrobiologique). Cette vision globale s’appuierait donc sur la tradition de l’activité paysanne qui ne consistait pas en une accumulation de capitaux mais était basée sur un mode de vie familial, sinon communautaire, animée par la (sur)vie de la société26, où l’économie du quotidien relevait de ce que Mauss décrit comme un « fait social total »27. Des cas concrets mettant en lien la transversalité et les innovations en agrobiologie « Pour moi, elle [l’agriculture biologique] a toujours été innovante dans toute son histoire, en passant par Rudolf Steiner et les agrobiodynamistes. Pour moi, elle est toujours innovante à condition qu’on laisse son potentiel d’innovation s’exprimer ». Esther Phage, animatrice de l’ADASEA du Gers28. La contestation du système dominant dans l’espace agricole a conduit les agriculteurs biologiques à sortir des cadres institués et cloisonnés de l’économie agraire conventionnelle pour tenter d’en proposer une approche transversale. Ce faisant, ils ont investi des dimensions extra-agricoles, ou plutôt à la fois agricole et aussi sociale, politique ou écologique (lutte pour le Larzac, mouvements du « retour à la terre », luttes contre les centrales nucléaires, contre les OGM, etc.). Ces investissements de ces dernières décennies sont liés à l’implication d’une population néo-rurale et motivée non seulement par une volonté de sortir du corporatisme agricole mais aussi pour construire et vivre dans une société « plus juste et solidaire » (ces mouvements s’intègrent plus largement aux « gauches paysannes »29). Mais bien avant l’arrivée des néo-ruraux, ces schèmes transversaux se trouvaient déjà, sous d’autres aspects, dans le projet de l’agrobiologie. La transversalité agrobiologique s’exprime par de multiples formes car elle est à la fois, ou selon les cas, une logique d’action, de 25 Successivement : Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance. L’économie des sociétés primitives, Paris, Gallimard, 1972 ; Pierre Clastres, La société contre l’Etat, Paris, Minuit, 1974 ; Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962 et Le regard éloigné, Paris, Plon, 1983, chap. VII : « Structuralisme et écologie », pp. 143-166. 26 Comme le montre notamment Max Weber dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Flammarion, 2000, pp.102-119. 27 Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 2006 (1950), pp. 145-279. 28 Entretien du 14-09-2004 à la Chambre d’agriculture du Gers. L’ADASEA (ou maintenant ODESEA) est une association – ou organisme – départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles. « Elles ont un rôle d’interface entre les agriculteurs, l’administration et les collectivités territoriales : elles informent, conseillent et accompagnement les agriculteurs dans l’élaboration de leurs dossiers d’aides publiques » ; source [consultée en ligne le 13-01-2011] : www.adasea.net 29 Cf. Rose-Marie Lagrave, « Les gauches paysannes », in : Pierre Coulomb et al., Les agriculteurs et la politique, Paris, Presses de la FNSP, 1990, pp. 355-369 ; et Ivan Bruneau, « Recomposition syndicale et constructions des collectifs militants à partir d’une enquête sur la Confédération paysanne », in : Bertrand Hervieu, Nona Mayer, Pierre Muller, François Purseigle, Jacques Rémy (dir.), Les mondes agricoles en politique, Paris, Les presses de SciencesPo., 2010. représentation et de pensée en grande partie partagée par les paysans biologiques. Elle s’incarne autant dans l’organisation en termes de filière de production, dans les stratégies d’organisation, que dans le système symbolique. L’étude historique et de terrain indique ainsi que la logique de cette transversalité agit dans les stratégies employées par les agriculteurs biologiques. Plusieurs exemples d’innovations conduisent à confirmer que les paysans biologiques – du moins, ceux qui en partagent les principales propriétés – s’inscrivent d’autant mieux dans ce milieu qu’ils s’accordent aux propriétés spécifiques agrobiologiques, donc aux « conditions objectives ». Loin d’être des reliques traditionalistes, ces traits culturels fonctionnent selon des « logiques pratiques », ils ont une certaine cohérence du fait de l’économie de ce milieu. Les propriétés de transversalité sont inscrites dans la logique de la structure objective du champ agrobiologique comme elles tendent aussi à être habitées et animées par les acteurs qui y évoluent. Par exempl avec la restauration collective, les différents volets abordés (pédagogique, nutritionnel, d'aménagement territorial des filières, gastronomique, etc.) montrent que l'agrobiologie est investie, au moyen de sa qualité transversale, de propriétés opérantes en dehors de son univers proprement productif. Ainsi, ce n’est pas le seul approvisionnement de produits alimentaires qui intéresse les promoteurs de cette restauration collective. Comme nous le montre l'exemple en Midi-Pyrénées (non développé ici), c'est la démarche du « vivre ensemble et du mieux manger » qui est mise en avant et qui motive ses animateurs à développer un ensemble de projets et de partenariats. (Fournir d’autres exemples, comme la fabrication de la semence au pain ; le cas de Biolait, etc.) Ces exemples indiquent que l’innovation sociale ou technique d’une portée plus générale, extra agricole, émane de la convergence établie entre le champ agrobiologique et certains groupes ou espaces sociaux extérieurs parvenant à une convergence d’intérêts. C’est généralement grâce à cette convergence d’intérêts extérieurs aux logiques économiques dominantes que des partenariats innovants se forment à la jonction de l’espace agrobiologique. Ces innovations partenariales ne reposent donc pas sur une recherche d’accumulation du capital économique. Au contraire, cet ensemble d’innovations confirme, depuis les démarches pionnières de l’agriculture biologique, la rupture avec la recherche d’intérêt guidant la plupart des actions socioéconomiques. L’accumulation économique, généralement comprise comme étant la première motivation de la société moderne (selon le mot d’ordre « enrichissezvous »), est transmuée ici en moyen. L’argent sert à rémunérer le travail agricole, il est une valeur d’échange et son accumulation n’est pas un objectif (sauf comme moyen transitoire, par exemple avec le cas de Terre de liens, qui lance des appels à souscriptions pour acheter des terres agricoles). Dans la plupart des cas, c’est bien l’accumulation des biens spécifiques liés à l’agriculture biologique qui répondent à une logique systémique : protection et valorisation de la diversité biologique et des acteurs qui y contribuent ; pratiques et connaissances agrobiologiques ; échanges immatériels et solidaires locaux ; etc. De ce fait, avec l’approche transversale, les fondateurs et les pionniers de l’agrobiologie devancent, d’une certaine manière, les approches multidisciplinaires apparues à la fin du 20e siècle30 pour évaluer les risques environnementaux ; notamment en invitant comme Howard, paysans et chercheurs à un travail commun. En définitive, on rejoint l’analyse de Robert Boyer qui considère que « les innovations qui font époque jouent un rôle de révélateur de forces et de faiblesse des recherches économiques contemporaines. Elles mettent en péril l'hypothèse d'un monde stationnaire gouverné par la rationalité des comportements et des croyances, mais simultanément elles ouvrent sur de nouvelles hypothèses et théorisations »31. En guise de conclusions : Les enjeux transversaux de l’agriculture biologique L’analyse accompagnée d’exemples du mode opératoire de la qualité transversale de l’agrobiologie permet de mieux comprendre les logiques spécifiques de son économie. Mais la force qu’elle retire de cette approche transversale, source notamment d’innovations sociotechniques, peut s’avérer être une faiblesse lorsque les pressions des espaces extérieurs tendent à ne plus la considérer dans son unité. Ainsi, la redéfinition des rapports de forces s’accompagne d’une redéfinition partielle des enjeux de l’agrobiologie. Malgré une prise en compte et une communication relative aux qualités transversales, le champ agrobiologique, déséquilibré sans sa force contestataire, se retrouve sous le jeu et le joug grandissants d’intérêts et de valeurs, pour partie, hétérogènes à ses fondements. En dehors du cadre purement productif, l’entrée en jeu de nouveaux acteurs semble aussi s’accompagner d’une redéfinition des enjeux et des intérêts de l’ensemble de l’économie agrobiologique (de l’amont à l’aval de la production). En important avec eux leurs propriétés sociales opérationnelles de l’espace de la consommation, de l’agroalimentaire, de l’accompagnement technique ou scientifique, ces acteurs et institutions tendent à fractionner la proposition transversale de l’agrobiologie. Tout donne à penser que ces espaces extérieurs ponctionnent des portions de cette transversalité et de fait divisent ce milieu agrobiologique, ou provoquent un déséquilibre de sa dynamique. 30 Cf. Jean-Louis Fabiani et Jacques Theys (coord.), La société vulnérable. Évaluer et maîtriser les risques, Paris, Presses de l’ENS, 1987, pp. III-V. 31 Robert Boyer, « L’économiste face aux innovations qui font époque. Les relations entre histoire et théorie. », Revue économique, vol.52, n° 5, septembre 2001, 1065-1115, p. 1104. En effet, ce n’est pas en soi la dynamique transversale de l’agriculture biologique qui retient l’attention de la plupart de ces acteurs, mais seule une fraction des produits de ce modèle pour lequel chaque espace définit et y trouve un intérêt propre. En l’occurrence, on peut dire que les firmes agroalimentaires sont uniquement intéressées par le potentiel de développement de son marché (en croissance à deux chiffres). Les institutions d’études techniques et scientifiques ont longtemps développé des programmes de recherche portant essentiellement sur la dimension économique de son marché, sur des recherches pour améliorer la productivité céréalière. Quant au pouvoir politique, son intérêt est plus large car il transite par les intérêts des « électeurs consommateurs » et par ceux du marché, en proposant petit à petit, freinés par les tenants du productivisme, des plans de développement et d’aide à l’agriculture biologique32. Pour les consommateurs, enfin, la première motivation de l’achat de produits issus de l’agriculture biologique concerne toujours l’effet bénéfique attendu sur la santé (préservation et sécurité). Notons, néanmoins que sur ces dernières années, le souci de « préserver l’environnement » tout comme les « raisons éthiques » suivent une progression continue, indiquant une prise en compte croissante de la qualité de transversalité de l’agrobiologie33 ; faisant des « consommateurs », sans doute, les meilleurs « alliés objectifs » des paysans biologiques. Quoiqu’il en soit, le capital spécifique de l’agrobiologie dorénavant légitimé avec ses cahiers des charges, ses techniques, ou encore son « image éthique » se retrouve soumis à une pression croissante de différents nouveaux acteurs. Non seulement ces nouveaux acteurs sont puissants, mais leurs intérêts à court terme convergent pour inciter le milieu de l’agriculture biologique à normaliser ses modes de production, de transformation et de vente. Ainsi, parallèlement à la configuration contradictoire des intérêts visés, chaque champ social invite les producteurs à effectuer des efforts particuliers. Les organismes agricoles dominants leur demandent d’intégrer leurs structures pour « se professionnaliser ». Les grandes et moyennes surfaces (GMS) font pression pour réduire les mécanismes de régulation, notamment les exigences de ses cahiers des charges. Les doléances des consommateurs incitent à une baisse des prix34 et, semble-t-il, à rapprocher les producteurs et leurs produits de leurs lieux de consommation « privilégiés » (les GMS)35. Le politique aimerait (depuis le Grenelle de l’environnement) que les paysans biologiques 32 Certaines collectivités territoriales proposent néanmoins des aides plus franches envers l’agriculture biologique indiquant par là que le monde agricole productiviste a moins d’influences sur le territoire en question, et/ou qu’un autre rapport de force y est instauré. 33 Selon le Baromètre de consommation et de perception de produits biologiques en France, Rapport n°0901164, CSA-Agence Bio, Édition 2009, p. 58. 34 79% des consommateurs sondés en 2009 n’achètent pas de produits issus de l’agriculture biologique à cause d’un prix qu’ils jugent trop élevé. Baromètre de consommation et de perception de produits biologiques en France, Rapport n°0901164, CSA-Agence Bio, Édition 2009, p. 14. 35 20% des mêmes sondés n’achètent pas de produits issus de l’agriculture biologique car ils « ne les trouve[nt] pas facilement dans le magasin habituel » et 11% parce le « magasin habituel n’en vend pas » ; loc. cit. produisent davantage (et sur de grandes superficies – cf. déjà les injonctions du Rapport Saddier) pour alimenter à hauteur de 20% le réseau de la restauration collective d’ici 2020. Enfin, les organismes techniques et scientifiques demeurent encore, pour beaucoup d’entre eux, réfractaires pour prendre en compte les spécificités culturelles et agronomiques de l’agrobiologie afin de mettre en place des programmes de recherches qui correspondent davantage aux attentes paysannes. En définitive, si ces intentions ou cette demande sociale plurielle n’a encore que des effets relativement faibles sur le milieu agrobiologique (qui, pour une grande partie, sait ménager son autonomie), tout indique que la poursuite du processus de conventionnalisation additionnée aux conversions croissantes d’agriculteurs conventionnels devraient provoquer une accentuation de la pression faite sur les producteurs biologiques français et étrangers. Cette pression, du fait des logiques du marché néolibéral, pourrait conduire à une accentuation des phénomènes de concurrence entre les paysans aux moyens de productions inégaux (comme c’est le cas pour le milieu agricole conventionnel). Avec ce processus de conventionnalisation, le champ agrobiologique est ainsi tiraillé à l’extérieur de ses « frontières » comme à l’intérieur par les intérêts et intentions externes à l’histoire de son champ et qui apparaissent contradictoires à l’aune de ses propriétés sociales. À l’inverse, la réunion de ces intérêts et intentions converge vers un assouplissement des exigences agrobiologiques, un développement de son marché ou encore une libéralisation de ses pratiques. Cette force de convergence réunit et unit objectivement ces espaces sociaux extérieurs face aux producteurs biologiques. Le poids de cette convergence externe est un facteur central permettant de comprendre pourquoi certains producteurs biologiques participent aussi à la réduction de leur degré d’exigence « historique ». Dans ces conditions, la dynamique transversale de l’agriculture biologique ne peut donc pas être prise en compte dans son unité. Face aux logiques et aux intérêts des différents espaces sociaux, le monde de l’agriculture biologique aurait tendance à ne pas pouvoir s’accorder avec chacun de ces espaces plus ou moins antagonistes. Le risque est alors grand pour le milieu de l’agriculture biologique, en se pliant à certaines attentes contraires à ses logiques, d’affaiblir encore plus ses frontières et de subir l’imposition progressive de normes externes, pouvant la conduire à perdre progressivement toute autonomie. In fine, après avoir perdu sa force de contestation, l’agrobiologie tend à perdre sa qualité de transversalité qui se trouve être fractionnée par les intérêts spécifiques des nouveaux entrants dont les modes d’actions sont eux-mêmes soumis à des logiques économiques dominantes contre lesquelles l’agrobiologie s’est construite. ***