Nature Des sculptures en saule vivant le long du futur

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Nature Des sculptures en saule vivant le long du futur
Région
DEF
VENDREDI
2 MAI 2014
MARDI
3 JANVIER
2012 40
32
Après les esquisses et les maquettes, l’architecte a dessiné les plans
d’exécution sur du papier millimétré : « Pas besoin d’ordinateur. »
Les bénévoles construisent la structure porteuse, en acier, courbée
à la main en suivant les tracés au sol.
Les tuyaux d’acier sont habillés de fagots de longues tiges de saule
vivant, avant d’être plantés dans la terre.
Nature Des sculptures en saule vivant le long du futur sentier pieds nus de Muttersholtz
ment à la création de ces œuvres
monumentales. Des jeunes diplômés au chômage, en quête
d’expériences enthousiasmantes.
Des personnes unies par l’envie
de « coopérer pour la nature et la
beauté ».
« Ce chantier a dépassé toutes nos
espérances. Nous avons dû refuser
du monde », assure Denis Gerber.
« De plus en plus de gens ont envie
de construire ensemble, de donner
du sens à leur vie », estime une
enseignante de Muttersholtz.
« Envie de construire avec leurs
mains, de s’approprier leur environnement, d’apprendre ensemble »,
précise une animatrice des jardins partagés du village. Une architecte de Bruxelles, un sculpteur ébéniste franc-comtois, un
animateur nature normand
étaient venus glaner de nouvelles
idées et partager les leurs.
Le sens du collectif
Derrière la Maison de la nature, un brochet géant dans la prairie inondable, au bord de l’Ill : un tunnel végétal de 10 m de long,
qui permettra aux enfants de se glisser dans les entrailles du poisson.
Un brochet, un courlis
et un hibou géants
ont émergé
des prairies inondables
de Muttersholtz.
C’est l’œuvre commune
de l’architecte
Marcel Kalberer,
de quatre artistes et
de soixante bénévoles.
Se glisser dans les entrailles d’un
brochet de 10 m de long, dans la
tête d’un hibou de 3 m de diamètre, dans le ventre d’un courlis de
6 m de haut : le sentier pieds nus
de la Maison de la nature de Muttersholtz, qui sera ouvert au public dans un an, prend des
formes inattendues. Il est jalonné
de ces trois sculptures d’animaux
emblématiques du Ried. L’an
prochain, quand les 2 000 tiges
de saule aux belles courbures
auront pris racines, elles seront
couvertes de milliers de feuilles et
se fondront dans la verdure des
prés et forêts environnants.
Les cinq sens
Ce sentier sensoriel serpente sur
1,5 km le long du Hambach,
dans les prés et les sous-bois, il
franchit l’ancienne voie ferrée et
le ruisseau. Il a été conçu par la
Maison de la nature et la commune pour sensibiliser le public aux
richesses naturelles. On y marchera pieds nus sur des galets du
Rhin, sur de l’argile de la plaine,
sur l’herbe fraîche, sur des grains
de maïs et du foin, dans l’eau du
Un bel œil tressé pour le brochet… Et rendez-vous dans un an pour
contempler l’œuvre verdie par les feuilles de saule.
ruisseau, sur le bois de la passerelle : rien que sur des matériaux
locaux, pour mieux sentir et comprendre le milieu environnant
d’hier et d’aujourd’hui. « La plupart des sentiers pieds nus allemands sont faits de matériaux
rapportés. Nous avons choisi de rester en lien fort avec le site, de raconter l’histoire du Ried mais aussi son
présent, avec ses contradictions »,
dit Denis Gerber, directeur de la
Maison de la nature. « Nos pieds
sont nos premiers maîtres, disait le
philosophe Jean-Jacques Rousseau,
rappelle le maire Patrick Barbier.
Mais ce sentier fera appel à nos cinq
sens et à l’intelligence. » Il sera d’accès gratuit, « pour toucher un très
large public ».
Le saule, « cet arbre magique » qui
pousse abondamment dans le
Ried, s’imposait pour fabriquer
ces sculptures. Tout comme l’architecte allemand Marcel Kalberer qui, depuis vingt ans, travaille
le saule, le bambou, le roseau.
C’est lui qui l’an dernier a construit avec des bénévoles la coupole Physalis du parc Burrus de
Sainte-Croix-aux-Mines.
Chantier participatif
La semaine dernière, il était à
Muttersholtz avec ses quatre collaboratrices, des artistes, pour
mener le chantier de construction des trois sculptures. Un
chantier participatif qui a réuni
soixante bénévoles venus de toute l’Alsace et de bien plus loin.
Des gens de tous âges et tous
horizons professionnels qui
avaient pris quelques jours de vacances pour contribuer gratuite-
Le courlis cendré, oiseau emblématique du Ried, atteint 6 m
de haut : une « cabane » monumentale, futur lieu d’animation.
Tous sont repartis enchantés par
« la richesse des échanges et la convivialité », par l’accueil chaleureux à
la Maison de la nature où ils partageaient repas et chambres. « Ce
projet d’ampleur conçu pour durer
suscite l’implication citoyenne, le
sens du collectif », se réjouit Delphine Latron, chargée de développement à la Maison de la
nature. Un chantier participatif
réussi, où l’on a bien ri, où francophones et germanophones ont
rivalisé d’imagination pour se
comprendre. Où l’on s’est demandé pourquoi Marcel Kalberer appelait chouette son hibou
de saule reconnaissable à son
aigrette. « Parce qu’en allemand,
Heule désigne le hibou et la chouette », assurent certains. Parce que
c’est un chouette hibou…
Textes : Élisabeth Schulthess
Photos : Jean-Marc Loos
FPLUS WEB Notre diaporama
sur le site internet : www.lalsace.fr
L’architecte Marcel Kalberer
Marcel Kalberer.
« Je n’ai jamais voulu construire de maisons, mais expérimenter d’autres approches », dit cet
architecte qui, en 1968, étudiait à Munich avec l’architecte Otto Frei. Il s’est intéressé
aux tentes arabes, aux systèmes constructifs en fagots
d’Irak et de Mésopotamie.
Il a construit des petites cabanes de saule pour sa fille
avant de se lancer en 1988
dans les grandes structures,
coupoles, tours, galeries, dômes et pavillons en bambou,
saule ou roseaux. Des constructions vivantes, douces, légères, poétiques, au nombre
de 68 dans toute l’Europe et
aux États-Unis. Toujours réalisées avec des bénévoles :
« Mes chantiers sont ouverts au
public. On y travaille à la
main, sans machine, car j’aime
le calme et cela permet d’inclure
les enfants, les femmes. J’y associe des personnes handicapées,
des détenus : c’est fantastique,
en travaillant ensemble, on ne
voit plus de différence. »
Son approche est écologique,
sociale et pédagogique : il est
l’auteur d’un best-seller : Das
Weidenbaubuch, le livre de la
construction en saule, guide
de construction de cabanes
avec et pour les enfants.
Le hibou comme le courlis et le brochet devront être copieusement
arrosés jusqu’à l’automne pour que le saule prenne racine.