Maquette empreinte 5.. - La maison de l`environnement de Franche

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Maquette empreinte 5.. - La maison de l`environnement de Franche
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EMPREINTES
MPREINTES
Le journal trimestriel de Franche-Comté Nature Environnement
Hiver 2007 - numéro 5 - 2,50 euros
Le lynx boréal, fantôme de nos forêts
DOSSIER :
Le réchauffement
climatique
en Franche-Comté
Rencontre du 3e type :
les myxomycètes
ÉDITO
ÉDITO
2007, une année pour
les climats de notre planète ?
L’
humanité trouve sans doute dans ses origines africaines un
certain confort dans le réchauffement actuel : il suffit de constater comment a été apprécié le dernier automne, (presque 3 °C de
plus que les moyennes saisonnières européennes sur la période
1971-2000)… Loin de nous en inquiéter, il est plus facile et sans
doute très profondément ancré en nous de nous en accommoder, quand d'autres se réjouissent clairement du dégel des sols
sibériens pour développer des activités agricoles… L'absence de
rupture, à notre échelle, dans les phénomènes nous force aussi
à nous habituer tout doucement aux changements.
Une chose semble certaine : y trouver quelque intérêt relève
d'une vision égoïste, égocentrique et à très court terme : c'est oublier les populations humaines qui souffriront des transformations
climatiques, comme on le voit avec le développement actuel du
désert saharien et ses milliers d'émigrés qu'il envoie sur les routes d'Europe. C'est surtout oublier que la Terre est habitée par
toute une vie nombreuse, variée et que nous sommes dès maintenant en train de déposséder de ses habitats : l'exemple des difficultés que rencontrent les espèces arctiques est éloquent. Il
semble évident qu'avec la raréfaction de toute cette vie, c'est notre espèce qui sera une victime prochaine des transformations
climatiques, directement ou indirectement…
Toujours est-il qu'il est bien laborieux de développer de nouvelles
stratégies, même lorsque l'on a conscience de leur nécessité et
de leur urgence.
Notre pays s'est engagé avec le processus de Kyoto à diviser par
quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Mais
quand on observe les décisions prises, leur timidité ou leur absence, on ne peut qu'être dubitatif sur notre volonté politique, nos
capacités…
Pourtant, un rapport remis le 9 octobre dernier au gouvernement
démontre les possibilités et les urgences dans le domaine des
énergies renouvelables, car les solutions ne seront pas univoques ; particulièrement dans le développement des économies
des énergies fossiles : agir sur les transports, sur la construction
dans le bâtiment, sur l'urbanisme et le type d'habitat, plus
concentré, économisant matériaux, espace et déplacements.
Au-delà, c'est toute notre économie et tout notre mode de vie qui
doivent se transformer pour répondre à cet enjeu, sans doute
vital.
Une chose est certaine, il ne faudra pas se réveiller en 2049 pour
se décider à décliner les objectifs prévus aujourd'hui pour 2050 !
Souhaitons-nous donc bon courage pour que 2007 soit une année de transformations des consciences et des volontés !
Gilles Sené
président de Franche-Comté Nature Environnement
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EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
SOMMAIRE
L’actualité en brèves.......p.3
Consommer autrement.....p.4
Les labels comme guide de consommation
p.5.........Hérisson qui pleure :
Les poissons changent de sexe
p.5..........Hérisson qui rit :
Foussemagne, un village plein
d’énergie
p.6/7...... DOSSIER
Le réchauffement climatique
en Franche-Comté
Les écogestes au quotidien....p.8
- Faites la lumière sur votre éclairage
- Réchauffons-nous sans réchauffer la planète !
Nature en Franche-Comté...p.9
Le lynx boréal, fantôme de nos
forêts
La parole aux associations.....p.10
- Michel Georges, lobbyiste associatif
- LEST, une junior association militante
Carte blanche aux bénévoles......p.11
- Rencontre du 3e type : les myxomycètes
- Il était une fois l’écologie
POUR EN SAVOIR PLUS !
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Retrouvez les adresses utiles,
bibliographies, agenda... sur le
site Internet de la Maison régionale de l’environnement :
www.mre-fcomte.fr
EMPREINTES n°5
Trimestriel - Hiver 2007
Franche-Comté Nature Environnement
MRE - 15 rue de l'industrie - 25000 Besançon
Tél. 03-81-80-92-98 / [email protected]
Directeur de la publication : G. Sené
Comité de rédaction : E. Bunod, C. Erbs, L. Grandemange,
M. Landry, E. Leboucher, Q. Le Tallec, G. Sené
Rédacteurs : E. Bunod, C. Erbs, L. Grandemange, M. Landry, E. Leboucher,
Q. Le Tallec, C. Pulido-Ferrois, P. Raydelet, G. Sené.
Illustrations et photos : P. Raydelet (p1, p2, p9), N. Abraham (p1), M.
Poulain (p1, p11), W. Flaxington (p5), M. Landry (p5, p8, p12), P. Collin (p6,
p12), JM. Gérard / GNFC (p7), L. Bettinelli (p7), NASA (p7), LEST
(p10).
Conception graphique et mise en page : E. Bunod
Dépôt légal janvier 2007 / ISSN : 1779-871X
Impression : Imprimerie Simon - BP 75 - 25290 Ornans
Imprimé sur papier recyclé.
L’ACTUALITÉ EN BRÈVES
L’ACTUALITÉ EN BRÈVES
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Les Américains “eco-friendly” ?
Vous avez dit combien ?
orifices et un distributeur de sac à crottes, c'est ce
que possède la poubelle du futur, installée depuis décembre au cœur de Lausanne. Appelée Ecopoint, cette
poubelle géante de 2 mètres de haut avec un design
ravageur et d'une capacité de 1 000 litres, attire la curiosité des habitants et des passants. Vous pouvez ainsi
déposer dans chaque trou d'une couleur différente votre
cannette de bière, votre bouteille de Jura, les piles du
radio réveil (qui n'a pas marché ce matin), votre magazine people, la bouteille de cola, le mégot de cigarette ou
le popo de votre chien, bref, une poubelle complète qui permet d'agir pour l'environnement tout en vidant ses poches et ses sacs de déchets. C'est Summit
Foundation qui a réalisé le prototype, actuellement mis à l'essai par la ville jusqu'à
fin janvier. Elle remporte déjà un franc succès et il se pourrait donc que d'autres
de ces points écolos fleurissent à Lausanne ou dans d'autres villes suisses.
Kokopelli lourdement condamné
Kokopelli est un personnage mythique des traditions amérindiennes, joueur de flûte symbole de
fertilité, de joie, de fête et de longue vie. C'est
aussi l'emblème de l'association du même nom
qui milite pour rendre accessible aux jardiniers
plus de 2 000 variétés potagères anciennes, redonner des semences traditionnelles aux paysans du tiers-monde et préserver l'agriculture
paysanne. Mais toutes ces semences posent un
gros problème aux firmes semencières et à certaines structures liées à l'agrobusiness : elles ne
sont pas inscrites au "catalogue". Ce catalogue
officiel répertorie toutes les variétés potagères et
agricoles homologuées qui peuvent être commercialisées. La cour d'appel de Nîmes, saisie
par l'État et deux structures interprofessionnelles, vient de condamner Kokopelli à plus de
18 000 euros d'amende pour "vente de semences non inscrites". Cette condamnation,
contraire au droit européen qui permet la
conservation de semences en risque d'érosion
génétique, risque d'être fatale à l'association qui
se pourvoit en cassation et assigne l'État devant
la cour européenne de justice.
www.kokopelli.asso.fr
DAN
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S LE MOND
FRANCE
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FRANCHE-COMT É
EN
Le vert gagnerait-il les États-Unis ? La Californie
adopte une loi contre les gaz à effet de serre (le
Global Warming Solution Act en août 2006), sept états
de la Côte Est lancent un programme de stabilisation
et de réduction de leurs émissions (Regional
Greenhouse Gas Initiative), les compagnies privées
adoptent des comportements responsables… Il semblerait donc que le "green" soit très tendance, puisqu'il
était du dernier chic pour les fêtes d'offrir des éoliennes de jardin ou encore des "super classy green gifts",
du type écharpe en alpaga équitable tricotée par des
dames boliviennes. La consommation de produits
bios explose, Léonardo Di Caprio n'est plus le seul acteur à investir temps et argent dans l'écologie, tout
Hollywoood est devenu eco-friendly. L'Amérique,
contrairement à son président, renoue ainsi avec une
vieille tradition puisqu'elle fut dans les années 50 et
60, une pionnière en matière de préoccupations environnementales.
La publicité peut nuire gravement
à l'environnement
L'environnement est à la mode. De plus en
plus de publicités utilisent abusivement l'argument écologique pour vanter comme "bon
pour l'environnement" des activités et des
produits en réalité polluants. "En donnant
une image "verte" à des entreprises, des services et des produits qui ne le sont pas, ce
"blanchiment écologique" des activités industrielles et commerciales minimise et banalise la nécessité impérative de changer
nos comportements de consommation” explique l'Alliance pour la planète, une coalition
des principales associations françaises de
défense de l'environnement. Pour interpeller
les pouvoirs publics et les professionnels, ce
collectif a mis en ligne sur son site (www.lalliance.fr) trente publicités commentées démontrant l'abus de l'argument écologique au regard de la loi ou des recommandations du BVP (Bureau de vérification de la publicité). Exemple avec Total, dont le
slogan "Pour vous, notre énergie est inépuisable" est en complète contradiction
avec son activité pétrolière et gazière ; les carburants issus de la biomasse ne représentaient en 2005 pour Total que 1,2 % de son offre de carburant en France.
Concernant l'énergie éolienne, Total veut faire croire que son activité en ce domaine
est importante. Or, l'entreprise n'a mis en service en France, en tout, que cinq éoliennes, en 2003, près de Dunkerque.
Vergers Vivants dans le Pays de Montbéliard
La Franche-Comté est riche de vieux vergers, dont beaucoup sont laissés à l'abandon depuis quelques décennies. L'association Vergers Vivants, créée en
mars 2006, a pour vocation de préserver ce patrimoine fruitier. Actuellement à l'œuvre sur le
Pays de Montbéliard pour le compte de la communauté d'agglomération, l'association recense
les fruitiers : repérages sur photos aériennes, envoi d'un prospecteur sur le terrain pour le diagnostic et saisie sur base de données. Ce recensement doit permettre
de définir par secteur la nature des interventions futures prioritaires
(taille, coupe du gui, débroussaillage, replantation…) et d’orienter un
programme d'actions en vue de la revalorisation des vergers de plein
champ du Pays de Montbéliard. Contact : Vergers Vivants,
Tél. 03-81-37-82-26 - [email protected]
Covoiturage en Franche-Comté
Plus de 1 000 trajets de covoiturage en Franche-Comté sont
déjà enregistrés sur le site www.covoiturage.besancon.fr. 580
trajets concernent des déplacements au départ ou à l'arrivée
d'une ville du Grand Besançon. Mis en ligne fin 2006, ce projet
qui connaît un vif succès est à l'initiative des collectivités territoriales locales et de l'Ademe. Il permet de s'inscrire facilement
sur une liste de covoiturage afin de pouvoir voyager de façon
économique, écologique et conviviale. Les recherches de trajets sont simples à effectuer. Il est possible de préciser ses centres d'intérêts, de choisir un conducteur ou un passager fumeur ou non, accompagné d'un animal ou non.
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
3
CONSOMMER AUTREMENT
CONSOMMER AUTREMENT
LES L ABELS
comme guide de consommation
Sensibilisé aux problèmes environnementaux, vous prenez soin de choisir vos produits en fonction
des labels qu'ils arborent ? Mais attention, chaque petit sigle vert n'a pas la même signification et ne
correspond pas forcément aux arguments avancés. Voici un petit mode d'emploi pour se retrouver
dans la jungle des écolabels…
Coralie Erbs
Un label, qu'est-ce que c'est ?
Les écolabels sont des sigles officiels qui garantissent à la fois
la qualité des produits qui les portent et leurs faibles impacts environnementaux. Leurs exigences sont fixées après une étude
du cycle de vie des produits : extraction de matières premières,
production, distribution, utilisation et fin de vie (recyclage ou
non). Et pour qu'un produit soit labellisé, il faut qu'il soit
conforme à tous les critères établis pour sa catégorie.
Les "vrais" labels écologiques
Créé en 1992 par la Commission européenne, l'écolabel européen est reconnu
dans les 27 pays de l'Union européenne. Il
est délivré par AFAQ AFNOR Certification.
Environ 400 produits étiquetés de l'écolabel
européen sont actuellement disponibles en
Europe.
La marque NF environnement est la déclinaison française de
l'écolabel européen.
Elle a été créée en
1991. Peintures, vernis
et produits connexes, sacspoubelle, colles pour revêtements de sols,
aspirateurs traîneaux, auxiliaires mécaniques de lavage, composteurs individuels
de jardin, ameublement - mobilier de bureau et mobilier d'éducation, filtres à café,
litières pour chats… font partie des catégories déjà labellisées.
Pour les meubles en bois, les labels FSC et PEFC
garantissent, normalement, la provenance du bois de
forêts gérées durablement dans
le respect de l'environnement. Il
L'exemple du réfrigératémoigne d'un effort de lutte
teur et de l'écolabel européen
contre
la
déforestation.
Cependant, le label PEFC, créé par les
Pour que l'écolabel européen puisse
grands propriétaires de forêts privées, est
être attribué à un réfrigérateur, il ne suffit
très peu exigeant et peu contrôlé. Il est acpas que l'appareil soit peu gourmand en
tuellement au cœur d'une polémique, pour
énergie (60 % en moins qu'un réfrigéraavoir labellisé la destruction des forêts priteur moyen), il faut également qu'il gamaires de Tasmanie.
rantisse un niveau élevé de performances, que les niveaux sonores soient
L'agriculture biologique est cerréduits de même que l'utilisation de
tifiée par plusieurs labels. La
substances contribuant au réchauffeprincipale, la marque AB, est
ment climatique ou à l'appauvrissement
délivrée par le ministère de
de la couche d'ozone. Il doit être facilel'agriculture. Les agriculteurs
ment démonté et recyclé et la disponibibiologiques appliquent des mélité des pièces de rechange doit être gathodes de travail fondées sur le recyclage
rantie 12 ans après l'arrêt de la
des matières organiques, la rotation des
production !
cultures, la lutte biologique et n'utilisent
Nous trouvons de plus en plus souvent sur le marché, des produits dont l'emballage porte le "pointvert". Attention, il ne signifie pas que le produit est
recyclable ou recyclé, mais simplement que le fabriquant contribue au financement d'un système de collecte sélective et de tri des déchets en vue de leur valorisation.
Contribution qu'assume finalement le consommateur. Il n'a aucune signification écologique et ne garantit pas non plus que
l'emballage sera recyclé, ni même collecté séparément.
Le logo avec la mention "Préserve la couche
d'ozone" est faussement rassurant. Cela
signifie que le produit ne contient pas de
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
Le Cercle de Moebius est intéressant si le chiffre
placé au centre du logo, indiquant la quantité de matériaux recyclés utilisés pour la fabrication du produit,
est élevé. Si le logo est vide, il garantit seulement que
le produit est recyclable, et non recyclé.
Les labels spécifiques
Attention aux labels "ambigus" !
4
CFC, gaz nocif pour la couche d'ozone ; mais celui-ci a été remplacé par le HFC, certes moins nocif, mais toujours très néfaste
au niveau de l'effet de serre. Préférez donc plutôt les vaporisateurs manuels, sticks, billes…
quasiment pas de produits chimiques de
synthèse et refusent les OGM. Les éleveurs pratiquent un élevage extensif. Deux autres labels "Nature et Progrès" (depuis
1964) et Demeter (agriculture biodynamique) offrent toutes les
garanties de qualité et sont même plus contraignants que AB.
La participation du consommateur est essentielle pour contribuer au succès et au développement de ces écocertifications.
L'exigence des consommateurs entraînera la nécessité pour les
producteurs de proposer des produits de qualité, fabriqués dans
le respect de l'environnement. Il ne vous
Pour en savoir plus :
reste plus qu'à ouvrir http://www.ecoconso.be
l'œil et à essayer les http://www.eco-label.com/french/
produits écolabellisés ! http://www.fne.asso.fr/preventionde
chets/dossiers/dossiers6.htm
HÉRISSON QUI RIT
HÉRISSON QUI PLEURE
D
Des poissons
qui changent de sexe…
Un herbicide
es poissons qui changent de sexe ou
qui présentent des phénomènes d'intersexualité, des oiseaux à la reproduction
perturbée, des amphibiens aux métamorphoses ou développement aberrants,
des mammifères marins aux troubles immunitaires ou comportementaux… La
liste des espèces victimes des dérivés de
pesticides est interminable et l'espèce
humaine en fait vraisemblablement
partie ! Depuis 1999, les scientifiques admettent une "association" entre ces perturbateurs hormonaux et des problèmes
de santé humaine : divers cancers (prostate, testicule, sein), fertilité masculine en
baisse, malformations des organes reproducteurs, etc.
Ces substances utilisées et retrouvées
dans les aliments et l'eau, telles que les
dioxines et furanes des incinérateurs et
autres combustions, les PCB (polychlorobiphényles), les polyphénols, constituent
les POP (polluants organiques persistants), métaux lourds et phtalates les
complètent. Notre vie en est imprégnée
au quotidien : plastiques, peintures, cosmétiques, etc.
Le point commun de ces molécules est
leur capacité à perturber les messages
hormonaux en imitant leur configuration,
S
en saturant leurs récepteurs, en empêchant ou réduisant leur synthèse ou leur
dégradation ; toutes les étapes de leur
métabolisme peuvent être touchées.
La complexité des problèmes réside notamment dans les doses très faibles où
ces substances sont actives : l'atrazine,
Rejets d’eaux usées dans la Loue (25)
herbicide utilisé dans la culture du maïs
et présent dans de nombreux cours d'eau
en Franche-Comté, provoque, d'après
une étude américaine, un développement ovarien chez un amphibien
(Xenopus laevis) de sexe mâle, exposé à
des doses de 0,1 microgramme/litre !
provoquerait la
Dose en dessous
féminisation du
des seuils de proxénope mâle
cédure d'homologation des pesticides…
Les effets de ces substances ne sont
également pas directement proportionnels à leur dose : des doses fortes peuvent avoir des effets moins importants
que des doses plus faibles. La notion de
seuil de protection est donc difficile, voire
impossible à définir.
Tous ces micropolluants sont présents
dans nos cours d'eau. Les stations d'épuration ont en effet leurs limites : elles ne
retiennent par exemple pas non plus les
restes de médicaments. Ainsi, en
Amérique du Nord, des analyses ont révélé la présence dans l'eau de traces
d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires,
d'hormones, de tranquillisants, etc.
Enfin, les effets de différentes molécules
mélangées (synergies) sont loin d'être la
somme des effets de chacune des molécules prises isolément. Ces molécules
sont donc particulièrement dangereuses.
Elles doivent le plus rapidement possible
disparaître de nos vies. Ce ne sera pas
simple, mais a-t-on vraiment le choix ?
Gilles Sené
Foussemagne,
un village plein d'énergie
itué à 18 km de Belfort sur la route d'Altkirch, Foussemagne est
le dernier village du Territoire de Belfort avant l'Alsace. En moins
de vingt ans, sa population a doublé atteignant aujourd'hui 1 064
habitants. Le maire, Louis Massias, en poste depuis 1988, a vu
sa commune changer : une volonté de la municipalité pour l'environnement est à l'œuvre. Le déclic est venu notamment lors
de la lutte contre la construction de l'aéroport de Fontaine, village voisin, avec la grande manifestation de 8 000 personnes en
1996. C'est ensuite l'ancienne marnière qui suscite des inquiétudes quant à sa reconversion en centre d'enfouissement de déchets techniques. La commune réussit alors à racheter le terrain
qui devient une réserve naturelle, revendue au Conseil général
sous la condition qu'elle soit entretenue et ne devienne jamais
une décharge. "C'est une vraie prise de conscience des habitants qui souhaitent un cadre de vie amélioré " explique le maire.
En juin 2004, le Conseil municipal décide de soutenir les énergies renouvelables en mettant en place un système d'aides pour
les particuliers (eau chaude sanitaire, chauffage sanitaire, centrale photovoltaïque, chaudière automatique aux granulés bois
et chauffage géothermique). Dans la même logique, en 2005, le
Conseil municipal souhaite être acteur du développement durable en souscrivant un contrat qui proposera 100 % d'énergies
vertes pour la Mairie-Ecole et la salle polyvalente. Avant l'ouverture du marché de l'électricité aux particuliers en juillet 2007,
l'exemple est donné. Côté chauffage, la Mairie-Ecole, constituée de 2 salles de mairie, de 3 salles de classe et de 2 logements, est également équipée d'une chaudière automatique
aux granulés bois ; c'est une véritable économie pour la commune. D'autres projets sont en cours, notamment une nouvelle
école Haute Qualité Environnementale avec monomur, chauffage au sol avec chaudière à plaquettes, eau chaude solaire et
cuve enterrée de 12 000 litres pour récupérer l'eau de pluie.
" Toutes ces installations sont pédagogiques ", tout comme le
projet de centrale photovoltaïque et d'éolienne. " Si on fait tout
ça, c'est par esprit d'initiative, c'est un calcul à faire et je suis prêt
à aider, conseiller d'autres communes " confie Louis Massias.
Emilie Leboucher
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
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DOSSIER
DOSSIER
LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
EN FRANCHE- COMTÉ
C'est une réalité : depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, la température globale s'élève,
avec l'augmentation des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre. Pour la France, la
température a augmenté de 0,9 °C en un siècle. D'autres évènements climatiques se sont transformés en Franche-Comté comme ailleurs : canicules, pluies violentes, crues et inondations…
Gilles Sené
Des prévisions pour 2050
On peut estimer, par des programmes complexes de simulations et
prévisions climatiques, que la température de notre pays devrait augmenter de 1,9 à 2,3 °C d'ici 2050.
Les transformations climatiques
sont non seulement thermiques,
mais aussi pluviométriques ou autres.
Suivant un scénario retenu par le
GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), on assisterait ainsi en
Franche-Comté, en 2050 (par comparaison aux années de référence
1960-1980) à :
- des hivers davantage pluvieux : 810 jours avec plus de 10 mm de
précipitations au lieu de 6-8 ;
- des étés plus secs : 20 jours maximum consécutifs sans pluie en été
au lieu de 15 ;
- des canicules plus longues : entre
10 et 20 jours au lieu de 3 à 10 ;
- un risque augmenté de vents forts
et de tempêtes ;
- un enneigement réduit à la fois en
quantité de neige tombée et en durée
(un mois de moins) sur l'ensemble de la
région. La qualité de la neige serait affectée : moins sèche, plus lourde.
Les évolutions climatiques déjà engagées vont donc se poursuivre : faunes et
flores en subissent et en subiront les effets directement et indirectement.
Quels effets sur la végétation ?
Outre les conditions de sols, les espèces végétales sont étroitement liées aux
conditions climatiques. Il est donc facile
d'imaginer les évolutions majeures :
6
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
Toute la biologie de la plante est affectée : débourrement des bourgeons, floraison, maturation des fruits, sénescence des feuilles à l'automne. Ce sont
autant de moments où une fine synchronisation s'établit avec les conditions environnementales. Or, dès
maintenant, on constate des avances
de 1 à 4 semaines pour l'ouverture des
bourgeons et des retards de 1 à 2 semaines pour la chute des feuilles : la
période de vie active s'en trouve donc
rallongée, ce qui ne manquera pas de
provoquer des répercussions sur les
grands cycles de la matière, celui du
carbone par exemple. Or les capacités
génétiques d'adaptation aux nouvelles
conditions climatiques des différentes
espèces ne sont pas équivalentes.
Chaque espèce, chaque population
réagit de façon particulière. De nouvelles relations, de nouveaux équilibres
sont en recomposition : rencontres entre espèces aux aires actuellement disjointes, compétitions vis-à-vis des ressources alimentaires, etc.
Inondations à Arbois (39) en 2006
© P. Collin
remontées des espèces vers le nord ou
vers les zones de plus haute altitude, réduction des aires de répartition des espèces demandant fraîcheur et précipitations abondantes.
Le chêne vert, espèce méditerranéenne, serait ainsi aux portes de la
Franche-Comté dès 2050 et le hêtre
trouverait son optimum de plus en plus
haut en altitude. D'autres espèces disparaîtraient (jusqu'à 2 %) ou seraient en
danger critique d'extinction (4 à 22 %,
suivant les scénarios) : toutes les plantes ne disposent pas des mêmes capacités à suivre les évolutions climatiques
en migrant.
Des oiseaux africains en
Franche-Comté ?
Pour la faune on constate aussi des
changements des aires géographiques.
Des espèces remontent vers le nord, et
ce ne sont pas forcément les plus désirables, comme les processionnaires du
pin ou autres parasites. Certains insectes profitent aussi du rallongement de la
période favorable pour constituer des
générations
supplémentaires.
En
conséquence, leur impact sur les végétaux s'intensifie.
Autre exemple, l'apparition de décalages entre les dates d'arrivée et de départ
des migrateurs et les abondances de
leurs proies. Ainsi, entre 1980 et 2001,
les espèces migratrices ont vu leur arrivée en Franche-Comté avancée de 12
2007
jours (pie-grièche écorcheur) à 21 jours
ment : le décalage d'une dizaine de
l'année la plus chaude ?
(milan noir). Les migrateurs partiels arrijours a pour conséquence une survie révent en général encore plus précoceduite des oisillons qui ne trouvent pas de
La réapparition d'El Ninõ et les hauts niment, avec plus de 40 jours d'avance
quoi se nourrir.
veaux persistants de gaz contribuant à l'efparfois. Les phénomènes déclenchant
Autres effets observés dans les
fet de serre risquent de faire de 2007 l'anles migrations (en Afrique) se trouvent
Cévennes, concernant le lézard vivinée la plus chaude jamais répertoriée,
en effet en décalage par rapport aux
pare, espèce franc-comtoise aussi.
d'après des scientifiques spécialisés dans
conditions climatiques et environnemenDepuis vingt ans, la taille des femelles
la climatologie. Quant à 2006, cinquième
tales de Franche-Comté.
s'est accrue de 12 %, celle des jeunes
année la plus douce depuis 1885, elle resLe réchauffement de la Terre a d'autres
de 28 %, la taille des portées de 25 %,
tera dans les annales pour avoir été l'année
conséquences : plusieurs espèces,
les mouvements de dispersion se sont
des excès et des records en Franched'origine tropicale ou méditerranéenne,
réduits de 50 % et un avancement des
Comté : 33 cm de neige en 24 heures à
se dirigent de plus en plus vers le nord.
dates de ponte est constaté : seul le réBesançon en mars, juillet caniculaire, un
Ainsi, le guêpier, oiseau connu pour son
chauffement climatique permet d'explimois d'août très arrosé (record à
plumage multicolore et surnommé "le
quer ces changements aussi divers,
Baume-les-Dames)… Et pour finir
chasseur d'Afrique", est apparu en
morphologiques, physiologiques et
l'année en beauté : une poFranche-Comté dans la basse vallée du
comportementaux.
tentille du printemps a été
Doubs en 1977. Sa population a connu
aperçue en fleurs le 24 décembre sur le Mont
une progression spectaculaire en
Incertitudes
Vouillot (à 1 100 m d'alFranche-Comté où 407 couples étaient
titude) près de Morteau.
recensés en 2005 *. La famille des héIntégrer la donne "évoluDu jamais vu !
rons hiverne, quant à elle, de plus en
tions climatiques" dans le
plus dans notre région. C'est le cas de la
travail des gestionnaires,
grande aigrette, du bihoreau gris, mais
c'est introduire une incertitude Une potentille de Noël ? L'arrivée de grands prédaaussi du héron gardeboeufs
© L. Bettinelli
teurs tels que le lynx ou le
supplémentaire : on parlera
que l'on trouve habituelleloup montre tout l'intérêt de tels rééquilid'effets probables dans les difment sur le dos des éléphants
brages, comme les difficultés de les viférentes politiques appliquées
ou
des
taureaux
de
vre collectivement. Mais les évolutions
à un territoire. Il faudra analyCamargue. Inconnu dans noclimatiques demanderont un autre niser tant les paramètres sotre région il y a quelques années, il y fait
veau de réponse. Ainsi, que vaudront les
ciaux, humains, qu'écologimaintenant des apparitions régulières :
actuelles zones Natura 2000 que notre
ques, en s'appuyant sur des
70 individus ont été aperçus en octopays peine tant à élaborer pour préserprévisions climatiques les plus
bre 2006 dans le vignoble jurassien !
ver la nature dans 50 ans ? Sommesfiables possibles, en essayant
On
nous prêts à envisager de les renégocier
de déterminer la capacité de
constate
en intégrant ces évolutions majeures
notre société et celle des écoégalement des décalages enpour les espèces vivantes et la biodiversystèmes (et leurs estre les périodes de reproduction et
sité ? Construire dès maintenant de noupèces) à réagir à ces
les pics d'abondance de la nourrivelles règles de partage du territoire en
évolutions
climatiture. Ainsi, en Hollande, c'est le
intégrant cette incertitude climatique
ques.
débourrement des bourgeons de
constitue un enjeu majeur qui sera gage
Apprendre à vivre avec
bouleau qui déclenche la ponte
de stabilité et de mieux vivre pour tous.
cette incertitude ne
des mésanges charbonnières ;
sera pas le plus
mais le pic d'abondance de
simple
pour
chenilles est lié à celui des
notre
soCes drôles d'invenGuêpier d’Europe
bourgeons de chêne, espèce
ciété.
©
JM
Gérard
/
GNFC
tions pour refroidir
plus sensible au réchauffe-
la planète !
Le climat franc-comtois en quelques chiffres
Le climat de la Franche-Comté est déterminé dans ses grandes lignes par
la latitude (climat tempéré), sa place en Europe (influences atlantiques
comme continentales) et sa topographie (climat étagé, au travers d'une chaîne
s'élevant par plateaux jusqu'aux crêts culminants entre 1200 et 1717 m).
Les précipitations abondantes, d'origine océanique, varient avec l'altitude : de 700 mm
par an dans la vallée de la Saône ou les basses vallées du Doubs et de l'Ognon, elles
dépassent les 2 100 mm annuels sur la Haute-Chaîne. Mois pluvieux ou secs alternent
un peu indépendamment des saisons. Suivant leur intensité, on parlera d'années à climat plutôt atlantique ou plutôt semi-continental.
La neige peut être abondante en altitude (10 à 50 jours de chute) et peut rester présente sur le sol plusieurs mois. Les orages d'été, violents, confirment la continentalité
du climat franc-comtois.
Les vents dominants sont les vents de sud/sud-ouest (le " vent ") qui apportent les précipitations, tandis que la " bise " souffle les froids secs de l'Europe du nord.
Les températures sont très contrastées, entre les - 30 ou - 40 °C hivernaux et les
+ 38 °C estivaux ; les moyennes annuelles passent ainsi de + 10 °C en plaine à + 2 °C
à 1700 m d'altitude.
La géoingénierie planche
depuis vingt ans sur des
moyens à grande échelle
pour lutter contre le réchauffement de la Terre. Cette science
consiste à manipuler volontairement le
climat pour inverser le processus de réchauffement climatique. Les idées ne
manquent pas ! Mettre en orbite des
"parasols" géants entre la Terre et le soleil, vaporiser de l'eau de mer dans les
nuages de basse altitude, étendre des
films réfléchissants sur les déserts ou
encore faire flotter des îles de plastique
blanc sur les océans font partie des
propositions les plus délirantes.
* source : D. Lavrut à paraître dans Falco
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
7
LES ÉCOGESTES AU QUOTIDIEN
LES ÉCOGESTES AU QUOTIDIEN
Faites la lumière
sur votre votre éclairage
L
a consommation annuelle d'électricité liée à l'éclairage est en
moyenne de 500 kWh par logement, soit environ 15 % de la
facture d'électricité. Cette consommation varie en fonction des
comportements, des lampes utilisées et du nombre de points
lumineux (22 en moyenne pour un ménage dont 5 avec un
temps d'utilisation important). Par exemple, laisser 3 ampoules
classiques de 75 Watts allumées un soir consomme autant
qu'une lessive à 60 °C. Une solution pour réduire sa consommation et son empreinte écologique est d'opter pour des
lampes basse consommation (LBC) ou lampes à économie d'énergie, aux endroits éclairés le plus longtemps (cuisine, salon, chambre). Ces lampes ne
fonctionnent pas par incandescence mais sur
le principe de fluorescence. En comparaison, un lampadaire halogène d'une puissance de 350 W utilisé 3 heures par jour
consomme 380 kWh par an soit l'équivalent de 23 LBC et une dépense de
près de 41 euros par an.
Les LBC consomment 3 à 5 fois
moins d'électricité et durent 6 à 8
fois plus longtemps (6 000 à 8 000
heures) que les ampoules classiques.
Une LBC de 20 W fournit autant de lumière qu'une ampoule
normale de 100 W qui consomme seulement 20 W pour l'éclairage et dont 80 W partent en chaleur inutile ; l'efficacité lumineuse des LBC est donc bien meilleure. Les LBC, qui existent
depuis les années 80, ont eu du mal à entrer dans nos foyers
mais aujourd'hui 51,1% des Français en possèdent une ou plusieurs. Le prix à l'achat reste encore un frein, malgré une
baisse significative (à partir de 5 euros), mais elles sont maintenant disponibles dans la plupart des magasins. Malgré ce
prix d'achat plus élevé, le retour sur investissement des LBC
est rapide (moins d'un an). Autre avantage, une ampoule de 20 W économise
durant sa vie 1 000 kWh soit 60 kg de
gaz carbonique et 0,4 kg d'oxyde de
soufre produits en moins.
Elles présentent cependant quelques
inconvénients : elles mettent plusieurs
secondes avant de délivrer leur lumière
maximale et elles ne peuvent souvent pas
être utilisées avec un variateur. Certains disent qu'elles sont moins puissantes car moins
éblouissantes mais elles émettent la lumière sur
toute la paroi de l'ampoule et non en un seul point.
Arrivées en fin de vie, il est important de les remettre entières à une collecte de déchets pour recycler le mercure,
l'aluminium du culot et la poudre fluorescente des tubes.
Une autre technologie existe ; les ampoules à diodes électroluminescentes (LED ou DEL) pourraient révolutionner l'éclairage car elles consomment très peu (moins d'1W) et durent
très longtemps, plus de onze ans de fonctionnement ! On les
trouve comme voyants lumineux, dans les lampes de poche et
de plus en plus pour les phares de voiture ou les feux de circulation. Seul inconvénient : elles sont encore difficiles à trouver
en France mais on peut se les procurer facilement sur Internet
pour équiper les lampes de la maison.
Emilie Leboucher
Réchauffons-nous sans réchauffer la planète
5 à 8 % d'énergie. Dépoussiérer les radiateurs et les grilles des
convecteurs une fois par an évite les déperditions et améliore
la qualité de l'air. Afin d'éviter de chauffer le mur, vous pouvez
placer une plaque couverte de papier aluminium derrière votre
radiateur. La chaleur sera ainsi mieux diffusée. Les chaudières
doivent également être vérifiées pour maintenir leur efficacité
(8 à 12 % d'économie).
1 degré
Pour améliorer votre isolation, pensez à
La première règle est d'adapter les beinstaller des films thermo-rétractables sur
soins en chauffage à votre rythme de supplémentaire, c'est
vos vitres ou encore, afin de réaliser une
vie. Réglez votre thermostat à 19 °C
7% de dépense
climatisation l'été, faites pousser des
quand vous vous levez et le soir dès
plantes grimpantes à feuilles caduques
que vous rentrez. La nuit et quand énergétique en plus !
sur les murs exposés au sud de votre maivous partez, descendez-le à 16 °C ;
son.
si vous êtes absent quelques jours, n'oubliez
Enfin, évitez de mettre des sièges près des parois froides telpas de le positionner en hors-gel. Si vous
les que les baies vitrées ou des portes-fenêtres. L'inconfort lié
n'en avez pas, équipez vous d'un thermostat
à la sensation de froid que vous ressentirez vous incitera à
d'ambiance, vous pouvez désormais bénéfiaugmenter inutilement le chauffage.
cier d'un crédit d'impôt de 25 à 40 % lors de son achat.
Coralie Erbs
Entretenir vos appareils vous permettra d'économiser
Saviez-vous que le chauffage représente 40 à
60 % de votre facture énergétique et que vous pouvez économiser jusqu'à 75 euros par an en adoptant des gestes simples, intéressants pour votre
portefeuille et indispensables pour la protection
de l'environnement ?
“
8
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
”
© Patrice Raydelet
NATURE EN FRANCHE-COMTÉ
NATURE EN FRANCHE-COMTÉ
Le LYNX BOREAL,
fantôme de nos forêts
Durant presque un siècle, l'homme a vécu sans le lynx. Le retour du félin a été diversement apprécié et a suscité de nombreuses interrogations. Plus de trente ans après, sans chercher à occulter les attaques sur les ovins, les prédicateurs mal
intentionnés doivent reconnaître que le lynx n'est pas le
tueur sanguinaire annoncé…
G
Patrice Raydelet, photographe animalier,
correspondant du Réseau Lynx pour le Jura
ros chat débonnaire ou tueur insatiable ? L'image que l'on se fait du lynx, dépend d'abord de nos propres convictions
et ne correspond pas forcément à la réalité. Comme pour l'ours et le loup, la façon dont on perçoit le lynx est intimement
liée à la vision que l'on a du prédateur.
Pourtant, des deux descriptions ci-dessus, la première se rapproche davantage
du comportement de l'animal. Pour le félin, l'homme ne représente ni une proie
ni un prédateur. Il n'est pas farouche, n'a
pas peur s'il n'est pas surpris, peut se
montrer curieux et jamais agressif. Il
nous observe plus que nous ne le
voyons et les contacts sont pratiquement toujours le fruit d'un délicieux hasard. Le lynx n'en demeure pas moins le
fantôme de nos forêts comtoises.
Diverses anecdotes décrivent des rencontres inopinées où l'animal observé
n'a pas pris ombrage de la présence humaine et dans certains cas, il est même
venu voir de plus près le spectateur !
La légende, tenace, faisant du lynx un
tueur insatiable est totalement erronée.
Animal solitaire, ce chasseur de chevreuils et de chamois exploite ses proies
au maximum en revenant plusieurs jours
sur le cadavre. Les suivis parallèles des
populations de lynx et d'ongulés montrent que dans les pays où ces espèces
se côtoient, un équilibre s'instaure.
D'ailleurs l'implantation du prédateur
dans le grand Est de la France est concomitante à l'explosion démographique des
populations de chevreuils. Il existe néanmoins des situations dans
lesquelles les prélèvements sont plus importants. Ces attaques plus
Patrice Raydelet est l’auteur de plusieurs ouvrages
sur le lynx. Le lynx boréal,
paru en octobre 2006 aux
éditions Delachaux et
Niestlé, est destiné aux passionnés comme
aux néophytes.
nombreuses, avec des exploitations minimales des proies, sont observées sur le
front de colonisation. En effet, lorsque le
lynx arrive dans une région d'où il avait disparu, les populations d'ongulés ont perdu
l'habitude de côtoyer leur prédateur. Les
chevreuils sont donc plus vulnérables car
moins vigilants et sont prélevés en plus
grand nombre. Mais une situation d'équilibre s'établit au bout de quelques années.
© Patrice Raydelet
Présent historiquement sur l'ensemble du
territoire, le déclin du lynx s'est amorcé au
Moyen Age. En Franche-Comté, l'espèce
s'est raréfiée progressivement à partir des
XVIIe et XVIIIe siècles. Durant cette période, seules deux captures sont mentionnées à Etupes en 1640 et Goumois en
1768. Le dernier lynx jurassien semble
avoir été abattu à Salins-les-Bains en
1885. C'est en tout cas le dernier spécimen
recensé.
Le retour du félin dans le massif jurassien
est attesté le 20 octobre 1974. Ce jour là,
un chasseur abat une femelle à Thoiry,
dans l'Ain. Malgré cet accueil peu amène,
la colonisation du massif est amorcée. Il
n'est pas inutile de rappeler que les animaux francs-comtois sont tous issus des
relâchers effectués en Suisse à partir
d'avril 1971. Les seuls lynx réintroduits en
France, l'ont été dans les Vosges de 1983
à 1993. En 1978, l'espèce est contactée
dans la forêt du Risoux (Jura) et à
Indevillers (Doubs).
La colonisation du massif jurassien n'est
pas (encore ?) uniforme. Depuis son retour,
l'espèce a davantage investi les départements de l'Ain et du Jura. C'est dans la moitié Sud du Jura et le Nord-Est de l'Ain que
se trouve le " noyau historique " de la population.
L'expansion géographique de l'espèce
est toujours active, notamment dans le
Nord Franche-Comté où une jonction
avec la population vosgienne semble se
dessiner. Ce qui serait bénéfique au niveau génétique, avec un brassage des
populations, et à terme, l'établissement
d'un seul noyau de population dans le
Grand Est de la France.
Depuis le retour du prédateur, la population du massif jurassien constitue le
noyau principal de la population française. Ce leadership est notamment perceptible au niveau de l'activité démographique. De 1982 à 2004, 18 cas de
reproduction ont été relevés dans les
Alpes, 63 dans les Vosges et…173 dans le
massif jurassien.
Mais cela n'augure pas pour autant de la
présence de "troupeaux" de lynx en
Franche-Comté ! D'abord parce que la
mortalité juvénile est élevée chez cette espèce et ensuite car les subadultes dispersent et ne peuvent s'installer sur des territoires déjà occupés par des adultes
résidents.
Au regard de ces quelques données, on
s'aperçoit que le retour du lynx dans le
massif du Jura est une réussite d'un point
de vue naturaliste. Il reste néanmoins
beaucoup à faire pour que son image, trop
souvent écornée, reflète simplement la
réalité.
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
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LA PAROLE AUX ASSOCIATIONS
LA PAROLE AUX ASSOCIATIONS
Michel Georges, lobbyiste associatif
La vie de responsable associatif n'est pas de tout
repos : un agenda de ministre, un moral d'acier,
une santé de fer et même des dispositions pour les
langues sont absolument indispensables. Exemple
avec Michel Georges, administrateur de FrancheComté Nature Environnement et Haute-Saône
Nature Environnement et lobbyiste associatif.
T
out commence au niveau local, par la présidence d'une association de pêcheurs, la Gaule
vésulienne. L'adhésion à la fédération départementale de protection de la nature, HauteSaône Nature Environnement ouvre ensuite
les portes d'une dizaine de commissions et comités, essentiellement sur la thématique " déchets ", un sujet dont les associations se
préoccupent depuis plus de trente ans.
Commence alors un véritable sacerdoce : réunions multiples, déplacements, plongée dans
des dossiers administratifs au contenu ésotérique, discussions acharnées avec des élus ou
des industriels souvent peu réceptifs aux problèmes environnementaux… Toutes ces réunions, où la présence des associations est
souvent requise par la loi, ne sont pas défrayées, ni en temps, ni en déplacements.
Fort de ces expériences et armé d'une solide compétence sur
les déchets, Michel Georges décide ensuite de rejoindre le réseau Déchets de France Nature Environnement dont les bénévoles assurent diverses représentations nationales et travaillent
avec l'Ademe et le ministère de l'écologie et du développement
durable, entre autres. Il est nommé membre du collège associatif de la société Eco-emballages, au côté des Amis de la Terre,
Agir pour l'Environnement, des associations de consommateurs… Société privée agréée par les pouvoirs publics, Eco-emballages a été créée par les industriels pour répondre au décret
du 1er avril 1992 obligeant les entreprises à contribuer à la gestion de leurs emballages ménagers. Elle perçoit donc une taxe
d'un centième de centime d'euros par emballage (ceux marqués
du point vert), 403 millions d'euros au total
pour les emballages français dont elle reverse une partie aux collectivités pour le recyclage, le tri, la valorisation ou la sensibilisation.
Tout le travail des militants associatifs va
être de pousser cette société à une meilleure répartition de ces aides. Elle ne finance par exemple les collectivités que
pour le tri et le recyclage des papiers, cartons, aluminium et bouteilles plastiques, et
pas du tout pour les plastiques mous, qui
partent directement à l'incinération. "Quand
on sait qu'il faut 2 litres de pétrole pour fabriquer 1 kg de ce plastique et qu'il part en
fumées nocives ! " fulmine Michel Georges,
qui réagit aussi contre le luxe déployé dans
certains colloques organisés par la société.
Mais ces congrès permettent de rencontrer
d'autres militants européens, comme lors du congrès Pro
Europe Green Dot 2006 qui réunissait 35 pays et des ministres
de l'environnement avec qui les échanges ont pu être fructueux.
Martine Landry
LEST, une junior association militante
"Luttons Ensemble pour la
Sauvegarde de la Terre" est une
junior association, habilitée en
avril 2006. Nous sommes des collégiens bisontins de 14 ans, motivés et déterminés qui ont choisi
de se réunir pour mener à bien
des actions sur tout ce qui touche
à la nature. Sensibilisée depuis
longtemps à la cause de l'environnement et des animaux, j'ai eu envie de créer LEST à la suite de
ma participation à la grande manifestation pour la protection de
l'environnement à Paris qui réunissait plus de 80 associations
en 2005. Je souhaitais " agir " et m'engager dans la voie du militantisme.
LEST a donc pour but de sensibiliser, informer et militer à propos de ce qui se passe ici et ailleurs dans le monde : souffrance
animale, espèces menacées, chasse, pollution, déforestation,
eau, consommation " intelligente ", etc. Nous avons par exemple organisé, pendant la fête de l'Association Sportive de
10 EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
notre collège, une journée sensibilisation et pétitions sur la protection des animaux. Une grande majorité de collégiens est venue signer, visiblement intéressée. Ce fut un tel succès que
nous n'avions pas prévu assez de feuilles de pétitions ! Nous
avons également participé en décembre à Besançon à l'action
"Sang des Bêtes" dirigée contre la souffrance des animaux dans
les abattoirs et la consommation de viande et de poisson. Nous
avons déversé du faux sang par terre, installé des panneaux
d'informations et des pancartes aux slogans " choc " comme "
viande = meurtre " et, enfin, distribué plus de 600 tracts aux passants. Les échanges furent très positifs et enrichissants.
Nous recherchons des jeunes sensibles à l'environnement et
surtout déterminés, en vue de monter d'autres projets, car il
n'est pas toujours facile de s'organiser et de se réunir régulièrement. D'ici là, nous espérons que la nouvelle année sera propice à nos luttes et placée sous le signe du militantisme…
Clélia, présidente de LEST
Retrouvez LEST sur le site Internet :
http://asso.lest.ifrance.com
CARTE BLANCHE AUX BÉNÉVOLES
CARTE BLANCHE AUX BÉNÉVOLES
© Michel Poulain
Quentin a rencontré pour nous…
le spécialiste des myxomycètes
Michel Poulain habite à Montéchéroux (25). Instituteur en
retraite, il consacre tout son temps à des êtres étranges :
les myxomycètes.
Quentin : Mais alors ces myxomycètes, qui sont-ils ?
Michel Poulain : Myxomycète signifie littéralement champignon (mycète) gluant (myxo). Ils étaient autrefois pris pour des
champignons. En réalité, ils n'ont pas beaucoup de points communs avec ces derniers. Ce sont des êtres vivants mobiles et
unicellulaires. Durant la première phase de la vie d'un myxomycète, caractérisée par ses affinités animales, il se déplace grâce
à son pseudopode et ingère des bactéries, des champignons
voire des flocons d'avoines. La cellule microscopique devient
alors visible jusqu'à former une masse rampante (1 cm par
heure) d'aspect gélatineux et plat. Elle peut s'étendre sur quelques dizaines de centimètres. Sa deuxième phase, caractérisée
par ses affinités aux champignons, est la fructification. Le myxomycète s'assèche et se métamorphose en petits amas de
"fruits" contenant des spores. Ces petits amas peuvent mesurer
de moins d'un millimètre à quelques centimètres de hauteur.
Q : Comment t'es-tu intéressé à cet univers atypique ?
M P : Autrefois, j'étudiais et photographiais les champignons.
Un jour, une élève m'apporta quelque chose qui me semblait
être un myxomycète. J'ai contacté une spécialiste savoyarde,
Marianne Meyer, qui me le confirma. Depuis, je travaille avec
elle car je me suis spécialisé dans la photographie et le dessin
de myxomycètes. Ils me sont envoyés du monde entier.
Q : Au microscope, on dirait une brindille qui supporte une
boule de discothèque. C'est scintillant !
M P : Les couleurs font partie des critères de détermination. Ce
travail s'effectue principalement lors de la fructification car c'est
à ce stade que les myxomycètes se différencient vraiment. Il
existe des sporophores ("fruits") aux formes, coloris et ornementations extraordinairement variés. Mais mon travail consiste
plus à les représenter visuellement pour des publications plutôt
que de les déterminer.
Q : Où pouvons nous trouver des myxomycètes ?
M P : Il s'en cache partout dans la nature, autour de la matière
végétale en décomposition comme les troncs, les branches ou
les feuilles mortes. La condition favorable est l'humidité.
Certaines espèces nivales apparaissent sur des herbes lors de
la fonte des neiges. Munis d'une loupe, certains repèrent les
sporophores très facilement. Ce n'est pas mon point fort.
Lorsqu'ils sont en "fruits", ils peuvent se conserver longtemps
s'ils sont à l'abri dans une boîte d'allumettes. J'en ai déjà photographié un, datant de 1912.
Quentin Le Tallec
La chronique historique de Lucie : il était une fois l'écologie…
CHAPITRE I : L’OR BRUN
Charles Quint, les forges profitent de l'indépendance de la province qui se traduit par des privilèges et une certaine liberté.
Durant tout le XVIe siècle, l'établissement de Fraisans a acquis
et gardé une renommée assez importante à tel point qu'on le
présenta comme "l'usine la plus considérable qui
soit sur le Doubs" et Nardin fut même anobli.
Mais cette politique d'encouragement eut des effets imprévus et négatifs : la diminution et même
la ruine du massif de Chaux fit perdre de l'argent
au roi et plongea dans la pauvreté les usagers
privés de leur matière première. Par comparaison, un foyer métallurgique consommait une
quantité de bois qui pouvait servir à 600 ménages ! Les paysans en eurent assez de la cupidité
de ces quelques seigneurs qui rasaient des pans
entiers de forêt pour alimenter le feu des forges.
Philippe II, puis des Archiducs, vont prendre des
initiatives pour instaurer une politique de contrôle
et de centralisation. A suivre…
Après le désastre des guerres de la fin du XVe siècle menées
surtout par la France, la souveraine habsbourgeoise,
Marguerite d'Autriche, tente au début du XVIe
de redonner une certaine prospérité à la
Comté. Partout les terroirs sont restaurés, les
chemins et les ponts sont réparés ou rebâtis.
La régente encourage en particulier l'industrie
franc-comtoise et un essor nouveau est donné
aux forges de Fraisans, au bord de la forêt de
Chaux, qui avaient cessé leurs activités au siècle précédent. Le 27 mars 1526, elle octroie à
Pierre Nardin de Besançon une concession
comprenant les bois et les étangs de
Dampierre, ainsi que le petit bras du Doubs,
pour construire une maison et des forges. En
échange d'un cens ou d'une redevance, il lui
est aussi permis de prendre tout le bois nécessaire dans la forêt de Chaux afin de produire le
charbon qui alimentera ses forges. Puis avec La forge - Louis Le Nain (1648)
Lucie Grandemange
EMPREINTES n°5 - Hiver 2007
11
AGENDA
AGENDA
Exposition
Jusqu’au 31 mars
Exposition
“Préservons nos ruisseaux”
Pourquoi préserver les petits cours
d'eau à l'origine des rivières et des
fleuves ? Quelle biodiversité est
associée à ces milieux ? Qu'est-ce
que le programme Life ? Comment
sauvegarder, par des gestes simples, les richesses naturelles de ces
ruisseaux ? Cette exposition est ouverte au public à la
Maison du Parc du Haut-Jura à Lajoux.
Cinéma
Jeudi 15 février
Projection débat: “Une vérité qui dérange”
Pour ceux qui l'auraient raté, Jura Nature
Environnement propose une séance de rattrapage
pour “Une vérité qui dérange". Ce documentaire sur le
combat d'Al Gore contre le réchauffement climatique
est le premier film catastrophe dont les responsables
et les victimes sont dans la salle.
A Dole à 20 heures - Cinéma Studio - MJC Dole
Contact : JNE - Tél. 03-84-47-24-11
Conférences
Conférences de Jean-Philippe Paul
de la LPO Franche-Comté
“Le changement du climat et les oiseaux migrateurs”
Vendredi 16 février à Vesoul (70)
Dimanche 18 mars à Sermamagny (90)
Contact : LPO Franche-Comté - Tél. 03-81-50-43-10
www.mre-fcomte.fr/migrationhirondelles
Manifestation
Samedi 17 mars
Manifestation contre l’EPR
Alors que 84 % des Français plaident en
faveur des énergies renouvelables, la
construction du réacteur EPR à
Flamanville en Basse Normandie bafoue
la démocratie : l'avenir énergétique de la
France doit être choisi par tous. A la veille
des élections présidentielles et législatives, manifestons ensemble à Lille, Lyon,
Rennes, Stasbourg et Toulouse.
Départ en bus pour Strasbourg de Dole,
Besançon, Belfort.
Contacts : Hervé Prat au 03-84-70-52-55
([email protected]) ou Annie Griffon au 06-83-44-73-06 - Pour en savoir plus : www.stop-epr.org ou www.mre-fcomte.fr
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sain et une nature préservée.
Pour soutenir l'action de FCNE en faveur de l'environnement, je fais un don de :
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30€
50€
100€
autre montant : __________
Je recevrai 4 numéros d'Empreintes, un livret sur la récupération des
eaux pluviales et un reçu fiscal (votre don est déductible de vos impôts
à 66%, un don de 75 euros ne coûte en réalité que 26 euros).
Je m'abonne à Empreintes pour un an (4 numéros)
à partir du n° 5 (hiver 2007)
à partir du n° 6 (printemps 2007)
Je joins un chèque de 10 euros à l'ordre de Franche-Comté Nature
Environnement, Maison régionale de l'environnement - 15 rue de
l'industrie - 25000 Besançon
Mes coordonnées :
Mme
M.
Nom : ____________________ Prénom : _________________
Adresse :___________________________________________
Ville : __________________ Code postal : ________________
E-mail : ____________________________________________
ABONNEMENT
EMPREINTES
Pour agir, Franche-Comté Nature Environnement a besoin de
fonds. Les aides publiques sont en voie de disparition, les associations des espèces très menacées !