Maquette empreinte 5.. - La maison de l`environnement de Franche
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E EMPREINTES MPREINTES Le journal trimestriel de Franche-Comté Nature Environnement Hiver 2007 - numéro 5 - 2,50 euros Le lynx boréal, fantôme de nos forêts DOSSIER : Le réchauffement climatique en Franche-Comté Rencontre du 3e type : les myxomycètes ÉDITO ÉDITO 2007, une année pour les climats de notre planète ? L’ humanité trouve sans doute dans ses origines africaines un certain confort dans le réchauffement actuel : il suffit de constater comment a été apprécié le dernier automne, (presque 3 °C de plus que les moyennes saisonnières européennes sur la période 1971-2000)… Loin de nous en inquiéter, il est plus facile et sans doute très profondément ancré en nous de nous en accommoder, quand d'autres se réjouissent clairement du dégel des sols sibériens pour développer des activités agricoles… L'absence de rupture, à notre échelle, dans les phénomènes nous force aussi à nous habituer tout doucement aux changements. Une chose semble certaine : y trouver quelque intérêt relève d'une vision égoïste, égocentrique et à très court terme : c'est oublier les populations humaines qui souffriront des transformations climatiques, comme on le voit avec le développement actuel du désert saharien et ses milliers d'émigrés qu'il envoie sur les routes d'Europe. C'est surtout oublier que la Terre est habitée par toute une vie nombreuse, variée et que nous sommes dès maintenant en train de déposséder de ses habitats : l'exemple des difficultés que rencontrent les espèces arctiques est éloquent. Il semble évident qu'avec la raréfaction de toute cette vie, c'est notre espèce qui sera une victime prochaine des transformations climatiques, directement ou indirectement… Toujours est-il qu'il est bien laborieux de développer de nouvelles stratégies, même lorsque l'on a conscience de leur nécessité et de leur urgence. Notre pays s'est engagé avec le processus de Kyoto à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Mais quand on observe les décisions prises, leur timidité ou leur absence, on ne peut qu'être dubitatif sur notre volonté politique, nos capacités… Pourtant, un rapport remis le 9 octobre dernier au gouvernement démontre les possibilités et les urgences dans le domaine des énergies renouvelables, car les solutions ne seront pas univoques ; particulièrement dans le développement des économies des énergies fossiles : agir sur les transports, sur la construction dans le bâtiment, sur l'urbanisme et le type d'habitat, plus concentré, économisant matériaux, espace et déplacements. Au-delà, c'est toute notre économie et tout notre mode de vie qui doivent se transformer pour répondre à cet enjeu, sans doute vital. Une chose est certaine, il ne faudra pas se réveiller en 2049 pour se décider à décliner les objectifs prévus aujourd'hui pour 2050 ! Souhaitons-nous donc bon courage pour que 2007 soit une année de transformations des consciences et des volontés ! Gilles Sené président de Franche-Comté Nature Environnement 2 EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 SOMMAIRE L’actualité en brèves.......p.3 Consommer autrement.....p.4 Les labels comme guide de consommation p.5.........Hérisson qui pleure : Les poissons changent de sexe p.5..........Hérisson qui rit : Foussemagne, un village plein d’énergie p.6/7...... DOSSIER Le réchauffement climatique en Franche-Comté Les écogestes au quotidien....p.8 - Faites la lumière sur votre éclairage - Réchauffons-nous sans réchauffer la planète ! Nature en Franche-Comté...p.9 Le lynx boréal, fantôme de nos forêts La parole aux associations.....p.10 - Michel Georges, lobbyiste associatif - LEST, une junior association militante Carte blanche aux bénévoles......p.11 - Rencontre du 3e type : les myxomycètes - Il était une fois l’écologie POUR EN SAVOIR PLUS ! Vous voulez en savoir plus sur les articles d’Empreintes ? Retrouvez les adresses utiles, bibliographies, agenda... sur le site Internet de la Maison régionale de l’environnement : www.mre-fcomte.fr EMPREINTES n°5 Trimestriel - Hiver 2007 Franche-Comté Nature Environnement MRE - 15 rue de l'industrie - 25000 Besançon Tél. 03-81-80-92-98 / [email protected] Directeur de la publication : G. Sené Comité de rédaction : E. Bunod, C. Erbs, L. Grandemange, M. Landry, E. Leboucher, Q. Le Tallec, G. Sené Rédacteurs : E. Bunod, C. Erbs, L. Grandemange, M. Landry, E. Leboucher, Q. Le Tallec, C. Pulido-Ferrois, P. Raydelet, G. Sené. Illustrations et photos : P. Raydelet (p1, p2, p9), N. Abraham (p1), M. Poulain (p1, p11), W. Flaxington (p5), M. Landry (p5, p8, p12), P. Collin (p6, p12), JM. Gérard / GNFC (p7), L. Bettinelli (p7), NASA (p7), LEST (p10). Conception graphique et mise en page : E. Bunod Dépôt légal janvier 2007 / ISSN : 1779-871X Impression : Imprimerie Simon - BP 75 - 25290 Ornans Imprimé sur papier recyclé. L’ACTUALITÉ EN BRÈVES L’ACTUALITÉ EN BRÈVES 7 Les Américains “eco-friendly” ? Vous avez dit combien ? orifices et un distributeur de sac à crottes, c'est ce que possède la poubelle du futur, installée depuis décembre au cœur de Lausanne. Appelée Ecopoint, cette poubelle géante de 2 mètres de haut avec un design ravageur et d'une capacité de 1 000 litres, attire la curiosité des habitants et des passants. Vous pouvez ainsi déposer dans chaque trou d'une couleur différente votre cannette de bière, votre bouteille de Jura, les piles du radio réveil (qui n'a pas marché ce matin), votre magazine people, la bouteille de cola, le mégot de cigarette ou le popo de votre chien, bref, une poubelle complète qui permet d'agir pour l'environnement tout en vidant ses poches et ses sacs de déchets. C'est Summit Foundation qui a réalisé le prototype, actuellement mis à l'essai par la ville jusqu'à fin janvier. Elle remporte déjà un franc succès et il se pourrait donc que d'autres de ces points écolos fleurissent à Lausanne ou dans d'autres villes suisses. Kokopelli lourdement condamné Kokopelli est un personnage mythique des traditions amérindiennes, joueur de flûte symbole de fertilité, de joie, de fête et de longue vie. C'est aussi l'emblème de l'association du même nom qui milite pour rendre accessible aux jardiniers plus de 2 000 variétés potagères anciennes, redonner des semences traditionnelles aux paysans du tiers-monde et préserver l'agriculture paysanne. Mais toutes ces semences posent un gros problème aux firmes semencières et à certaines structures liées à l'agrobusiness : elles ne sont pas inscrites au "catalogue". Ce catalogue officiel répertorie toutes les variétés potagères et agricoles homologuées qui peuvent être commercialisées. La cour d'appel de Nîmes, saisie par l'État et deux structures interprofessionnelles, vient de condamner Kokopelli à plus de 18 000 euros d'amende pour "vente de semences non inscrites". Cette condamnation, contraire au droit européen qui permet la conservation de semences en risque d'érosion génétique, risque d'être fatale à l'association qui se pourvoit en cassation et assigne l'État devant la cour européenne de justice. www.kokopelli.asso.fr DAN E S LE MOND FRANCE N E FRANCHE-COMT É EN Le vert gagnerait-il les États-Unis ? La Californie adopte une loi contre les gaz à effet de serre (le Global Warming Solution Act en août 2006), sept états de la Côte Est lancent un programme de stabilisation et de réduction de leurs émissions (Regional Greenhouse Gas Initiative), les compagnies privées adoptent des comportements responsables… Il semblerait donc que le "green" soit très tendance, puisqu'il était du dernier chic pour les fêtes d'offrir des éoliennes de jardin ou encore des "super classy green gifts", du type écharpe en alpaga équitable tricotée par des dames boliviennes. La consommation de produits bios explose, Léonardo Di Caprio n'est plus le seul acteur à investir temps et argent dans l'écologie, tout Hollywoood est devenu eco-friendly. L'Amérique, contrairement à son président, renoue ainsi avec une vieille tradition puisqu'elle fut dans les années 50 et 60, une pionnière en matière de préoccupations environnementales. La publicité peut nuire gravement à l'environnement L'environnement est à la mode. De plus en plus de publicités utilisent abusivement l'argument écologique pour vanter comme "bon pour l'environnement" des activités et des produits en réalité polluants. "En donnant une image "verte" à des entreprises, des services et des produits qui ne le sont pas, ce "blanchiment écologique" des activités industrielles et commerciales minimise et banalise la nécessité impérative de changer nos comportements de consommation” explique l'Alliance pour la planète, une coalition des principales associations françaises de défense de l'environnement. Pour interpeller les pouvoirs publics et les professionnels, ce collectif a mis en ligne sur son site (www.lalliance.fr) trente publicités commentées démontrant l'abus de l'argument écologique au regard de la loi ou des recommandations du BVP (Bureau de vérification de la publicité). Exemple avec Total, dont le slogan "Pour vous, notre énergie est inépuisable" est en complète contradiction avec son activité pétrolière et gazière ; les carburants issus de la biomasse ne représentaient en 2005 pour Total que 1,2 % de son offre de carburant en France. Concernant l'énergie éolienne, Total veut faire croire que son activité en ce domaine est importante. Or, l'entreprise n'a mis en service en France, en tout, que cinq éoliennes, en 2003, près de Dunkerque. Vergers Vivants dans le Pays de Montbéliard La Franche-Comté est riche de vieux vergers, dont beaucoup sont laissés à l'abandon depuis quelques décennies. L'association Vergers Vivants, créée en mars 2006, a pour vocation de préserver ce patrimoine fruitier. Actuellement à l'œuvre sur le Pays de Montbéliard pour le compte de la communauté d'agglomération, l'association recense les fruitiers : repérages sur photos aériennes, envoi d'un prospecteur sur le terrain pour le diagnostic et saisie sur base de données. Ce recensement doit permettre de définir par secteur la nature des interventions futures prioritaires (taille, coupe du gui, débroussaillage, replantation…) et d’orienter un programme d'actions en vue de la revalorisation des vergers de plein champ du Pays de Montbéliard. Contact : Vergers Vivants, Tél. 03-81-37-82-26 - [email protected] Covoiturage en Franche-Comté Plus de 1 000 trajets de covoiturage en Franche-Comté sont déjà enregistrés sur le site www.covoiturage.besancon.fr. 580 trajets concernent des déplacements au départ ou à l'arrivée d'une ville du Grand Besançon. Mis en ligne fin 2006, ce projet qui connaît un vif succès est à l'initiative des collectivités territoriales locales et de l'Ademe. Il permet de s'inscrire facilement sur une liste de covoiturage afin de pouvoir voyager de façon économique, écologique et conviviale. Les recherches de trajets sont simples à effectuer. Il est possible de préciser ses centres d'intérêts, de choisir un conducteur ou un passager fumeur ou non, accompagné d'un animal ou non. EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 3 CONSOMMER AUTREMENT CONSOMMER AUTREMENT LES L ABELS comme guide de consommation Sensibilisé aux problèmes environnementaux, vous prenez soin de choisir vos produits en fonction des labels qu'ils arborent ? Mais attention, chaque petit sigle vert n'a pas la même signification et ne correspond pas forcément aux arguments avancés. Voici un petit mode d'emploi pour se retrouver dans la jungle des écolabels… Coralie Erbs Un label, qu'est-ce que c'est ? Les écolabels sont des sigles officiels qui garantissent à la fois la qualité des produits qui les portent et leurs faibles impacts environnementaux. Leurs exigences sont fixées après une étude du cycle de vie des produits : extraction de matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie (recyclage ou non). Et pour qu'un produit soit labellisé, il faut qu'il soit conforme à tous les critères établis pour sa catégorie. Les "vrais" labels écologiques Créé en 1992 par la Commission européenne, l'écolabel européen est reconnu dans les 27 pays de l'Union européenne. Il est délivré par AFAQ AFNOR Certification. Environ 400 produits étiquetés de l'écolabel européen sont actuellement disponibles en Europe. La marque NF environnement est la déclinaison française de l'écolabel européen. Elle a été créée en 1991. Peintures, vernis et produits connexes, sacspoubelle, colles pour revêtements de sols, aspirateurs traîneaux, auxiliaires mécaniques de lavage, composteurs individuels de jardin, ameublement - mobilier de bureau et mobilier d'éducation, filtres à café, litières pour chats… font partie des catégories déjà labellisées. Pour les meubles en bois, les labels FSC et PEFC garantissent, normalement, la provenance du bois de forêts gérées durablement dans le respect de l'environnement. Il L'exemple du réfrigératémoigne d'un effort de lutte teur et de l'écolabel européen contre la déforestation. Cependant, le label PEFC, créé par les Pour que l'écolabel européen puisse grands propriétaires de forêts privées, est être attribué à un réfrigérateur, il ne suffit très peu exigeant et peu contrôlé. Il est acpas que l'appareil soit peu gourmand en tuellement au cœur d'une polémique, pour énergie (60 % en moins qu'un réfrigéraavoir labellisé la destruction des forêts priteur moyen), il faut également qu'il gamaires de Tasmanie. rantisse un niveau élevé de performances, que les niveaux sonores soient L'agriculture biologique est cerréduits de même que l'utilisation de tifiée par plusieurs labels. La substances contribuant au réchauffeprincipale, la marque AB, est ment climatique ou à l'appauvrissement délivrée par le ministère de de la couche d'ozone. Il doit être facilel'agriculture. Les agriculteurs ment démonté et recyclé et la disponibibiologiques appliquent des mélité des pièces de rechange doit être gathodes de travail fondées sur le recyclage rantie 12 ans après l'arrêt de la des matières organiques, la rotation des production ! cultures, la lutte biologique et n'utilisent Nous trouvons de plus en plus souvent sur le marché, des produits dont l'emballage porte le "pointvert". Attention, il ne signifie pas que le produit est recyclable ou recyclé, mais simplement que le fabriquant contribue au financement d'un système de collecte sélective et de tri des déchets en vue de leur valorisation. Contribution qu'assume finalement le consommateur. Il n'a aucune signification écologique et ne garantit pas non plus que l'emballage sera recyclé, ni même collecté séparément. Le logo avec la mention "Préserve la couche d'ozone" est faussement rassurant. Cela signifie que le produit ne contient pas de EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 Le Cercle de Moebius est intéressant si le chiffre placé au centre du logo, indiquant la quantité de matériaux recyclés utilisés pour la fabrication du produit, est élevé. Si le logo est vide, il garantit seulement que le produit est recyclable, et non recyclé. Les labels spécifiques Attention aux labels "ambigus" ! 4 CFC, gaz nocif pour la couche d'ozone ; mais celui-ci a été remplacé par le HFC, certes moins nocif, mais toujours très néfaste au niveau de l'effet de serre. Préférez donc plutôt les vaporisateurs manuels, sticks, billes… quasiment pas de produits chimiques de synthèse et refusent les OGM. Les éleveurs pratiquent un élevage extensif. Deux autres labels "Nature et Progrès" (depuis 1964) et Demeter (agriculture biodynamique) offrent toutes les garanties de qualité et sont même plus contraignants que AB. La participation du consommateur est essentielle pour contribuer au succès et au développement de ces écocertifications. L'exigence des consommateurs entraînera la nécessité pour les producteurs de proposer des produits de qualité, fabriqués dans le respect de l'environnement. Il ne vous Pour en savoir plus : reste plus qu'à ouvrir http://www.ecoconso.be l'œil et à essayer les http://www.eco-label.com/french/ produits écolabellisés ! http://www.fne.asso.fr/preventionde chets/dossiers/dossiers6.htm HÉRISSON QUI RIT HÉRISSON QUI PLEURE D Des poissons qui changent de sexe… Un herbicide es poissons qui changent de sexe ou qui présentent des phénomènes d'intersexualité, des oiseaux à la reproduction perturbée, des amphibiens aux métamorphoses ou développement aberrants, des mammifères marins aux troubles immunitaires ou comportementaux… La liste des espèces victimes des dérivés de pesticides est interminable et l'espèce humaine en fait vraisemblablement partie ! Depuis 1999, les scientifiques admettent une "association" entre ces perturbateurs hormonaux et des problèmes de santé humaine : divers cancers (prostate, testicule, sein), fertilité masculine en baisse, malformations des organes reproducteurs, etc. Ces substances utilisées et retrouvées dans les aliments et l'eau, telles que les dioxines et furanes des incinérateurs et autres combustions, les PCB (polychlorobiphényles), les polyphénols, constituent les POP (polluants organiques persistants), métaux lourds et phtalates les complètent. Notre vie en est imprégnée au quotidien : plastiques, peintures, cosmétiques, etc. Le point commun de ces molécules est leur capacité à perturber les messages hormonaux en imitant leur configuration, S en saturant leurs récepteurs, en empêchant ou réduisant leur synthèse ou leur dégradation ; toutes les étapes de leur métabolisme peuvent être touchées. La complexité des problèmes réside notamment dans les doses très faibles où ces substances sont actives : l'atrazine, Rejets d’eaux usées dans la Loue (25) herbicide utilisé dans la culture du maïs et présent dans de nombreux cours d'eau en Franche-Comté, provoque, d'après une étude américaine, un développement ovarien chez un amphibien (Xenopus laevis) de sexe mâle, exposé à des doses de 0,1 microgramme/litre ! provoquerait la Dose en dessous féminisation du des seuils de proxénope mâle cédure d'homologation des pesticides… Les effets de ces substances ne sont également pas directement proportionnels à leur dose : des doses fortes peuvent avoir des effets moins importants que des doses plus faibles. La notion de seuil de protection est donc difficile, voire impossible à définir. Tous ces micropolluants sont présents dans nos cours d'eau. Les stations d'épuration ont en effet leurs limites : elles ne retiennent par exemple pas non plus les restes de médicaments. Ainsi, en Amérique du Nord, des analyses ont révélé la présence dans l'eau de traces d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires, d'hormones, de tranquillisants, etc. Enfin, les effets de différentes molécules mélangées (synergies) sont loin d'être la somme des effets de chacune des molécules prises isolément. Ces molécules sont donc particulièrement dangereuses. Elles doivent le plus rapidement possible disparaître de nos vies. Ce ne sera pas simple, mais a-t-on vraiment le choix ? Gilles Sené Foussemagne, un village plein d'énergie itué à 18 km de Belfort sur la route d'Altkirch, Foussemagne est le dernier village du Territoire de Belfort avant l'Alsace. En moins de vingt ans, sa population a doublé atteignant aujourd'hui 1 064 habitants. Le maire, Louis Massias, en poste depuis 1988, a vu sa commune changer : une volonté de la municipalité pour l'environnement est à l'œuvre. Le déclic est venu notamment lors de la lutte contre la construction de l'aéroport de Fontaine, village voisin, avec la grande manifestation de 8 000 personnes en 1996. C'est ensuite l'ancienne marnière qui suscite des inquiétudes quant à sa reconversion en centre d'enfouissement de déchets techniques. La commune réussit alors à racheter le terrain qui devient une réserve naturelle, revendue au Conseil général sous la condition qu'elle soit entretenue et ne devienne jamais une décharge. "C'est une vraie prise de conscience des habitants qui souhaitent un cadre de vie amélioré " explique le maire. En juin 2004, le Conseil municipal décide de soutenir les énergies renouvelables en mettant en place un système d'aides pour les particuliers (eau chaude sanitaire, chauffage sanitaire, centrale photovoltaïque, chaudière automatique aux granulés bois et chauffage géothermique). Dans la même logique, en 2005, le Conseil municipal souhaite être acteur du développement durable en souscrivant un contrat qui proposera 100 % d'énergies vertes pour la Mairie-Ecole et la salle polyvalente. Avant l'ouverture du marché de l'électricité aux particuliers en juillet 2007, l'exemple est donné. Côté chauffage, la Mairie-Ecole, constituée de 2 salles de mairie, de 3 salles de classe et de 2 logements, est également équipée d'une chaudière automatique aux granulés bois ; c'est une véritable économie pour la commune. D'autres projets sont en cours, notamment une nouvelle école Haute Qualité Environnementale avec monomur, chauffage au sol avec chaudière à plaquettes, eau chaude solaire et cuve enterrée de 12 000 litres pour récupérer l'eau de pluie. " Toutes ces installations sont pédagogiques ", tout comme le projet de centrale photovoltaïque et d'éolienne. " Si on fait tout ça, c'est par esprit d'initiative, c'est un calcul à faire et je suis prêt à aider, conseiller d'autres communes " confie Louis Massias. Emilie Leboucher EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 5 DOSSIER DOSSIER LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE EN FRANCHE- COMTÉ C'est une réalité : depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, la température globale s'élève, avec l'augmentation des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre. Pour la France, la température a augmenté de 0,9 °C en un siècle. D'autres évènements climatiques se sont transformés en Franche-Comté comme ailleurs : canicules, pluies violentes, crues et inondations… Gilles Sené Des prévisions pour 2050 On peut estimer, par des programmes complexes de simulations et prévisions climatiques, que la température de notre pays devrait augmenter de 1,9 à 2,3 °C d'ici 2050. Les transformations climatiques sont non seulement thermiques, mais aussi pluviométriques ou autres. Suivant un scénario retenu par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), on assisterait ainsi en Franche-Comté, en 2050 (par comparaison aux années de référence 1960-1980) à : - des hivers davantage pluvieux : 810 jours avec plus de 10 mm de précipitations au lieu de 6-8 ; - des étés plus secs : 20 jours maximum consécutifs sans pluie en été au lieu de 15 ; - des canicules plus longues : entre 10 et 20 jours au lieu de 3 à 10 ; - un risque augmenté de vents forts et de tempêtes ; - un enneigement réduit à la fois en quantité de neige tombée et en durée (un mois de moins) sur l'ensemble de la région. La qualité de la neige serait affectée : moins sèche, plus lourde. Les évolutions climatiques déjà engagées vont donc se poursuivre : faunes et flores en subissent et en subiront les effets directement et indirectement. Quels effets sur la végétation ? Outre les conditions de sols, les espèces végétales sont étroitement liées aux conditions climatiques. Il est donc facile d'imaginer les évolutions majeures : 6 EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 Toute la biologie de la plante est affectée : débourrement des bourgeons, floraison, maturation des fruits, sénescence des feuilles à l'automne. Ce sont autant de moments où une fine synchronisation s'établit avec les conditions environnementales. Or, dès maintenant, on constate des avances de 1 à 4 semaines pour l'ouverture des bourgeons et des retards de 1 à 2 semaines pour la chute des feuilles : la période de vie active s'en trouve donc rallongée, ce qui ne manquera pas de provoquer des répercussions sur les grands cycles de la matière, celui du carbone par exemple. Or les capacités génétiques d'adaptation aux nouvelles conditions climatiques des différentes espèces ne sont pas équivalentes. Chaque espèce, chaque population réagit de façon particulière. De nouvelles relations, de nouveaux équilibres sont en recomposition : rencontres entre espèces aux aires actuellement disjointes, compétitions vis-à-vis des ressources alimentaires, etc. Inondations à Arbois (39) en 2006 © P. Collin remontées des espèces vers le nord ou vers les zones de plus haute altitude, réduction des aires de répartition des espèces demandant fraîcheur et précipitations abondantes. Le chêne vert, espèce méditerranéenne, serait ainsi aux portes de la Franche-Comté dès 2050 et le hêtre trouverait son optimum de plus en plus haut en altitude. D'autres espèces disparaîtraient (jusqu'à 2 %) ou seraient en danger critique d'extinction (4 à 22 %, suivant les scénarios) : toutes les plantes ne disposent pas des mêmes capacités à suivre les évolutions climatiques en migrant. Des oiseaux africains en Franche-Comté ? Pour la faune on constate aussi des changements des aires géographiques. Des espèces remontent vers le nord, et ce ne sont pas forcément les plus désirables, comme les processionnaires du pin ou autres parasites. Certains insectes profitent aussi du rallongement de la période favorable pour constituer des générations supplémentaires. En conséquence, leur impact sur les végétaux s'intensifie. Autre exemple, l'apparition de décalages entre les dates d'arrivée et de départ des migrateurs et les abondances de leurs proies. Ainsi, entre 1980 et 2001, les espèces migratrices ont vu leur arrivée en Franche-Comté avancée de 12 2007 jours (pie-grièche écorcheur) à 21 jours ment : le décalage d'une dizaine de l'année la plus chaude ? (milan noir). Les migrateurs partiels arrijours a pour conséquence une survie révent en général encore plus précoceduite des oisillons qui ne trouvent pas de La réapparition d'El Ninõ et les hauts niment, avec plus de 40 jours d'avance quoi se nourrir. veaux persistants de gaz contribuant à l'efparfois. Les phénomènes déclenchant Autres effets observés dans les fet de serre risquent de faire de 2007 l'anles migrations (en Afrique) se trouvent Cévennes, concernant le lézard vivinée la plus chaude jamais répertoriée, en effet en décalage par rapport aux pare, espèce franc-comtoise aussi. d'après des scientifiques spécialisés dans conditions climatiques et environnemenDepuis vingt ans, la taille des femelles la climatologie. Quant à 2006, cinquième tales de Franche-Comté. s'est accrue de 12 %, celle des jeunes année la plus douce depuis 1885, elle resLe réchauffement de la Terre a d'autres de 28 %, la taille des portées de 25 %, tera dans les annales pour avoir été l'année conséquences : plusieurs espèces, les mouvements de dispersion se sont des excès et des records en Franched'origine tropicale ou méditerranéenne, réduits de 50 % et un avancement des Comté : 33 cm de neige en 24 heures à se dirigent de plus en plus vers le nord. dates de ponte est constaté : seul le réBesançon en mars, juillet caniculaire, un Ainsi, le guêpier, oiseau connu pour son chauffement climatique permet d'explimois d'août très arrosé (record à plumage multicolore et surnommé "le quer ces changements aussi divers, Baume-les-Dames)… Et pour finir chasseur d'Afrique", est apparu en morphologiques, physiologiques et l'année en beauté : une poFranche-Comté dans la basse vallée du comportementaux. tentille du printemps a été Doubs en 1977. Sa population a connu aperçue en fleurs le 24 décembre sur le Mont une progression spectaculaire en Incertitudes Vouillot (à 1 100 m d'alFranche-Comté où 407 couples étaient titude) près de Morteau. recensés en 2005 *. La famille des héIntégrer la donne "évoluDu jamais vu ! rons hiverne, quant à elle, de plus en tions climatiques" dans le plus dans notre région. C'est le cas de la travail des gestionnaires, grande aigrette, du bihoreau gris, mais c'est introduire une incertitude Une potentille de Noël ? L'arrivée de grands prédaaussi du héron gardeboeufs © L. Bettinelli teurs tels que le lynx ou le supplémentaire : on parlera que l'on trouve habituelleloup montre tout l'intérêt de tels rééquilid'effets probables dans les difment sur le dos des éléphants brages, comme les difficultés de les viférentes politiques appliquées ou des taureaux de vre collectivement. Mais les évolutions à un territoire. Il faudra analyCamargue. Inconnu dans noclimatiques demanderont un autre niser tant les paramètres sotre région il y a quelques années, il y fait veau de réponse. Ainsi, que vaudront les ciaux, humains, qu'écologimaintenant des apparitions régulières : actuelles zones Natura 2000 que notre ques, en s'appuyant sur des 70 individus ont été aperçus en octopays peine tant à élaborer pour préserprévisions climatiques les plus bre 2006 dans le vignoble jurassien ! ver la nature dans 50 ans ? Sommesfiables possibles, en essayant On nous prêts à envisager de les renégocier de déterminer la capacité de constate en intégrant ces évolutions majeures notre société et celle des écoégalement des décalages enpour les espèces vivantes et la biodiversystèmes (et leurs estre les périodes de reproduction et sité ? Construire dès maintenant de noupèces) à réagir à ces les pics d'abondance de la nourrivelles règles de partage du territoire en évolutions climatiture. Ainsi, en Hollande, c'est le intégrant cette incertitude climatique ques. débourrement des bourgeons de constitue un enjeu majeur qui sera gage Apprendre à vivre avec bouleau qui déclenche la ponte de stabilité et de mieux vivre pour tous. cette incertitude ne des mésanges charbonnières ; sera pas le plus mais le pic d'abondance de simple pour chenilles est lié à celui des notre soCes drôles d'invenGuêpier d’Europe bourgeons de chêne, espèce ciété. © JM Gérard / GNFC tions pour refroidir plus sensible au réchauffe- la planète ! Le climat franc-comtois en quelques chiffres Le climat de la Franche-Comté est déterminé dans ses grandes lignes par la latitude (climat tempéré), sa place en Europe (influences atlantiques comme continentales) et sa topographie (climat étagé, au travers d'une chaîne s'élevant par plateaux jusqu'aux crêts culminants entre 1200 et 1717 m). Les précipitations abondantes, d'origine océanique, varient avec l'altitude : de 700 mm par an dans la vallée de la Saône ou les basses vallées du Doubs et de l'Ognon, elles dépassent les 2 100 mm annuels sur la Haute-Chaîne. Mois pluvieux ou secs alternent un peu indépendamment des saisons. Suivant leur intensité, on parlera d'années à climat plutôt atlantique ou plutôt semi-continental. La neige peut être abondante en altitude (10 à 50 jours de chute) et peut rester présente sur le sol plusieurs mois. Les orages d'été, violents, confirment la continentalité du climat franc-comtois. Les vents dominants sont les vents de sud/sud-ouest (le " vent ") qui apportent les précipitations, tandis que la " bise " souffle les froids secs de l'Europe du nord. Les températures sont très contrastées, entre les - 30 ou - 40 °C hivernaux et les + 38 °C estivaux ; les moyennes annuelles passent ainsi de + 10 °C en plaine à + 2 °C à 1700 m d'altitude. La géoingénierie planche depuis vingt ans sur des moyens à grande échelle pour lutter contre le réchauffement de la Terre. Cette science consiste à manipuler volontairement le climat pour inverser le processus de réchauffement climatique. Les idées ne manquent pas ! Mettre en orbite des "parasols" géants entre la Terre et le soleil, vaporiser de l'eau de mer dans les nuages de basse altitude, étendre des films réfléchissants sur les déserts ou encore faire flotter des îles de plastique blanc sur les océans font partie des propositions les plus délirantes. * source : D. Lavrut à paraître dans Falco EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 7 LES ÉCOGESTES AU QUOTIDIEN LES ÉCOGESTES AU QUOTIDIEN Faites la lumière sur votre votre éclairage L a consommation annuelle d'électricité liée à l'éclairage est en moyenne de 500 kWh par logement, soit environ 15 % de la facture d'électricité. Cette consommation varie en fonction des comportements, des lampes utilisées et du nombre de points lumineux (22 en moyenne pour un ménage dont 5 avec un temps d'utilisation important). Par exemple, laisser 3 ampoules classiques de 75 Watts allumées un soir consomme autant qu'une lessive à 60 °C. Une solution pour réduire sa consommation et son empreinte écologique est d'opter pour des lampes basse consommation (LBC) ou lampes à économie d'énergie, aux endroits éclairés le plus longtemps (cuisine, salon, chambre). Ces lampes ne fonctionnent pas par incandescence mais sur le principe de fluorescence. En comparaison, un lampadaire halogène d'une puissance de 350 W utilisé 3 heures par jour consomme 380 kWh par an soit l'équivalent de 23 LBC et une dépense de près de 41 euros par an. Les LBC consomment 3 à 5 fois moins d'électricité et durent 6 à 8 fois plus longtemps (6 000 à 8 000 heures) que les ampoules classiques. Une LBC de 20 W fournit autant de lumière qu'une ampoule normale de 100 W qui consomme seulement 20 W pour l'éclairage et dont 80 W partent en chaleur inutile ; l'efficacité lumineuse des LBC est donc bien meilleure. Les LBC, qui existent depuis les années 80, ont eu du mal à entrer dans nos foyers mais aujourd'hui 51,1% des Français en possèdent une ou plusieurs. Le prix à l'achat reste encore un frein, malgré une baisse significative (à partir de 5 euros), mais elles sont maintenant disponibles dans la plupart des magasins. Malgré ce prix d'achat plus élevé, le retour sur investissement des LBC est rapide (moins d'un an). Autre avantage, une ampoule de 20 W économise durant sa vie 1 000 kWh soit 60 kg de gaz carbonique et 0,4 kg d'oxyde de soufre produits en moins. Elles présentent cependant quelques inconvénients : elles mettent plusieurs secondes avant de délivrer leur lumière maximale et elles ne peuvent souvent pas être utilisées avec un variateur. Certains disent qu'elles sont moins puissantes car moins éblouissantes mais elles émettent la lumière sur toute la paroi de l'ampoule et non en un seul point. Arrivées en fin de vie, il est important de les remettre entières à une collecte de déchets pour recycler le mercure, l'aluminium du culot et la poudre fluorescente des tubes. Une autre technologie existe ; les ampoules à diodes électroluminescentes (LED ou DEL) pourraient révolutionner l'éclairage car elles consomment très peu (moins d'1W) et durent très longtemps, plus de onze ans de fonctionnement ! On les trouve comme voyants lumineux, dans les lampes de poche et de plus en plus pour les phares de voiture ou les feux de circulation. Seul inconvénient : elles sont encore difficiles à trouver en France mais on peut se les procurer facilement sur Internet pour équiper les lampes de la maison. Emilie Leboucher Réchauffons-nous sans réchauffer la planète 5 à 8 % d'énergie. Dépoussiérer les radiateurs et les grilles des convecteurs une fois par an évite les déperditions et améliore la qualité de l'air. Afin d'éviter de chauffer le mur, vous pouvez placer une plaque couverte de papier aluminium derrière votre radiateur. La chaleur sera ainsi mieux diffusée. Les chaudières doivent également être vérifiées pour maintenir leur efficacité (8 à 12 % d'économie). 1 degré Pour améliorer votre isolation, pensez à La première règle est d'adapter les beinstaller des films thermo-rétractables sur soins en chauffage à votre rythme de supplémentaire, c'est vos vitres ou encore, afin de réaliser une vie. Réglez votre thermostat à 19 °C 7% de dépense climatisation l'été, faites pousser des quand vous vous levez et le soir dès plantes grimpantes à feuilles caduques que vous rentrez. La nuit et quand énergétique en plus ! sur les murs exposés au sud de votre maivous partez, descendez-le à 16 °C ; son. si vous êtes absent quelques jours, n'oubliez Enfin, évitez de mettre des sièges près des parois froides telpas de le positionner en hors-gel. Si vous les que les baies vitrées ou des portes-fenêtres. L'inconfort lié n'en avez pas, équipez vous d'un thermostat à la sensation de froid que vous ressentirez vous incitera à d'ambiance, vous pouvez désormais bénéfiaugmenter inutilement le chauffage. cier d'un crédit d'impôt de 25 à 40 % lors de son achat. Coralie Erbs Entretenir vos appareils vous permettra d'économiser Saviez-vous que le chauffage représente 40 à 60 % de votre facture énergétique et que vous pouvez économiser jusqu'à 75 euros par an en adoptant des gestes simples, intéressants pour votre portefeuille et indispensables pour la protection de l'environnement ? “ 8 EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 ” © Patrice Raydelet NATURE EN FRANCHE-COMTÉ NATURE EN FRANCHE-COMTÉ Le LYNX BOREAL, fantôme de nos forêts Durant presque un siècle, l'homme a vécu sans le lynx. Le retour du félin a été diversement apprécié et a suscité de nombreuses interrogations. Plus de trente ans après, sans chercher à occulter les attaques sur les ovins, les prédicateurs mal intentionnés doivent reconnaître que le lynx n'est pas le tueur sanguinaire annoncé… G Patrice Raydelet, photographe animalier, correspondant du Réseau Lynx pour le Jura ros chat débonnaire ou tueur insatiable ? L'image que l'on se fait du lynx, dépend d'abord de nos propres convictions et ne correspond pas forcément à la réalité. Comme pour l'ours et le loup, la façon dont on perçoit le lynx est intimement liée à la vision que l'on a du prédateur. Pourtant, des deux descriptions ci-dessus, la première se rapproche davantage du comportement de l'animal. Pour le félin, l'homme ne représente ni une proie ni un prédateur. Il n'est pas farouche, n'a pas peur s'il n'est pas surpris, peut se montrer curieux et jamais agressif. Il nous observe plus que nous ne le voyons et les contacts sont pratiquement toujours le fruit d'un délicieux hasard. Le lynx n'en demeure pas moins le fantôme de nos forêts comtoises. Diverses anecdotes décrivent des rencontres inopinées où l'animal observé n'a pas pris ombrage de la présence humaine et dans certains cas, il est même venu voir de plus près le spectateur ! La légende, tenace, faisant du lynx un tueur insatiable est totalement erronée. Animal solitaire, ce chasseur de chevreuils et de chamois exploite ses proies au maximum en revenant plusieurs jours sur le cadavre. Les suivis parallèles des populations de lynx et d'ongulés montrent que dans les pays où ces espèces se côtoient, un équilibre s'instaure. D'ailleurs l'implantation du prédateur dans le grand Est de la France est concomitante à l'explosion démographique des populations de chevreuils. Il existe néanmoins des situations dans lesquelles les prélèvements sont plus importants. Ces attaques plus Patrice Raydelet est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le lynx. Le lynx boréal, paru en octobre 2006 aux éditions Delachaux et Niestlé, est destiné aux passionnés comme aux néophytes. nombreuses, avec des exploitations minimales des proies, sont observées sur le front de colonisation. En effet, lorsque le lynx arrive dans une région d'où il avait disparu, les populations d'ongulés ont perdu l'habitude de côtoyer leur prédateur. Les chevreuils sont donc plus vulnérables car moins vigilants et sont prélevés en plus grand nombre. Mais une situation d'équilibre s'établit au bout de quelques années. © Patrice Raydelet Présent historiquement sur l'ensemble du territoire, le déclin du lynx s'est amorcé au Moyen Age. En Franche-Comté, l'espèce s'est raréfiée progressivement à partir des XVIIe et XVIIIe siècles. Durant cette période, seules deux captures sont mentionnées à Etupes en 1640 et Goumois en 1768. Le dernier lynx jurassien semble avoir été abattu à Salins-les-Bains en 1885. C'est en tout cas le dernier spécimen recensé. Le retour du félin dans le massif jurassien est attesté le 20 octobre 1974. Ce jour là, un chasseur abat une femelle à Thoiry, dans l'Ain. Malgré cet accueil peu amène, la colonisation du massif est amorcée. Il n'est pas inutile de rappeler que les animaux francs-comtois sont tous issus des relâchers effectués en Suisse à partir d'avril 1971. Les seuls lynx réintroduits en France, l'ont été dans les Vosges de 1983 à 1993. En 1978, l'espèce est contactée dans la forêt du Risoux (Jura) et à Indevillers (Doubs). La colonisation du massif jurassien n'est pas (encore ?) uniforme. Depuis son retour, l'espèce a davantage investi les départements de l'Ain et du Jura. C'est dans la moitié Sud du Jura et le Nord-Est de l'Ain que se trouve le " noyau historique " de la population. L'expansion géographique de l'espèce est toujours active, notamment dans le Nord Franche-Comté où une jonction avec la population vosgienne semble se dessiner. Ce qui serait bénéfique au niveau génétique, avec un brassage des populations, et à terme, l'établissement d'un seul noyau de population dans le Grand Est de la France. Depuis le retour du prédateur, la population du massif jurassien constitue le noyau principal de la population française. Ce leadership est notamment perceptible au niveau de l'activité démographique. De 1982 à 2004, 18 cas de reproduction ont été relevés dans les Alpes, 63 dans les Vosges et…173 dans le massif jurassien. Mais cela n'augure pas pour autant de la présence de "troupeaux" de lynx en Franche-Comté ! D'abord parce que la mortalité juvénile est élevée chez cette espèce et ensuite car les subadultes dispersent et ne peuvent s'installer sur des territoires déjà occupés par des adultes résidents. Au regard de ces quelques données, on s'aperçoit que le retour du lynx dans le massif du Jura est une réussite d'un point de vue naturaliste. Il reste néanmoins beaucoup à faire pour que son image, trop souvent écornée, reflète simplement la réalité. EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 9 LA PAROLE AUX ASSOCIATIONS LA PAROLE AUX ASSOCIATIONS Michel Georges, lobbyiste associatif La vie de responsable associatif n'est pas de tout repos : un agenda de ministre, un moral d'acier, une santé de fer et même des dispositions pour les langues sont absolument indispensables. Exemple avec Michel Georges, administrateur de FrancheComté Nature Environnement et Haute-Saône Nature Environnement et lobbyiste associatif. T out commence au niveau local, par la présidence d'une association de pêcheurs, la Gaule vésulienne. L'adhésion à la fédération départementale de protection de la nature, HauteSaône Nature Environnement ouvre ensuite les portes d'une dizaine de commissions et comités, essentiellement sur la thématique " déchets ", un sujet dont les associations se préoccupent depuis plus de trente ans. Commence alors un véritable sacerdoce : réunions multiples, déplacements, plongée dans des dossiers administratifs au contenu ésotérique, discussions acharnées avec des élus ou des industriels souvent peu réceptifs aux problèmes environnementaux… Toutes ces réunions, où la présence des associations est souvent requise par la loi, ne sont pas défrayées, ni en temps, ni en déplacements. Fort de ces expériences et armé d'une solide compétence sur les déchets, Michel Georges décide ensuite de rejoindre le réseau Déchets de France Nature Environnement dont les bénévoles assurent diverses représentations nationales et travaillent avec l'Ademe et le ministère de l'écologie et du développement durable, entre autres. Il est nommé membre du collège associatif de la société Eco-emballages, au côté des Amis de la Terre, Agir pour l'Environnement, des associations de consommateurs… Société privée agréée par les pouvoirs publics, Eco-emballages a été créée par les industriels pour répondre au décret du 1er avril 1992 obligeant les entreprises à contribuer à la gestion de leurs emballages ménagers. Elle perçoit donc une taxe d'un centième de centime d'euros par emballage (ceux marqués du point vert), 403 millions d'euros au total pour les emballages français dont elle reverse une partie aux collectivités pour le recyclage, le tri, la valorisation ou la sensibilisation. Tout le travail des militants associatifs va être de pousser cette société à une meilleure répartition de ces aides. Elle ne finance par exemple les collectivités que pour le tri et le recyclage des papiers, cartons, aluminium et bouteilles plastiques, et pas du tout pour les plastiques mous, qui partent directement à l'incinération. "Quand on sait qu'il faut 2 litres de pétrole pour fabriquer 1 kg de ce plastique et qu'il part en fumées nocives ! " fulmine Michel Georges, qui réagit aussi contre le luxe déployé dans certains colloques organisés par la société. Mais ces congrès permettent de rencontrer d'autres militants européens, comme lors du congrès Pro Europe Green Dot 2006 qui réunissait 35 pays et des ministres de l'environnement avec qui les échanges ont pu être fructueux. Martine Landry LEST, une junior association militante "Luttons Ensemble pour la Sauvegarde de la Terre" est une junior association, habilitée en avril 2006. Nous sommes des collégiens bisontins de 14 ans, motivés et déterminés qui ont choisi de se réunir pour mener à bien des actions sur tout ce qui touche à la nature. Sensibilisée depuis longtemps à la cause de l'environnement et des animaux, j'ai eu envie de créer LEST à la suite de ma participation à la grande manifestation pour la protection de l'environnement à Paris qui réunissait plus de 80 associations en 2005. Je souhaitais " agir " et m'engager dans la voie du militantisme. LEST a donc pour but de sensibiliser, informer et militer à propos de ce qui se passe ici et ailleurs dans le monde : souffrance animale, espèces menacées, chasse, pollution, déforestation, eau, consommation " intelligente ", etc. Nous avons par exemple organisé, pendant la fête de l'Association Sportive de 10 EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 notre collège, une journée sensibilisation et pétitions sur la protection des animaux. Une grande majorité de collégiens est venue signer, visiblement intéressée. Ce fut un tel succès que nous n'avions pas prévu assez de feuilles de pétitions ! Nous avons également participé en décembre à Besançon à l'action "Sang des Bêtes" dirigée contre la souffrance des animaux dans les abattoirs et la consommation de viande et de poisson. Nous avons déversé du faux sang par terre, installé des panneaux d'informations et des pancartes aux slogans " choc " comme " viande = meurtre " et, enfin, distribué plus de 600 tracts aux passants. Les échanges furent très positifs et enrichissants. Nous recherchons des jeunes sensibles à l'environnement et surtout déterminés, en vue de monter d'autres projets, car il n'est pas toujours facile de s'organiser et de se réunir régulièrement. D'ici là, nous espérons que la nouvelle année sera propice à nos luttes et placée sous le signe du militantisme… Clélia, présidente de LEST Retrouvez LEST sur le site Internet : http://asso.lest.ifrance.com CARTE BLANCHE AUX BÉNÉVOLES CARTE BLANCHE AUX BÉNÉVOLES © Michel Poulain Quentin a rencontré pour nous… le spécialiste des myxomycètes Michel Poulain habite à Montéchéroux (25). Instituteur en retraite, il consacre tout son temps à des êtres étranges : les myxomycètes. Quentin : Mais alors ces myxomycètes, qui sont-ils ? Michel Poulain : Myxomycète signifie littéralement champignon (mycète) gluant (myxo). Ils étaient autrefois pris pour des champignons. En réalité, ils n'ont pas beaucoup de points communs avec ces derniers. Ce sont des êtres vivants mobiles et unicellulaires. Durant la première phase de la vie d'un myxomycète, caractérisée par ses affinités animales, il se déplace grâce à son pseudopode et ingère des bactéries, des champignons voire des flocons d'avoines. La cellule microscopique devient alors visible jusqu'à former une masse rampante (1 cm par heure) d'aspect gélatineux et plat. Elle peut s'étendre sur quelques dizaines de centimètres. Sa deuxième phase, caractérisée par ses affinités aux champignons, est la fructification. Le myxomycète s'assèche et se métamorphose en petits amas de "fruits" contenant des spores. Ces petits amas peuvent mesurer de moins d'un millimètre à quelques centimètres de hauteur. Q : Comment t'es-tu intéressé à cet univers atypique ? M P : Autrefois, j'étudiais et photographiais les champignons. Un jour, une élève m'apporta quelque chose qui me semblait être un myxomycète. J'ai contacté une spécialiste savoyarde, Marianne Meyer, qui me le confirma. Depuis, je travaille avec elle car je me suis spécialisé dans la photographie et le dessin de myxomycètes. Ils me sont envoyés du monde entier. Q : Au microscope, on dirait une brindille qui supporte une boule de discothèque. C'est scintillant ! M P : Les couleurs font partie des critères de détermination. Ce travail s'effectue principalement lors de la fructification car c'est à ce stade que les myxomycètes se différencient vraiment. Il existe des sporophores ("fruits") aux formes, coloris et ornementations extraordinairement variés. Mais mon travail consiste plus à les représenter visuellement pour des publications plutôt que de les déterminer. Q : Où pouvons nous trouver des myxomycètes ? M P : Il s'en cache partout dans la nature, autour de la matière végétale en décomposition comme les troncs, les branches ou les feuilles mortes. La condition favorable est l'humidité. Certaines espèces nivales apparaissent sur des herbes lors de la fonte des neiges. Munis d'une loupe, certains repèrent les sporophores très facilement. Ce n'est pas mon point fort. Lorsqu'ils sont en "fruits", ils peuvent se conserver longtemps s'ils sont à l'abri dans une boîte d'allumettes. J'en ai déjà photographié un, datant de 1912. Quentin Le Tallec La chronique historique de Lucie : il était une fois l'écologie… CHAPITRE I : L’OR BRUN Charles Quint, les forges profitent de l'indépendance de la province qui se traduit par des privilèges et une certaine liberté. Durant tout le XVIe siècle, l'établissement de Fraisans a acquis et gardé une renommée assez importante à tel point qu'on le présenta comme "l'usine la plus considérable qui soit sur le Doubs" et Nardin fut même anobli. Mais cette politique d'encouragement eut des effets imprévus et négatifs : la diminution et même la ruine du massif de Chaux fit perdre de l'argent au roi et plongea dans la pauvreté les usagers privés de leur matière première. Par comparaison, un foyer métallurgique consommait une quantité de bois qui pouvait servir à 600 ménages ! Les paysans en eurent assez de la cupidité de ces quelques seigneurs qui rasaient des pans entiers de forêt pour alimenter le feu des forges. Philippe II, puis des Archiducs, vont prendre des initiatives pour instaurer une politique de contrôle et de centralisation. A suivre… Après le désastre des guerres de la fin du XVe siècle menées surtout par la France, la souveraine habsbourgeoise, Marguerite d'Autriche, tente au début du XVIe de redonner une certaine prospérité à la Comté. Partout les terroirs sont restaurés, les chemins et les ponts sont réparés ou rebâtis. La régente encourage en particulier l'industrie franc-comtoise et un essor nouveau est donné aux forges de Fraisans, au bord de la forêt de Chaux, qui avaient cessé leurs activités au siècle précédent. Le 27 mars 1526, elle octroie à Pierre Nardin de Besançon une concession comprenant les bois et les étangs de Dampierre, ainsi que le petit bras du Doubs, pour construire une maison et des forges. En échange d'un cens ou d'une redevance, il lui est aussi permis de prendre tout le bois nécessaire dans la forêt de Chaux afin de produire le charbon qui alimentera ses forges. Puis avec La forge - Louis Le Nain (1648) Lucie Grandemange EMPREINTES n°5 - Hiver 2007 11 AGENDA AGENDA Exposition Jusqu’au 31 mars Exposition “Préservons nos ruisseaux” Pourquoi préserver les petits cours d'eau à l'origine des rivières et des fleuves ? Quelle biodiversité est associée à ces milieux ? Qu'est-ce que le programme Life ? Comment sauvegarder, par des gestes simples, les richesses naturelles de ces ruisseaux ? Cette exposition est ouverte au public à la Maison du Parc du Haut-Jura à Lajoux. Cinéma Jeudi 15 février Projection débat: “Une vérité qui dérange” Pour ceux qui l'auraient raté, Jura Nature Environnement propose une séance de rattrapage pour “Une vérité qui dérange". Ce documentaire sur le combat d'Al Gore contre le réchauffement climatique est le premier film catastrophe dont les responsables et les victimes sont dans la salle. A Dole à 20 heures - Cinéma Studio - MJC Dole Contact : JNE - Tél. 03-84-47-24-11 Conférences Conférences de Jean-Philippe Paul de la LPO Franche-Comté “Le changement du climat et les oiseaux migrateurs” Vendredi 16 février à Vesoul (70) Dimanche 18 mars à Sermamagny (90) Contact : LPO Franche-Comté - Tél. 03-81-50-43-10 www.mre-fcomte.fr/migrationhirondelles Manifestation Samedi 17 mars Manifestation contre l’EPR Alors que 84 % des Français plaident en faveur des énergies renouvelables, la construction du réacteur EPR à Flamanville en Basse Normandie bafoue la démocratie : l'avenir énergétique de la France doit être choisi par tous. A la veille des élections présidentielles et législatives, manifestons ensemble à Lille, Lyon, Rennes, Stasbourg et Toulouse. Départ en bus pour Strasbourg de Dole, Besançon, Belfort. Contacts : Hervé Prat au 03-84-70-52-55 ([email protected]) ou Annie Griffon au 06-83-44-73-06 - Pour en savoir plus : www.stop-epr.org ou www.mre-fcomte.fr Nous avons besoin de votre soutien ! Aidez-nous à continuer notre combat pour un environnement sain et une nature préservée. Pour soutenir l'action de FCNE en faveur de l'environnement, je fais un don de : 20€ 30€ 50€ 100€ autre montant : __________ Je recevrai 4 numéros d'Empreintes, un livret sur la récupération des eaux pluviales et un reçu fiscal (votre don est déductible de vos impôts à 66%, un don de 75 euros ne coûte en réalité que 26 euros). Je m'abonne à Empreintes pour un an (4 numéros) à partir du n° 5 (hiver 2007) à partir du n° 6 (printemps 2007) Je joins un chèque de 10 euros à l'ordre de Franche-Comté Nature Environnement, Maison régionale de l'environnement - 15 rue de l'industrie - 25000 Besançon Mes coordonnées : Mme M. Nom : ____________________ Prénom : _________________ Adresse :___________________________________________ Ville : __________________ Code postal : ________________ E-mail : ____________________________________________ ABONNEMENT EMPREINTES Pour agir, Franche-Comté Nature Environnement a besoin de fonds. Les aides publiques sont en voie de disparition, les associations des espèces très menacées !