Juillet Un client malhonnête et des tribunaux vigilants

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Juillet Un client malhonnête et des tribunaux vigilants
Société en nom collectif
Volume 8, Numéro 7
Juillet 2013
CAPSULE JURIDIQUE EN DROIT IMMOBILIER
Un client malhonnête et des tribunaux vigilants
Helou c. Les Entreprises Louis Cayer
2013 QCCA 1262
La Cour d’appel a rendu récemment un arrêt en matière de courtage immobilier sur
les droits à la rétribution des courtiers et collaborateurs mettant en cause les articles
37 à 46 du règlement MLS1.
Les faits
Hussam Helou (Helou) conclut un contrat de courtage exclusif avec le Groupe
Sutton Centre-Ouest (Groupe Sutton) pour un immeuble résidentiel. Pendant la
période du contrat de courtage, Royal Lepage présente pour un acheteur, Vaccaro,
une offre d’achat sur l’immeuble. Quelques jours après l’expiration du contrat de
courtage de Groupe Sutton, Helou conclut un nouveau contrat de courtage exclusif
avec Les Immeubles Magi Inc. (Magi). Vaccaro achète l’immeuble à l’intérieur des
180 jours qui suivent la terminaison du contrat de courtage conclu avec Groupe
Sutton.
Royal Lepage prétend avoir été floué par le comportement du vendeur et intente un
recours sur la base des articles 42 et suivants du règlement MLS qui se lisent
comme suit :
1
Le règlement MLS au moment de la décision est la version antérieure. Les articles équivalents
règlement présentement en vigueur sont les articles 1 à 7.
dans le
42. Droits du courtier collaborateur : advenant que le courtier inscripteur ne
puisse percevoir la rétribution à l’époque à laquelle elle était payable, il doit, dans
les trente (30) jours qui suivent, entreprendre toutes les démarches à cette fin, le tout
afin de pouvoir verser au courtier collaborateur la portion de rétribution lui
revenant.
43. Dépenses encourues : advenant que le courtier inscripteur doive retenir les
services d’un avocat ou engager des dépenses de quelque nature que ce soit pour le
recouvrement d’une rétribution, il peut exiger que le courtier collaborateur s’engage
à défrayer sa part des frais au fur et à mesure qu’ils sont encourus, et ce, en portion
de ses droits dans la rétribution.
Dans le cas où le courtier collaborateur convient de participer aux procédures
judiciaires, le choix de l’avocat et les modalités de facturation de ce dernier doivent
faire l’objet d’une entente écrite entre les courtiers.
44. Refus de participer aux dépenses : à défaut par le courtier collaborateur
d’accepter par écrit de participer à un tel paiement, le courtier inscripteur est libéré
de toute obligation de remise ou de reddition de compte de la rétribution due au
courtier collaborateur.
45. Cession de droit dans la rétribution : à défaut de se conformer aux
dispositions de l’article 42 et sur demande écrite du courtier collaborateur, le
courtier inscripteur doit, par acte, céder au courtier collaborateur tous ses droits,
titres et intérêts dans la rétribution.
Le courtier collaborateur n’aura aucune obligation de rendre compte des démarches
se rapportant à la perception de la créance et de remettre quoi que ce soit au courtier
inscripteur.
46. Cession automatique : après un délai de 10 jours, le refus ou le défaut du
courtier inscripteur de se conformer à l’article 45 confère automatiquement au
courtier collaborateur une cession absolue de tous les droits dans la rétribution
totale, ladite cession est réputée être faite en contrepartie d’une somme égale à la
rétribution due au courtier collaborateur, telle que publiée par le Service [MLS].
Le courtier collaborateur peut alors, à sa discrétion, adopter toute mesure qu’il juge
appropriée pour faire valoir ses droits.
En conformité avec l’article 45 du règlement MLS, Royal Lepage demande au
courtier inscripteur, Groupe Sutton, de lui céder sa créance à la rétribution. N’ayant
pas de réponse, Royal Lepage intente un recours contre le vendeur sur la base de
l’article 46 du règlement MLS.
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Royal Lepage soutient :
a)
Être cessionnaire de tous les droits de Groupe Sutton et réclame la totalité de
la rétribution de 51 000,00 $;
b)
Le contrat de courtage subséquent conclut avec Magi est de complaisance
dans le but de ne pas payer la rétribution.
Le jugement de première instance
Le juge décide que le règlement MLS permet une cession valide de créance pour le
droit à la rétribution au bénéfice du courtier collaborateur, lorsque le courtier
inscripteur fait défaut d’agir pour percevoir la rétribution qui lui est due et celle du
courtier collaborateur.
L’argument du vendeur à l’effet qu’il a retiré unilatéralement la propriété du marché
n’était pas une justification qui empêche l’application de la clause 7.1 (3) du contrat
de courtage.
Le juge conclut que le contrat exclusif intervenu après l’expiration du contrat initial
et pendant lequel l’acheteur avait été intéressé à l’immeuble, n’avait pour but que de
priver le Groupe Sutton et Royal Lepage de leur rétribution.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel confirme le jugement tant dans ses constatations factuelles que ses
fondements juridiques. Elle reconnaît cependant que la cession de créance obtenue
par Royal Lepage était une vente de droit litigieux et que l’article 1784 du Code
civil du Québec s’applique :
1784. Lorsqu’une vente de droits litigieux a lieu, celui de qui ils sont réclamés est
entièrement déchargé en remboursant à l’acheteur le prix de cette vente, les frais et
les intérêts sur le prix, à compter du jour où le paiement a été fait.
Ce droit de retrait ne peut être exercé lorsque la vente est faite à un créancier en
paiement de ce qui lui est dû ou à un cohéritier ou copropriétaire du droit vendu, ou
encore au possesseur du bien qui est l’objet du droit. Il ne peut l’être, non plus,
lorsque le tribunal a rendu un jugement maintenant le droit vendu ou lorsque le droit
a été établi et que le litige est en état d’être jugé.
Cela signifie que le vendeur aurait pu désintéresser Royal Lepage en lui payant la
moitié de la rétribution. En effet, Royal Lepage n’avait droit avant la cession qu’à
la moitié de la rétribution. C’est donc là la considération de la cession de créance.
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En conséquence, le vendeur aurait pu mettre fin au litige en payant à Royal Lepage
25 500,00 $.
Cependant, n’ayant jamais fait d’offre, il prétendait ne rien devoir et a été condamné
à payer la totalité de la rétribution soit 51 000,00 $.
Conclusion
Le courtier ou l’agence collaboratrice n’est pas sans recours lorsque le courtier
inscripteur n’exerce pas ses droits en vertu du contrat de courtage contre ses clients
délinquants. Il se voit alors céder la totalité des droits à la rétribution. Dans une
procédure éventuelle, le vendeur est dans une position difficile où il a le choix de
contester la réclamation et éventuellement d’être tenu à payer la totalité de la
rétribution ou d’offrir de désintéresser le courtier collaborateur en lui payant sa
quote-part initiale qui lui était due.
Me Richard Dufour a été admis au Barreau du Québec en 1976 et a obtenu un diplôme en sciences
administratives en 1984. Au cours de sa pratique, Me Dufour s’est spécialisé dans le domaine du
litige civil et commercial et possède une vaste expérience en matière de droit immobilier.
La firme Dufour, Mottet Avocats est en mesure de vous conseiller par l’entremise de plusieurs de
ses avocats, en droit immobilier et autres domaines de droit.
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