que faire des autoroutes urbaines ? bruxelles : un carrefour

Transcription

que faire des autoroutes urbaines ? bruxelles : un carrefour
Divercity
#6
DONNONS DU SENS À LA VILLE
MOBILITÉ
QUE FAIRE DES
AUTOROUTES URBAINES ?
DOSSIER
BRUXELLES :
UN CARREFOUR
DE GÉNÉRATIONS
DÉVELOPPEMENT DURABLE
JARDINER AU TRAVAIL
PORTRAIT
KRISTIAAN BORRET
FAIRE AIMER
BRUXELLES
2
MOBILITÉ
STEPHAN SONNEVILLE
QUE FAIRE
DES AUTOROUTES
URBAINES ?
4
QUALITÉ ARCHITECTURALE
6
SKYTOWER
AT E N O R G R O U P
Edito
Osons le débat
DOSSIER
BRUXELLES :
UN CARREFOUR
DE GÉNÉRATIONS
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La devise demeure inchangée : « donnons du sens à la ville ». À ce titre, DiverCity se
positionne plus que jamais comme un espace de débat, un forum propice au dialogue,
un carrefour d’idées. N’est-ce pas également la fonction première d’une ville ?
Interconnecter les quartiers, les générations, les cultures, les métiers… et les idées ?
Cette culture du débat, nous y tenons parce qu’elle est nécessaire face à l’ampleur des
défis que rencontrent aujourd’hui les grandes métropoles en matière de densité, de
mixité, de mobilité ou de qualité architecturale.
DÉVELOPPEMENT DURABLE
JARDINER
AU TRAVAIL
Nouveau format, nouveau mode de diffusion, nouveau lectorat plus large : le
magazine DiverCity évolue pour se rapprocher de vous.
11
Avec Kristiaan Borret, vous retrouverez cette ouverture et liberté de ton. Fraîchement
désigné Bouwmeester de la Région de Bruxelles-Capitale, il évoque sans détour son
rôle en tant que garant de la qualité des nouveaux projets qui se dessinent pour la
capitale de l’Europe.
À Francfort, découvrez comment la Skytower brise l’image parfois technocrate de la
Banque centrale européenne (BCE), en misant sur un lieu dont l’histoire a marqué la
vie populaire de la ville.
CULTURE
MONS CAPITALE
CULTURELLE EUROPÉENNE
2015, ET APRÈS ?
12
COLOPHON
Éditeur Responsable : www.atenor.be
Concept, design, contenu éditorial et rédaction : www.concerto.be
Images : Getty Images, iStockphoto
Juillet 2015
Dans notre dossier consacré à l’accueil des aînés et des étudiants à Bruxelles, des
acteurs de terrain vous exposent leurs pistes de réflexion.
Au registre mobilité, cherchons à comprendre comment peuvent évoluer les
autoroutes urbaines. Pourquoi ne pas observer les expériences fructueuses menées à
l’étranger ?
Coup d’œil sur la nouvelle tendance de l’agriculture urbaine et d’entreprise : le bonheur
est-il dans le potager ?
Et pour terminer sur une note culturelle, examinons comment Mons, après une année
au cœur de l’attention, pourra transformer cette expérience éphémère en succès
durable.
Bonne lecture !
Stéphan Sonneville
CEO
Atenor Group
PHOTO DE COUVERTURE © GettyImages
58 heures par an
Selon le bureau d’études Inrix, les automobilistes belges perdent en
moyenne 58 heures par an, bloqués dans les embouteillages. Notre
pays serait ainsi celui qui souffre le plus de la densité du trafic. Selon la
Chambre de Commerce et d’Industrie de Bruxelles (BECI), le coût de ces
embouteillages dépasserait les 500 millions d’euros par an, rien que pour la
capitale.
Au niveau de l’Union européenne, les embouteillages feraient perdre chaque
année 120 milliards d’euros.
Source : http://inrix.com
Prix Belge pour
l’Architecture 2015
C’est en décembre prochain que sera remis
le Prix Belge pour l’Architecture. Ce concours
se tient tous les deux ans, à l’initiative de la
Fédération des Architectes de Belgique. Le prix
couronne les réalisations de qualité dans notre
pays. Les lauréats sont sélectionnés par un jury
d’experts belges et internationaux. En 2013,
il avait été attribué à Robbrecht & Daem et
Marie-José Van Hee.
Flickr © Bob Walker
Source : www.fab-arch.be
Une batterie
pour stocker
chez soi
l’énergie
photovoltaïque
Après s’être lancé sur le marché des voitures
électriques, le constructeur américain Tesla
vient de présenter une batterie Li-On à installer
chez soi, pour stocker l’énergie produite par des
panneaux photovoltaïques, des éoliennes ou
l’électricité du réseau en heures creuses. Baptisé
Powerwall, le dispositif sera disponible dès la fin
de l’année aux États-Unis en capacités de 7 et
10 kWh (respectivement 3 000 et 3 500 USD),
pouvant être groupées pour atteindre un total
de 90 kWh. En Europe, le système Bluestorage
développé par le groupe Bolloré propose déjà
le même type de services, mais basé sur la
technologie LMP (Lithium Metal Polymer).
Sources : www.teslamotors.com
ou www.bollore.com
Des concerts
souterrains
à Londres
En 1825, Londres entamait la construction
du premier tunnel qui passait sous une voie
navigable : le tunnel Rotherhithe sous la Tamise.
Dès 1869, celui-ci avait été intégré au réseau
ferroviaire, puis de métro. L’entrée du tunnel était
depuis lors fermée au public. Le Musée Brunel
envisage de transformer le lieu, qui descend
jusque 20 mètres en sous-sol, en salle de concert.
La salle pourra accueillir jusqu’à 135 personnes. La
notion de musique « underground » prend ici une
nouvelle dimension.
Source : www.brunel-museum.org.uk
Tesla Motors © 2015
Focus D I V E R C I T Y # 6 / 1
Portrait
Kristiaan Borret
Faire aimer
Bruxelles
Photo courtesy of www.pro-realestate.be - Photograph Bernard De Keyzer.
© Debby Termonia
Désigné en décembre dernier comme
nouveau Bouwmeester de la Région
de Bruxelles-Capitale, Kristiaan
Borret a directement pris sa mission à
bras-le-corps. Sans langue de bois, il nous
explique comment il envisage son rôle.
Depuis 2009, la Région de Bruxelles-Capitale
a créé la fonction de Bouwmeester : un maître
architecte qui veille à la qualité architecturale,
paysagère et urbanistique des nouveaux projets.
L’idée était de briser l’image – certes éculée –
qui colle toujours à Bruxelles : celle d’une ville
où l’on construit et détruit sans se soucier de
la cohérence d’ensemble. Après 5 années de
bons et loyaux services, Olivier Bastin cède le
témoin à Kristiaan Borret, un autre amoureux de
la capitale qui ne manque pas d’ambition pour sa
région. « Je ne me contenterai pas d’étudier les
aspects esthétiques. J’accorderai également de
l’importance à la fonctionnalité, à l’habitabilité et
au rôle social des différents projets », prévient-il
d’emblée.
POTENTIEL CRÉATIF SOUS-EXPLOITÉ
Kristiaan Borret balaie d’un revers de la main les
critiques qui reprochent à Bruxelles son manque
d’audace. Il prend pour exemple la pile de dossiers
qui s’entasse sur son bureau, preuve que la
créativité ne manque pas : « Bruxelles regorge
de talents créatifs et intellectuels. Le problème
ne vient pas d’un manque de vision, mais plutôt
du peu de cohérence entre toutes les visions
qui s’expriment. Mon rôle consistera à fédérer
ces visions afin de forger un récit cohérent pour
Bruxelles. »
La « méthode Borret » visera donc à rassembler les
différents partenaires et à les inciter à dialoguer
de manière plus systématique. L’urbaniste ne
cache d’ailleurs pas qu’il compte s’impliquer
beaucoup plus en amont sur les différents projets,
afin de gagner un temps précieux. « Bruxelles
souffre parfois de sa lenteur. Les projets qui
prennent trop de temps avant de se réaliser ont
tendance à perdre une partie de leur créativité
initiale », reconnaît-il. Mais plusieurs signes
laissent croire que les choses évoluent dans la
bonne direction. Ainsi, par exemple, l’accord de
majorité du gouvernement régional mentionne
précisément le rôle du Bouwmeester et place
la qualité architecturale parmi ses priorités. « La
volonté politique y est. Il ne reste plus qu’à passer
à l’acte », se réjouit-il.
LE CANAL ET LA PREMIÈRE COURONNE
Parmi les priorités pour Bruxelles, Kristiaan Borret
entend réussir la métamorphose du quartier du
canal. Une équipe de 8 personnes est mobilisée
sur ce dossier. Objectif : démontrer que des
projets de qualité peuvent voir le jour, tout en
comprimant le temps de décision.
À plus long terme, c’est la densification de la
capitale qui sera également à l’agenda : « Densifier
ce qui l’est déjà n’a aucun sens. Mais il me semble
qu’il y a des choses intéressantes à réaliser du côté
de la première couronne historique de Bruxelles :
Jette, Koekelberg, Woluwe, etc. Nous avons
l’expertise pour densifier le centre-ville. Mais on
parle ici de quartiers à la morphologie totalement
différente. Tout reste à inventer. C’est un terreau
très propice à l’innovation et à l’exploration. »
INSPIRATION
Pour ses modèles d’inspiration, Kristiaan Borret
évite soigneusement de citer les mégapoles dont
la structure n’a rien en commun avec Bruxelles.
Il cite plutôt des villes à taille plus humaine, avec
une préférence pour Zürich, Bâle et Munich : « J’y
ai vu des habitants de tous horizons qui se sont
réapproprié leur ville, les réseaux de transport
en commun, même les cours d’eau. Chez nous,
il faudra d’abord développer l’infrastructure. Le
changement de mentalité suivra. » Une vision qui
résume bien sa mission : faire aimer la ville.
Portrait Kristiaan Borret
DIVERCIT Y#6 / 3
Mobilité
Que faire
des autoroutes
urbaines ?
Témoignages d’une partie de notre histoire post-industrielle
pour d’uns, cicatrices qui balafrent la capitale pour d’autres,
les autoroutes urbaines bruxelloises voient leur
avenir remis en question : qu’allons-nous faire de
ces voies à plusieurs bandes qui jalonnent Bruxelles ?
En 1989, un tremblement de terre secoue San Francisco et endommage
sérieusement l’autoroute centrale qui surplombe des quartiers entiers de la ville.
Un débat public est lancé sur l’avenir à donner à ces voies rapides. Les citoyens
s’emparent de la question et décident de les démanteler, purement et simplement.
Ce projet a permis d’ouvrir de vastes espaces publics qui reconnectent le centre‑ville
et les quartiers est, le long de l’océan, alors plus défavorisés. San Francisco se lance
alors dans le projet de l­’Embarcadero, un boulevard à 6 voies de plus de 2 kilomètres
de long. Celui-ci s’accompagne d’une promenade piétonne de plus de 8 mètres de
large et garnie de palmiers, d’une nouvelle trame d’éclairage urbain et de plusieurs
places publiques le long du littoral. L’espace libéré par l’ancienne autoroute a permis
de construire plus de 3 000 logements, des bureaux, des commerces et un terrain de
baseball. Selon une étude du Preservation Institute, la valeur de l’immobilier dans le
quartier a augmenté de 300 % depuis le démantèlement de l’autoroute.*
l’Embarcadero de San Fransisco
* Lire à ce sujet « The Life and Death of Urban Highways », édité par le Institute for
Transportation and Development Policy et le bureau d’urbanisme EMBARQ.
Flickr © Thomas-Xavier Christiane
San Francisco
s’ouvre sur l’océan
Lyon
une métamorphose
à l’horizon 2030
La France est également profondément confrontée au phénomène
des autoroutes urbaines. Conformément aux souhaits du président
Georges Pompidou, c’est « la ville qui s’est adaptée à la voiture ». Lyon
n’a pas échappé au phénomène et voit notamment la grande
autoroute nord-européenne A6/A7 traverser la ville de part en part.
« L’objectif initial était de créer des grandes métropoles en singeant
les villes américaines, résume Olivier Roussel, directeur des missions
et stratégies métropolitaines de l’Agence d’urbanisme de Lyon. On
pensait à l’époque que ces autoroutes urbaines allaient irriguer les
différents quartiers et stimuler le développement économique en
amenant la voiture au cœur de la ville. De véritables toboggans
autoroutiers déversaient sur les cités des torrents de voitures à plus
de 90 km/h ! Au lieu de contribuer au développement de la ville, cette
situation a stérilisé l’espace public. »
Dès les années 80 et 90, l’arrivée du tramway à Lyon a relancé la
réflexion sur l’espace public et le nécessaire rééquilibrage entre
l’automobile et les piétons. « Il a fallu désadapter la ville à l’automobile
pour lui rendre son attractivité, explique Olivier Roussel. Nous
travaillons sur deux axes. D’une part, des politiques de reconfiguration
du territoire qui avancent pas à pas, en intégrant les lignes de
tramway, les parcs, une signalétique pour les vélos, des bandes
réservées aux bus, la reconquête des berges du Rhône, la
requalification de certains tronçons en boulevards urbains, etc.
D’autre part, pour l’horizon 2030, nous travaillons sur le projet de
réflexion autour de l’A6/A7 et du bouclage du ring qui n’est toujours
pas terminé sur la partie ouest. Cet immense chantier va de pair avec
la redensification de la ville qui devrait passer de 1,5 million à
2 millions d’habitants d’ici 2030. Le ring jouera alors un rôle de
connecteur hybride, alliant voitures et transports en commun, afin de
relier les différents quartiers, les centres de compétences, proposer de
l’événementiel, etc. »
Les autoroutes urbaines sont apparues chez nous
à partir des années 50 et 60. Elles s’inspirent
du modèle américain qui y voyait un moyen
de traverser à pleine vitesse une métropole de
part en part, sans rencontrer le moindre feu de
signalisation. Leur développement coïncide avec
la popularisation des automobiles et un contexte
économique florissant qui voit également dans
l’autoroute un moteur de croissance de l’activité
industrielle.
L’autoroute urbaine est vue à l’époque comme
une solution radicale de gestion des flux à
l’intérieur même de la ville, mais sans véritable
vision concertée. Ministre des Travaux publics de
1965 à 1973, Jos De Saeger résumait à l’époque
cette vision : « Il semble peu sensé de réduire les
distances entre deux centres par la construction
d’une autoroute si, en même temps, il devient de
plus en plus dur et de plus en plus long d’entrer et
de sortir de ces centres. »
CARREFOUR DE L’OCCIDENT
MYTHE ÉCORNÉ
Les voies rapides urbaines traduisent également
le poids du secteur de l’assemblage automobile
en Belgique : construire des autoroutes et inciter
les citoyens à acquérir une voiture permettent de
faire tourner l’économie. À Bruxelles, l’Exposition
Universelle de 1958 donne un coup de fouet
aux projets autoroutiers urbains. « La volonté
politique était de faire de Bruxelles un “Carrefour
de l’Occident”, pour employer les termes utilisés
à l’époque, explique Gery Leloutre, architecte
urbaniste du bureau bruxellois Karbon et
chercheur à la Faculté d’Architecture La Cambre
– Horta (ULB). Mais il n’existait pas vraiment
de vision intégrée, ni au niveau de la ville, ni au
niveau du pays. On s’est donc lancé dans de
vastes projets tels que l’arrivée de l’autoroute
E40, le rond-point Schuman, les viaducs Reyers
et Herrmann-Debroux, etc. Il était même prévu
à un moment de couvrir une portion de la ligne
de train 161 Bruxelles – Namur d’une bande
autoroutière. »
Quelques décennies plus tard, difficile de nier
l’échec du mythe de l’autoroute urbaine. Dès
1969 déjà, un moratoire met un terme à ces
projets à Bruxelles, qui se recentre sur les grands
boulevards urbains. Le moteur de développement
s’est surtout transformé en une plaie qui coupe
les villes, génère du bruit et de la pollution. Pire,
les quartiers traversés par les voies rapides
ont perdu de leur attrait. « Les villes sont faites
pour les gens, les autoroutes pour les véhicules.
L’essence d’une ville se compose d’un réseau de
rues interconnectées, qui stimulent les échanges
entre les quartiers, les entreprises et les résidents.
Les autoroutes urbaines rompent cette dynamique
et deviennent une entrave au commerce et à la
culture », résume Peter J. Park qui, en tant que
Directeur de la planification urbaine dans la ville de
Milwaukee, a supervisé le démantèlement d’une
de ces autoroutes.
À partir des années 80 et 90, commencent
alors les projets de démantèlement et de
requalification, avec en point de mire cette
question : comment trouver le bon équilibre entre
la qualité de vie, la place des transports publics et
l’automobile dans la ville ?
« L’automobile répond encore à certains besoins,
en particulier en Belgique où nous avons fait le
choix d’une forme de dispersion urbaine, tempère
Gery Leloutre. Nous devons dès lors réfléchir à
des solutions pour diminuer le poids de la voiture
sur la ville. Mais imaginer Bruxelles sans voiture ne
me semble pas réaliste. »
HÉRITAGE
Les autoroutes urbaines bruxelloises ont
également façonné l’aspect métropolitain de la
ville et stimulé l’émergence de nombreuses tours
et quartiers d’affaires. En effacer les traces, c’est
également gommer une partie de l’histoire de
Bruxelles. « Avant d’agir sur l’arrivée de la E40
jusque Reyers, n’oublions pas que cette bande
fait également partie de notre patrimoine urbain,
qu’il serait idiot de détruire par principe. On
pourrait la conserver et lui affecter une autre
utilité. Je ne dis pas qu’il faut absolument y faire
rouler des voitures. Mais d’autres solutions que
la destruction pure et simple sont à envisager »,
conclut Gery Leloutre.
Mobilité Que faire des autoroutes urbaines ?
DIVERCIT Y#6 / 5
La BCE s’installe dans
une « ville verticale »
La Skytower à Francfort
Qualité architecturale
En mars dernier, la Banque centrale européenne
(BCE) a officiellement inauguré son nouveau
siège : la Skytower à Francfort. Conçu par le
bureau d’architectes viennois COOP HIMMELB(L)
AU, le projet a démarré en 2004 pour s’achever
en 2014. Il se compose de trois éléments.
D’abord, le Grossmarkthalle représente le cœur
« historique » de la Skytower. Entre 1928 et
2004, le bâtiment a accueilli le marché de gros
des fruits et légumes de la ville. Le choix du site
traduit ainsi la volonté de la BCE de se positionner
sur ce « foyer urbain », un lieu chargé d’histoire,
synonyme de dialogue entre les différentes
composantes de la cité.
Ensuite, deux tours polygonales culminent
à 185 mètres (45 étages) et 165 mètres
(43 étages). Elles se présentent comme une
« ville verticale » selon leurs concepteurs. Cellesci multiplient les espaces d’échanges et de
communication, avec un atrium, de nombreux
lieux de passage, des places, etc. L’accent est mis
sur l’interconnexion entre les différentes sections
des tours.
Enfin, un bâtiment d’accès connecte les
différentes composantes du site.
Le site s’étend sur
120 000 mètres carrés. Selon
Werner Studener, Directeur
Général de l’Administration à la
BCE qui a coordonné le projet de
nouveau site de la BCE, la vision
consistait à « créer un bâtiment
combinant une architecture à la
fois très ancienne et à la pointe
de la modernité. En outre, nous
ne voulions pas uniquement offrir
à notre personnel des bureaux et
des salles de réunion fonctionnels
et confortables, nous souhaitions
également établir un point de
rencontre ici, à Francfort, au cœur
de l’Europe. Je crois que nous
avons réussi ».
© European Central Bank/Robert Metsch
Qualité architecturale La Skytower à Francfort
DIVERCIT Y#6 / 7
Dossier
Bruxelles :
un carrefour
de générations ?
Parmi les défis qui attendent toutes les métropoles, fournir des
solutions d’accueil adaptées aux spécificités de chaque frange de
la population figure parmi les priorités absolues. En prenant le cas
de Bruxelles, nous avons décidé de nous intéresser à deux groupes
a priori diamétralement opposés : les aînés et les étudiants. Avec en
toile de fond cette question : Bruxelles sera-t-elle en mesure
de fournir des infrastructures suffisantes aux seniors et
aux étudiants dans les années à venir ?
8 / D I V E R C I T Y #6
Dossier Bruxelles : un carrefour de générations
BENJAMIN WAYENS
GÉOGRAPHE
ET DOCTEUR EN SCIENCES
FRÉDÉRIC RAYNAUD
RESPONSABLE DU
DÉPARTEMENT
« CONNAISSANCE
TERRITORIALE » DE L’AGENCE
DE DÉVELOPPEMENT
TERRITORIAL (ADT)
Jusqu’en 2 014, aucune étude n’avait été menée
sur la population étudiante à Bruxelles dans son
ensemble. Depuis l’an dernier, deux rapports
permettent de mieux saisir cette réalité, l’un
publié par l’Agence du Développement Territorial
(ADT) et l’autre par le Brussels Studies Institute
(BSI). Ces deux études présentent des approches
complémentaires et révèlent de nombreux
enseignements quant aux interactions entre les
étudiants et la ville.
Avec 51 universités et hautes écoles, Bruxelles
est aujourd’hui la première ville étudiante belge.
La capitale accueille 86 000 étudiants, loin devant
Gand (63 000), Leuven (40 000), Liège (38 000),
Anvers (38 000) et Louvain-la-Neuve (23 000).
Pourtant, Bruxelles reste à la traîne en matière
d’infrastructures d’accueil pour ses étudiants.
Cette lacune est particulièrement frappante
lorsque l’on examine le parc de logements
spécifiques mis à la disposition des étudiants :
Bruxelles compte 11 kots pour 100 étudiants, là
où Anvers en compte 25, Liège 31, Gand 34 et
Leuven 67 !
À l’autre extrême de la pyramide des âges, on
retrouve la problématique de l’accueil des seniors.
Bruxelles comptait en 2014 un peu plus de
150 000 habitants âgés de plus de 65 ans. Parmi
ceux-ci, 26 000 ont plus de 85 ans. On estime à
environ 12 000 le nombre de places disponibles
dans les maisons de repos et les résidences-­
services de la Région de Bruxelles-Capitale. Ici
aussi, la pénurie est manifeste, même si, comme
nous allons le voir, ces deux groupes présentent
des perspectives d’évolution démographique
totalement opposées.
THIBAUT VAN DIEREN
DIRECTEUR D’ECKELMANS
IMMOBILIER , L’UN DES
LEADERS SUR LE MARCHÉ
BELGE DU LOGEMENT
ÉTUDIANT
RUDI VERVOORT
MINISTRE-PRÉSIDENT DE
L A RÉGION DE BRUXELLESCAPITALE
LE KOT N’A PAS LA COTE
Malgré une pole position au classement des
villes belges qui attirent le plus grand nombre
d’étudiants, Bruxelles ne s’identifie toujours
pas comme une ville étudiante à part entière.
Contrairement à Paris par exemple, la capitale
belge ne présente pas une cité universitaire
identifiée comme telle. L’offre étudiante à
Bruxelles se caractérise par son éclatement. Les
51 institutions présentes sur le territoire de la
capitale se répartissent sur 5 grandes zones : le
centre-ville, le campus d’Erasme à Anderlecht,
l’AZ-VUB à Jette, le site de l’UCL-Woluwe et enfin
la zone Ixelles Etterbeek sur l’axe qui relie les
campus de la Plaine et du Solbosch.
Combiné à la faiblesse de l’offre en matière de
kots, cet éclatement a une conséquence directe
sur le logement étudiant : « Notre étude a mis
en évidence qu’un tiers des étudiants sondés
choisissent la colocation dans un logement
classique, plutôt qu’un kot à proprement parler. À
Bruxelles, les étudiants entrent donc directement
en concurrence avec les ménages traditionnels sur
le marché locatif », constate Benjamin Wayens,
du Brussels Studies Institute.
Ainsi à Bruxelles, selon l’étude de l’ADT, 30 %
des étudiants optent pour la colocation, 20 %
pour une résidence universitaire et 17 % pour
un kot hors résidence (une chambre avec espace
commun). Les autres restent chez leurs parents.
Néanmoins, même si l’offre est peu abondante,
les étudiants ne semblent pas dans leur majorité
éprouver de difficulté particulière pour trouver
un logement. « Près de deux tiers des étudiants
trouvent un logement sans problème, ajoute
THIBAUT CHEVRIER
DIRECTEUR DE L A
RÉSIDENCE
« LES TERRASSES DU BOIS »
DU GROUPE ARMONEA,
À WATERMAEL-BOITSFORT
Frédéric Raynaud, chef du département
Connaissance territoriale à l’ADT. Pour les autres,
les obstacles principaux sont le coût, la durée du
bail qui n’est pas flexible – par exemple pour les
mois d’été ou pour ceux qui envisagent un séjour
Erasmus -, et également les discriminations sur
base de l’origine ethnique. »
« Il y a deux tendances très fortes actuellement sur
le marché du logement étudiant, constate Thibaut
Van Dieren, directeur d’Eckelmans Immobilier,
l’un des principaux acteurs privés sur le marché
du logement étudiant en Belgique. D’une part,
les étudiants demandent des logements bon
marché. Il est difficile pour les acteurs privés
de répondre à cette demande, notamment en
raison des normes à respecter et du prix du
foncier dans les localisations recherchées. Sur
ce segment, la balle est plutôt dans le camp des
pouvoirs publics et des universités. D’autre part,
nous voyons émerger depuis 2008 une demande
pour des résidences-services. Les étudiants y
disposent d’un studio autonome, équipé d’une
kitchenette et de sanitaires. La résidence propose
également la présence d’un concierge, des espaces
communs pour les repas, des salles d’étude, un
foyer, une buanderie, un local pour les vélos, etc.
Nos résidences de ce type connaissent un taux
de remplissage de 99 %. À l’inverse, les grands
communautaires où les étudiants partagent la
cuisine et les sanitaires n’ont plus tellement la
cote. »
INTERACTIONS URBAINES
L’un des autres enseignements frappants de
l’étude de l’ADT, c’est le très faible niveau
d’interaction entre les étudiants de certains
Dossier Bruxelles : un carrefour de générations
DIVERCIT Y#6 / 9
campus et la vie urbaine. « Nous constatons
principalement sur les campus excentrés,
comme par exemple Erasme, que les étudiants
utilisent très peu les commerces ou l’horeca du
centre d’Anderlecht, qui ne se situent pourtant
qu’à quelques stations de métro. Pour leur vie
sociale, ils préfèrent se rendre directement dans
le centre-ville de Bruxelles. C’est pourquoi,
parmi nos recommandations, nous appelons
à un développement de l’offre de commerces
et de services autour des campus situés en
deuxième couronne. Pour les autres étudiants,
l’appropriation de la ville est plus marquée, avec
un niveau de satisfaction très positif », poursuit
Frédéric Raynaud.
Quels projets développer à l’avenir ? La
Brussels University Alliance, qui développe les
synergies entre l’ULB et la VUB, plaide pour une
réaffectation des casernes qui seront bientôt
désertées par la police fédérale, notamment
à l’angle du Boulevard Général Jacques et de
l’Avenue de la Couronne. Toute la réflexion
porte sur le développement d’une véritable
cité universitaire, qui inclut du logement,
mais également des services, des espaces
communs dédiés à la recherche ou à la création
d’entreprises. Le projet que défend la BUA entend
également s’ouvrir aux habitants extérieurs
et s’inscrire dans le cadre d’une réhabilitation
et d’un remaillage du quartier, aux zones plus
défavorisées du côté de la Chaussée de Wavre.
LE NERF DE LA GUERRE
« Le problème est avant tout d’ordre financier,
commente Benjamin Wayens. En 20 ans, les
moyens alloués par étudiant ont baissé de 20 %.
Les universités et les hautes écoles n’ont plus de
marge à investir dans de nouveaux logements.
Tout le budget est consacré au fonctionnement.
Mais nous avons toutefois des raisons de nous
montrer optimistes, avec un nouvel acteur qui
entre en jeu : la Région, qui semble avoir pris
conscience des enjeux. »
Parmi les initiatives qui sont actuellement en
cours, la Plateforme sur le Logement étudiant
entend s’inspirer du modèle que Br(ik a développé
en Région flamande.
« La Région soutient la Plateforme Logement
Étudiant qui est chargée de développer un outil
pour faciliter la rencontre de l’offre et de la
demande de logement étudiant, conclut Rudi
Vervoort, Ministre-Président de la Région de
Bruxelles-Capitale. Nous souhaitons que les
étudiants qui recherchent un logement étudiant
puissent avoir accès, via une base de données
ad hoc, à tous les logements étudiants mis sur
le marché et de même que les propriétaires de
kots puissent offrir à tous les étudiants leur
proposition de logement. De plus, la Ministre
Frémault et moi-même travaillons sur un projet
permettant de créer une agence immobilière
sociale s’adressant aux étudiants. Ce sont deux
exemples d’actions déjà mises en place par
notre Gouvernement pour améliorer la vie des
étudiants à Bruxelles. D’autres doivent encore
être entamées, certaines sont déjà pointées dans
l’accord de Gouvernement comme le projet de
Cité internationale étudiante, l’amélioration de
la mobilité douce et des transports en commun
autour des lieux d’étude, etc. »
SENIORS : BRUXELLES RAJEUNIT
L’une des particularités de la démographie
de la Région de Bruxelles-Capitale, c’est
que la population a tendance à rajeunir. « La
Région bruxelloise se distingue actuellement
par une faible proportion de personnes âgées
contrairement aux deux autres régions du pays,
rappelle Rudi Vervoort. Cette proportion a
de plus diminué au cours des deux dernières
décennies. Cela s’explique par le processus de
périurbanisation qui draine en dehors de la Région
principalement des familles de 30 à 49 ans
avec enfants, en ce compris les adolescents.
Ce processus étant très actif depuis plusieurs
décennies, il explique la nette sous-représentation
des personnes âgées – beaucoup d’individus
ne vieillissent pas sur place, car ils ont quitté la
Capitale auparavant –, de même que le déficit du
nombre d’adolescents. »
Néanmoins, le Bureau fédéral du Plan estime
que la population âgée de plus de 65 ans va
croître de près de 27 000 unités entre 2014 et
2030 à Bruxelles. Une situation qui demandera
forcément des solutions d’accueil adaptées.
D’autant que les attentes des aînés ont
considérablement évolué ces dernières années.
« L’image de la maison de repos à l’ancienne a
vécu, constate Thibaut Chevrier, Directeur de
la résidence Les Terrasses du Bois, à WatermaelBoitsfort. La nouvelle génération de seniors a eu
la chance de voyager, de connaître la société de
consommation et internet. Ils se montrent dès
lors beaucoup plus exigeants, notamment par
rapport à la cuisine qui leur est proposée, aux
différents services disponibles sur place, à leur
participation à la vie de la commune, etc. »
ÉTAPE INTERMÉDIAIRE
Aujourd’hui, on distingue plusieurs types
d’infrastructures d’accueil pour les aînés. À
côté de la résidence médicalisée classique, se
développe une demande très forte pour des
résidences qui proposent une gamme de services
à la carte, plus ou moins étoffée. « Ces résidences
s’adressent à des aînés qui sont encore très
actifs, mais qui veulent être soulagés d’une série
de tâches quotidiennes et pouvoir bénéficier
d’une assistance sur place, disponible 24 heures
sur 24, en cas de problème de santé. C’est
une étape intermédiaire entre le domicile et la
maison de repos, indique Thibaut Chevrier. Ce
public s’intéresse particulièrement aux services
que propose la résidence (une boucherie, une
boulangerie, une pharmacie, un médecin avec son
propre cabinet de consultation sur place), ainsi
qu’aux possibilités de mener une vie sociale active.
De nombreux résidents participent à des activités
intergénérationnelles au sein de la résidence,
mais restent également actifs à l’extérieur. Nous
comptons par exemple énormément d’aînés qui
continuent à fournir une aide à l’école de devoirs
ou même carrément à donner des cours ! »
Si la situation est moins alarmante à Bruxelles que
dans les autres régions, c’est essentiellement dû au
fait que les aînés quittent la capitale. Néanmoins,
en coulisse, il se dit que certaines résidences
bruxelloises comptent déjà plus de 200 inscrits
sur leurs listes d’attentes ! Selon le KCE, le Centre
fédéral d’expertise des soins de santés, il faudra
créer en Belgique entre 1 600 et 3 500 lits par an
pour rencontrer la demande d’ici 2025 !
PRÉOCCUPATIONS COMMUNES
Entre la situation des étudiants et celle des aînés,
outre le besoin de nouvelles infrastructures de
logements auxquelles est associée une gamme
de services, un point commun semble émerger :
la volonté d’inscrire ces lieux dans la vie de la
Cité. À la retraite ou aux études, chacun souhaite
avant tout rester un acteur de la vie sociale de
sa commune, avec ses services, ses commerces,
ses activités sportives et culturelles. Le vrai défi
pour demain sera donc de trouver les moyens
d’interconnecter et décloisonner toutes ces
catégories de citoyens. Bruxelles pourra alors
se présenter comme un véritable carrefour de
générations.
« Panorama de la vie étudiante à Bruxelles : pratiques urbaines et rapport à la ville », résultats intermédiaires, octobre 2014, consultable sur http://www.adt-ato.brussels
« L’enseignement supérieur et Bruxelles », avril 2014, consultable sur www.brusselsstudies.be
10 / D I V E R C I T Y # 6 Dossier Bruxelles : un carrefour de générations
Développement durable
35 000 heures
pour les
habitants
Canal-Midi
Jardiner
au travail
Profiter de sa pause pour jardiner
un peu, planter, arroser, désherber…
permettrait de réduire le stress des
employés. Outre-Atlantique et en France,
la tendance est bien implantée. Petit tour
d’horizon.
Tout droit venus des États-Unis, les « corporate
gardens » se font petit à petit une place dans les
entreprises européennes. En France, ils sont de
plus en plus nombreux à fleurir sur les toits, les
balcons ou dans les jardins des entreprises. Mettre
les mains dans la terre pour ensuite savourer les
fruits de son travail serait en effet une activité
particulièrement relaxante. Aux États-Unis, le
phénomène est tel que l’on parle d’orthithérapie.
Toyota, PepsiCo, Kohl, Google, Yahoo et bien
d’autres incitent leurs employés à consacrer une
partie de leur pause au jardinage. D’après une
étude américaine menée en 2011 dans l’Oregon,
travailler dans un environnement connecté à la
nature améliorerait la performance des salariés et
pourrait réduire l’absentéisme de 10 %.
Cédric Jules, co-fondateur de Macadam Gardens,
une start-up spécialisée dans les potagers urbains
basée à Toulouse : « Pour l’entreprise, la finalité
du potager peut être double : le potager peut
être productif (pour alimenter la cantine par
exemple), mais il peut également s’envisager dans
un esprit de culture d’entreprise et de détente, l’un
n’empêchant pas l’autre bien sûr. »
CRAINTES INFONDÉES
En Belgique, même si des associations telles
que Lateral Thinking Factory soutiennent ce
type d’initiatives, elles restent peu nombreuses.
« Pourtant, c’est tout à fait possible. En 2013,
nous avons réalisé une étude pour l’IBGE sur le
développement de l’agriculture urbaine à Bruxelles
et identifié toute une série de sites qui pourraient
être utilisés dans ce but », explique Michael
Moradiellos, fondateur de la société.
Beaucoup d’entreprises se laissent décourager par
la structure de leur bâtiment. Une erreur, selon
Cédric Jules : « Toit plat, jardin, terrasse… tout est
possible. Même sur des petites surfaces on peut
concevoir de beaux projets. »
Autre frein : la pollution. « Mais c’est là que les
gens se trompent, explique Cédric Jules. En ville,
la pollution est surtout constituée de métaux
lourds qui ne montent pas à plus de 5 mètres du
sol. En hauteur, pas de risque de contamination. »
Et Michael Moradiellos d’ajouter : « Cultiver en
entreprise peut également se faire à l’intérieur,
en réutilisant les ressources comme la chaleur,
300 étudiants de la faculté
d’architecture de l’ULB accompagné
par des étudiants de BA2 en
architecture du paysage ont travaillé
sur l’aménagement d’un quartier de
Bruxelles. Cette année, c’est la zone
« Canal-Midi » qui a été sélectionnée.
En collaboration directe avec le Contrat
de quartier, les architectes ont réfléchi
à des possibilités d’aménagement. Le
périmètre de travail porte sur 2 400 m2
comprenant des zones de loisirs et un
potager urbain sur une parcelle de
2 000 m2 récemment dépolluée par la
commune. Ce potager urbain devra
profiter aux habitants et permettre
d’organiser des activités culturelles et
sociales.
ATENOR apporte son soutien à ce
projet en participant à son
financement via une plateforme de
crowdfunding :
http://www.kisskissbankbank.com
les restes des cuisines ou encore les eaux grises.
De plus, cela améliore la qualité de l’air dans le
bâtiment. »
Enfin, dans notre contrée frissonnante, le climat
décourage également. Cédric Jules : « La qualité
des récoltes dépend de l’ensoleillement. Mais
même avec un climat tempéré, toutes sortes de
fruits et légumes peuvent être cultivés : il suffit de
bien les sélectionner. »
Il ne se laisse malgré tout pas décourager : « Ces
dernières années, nous constatons un véritable
regain d’intérêt pour le jardinage. Les scandales
alimentaires jouent aussi un rôle : plus que jamais,
les gens se soucient de ce qu’il y a dans leur
assiette. Les potagers d’entreprise ont donc de
beaux jours devant eux. » La preuve : quelques
sociétés pionnières tentent l’expérience, comme
l’IBGE, qui a eu durant plusieurs années un potager
à son siège social de Woluwe-Saint-Lambert.
Développement durable Jardiner au travail D I V E R C I T Y # 6 / 11
©Icarus Projects | Flickr
Culture
Mons 2015
Capitale culturelle
européenne, et après ?
Durant toute cette année, Mons est en
pleine ébullition grâce à son statut de
capitale culturelle européenne.
Mais que reste-t-il de ces capitales
européennes une fois que l’attention
est retombée ?
En se promenant dans les rues de Mons, il est
difficile de nier l’effervescence qui s’empare de la
ville. La Grand Place est noire de monde, les logos
Mons 2015 sont omniprésents, d’innombrables
œuvres et performances jalonnent les ruelles
pavées. Plus étonnant encore pour celles et
ceux qui connaissent la Cité du Doudou : Mons
s’est transformée en une sorte de Tour de Babel.
En laissant traîner les oreilles, on surprend des
conversations en néerlandais, en anglais, en
allemand, en italien ou en espagnol. Du jamais vu.
Les mésaventures qui avaient émaillé les
premières semaines de cette année culturelle (des
chantiers pas tout à fait terminés, une sculpture
branlante d’Arne Quinze qu’il a fallu démonter en
urgence) font désormais partie du passé. À l’heure
d’écrire ces lignes, l’exposition « Van Gogh au
Borinage » totalisait déjà 150 000 visiteurs. Un
12 / D I V E R C I T Y # 6 Culture Mons 2015
succès qui a poussé les organisateurs à investir
des moyens supplémentaires dans son système de
réservations, toutes manifestations confondues.
Les demandes pour des visites de groupes guidées
permettent de mesurer ce succès : la ville en
reçoit en moyenne 70 par jour !
PARI AUDACIEUX
Le pari n’était pourtant pas gagné d’avance.
Avec un peu moins de 100 000 habitants, Mons
reste après tout une ville de taille relativement
modeste. Dans l’arrondissement de Mons, le taux
de chômage flirte avec les 20 %. C’est justement
pour sortir de ce marasme latent que les
autorités communales ont pris le pari d’attirer un
événement qui redonnerait un peu de fierté à ses
citoyens. « Nous avons préparé cette candidature
depuis 2003, explique Yves Vasseur, le directeur
de la Fondation Mons 2015. La volonté était
de sortir Mons d’une situation de stagnation
économique et sociale qui s’est installée depuis
la fin des années 60. La candidature au titre
de capitale européenne de la culture cadrait
parfaitement avec les axes de redéploiement
dessinés par les autorités communales, à savoir le
tourisme, la culture et les nouvelles technologies. »
Le but affiché par les autorités ne manque
pas d’ambition : Mons et ses environs veulent
saisir cette opportunité pour accélérer leur
reconversion et devenir une « Creative Valley ».
Cette voie a déjà permis d’attirer dans la région
quelques enseignes prestigieuses telles que
Google, Microsoft et IBM. L’idée est de susciter
des vocations auprès des jeunes entrepreneurs de
la région.
MÉTAMORPHOSE
CHANGER LES ESPRITS
Parmi les grandes thématiques de Mons 2015,
celle de la « métamorphose » occupe une place
centrale. La ville s’est ainsi dotée de nouveaux
outils culturels et touristiques qui traduisent cette
volonté de redéploiement. Le Centre de Congrès
flambant neuf imaginé par Daniel Libeskind et la
gare en construction signée Santiago Calatrava
illustrent cette dynamique. Les deux édifices
s’ajoutent aux cinq musées qui ont vu le jour
cette année : l’Artothèque dédiée au patrimoine
local, le Mons Memorial Museum consacré aux
deux guerres mondiales, le Beffroi qui vient d’être
rénové et est désormais accessible au public,
le site archéologique du Silex’s et le Musée du
Doudou qui fait la part belle au folklore montois.
Le vrai défi de Mons 2015, ce sera la
métamorphose des esprits. Tout le monde cite
l’exemple de Lille 2004 et son fameux « bond
en avant de 10 ans ». Mais d’autres capitales
culturelles européennes ont été de véritables
success-stories.
« Ces lieux ont vocation à durer et enrichissent
l’offre culturelle que la ville continuera de
proposer après 2015, poursuit Yves Vasseur.
Le Mons Memorial Museum ouvre une piste qui
n’existait pas encore chez nous : celle du tourisme
mémorial. Or, nous savons tous que c’est un
volet important pour de nombreux touristes, en
particulier pour ceux venus de Grande Bretagne
qui savent qu’en 14-18, leurs premier et dernier
morts sont tombés sur notre territoire. À Ypres,
le musée In Flanders Fields accueille un million de
visiteurs chaque année. Nous n’allons évidemment
pas leur faire de l’ombre. Mais Mons se trouve à
60 kilomètres d’Ypres. On peut imaginer que de
nombreux visiteurs prolongeront leur séjour jusque
dans le Hainaut. »
Ainsi, une étude l’Université de Liverpool a montré
que la ville des Beatles avait pu générer un impact
économique positif de 754 millions de livres
lorsqu’elle a été capitale culturelle européenne
en 2008, pour un investissement initial de…
55 millions. Yves Vasseur cite également
l’exemple de la ville d’Essen en Allemagne, qui
avait accueilli « Ruhr 2010 ». Le profil d’ancien
bassin minier frappé par le déclin économique est
assez semblable à celui de Mons. La similitude n’a
pas échappé à la presse allemande qui suit de près
l’expérience Mons 2015.
« Avant 2015, Mons accueillait 250 000 touristes
par an. Cette année, nous visons la barre des
2 millions. Si nous pouvons nous maintenir audessus de 500 000 à partir de 2016, l’exercice
aura été un franc succès. Mais pour cela, il faut
que l’esprit Mons 2015 perdure au-delà de cette
année », conclut Yves Vasseur.
La ville a d’ailleurs désigné un bureau d’audit
indépendant qui sera chargé de dresser le bilan de
l’année. Le rapport est attendu pour le printemps
2016. Mais à Mons, tout le monde sait que pour
le vrai bilan, il faudra se montrer patient. Ce n’est
peut-être que dans 10 ou 15 ans que l’on pourra
mesurer si la région a pu poursuivre sur sa lancée
et réussir sa métamorphose.
NICOL AS MARTIN
PREMIER ÉCHEVIN
DE L A VILLE DE MONS
Interview
Mons
demain ?
L’année 2015 marque-t-elle
un nouveau départ pour le
développement urbain de Mons ?
Nicolas Martin, premier échevin
de la ville de Mons : « Mons 2015
est un projet majeur pour la ville,
même s’il y en a beaucoup d’autres
évidemment. Notre projet de
ville, qui intègre Mons 2015, a
commencé il y a de nombreuses
années. Nous avons déjà mené à
bien de nombreux chantiers dans
le cœur de la ville. Nous travaillons
maintenant sur la première
couronne, avec des projets qui
intègrent 2 000 logements,
des bureaux, des commerces,
la passerelle qui mène à la
future nouvelle gare, des hôtels,
l’aménagement des berges de
la Haine en pistes cyclables, un
nouveau parc arboré, etc. »
Avec des objectifs en termes de
densité de population ?
DOMINIQUE COMINOTTO
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU MACS
le Grand Hornu
© Grand-Hornu - Macs
Le Borinage s’invite sur
la carte de l’art contemporain
Ouvert en 2002 sur le site du Grand Hornu, à 15 minutes de Mons, le Musée d’Arts
Contemporains (le MACs) est une autre illustration de cette volonté de miser sur la culture
pour insuffler une nouvelle dynamique à la région de Mons Borinage. Aujourd’hui, on parle du
Grand Hornu au MoMA à New York, à la Tate Modern de Londres ou au Centre Pompidou à
Paris, ce qui était inimaginable il y a 15 ans. De là à tirer toute la région vers le haut ? « Nous
avons certainement contribué à rétablir une forme de fierté auprès des habitants du quartier »,
reconnaît Dominique Cominotto, le secrétaire général du MACs. « Mais un musée à lui seul ne
peut entraîner toute une région dans une spirale positive. Nous sommes une pièce d’un puzzle
plus large qui inclut également les investissements publics et privés, le travail social, etc. À notre
échelle, nous participons tous au mouvement. »
Nicolas Martin : « Mons compte
aujourd’hui 96 000 habitants.
Selon nos estimations, nous
devrions franchir la barre des
100 000 d’habitants d’ici 3 ou
4 ans. »
La revitalisation économique
est-elle aussi à l’ordre du jour ?
Nicolas Martin : « Bien entendu.
De grandes entreprises se sont déjà
installées dans la région, comme
Google et Microsoft, et créent un
cadre propice au développement
des PME. Nous disposons par
ailleurs d’un outil qui a vocation à
perdurer : le Club Mons 2015, qui
rassemble 800 entrepreneurs de la
région pour réfléchir aux pistes de
développement économique. »
Culture Mons 2015 D I V E R C I T Y # 6 / 13
Avenue Reine Astrid, 92
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